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LE VRAI VISAGE DE LA

FRANC-MAÇONNERIE EN PICARDIE

?

HORS SÉRIE - NOVEMBRE 2016 - 5,90E


Le vrai visage de la franc-maçonnerie en Picardie

Le patron de la Région fut un Fils d’Isis CAPITATION :

Cotisations payées par les maçons pour financer le fonctionnement de la loge et de l’obédience.

CHAÎNE D’UNION :

Corde à nœud représentée sur les murs du temple, symbolisant l’union indéfectible des frères et des sœurs. À la fin de leur tenue, les francsmaçons forment cette chaîne en se tenant par la main.

GRADE (ou degrés) :

Xavier Bertrand a été un frère jusqu’en 2012.

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iscret, mais pas si cachottier ! Du moins n’a-t-il pas cherché à noyer le poisson lorsque l’information est sortie. Xavier Bertrand, le nouveau patron LR de la région des Hauts-deFrance, a appartenu au Grand Orient (GODF). L’une de ces adhésions qui battent en brèche les idées reçues sur la franc-maçonnerie. Car l’obédience à l’époque choisie par le futur vainqueur de Marine Le Pen aux régionales est clairement étiquetée à gauche. Alors que lui, Xavier Bertrand, a commencé à militer à droite (au RPR) dès l’âge de 16 ans, et n’a jamais fait marche arrière. Il aura tout de même été affilié 17 ans à la loge Les Fils d’Isis à l’Orient de Tergnier  ! Ce faisant, l’ancien assureur avait bien pris soin de mettre de la distance entre ses activités maçonniques et la ville de Saint-Quentin dont il allait bientôt devenir maire au grand regret du PS. Discret… mais finalement pas très assidu. En 2004, alors qu’il est

nommé Secrétaire d’État chargé de l’Assurance Maladie, le député se met «en sommeil» de sa loge. Un sommeil qui s’avérera définitif… Ses fonctions (ministre de la Santé, ministre du Travail, secrétaire général de l’UMP, puis à nouveau ministre du Travail) ne lui permettent plus de participer aux réunions. Xavier Bertrand a malgré tout payé ses capitations jusqu’en 2012. Soumis au secret d’appartenance, les Fils d’Isis n’en avaient jamais rien dit. Mais les plus anciens se souviennent sans doute d’une fameuse «planche» du frère Bertrand : elle avait pour thème… l’assurance maladie  ! «  Ma logique d’ouverture aux autres et à leurs idées m’a porté vers le Grand Orient. J’étais au RPR. On ne pourra pas dire que j’ai fait ce choix pour faciliter mon ascension politique », avait expliqué le Saint-Quentinois, en confirmant son appartenance en 2008.

Niveau auquel un initié est symboliquement parvenu dans la hiérarchie d’un rite. Les premiers degrés sont toujours apprenti, compagnon et maître.

LOGE :

Cellule de base où se réunissent les maçons. La loge la plus courante, qui permet d’accéder au grade d’apprenti, de compagnon et de maître, est souvent appelée «loge bleue» (mais la couleur n’est pas un symbole).

OBÉDIENCE :

Regroupement de loges ou de rites reliés à une même autorité. Chaque obédience dispose d’une charte des valeurs qui lui est propre. Mais il existe de nombreuses similitudes.

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Le vrai visage de la franc-maçonnerie en Picardie

Les frères dans l’étau du régime de Vichy Lors de la Seconde Guerre mondiale, avant même de prendre les lois antijuives, l’« Etat français » dirigé par le maréchal Pétain met en place une terrible répression contre les francs-maçons.

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collectivités locales, où exercent nombre de frères, leur sont interdits. De même que posséder un emploi dans une entreprise en contrat avec

l’administration. Toute fausse déclaration entraîne la démission d’office de son auteur.

© Achives départementales de l’Oise

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xtirpés d’un épais dossier, les feuillets à la vieille encre violette ou grise défilent interminablement sous les doigts. Ces dépositions, qui datent de l’Occupation, nous les avons retrouvées aux archives départementales de l’Oise. Le résultat aurait été le même dans un autre département. Durant la Seconde Guerre mondiale, le régime collaborationniste de Vichy a imposé aux milliers d’agents de la fonction publique de signer une déclaration selon laquelle ils n’appartenaient pas, ou renonçaient à appartenir, à une société secrète. Un ordre relatif à la loi du 13 août 1940, promulguée par Vichy un mois seulement après le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, anti-maçon convaincu. Le texte initial impose la dissolution de « toute association dont l’activité s’exerce de façon clandestine ou secrète. » Sournoisement, la loi ne précise pas qu’il s’agit en réalité de démanteler la franc-maçonnerie. Signés le 19 août 1940 par Pétain, les décrets d’application se font plus précis. L’article 1 déclare la nullité de La Grande Loge de France et du Grand Orient de France. L’article 2 prévoit qu’il sera procédé à la «  dévolution » (la saisie) de leurs biens mobiliers et immobiliers. L’Ordre du Droit Humain et la Grande Loge Nationale Indépendante seront à leur tour dissous le 27 février 1941. Pour Vichy comme pour les Allemands, les francs-maçons (de même que les Juifs) sont les ennemis du national-socialisme et sont responsables «  des malheurs  » de la France. Conséquence concrète de la loi du 13 août 1940, tous les corps de métiers de la fonction publique d’État et des

Sous Vichy tous les fonctionnaires sont tenus de déclarer qu’ils n’appartiennent pas (ou plus) à une société secrète.


Le vrai visage de la franc-maçonnerie en Picardie

Amiens, les francs-maçons n’ont jamais été si nombreux

L

e numéro de rue incrusté dans un triangle est un indice. Aussitôt confirmé par une plaque portant la mention «Cercles culturels philosophiques», elle aussi dans un triangle. Mais la plupart des profanes sont loin de se douter que cet ancien bâtiment militaire, square

des Quatre Chênes, abrite la principale obédience maçonnique de la ville. Plusieurs soirs par semaine, c’est pourtant ici, à l’abri du monde turbulent, que se réunissent à tour de rôle les trois loges amiénoises du Grand Orient de France (GODF): Picardie, L’Abbaye de Thélème, Les Enfants

Panneau indiquant une conférence à Amiens sans autre indication. Il s’agit d’une réunion de la franc-maçonnerie.

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© Ronan Loaec

Cité maçonnique de longue date, Amiens voit affluer les demandes des profanes. Où que l’on se tourne, les temples, discrets, sont bien là. de Marianne. La bâtisse, de taille respectable, propriété de l’association locale du GODF, accueille également les ateliers du Droit Humain (DH), de la Grande Loge Féminine de France (GLFF), de la Grande Loge Mixte de France (GLMF) et de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (GL-AMF). Ainsi, la fraternité maçonnique est-elle bien en place à Amiens. Mais le Temple des Quatre Chênes n’est pas le seul. Dans le quartier Victorine Autier, c’est dans un banal pavillon aux volets fermés, cette fois sans indications devant la porte, que se regroupent les membres de la Grande Loge de France (GLDF). Les frères de la GLDF, propriétaires des lieux à plusieurs, en sont très fiers: à l’intérieur se trouve l’une des rares copies du tableau de la loge Les Trois Jours, portant la signature du marquis de La Fayette, son maître fondateur en 1832. Un repère lointain et puissant, comme les aiment les francs-maçons pétris d’Histoire et de symboles. De leur côté, les membres de la Grande Loge nationale française (GLNF) se donnent rendez-vous à une autre extrémité de la ville, rue Maberly, à quelques pas des quais de Somme. Dans ce secteur d’Amiens peuplé de petites entreprises, ils ont acheté un vieil immeuble de type industriel, dont la façade ne compte pas moins de 15 fenêtres. À l’angle d’une cour sans charme, le long bâtiment passerait presque inaperçu. Si ce n’était sa lourde porte rouge ornée d’un énorme triangle.


Le vrai visage de la franc-maçonnerie en Picardie

Il y a une quinzaine d’années, les lumières maçonniques du Nord soufflées par les affaires.

Quand des frères lillois étaient au cœur du scandale

C

’est une série d’affaires à multiples tiroirs qui a mis au jour toute l’efficacité des réseaux maçonniques lillois il y a une quinzaine d’années. En 1999, le chef d’entreprise Roger Dupré, dit «Roger la Banane» (en raison de sa coiffure particulièrement réussie), est mis en examen et écroué dans le cadre d’une escroquerie financière. Promoteur immobilier, Roger Dupré est aussi gérant d’un bar (dans les mêmes locaux que ceux de son entreprise), juste en face du Palais de Justice de Lille. S’y croisent de grands notables et de petits malfrats qui trempent dans les mêmes carambouilles. L’enquête met en cause un ancien conseiller à la cour d’appel de Douai, un secrétaire général adjoint à la communauté urbaine de Lille proche de Martine Aurby (il sera écroué à Compiègne), un agent des impôts, un patron de la police judiciaire. Ce dernier, et paradoxalement Roger Dupré, sont les seuls qui ne sont pas francs-maçons, constate l’hebdomadaire l’Express, qui fait ses choux gras de ces carabistouilles comme on dit de l’autre côté de la frontière

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avec la Belgique. Le magazine relate encore le rôle d’un journaliste franc-maçon de Lille. Mais une autre affaire salit bientôt la mairie de Ronchin. Fin 2000, Michel Laignel, maire et conseiller départemental, franc-maçon, est mis en examen pour faux en écriture publique, usage de faux, favoritisme, prise illégale d’intérêts. Au moins huit frères (9 avec le maire) font partie du conseil municipal, parmi lesquels les deux premiers adjoints. Plusieurs membres des familles de ces élus, à commencer par celle du maire, travaillent avec la mairie ou ont obtenu des contrats. Michel Laignel a été définitivement condamné en 2006 à deux ans de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité, après que la cour de cassation a rejeté son pourvoi. Gare toutefois à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il existe bien des francs-maçons sincères et honnêtes. Ce sont au moins trois frères, occupants de hautes responsabilités politiques et dans la justice, qui voulaient en finir avec ce système, qui ont permis que l’affaire de Ronchin éclate au grand jour.


Le vrai visage de la franc-maçonnerie en Picardie

Marie-Thérèse Besson: «Les femmes maçonnes se voient comme des bâtisseuses» La Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France retrace le long combat des femmes pour obtenir leur indépendance maçonnique. Une histoire indissociable du combat des femmes pour leur statut dans la société. La Grande Loge Féminine de France célèbre en 2016 ses 70 ans d’existence. À l’échelle de l’histoire de la franc-maçonnerie, on serait tenté de dire 70 ans seulement… On sait qu’il y a des loges masculines, mixtes, plus rarement une franc-maçonnerie exclusivement féminine. Il aura fallu beaucoup de temps, de ténacité et de sens de l’intérêt commun, et que les femmes s’emparent elles-mêmes de cette question, pour que les franc-maçonnes deviennent enfin libres et indépendantes. On peut dire que la prise de conscience s’est faite très progressivement, depuis le siècle des Lumières jusqu’au XXe. L’obédience s’est structurée autour de femmes qui se voient comme des bâtisseuses pour un monde plus équitable. Les textes fondateurs interdisaient aux femmes d’être maçonnes, de même que les esclaves… La franc-maçonnerie n’a pas toujours été à la pointe de l’égalité… Nous revenons en effet de loin  ! En fait les choses ont changé dans la franc-maçonnerie conjointement avec l’évolution de la société en

général. La maçonnerie féminine, l’initiation féminine, sont de vraies conquêtes. Et si elles ont pris leur indépendance maçonnique, nos sœurs n’ont jamais cessé, parallèlement, de lutter pour le statut des femmes dans la société et la famille. La Grande Loge Féminine de France est aujourd’hui détentrice de cet héritage. Quelle a été l’étape décisive vers l’indépendance des maçonnes  ? En 1935, les frères de la Grande Loge de France (GLDF), qui en 1906 avaient créé des loges d’adoption pour les femmes, posaient clairement la question de l’autonomie des sœurs lors de leur convent. Mais il faut attendre le 21 octobre 1945, année où elles obtiennent le droit de vote, pour que les femmes prennent véritablement leur indépendance avec la création de l’Union Maçonnique Féminine de France. Cette obédience a ensuite changé de nom en 1952, pour devenir la Grande Loge Féminine de France. Deux femmes ont marqué cette histoire. Anne-Marie Pédenau-Gentilly, initiée en 1925, qui deviendra la première Grande Maîtresse de

l’Union Maçonnique Féminine de France. Puis Giselle Faivre, initiée en 1934, qui fera voter le changement de nom de l’obédience, et lui insufflera son dynamisme pendant plus de cinquante ans. Elle souhaitait faire de ses membres des «femmes chevaliers». La franc-maçonnerie féminine a-t-elle pesé sur le pouvoir concernant les grandes décisions qui ont fait évoluer la condition des femmes   ? Les femmes franc-maçonnes sont progressistes. Par le passé, elles ont fait évoluer la société en ce qui concerne par exemple la contraception, l’avortement. Pour autant la franc-maçonnerie n’a pas pesé dans ces décisions en tant qu’institution. Mais parce que dans les loges, il y avait des femmes engagées. L’une des plus célèbres est Yvette Roudy. Aujourd’hui encore, les femmes maçonnes continuent à défendre le statut des femmes et leur émancipation. La parité est dans les textes, pas toujours dans la réalité… Pour autant, conformément à la philosophie maçonnique, nous n’abordons ni la problématique religieuse ni la politique, au sens de la politique politicienne, Marie-Thérèse Besson, Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France.

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