Vincent Vergain "L'Ile encore sèche" Un musée-itinéraire à travers le massif des Bauges

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«l’île encore sèche» VINCENT VERGAIN PFE



«l’île encore sèche»

UN MUSÉE-ITINÉRAIRE À TRAVERS LE MASSIF DES BAUGES VINCENT VERGAIN ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE

PARIS MALAQUAIS MÉMOIRE DE R10

PROJET DE FIN D’ÉTUDE MENTION RECHERCHE DIRECTEUR DE PFE:

VIRGINIE PICON-LEFEBVRE SECOND ENSEIGNANT:

CAN ONANER FÉVRIER 2013


«C’est une île ou une montagne, les deux à la fois, l’île est une montagne marine, la montagne, une île encore sèche.» gilles deleuze


I.LA POSSIBILTÉ D’UNE ÎLE p.5

I.1. LE MUSÉE INSULAIRE: Pourvu que ce soit hors de ce monde p.5

I.2. UNE ÎLE ENCORE SÈCHE

I.3. À MARÉE MONTANTE Insularités alpines

I.4. LES BAUGES Une île. Ou presque

I1.UN MUSÉE-ITINÉRAIRE p.29

I1.1. UNE ÎLE DE BOUT EN BOUT Le chemin comme événement en soi

I1.2. RANDONNÉE AU MUSÉE Le temps péripatéticien de la marche

I1.3. SEPT NUITS AU MUSÉE Le temps suspendu de la halte

I1.4. IMMOBILITÉS SUCCESSIVES Le temps chronophotographique de l’approche

BIBLIOGRAPHIE p.42



I. LA POSSIBILITÉ D’UNE ÎLE Il existe au milieu du temps La possibilité d’une île1 michel houellebecq

I.1. LE MUSÉE INSULAIRE. «Pourvu que ce soit hors de ce monde»

No one understands my idea of building in the desert.2

helene kröller-müller

(à propos de la construction du Musée Kröller-Müller dans le parc naturel de la Haute Veluwe aux Pays-Bas)

Cela résonne presque comme une obsession : à lire les témoignages de Knud Jensen, le fondateur de Louisiana, ou ceux d’Helene Kröller-Müller, à l’origine du musée éponyme, difficile de ne pas entendre l’écho des vers de Baudelaire. «N’importe où! n’importe où! pourvu que ce soit hors de ce monde!»3 A Otterlo, les Kröller-Müller se sont attachés à trouver un «désert» pour y implanter leur collection d’art moderne. Au Danemark, Knud Jensen «imagina un musée hors de la ville, puisque Copenhague en avait déjà près de vingt et les gens ne les visitaient que très rarement en semaine, alors qu’ils faisaient tout leur possible pour sortir de la ville les weekends.»4 1 HOUELLEBECQ, Michel, La Possibilité d’une île, Paris : Fayard, 2005, p.433 2 KRÖLLER-MÜLLER Helene, 1922 in OXENAAR, R.W.D., Kröller-Müller, the first hundred years, Haarlem : Joh. Enschedé en Zonen, 1989 3 BAUDELAIRE, Charles, «Anywhere out of the world, N’importe où hors du monde», Le spleen de Paris (Petits poèmes en prose), XLVIII Paris, Michel Levy, 1869 4 PARDEY, John, Louisiana and beyond, the work of Vilhelm Wohlert, Hellerup : Bløndal, 2007, p.46 «He thought about such a museum outside the city, as Copenhagen already had twenty museums, but people seldom visited these during the working week while at weekends, most did everything they could to get out of town.» nt. 7


La périphérie chez Jensen, comme le désert chez Helene Kröller-Müller, tous deux renvoient à cet hors-de-cemonde fantasmé, cet ailleurs au potentiel brut. Car, à leurs yeux, et comme le note Magnus Jørgensen à propos du Grand Nord, «le potentiel insoupçonné de la périphérie réside dans la distance à l’ordre établi qu’elle autorise».5 C’est en cela que les musées qu’ils imaginent se doivent d’être des lieux à part, non pas qu’ils seraient hermétiquement clos, mais simplement qu’ils seraient géographiquement séparés de la ville, elle-même tenue à distance, afin d’échapper à son tumulte et, surtout, à sa tutelle. En effet, à Lousiana – et, dans une moindre mesure, au musée KröllerMüller – tout est fait pour tenir à distance ce que Jensen considère comme la décadence du goût bourgeois. Hors de la ville, c’est un terrain neuf, vierge de culture bourgeoise qui s’offre à eux. C’est là un sol propice à l’art qu’ils appellent de leurs vœux, à cette avant-garde artistique dont ils sont les mécènes. Aussi, les Kröller-Müller et Knud Jensen s’attacheront à trouver un site à l’insularité latente, qu’il s’agira de développer – d’entretenir presque – pour y construire leur musée insulaire. L’essentiel de leur projet sera de tenir la ville à distance ; à une distance suffisante pour ne pas ruiner l’altérité du site, sans pour autant se couper d’un réservoir de public sans qui le musée ne serait pas viable. Dans les deux cas, l’insularité des musées est donc toute relative. Si les Kröller-Müller choisissent d’implanter leurs galeries au cœur des cinq milles hectares du parc national de la Haute Veluwe, à environ trente minutes d’Arnhem (la ville la plus proche) et quarante-cinq minutes d’Utrecht, Louisiana est quant à lui à trente-cinq kilomètres du centre de Copenhague et facilement accessible en voiture ou via les transports en commun. Si l’éloignement de la ville permet de tenir à distance le goût bourgeois et d’ouvrir ainsi le champ à l’expérimentation dont se nourrit l’art moderne, il sert aussi à exiger du visiteur qu’il se prête au jeu du parcours jusqu’au musée, de ce parcours qui relève déjà de la retraite, de la dérive vers un lieu retiré, séparé et donc alternatif.

5 JØRGENSEN, Magnus, «Accepting the Barents Spectacle — or the undiscovered potential of a peripheral environment», in Northern Experiments, The Barents Urban Survey 2009, Oslo : 0047 publisher, 2009 “The biggest undiscovered potential of being in the periphery is the liberation from the established consensus.” nt. 8


I.2. UNE ÎLE ENCORE SÈCHE Dans le projet d’établir un musée hors-le-centre, il serait donc important – voire primordial – de commencer par trouver une île, ou plutôt devrais-je dire, distinguer une île. Ce serait là l’étape première. À Louisiana, comme au musée Kröller-Müller, la recherche de l’île est encore aujourd’hui chargée d’une certaine mythologie qui fait d’elle le moment fondateur du musée, celui sur lequel tout repose. Maintes et maintes fois sont répétées les étapes qui ont conduit Knud Jensen à découvrir ce vieux manoir en bord de mer. Plus nombreux encore sont les récits des pérégrinations qui ont conduit Helene Kröller-Müller et son mari à la construction d’un musée dans cette partie retirée des Pays-Bas, cette île déserte et préservée, en plein cœur d’une des régions les plus urbanisées d’Europe. À la question qu’est-ce qu’une île? qui s’impose alors, il semble néanmoins difficile d’apporter une réponse évidente. «Les définitions de dictionnaires sont formelles : l’île est une terre ferme environnée d’eau. Or les continents le sont aussi.»6 C’est la notion d’isolement (ce que l’on nomme insularité) qui caractérise davantage l’île. Aussi, de la définition de l’île comme «n’importe quel morceau de terre entouré d’eau»7, on glisse vers celle, plus large mais plus effective, qui la définit comme «n’importe quel objet perdu dans l’extension sans fin d’un élément uniforme. De la sorte, l’île est isolée. L’île est par définition retirée, séparée, intimement alternative.»8 C’est cette définition de l’île, bien plus féconde, qui permet alors à Gilles Deleuze d’émettre l’idée que «rêver les îles, avec angoisse ou joie peu importe, c’est rêver qu’on se sépare, qu’on est déjà séparé, loin des continents, qu’on est seul et perdu – ou bien c’est rêver qu’on repart de zéro, qu’on recrée, qu’on recommence.»9 6 FOUGÈRE, Eric, Les voyages et l’ancrage, Représentation de l’espace insulaire à l’Âge classique et aux Lumières. 1615-1797, Paris : L’harmattan, 1995, p.9 7 «Editorial» in San Rocco, Islands, #1, Hiver 2011 “An island, is any piece of land that is surrounded by water.” nt. 8 ibid. «An island is any object lost in an endless extension of a uniform element. As such, an island is isolated. The island is by definition remote, separated, intimately alternative.» nt. 9 DELEUZE, Gilles, Île déserte et autres textes, textes et entretiens, 19531974, Paris : Minuit, p.15 9



L’entrée dans le projet se fera donc par la recherche d’une île, sa possibilité. C’est pourquoi ce qui suit s’attache à dégager une île pour fixer les limites d’un territoire de projet. Avant tout, l’île que nous recherchons n’est pas nécessairement entourée d’eau. La notion d’île relève davantage ici de l’insularité et des notions qui lui sont contiguës : enclavement, périphéries, contiguïté, connexité et isolement. Elle serait indifféremment «une île ou une montagne, les deux à la fois,» puisque «l’île est une montagne marine, la montagne, une île encore sèche.»10 Dans le cadre d’un projet de musée insulaire, l’île que nous recherchons est d’abord une île par opposition à l’étendue urbanisée qui l’entoure et dont elle se met à distance. La ville, ou l’aire urbaine, est entendue ici comme «l’extension sans fin d’un élément uniforme» au regard de laquelle s’érige l’île. Cette dernière est considérée en cela sous la menace constante – et plus ou moins grandissante – de l’extension urbaine. Aussi, on dira d’elle qu’elle est encore sèche dans le sens où elle est sur le point d’être engloutie par l’étendue qui l’entoure. Par ailleurs, l’île que nous recherchons se doit d’être dépourvue du substrat de culture et de confort bourgeois qui caractérise, par opposition, les centres urbains. On dira alors d’elle qu’elle est sèche, entendu dans le sens aride, âpre, qui produit une impression de rudesse. Enfin, elle est une île suffisamment grande pour, qu’en son cœur, le visiteur ne puisse plus en percevoir les limites et, de la sorte, l’affaiblissement du potentiel qui la caractérise. On dira donc d’elle qu’elle est une île encore sèche, en cela que l’érosion de son littoral ne l’a pas encore réduite à la condition d’un rocher perdu en haute mer.

10 id. p.17


I.3. À MARÉE MONTANTE Insularités alpines Le long processus d’érosion des reliefs, dû au mouvement des glaciers ou à l’action combinée de l’eau et du gel, tend à former ce que les géographes appellent des îles continentales. En effet, une carte topographique des Alpes montre par exemple avec clarté ces ensembles de montagnes, dont les contours et la forme sont le résultat de désarticulations, d’érosions et de fractures. Aussi, la morphogenèse des Alpes est à considérer comme une suite d’actions diverses qui, dans leur ensemble, participent à la formation de massifs distincts, de montagnes esseulées, c’est-à-dire d’un archipel d’îles encore sèches plus ou moins grandes et rapprochées. Un deuxième élément, plus contemporain, vient souligner les contours de ces insularités alpines. Parce que de tout temps, il a été plus aisé pour les hommes de s’installer au fond des vallées, à proximité des voies de communication et des terres fertiles, l’urbanisation des Alpes s’est faite dans les interstices de ces archipels, occupant les sillons formés par les désarticulations, les fractures et l’érosion du massif originel. Cette urbanisation est en somme assez récente. Si on en trouve des témoignages dès le XVIIIe siècle, chez Rousseau par exemple, il est important de noter que «ce qui, voilà deux siècles, pouvait passer pour une extrapolation poétique est devenu réalité sous nos yeux.»11 Dans la partie occidentale des Alpes, et notamment à la frontière franco-suisse, l’urbanisation s’est particulièrement intensifiée dans les dernières décennies. À tel point que de Lausanne à Grenoble ce sont aujourd’hui près de 2,4 millions d’habitants qui se répartissent sur les cinq pôles principaux que sont, du Nord au Sud, Lausanne, Genève-Annemasse, Annecy, Chambéry-Aix-les-Bains et Grenoble. Aussi, ce que certains appellent le Sillon Alpin concentre aujourd’hui l’essentiel de la population des Alpes occidentales et une grande partie des habitants de l’Arc Alpin. Cette aire urbaine partage aujourd’hui ses contours avec l’ensemble géologique dont elle occupe la plus grande partie. Le cordon urbain qui commence à Grenoble se 11 CORBOZ, André, «Le territoire comme palimpseste» (1983), in Le territoire comme palimpseste et autres essais, Paris : Éditions de l’Imprimeur, 2001, p.212

LYON

AIX


LAUSANNE

GENÈVE ANNEMASSE

ANNECY

ALBERTVILLE

X-LES-BAINS CHAMBÉRY

GRENOBLE

TURIN


prolonge en effet de manière linéaire jusqu’à Chambéry, point d’ouverture d’un plateau à l’urbanisation diffuse qui, franchissant le Léman en direction de la Suisse, atteint la rive Nord près de Lausanne (le lac ne constitue en rien un point de rupture dans le réseau de villes, tout au moins est-il un obstacle que l’on contourne par Genève). Elle forme alors un faisceau qui, délimité à l’Ouest par le Jura et à l’Est par les massifs des pré-Alpes de Savoie, prend son origine géologique à Chambéry, lieu où les deux ensembles se rencontrent. En direction du Sud, on échappe de l’entonnoir par deux cluses, à Annecy et Chambéry qui, toutes deux donnent accès à la profonde vallée de l’Isère conduisant à Grenoble. Pour dresser un portrait complet, il faut ajouter que la vallée de l’Arve qui relie Genève à Chamonix et donne accès à l’Italie est elle aussi très urbanisée. Cependant, sur ce fond uniforme à l’extension presque illimitée, se détachent, dans les mailles du réseau, quelques territoires insulaires. Ils correspondent aux zones de relief accidenté où l’urbanisation a plus de mal à s’infiltrer. Ce sont les massifs de moyenne montagne des Aravis, des Bauges et de la Chartreuse, qui, sur la carte des densités de population, ressortent avec clarté.



I.4. LES BAUGES Une île. Ou presque Parmi ces insularités alpines, c’est «le plus méconnu, le plus secret et aussi le mieux préservé des massifs alpins»12 qui nous intéresse ici particulièrement. Le massif des Bauges est l’île la plus uniformément entourée par l’agglomération dont nous parlions précédemment : il est délimité au Nord par le prolongement côté français de l’aire urbaine lémanique et, au Sud, par la vallée de l’Isère qui relie Albertville à Grenoble. Ces deux ensembles sont connectés par la combe de Chambéry à l’Ouest et celle qu’occupe le lac d’Annecy à l’Est qui, toutes deux délimitent le massif sur ces deux derniers côtés.

Dans les Bauges, la nature est à l’état brut. Pas de voies ferrées, pas d’autoroute, pas même un seul feu rouge. Et pourtant, nous sommes à deux pas de Chambéry, d’Annecy et d’Albertville. On ne traverse pas cette large citadelle, on la contourne, comme chaque hiver des millions de skieurs, qui s’agglutinent autour pour s’échapper ensuite vers la Tarentaise ou la Haute-Savoie. Quand par bonheur on y entre, on s’aperçoit que les falaises austères du dehors s’ouvrent en dedans en de multiples vallées où se nichent des petits villages dont le plus peuplé atteint à peine 500 âmes.13 Le front difficilement pénétrable de montagnes et de falaises qui en forme la périphérie détache en effet clairement les Bauges de tout ce qui l’entoure. L’accès au cœur du massif n’est aujourd’hui encore assuré que par cinq cols escarpés et une seule vallée très encaissée. «Ce n’est qu’à partir de 1830 que le gouvernement sarde14 se préoccupa de l’amélioration des routes d’accès aux Bauges.»15 De sorte qu’en l’espace de trente ans «l’ossature du réseau routier fut acquise […], permettant aux Bauges de sortir de leur isolement, favorisant le commerce et l’entrée de produits nouveaux.»16 Le réseau 12 BECCU, Pierre, La montagne au tournant (film), France 3 Montagne, Avril 1993, 0’01»50-0’03»00 13 ibid. 14 le Duché de Savoie est à l’époque intégré au Royaume de Piémont-Sardaigne. 15 BOUVIER, Henri, Histoire du Châtelard-en-Bauges, Montmélian : La Fontaine de Siloé, 1997, p.152 16 ibid. 16


a bien sûr été amélioré depuis, sans pour autant parvenir à surmonter totalement les contraintes géographiques du massif17: il faut encore aujourd’hui près de cinquante minutes de trajet pour rejoindre Chambéry depuis le cœur des Bauges, pourtant distant de seulement 20 kilomètres18. Alors même qu’autrefois, la plupart des massifs alpins étaient eux aussi très insulaires, très retirés et peu développés, beaucoup d’entre eux accueillent aujourd’hui ces alpine resorts dont le potentiel économique a justifié les coûteux investissements de désenclavement. Rares sont les massifs qui ont échappé à ce développement. Si, partout autour, on a assisté à «la construction des réseaux autoroutiers, à celle des nouvelles infrastructures ferroviaires et aériennes, à l’équipement systématique des régions montagneuses impropres à l’agriculture et au logement» pour accueillir le tourisme d’hiver, les Bauges sont restées, pour l’essentiel, à côté de l’essor fulgurant de cette «activité essentiellement citadine, dont le but consiste à mettre [les montagnes] à la disposition de l’homme des villes.»19 En raison d’un relief relativement moindre par rapport à ses voisins et donc d’un enneigement plus aléatoire, le massif n’a pas pu prétendre à disposer des mêmes investissements. Il ne s’est donc pas doté de grandes stations de ski20 et des infrastructures qu’elles nécessitent. Aussi, sans modèle économique de développement pour entrer dans la modernité, la deuxième moitié du XXe siècle n’as pas été aussi glorieuse pour lui qu’elle l’a été pour la Maurienne ou la Tarentaise voisines. La situation était encore très alarmante dans les années 1980. On lit par exemple dans une publication de l’époque : «la population du Massif préalpin des Bauges a subi fortement l’exode rural. Sa vitalité démographique semble affectée, alors que l’agriculture doit perdre encore une grosse partie de ses effectifs. Il est nécessaire de diversifier l’économie, de désenclaver le Massif, avant que les villages, la population ne se trouvent au-dessous des seuils de survie.”21 17 ibid. «Le projet d’ouverture d’un tunnel pour le passage du col du Frêne a été discuté de 1882 à 1914, sans toutefois pouvoir aboutir.» 18 Le Châtelard – Chambéry (distance à vol d’oiseau : 20km): 50min (source google maps) 19 CORBOZ, André, op.cit., p.212 20 les rares stations qu’il abrite ciblent un public familial et local (aucune offre d’hébergement sur place) ou sont exclusivement tournées vers le ski nordique (Savoie-Grand-Revard). 21 GUÉRIN, J.-P., «Population et économie dans une moyenne montagne: 17


Or, si rien n’a fondamentalement changé à l’intérieur du massif, la situation est dorénavant bien différente dans les villes qui le ceinturent. En effet, Grenoble, Chambéry, Albertville, «Genève, Thonon-les-Bains, Annecy, Sallanches et Cluses, qui forment un ensemble d’aires urbaines toutes contiguës, ne disposent pas [aujourd’hui] d’un espace suffisant pour s’étendre et connaissent de ce fait une densification importante de leur territoire.»22 L’île semble, plus que jamais, sur le point d’être engloutie par chacune de ces villes dont l’extension pénètre les massifs de moyenne montagne qui les entourent. La menace est grandissante et remet aujourd’hui en cause l’insularité de ce massif alpin, contenu dans le périmètre de la plus grande agglomération des Alpes. Si cette insularité a été longtemps vécue comme un isolement, un enclavement presque, la mise en place d’un modèle économique de développement, à travers la constitution du Parc Naturel Régional du Massif des Bauges en 1995, a contribué à un retournement de la situation et à une certaine prise de conscience. L’insularité est aujourd’hui vécue comme une chance et d’importants moyens sont alloués pour la préserver. En effet, les autorités sont maintenant conscientes que «par l’espace disponible qu’il représente à proximité des agglomérations, le massif des Bauges sera de plus en plus convoité, avec le risque notamment de prolifération d’une urbanisation pavillonnaire.»23 Le Parc Naturel Régional contribue donc à préserver le massif de ces convoitises et doit pour cela lutter pour préserver son caractère rural (par la lutte contre l’urbanisation de ses piémonts et du cœur du massif, par l’aide à l’agriculture et au pastoralisme) tout en assumant et en diversifiant sa vocation de «territoire de ressourcement»24 pour éviter les écueils du tourisme de masse. Aussi, les Bauges se sont dotées de moyens de développer ou d’entretenir l’insularité du massif. Ces moyens correspondent à ceux que Knud Jensen et, dans une plus large mesure, ceux que les Kröller-Müller ont respectivement mis en place à Humlebæk et Otterlo pour tenir la ville l’exemple des Bauges», in Revue de géographie alpine, 1984, Tome 62 n°1, p.75 22 RIGOLLET, Luc, Les aires urbaines de Rhône-Alpes s’étendent et se densifient, Insee, 2010 23 Charte du Parc Naturel Régional du Massif des Bauges, 2007, p.5 24 ibid. 18


à distance. C’est dans ce cadre que notre projet de musée insulaire est donc rendu possible. Aussi, les autorités locales ont pris conscience que «la position et la configuration géographique du massif des Bauges le désignent comme un espace de loisirs de proximité pour les agglomérations alpines.»25 Dans ce rôle d’île de ressourcement au cœur du Sillon Alpin qu’assume maintenant le massif, il est devenu urgent de remédier à un manque chronique d’offre culturelle. Pour cela, les autorités ont envisagé «d’établir des partenariats forts avec les villes-portes26 pour favoriser et faciliter l’accès à la culture en diversifiant notamment l’offre culturelle et en mobilisant des aides à la réalisation des équipements et à leur fonctionnement en réseau.»27 Il s’agit donc de construire des liens hors de l’île et de faire fonctionner en réseau plusieurs établissements «notamment en lien avec les préoccupations privilégiées du Parc (nature, patrimoine, culture locale, produits locaux...)» 28 à l’intérieur du massif.

25 id, p.6 26 les villes-portes du massif sont Annecy, Rumilly, Aix-les-Bains, Chambéry, Albertville et Ugine. 27 Charte du Parc Naturel Régional du Massif des Bauges, 2007, p.6 28 ibid. 19



LE NORD DES ALPES OCCIDENTALES 1- Le Sillon Alpin 2- Les aires urbaines 3- Les alpine resorts 4- Les musées d’art

Dans la région, l’essentiel des musées d’art d’envergure se concentrent sur trois pôles principaux qui, tant bien que mal, tentent de rivaliser avec Lyon et Turin. Au Nord, la scène culturelle est dominée par Genève et Lausanne, deux villes à la très ancienne tradition artistique, Elles sont dotées de plusieurs musées d’art et de centres contemporains d’envergure internationale : le MAMCO (Musée d’Art Moderne et Contemporain), le Musée Rath et le Musée d’Art et d’Histoire à Genève et, d’autre part, la Fondation de l’Hermitage, le Musée cantonal des BeauxArts, la Collection de l’Art Brut et le Musée de l’Élysée à Lausanne. Au Sud, Grenoble défend sa place avec, là aussi, quelques établissements d’envergure (Musée de Grenoble, Le Magasin). Mais, entre ces pôles dynamiques et attractifs, l’offre culturelle semble bien mince. Si plusieurs localités dont Annecy et Chambéry abritent des centres artistiques, il est bien difficile de distinguer un seul centre d’envergure nationale sur la distance qui sépare Genève de Grenoble ; exception faite de la Fondation Salomon pour l’art contemporain qui, près d’Annecy, s’attache à montrer l’art le plus pointu et le plus actuel.


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I1. LE MUSÉE-ITINÉRAIRE Le véritable paysage doit être traversé et vécu à pied, il ne dévoilera pas son secret au touriste ou à l’intellect nu. gerhard hard29

I1.1. UNE ÎLE DE BOUT EN BOUT Le chemin comme un événement en soi

Le chemin devint un événement en soi et força l’art et la nature à s’étreindre mutuellement. john pardey30 Les bouleversements de la sculpture dans la deuxième moitié du XXe siècle ont fait émerger un nouveau type d’œuvre d’art qui, sans remplacer les autres, bouleverse toutefois la manière de concevoir aujourd’hui la relation du musée d’art au territoire qu’il occupe. En effet, «sortir des musées et des galeries, c’est d’une certaine façon […] vouloir réinterpréter l’art. Mais sortir de ces espaces, c’est aussi les prolonger»31 et rendre en cela plus flou le contour du musée, sa frontière, la limite entre ce qui lui est intérieur et ce qui lui est extérieur. En cela la sculpture de l’étendue, c’est-à-dire une sculpture pour laquelle «le terrain n’est pas le cadre de l’œuvre, mais en fait partie intégrante»32, introduit dans l’histoire des musées un changement de paradigme équivalent à celui qui affecta l’art des jardins au moment de l’introduction du dispositif du haha – ou saut-de-loup – qui, de manière fondamentale, tendait à annihiler toute frontière entre le jardin et le grand paysage. 29 HARD Gerhard, Die Landschaft der Sprache und die Landschaft der Geographen. Semantische und forschungslogische Studien. Bonn 1970, p.20-21 (trad. M.J.) «Die (wahre) Landschaft […] sie muß erwandert und erlebt werden, versagt aber ihr Geheimnis dem Touristen und dem bloßen Intellekt.» 30 PARDEY, John, op.cit., p.51, “With the notion of a long corridor, the route became an event in itself and forced art and nature into a reciprocal embrace.» nt. 31 ibid. 32 DE MARIA, Walter, cit. in GARRAUD, Colette, L’artiste contemporain et la nature, parcs et paysages européens, Paris : Hazan, 2007, 23


De même, si la sculpture de l’étendue introduit un nouveau rapport du musée au site, elle bouleverse aussi le rapport du spectateur à l’espace. Car, en effet, «faire pénétrer l’étendue dans la sculpture, c’est faire de la marche du spectateur à l’intérieur de l’œuvre le ressort essentiel de l’activité contemplative.”33 Le musée devient alors ni plus ni moins que le cadre d’une exploration pédestre et généralisée de l’espace. Aussi, chercher par l’architecture à construire un musée introverti, autiste ou centré sur un intérieur serait déjà un non-sens aux yeux des développements récents de la sculpture. Chercher à le faire pour un musée insulaire serait une plus grande aberration encore. Car, dans le cas des musées insulaires, l’île elle-même est une frontière en soi. Elle met en place une première limite, une première distance qui n’a nul besoin d’être redoublée. Les périmètres de l’île et du musée sont alors voués à se confondre. De fait, puisque c’est à l’échelle du massif que les Bauges se sont dotées des moyens de développer ou d’entretenir l’insularité qui les caractérise, alors le périmètre le plus approprié pour ce musée correspond à celui de l’île encore sèche. Aussi, le parcours du musée se doit d’en offrir si ce n’est la possibilité d’une exploration complète, au moins celle d’une traversée pédestre de bout en bout. Cette traversée pourrait par exemple permettre de rejoindre deux des villes-portes qui l’entourent. Le choix de ces villes, s’il est dans une certaine mesure arbitraire, s’est porté sur Annecy et Chambéry, les deux plus grandes villes autour du massif, diamétralement opposées sur la carte de l’île. En raison surtout d’un chemin de grande randonnée existant – le GR96 – qui permet déjà de les rejoindre aujourd’hui. «Un accès par Duingt (bateau pour Annecy) traverse le petit massif du Taillefer et rejoint le GR96 aux Brochettes.»34 De là, le chemin se poursuit jusqu’à Chambéry, offrant ainsi la possibilité à un randonneur non nécessairement averti de relier en près d’une semaine les deux villes savoyardes par un chemin alternatif, à travers le cœur des Bauges.

33 GARRAUD, Colette, op.cit., p.30 34Tours et traversées du Massif des Bauges, Mars 2010, p.103 24


I1.2. UNE RANDONNÉE AU MUSÉE Le temps péripatéticien de la marche

Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher. robert-louis stevenson35 D’aucuns disent que la grande randonnée ne vaut que par la mise en mouvement qu’elle implique. Car elle est un acte gratuit : aucune fonctionnalité ne la légitime. «Anachronique dans le monde contemporain – qui privilégie la vitesse, l’utilité, le rendement, l’efficacité – la marche est un acte de résistance privilégiant la lenteur, la disponibilité, la conversation, le silence, la curiosité, l’amitié, l’inutile, autant de valeurs résolument opposées aux sensibilités néolibérales qui conditionnent désormais nos vies.» Déjà, «prendre son temps est une subversion du quotidien.»36 Pour les randonneurs, davantage que le point d’arrivée, c’est le trajet en lui-même qui compte. Car «il n’est nullement nécessaire d’avoir un but pour marcher, même s’il faut parfois un prétexte pour se mettre en mouvement.»37 Suivre un parcours balisé vers Saint-Jacques de Compostelle – sans jamais peut-être y parvenir, traverser la Corse du Nord au Sud – ou dans l’autre sens, peu importe – ou bien parcourir tout ou partie du sentier des Douaniers n’implique pas en soi un objectif au sens utilitaire du mot. «Généralement le terme de la marche n’est pas plus grandiose que les différentes étapes du parcours, il n’en était que le fil conducteur un peu vague. Le mobile justement autorisant la mise en mouvement.»38 C’est en cela que le sens de la traversée n’a en soi que peu d’importance. D’Annecy vers Chambéry, ou l’inverse, telle n’est pas ici la question. Il ne s’agit pas même d’ailleurs de penser que l’itinéraire doive absolument être parcouru dans son ensemble ou que chaque étape doive être franchie dans l’ordre, sans en oublier une seule. Un segment de la traversée pourra suffire à tel randonneur alors même que tel autre ne se contentera que de l’itinéraire complet. Le chemin de randonnée se différencie en cela des chemins de croix, ou des 35 STEVENSON, Robert-Louis, Voyages avec un âne dans les Cévennes, Paris: 10-18, 1978, p.76 36 LE BRETON, David, Marcher, Éloge des chemins et de la lenteur, Paris: Métailié, 2012 p.17 37 id. p.31 38 ibid. 25


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monts-calvaires39 qui sont des parcours narratifs, au sens et à l’ordre de lecture unique. Impossible de les prendre en route, inconcevable de les parcourir à l’envers. Puisqu’il n’est pas basé sur un rapport narratif à la progression, le chemin de randonnée réserve des surprises à celui qui l’emprunte. Sa structure ne connaît pas de progression linéaire – elle est segmentée, hétérogène et donc imprévisible – son sens n’a pas de valeur prépondérante, on peut atteindre son point d’arrivée – la situation finale – en partant du même point – la situation initiale – en ayant emprunté de multiples chemins, etc. Aussi, si le chemin de randonnée est le lieu du corps en mouvement, du corps à l’effort, il est surtout celui du corps en tension, où l’être tout entier est «à l’affût de l’inattendu,»40 dans «un état d’alerte permanent pour les sens et l’intelligence.»41 C’est en cela qu’il est le lieu adapté à l’expérience de la sculpture de l’étendue, un type d’œuvre d’art qui «ne peut être regardé à partir d’un point de vue qui serait plus «central» que les autres.» 42 Le spectateur se déplace en effet à l’intérieur de ces sculptures et, en l’absence d’un centre unique d’observation de l’œuvre, doit rester en alerte permanente, «au long des déplacements qui modifient les points de vue, les distances, les profondeurs, les relations, etc.»43 Avec la sculpture de l’étendue, mais aussi avec le chemin de randonnée, «le centre devient mobile, un moving center, et l’expérience de la perception du paysage ou de l’œuvre est celle du temps péripatéticien de la marche.»44 Aussi, l’art s’expérimente le long du chemin dans le jeu des mouvements et des glissements des plans successifs. Le spectateur n’adopte jamais la position statique et frontale de la contemplation. Son rapport au paysage et à l’œuvre d’art est immersif et dynamique.

39 cf. Sacri Monti du Piémont 40 LE BRETON, David, op.cit., p.18 41 ibid. 42 SERRA, Richard, Entretien avec Lynne Cook (1992), in LUCAN, Jacques, «L’invention du paysage architectural», in Matières, Lausanne : Presse Polytechnique et Universitaires romandes, 1998, p.23 43 ibid. 44 ibid. 27


"L'ILE ENCORE SÈCHE"

UN MUSÉE-ITINÉRAIRE À TRAVERS LES BAUGES ENTRE ANNECY ET CHAMBÉRY 9 HALTES - 8 JOURS - 7 NUITS

I1.3. . 7 NUITS AU MUSÉE Le temps suspendu de la halte

VINCENT VERGAIN PFE 2012

1

«Faire route à pied par un beau temps dans un beau pays sans être pressé et avoir pour terme de ma course un objet agréable ; voilà de toutes les manières de vivre celle qui est le plus à mon goût»45 écrivait Rousseau. La marche, chez lui, ne serait alors concevable que si elle contient en elle la promesse d’un lieu du repos. Comme si le mouvement de la randonnée ne pouvait se concevoir autrement qu’accompagné ou ponctué de haltes, de lieux ou de moments d’immobilité.

2

ANNECY

DÉPART LES MARQUISATS

CHATEAU DE RUPH HALTE MAJEURE DUINGT

SITUATION

UN CARRÉ DE 2KM DE CÔTÉ ÉCHELLE: 1/40.000

1000m

500m

0 NORD

UN PORT FACE AU LARGE LA VILLE DANS LE DOS

Par opposition au chemin, la halte en montagne est le lieu nécessaire du corps statique, elle est le cadre d’un de ces «moments où le corps est superflu, surnuméraire, encombrant»46. Elle est le lieu du confort, du corps en sécurité, au repos. Par ailleurs, dans le cadre d’une grande randonnée, la halte est amenée à accueillir le randonneur pour la nuit, à lui offrir le gîte et le couvert. Elle s’apparente alors au refuge, à la chambre d’hôte ou au gîte d’étape. La traversée entre Annecy et Chambéry nécessitant près de huit jours de marche, à raison de quatre à cinq heures par jour, il s’agira de ponctuer l’itinéraire de sept haltes aménagées pour y passer la nuit, chacune de ces haltes pouvant indifféremment être le terme d’une excursion ponctuelle ou d’une des étapes de l’itinéraire complet. Il convient d’ajouter à ces sept haltes les deux extrémités de l’itinéraire qui se différencient des autres en cela qu’elles n’ont pas pour objet d’offrir un toit pour y passer la nuit. Le projet s’est donc attaché à localiser cet ensemble de neuf haltes le long du parcours. S’il a été décidé que leur emplacement coïnciderait avec une articulation majeure du parcours – un changement de direction important, de dénivelé, de profil du terrain, de type de parcours, etc. – leur implantation a surtout été guidée par la présence d’un ou plusieurs chemins de randonnée secondaires qui croisent ou empruntent le tracé du GR. Ces emplacements semblaient être les plus propices à l’implantation d’une halte, favorisant de la sorte les accès secondaires. De même, le potentiel paysager de chaque site, qu’il soit évident ou latent, et la distance à parcourir entre chaque halte ont été considérés. Si les choix effectués peuvent à certains égards paraître arbitraires, il est 45 ROUSSEAU, Les Confessions, Livre IV, Paris: Cazin, 1782 46 LE BRETON, David, op.cit.. 28

UNE PRESQU'ÎLE UN CHÂTEAU À L'ÉCART DU VILLAGE

CONTEXTE IMMÉDIAT UN CARRÉ DE 600M DE CÔTÉ ÉCHELLE: 1/20.000

1200m

600m

0 NORD

ANNECY

DÉPART LES MARQUISATS

CHATEAU DE RUPHY

HALTE MAJEURE DUINGT

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 0M

ALTITUDE : 446M

SITE

VUE SATELLITAIRE NUIT 1

CHATEAU DE RUPHY

LES MARQUISATS

ANNECY

DUINGT

DEPART

NORD

SITUATION PAYSAGÈRE

250m

SOUDAIN, UNE #ÉCLAIRCIE. DRESSÉ LÀ: UN #AVANT-POSTE. #UNE ÎLE OU PRESQUE.

DÉPART POUR LE #LARGE: #AU BOUT DU PONTON, #RETENU, LES PIEDS DANS L'EAU

CHALETS

HALTE MINEURE ENTREVERNES

ALTITUDE AU-DESSUS

ANNECY

DÉPART LES MARQUISATS ALTITUDE : 446M

LONGUE-VUE

PANORAMA

EXPÉRIENCE DE LA VUE LOINTAINE

EXPÉRIENCE DE L'ÉTENDUE

LES MARQUISATS

ANNECY

DEPART

CHATEAU DE RUPHY CHATEAU DE RUPHY

CONFINEMENT

HALTE MAJEURE HALTE MAJEURE DUINGT ALTITUDE DUINGT AU-DESSUS D'ANNECY: 0M ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 0M

EXPÉRIENCE DE L'INTIME NUIT 1

CHATEAU DE RUPHY NUIT 1 DUINGT CHATEAU DE RUPHY DUINGT

NORD

SITE

IMAGES DU SITE

DÉPART POUR LE #LARGE: #AU BOUT DU PONTON, #RETENU, LES PIEDS DANS L'EAU

250m

#LÀ-HAUT UN BALCON. ON Y OBSERVE LE #CIEL, AU COL #RETIRÉ

SOUDAIN, UNE #ÉCLAIRCIE. SOUDAIN, #ÉCLAIRCIE. DRESSÉ LÀ: UNUNE #AVANT-POSTE. DRESSÉ#UNE LÀ: UNÎLE #AVANT-POSTE. OU PRESQUE. #UNE ÎLE OU PRESQUE.

CHATEAU DE RUPHY

HALTE MAJEURE DUINGT

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 0M

NUIT 1

CHATEAU DE RUPHY

DUINGT

NORD

SOUDAIN, UNE #ÉCLAIRCIE. DRESSÉ LÀ: UN #AVANT-POSTE. #UNE ÎLE OU PRESQUE.

250m

NORD

250m

NORD

250m

CHA

NUIT 2


2

3

CHATEAU DE RUPHY HALTE MAJEURE DUINGT

4

CHALETS DE PLEYU HALTE MINEURE ENTREVERNES

5

NANT DE BELLECOMBE HALTE MINEURE BELLECOMBE EN BAUGES

6

GRANGETTES HALTE MAJEURE LA COMPÔTE EN BAUGES

HALTE MINEURE LES AILLONS (MONT COLOMBIER)

LES 9 SITES

UNE PRESQU'ÎLE UN CHÂTEAU À L'ÉCART DU VILLAGE

AU FLANC D'UNE MONTAGNE PARMI LES CHALETS D'ALPAGES

CHATEAU DE RUPHY

HALTE MAJEURE DUINGT

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 0M

AU FOND D'UN VALLON PRÈS D'UN TORRENT RETIRÉ DANS LA FORÊT

CHALETS DE PLEYU

HALTE MINEURE ENTREVERNES

SUR LE PLAT D'UNE LARGE VALLÉE AU MILIEU DES PRÉS

NANT DE BELLECOMBE HALTE MINEURE BELLECOMBE-EN-BAUGES (MONT-DEVANT)

GRANGETTES

HALTE MINEURE THOIRY

COLOMBIER - COL DE LA COCHETTE

HALTE MINEURE LES AILLONS

9

SOURCE DE LA DORIAZ HALTE MINEURE SAINT JEAN D'ARVEY

AU BORD D'UN PRÉCIPICE AU SORTIR DE LA FORÊT FACE À UN LARGE PANORAMA

LES CHARMETTES

HALTE MAJEURE CHAMBÉRY (MAISON DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU)

UNE GORGE ENCAISSÉE PRÈS D'UNE SOURCE EN SOUS-BOIS

COL DE LA VERNE

HALTE MINEURE THOIRY

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 1254M

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 238M

8

COL DE LA VERNE

UN COL ESCARPÉ AU PIED D'UNE HAUTE MONTAGNE EN ALPAGE

HALTE MAJEURE LA COMPÔTE-EN-BAUGES

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 524M

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 697M

7

COL DE LA COCHETTE

UN PETIT VALLON AU MILIEU DES VERGERS LA MONTAGNE AU LOIN

SOURCE DE LA DORIAZ

HALTE MINEURE SAINT-JEAN-D'ARVEY (LOVETTAZ) ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 484M

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 1071M

LES CHARMETTES - MAISON DE ROUSSEAU

HALTE MAJEURE CHAMBÉRY

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 0M

CHAMBÉRY

LES CHARMETTES MAISON DE ROUSSEAU

MONT-DEVANT

NUIT 1

NANT DE BELLECOMBE

CHATEAU DE RUPHY

ARRIVÉE

NUIT 3

DUINGT

THOIRY

COL DE LA VERNE

CHALETS DE PLEYU

NUIT 2

GRANGETTES

NUIT 6

LA COMPOTE

ENTREVERNES

NUIT 4

LES AILLONS

COLOMBIER COL DE LA COCHETTE

SAINT JEAN D'ARVEY

SOURCE DE LA DORIAZ

NUIT 5

NUIT 7

NORD

0m

IRCIE. OSTE. SQUE.

NORD

250m

250m

NORD

#ISOLAT SUR LE RUISSEAU. L'HOMME #SCRUTATEUR EN #FOUILLE LE LIT

CHALETS DE PLEYU #LÀ-HAUT UN BALCON.

HALTE MINEURE ENTREVERNES

ON Y OBSERVE LE #CIEL, AU COL #RETIRÉ

250m

#ORATOIRES ÉPARS #JETÉS LÀ. UNE VALLÉE LES #CONTIENT

NORD

NORD

250m

#RETRAITE AU SOMMET

NORD

250m

UNE #SENTINELLE #AU DESSUS DU VIDE: CHUTE HORS DE L'#ENCLOS

#BELVÉDÈRE CÉLESTE, COLOMBIER - COL DE LA UNCOCHETTE UNE #CHEMINÉE

HALTE MINEURE LES AILLONS

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 697M

NORD

250m

NORD

250m

LÀ: À #DÉCOUVERT. #UN ASILE RETIRÉ. LA VILLE #À SES PIEDS.

#MONT-CALVAIRE À DÉVALER. UNE #RETENUE #ENDIGUE LA PENTE

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 1254M

SOURCE DE LA DORIAZ

HALTE MINEURE SAINT-JEAN-D'ARVEY (LOVETTAZ) ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 484M

PANORAMA

ZÉNITH

ENTREVERNES

EXPÉRIENCE DE L'ÉTENDUE

CHALETS DE PLEYU

NUIT 2

CONFINEMENT

EXPÉRIENCE DE LA VUE VERTICALE

CHATEAU DE RUPHY CHATEAU DE RUPHY

CONFINEMENT

HALTE MAJEURE HALTE MAJEURE DUINGT ALTITUDE DUINGT AU-DESSUS D'ANNECY: 0M ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 0M

EXPÉRIENCE DE L'INTIME

PANORAMA

EXPÉRIENCE DE L'INTIME

LONGUE-VUE

CHALETS DE PLEYU CHALETS DE PLEYU

HALTE MINEURE ENTREVERNES HALTE MINEURE ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 697M ENTREVERNES

PANORAMA

EXPÉRIENCE DE L'ÉTENDUE

EXPÉRIENCE DE L'ÉTENDUE

NANT DE BELLECOMBE HALTE MINEURE BELLECOMBE-EN-BAUGES (MONT-DEVANT) ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 524M

EXPÉRIENCE DE LA VUE LOINTAINE

COL DE LA VERNE

LONGUE-VUE

CONFINEMENT SAINT JEAN D'ARVEY

SOURCE DE LA DORIAZ

EXPÉRIENCE DE LA VUE LOINTAINE

VERTIGE

EXPÉRIENCE DE L'INTIME

EXPÉRIENCE DU VIDE SOUS LES PIEDS

EXPÉRIENCE DU VIDE SOUS LES PIEDS THOIRY

COL DE LA VERNE

EXPÉRIENCE DE L'INTIME

NUIT 7

NORD

VERTIGE

CONFINEMENT

HALTE MINEURE THOIRY

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 1071M

COLOMBIER - COL DE LA COCHETTE

HALTE MINEURE LES AILLONS

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 1254M

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 697M

250m

ZÉNITH

#MONT-CALVAIRE À DÉVALER. UNE #RETENUE #ENDIGUE LA PENTE

LONGUE-VUE

EXPÉRIENCE DE LA VUE VERTICALE

EXPÉRIENCE DE LA VUE LOINTAINE

NUIT 6

NUIT 1

CHATEAU DE RUPHY NUIT 1 DUINGT CHATEAU DE RUPHY

NORD

DUINGT

250m

ENTREVERNES

CHALETS DEENTREVERNES PLEYU CHALETS DE PLEYU

NUIT 2

NUIT 2

GRANGETTES

HALTE MAJEURE LA COMPÔTE-EN-BAUGES

MONT-DEVANT

LES AILLONS

NANT DE BELLECOMBE

NUIT 3

COLOMBIER COL DE LA COCHETTE

LES AILLONS

COLOMBIER COL DE LA COCHETTE

NUIT 5

NUIT 5

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 238M

#LÀ-HAUT UN BALCON. ON Y OBSERVE LE #CIEL, AU COL #RETIRÉ

SOUDAIN, UNE #ÉCLAIRCIE. SOUDAIN, #ÉCLAIRCIE. RESSÉ LÀ: UNUNE #AVANT-POSTE. RESSÉ#UNE LÀ: UNÎLE #AVANT-POSTE. OU PRESQUE. #UNE ÎLE OU PRESQUE.

NORD

250m

NORD

250m

NORD

250m

NORD

250m

NORD NORD

NORD

250m

NORD

NANT DE BELLECOMBE

250m

HALTE MINEURE BELLECOMBE-EN-BAUGES (MONT-DEVANT) ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 524M

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 0M

250m

250m

#RETRAITE AU SOMMET UN #BELVÉDÈRE CÉLESTE, UNE #CHEMINÉE

#ISOLAT SUR LE RUISSEAU. L'HOMME #SCRUTATEUR EN #FOUILLE LE LIT

#LÀ-HAUT UN BALCON. UNLE BALCON. ON#LÀ-HAUT Y OBSERVE #CIEL, ON Y OBSERVE #CIEL, AU COLLE #RETIRÉ AU COL #RETIRÉ

LES CHARMETTES - MAISON DE ROUSSEAU

HALTE MAJEURE CHAMBÉRY

#RETRAITE AU SOMMET GRANGETTES UN #BELVÉDÈRE CÉLESTE, UNE #CHEMINÉE

UNE #SENTINELLE #AU DESSUS DU VIDE: CHUTE HORS DE L'#ENCLOS

SOURCE DE LA DORIAZ

CHAMBÉRY

LES CHARMETTES MAISON DE ROUSSEAU

HALTE MINEURE SAINT-JEAN-D'ARVEY (LOVETTAZ)

ARRIVÉE

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 484M

LA COMPOTE

MONT-DEVANT

NANT DE BELLECOMBE

CHAMBÉRY

#ORATOIRES ÉPARS #JETÉS LÀ. UNE VALLÉE LES #CONTIENT

NORD

LES CHARMETTES - MAISON DE ROUSSEAU

LES CHARMETTES MAISON DE ROUSSEAU

NUIT 3

NORD

HALTE MAJEURE CHAMBÉRY

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 0M

NUIT 4

250m

ARRIVÉE

COL DE LA VERNE

HALTE MINEURE THOIRY

NORD

250m

#ISOLAT SUR LE RUISSEAU. L'HOMME #SCRUTATEUR EN #FOUILLE LE LIT

250m

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 1071M

GRANGETTES

HALTE MAJEURE LA COMPÔTE-EN-BAUGES

NORD

LÀ: À #DÉCOUVERT. #UN ASILE RETIRÉ. LA VILLE #À SES PIEDS.

SAINT JEAN D'ARVEY

THOIRY

SOURCE DE LA DORIAZ

COL DE LA VERNE

NUIT 6

ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 238M

LÀ: À #DÉCOUVERT. #UN ASILE RETIRÉ. LA VILLE #À SES PIEDS.

NUIT 7

250m

NORD

250m NORD

250m

LA COMPOTE

GRANGETTES

UNE #SENTINELLE #AU DESSUS DU VIDE: CHUTE HORS DE L'#ENCLOS

NUIT 4

NORD

#MONT-CALVAIRE À DÉVALER. UNE #RETENUE #ENDIGUE LA PENTE

SOURCE DE LA DORIAZ

HALTE MINEURE SAINT-JEAN-D'ARVEY (LOVETTAZ) ALTITUDE AU-DESSUS D'ANNECY: 484M

250m

#ORATOIRES ÉPARS #JETÉS LÀ. UNE VALLÉE LES #CONTIENT SAINT JEAN D'ARVEY

SOURCE DE LA DORIAZ

NUIT 7

NORD

#MONT-CALVAIRE À DÉVALER. UNE #RETENUE #ENDIGUE LA PENTE

250m

250m

250m


entendu que ces neuf haltes auraient pu se trouver disposées autrement sans que le projet n’en souffrît. Mais quel rapport au paysage ces haltes entretiennent-elles? Comment s’accommodent-elles de la question de l’œuvre d’art? Que peuvent-elles apporter au musée? À l’inverse du chemin qui développe un rapport immersif et en mouvement au territoire, la halte est le lieu de la «compréhension statique des paysages d’où le mouvement [est] absent ou, au moins non reconnu en tant que tel.» 47 Aussi, le spectateur y adopte la position d’un contemplatif sous les yeux de qui se déploie la vue. Le paysage acquiert alors un statut qu’il n’avait pas précédemment le long du chemin : il devient le facteur essentiel du sentiment esthétique, se substituant entièrement à l’artefact – l’œuvre d’art – pour devenir le contenu du tableau. Le spectateur, situé en face de lui, est alors extérieur à la scène qu’il observe, mais celle-ci est projetée, c’est-à-dire ramenée plus près de lui, sur sa rétine, sur le plan du tableau ou de la fenêtre picturale. L’architecture de la halte, du refuge, du gîte peu importe, est ici considérée comme le prisme statique de la vision du paysage, un élément à travers lequel on regarde et dont l’ouverture – au sens photographique du terme – détermine l’étendue du paysage à contempler. Ainsi, si le temps de la halte est un temps suspendu, un temps où le mouvement continu du randonneur est interrompu, la halte est aussi le lieu où le paysage est suspendu au mur, accroché là comme un tableau. Il remplit alors le cadre d’une fenêtre picturale.

47 GIROT, Christophe, «Vision in Motion: representing landscape in time», in WALDHEIM, Charles (dir.) The Landscape Urbanism Reader, Princeton Architectural Press, 2006, p.99. «a static understanding of landscapes where movement was absent, or at least not acknowledged as such.» nt. 30


I1.4. LES IMMOBILITÉS SUCCESSIVES Le temps chronophotographique de l’approche

J’ai beau me représenter le détail de ce qui va m’arriver: combien ma représentation est pauvre, abstraite, sché­matique, en comparaison de l’événement qui se produit! La réalisation apporte avec elle un imprévisible rien qui change tout. henri bergson48 Néanmoins, tout comme le tunnel en montagne est annoncé par un rehaussement des murs de soutènement qui bordent la route, ou par une galerie paravalanche, la halte pourrait être précédée d’un chemin d’approche, qui l’introduit ou l’annonce au randonneur. Alors que le long du chemin, le paysage fait partie intégrante de l’œuvre d’art, entendue ici comme sculpture de l’étendue, et qu’il est dans la halte comme extrait et projeté sur le mur – il devient alors le contenu d’un tableau – quel rapport au paysage peut-on imaginer pour un tel chemin d’approche? Peut-être est-il le lieu approprié pour mettre en place, à proximité de là où le randonneur s’arrête, un rapport plus nuancé au paysage, à mi-chemin entre le rapport immersif et péripatéticien du chemin et le rapport distancé et statique de la halte? L’approche serait alors un troisième lieu, intermédiaire, destiné à l’exposition des types d’œuvres d’art qui ne relèveraient ni de la sculpture de l’étendue ni même de l’utilisation du paysage comme contenu du tableau, des œuvres qui néanmoins pourraient s’enrichir d’un vis-à-vis avec le paysage? ou d’un rapport de confrontation? De même, le chemin d’approche pourrait être le lieu où l’on répondrait aux besoins des œuvres d’art qui gagnent à être vues sur un arrière-plan uniforme. Elles seraient alors disposées devant – ou accrochées à – ce qui ferait office de cimaise, une vue du paysage en regard. Dans une telle configuration, chaque œuvre disposerait de son paysage en vis-à-vis – l’œuvre et le paysage se fai48 BERGSON, Henri, «Le possible et le réel» (1930), in La Pensée et le Mouvant, Essais et conférences, Paris : Les Presses universitaires de France, 1969, p.65 31


sant face, le spectateur ne les voyant que l’une après l’autre, après s’être retourné – ou en regard – l’œuvre et le paysage étant alors vus simultanément, comme est vue la double page d’un livre. Reproduire le même point de vue quelques mètres plus en avant sur le parcours, appliquer de nouveau le même principe de composition au point de vue suivant, multiplier les points de vue voisins, selon des orientations et des cadrages aux variations infimes, cela revient à chercher à produire de la différence, à la faire émerger dans les moindres modifications de la perception du paysage. Pour ainsi dire, il s’agirait de «continuer à faire et refaire la même chose dans le but d’arriver à des résultats différents»49 Aussi, c’est par «la succession de scènes immobiles»50 que ce troisième rapport au paysage se construit, le chemin d’approche établissant un rapport chronophotographique au site, de sorte que le paysage y apparaît séquencé, découpé en vues statiques qui se succèdent, dans un mouvement continu du randonneur-visiteur. De même, par la répétition presque compulsive d’un unique dispositif topologique liant le paysage et un nombre indéterminé d’œuvres d’art, le chemin d’approche crée l’amorce du mouvement ou, inversement, annonce l’immobilité de la halte. Par l’idée de mouvement qu’elle implique, l’approche renvoie à la vision d’un automobiliste, basée sur la réitération sans fin d’un même cadrage – celui de la fenêtre de la voiture – lui-même appliqué sur un objet changeant – le paysage – mû par le mouvement continu du travelling. Mais, de même que lorsqu’un film est projeté, le rythme du défilement des images est mis en évidence par la vision fortuite des bandes noires qui les séparent sur la pellicule, la vision en travelling de l’automobiliste est parfois ponctuée de poteaux électriques, d’éléments de signalisation, de balustrades (ou de piles de galeries paravalanche), tous alignés au bord de la route, si bien qu’ils rythment le déroulement du paysage. Alors, de manière identique, la succession d’éléments interposés entre le grand paysage et l’œil du randonneur rythmeront le chemin d’approche, comme autant d’interruptions qui découpent l’expérience 49 MARY LOUISE LOBSINGER, «That Obscure Object of Desire: Autobiography and Repetition in the Work of Aldo Rossi», in Grey Room 08, Été 2002, p. 39, «but it seems that to continue to make the same thing over and over in order to arrive at different results is the unique freedom to discover», nt. 50 GIROT, Christophe, op.cit., p.99. «a succession of immobile scenes» nt. 32

Vue de la halte des Chalets de Pleyu à Entrevernes



visuelle en une série chronophotographique. Et, tout comme cette dernière ne rend pas compte de tous les moments d’un mouvement, mais d’un nombre limité d’entre eux, le chemin d’approche ménagera entre les scènes immobiles des moments où le rapport au paysage disparaît, où il est interrompu par des bandes noires, de manière à ce que «le mouvement entre les immobilités successives ne [confère] pas de sentiment paysager.»51 De la sorte, le chemin d’approche dispose d’un potentiel de mise en haleine, de suspense, ou d’effet de surprise. Car le jeu de l’écart spatial et rythmique entre chacune de ces immobilités devient alors un ressort essentiel de la perception du rythme de déroulement du parcours, de son accélération, de son ralentissement, de sa linéarité, de son hétérogénéité, etc.

Vue de l’approche de la halte des Chalets de Pleyu à Entrevernes

51 ibid. «Any movement in between these successive immobilities conferred no sentiment of landscape whatsoever.» nt 34



BIBLIOGRAPHIE ILES

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REMERCIEMENTS J’aimerais remercier tous ceux qui m’ont aidé de près ou de loin à mener à bien ce travail et, tout particulièrement: Virginie Lefebvre, et Can Onaner, mes directeurs d’étude, pour leur suivi depuis le début de ce projet. Ainsi que les enseignants de l’ENSA Paris-Malaquais, pour leurs critiques et conseils. Et tout particulièrement, Clotilde et Bernard Barto, Luca Merlini, Yann Rocher, Marc Malinovski, Grégoire Bignier, Sans oublier mes compagnons de randonnée : Nicolas Vallée, Maële Gajate, Hélène Laurin, Thomas Vongpradith , Thomas Landemaine, Lisadie Dutilleux, Et Delphine Hemmer, Nicolas Bien, Louis Destombes, et ma famille, pour leur soutien. À tous, j’adresse un grand merci. Sans vous, ce travail n’aurait pas été possible.


Vincent Vergain 2013



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