14 -18 NOTRE RÉGION DANS LA GRANDE GUERRE TOME 7
Sur le Chemin des Dames
HORS SÉRIE - AVRIL 2017 - 5,90€
Édito
Sommaire
De guerre lasse
LA CARTE 04-05 Le territoire de la bataille du Chemin des Dames
ette guerre de 14-18 aura marqué fortement la Picardie, tout en y inscrivant des batailles emblématiques qui marquèrent, de leur côté, des tournants dans le conflit. À l’été 1914, l’offensive allemande bouscule l’armée française qui va reculer en désordre à travers la Somme et l’Oise, y laissant déjà des traces meurtrières, voire de vrais crimes de guerre, comme le martyre enduré par le maire de Senlis, Eugène Odent… Et déjà un cas de « fusillé pour l’exemple » significatif, avec le sous-lieutenant Chapelant, tué le 11 octobre 1914 et qui inspira ensuite le récit des Sentiers de la Gloire, de Stanley Kubrick. Mais, en ces tout premiers mois de guerre, c’est plutôt l’esprit de résistance et de cohésion pour arrêter l’envahisseur qui domine et qui entrera dans l’histoire avec la bataille de la Marne – dont les légendaires taxis s’arrêtèrent en fait aussi dans l’Oise, à Nanteuil-le-Haudoin. Après la stabilisation du front à l’automne, puis l’entrée dans cette longue et inédite « guerre de tranchées », 1916 sera marquée par une nouvelle bataille emblématique. Celle de la Somme, parallèle à celle de Verdun. Là, c’est le symbole du basculement dans la guerre totale qui s’impose. La guerre « moderne », industrielle et inhumaine où les hommes sont déchiquetés et enterrés par un déluge d’obus, accompagnés bientôt d’autres innovations technologiques comme le char d’assaut ou le lance-flammes. Au printemps 1917, l’histoire se transporte cette fois dans l’Aisne, du côté de ce « Chemin des Dames » qui n’avait plus rien à voir avec la sophistication aristocratique de la route carrossable construite pour le passage des filles du roi Louis XV. En cette quatrième année de guerre, l’heure n’est plus à l’enthousiasme guerrier des premiers jours (s’il exista jamais), ni même à l’horreur face aux nouveaux moyens de massacre de masse. Cette nouvelle offensive, à contre-pente à l’assaut du plateau, tout aussi inutile que celles de l’année précédente, devient l’attaque de trop. Surtout dans un contexte marqué par l’effervescence révolutionnaire qui s’annonce à l’est. Le Chemin des Dames est, lui aussi, devenu un temps fort de 14-18, moins pour son aspect stratégique ou militaire, ni même pour son côté meurtrier et dévastateur, que finalement comme illustration de l’exaspération des soldats, de l’extrême lassitude, voire du refus de continuer à se battre dans un conflit semblant être mené de manière de plus en plus absurde et confuse. Plus ou moins sous la contrainte ou plus ou moins dans l’acceptation patriotique du combat – le débat continue d’être vif chez les historiens – la bataille du Chemin des Dames restera, même si les mutineries ont été partielles et avec des motivations diverses, comme le symbole du refus de la guerre par les soldats. Un sentiment passé à la postérité par les strophes anonymes de ce qui deviendra alors La Chanson de Craonne, à jamais associée à ce coin de l’Aisne (lire page 45). Au printemps 1917, ce n’en était pourtant pas fini pour toujours de « cette guerre infâme ». Celle-ci allait encore durer un an et demi. Jusqu’à de nouveaux moments décisifs en Picardie : l’arrêt de la dernière offensive allemande à l’est d’Amiens, puis l’Armistice en forêt de Compiègne. Mais dans la conscience collective, le Chemin des Dames marqua bien un tournant. De la guerre héroïque à la guerre lasse. Et cent ans après, l’intérêt suscité par cette bataille-là perdure. Localement et bien au-delà.
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LE GRAND ENTRETIEN 06-08 Entretien avec Nicolas Offenstadt : « Jamais il n’y a eu autant de désobéissance qu’après l’offensive du Chemin des Dames » 09 AVANT LA BATAILLE 10-11 Percée espérée, hécatombe vécue - Chronologie et bilan 12 Les combats d’Etat-Major : Nivelle remplace Joffre aux armées 13 Mangin impose ses vues à Fismes 14-15 Nivelle écarte Mangin 16-17 L’entrevue de Châlons-sur-Marne qui aurait pu éviter la bataille 18 Du côté allemand : L’opération Alberich 19 LA BATAILLE 20-21 Des failles dans le projet d’attaque français 22 L’attaque avec les cavaliers de Courcy 23 La capacité de nuisance de l’ennemi n’est pas affaiblie 24 Un exemple de tuerie des fantassins 25 Un sinistre été au Chemin des Dames 26 Trois victoires partielles : 1/ La reprise sanglante de Craonne 27 2/ La prise de la Caverne du Dragon 28-30 3/ La victoire de la Malmaison et la Malmaison aujourd’hui 31 LES MUTINERIES 32-33 L’ombre des mutineries 34-37 Les mutineries vues par la Mission Centenaire 38-39 Après Jospin en 1998, que dira Hollande en 2017 ? 40-41 « La Chanson de Craonne » de Guy Marival 42 Denis Rolland : « Plus de fusillés en 1914 et 1915 » 43 Le Soissonnais, foyer de mutineries 44 UNE BATAILLE TOUJOURS ACTUELLE ET PRÉSENTE 46-47 Dans les pas de Noël Genteur 48-49 Gustave Hollande au Chemin des Dames 50-51 Le monument des fusillés de Roucy 52-53 Les fusillés de Vingré et le combat de la Libre Pensée 54-55 Le don de la famille Marfaing 56-57 Les derniers soldats retrouvés, les Tardivel 58-59 La caverne du dragon, l’étape obligée 60-61 Soupir, le village aux 23 000 tombes 62 Deux disques pour mémoire 63 PORTFOLIO 63-67 Les sites de la bataille en images 78 Le programme officiel du centenaire dans l’Aisne
DANIEL MURAZ
ONT PARTICIPÉ À CE HORS-SÉRIE Textes : Nicolas Totet, Hervé Chabaud, Eric Jonneau. Photos : Fred Haslin, Gaël Hérissé, Nicolas Totet, Dominique Touchart ; photo de une : Entrée de la Caverne du Dragon / photo Archives départementales de l’Aisne. Mise en page : Studio PMP. Directeur de la publication : Jean-Dominique Lavazais. Rédacteur en chef du hors-série : Daniel Muraz. Coordination : Véronique Villain. Impression : SIB Imprimerie. Remerciements particuliers à la Mission du Centenaire 14-18, à André Loez, au Conseil départemental de l’Aisne et aux Archives départementales de l’Aisne.
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LA CARTE
Le territoire de la bataille du Chemin des Dames
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AVANT LA BATAILLE
Percée espérée, hécatombe vécue
Des soldats français creusent et dégagent le terrain conquis aux Allemands, sur le Chemin des Dames. PHOTO © ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE L’AISNE
Ce devait être la percée décisive après les batailles sans fin de 1916 à Verdun et dans la Somme. Marquée à la fois par la Révolution russe et l’engagement des Etats-Unis, l’année 1917 est saignée par l’offensive Nivelle du Chemin des Dames, dans l’axe Laon-Soissons (Aisne) jusqu’aux portes de Reims.
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omment un tel nom charmant, presque délicat, en référence aux deux filles de Louis XV qui l’ont emprunté en carrosse, allait-il charrier autant de malheurs et de fureurs en 1917, après déjà des centaines de morts en 1914 du côté de Vendresse ? Un million deux cent mille hommes vont monter à l’assaut du plateau, cette frontière naturelle pentue qui sépare et domine les vallées de l’Aisne et de l’Ailette. Cinq mille canons ont craché six millions d’obus sur les lignes ennemies entre le 6 et le 16 avril. Mais les Allemands sont planqués et protégés dans les grottes et les galeries creusées.
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Au pied du plateau de Californie, le matin du 16 avril, des milliers de soldats français sont séchés dans les barbelés, des centaines de tirailleurs sénégalais surpris par la neige qu’ils prennent pour du coton, sont hachés par les mitrailleurs allemands qui tiennent les points hauts du plateau. À mesure de l’hécatombe, la bataille de France devient « la bataille de l’Aisne », puis celle du Chemin des Dames. Le nom est en quelque sorte rabougri pour tenter de minimiser la portée de l’échec. Le nombre de victimes fait débat. Il est de toute façon effrayant. On parle de 116 000 pertes (morts, blessés, disparus et prisonniers), en seu-
lement dix jours; 250 000 soldats français mis hors de combat en cinq mois, d’avril à août 1917. « Et le monde anxieux attendait de savoir si le petit sentier était enfin franchi », raconte l’écrivain Roland Dorgelès présent au Chemin des Dames. Tout comme le poète Louis Aragon qui parlera du petit sentier comme « l’arête vive du massacre ». NICOLAS TOTET
La chr onologie de l’of fensive et son bilan • 21 février 1917, début de l’opération Alberich le repli stratégique allemand sur la ligne Hindenburg. • 28 février, les 45 000 habitants de Saint-Quentin sont contraints à l‘évacuation au Nord, dans les Ardennes et le Hainaut belge. • 17 mars, en se repliant, les Allemands dynamitent le donjon du château de Coucy. • Le 16 avril 1917 à 6 heures, par un temps détestable, l’ordre d’attaquer est donné au Chemin des Dames qui domine la vallée de l’Aisne sur 24 km entre la Croix de l’ange gardien à l’est de Laon et le vieux Craonne. • Tout au long du front de l’Aisne, de Laffaux à Courcy dans la Marne (60 km d’ouest en est), quatre armées françaises (un million d’hommes dont 10 OOO tirailleurs sénégalais et 20 000 Russes) affrontent la 7e armée allemande de Von Boehm. L’assaut du plateau jusqu’au 30 avril se transforme en hécatombe pour l’armée française. • Nouvelles attaques du 4 au 8 mai à Craonne, Laffaux et Vauclair. • Le 25 juin, la Caverne du dragon est reprise aux Allemands par 2000 poilus et en juillet nouvelle bataille à Hurtebise. • 23 octobre, victoire française au fort de la Malmaison. • 31 octobre au 1er novembre 1917, les Allemands abandonnent leurs dernières positions sur le Chemin des Dames et se replient au nord de l’Ailette. • Bilan humain côté français, du 16 au 30 avril : 16 130 hommes de troupe et 766 officiers sont tués, plus 20 000 disparus et plus de 80 000 blessés, selon un rapport parlementaire de 1919. • Côté allemand, 30 000 à 40 000 tués, blessés et disparus. • En une seule journée le 16 avril, le 208e régiment d’infanterie par exemple, engagé au hameau de Chevreux, perd plus de la moitié de son effectif, 1641 hommes (tués ou blessés). • En trois jours, les chirurgiens de l’hôpital de campagne de Prouilly doivent soigner 1500 grands blessés. Ils ne pourront en opérer que 500… (Source: 1917, le Chemin des Dames, numéro spécial de « l’Aisne » de 2007).
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La « chanson de Craonne » de Guy Marival « C’est une chanson du peuple pour le peuple », appuie Guy Marival, un des historiens de l’Aisne du Chemin des Dames. L’ancien professeur d’histoire-géographie de Laon est l’auteur du livre « La Chanson de Craonne, enquête sur une chanson mythique ».
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l’exception des pires militaristes au cœur de pierre, qui peut rester insensible à ce célèbre refrain « Adieu la vie, adieu l’amour, adieu toutes les femmes, c’est pas fini, c’est pour toujours de cette guerre infâme… C’est à Craonne sur le plateau qu’on doit laisser sa peau ! » Habité par l’histoire tragique du Chemin des dames comme quelques
autres, Guy Marival, 68 ans, a inévitablement le cœur qui palpite quand la chanson de Craonne lui est fredonnée. Le livre qu’il lui a consacré apporte des réponses à l’histoire de cette chanson « maudite parce que pacifiste et antimilitariste » qui hante le pouvoir cent ans après, à tel point qu’elle a été censurée lors des cérémonies de la bataille de la Somme en 2016 (lire cicontre). « D’abord, jamais la chanson n’a été mentionnée dans les mutine-
ries de 1917. Les mutins ont presque exclusivement chanté l’Internationale, explique Guy Marival. Ensuite, la chanson est antérieure aux mutineries ». En consultant des archives militaires, notamment celles de la censure, service de contrôle postal à Vincennes, l’historien axonais en a fait des découvertes. Il cite en référence cette lettre de février 1917 d’un Poilu qui envoie la chanson à sa femme en expliquant :
« c’est une chanson nouvelle contre les embusqués. C’est la seule chanson qui me plaît, parce qu’elle est réelle. C’est la chanson des Poilus », tranche le soldat français. En épluchant des cahiers de chansons des soldats, Guy Marival a déniché jusqu’à trente versions différentes de la chanson, avec des références qui changent dans le refrain, Lorette, Champagne, Somme, Verdun, Argonne et bien sûr Craonne. « Elle devient la chanson du Poilu sans être gravée sur disque comme la Madelon. Comment une chanson pourchassée et clandestine, s’est-elle répandue avec une telle ampleur ? En fait, elle a été échangée en cantonnement, dans les bistrots, les trains les hôpitaux, partout où les soldats des différents fronts ont pu se retrouver », expose l’expert. Pour lui, la chanson n’a pu se diffuser qu’à partir de juillet 1915 et les premières permissions, « quand les soldats ont pu voir les gros bourgeois sur les grands boulevards » La chanson épouse l’air de Bonsoir m’amour, gros succès de 1911, « adieu m’amour, adieu ma fleur », « un air parodié comme l’a été Sous les pont de Paris ». «Elle fonctionne comme une chanson du peuple à la guerre ». Quel en est le tout premier auteur ? Ce mystère-là n’est pas levé pour Guy Marival qui en connaît bien tout l’historique d’après-guerre et son appropriation politique. « Dans le livre La guerre des soldats paru en 1919, Raymond Lefebvre et Paul Vaillant-Couturier participent à la levée de la censure présentant la chanson
de Lorette comme « la complainte de la passivité triste des combattants, avec son sentiment pénétrant très juste sur une musique criarde et mièvre (sic) ». « Le communiste Vaillant-Couturier la récupère à son compte pendant les années trente et veut en faire une expression de la lutte des classes. Le PC et l’association des anciens combattants de l’Arac ne veulent plus faire la guerre pour la bourgeoisie et la chanson est un des emblèmes du combat des pacifistes ». La chanson tombe dans l’oubli après la 2e Guerre mondiale et la grande boucherie de 14-18 ne suscite plus trop d’intérêt, sauf à l’extrême-gauche. « En 1954, Le déserteur de Boris Vian est devenu la chanson des pacifistes et des antimilitaristes. Et la chanson de Craonne a pu se frayer un chemin au cours des années 1960 pour appartenir à notre histoire patrimoniale. Elle est même chantée à la télévision par Ginette Garcin dès 1963 ». Pour l’avoir écoutée chantée a cappella au pied du plateau de Californie lors du 90e anniversaire de l’offensive Nivelle, cet air, au Chemin des Dames, qui vaut à lui seul tous les discours et tous les hommages, continuera, à tout jamais, de vivre. NICOLAS TOTET
À SAVOIR « La Chanson de Craonne, enquête sur une chanson mythique », aux éditions Regain de lecture, 224 pages, 18 €.
Toujours sensible La polémique a ressurgi le 1er juillet 2016, lors de la cérémonie de Fricourt, dans la Somme. Initialement prévue, La Chanson de Craonne a été zappée. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’Etat aux Anciens combattants, s’était défendu de toute censure... Mais la décision semble bien être venue de son cabinet. Pour Guy Marival, en tout cas, « C’est pitoyable. Et je me sens presque offensé après les 200 pages que j’ai écrites pour démontrer que c’est une chanson du peuple pour le peuple avant d’être une chanson antimilitariste. » Cette année, les chœurs de l’armée française sont attendus le 16 avril à Cerny-en-Laonnois. Peu probable que les militaires interprètent la Chanson de Craonne. En revanche, Guy Marival n’imagine pas l’air interdit au cours du centenaire du Chemin des Dames. Elle sera bien chantée « sur le plateau ».
La Chanson de Craonne
(dans une de ses versions les plus connues)
Guy Marival a enquêté longuement pour raconter l’histoire de l’emblématique « Chanson de Craonne ».
Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé, On va r’prendre les tranchées, Notre place est si utile Que sans nous on prend la pile. Mais c’est bien fini, on en a assez, Personn’ ne veut plus marcher, Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot On dit adieu aux civ’lots. Même sans tambour, même sans trompette, On s’en va là haut en baissant la tête.
C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards Tous ces gros qui font leur foire ; Si pour eux la vie est rose, Pour nous c’est pas la mêm’ chose. Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués, F’raient mieux d’monter aux tranchées Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien, Nous autr’s, les pauvr’s purotins. Tous les camarades sont enterrés là, Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.
Refrain Adieu la vie, adieu l’amour, Adieu toutes les femmes. C’est bien fini, c’est pour toujours, De cette guerre infâme. C’est à Craonne, sur le plateau, Qu’on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés C’est nous les sacrifiés !
au Refrain Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance, Pourtant on a l’espérance Que ce soir viendra la r’lève Que nous attendons sans trêve. Soudain, dans la nuit et dans le silence, On voit quelqu’un qui s’avance, C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer. Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes. au Refrain Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, Car c’est pour eux qu’on crève. Mais c’est fini, car les trouffions Vont tous se mettre en grève. Ce s’ra votre tour, messieurs les gros, De monter sur l’plateau, Car si vous voulez la guerre, Payez-là de votre peau !
PHOTO © NICOLAS TOTET
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Gustave Hollande au Chemin des Dames Chargé de mission centenaire 14-18 pour l’Aisne, Franck Viltart a découvert les archives du grand-père paternel du président de la République.
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armi les milliers de soldats français, à l’assaut des solides positions allemandes au sommet du Chemin des Dames le 16 avril 1917, figurait un certain Gustave Hollande, le grand-père paternel de l’actuel président de la République française.
au-Bac, puis les soldats du 33e RI partent au front à Verdun. Blessé le 30 avril 1915 près de Commercy, Gustave Hollande est de retour à Roucy, au pied du Chemin des Dames, le
14 juillet 1915. Le régiment est dans l’Aisne dans le secteur de Berry-auBac jusqu’en février 1916, avant de gagner Douaumont, près de Verdun, le 1er mars 1916. Charles de Gaulle est fait prisonnier le lendemain et le régiment perd en ce seul mois de mars 1916 près de 1 500 hommes, tués, blessés ou disparus. D’avril à juin 1916, le 33e RI revient dans l’Aisne à Vendresse au pied du Chemin des Dames et c’est là que l’aumônier Vittel du régiment fait aménager une petite chapelle qui existe toujours dans un sous-bois près du village. Le 5 septembre 1916, le 33e
« L’assaut meurtrier est donné à 6 heures du matin avec la tranchée du balcon comme objectif. Ça se situe aujourd’hui face à la sculpture d’Haïm Kern sur le plateau de Californie. Les soldats français n’y arriveront jamais.» C’est l’une des découvertes de Franck Viltart, qui, après recherches et recoupements, connaît des détails méconnus des quatre ans de campagnes militaires du Poilu Gustave Léopold Hollande, matricule 568. Né à Plouvain (Pas-de-Calais) le 3 avril 1893, Gustave Hollande est élève à l’École normale, quand il est mobilisé le 4 août 1914, à l’âge de 21 ans. Il part faire ses classes à Cognac en Charente. Nommé caporal du 33e régiment d’infanterie trois mois plus tard, il rejoint le front le 16 janvier 1915 à Hurlus dans la Marne. C’est en cherchant des détails sur le 33e RI d’Arras (Pas-de-Calais), à l’origine parce qu’il est le régiment d’un certain capitaine Charles de Gaulle, que le chargé de mission du centenaire 14-18 pour le département de l’Aisne va aller de découvertes extraordinaires en croisements inattendus d’histoires et de personnages. D’abord en épluchant tous les JMO (journaux de marche et d’opérations) du 33e RI sur le site en ligne « mémoire des hommes » des archives militaires de Vincennes, ensuite en accédant via le net aux archives départementales du Nord. « Gustave Hollande est de retour au front dans l’Aisne quasiment en même temps que de Gaulle, dans le même régiment de 3 200 hommes. On ne sait pas si les deux hommes se sont côtoyés, mais ils se sont au moins croisés », raconte Franck Viltart. Le 14 juillet 1915, Gustave Hollande se trouve au bois des Buttes entre le village de Roucy (Aisne) et Berry-
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RI s’élance à l’assaut des tranchées allemandes près de Combles dans la Somme. Gustave Hollande est promu sergent en février 1917. Son régiment s’installe près de Meurival au sud du Chemin des Dames en prévision de l’offensive Nivelle, puis le 15 avril, prend ses positions entre Craonne et Craonnelle. Le sergent Hollande part en repos au camp de Mailly, lors de la relève du 23 avril. Aspirant en juillet 1917, Gustave Hollande et son régiment arrivent en Flandres à Ostvleteren, essuyant de violents combats jusqu’au 5 décembre 1917. Gustave Hollande s’illustre le 26 octobre lors d’une attaque près du canal de l’Isère. Le 10 novembre, il est décoré de la Croix de guerre, étoile d’argent, avec citation. « Commandant d’une section, il a neutralisé deux mitrailleuses, contribué à la progression et fait preuve d’un grand sang-froid en protégeant ses hommes sous un violent bombardement de gaz asphyxiant », selon le rapport militaire. De mars à mai 1918, Gustave Hollande revient à l’est du Chemin des Dames. Il participe à la contre-attaque au sud de Soissons et il est grièvement blessé à l’épaule droite le 1er juin 1918 près de Chaudun. C’est dans ce même secteur que le fils de Jean Jaurès est tué au front deux jours plus tard. Démobilisé en 1919 à Cognac, Gustave Hollande devient instituteur. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur dans les années 20. Il décède à 91 ans, le 20 septembre 1984 à Chinon (Indreet-Loire). « Gustave Hollande a vécu les pires horreurs de la Première Guerre. Les petites histoires dans la grande histoire entre ces personnalités historiques sont extraordinaires. Bien sûr que des milliers d’autres grands-pères ont subi 14-18. Sauf que le petit-fils de Gustave Hollande est devenu cent ans plus tard président de la République française. » NICOLAS TOTET
Un poilu du 33e Régiment d’infanterie, qui a peut être croisé Gustave Hollande.
La fiche matricule de Gustave Hollande, enregistrée en 1913 à Arras.
PHOTO © CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’AISNE
PHOTO © CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’AISNE
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