ALEJANDRO JODOROWSKY
«Pour que le monde nous appartienne nous devons penser qu’il nous désire».
Alejandro Jodorowsky Alejandro Jodorowsky est né le 7 février 1929 d’une famille juive originaire de Iekaterinoslav, d’Elisavetgrad, ainsi que d’autres villes ukrainiennes de l’Empire russe, réfugiée au Chili pour fuir les pogroms. 2-3
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l’âge de quatre ans, le premier mot qu’il a lu est « œil ». À partir de cet âge-là, il sait parfaitement lire et à 9 ans, il a fini de lire toute la bibliothèque municipale, surtout les romans d’aventures. À 19 ans, il découvre Franz Kafka et Fiodor Dostoïevski. Son père voulait qu’il devienne médecin mais en 1953, il quitte le Chili pour Paris, et travaille avec le mime Marceau pour lequel il écrit Le Fabricant De Masques. En 1962, il crée le groupe Panique avec Roland Topor et Fernando Arrabal, en réaction au mouvement surréaliste. En 1965, il fonde au Mexique le théâtre d’avant-garde de Mexico. Il y tourne trois films, Fando et Lis, El Topo et La
Montagne sacrée, ce dernier inspiré du Mont Analogue de René Daumal. Les univers qu’il développe sont en général des univers de sciencefiction, voire des mondes fantastiques. Ses histoires se caractérisent par la présence de nombreuses métaphores et symboles, auxquels il mêle souvent une description sociale ; on pense par exemple aux révoltes contre la dictature dans L’Incal, la reconstitution de la colonisation du Mexique par les conquistadores (des crapauds dans La Montagne sacrée) ou encore la description des bas-fonds d’une grande ville et des religions populaires dans Santa sangre.
Le tarot Jodorowsky est également connu dans sa pratique du tarot divinatoire, pour lequel il a une approche plus jungienne, psychologique ou « psycho magique » qu’occultiste ou ésotériste.
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on travail autour du Tarot dit de Marseille englobe de nombreuses conférences depuis les années 1980, et plusieurs ouvrages parmi lesquels on peut notamment citer La Voie du Tarot, en coécriture avec Marianne Costa. En outre il a créé – avec Philippe Tourrasse, dit Philippe Camoin (descendant de Jean-Baptiste Camoin, qui avait en partie hérité par mariage et en partie racheté la fabrique des héritiers du célèbre cartier Nicolas Conver) – une version modifiée et modernisée du tarot de Nicolas Conver à la fin des années 1990. La Voie du Tarot de Jodorowsky, éditions Albin Michel et la notice du Tarot de Marseille JodorowskyCamoin, éditions Camoin et Cie5, précisent quelques détails sur la création
de ce jeu de tarot : entièrement redessiné informatiquement sur la base d’un tarot de Nicolas Conver pour modèle, avec des ajouts de détails provenant de divers autres jeux de tarots dit de Marseille, de Besançon et autres, ainsi que l’ajout de couleurs modernisées, ce jeu de tarot viserait – aux dires des auteurs – à « reconstituer le tarot tel qu’il était à son origine », mais cette affirmation ne cadre pas du tout avec l’état actuel des connaissances historiques sur les tarots. En effet, le modèle de Conver est une version assez tardive du motif dit de Marseille, les nouvelles couleurs utilisées par Jodorowsky et Camoin ne sont pas retrouvées sur les tarots anciens, des détails inédits ou issus de divers jeux ont été introduits, etc.
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Théâtre Le théâtre fut pour Alejandro Jodorowsky une véritable école. Longtemps acteur avant d’être réalisateur, il interprèta le rôle principal de son second film El Topo et le rôle du maître alchimiste dans La Montagne Sacrée. 6
A
près avoir vécu à Paris, Jodorowsky vécut dans les années 1960 au Mexique, où il réalisa la majeure partie de ses films. Il y développa notamment le théâtre d’avant-garde de Mexico avec son ami Fernando Arrabal, complice du mouvement Panique dont il adapta la pièce Fando et Lis à l’écran, y créant des pièces de Samuel Beckett ou d’Eugène Ionesco. En 2001, Jodorowsky revint au théâtre, à la fois acteur, auteur et metteur en scène de son Opéra panique. En 2008 il écrivit L’École des ventriloques pour la Compagnie Point Zéro (le spectacle est créé à Bruxelles en 2008 dans une mise en scène de Jean-Michel d’Hoop), et en 2009, pour son fils Brontis, Le Gorille, monologue inspiré de Communication à une académie de Franz Kafka, dont il assura la mise en scène (création à Bruxelles en mai 2009).
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Bande dessinée Jodorowsky fit une première incursion dans la bande dessinée en 1966 avec Anibal 5, une saga illustrée par Moro.
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’est surtout dans les années 1980 que Jodorowsky travailla des scénarios de bande dessinée, principalement la série L’Incal, dessinée par Mœbius rencontré en 1975, avec lequel il travailla sur l’ébauche avortée de Dune. Associé au dessinateur Juan Giménez, il produisit La Caste des Méta-Barons, vaste saga du même monde que L’Incal, il y donne libre cours à ses théories sur l’importance de la lignée, le rôle de la paternité et de l’union entre deux amants. Une autre série, Les Technopères, en collaboration avec le dessinateur Zoran Janjetov (avec lequel il a déjà collaboré sur la série Avant l’Incal), reprend et développe ses mythes personnels. Il scénarise également la série Juan Solo, sorte
de thriller où un jeune homme vit un parcours initiatique à travers la violence et l’immoralité dans une ville corrompue d’Amérique du Sud. Jodorowsky et Mœbius se retrouvèrent en 2000 pour réaliser Après l’Incal, qui aurait dû constituer le début de l’histoire de la troisième série dans la chronologie de L’Incal, mais qui reste inachevé avec un seul album Le Nouveau Rêve. Finalement, c’est en 2008 que Jodorowsky créa la dernière partie du triptyque de L’Incal, avec le premier tome de la série Final Incal dessinée par José Ladrönn. Il a été également le scénariste de la série du Lama Blanc dessiné par George Bess, racontant le parcours extraordinaire d’un enfant blanc, réincarnation du Grand Lama.
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Cinéma La carrière cinématographique de Jodorowsky commença en 1957, avec La Cravate, un court-métrage muet adapté d’une nouvelle, où Raymond Devos apparait.
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e premier film, une adaptation très personnelle, levait le voile sur l’univers complexe du chilien. Fando et Lis projeté au festival du film d’Acapulco en 1968 provoqua une émeute où Alejandro Jodorowsky faillit être lynché. Ce premier accueil annoncait une carrière atypique. La dimension « mystique » grandissante de son œuvre lui apporta une certaine renommée. Ainsi, El Topo en 1970, sorte de western métaphysique, puis La Montagne sacrée en 1973 — très librement inspirée du Mont Analogue de René Daumal — allaient devenir des « films culte ». L’aura mystique unique d’El Topo attirait tous les soirs à minuit des spectateurs fervents, l’appellation
de «Midnight movie» fut même créée pour El Topo. Le bouche à oreille fonctionna tellement bien que des stars comme John Lennon ou Andy Warhol vinrent voir le film à l’Elgin Theater. Allen Klein, le manager des Beatles en 1970, fut d’ailleurs le producteur de La Montagne Sacrée. Le film fut projeté au festival de Cannes en 1973 mais hors de la compétition officielle car aucun pays n’était attribué au film. Le tournage de La Montagne Sacrée au Mexique connut d’ailleurs les pires difficultés avec le gouvernement mexicain, qui demanda à Jodorowsky de ne pas mettre en scène une représentation quelconque de l’État ou de l’Église. Cette censure obligea Jodorowsky à fuir le Mexique pour les États-Unis.
«Je pense que Spielberg est le fils que Walt Disney a eu en baisant Minnie». En 1975, Jodorowsky commença à travailler l’adaptation du roman Dune de Frank Herbert. Le projet comportait la participation d’Orson Welles, les décors de Mœbius et d’H.R. Giger, et des musiques de Pink Floyd, Tangerine Dream et Magma. Salvador Dalí avait accepté de jouer le rôle de l’empereur Padisha Shaddam IV. Malheureusement le projet tourna court quand les producteurs lâchèrent Jodorowsky. Quelques années plus tard, David Lynch tourna son propre Dune sans lien avec le projet de Jodorowsky6. Après Tusk (1978) et l’échec de l’adaptation de Dune, Jodorowsky s’éloigna du cinéma, réservant sa créativité pour la bande dessinée. Plus tard Santa Sangre (1989) et Le Voleur d’arc en ciel (1992, avec Peter O’Toole et Omar Sharif) lui permirent de renouer avec le cinéma et une nouvelle reconnaissance. Au début des années 2000, Jodorowsky, qui n’avait pas tourné depuis près de dix ans, tenta de donner une suite à El Topo : Les Fils d’El Topo (The Sons of El Topo). À la suite de problèmes juridiques avec le producteur Allen Klein, le projet fut renommé AbelCain. Le réalisateur a affirmé plusieurs fois son intention de mener le projet à terme, mais on ignore si ce sera effectif. Dans la même période, Jodorowsky commença un autre projet, Triptyque (Tryptych), encore inabouti.
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