Feuilleteur saint riquier

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Saint-Riquier

dimanche 18 septembre 2016

4,90 €

l’abbaye des rois

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Date de parution :

Prix :

4,90e

Charlemagne l’empereur Nithard l’écrivain

Hugues Capet père de la dynastie royale française


Saint-Riquier, l’abbaye des rois | 3

Édito Édité par le Courrier picard 29, rue de la République 80010 Amiens Cedex 1

Saint-Riquier, l’abbaye des rois Hors-série septembre 2016 Directeur de la publication Jean-Dominique Lavazais Rédaction en chef Mickaël Tassart Photos Fred Douchet, Fred Haslin (Courrier picard) Michel Monteaux, Guillaume Crochez, Benjamin Tesseidre (Abbaye royale de Saint-Riquier) Textes Jean-Marc Chevauché Maquette et mise en page Jean-Benoît Godefroy Imprimerie Léonce Deprez, 62620 Ruitz

L

’imagination est nécessaire pour bien voir Saint-Riquier. L’abbaye d’aujourd’hui conserve la permanence d’une grandeur mais il faut d’abord s’imprégner du lieu avant de fermer les yeux pour mieux le voir. Maintenant, entendez-vous les rires d’enfants, éduqués par les moines, cloîtrés autour des trois églises qui forment l’abbaye originelle ? Cette eau transvasée de cruches en mains, bénie par un prêtre agenouillé près d’une source, qui fait face à une troupe de fidèles interminablement étirée dans une file bigarrée, composée de purotins et de seigneurs, l’entendez-vous clapoter et mourir entre les lèvres assoiffées de croyants cherchant la lumière ? D’un coup, l’incendie, les craquements, les cris des Normands, le feu. La chaleur, la ressentez-vous ? Ce moine hébété, courbé, qui traverse le cloître en rabattant sa bure pour sauver quelque relique du brasier, l’entendez-vous claquer les dents de peur ou de doute en son Dieu ? Ces prières qui montent au ciel au milieu du XIVe siècle, pour la bataille de Crécy, toute proche, forment un murmure bombinant encore autour de l’enceinte. Et puis, dans ce tumulte, la plume gracile tenue par les doigts d’un Germain, abbé de Saint-Riquier, qui, le premier au monde, écrivit le tout premier texte en français. Ce frottement malaisé, travailleur et obstiné, cultivé et solitaire, enluminé et simplifié, dû à la main patiente qui exprimait la langue dont le picard est issu, la langue vernaculaire de la baie de Somme qui s’étirait alors jusqu’aux portes de l’abbaye ; ce geste du chercheur qui, en même temps qu’il transmet, n’a pas conscience qu’il invente ; ce grattement indicible qui bouleversa le Monde alors connu, au point d’en retracer les frontières ; cette calligraphie avait un nom que tous ignoraient encore : le français.


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Saint-Riquier, l’abbaye des rois | 7

Les personnages d’une épopée royale

8

L’œuvre carolingienne

10

L’abbé n’était pas toujours religieux

15

Destructions et reliques

18

Les méandres d’une source

24

La femme battant son mari

25

Nithard, l’écrivain retrouvé

28

De Charles Martel à Nithard et Charles le Chauve, l’arbre généalogique de Charlemagne

34

La bande dessinée d’Hugues Capet

38

Le Dit des trois morts et des trois vifs

44

Les deux abbayes Le tonaire La minuscule caroline La Sainte Trinité Les noms de Saint-Riquier

48

Le roi de France thaumaturge

52

Le sous-sol de Saint-Riquier

54

François Ier, Bellegueule et Becquestoile

58

Jean de Bruges

60

Aujourd’hui l’abbaye

64

Postface Bibliographie Remerciements

69 72 73


8 | Saint-Riquier, l’abbaye des rois

Les personnages d’une épopée royale Adalhard

Berthe

Dagobert 1er

Cousin de Charlemagne et ami d’Angilbert. Comte-abbé de l’abbaye de Corbie (VIIIe et IXe siècles), à 60 km de Saint-Riquier. Sous son ministère, le rayonnement de l’abbaye de Corbie, notamment grâce à son scriptorium, fut grandiose. Il a été canonisé en 1026.

L’une des filles de Charlemagne et de sa seconde femme, Hildegarde. Elle eut deux enfants avec Angilbert, hors mariage, Hartnid et Nithard. Elle n’est pas la Berthe au Grand Pied qu’on retient de l’Histoire. Berthe au Grand Pied est l’épouse de Pépin le Bref et la mère de Charlemagne, vraisemblablement affligée d’un pied bot. Ce qui était sans doute vu comme un signe divin accordé à une personne faisant la jonction entre notre monde et l’autre.

Roi mérovingien au VIIe siècle. Roi des Francs, c’est lui qui permit à Riquier, retiré à Forest-Montiers après avoir fondé le monastère qui porte son nom, de finir sa vie en ermite dans la forêt de Crécy. Il fut le premier roi bienfaiteur de l’abbaye.

Angilbert Angilbert (VIII siècle) est le faiseur de la gloire de Saint-Riquier à l’époque carolingienne. Proche de Charlemagne, il fut comte-abbé de l’abbaye et « gendre » hors mariage de l’empereur. On lui doit l’expansion de l’écriture de la minuscule caroline, ainsi qu’une notation musicale innovante. L’Église catholique en fit un saint. e

Charlemagne L’empereur qui a donné son nom à la dynastie carolingienne. Né vers 745, sans doute à Quierzy-sur-Oise, en Picardie. Mort en 814 à Aix-laChapelle, quelques semaines avant Angilbert. Il imposa Saint-Riquier comme le fleuron intellectuel et culturel de son empire.

Hugues Capet Premier roi de France de la lignée des Capétiens (Xe siècle). Abbé laïc de Saint-Riquier et comte de Paris, il est sans doute au centre d’une opposition entre les évêques de Sens et de Reims qui veulent tous deux devenir des faiseurs de rois. Il semble choisi via les moines de Saint-Riquier et de Saint-Valery pour diriger la France. Ces derniers l’imposent grâce à un opportun « miracle ».


Saint-Riquier, l’abbaye des rois | 15

L’abbé n’était pas toujours religieux

Un abbé est un moine qui dirige d’autres frères. Ils l’ont élu pour cette charge. Dans les monastères carolingiens, on distingue plusieurs abbés au même moment, parfois pour la même abbaye. En effet, l’époque carolingienne vit l’émergence d’hommes ayant le titre d’abbés mais n’étant pas des religieux, simplement des chrétiens. À l’époque glorieuse de Saint-Riquier, l’abbé laïc était le représentant direct du roi auprès

des religieux. Il intervenait dans la vie de l’abbaye et en percevait les revenus. Ce n’est qu’au XVIe siècle, avec le concile de Trente, que disparurent ces abbés d’un genre laïc. Mais, en France, François Ier voulut préserver le système. Il créa alors les abbés commendataires, lesquels avaient un rôle similaire aux précédents abbés laïcs.

Parmi les abbés commendataires, on trouve le cardinal de Richelieu, qui le fut de 1628 à sa mort, en 1642. Il était tout simplement, pendant cette durée, le ministre de Louis XIII et la charge de Saint-Riquier a fait partie des nombreuses charges qui tombèrent sous l’influence de l’incontournable cardinal.

Le logis abbatial, tel qu’il est actuellement dans l’abbaye.


Saint-Riquier, l’abbaye des rois | 25

La femme battant son mari Deux représentations d’une femme battant son mari figurent à Saint-Riquier. Si le pèlerinage à saint Marcoul, chaque 1er mai, drainait une foule considérable, celui à Saint-Riquier n’était pas en reste, notamment au Moyen Âge. Il se déroulait chaque 26 avril. À la fin du XVe siècle, les bâtisseurs de l’abbatiale ont voulu conserver dans la pierre, par le biais de deux scènes amusantes, la tradition. En effet, saint Riquier était réputé, au nombre de ses miracles, pour rendre la raison aux aliénés. Une fois l’an, en son honneur, on inversait le pouvoir au foyer, où l’épouse avait le droit de battre son mari. L’une des deux sculptures, relief d’un des chapiteaux de la nef, est particulièrement bien conservée. L’homme a la main sur le genou de la femme. Est-ce ce geste trop hardi qui suscite la réaction de la femme ? Toujours est-il que celle-ci le saisit à l’oreille de la main gauche et, de la droite, le frappe à l’aide d’un outil qui serait celui d’un apiculteur.

Ci-dessus et ci-dessous : Femme qui bat son mari.


38 | Saint-Riquier, l’abbaye des rois

La bande dessinée

d’Hugues Capet

L

La chapelle privée de l’abbé.

’une des merveilles de Saint-Riquier se trouve dans la salle dite du Trésor qui est, en fait, la chapelle de l’abbé. À cette chapelle de l’abbatiale située en étage, on pouvait accéder de l’abbaye, en empruntant le cloître, sans croiser quiconque dans l’abbatiale. Une chapelle privée qui a été le lieu où l’on accueillit les Grands de France. Cette chapelle renferme des peintures murales extraordinairement bien conservées, sans doute en raison de la lumière

particulière au lieu. En effet, le soleil n’adresse jamais directement ses rayons à travers les verrières de cette chapelle. Ainsi, les peintures qui s’y trouvent ne sontelles pas affectées par la lumière de l’astre. Une nécessité conférée par le témoignage qu’on a voulu laisser à travers ces œuvres. Et ce témoignage est capital pour la royauté française et, une fois de plus, pour l’écriture ! En effet, ces panneaux sont légendés en langue picarde, comme un écho au travail de Nithard. Décidément, il semble que l’abbaye et la langue ne doivent faire qu’un


40 | Saint-Riquier, l’abbaye des rois

En sept tableaux, on mesure combien la dynastie capétienne et l’Église sont intimement liées.

pour l’éternité, cherchant dans les racines de l’histoire à asseoir la réalité du Centre culturel que l’abbaye est devenue au XXIe siècle. En dix panneaux, on explique dans cette chapelle comment Hugues Capet tient de Dieu son pouvoir royal. Nous sommes au XVIe siècle au moment de ces peintures. Les Capétiens sont toujours sur le trône puisqu’ils donnèrent à la France tous leurs souverains à partir d’Hugues Capet. La dynastie qui couvre huit siècles d’histoire non seulement française mais mondiale, a donné des souverains à toute l’Europe… et jusqu’au Brésil. L’histoire nous apprend qu’au milieu du Xe siècle, la chevalerie française se heurte aux grands propriétaires carolingiens. Hugues est l’héritier des Robertiens, une famille de propriétaires incontournable plutôt prag-

matique en termes de pouvoir. Elle n’ambitionne pas le trône : elle le prend si c’est nécessaire pour continuer à faire des affaires. Hugues a en outre l’avantage d’être lié aux Carolingiens par sa grand-mère paternelle. Il peut être l’homme du compromis français par le sang qui coule dans ses veines. Par ailleurs, il profite du contexte et de la reprise en mains par l’Eglise catholique de l’ordre social à travers le mouvement dit de La Paix de Dieu. Ce mouvement propose, à travers l’Église, de cesser les violences, exactions et autres guerres seigneuriales. Capet est aussi l’homme de la situation. Mais cette accession sera longue. Né vers 940, Hugues Capet ne deviendra roi des Francs qu’en 987. Il passe néanmoins par l’étape qui lui accorde le titre de duc des Francs en 960. À sa mort, en 996, il a fondé une dynastie, après moins de dix ans de couronne, qui régnera 800 ans sur la France.


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