Decir vivo a quién antología – Danielle Collobert

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decir vivo a quién antología danielle collobert traducción de Antonio F. Rodríguez


Meurtre (Asesinato)


J’ai l’impression de vivre une mort. Je n’ai plus de centre –non pas qu’il se déplace en moi-même, dans un mouvement continu, perpétuel pour ainsi dire- mais il n’a plus aucune localisation possible. Je n’ai plus d’integrité, d’unité, d’organisation. Que vais-je devenir, ainsi, perdu, arraché, disloqué par le moindre accident qui m’effleure, la moindre rugosité. Il m’était possible auparavant de rouler, dans n’importe quelle situation. Je pivotais sur moi-même, je me retrouvais toujours debout. Chaque mouvement, maintenant, crée en moi une très grande inquiétude. Je ne peux jamais prévoir ce qui va rester en moi-même, absolutment intact. Il n’est pas impossible qu’un jour, il n’est reste rient. Je fuis. Chaque jour, je prends la forme d’un départ. Il n’y a pas de préparatifs à faire. Je décide seulement. Je me lève de l’endroit où je me trouve, je traverse la ville anda toute sa largueur. J’arrive aux faubourgs. Je dois encore aller plus loin, le longs des murs gris, des eaux glauques, des palissades noircies. Je rejoins une vielle route qui monte derrière une usine. En contrebas, les bateaux glissent sur l’eau noir. Il se peut que j’en prenne un –une vielle vedette rouillé, grinçante. Elle descend le fleuve jusqu’au quai au charbon, et s’arrête contre un embarcadère moussu. J’ai traversé le fleuve ainsi, de la rive droite à la rive gauche. Tout, de ce côté, est désert. On aperçoit un dernier village en ruine au pied d’un tas de charbon, et plus rien. Parfois un pan de mur découvre une grande plaine stérile. Des groupes d’hommes marchent vers le Nord, compacts, silencieux, muets. Il es inutile de s’approcher. Je continue ma route vers le Nord. Il arrivera probablement une métamorphose quelconque. Je pourrai alors m’intégrer à l’un de ces groupes de passage, suivre avec eux la tracé qui doit être net, précis, jusqu’au bout. La progression sur cette plaine est difficile. Je m’eloigne du fleuve et la soif gandit en moi. Au début, une sensation inexprimable, gluante, puis une envahissement de viscosité. Je deviens soif, uniquement, totalement. Je retrouve ainsi d’une manière factice, un centre, une totalité. Je cours. Je crie dans la plaine. Aucun des hommes ne se retourne bien sûr. Je recherche la plus petite ombre, la trace d’un puits, l’humidité d’une feuille repliée –rien. Cette quête, peu à peu, perd son sens. Je ne sais si je renonce encore. Je regarde au loin les hommes. Comment font-ils avec cette même soif ? Je voudrais qu’ils me apprennent. Je crie. Je dois commencer à me dessecher. Ma voix déjà ne porte plus. Peu à peu je n’ai plus devant les jeux, que des formes floues. Je tombe. Le cercle se referme. Je me débats encore. Tout devient grisaille. Je parle de moi-même.


Tengo la impresión de vivir una muerte. Ya no tengo centro – no es que se desplace en mí mismo, en un movimiento continuo, perpetuo, por así decirlo – sino que ya no tiene ninguna ubicación posible. Carezco de integridad, de unidad, de organización. Qué va a ser de mí así, perdido, desgarrado, desmembrado por el menor accidente que me roce, la menor rugosidad. Antes me era imposible rodar, no importa en qué situación. Giraba sobre mí mismo, me encontraba siempre de pie. Ahora, cada movimiento crea en mí una profunda inquietud. No puedo prever qué quedará, en mí mismo, absolutamente intacto. No es imposible que un día no quede nada. Huyo. Cada día adopto la forma de una partida. No hay que realizar preparativos. Decido tan sólo. Me incorporo en el lugar en que me encuentro, atravieso la ciudad en toda su amplitud. Llego a los arrabales. Aún tengo que avanzar más allá, a lo largo de los muros grises, las aguas sórdidas, las empalizadas ennegrecidas. Encuentro un viejo camino que asciende detrás de una fábrica. Más abajo, los barcos se deslizan sobre el agua negra. Puede que suba a uno – una vieja lancha herrumbrada, chirriante. Desciende el río hasta el muelle de carbón, y se detiene contra un embarcadero musgoso. He atravesado el río así, de la orilla derecha a la izquierda. De este lado, todo está desierto. Se percibe un último pueblo en ruinas al pie de un montón de carbón, y nada más. A veces un trozo de pared descubre una gran llanura estéril. Grupos de hombres marchan hacia el Norte, compactos, silenciosos, mudos. Inútil acercarse. Continúo mi camino hacia el Norte. Probablemente tendrá lugar metamorfosis cualquiera. Podría entonces integrarme a uno de esos grupos que pasan, seguir con ellos el trazado que debe ser nítido, preciso, hasta el final. El avance en esta llanura es difícil. Me alejo del río y la sed crece en mí. Al principio, una sensación inefable, pegajosa, luego una invasión de viscosidad. Devengo sed, únicamente, totalmente. Encuentro así, de una manera artificial, un centro, una totalidad. Corro. Grito en la llanura. Ninguno de los hombres se gira, por supuesto. Busco la sombra más ínfima, la huella de un pozo, la humedad de una hoja replegada – nada. Esta búsqueda pierde poco a poco su sentido. No sé si renuncio aún. Observo a los hombres a lo lejos. ¿Cómo se las apañan con esta misma sed? Me gustaría que me enseñaran. Grito. Habré empezado a desecarme. Ya mi voz no alcanza. Poco a poco sólo se alzan, ante mis ojos, formas imprecisas. Caigo. El círculo se cierra. Me debato aún. Todo se vuelve gris. Hablo de mí mismo.


Ils m’ont torturé, pétri, dilapidé, piétiné. Mes os sont un émiettement. Je n’ai plus de support. Je suis allongé, paralysé à tout jamais. S’il venait à quelqu’un l’idée de me mettre debout, sur pieds, je me répandrais comme une énorme goutte d’un liquide quelconque, sans forme. Une masse. C’est une sensation à partir du cou. Ma tête a peut-être été épargnée ; je ne peux plus le savoir, ce n’est qu’une sorte d’intuition. Aucun vide manifeste – aucune douleur. Lorsqu’ils ont pris mes poignets et que, sur l’enclume, ils les ont écrasés sous l’énorme pierre, mes mains désarticulées n’ont été traversées que par un fulgurant désir d’évanouissement, d’anéantissement. Je ne souffre plus – mais je meurs doucement, sans fin. Il n’est pas impossible que je sois en train de survivre à un mal plus profond que cet émiettement lui-même. Pourtant je sens encore mon corps – non pas distinctement, mais d’une certaine manière diffuse, impalpable. J’essaie d’en imaginer une partie – ma cuisse, ou mon dos, par exemple – mais aucune sensation réelle, puissante, ne répond à cet effort. Je ne sais donc plus rien sur moi. J’attends. J’attends la fin. Le sursaut.


Me han torturado, amasado, dilapidado, pisoteado. Mis huesos son un desmenuzamiento. Ya no tengo apoyo. Yazgo tendido, paralizado por siempre. Si a alguien se le ocurriera la idea de alzarme, en pie, me derramaría como una gota de un líquido cualquiera, sin forma. Una masa. Es una sensación a partir del cuello. Tal vez hayan respetado mi cabeza; ya no puedo saberlo, no es más que una suerte de intuición. Ningún vacío manifiesto – ningún dolor. Cuando aferraron mis puños y, en el yunque, los aplastaron bajo una enorme piedra, mis manos descoyuntadas tan sólo fueron atravesadas por un fulgurante deseo de desvanecimiento, de aniquilación. Ya no sufro – muero dulcemente, sin fin. No es imposible que esté sobreviviendo a un dolor más profundo que el propio desmenuzamiento. Sin embargo, aún siento mi cuerpo – no con claridad, sino de una manera difusa, impalpable. Trato de imaginar una parte – mi muslo, o mi espalda, por ejemplo – pero ninguna sensación real, poderosa, responde a este esfuerzo. Así pues, ya no sé nada de mí. Aguardo. Aguardo el fin. El sobresalto.


Je ne peux plus dire mon nom. Depuis longtemps je ne peux plus. Je n’arrive pas à l’articuler. Je bafouille désespérément à chaque fois que l’on me pose la question, aussi les gens me demandent-ils presque toujours de le répéter. C’est pour moi quelque chose d’insupportable. J’ai l’impression que je dois le sortir du fond de moimême, comme un crachat. Je m’écorche, je suis à vif. Et aussi soudain, je suis nu, honteux, coupable. Pourquoi suis-je ainsi désarmé. Mon nom. Je trouve étrange souvent, que ce soit justement ce mot que je ne peux plus prononcer. Est-ce que c’est para hasard. Qui sait. J’ai essayé d’en transformer une lettre, une syllabe, pour voir. Mais pas de changement, c’est toujours pareil. Pourquoi me demandent-ils tous mon nom. Quelquefois je m’en imagine un autre, et je le répète longtemps, amoureusement, je pourrais dire. Je décide même de l’adopter, mais ça n’est pas possible. C’est une question de sens. Je ne sais si j’aime mon nom. C’est devenu une chose, un obstacle. Il m’oblige à une lutte permanente. Et pourtant c’est mon bien. À moi. C’est probablement tout ce qui me reste. C’est moi aussi –partout sur des fiches. Parce qu’il y a partout des fiches avec mon nom – en lettres capitales. Comme toujours. J’ai rêvé de l’écrire dans un coin bien à moi. Maintenant ça y est. Je suis dans quatre murs. Mes ongles dérapent. La pierre est dure. Je la creuse difficilement. Au début je l’ai écrit dans un coin, en petit. Je me suis rappelé les murs, les palissades, des murs si sales. Entre des vieilles affiches déchirées, des lambeaux, des bannières. Écrit à la craie, au charbon, tout ce que je trouvais para terre ou dans mes poches. Il fallait faire attention. Quelquefois un gosse surgissait, je ne sais d’où. Généralement, ils s’enfuyait, quand je le regardais. Je me rappelle tout cela, maintenant, et mon nom écrit en lettres énormes dans la ville. Ici j’ai recommencé. C’est la dernière fois. Sur les quatre murs. J’ai choisi celui qui reçoit le soleil le matin, à travers les grilles. En lettres capitales, énormes, avec mes ongles. Bientôt je n’aurai plus d’ongles. J’ai déjà les mains en sang. Il faudra alors que je m’arrête définitivement.


Ya no puedo decir mi nombre. No puedo desde hace tiempo. No logro articularlo. Balbuceo desesperadamente cada vez que me hacen la pregunta, de ahí que casi siempre me pidan que lo repita. Esto es para mí algo insoportable. Tengo la impresión de tener que extraerlo del fondo de mí mismo, como un escupitajo. Me despellejo, estoy en carne viva. Y de repente, a menudo, me siento desnudo, avergonzado, culpable. Por qué estoy así tan desarmado. Mi nombre. A menudo se me hace extraño que sea precisamente esta palabra la que no puedo pronunciar. Será casualidad. Quién sabe. He intentado transformar una letra, una sílaba, para probar. Ningún cambio, siempre es igual. Por qué todos me preguntan mi nombre. A veces me imagino otro, y lo repito largo tiempo, amorosamente, podría decir. Decido incluso adoptarlo, pero eso no es posible. Es una cuestión de sentido. No sé si me gusta mi nombre. Se ha convertido en una cosa, un obstáculo. Me fuerza a una lucha permanente. Y sin embargo es mi pertenencia. Mía. Probablemente, es todo cuanto me queda. También soy yo – por doquier en las fichas. Porque hay fichas con mi nombre en todas partes – en letras mayúsculas. Como siempre. He soñado con escribirlo en un rincón de mi propiedad. Ahora ya está. Estoy entre cuatro muros. Mis uñas resbalan. La piedra es dura. La horado con dificultad. Al principio lo escribí en una esquina, con letra pequeña. Recordé los muros, las empalizadas, los muros tan sucios. Entre viejos carteles desgarrados, jirones, estandartes. Lo escribí con tiza, con carbón, con todo lo que encontraba en el suelo o en mis bolsillos. Había que estar atento. A veces aparecía un chiquillo, no sé de dónde. Normalmente huía cuando lo miraba. Recuerdo todo aquello, ahora, y mi nombre escrito en letras enormes en la ciudad. Aquí he vuelto a empezar. Es la última vez. Sobre los cuatro muros. He escogido el que recibe el sol por la mañana, a través de las rejas. En letras mayúsculas, enormes, con mis uñas. Pronto no tendré uñas. Ya tengo las manos ensangrentadas. Tendré que detenerme entonces definitivamente.


Pris Dans un piège – nous avons été pris dans un piège. Nous sommes entrés là para l’étroit passage qui mène aux cages des fauves. Et puis l’arène. Je l’ai vue à moitié pleine en entrant. Nous nous sommes imbriqués les uns dans les autres, comme les roues d’une machine. Notre masse s’augmente, cela est sensible par la lente vague d’étouffement que nous atteint par la nuque, venant de loin derrière nous –transmise par chaque corps, à l’autre corps, aux autres mitoyens. La peur. Toutes les possibilités de nous détruire. Ils ont toutes les possibilités, contre nous tous. Notre impuissance – nos hurlements sans voix – nos chairs trop brûlantes, trop emmêlées. Une seule respiration. La chaleur s’accroît – la douleur s’accroît – insensible au début de la folie, de la panique. La grande peur qu’ils nous tuent. Déjà, par moments, la question de savoir comment – pour s’apaiser. Nous tuer tous – ou bien, pour raffiner notre supplice, ne tuer qu’un seul – pour nous montrer. S’il meurt enfin –au centre de nous tous, au milieu, ou même au-dessus. Nous regardons – violemment – il n’y a rien à voir. Cet homme – qui est nous – dans le sang, achève de se tordre. De son corps ouvert, petit à petit, nous gagne la sanguinolence de ses entrailles, le cerveau répandu – l’horreur dans la flaque chaude de notre sueur, qui dévore déjà le premier cadavre. Nous avons fait cercle. Nous l’avons piétiné, recouvert peu a peu, en marchant dans la demi-porriture, la sienne, la nôtre. Du ventre, elle gagne les mains, la tête. Reste l’odeur de notre premier cadavre – triomphante. Autour, les barrières, et eux. Mais au centre, les pauvres êtres, démunis, dans la peur, et déjà, le sang –suels –ensamble – avec la même peur, et déjà, la même sang. Ils peuvent tout –oui. Ils nous ont déjà tués. Enfin, ils ont tué l’un de ous, ici. Nous ne pouvons rien. Comment vont-ils continuer. On peut hurler de peur. On ne peut pas. Certains déjà, sont morts, debout. Ils restent accrochés dans la masse compacte, comme une volonté rétrospective de ne pas mourir, de rester avec nous jusqu’à la fin –la nôtre, ensemble. On les remarque à peine. Il y a leur regard terrifiant –les yeux révulsés, qui glacent. Ils sont pris dans l’ondulation lente de notre pâte tout entière. Ils ne bougeront plus. Ceux-là aussi, nous allons les dévorer, petit à petit. Dans notre chair va se mêler le leur, plus chaude et plus noire, pour que nous ne puissions plus vivre sans eux, ni mourir, sans leur rendre leur chair, leur sang, comme aux fantômes errant sans paix. Nous sommes arrivés jusqu’ici pour mourir. Quel chemin parcouru. Pour nous tous, quelle somme de chemins. Ajouter des pays, des origines, des mers différentes, les changements de soleil, de vents, de terres – et les rues, pour chacun, les visages, les regards. Tout cela, dans notre maçonnerie, l’agglomération sauvage de notre détresse. Et dans les yeux de ceux qui restent – des vivants – un souffle, un long halètement,


mais pas une parole, pas un signe. Nous nous reconnaissons pourtant. C’est peutêtre au milieu du front que cela se passe – ni dans les bras, ni dans les mains, nous le savons, car nos membres sont fondus entre eux, avec nos corps. Donc pas de gestes non plus, des présences, partout. Qu’est-ce qui se passe maintenant dans la tête –maintenant- à moi. Un souvenir. La terrasse. Au-dessous, les autres maisons –toute la ville, au-dessous, endormie. Et le vent. Une immense et fraîche légèreté, enveloppante, douce ; le début de la chaleur. Au loin, les reflets de la mer. Un mouvement, au loin, en cherchant. Plus près, juste en dessous, le début de la vie, le réveil. Quelques silhouttes, avec des voitures de fruits, qui sortent de la gare, tournent à gauche. Dans un mur, une ouverture de lumière électrique ; devant, une table avec deux chaises, deux hommes assis, un bol de sorgho dans les mains. Par moments, ils parlent. Les premières odeurs du jour. Les yeux fermés. Fin du souvenir. Nouvelle douleur. La peur reprend. Vite, vite, changer tout de suite, penser à autre chose. C’est une lutte, une course de vitesse. Ne pas laisser la peur s’élargir, se répandre en moi, couler partout, glacée. Dresser un mur, vite, très vite – question de rapidité- mais elle se défend. La prende à la gorge, comme nous sommes pris, et serrer, serrer. Mais elle triomphe. Alors, de nouveau, hurler. Nouveau cycle de la peur. Le commencement, près de la maison. J’ai marché jusqu’au mur. Je suis revenu vers la rue. L’impasse est courte, une trentaine de mètres entre le mur du fond et la rue. Cent fois ce chemin du mur à la rue, avec le froid humide dans le dos. Enfin, tard dans la nuit, ils sont venus me prendre. Je les attendais. Pourquoi n’être pas parti. Impossibilité. Et eux, les autres. Ils attendaient aussi. Non, pas tous. Beaucoup se sont défendus. Il reste sur leur visage les plages tuméfiées par les coups, les boursouflures, les crevasses, les croûtes de sang sur les plaies, les ouvertures béantes des blessures. Ceux-là peut-être n’ont plus peur. Ils savent déjà – en sourdine. Ce sont les plus silencieux d’entre nous, le plus calmes. Leur regard à eux ne voit plus. Ils sont si loin. Dans d’autres souffrances, d’autres tortures. Ils n’entendent plus, non plus, les rafales qui abattent peu à peu les cercles extérieurs, et qui arrivent vers nous, inexorablement, au centre.


En una trampa – hemos caído en una trampa. Hemos entrado por el estrecho pasaje que lleva a las jaulas de las fieras. Y luego la plaza. La vi medio llena al entrar. Nos hemos imbricado unos en otros como las ruedas de una máquina. Nuestra masa aumenta, se percibe por la lenta oleada de ahogo que nos alcanza por la nuca, procedente de atrás, a lo lejos – transmitida por cada cuerpo al otro cuerpo, a los intermedios. El miedo. Todas las posibilidades de destruirnos. Tienen todas las posibilidades, contra todos nosotros. Nuestra impotencia – nuestros aullidos sin voz – nuestra carne demasiado ardiente, demasiado una. Una única respiración. Aumenta el calor – aumenta el dolor – insensible inicio de la locura, del pánico. El gran miedo a que nos maten. Ya, por momentos, la cuestión de saber cómo – para calmarse. Matarnos a todos – o bien, para refinar nuestro suplicio, matar a uno sólo – para exhibirnos. Si muere al fin – en el centro de nosotros, en mitad, o aun encima. Miramos – violentamente – no hay nada que ver. Este hombre –que es nosotros – en la sangre, termina de retorcerse. De su cuerpo abierto, poco a poco, nos alcanza la sanguinolencia de sus entrañas, el cerebro derramado – el horror en el charco cálido de nuestro sudor, que devora ya el primer cadáver. Hemos hecho un corro. Lo hemos pisoteado, recubierto poco a poco, avanzando en la semi-podredumbre, la suya, la nuestra. Desde el vientre se extiende a las manos, la cabeza. Queda el olor de nuestro primer cadáver – triunfante. Alrededor, las barreras, y ellos. Pero en el centro, los pobres seres, exangües, aterrados, y ya, la sangre – solos – juntos – con el primer miedo, y ya, la misma sangre. Lo pueden todo – sí. Nos han matado ya. En fin, han matado a uno de nosotros, aquí. Nada podemos hacer. Cómo seguirán. Podemos aullar de miedo. No podemos. Algunos han muerto ya, de pie. Permanecen unidos a la masa compacta, como una voluntad retrospectiva de no morir, de quedarse con nosotros hasta el fin – el nuestro, juntos. Apenas los advertimos. Está su mirada aterradora – los ojos en blanco, que hielan. Quedan atrapados en la ondulación lenta de nuestra masa. No se mueven. A ellos también, vamos a devorarlos, poco a poco. A nuestra carne se unirá la suya, más cálida y más oscura, para que no podamos vivir sin ellos, ni morir, sin devolverles su carne, su sangre, como a fantasmas que vagan sin paz. Hemos llegado hasta aquí para morir. Qué camino hemos recorrido. Para todos nosotros, qué suma de caminos. Añadir países, orígenes, mares diferentes, cambios de sol, de viento, de tierra – y las calles, para cada cual, los rostros, las miradas. Todo ello en nuestra argamasa, la aglomeración salvaje de nuestro desamparo. Y en los ojos de los que quedan – los vivos – un aliento, un largo jadeo, pero ninguna palabra, ningún signo. Nos reconocemos, sin embargo. Acaso es en mitad de la frente donde pasa – ni en brazos, ni en manos, lo sabemos, porque nuestros miembros están fundidos entre sí, con nuestros cuerpos. Así pues, nada de gestos tampoco, presencias, por todas partes.


Qué es lo que ocurre ahora en la cabeza – ahora – mía. Un recuerdo. La azotea. Abajo, las otras casas – toda la ciudad, abajo, dormida. Y el viento. Un inmensa y fresca ligereza, envolvente, dulce; el inicio del calor. A lo lejos, los reflejos del mar. Un movimiento, a lo lejos, buscando. Más cerca, justo abajo, el inicio de la vida, el despertar. Algunas siluetas, con carros de frutas, que salen de la estación, giran a la izquierda. En un muro, una abertura de luz eléctrica; delante, una mesa con dos sillas, dos hombres sentados, un bol de sorgo en las manos. A ratos, hablan. Los primeros olores del día. Los ojos cerrados. Fin del recuerdo. Nuevo dolor. Se reanuda el dolor. Aprisa, aprisa, cambiar enseguida, pensar en otra cosa. Es una lucha, una carrera de velocidad. No dejar que el dolor se despliegue, me inunde, se derrame por doquier, helado. Erigir un muro, rápido, muy rápido – cuestión de velocidad – pero se defiende. Asaltarle como él nos asalta, y apretar, apretar. Pero triunfa. Entonces, de nuevo, aullar. Nuevo ciclo del miedo. El inicio, junto a la casa. He caminado hasta el muro. Regresé a la calle. El callejón es corto, una treintena de metros entre el muro de fondo y la calle. Cien veces ese camino del muro a la calle, con el frío húmedo en la espalda. Por último, tarde en la noche, vinieron a prenderme. Les esperaba. Por qué no haber partido. Imposibilidad. Y ellos, los otros. También esperaban. No, no todos. Muchos se defendieron. Quedan en sus rostros los surcos tumefactos por los golpes, las hinchazones, las grietas, las costras de sangre sobre las llagas, los abscesos abiertos de las heridas. Ésos quizá ya no tengan miedo. Ellos ya saben – en sordina. Son los más silenciosos entre nosotros, los más tranquilos. Su mirada ya no ve. Están tan lejos. En otros sufrimientos, otras torturas. Ya no escuchan, tampoco, las ráfagas que abaten poco a poco los círculos exteriores y llegan hasta nosotros, inexorablemente, al centro.


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