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L’arrivée des Américains HORS SÉRIE - NOV. 2017 - 5,90E
Les USA gagnent l’après-guerre E
n ce printemps 1917, les Américains sont attendus avec impatience par les Alliés. L’US Army n’est pourtant pas très aguerrie. Dans les vingt ans précédents, elle a certes enlevé Cuba aux Espagnols et, plus proche, fait cesser l’anarchie qui menaçait à la frontière mexicaine. Mais ces opérations tiennent plus de la police internationale que du réel conflit. Cependant, au-delà de sa valeur intrinsèque, le corps expéditionnaire de Pershing représente surtout un grand espoir : celui d’en terminer enfin avec cette guerre, grâce à l’intervention d’une puissance émergente qui émerveillait déjà par sa technologie et sa modernité. L’arrivée des Américains, militairement et géopolitiquement, n’est pourtant pas le fait majeur de cette année 1917, marquée surtout par la Révolution russe puis la paix séparée signée entre l’Allemagne et la Russie soviétique. Mais l’Amérique incarne, psychologiquement, ce rouleau compresseur irrésistible qui va écraser le Kaizer avec ses troupes fraîches et sa puissance globale (il suffit de regarder les affiches et articles de propagande pour saisir l’effet que cela a dû provoquer, à l’arrière comme au front). Si les États-Unis n’ont pas gagné la guerre (même s’ils y contribuèrent), ils ont en revanche incontestablement gagné l’après-guerre. Diplomatiquement en impulsant la création - même bancale - de la SDN (et ce même si le président Wilson, qui portait cet idéal depuis le début du conflit ne parvint pas à en convaincre son pays) ; économiquement surtout, en supplantant les vieilles puissances européennes épuisées par cinq ans de conflit meurtrier. Et cette suprématie émergente allait marquer le XXe siècle, pour en faire le siècle de l’Amérique (et aussi celui de son contre-modèle, l’Union soviétique). Un siècle qui avait débuté, symboliquement, dans le Santerre, à l’est de la Somme, entre Montdidier et le petit village de Cantigny, où la 1ère D.B. (qui s’illustra en Normandie en 1944) connut sa première intervention et sa première victoire. D’autres engagements allaient suivre en Picardie, où cette présence s’incarna aussi, plus pacifiquement et de façon humanitaire, par l’œuvre d’Anne Morgan. Toutes choses auxquelles nous allons nous attacher dans ce nouveau numéro de cette série de Notre région dans la Grande Guerre
DANIEL MURAZ
Sommaire 04 La carte des principales batailles américaines 06 Michaël Neiberg: «La guerre a placé l’Amérique sur la scène mondiale 09 Cendrars et Canudo lancent un appel aux étrangers 10 Le sauveur américain, un mythe ? 12 L’escadrille La Fayette, as du ciel américains, au service de la liberté 15 Ronald Hoskier ou l’union éternelle franco-américaine à Grugies 17 Les Amis du château et de La Fayette 18 McConnel, dernier pilote américain «mort pour la France» 20 28 mars 1918 à Clermont : Pershing sous commandement français 22 Cantigny: le baptême du feu 24 A Cantigny, quatre monuments mais pas une tombe 26 Quel avenir pour le musée de Cantigny ? 27 Quand les lycéens travaillent sur les graffitis de la Grande Guerre 28 Bois Belleau, bataille fondatrice des Marines 30 Au cimetière de Seringes-et-Nesle 31 Belleau, le nom immortel des Marines 32 Gilles Lagin, le frère français des Marines US 33 Le phare architectural de la mémoire à Château-Thierry 34 Les sanglantes batailles de la ferme de la Croix rouge et de l’Ourcq 36 A Bony, le «chiot» américain perdu sur la ligne Hindenburg 40 Le Somme American Cemetery, mémorial de paix 42 Murielle Castier, la guide suprême 44 Quentin Roosevelt, fils de président fauché en pleine vie 46 Anne Morgan, fille de milliardaire et femme du peuple 50 portfolio: L’amitié franco-américaine s’affiche à Blérancourt 58 Dans les bagages des «Sammies», de nouveaux rythmes... jazz 61 Les Américains croqués sur le vif par Alban Butler 62 Les «diables noirs» au Chemin des Dames 63 Une page noire de l’armée américaine 64 BD : les Harlem Hellfighters en action 78 Bibliographie commentée pour aller plus loin
ONT PARTICIPÉ À CE HORS-SÉRIE Directeur de la publication : Jean-Dominique Lavazais. Rédaction en chef du hors-série : Daniel Muraz. Coordination : Véronique Villain. Textes: Vincent Danet, Vincent Fouquet, Eric Jonneau, Philippe Lacoche, Cécile Latinovic, Pascal Mureau, Daniel Muraz, Félix Pennel, Nicolas Totet, Thibaut Verrier, Véronique Villain. Portfolio photos : Gaël Hérissé - Mise en page: Studio PMP, Sabrine Rasse - Impression: SIB Imprimerie. Photo de une : reproduction de l’affiche réalisée en 1917 par James Montgomery Flagg, illustrateur américain (adaptant une affiche de propagande birtannique de 1914 d’Alfred Leete, « Your country needs you» représentant Lord Kitchener, secrétaire d’Etat à la guerre du Royaume-Uni)
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La carte des opérations
LES PRINCIPALES BATAILLES AMÉRICAINES Mer du Nord DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE SUR L ROYAUMEUNI
Ostende Douvres
Dunkerque
YPRES
Courtrai
Lille
ARTOIS
CANTIGNY
(28 mai 1916) Première offensive américaine, menée par le 28e régiment d’infanterie de la 1ere division (la future « Big Red One »)
Tournai
Som
SOMME
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Péronne
Amiens
SaintQuentin
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Montdidier
Tergnier
Oise
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Avesnessur-H. Guise Hirson
Rocroi
CharlevilleMézières
Vervins
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Sedan
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Soissons
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Dunsur-Meuse
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Paris
Traité du 26 juin 1919
Sein
Chartres
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Meaux
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MARNE Châlons-
sur-Marne
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Vitryle-François
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SaintDizier
Provins Sein
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Orléans
FRANCE Loire
LE ROCHER DE LA MARNE
(15 juillet 1918) En prélude à la bataille de Château-Thierry, la 3e division US y gagnera son surnom Auxerre de « Rock of the Marne », en conservant sa position sur ce « rocher », à l’est de Château-Thierry
« 2
Cha
Yonne
(18 juillet 1918) Un des premiers combats de l’American Expeditionary Force (AEF)
Marne
Coulommiers
CHÂTEAU-THIERRY
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Reims
Versailles
20 km
Samb
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Armistice du 11 novembre 1918
(6-23 juin 1918) Premier combat emblématique des Marines en Europe
Laon
Noyon
Compiègne
Beauvais
Charleroi Namur
Mons Douai Valenciennes Maubeuge Cambrai
Arras
BELGIQUE
Bruxelles Louvain
Lens
Abbeville
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Lys
Ypres
Saint-Omer Hazebrouck
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Calais Boulognesur-Mer
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E SUR LE FRONT OCCIDENTAL
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Empire allemand Cologne
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Territoires annexés en 1871 Territoires occupés
Coblence
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Batailles principales Bastogne
Batailles américaines Mannheim
Longwy Thionville
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EMPIRE ALLEMAND
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Montmédy Meu
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Trèves
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Dunur-Meuse
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Verdun LES ÉPARGES Metz
Sarrebruck Forbach
Kaiserslautern Bitche
ST-MIHIEL Bar-le-Duc
Toul
Wissembourg Sarrebourg
Nancy
Rhin
Front stabilisé (5 juin 1915)
Strasbourg
SEICHEPREY
(14-23 avril 1918) « Baptême du feu » de la 26e division américaine
Chaumont
Saverne
Karlsruhe
Colmar
Epinal
Fribourg
SAILLANT DE ST-MIHIEL
(12-16 septembre 1918) 216 000 Américains participent à la reprise de ce secteur, membres des 1er, 4e et 5e corps d’armée US. Belfort
Front à l'Armistice (11 novembre 1918)
Sélestat
Saint-Dié
VIEIL ARMAND Mulhouse Altkirch
Bâle
Fronts Avancée allemande extrême (5 septembre 1914)
Frontières actuelles Voie sacrée nationale
SUISSE
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L’escadrille La Fayette, as du ciel Dès le début de la guerre, des Américains s’engagent dans la Légion étrangère. Certains d’entre eux, déjà pilotes ou l’étant devenus, forment alors une escadrille qui va s’illustrer en prenant le nom du Marquis de La Fayette. Cette escadrille a été basée à Ham, dans la Somme, de mars à juin 1917. Rappel de ce pan d’histoire locale et internationale.
S
i les Etats-Unis entrent officiellement en guerre le 6 avril 1917, de nombreux Américains souhaitent y participer dès le début du conflit. Il s’agit souvent de jeunes hommes issus de la bourgeoisie, qui sont déjà venus en France et qui possèdent leurs avions, qu’ils savent donc piloter. Dès le 2 août 1914, un manifeste signé par Blaise Cendrars et Ricciotto Canudo avait incité les étrangers résidant en France à s’engager dans la légion étrangère (lire en page 9). Un groupe de jeunes Américains, avec à leur tête Norman Prince (qui a passé une partie de son enfance à Pau et a le brevet de pilote depuis 1911), Kiffin Rockwell et William Thaw (fils d’un grand industriel de Pittsburgh, également pilote), forment la première phalange. Le trio se présente à l’ambassade des États-Unis et fait part de sa volonté de s’engager. L’ambassadeur, Myron
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Les fondateurs de l’escadrille la Fayette. PHOTO © COLLECTION AMIS DE HAM
T.Herrick, leur suggère d’intégrer la Légion étrangère. Ils le font et sont très vite rejoints par d’autres compatriotes : James Brach, un ingénieur, Bert Hall et Paul Rockwell, frère de Kiffin, ainsi que Robert Soubiran, célèbre coureur automobile. Ensemble, ils partent à l’Hôtel des Invalides, là même où les Parisiens étaient venus s’engager pour l’Amérique avec le marquis de La Fayette cent-cinquante ans plus tôt. Une fois sous l’uniforme, ils défilent dans Paris, avec un drapeau américain, Avenue de l’Opéra, suscitant l’enthousiasme de la foule. Devenus soldats de l’armée française, ils font d’abord leurs « classes » à Rouen. Le
4 septembre 1914, ils sont dirigés vers le front, simples fantassins même si leur but est de d’être aviateurs. William Thaw, qui a des relations, multiplie les démarches pour cela. Il est enfin reçu par le capitaine Brocard, qui sera plus tard le chef de l’escadrille des Cigognes (celle de Georges Guynemer). L’officier promet d’intervenir en leur faveur. Il tiendra parole. Peu avant Noël 1914, William Thaw, Bert Hall et James Brach sont envoyés à Buc, où s’entraînent les soldats ayant déjà des notions de pilotage... Ce qui n’est pas le cas de tous. Mais au culot et grâce à leur talent, ils parviennent à ne pas être démasqués, même si leurs instructeurs connaîtront quelques déboires avec eux.
américains au service de la liberté
L’escadrille naît le 18 avril 1916 Ce noyau de départ fait boule de neige. De nombreux volontaires américains viennent peu à peu les rejoindre. L’équipe a alors l’idée de bâtir une formation sous commandement français, mais uniquement composée de pilotes américains. À force de persuasion et avec l’appui d’un jeune fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, Jarousse de Sillac, ils obtiennent gain de cause. Le 18 avril 1916, l’Escadrille 124 devient l’Escadrille américaine. Elle est commandée par deux amis de toujours, le capitaine Georges Thenault, jeune Saint-Cyrien de 29 ans, chef d’escadrille, et le lieutenant Alfred de Laage de Meux, 25 ans, chef adjoint. Elle est basée sur l’aérodrome de LuxeuilSaint Sauveur, à Luxeuil-les-Bains (HauteSaône). Très vite, cette escadrille se fait remarquer. Par leur courage et leur adresse, les pilotes se couvrent de gloire. Et leurs exploits sont largement racontés dans la presse américaine. En fin d’année 1915, ayant une permission, ils retournent aux États-Unis où ils reçoivent un accueil triomphal. Leurs aventures suscitent aussi une publicité énorme en faveur de la France, ce que l’Allemagne voit d’un très mauvais œil, alors que les Américains ne sont pas en guerre avec eux. L’escadrille compte alors 18 chasseurs
L’aérodrome de Ham - Eppeville en 1917. PHOTO © COLLECTION AMIS DE HAM
américains, 2 commandants français et toute une équipe de mécaniciens admirablement entraînés. Tous courageux, énergiques, adroits et convaincus de la justice de la cause qu’ils ont décidé de servir. Tous sont avides d’aller au combat, mais une fois que l’engagement est terminé, ils mettent un point d’honneur à s’amuser. Les pilotes se rendent souvent à Paris, dans un bar, le Chatam, rue Daunou. C’est là qu’ils achètent un lion, baptisé Whisky, qui devient la mascotte de l’escadrille. Très vite, une compagne lui est trouvée, baptisée Soda. Ils participent à la Bataille de Verdun. Les vieux Farman sont remplacés par des Nieuport, plus modernes et surtout plus rapides que les Fokker allemands. Mais les combats sont meurtriers. Kiffin Rockwell est tué. Victor-Emmanuel Chapman aussi. Ils sont notamment remplacés par Raoul Lufbery, qui avait déjà volé dans le monde entier. Incroyable casse-cou, pilote remarquable, il avait entendu parler de la réputation de l’escadrille, qu’il a très vite voulu intégrer. Car le prestige de « l’escadrille américaine » va grandissant. En 1916, l’ambassadeur Myron T.Herrick déclare que « tout le peuple américain a
contracté une dette envers eux. Nos garçons ont montré que leurs compatriotes savaient se battre pour un idéal. Leurs actions héroïques interviennent à une époque où les critiques, nous accusant de prudent atlantisme, blessent l’âme de tous les Américains (NDLR: le pays n’est alors pas encore entré en guerre). Pour beaucoup d’entre nous, ils ont sauvé l’honneur national, en démentant les calomnies qui couraient sur notre pays. Leur influence sur l’opinion politique publique chez nous a été formidable. Malgré le tumulte des notes de protestations allemandes, il se trouvait des Américains pour verser leur sang, pour la cause à laquelle le peuple américain avait déjà donné son cœur ». Des mots très forts, résumant le parcours impressionnant de l’escadrille, qui avait alors déjà livré 146 combats et détruit de nombreux avions ennemis. Mais face aux nombreuses protestations de l’Etatmajor allemand, l’escadrille 124 devient le 6 décembre 1916 l’escadrille La Fayette, en hommage au marquis français héros de la guerre d’indépendance des ÉtatsUnis. Elle prend pour emblème une tête de sioux, peinte sur les fuselages de tous les avions.
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remplacé par Arnoux de Maisonrouge, qui sera lui même tué peu après. L’Amérique étant entrée en guerre, certains pilotes rejoignent l’armée américaine. L’escadrille La Fayette continue cependant à se battre jusqu’à sa dissolution, le 18 février 1918, et son transfert définitif dans l’armée américaine après la Bataille des Flandres. Elle devient alors la première escadrille de chasse américaine. Le capitaine Thenault est remplacé par William Thaw, avec pour adjoint Raoul Lufbery, qui totalisa 17 victoires à lui seul.
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Le lieutenant Alfred de Laage de Meux, commandant adjoint de l’escadrille. PHOTO © COLLECTION AMIS DE HAM
Atterrissage dans la Somme en mars 1917 Avec les mouvements sur la ligne de front, l’escadrille La Fayette arrive à Eppeville, près de Ham (dans la Somme), en mars 1917. Elle va y rester basée jusqu’à la fin juin 1917. Un aérodrome est créé à quelques mètres de l’actuelle sucrerie. C’est donc dans la Somme qu’elle vivra l’entrée en guerre des États-Unis, le 6 avril. Durant son séjour dans ce département, les 42 pilotes et leurs 18 avions continuent d’accumuler les victoires, tout en participant à des missions de reconnaissance et d’observations au-dessus des lignes allemandes. Mais elle déplore également des pertes. Le 13 mai 1917, Alfred de Laage de Meux se tue accidentellement en faisant
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un dernier vol avec son avion, prêt à être remplacé. Il monte verticalement et se crashe. Trois jours plus tard, le capitaine Thenault lit lors des obsèques les dernières volontés de son adjoint, retrouvées sur un papier dans sa cantine : « Depuis la formation de l’escadrille américaine, j’ai cherché à exalter la beauté de l’idéal qui a amené nos camarades américains à combattre pour la France. Je les remercie de leur amitié et de la confiance qu’ils m’ont témoignées. Si je meurs, qu’ils gardent ma mémoire, mais il ne faut pas qu’un soldat s’attendrisse ». De Laage de Meux comptait sept victoires homologuées (en mai 2017, une rue Alfred de Laage de Meux a été inaugurée à Eppeville, à quelques mètres de l’endroit exact où le pilote s’était écrasé cent ans plus tôt, jour pour jour). Il est
Citée à l’ordre de l’armée par le général Pétain Le bilan de l’escadrille La Fayette lui vaut de recevoir les plus hautes distinctions de l’armée de l’air. Le général Pétain la citera à l’ordre de l’armée : « Cette escadrille est composée de volontaires américains venus se battre pour la France avec le plus pur esprit de sacrifice. Elle a mené sans cesse une lutte ardente contre nos ennemis. Elle a provoqué l’admiration profonde de l’armée et des escadrilles françaises qui, combattant à ses côtés, ont rivalisé avec elle dans des combats très durs et au prix de pertes graves qui, loin de l’affaiblir, exaltaient son moral. » Ce même Pétain citera une seconde fois l’escadrille : « Brillante unité qui s’est montrée digne de son glorieux passé. Sans se laisser arrêter par des pertes atteignant le tiers de ses effectifs, elle a assuré, dans un secteur difficile, la sécurité de nos avions, un service de reconnaissance à haute et basse altitude des plus complets, et la destruction, tant près de nos lignes qu’à grande distance chez l’ennemi, d’un très grand nombre d’avions et de ballons allemands. » Au total, 267 Américains seront passés par cette escadrille, 180 ont combattu, 62 sont morts. Son bilan est de 199 victoires. Après la guerre, le prestige de l’escadrille La Fayette était tel que son insigne, la tête de sioux, fut transmise à une escadrille française, l’escadrille 23 du groupe de chasse 35. Elle fusionna avec l’escadrille des Cigognes de Guynemer et fut cantonnée à Luxeuil, là même où l’histoire avait commencé. En 1923, grâce à une souscription populaire, débute la construction d’un mémorial dans le parc de Saint-Cloud, à Marne-la-Coquette. Ce monument s’étend sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée y sont enterrés les pilotes. Au-dessus, une plateforme avec la tête de sioux et les noms de tous les aviateurs. Il fut inauguré par le Maréchal Foch. Le 4 juillet. VINCENT FOUQUET
Quatre monuments mais pas une tombe Marquante pour l’histoire de l’armée américaine, la bataille de Cantigny est aussi présente, physiquement, dans le paysage de la commune de la Somme. A travers notamment... quatre monuments d’hommage aux « Sammies ».
L Le monument du 28e Régiment d’infanterie. PHOTOS © CÉCILE LATINOVIC
Le monument de la Fondation McCormick.
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es habitants de Cantigny ne peuvent pas oublier que les Américains ont combattu sur leur terre. En effet, ce village d’une centaine d’âmes compte pas moins de quatre monuments commémoratifs de la bataille de Cantigny. Le premier à avoir pris place dans la commune est le monument fédéral, le seul considéré comme officiel par les ÉtatsUnis. Il s’agit de ce monument haut, d’un blanc immaculé, sur lequel est inscrit : « La 1re division de l’armée américaine, sous le commandement du Xe corps d’armée français prit le village de Cantigny le 28 mai 1918 et réussit à s’y maintenir malgré de nombreuses contre-attaques. » Ce monument avait d’ailleurs été inauguré en grande pompe en 1937, le 9 août, en présence du Général John J. Pershing. Militaires américains, vétérans de cette guerre, officiels et population locale étaient présents pour à l’inauguration. Dans l’un des nombreux discours prononcés, l’importance de Cantigny pour l’armée américaine avait été soulignée : « Il a été montré que les Américains pouvaient comprendre les techniques de guerre et (avoir leur propre armée. » En pierre blanche surmontée de quatre têtes d’aigles, emblème des États-Unis, le monument n’est pas seul dans le village. Mais c’est le seul reconnu et entretenu par l’État américain ; selon la volonté du général Pershing notamment. Les autres monuments commémoratifs ont été installés à titre privé. À quelque pas du monument fédéral, deux autres monuments, plus modestes, sont ainsi visibles : celui du 28e régiment d’infanterie et celui de la Fondation Mc Cormick. Le premier, avec son soldat américain courant vers le combat, a été inauguré le 8 juillet 2007 par l’Association du 28e régiment d’infanterie, la Fondation McCormick, la Fondation de la 1re division Cantigny et la commune. Le second, inauguré par la Fondation McCormick et la com-
Le monument « fédéral » de la bataille de Cantigny. Le seul « officiel ».
mune le 28 mai 2005, rappelle le rôle du commandant Robert R. McCormick, à la tête du 1er bataillon et du 5e régiment d’artillerie américain, et de ses hommes dans cette bataille du 28 mai 1918. Dernier monument - qui risque de faire parler de lui dans les prochains mois - celui installé le long de la route départementale 26 entre Cantigny et Montdidier. Installée sur une butte, celle colonne surplombée d’un aigle indique l’emplacement de la ligne de front au moment de la bataille. Des discussions sont en effet en cours pour le réinstaller au cœur du village. D’une part pour des raisons de sécurité des personnes venant voir le monument, d’autre part pour lui épargner les dégradations dont ont été victimes deux autres monuments identiques dans l’Aisne. En revanche, pas un soldat Américain, malgré les pertes lors de la bataille, n’est enterré sur place. « En 1919, il a été décidé de réunir tous les Américains morts à un seul endroit, Bony dans l’Aisne, précise
Angelo T. Munsel, le surintendant de la Commission américaine pour les monuments commémoratifs. Car c’est à Bony qu’a été mené la plus grande bataille américaine. Mais Cantigny est important, car c’est là qu’a eu lieu le premier engagement des Etats-Unis dans le conflit. » 39 % des soldats Américains tombés en Europe pendant la Grande Guerre sont enterrés sur le vieux continent. « La Première Guerre mondiale succède à une période de grandes immigrations aux États-Unis. Certaines familles ont donc préféré laisser le corps de leur proche ici. » D’autres ont pu prendre leur décision en sachant que le fils du président Theodore Roosevelt, Quentin Roosevelt, pilote de l’US army, était enterré en France après avoir péri dans un combat aérien. CÉCILE LATINOVIC Le monument de la 1re division, à l’extéreur du village.
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