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le parc du cinquantenaire,
un cadeau d’anniversaire pour la belgique
G
enèse
Bien connu de tous les Bruxellois, apprécié de façon générale, cet espace vert se présente tout autant comme une zone de respiration citadine que comme un des grands sites du patrimoine de la capitale. Couvrant une trentaine d’hectares, il adopte la forme d’un pentagone, à l’instar des limites de la ville de Bruxelles… Si le site est très majoritairement à rattacher, sur le plan administratif, à la Ville de Bruxelles, la petite pointe en forme de triangle occupe le territoire de la commune d’Etterbeek ; il est par ailleurs la propriété de l’État fédéral ! Les principales institutions qui l’investissent sont le Musée d’Art et d’Histoire — intégrant les Musées royaux d’Art et d’Histoire —, le Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire, le musée de l’automobile ou « Autoworld », l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA) et la grande mosquée de Bruxelles. Anciennement, il s’agit d’un terrain hostile, comprenant étangs, crevasses et pentes abruptes, dénommé « plateau de Linthout ». Dès le milieu du 19e siècle, le site est réservé à l’usage de la « Garde civique », comme champ de manœuvres militaires de cette milice. Le parc du Cinquantenaire porte un nom explicitement informatif. La première mouture du site nait en 1880, avec l’objectif de célébrer les 50 années de la Belgique indépendante. Il faut toutefois relativiser : l’endroit sera en mutation permanente sur le plan du bâti — modifications des bâtiments, nouvelles constructions —, et l’anniversaire est plutôt un prétexte, l’explication principale résidant dans la volonté, en cette deuxième moitié du 19e siècle, d’embellir la capitale sur le plan urbanistique, souci majeur du roi Léopold II. Celui-ci a clairement l’ambition de créer une séquence urbanistique reliant, via les futurs grands axes que sont la rue de la Loi et l’avenue de Tervueren, le parc royal (officiellement « parc de Bruxelles ») et son quartier au futur Musée de l’Afrique centrale de Tervueren. L’aménagement du Cinquantenaire s’inscrit dans le contexte plus large d’une réorganisation, d’une amélioration et d’une extension de l’espace urbain, qui prend forme dans le plan
général (1866) dressé par Victor Besme, « inspecteur-voyer » — fonctionnaire en charge de l’aménagement et de l’entretien des voies de communication. Outre le parc, le quartier connaitra ainsi l’aménagement des squares Marie-Louise, Ambiorix et Marguerite, prenant place à quelques encablures. Dans les esprits sont présentes deux intentions : le site doit à la fois devenir un lieu d’expositions temporaires et de manifestations diverses, mais également accueillir des collections permanentes. En corollaire, on programme la construction de bâtiments provisoires et d’édifices à caractère définitif. Des organisations d’envergure Le 16 juin 1880 s’ouvre l’« Exposition nationale des produits de l’art et de l’industrie belges », en guise de célébration du Jubilé de la Belgique. À ce moment-là, le site donne l’apparence d’un aménagement achevé… mais faute de budget, seuls les deux palais et le sous-bassement des colonnades et de l’arcade sont terminés ; le reste — dont l’arche — n’est que décor en bois et staff (plâtre) ! À l’arrière de ce bâti symétrique sont élevées plusieurs grandes halles provisoires faites de métal et de verre, démolies après l’événement ! Dans l’engouement de l’exposition, la superficie du parc est agrandie pour atteindre sa taille actuelle. Par la suite et jusqu’au début des années 1930, le Cinquantenaire s’érige, dans la capitale, en tant que siège principal d’hébergement des grandes expositions, de manifestations diverses comme des fêtes commerciales, des rendez-vous cyclistes, hippiques, automobiles et aérostatiques. Ensuite on distingue clairement deux sites : tandis que le Cinquantenaire reste dédié aux institutions muséales, le nouveau site du Heysel — aménagé en vue du centenaire de la Belgique en 1930 — devient le nouveau « Palais des Expositions », accueillant expositions temporaires, foires, salons, grands événements sportifs, etc. Ainsi, plusieurs grandes dates jalonneront l’histoire du parc : en 1888 le « Grand Concours international des Sciences et de l’Industrie » ; en 1897 l’Exposition universelle — présentée conjointement au Cinquantenaire et dans le palais des Colonies et son parc adjacent à Tervueren, deux sites reliés par l’avenue de Tervueren nouvellement construite ; ou encore en 1910 une nouvelle Exposition universelle partiellement organisée dans parc. Un parc en chantier Dans les périodes de quiétude, le parc, abandonné par les grands événements, retrouve son interminable chantier. À l’occasion du concours qui se tient en 1888, un « hall international des machines » est bâti par les entreprises Cockerill et Rolin, monumentale charpente métallique de 300 mètres de long et 70 de large, d’une seule portée ! Cette construction sera tout bonnement démontée après l’évènement, pour laisser la place à un bâtiment semblable lors de l’Exposition universelle de 1897. Il s’agit à l’époque d’illustrer les prodiges des nouvelles techniques inhérentes au progrès industriel. De cette deuxième halle seule une partie sera démolie pour dégager la vue vers l’avenue de Tervueren, ce qui fait apparaître deux halles distinctes — encore visibles aujourd’hui, elles hébergent Autoworld d’une part et la section air et espace du Musée de l’Armée d’autre part — au lieu d’une seule. Dans les années suivantes, on bâtit encore, entre autres travaux, le bâtiment arabisant devant abriter une peinture gigantesque, le « Panorama du Caire » — futur « grande mosquée de Bruxelles » —, mais également le « Pavillon des Passions humaines », première grande œuvre de Victor Horta. La réalisation de l’arcade, sans cesse postposée, se transforme en affaire personnelle pour le souverain Léopold II, qui y voit une teneur symbolique forte… Après avoir leurré les visiteurs à trois reprises par son achèvement provisoire, elle est d’abord envisagée sous la forme d’une unique arche ; le couronnement se concrétisera finalement par la présence de trois arches de même dimension. Chantier dispendieux — impossible sans la mise sur pied, par le souverain, de la « Fondation de la Couronne », alimenté par de l’argent en provenance du Congo —, il met en œuvre des moyens impressionnants (dynamite par ex. !) et se poursuit à un rythme effréné, de jour comme de nuit ! L’ouvrage est achevé en 1905, le prétexte accélérateur ayant été les 75 ans du pays.
A
rchitecture et décor
Depuis les débuts en 1879 jusqu’à son décès en 1904, l’architecte Gédéon Bordiau est en charge de l’ensemble de la conception du parc et de ses bâtiments, ainsi que de l’aménagement des expositions qui y trouvent place. Bordiau, dans un premier temps collaborateur de Poelaert — auteur du fameux palais de justice — succède à celui-ci comme architecte de la Ville de Bruxelles. À son décès, le chantier est repris par un tandem, les architectes Charles Girault et Léopold Piron. Les jardins, dessinés par Bordiau dès 1880, sont de deux types : un jardin français à l’avant des deux palais principaux, et des jardins de style anglais sur les bas-côtés. L’ensemble du site — parc et bâtiments — est protégé suite à son classement au patrimoine bruxellois, résultat de 4 phases s’étalant entre 1976 et 2007. Les bâtiments du parc ne se caractérisent pas par un seul style : ils intègrent des éléments néoclassiques comme des connotations Beaux-Arts.
P
arcours et détours
Il ne faut pas l’oublier : en cette fin du 19e siècle, Bruxelles ne connait en rien l’urbanisation qui la marquera quelques décennies plus tard. Le parc du Cinquantenaire voit le jour en rase campagne ! Comme déjà exprimé plus haut, une des grandes préoccupations de l’initiateur du projet, le roi Léopold II en personne, est de magnifier Bruxelles et de l’élever au rang de capitale comparable aux autres grandes capitales européennes — Paris en premier lieu. De manière plus locale, il est question de développer la ville à cet endroit, et d’y implanter, sous la forme d’une arcade, une « porte » d’entrée et de sortie vers Tervueren et la campagne ; on parle d’ailleurs parfois de « porte de Tervueren »… Le Pavillon des Passions humaines est inauguré en 1899, aux fins de loger l’énorme œuvre sculptée de Jef Lambeaux. Trois jours plus tard, le monument est fermé au public : l’œuvre de Lambeaux est considérée comme immorale, traitant de façon trop évidente des thématiques délicates telles la mort, la maternité, le suicide, la séduction, la débauche ou encore le viol… Au début de l’année 1946, un des deux palais principaux du site, également dénommés « halles Bordiau », est victime des flammes suite à un court-circuit. Il s’agit du « Pavillon de l’Antiquité », qui abrite depuis le début du 20e siècle les collections liées à cette période de l’histoire. C’est le cas de la grande mosaïque d’Apamée, superbe décor qui ornait de somptueuses résidences à l’époque romaine : elle sort néanmoins indemne de l’incendie, miraculeusement protégée par une couche de gravats. Un bâtiment est reconstruit 20 ans plus tard, dans l’alignement de l’ancien : un simple coup d’œil suffit à percevoir que seul le palais abritant une partie du Musée de l’Armée est d’origine. Le parc comporte en son sein un abri anti-atomique, érigé en 1955 et situé en face de la galerie Albert-Elisabeth — jonction entre le bâtiment construit en 1930 du côté de l’avenue des Nerviens et le pavillon de l’Antiquité (ex-halle Bordiau sud). Le contexte de la guerre froide faisant redouter un nouveau conflit, on estimait qu’il était judicieux de prévoir un endroit où stocker les œuvres d’art en sécurité. À Nanchang, dans le sud-est de la Chine, les arcades du Cinquantenaire disposent d’une réplique depuis 2007 ; cette copie constitue le portail d’entrée d’un complexe hôtelier de luxe… De nos jours le site accueille encore de grands événements à caractère festif, comme par exemple le départ et l’arrivée des 20 km de Bruxelles.
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