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Introduction Quatre ans après que le Conseil des Droits de l’homme de l’ONU a émis des recommandations à la Colombie, dans le cadre de l’Examen Périodique Universel (EPU), les groupes qui travaillent sur les droits de l’homme et le plaidoyer au sein du Secrétariat National de Pastorale Sociale1 mettent en évidence des éléments relevant du contexte national et qui peuvent être pris en compte face aux nouvelles recommandations de l’EPU en 2013. Ces groupes s’attachent à un examen de la situation des droits de l’homme sur cinq thèmes : les droits civiques et politiques dans leur rapport avec le droit à la vie, à la liberté et à l’intégrité de la personne ; le combat contre l’impunité, fondé sur la possibilité pour les victimes du conflit armé d’accéder à la justice et de voir leurs droits reconnus ; le Droit international Humanitaire (DIH); les droits économiques, sociaux, culturels, environnementaux (DESCE) et ceux en rapport avec la recherche de la paix, recherche qui relève des négociations menées à Cuba entre le gouvernement et les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie et des défis que ces négociations représentent pour la Colombie.
Bogota D.C. – Colombie Mars 2013
1. Le Secrétariat National de Pastorale Sociale - Caritas Colombie dépend de la Conférence Episcopale de Colombie et a été chargé par la Commission Episcopale de Pastorale Sociale d’œuvrer pour la transformation de la société et le développement de la personne en contribuant à l’avènement d’une paix où règne la justice sociale, en aidant à l’émergence de communautés responsables, solidaires et capables de faire face à la situation de la société et de la transformer, en référence à l’Evangile et à la doctrine sociale de l’Eglise. Nous faisons partie de la « Caritas Internationalis », confédération composée de 162 organisations catholiques présentes dans 200 pays qui lutte depuis 1950 contre les situations génératrices de pauvreté et d’oppression dans le but de parvenir à une société plus juste, fondée sur la solidarité et la justice sociale.
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Contenu
I. Les droits civiques et politiques : vie, liberté et intégrité …5 II. La lutte contre l’impunité et la Loi sur les victimes et la restitution des terres…7 III. Le Doit International Humanitaire …9 IV. Les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux …11 V. Les dialogues de paix avec les FARC à La Havane : les enjeux et défis…15
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Photographies : Secrétariat National de Pastorale Sociale Caritas Colombie
I. Les droits civiques et politiques : vie, liberté et intégrité « Nous voyons avec espoir les réformes et les lois qui tendent à protéger les droits de l’homme et en particulier à assurer le dédommagement des victimes et la restitution de terres » Message des Evêques Catholiques au Peuple Colombien2 La reconnaissance d’un conflit armé en Colombie, la réforme de la Loi 975 de 2005- la Loi de justice et de paix3, la définition par la Loi de la paix et la Loi sur les victimes et la restitution des terres, lois votées à l’initiative du gouvernement par le Congrès national et approuvées par la Cour constitutionnelle, de même que la tentative de formuler une politique officielle dans le domaine des droits de l’homme, traduisent un progrès pour prévenir l’impunité et améliorer la situation des droits de l’homme en Colombie. Dans le cadre du conflit armé en cours, les violations des droits de l’homme sont encore nombreuses ; elles affectent les défenseurs des droits de l’homme, les organisations de victimes et de ceux qui réclament la restitution de terres, des responsables sociaux et politiques et aussi les femmes, les enfants, les peuples indigènes ou les afrodescendants, plus particulièrement dans les zones rurales, les régions frontalières, les corridors qui servent aux trafiquants de drogues et les régions où abondent les ressources naturelles. La situation humanitaire des femmes, des enfants et des membres des communautés indigènes entre 2008 et 2012 est mise en évidence dans les recommandations formulées par le Bureau de la Haute Commission pour les Droits de l’Homme de l’ONU afin qu’ils puissent jouir pleinement de leurs droits. 2. Conférence Episcopale colombienne de 2012, 92ème Assemblée plénière des Evêques, Bogotá D.C. 3. La loi de justice et de paix a été votée à l’initiative du gouvernement d’Alvaro Uribe Velez pour faciliter la démobilisation des paramilitaires colombiens, tout en garantissant les droits de leurs victimes à la vérité, la justice et le droit à réparations. Cette loi pourrait éventuellement être utilisée dans le cas d’autres groupes hors la loi comme les guérilleros.
S’agissant de la violence, rien qu’en 2012, la Colombie a connu un taux d’homicides de 36 pour 100.000 habitants, cinq fois supérieur au taux mondial et, selon l’Institut national de médecine légale, 64.564 personnes ont également disparu ; sur ce nombre, 11.215 ont été retrouvées vivantes mais 2.458 ont été retrouvées mortes et l’on ne sait pas ce que sont devenues les deux tiers restants4. De même, persistent les obstacles à une défense des droits de l’homme : alors que de 2010 à 2012 au moins 923 personnes ont subi une atteinte à leur vie ou à leur liberté pour avoir agi dans ce sens, 142 ont été assassinées dont 6 avaient auparavant disparu. Ces chiffres incluent des responsables indigènes ou afro-descendants, des avocats et des responsables d’organisations de victimes5. En novembre 2012 le rapport du bureau du procureur de la Cour Pénale Internationale, Fatou Bensouda, a été rendu public. Il portait sur la participation de militaires à l’assassinat de civils désignés comme des guérilleros morts au combat, appelés des « faux positifs ». Ce rapport affirmait qu’ « il existe des raisons de penser que ces méfaits ont eu lieu en application d’une politique délibérée des forces armées »6. Ce tribunal reconnaît également les efforts des autorités colombiennes pour résoudre ce problème et enquêter sur des conduites qui peuvent être de leur compétence et il les exhorte à donner 4. Secrétariat National de Pastorale Sociale, 2013 ; Analyse de la réalité nationale présentée à la 94ème Assemblée plénière de l’Episcopat Colombien, pp. 8-11 Bogotá. 5. Ibid 6. Ibid
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la priorité à de graves cas de violation des droits de l’homme pour lutter plus efficacement contre l’impunité7.
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Afin de mettre en place une politique nationale en faveur des droits de l’homme, le gouvernement colombien a lancé la Conférence Nationale des Droits de l’Homme comme espace national incluant des représentants de la société civile, de la communauté internationale et des institutions nationales. Son objectif est de faire progresser la participation des divers mouvements, communautés, responsables sociaux et organisations sociales, grâce à la tenue de forums régionaux entre 2011 et 2013. Cela a également conduit le gouvernement à organiser un Forum National des Droits de l’Homme soutenu par la vice-présidence de la République. Le risque d’affaiblir les garanties internationales contre l’impunité demeure dans l’hémisphère sud. Plusieurs Etats membres de l’Organisation des Etats américains (OEA) ont proposé de limiter les responsabilités du Système Interaméricain des Droits de l’Homme en modifiant certains pouvoirs de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) de suivre la situation des droits de l’homme dans la région, de publier des rapports sur ce sujet, d’imposer des mesures visant à protéger les populations, les victimes et les défenseurs des droits de l’homme et d’ajuster sa structure et sa manière de fonctionner de façon à s’ouvrir à la société civile. Cette initiative est appuyée par des pays de la région comme la Colombie, l’Equateur et le Venezuela8.
7. Ibid 8. Ibid
II. La lutte contre l’impunité et la loi sur les victimes et la restitution de terres 9
« L’impunité représente une grave menace pour la démocratie et l’a de fait mise en danger dans la mesure où se perd la crédibilité des institutions et où l’on ne réussit pas à apporter une protection adéquate aux droits et aux libertés des citoyens ». Message des Evêques au Peuple Colombien10
Il convient de signaler les programmes de renforcement des institutions mis en œuvre par l’Etat ces dernières années afin de faciliter l’accès à la justice des victimes du conflit armé, de même que les initiatives législatives, comme la réforme de la loi de Justice et Paix et la réforme constitutionnelle destinée à intégrer les principes de la justice transitionnelle dans la Carta Magna.
Dans le cadre de la lutte contre l’impunité et en prenant en compte la question du dédommagement des victimes du conflit armé, le Congrès de la République a approuvé, à l’initiative du gouvernement, la loi 1448 de 2011 consacrée dans sa première année à l’élaboration de règlements visant à la réparation intégrale et promulguant des décrets et des décrets loi qui ont permis de :
Il existe aussi de nombreux défis pour continuer à avancer sur ce thème et faciliter l’accès à la justice sur la question des droits de l’homme et des crimes de lèse humanité, pour avoir une plus grande capacité à enquêter sur ce type de situation, pouvoir faire face à des problèmes liés à une corruption des institutions qui empêchent d’avancer dans l’investigation de phénomènes tels que la transformation du paramilitarisme, comme l’exprime le Rapport mondial des Droits de l’Homme de 2012 préparé par le Département d’Etat américain.11
• Préciser les particularités pour le dédommagement intégral des peuples indigènes, afro-colombiens et Roms victimes du conflit armé grâce aux décrets loi 4633, 4634 et 4635 de 2011 .
« Il s’est ouvert un processus historique de reconnaissance des victimes qui est fondamental pour la paix et la réconciliation. L’application des lois qui ont été votées dans ce sens représente un défi historique pour la Colombie et exige la solidarité de toute la population et en particulier une prise de décision des autorités régionales et locales pour mettre fin au processus historique d’appauvrissement des populations ». Message des Evêques Catholiques au Peuple Colombien12
• Définir les modalités de la restitution des terres en incluant les démarches administratives et judiciaires au travers du décret 4829 de 2011. • Définir des procédures comme l’utilisation du Registre des Victimes de même que les critères pour
9. Secrétariat National de Pastorale sociale, 2012. Obstacles et réalités sur le chemin de la paix : la Colombie aujourd’hui, pp 11-22. Bogotá. 10. Conférence Episcopale de Colombie, 2012. Assemblée plénière des Evêques, Bogotá. 11. Secrétariat National de Pastorale Sociale, 2012. Obstacles et réalités sur le chemin de la paix : La Colombie aujourd’hui, pp. 11-22, Bogotá. 12. Conférence Episcopale colombienne de 2012, 92ème Assemblée plénière des Evêques, Bogotá D.C. 13. Décret-loi 4633 de 2011 : « Par lequel sont précisées des mesures d’aide, de réparation intégrale et de restitution de leurs droits territoriaux aux victimes appartenant aux communautés indigènes». Décret- loi 4635 de 2011 : « Par lequel sont précisées des mesures d’aide, de réparation intégrale et de restitution de terres aux victimes appartenant aux communautés gitanes ». Décret-loi 4635 de 2011 : « Par lequel s’énoncent des mesures d’aide, de réparation intégrale et de restitution de terres aux victimes appartenant aux communautés noires, afro-colombiennes, de Raiz et de Palenque ».
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déterminer les montants des indemnisations14 grâce au décret 4800 de 2011. • Affiner la structure des entités créées par la loi, soit l’Unité administrative pour la réparation intégrale des victimes et l’Unité administrative pour la Gestion et la Restitution des Terres.
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conomique de la nation en évitant l’augmentation des coûts liés à son application. Selon le gouvernement, le coût de l’application de la loi est évalué à environ 54 milliards de pesos (soit 21 millions d’euros15). Cela implique que la réparation intégrale de toutes les victimes n’est pas garantie.
Cette loi a réduit le montant maximum des salaires versés en tant qu’indemnisation administrative aux victimes déplacées de 15.300.900 à 9.633.900 pesos (soit de 6 100 à 3 850 euros) en prenant en compte le fait que les montants les plus hauts déterminés par le décret 1290 de 2008 de la loi de Justice et Paix s’élevaient à quarante fois le salaire minimum ; cette loi les réduit à un maximum situé entre dix- sept et vingt-sept salaires minimaux.
Face aux imperfections de la loi, la Cour Constitutionnelle a accompli un travail important pour élaborer une jurisprudence qui définisse plus clairement ceux qui peuvent bénéficier d’une restitution ; la Cour a aussi considéré que les droits à réparation vont au-delà de la restitution de la terre et impliquent aussi une compensation pour la perte de biens meubles et de biens immobiliers et ainsi q’une garantie de sécurité pour ceux qui retournent sur les territoires dont ils ont été évincés.
Dans certains départements comme ceux du Chocó ou de la vallée du Cauca des difficultés sont apparues dans le processus de consultation préalable. Dans ces départements, les organisations et les communautés qui ont participé à des réunions sur ce sujet ont témoigné d’une participation et d’une discussion insuffisantes pour étudier les contenus et la portée de la loi comme les règlements sensés favoriser les groupes ethniques.
14. Quarante salaires minimaux représentent le maximum pour les victimes d’un homicide, d’une disparition ou d’un enlèvement et aussi pour des victimes qui ont subi des blessures ou une incapacité permanente. Celles qui ont subi des blessures qui n’entraînent pas d’incapacité permanente peuvent toucher un maximum de 30 salaires minimaux, de même que les victimes de tortures et de traitements inhumains, de délits sexuels et les mineurs qui ont été recrutés contre leur gré.
Le document CONPES 3712/2011 aborde la planification financière nécessaire pour la mise en vigueur de la loi ; il définit un principe de convenance fiscale afin de maintenir l’équilibre macroé-
15. Dans la législation colombienne la convenance fiscale est un principe constitutionnel récemment adopté grâce à une réforme provoquée par le gouvernement de Juan Manuel Santos. Le principal souci qui concerne ce sujet, comme le signale le Contrôleur général Sandra Morelli, est qu’en privilégiant ce principe il est possible que la loi sur les victimes et la restitution des terres passe à côté de son objectif principal : l’accès aux droits des victimes du conflit armé, soit principalement la vérité, la justice et le dédommagement intégral.
III. Le Droit International Humanitaire (DIH) « Le trafic de drogues continue d’être un vrai « commerce de la mort » dans notre société qui est tellement affectée par ce trafic et par la consommation de drogues qui touche des gens toujours plus jeunes. La réponse à ce grave problème exige une réflexion de fond sur ses différents aspects et une politique qui réponde efficacement à chacun d’entre eux avec des programmes de prévention qui proposent des alternatives et s’intéressent aux causes de cette dépendance ». Message des Evêques Catholiques au Peuple Colombien16 Le rapport au Congrès de la République sur les deux premières années du gouvernement du Président Santos a souligné le succès de la Politique de Sécurité et de Défense pour la Prospérité. Par ailleurs, en Colombie, la guérilla persiste de même que l’on a vu de nombreux groupes paramilitaires devenir des bandes criminelles qui vivent du trafic de drogues et de l’exploitation illégale de mines. Tout cela a engendré une escalade d’assassinats, de massacres et de déplacements de populations dans plusieurs régions du pays, particulièrement dans les territoires proches des frontières, les zones rurales et les corridors économiques stratégiques17, affectant de plus les centres urbains où des réseaux du crime organisé recrutent des enfants et des jeunes, parrainent des réseaux de prostitution et favorisent l’ exploitation sexuelle des adolescents.
S’agissant de conflits armés, rien qu’en 2011 il y a eu en Colombie 301 combats dans 127 municipalités, 1389 infractions au DIH dans 249 municipalités, 334 morts et une intensification de la violence dans des départements frontaliers comme ceux de Santander, d’Arauca et de Nariño, auxquels s’en ajoutent d’autres comme le Cauca et l’Antioquia. Les paramilitaires ont été responsables d’au moins 61% de ces infractions au DIH en 2011. En 2012, selon le bulletin du mois de juin du Bureau pour la Coordination des Questions Humanitaires des Nations Unies –OCHA-, entre janvier et juin on a vu une diminution des combats entre la force publique et des groupes armés. Toutefois le conflit s’intensifie depuis le mois de juillet dans le Cauca, le Putumayo et l’Arauca.19 Par ailleurs persistent des déplacements massifs de personnes comme conséquence des combats entre
« Nous sommes très préoccupés par le coût élevé en vies humaines et par la situation intolérable qui découle des incursions terroristes des groupes illégaux, incursions qui représentent de graves infractions au DIH. Nous lançons un appel pour que ceux qui ont pris les armes cessent toute violence, respectent les normes universelles de protection de la personne humaine et en particulier de la population civile, libèrent toutes les personnes séquestrées et donnent des preuves de leur volonté de participer à des négociations qui mettent fin au conflit armé et conduisent notre pays à la paix ». Message des Evêques Catholiques au Peuple Colombien18
16. Conférence Episcopale colombienne de 2012, 92ème Assemblée plénière des Evêques, Bogotá D.C. 17. Secrétariat National de Pastorale sociale, 2012. Obstacles et réalités sur le chemin de la paix : la Colombie aujourd’hui, pp 11-22, Bogotá. 18. Conférence Episcopale de Colombie, 2012, 92ème Assemblée plénière des Evêques, Bogotá. 19. Secrétariat National de Pastorale sociale, 2012. Obstacles et réalités sur le chemin de la paix : la Colombie aujourd’hui, pp11-22, Bogotá.
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groupes armés illégaux dans des régions habitées par des civils. Selon OCHA, ce sont environ 16.200 personnes qui ont été déplacées pendant le premier semestre de 2012. Selon ces mêmes données ces déplacements ont légèrement diminué en comparaison de la même période de 2011. Pour ce qui va de cette année les situations les plus critiques se trouvent sur la côte du Pacifique, le département le plus affecté étant celui du Cauca suivi du Nariño, du Putumayo et du Chocó. Il est important de signaler que les combats et les menaces de mort contre la population civile ont été la principale cause de ces déplacements massifs. Dans ce contexte, il est également inquiétant de voir la situation dans laquelle se trouvent les responsables des organisations qui cherchent à récupérer des terres et qui ont été menacés de déplacement forcé et aussi de mort.20 10
Il y a en outre lieu de se soucier de la situation des défenseurs des droits humains et des dirigeants qui veulent récupérer leurs terres. Une plateforme comme le Mouvement national des Victimes de Crimes de l’Etat – Movice - comptabilise au moins 50 de ces responsables assassinés entre 2001 et 2012, tandis que l’Agence de Presse rurale signale que depuis 2005 on enregistre plus de soixante dix assassinats de ces responsables, vingt six d’entre eux en 2010
et 2011. En 2012 seize défenseurs des droits de l’homme en relation avec la restitution des terres ont déjà été assassinés.21 La situation s’est encore aggravée par l’organisation d’une force hostile aux restitutions formée à partir des anciennes forces paramilitaires qui demeurent sur pied sur tout le territoire national. Cette armée a été responsable des menaces émises contre divers responsables qui cherchent à récupérer des terres et même à des personnalités qui en Colombie sont partisans d’une restitution des terres comme le député Ivan Cepeda. Ces menaces et ces assassinats ont été constatés dans des régions comme l’Uraba (Antioquia), le Valle du Cauca, le Cordoba, le Sucre, le Bolivar et le Magdalena, mettant en évidence une forte implication de la population civile dans le conflit armé.22
20. Ibid 21. Ibid 22. Ibid
IV. Les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux (DESCE) « L’on constate que l’inéquitable distribution des revenus engendre une inégalité croissante. Nous lançons un appel à tous les citoyens pour qu’ils dénoncent tout type de corruption, qu’ils veillent à ce que toutes les ressources destinées au bien commun soient utilisées dans une totale transparence et pour favoriser l’avènement d’une société toujours plus juste, égalitaire, fraternelle et solidaire ». Message des Evêques Catholiques au Peuple Colombien23 Les niveaux d’inégalité, d’injustice sociale, de chômage et de pauvreté en Colombie ont été une source permanente de préoccupation pour la Conférence Episcopale Colombienne. Il en va de même pour la corruption et l’enrichissement illicite dans un contexte de crise économique mondiale24, face à des problèmes sociaux tels que la faim et le manque de logements pour les plus pauvres25. Les dépenses publiques colombiennes destinées aux questions sociales comme l’éducation, la santé et l’alimentation, la sécurité sociale, le logement, l’eau et les égouts, demeurent plus faibles que dans des pays à moindres revenus et avec un plus faible Indice de Développement Humain comme la Bolivie. Cela rend patent la difficulté à combler les inégalités sociales et économiques et la difficulté à renforcer une démocratie plus inclusive et équitable26. La Colombie reste l’un des pays du monde où les inégalités sont les plus importantes, avec un indice Gini de 0,58, un chômage de plus de 12% et un taux de pauvreté de 34%. Ce dernier dépasse la moyenne latino-américaine qui est de 28,8% et le taux dans les pays qui ont une croissance économique du même ordre que celle du Chili qui est de 11%27. L’inégalité se reflète aussi dans le haut niveau des besoins fondamentaux non satisfaits (NBI) dans la moitié des muni23. Conférence Episcopale de Colombie, 2012, 92ème Assemblée plénière des Evêques, Bogotá 24. Conférence Episcopale de Colombie, 2009, communiqué de la 96ème Assemblée plénière des Evêques, Bogotá 25. Conférence Episcopale de Colombie, 2010, Nouvel appel de la démocratie dans le processus électoral de 2010, Bogotá 26. Conférence Episcopale de Colombie, 2009, La réalité qui nous interpelle (volume 2) : Une communauté qui avance dans l’espoir, pp
cipalités du pays, avec un indice de 0 – 26,9 de NBI.28 Bien que la pauvreté et le chômage soient à la racine de problèmes sociaux comme le conflit armé, le trafic de drogues, la contrebande, l’économie informelle et la culture de l’illégalité en Colombie, on constate, par rapport aux années antérieures à 2009, une tendance à une réduction graduelle des niveaux de chômage et de pauvreté. On constate également une augmentation de la couverture sociale (éducation et sécurité sociale) et un climat plus favorable pour l’investissement étranger qui a contribué à améliorer ces indicateurs29. En Colombie des phénomènes comme le déplacement forcé des populations sont aussi à l’origine d’un déracinement des populations, d’une destruction du tissu social et d’une extrême pauvreté. Ces phénomènes contribuent non seulement à l’abandon des terres agricoles et leur dynamique de production vivrière mais aussi à l’accroissement des cordons de misère et d’économie informelle des villes, générant plus d’exclusion, de discrimination, un plus grand besoin de services publics et d’assistance sociale en termes de santé, d’éducation, d’emploi et de logements, allant très au-delà des moyens et de l’infrastructure disponibles pour faire face à ce type de situations.30 91-96. Bogotá 27. Secrétariat National de Pastorale Sociale, 2013. Analyse de la réalité nationale présentée à la 94ème Assemblée plénière des Evêques colombiens, pp. 14-17, Bogotá 28. Ibid 29. Ibid. 30. Ibid
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Un autre facteur de pauvreté et d’inégalité qui s’ajoute au déplacement forcé est la concentration de la propriété de la terre : 78,3% des propriétaires ruraux possèdent seulement 6,1% de la superficie d’un pays à vocation agricole, alors que la production de biocombustibles s’accroît avec de forts investissements. Cela se fait au détriment des petits ou moyens producteurs et favorise des cultures comme celle de la palme africaine qui couvre maintenant 213.082 hectares réduisant ainsi les surfaces disponibles pour la production d’aliments tels que le maïs, la pomme de terre, le soja, la banane, les haricots et le blé.31
gères sur le territoire de communautés paysannes, indigènes et afro-colombiennes sans qu’ait pu s’exercer le droit à la consultation préalable et sans grand souci de l’environnement social et naturel. Cette situation entraîne la destruction des forêts, poumon de la planète, et aussi un déséquilibre croissant et parfois un contraste entre le développement des mines et le développement humain qui crée du chômage, de nouvelles pauvretés et une grave détérioration de la santé en raison d’une exploitation inadéquate, ce qui entraîne des conflits sociaux - environnementaux et de nouvelles violences.34
La stratégie de croissance économique de la politique de prospérité démocratique du Président Juan Manuel Santos est fondée sur les activités suivantes, appelées « les 5 locomotives » : le logement, l’infrastructure, les mines et l’énergie, l’agriculture et l’innovation. Cette stratégie cherche toutefois à favoriser le développement économique en attirant les investissements étrangers, en mettant en place une dynamique de développement économique dans le secteur rural, en favorisant la création d’emplois et l’amélioration des conditions de vie des Colombiens et en particulier des personnes les plus pauvres des zones rurales.32
« Nous voyons se développer un type d’exploitation minière sans que le développement industriel, technologique et du secteur tertiaire soit suffisant dans les zones minières. Cette expansion des extractions minières a un fort impact sur l’environnement et un faible impact sur le développement humain dans les régions minières, compte tenu de la méconnaissance des raisons historiques qui ont entraîné l’essor d’entreprises minières informelles et l’apparition de groupes miniers illégaux et violents ».
Le développement de l’agriculture, de l’élevage, des mines et de l’extraction pétrolière, l’urbanisation croissante et la désindrustrialisation de secteurs-clef pour l’économie colombienne, telles les manufactures, sont des défis auxquels le pays doit faire face pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé, en raison de leur éventuel impact social et économique dans les campagnes et dans les communautés les plus vulnérables.33 Un autre sujet de préoccupation est la présence de projets miniers d’entreprises nationales et étran31. Ibid 32. Secrétariat National de Pastorale Sociale, 2013. Analyse de la réalité nationale présentée à la 94ème Assemblée plénière de l’épiscopat colombien, pp. 14-17, Bogotá 33. Ibid
Assemblée Nationale des Evêques de 201235 La Colombie comprend 60% des « páramos »36 du monde, avec plus de 300 « páramos » reconnus comme tels, soit 1.932.000 hectares. Toutefois, bien que le Code Minier, la Constitution et un arrêt de la Cour Constitutionnelle prévoient la protection de ces écosystèmes, 108.972 hectares de ces « páramos » ont déjà fait l’objet de 391 concessions minières pour leur exploration et exploitation. Les découvertes d’or et de charbon dans ces zones représentent 34. Conférence Episcopale de Colombie, 2012. La réalité actuelle dans les mines et l’énergie, risques et possibilités, Bogotá 35. Ibid 36. Biotope néotropical d’altitude, que l’on trouve dans la Cordillère des Andes, entre la limite des forêts et les neiges éternelles.
une sérieuse menace pour des territoires qui fournissent 70% de l’eau que consomme le pays.37 Les effets négatifs de l’industrie minière ont été constatés dans les territoires des communautés indigènes de départements comme celui du Huila, du Guaviare, de l’Antioquia, du Chocó, du Valle du Cauca, du Nariño, du Nord du Santander, de l’Arauca, de la Guajira et de Cordoba ; et dans cinq d’entre eux cette industrie affecte aussi des territoires collectifs d’afro-descendant, affectant gravement leur culture et leur mode de vie.38 L’activité minière a de nombreuses répercussions sur le territoire et sur les écosystèmes, de même que la déforestation de régions entières, la construction de nombreux barrages et l’achat de zones stratégiques du sud du pays comme « les zones de sources qui sont acquises par des sociétés écran, comme on le dit des Emirats arabes, pour avoir le monopole de l’eau » et établir des monocultures afin de nourrir leurs concitoyens. Ces pratiques sont à l’origine des récentes vagues de chaleur et de l’assèchement de rivières en Colombie qui mettent en danger non seulement l’environnement mais toute l’humanité.39 Des diocèses comme ceux de Leticia, Istmina-Tadó, Quibdó et le vicariat apostolique de Puerto Inírida doivent faire face à des phénomènes comme l’ « achat d’oxygène » et « le brevetage des propriétés génétiques de la flore et de la faune » pour ne fai-
re référence qu’à deux des nombreuses et récentes modalités de négociation des biens naturels. « De nombreuses ONG sont venues conseiller les indigènes dans la vente d’oxygène. Cela vient des subventions accordées par les gouvernements internationaux, le gouvernement national et quelques entreprises aux communautés qui peuvent préserver des surfaces boisées ou de forêt vierge contre une somme proche de 800.000 pesos (soit 320 euros) annuels par hectare. Se sont ainsi créées des fondations censées conseiller les indigènes mais qui en fait touchent l’argent et ne leur rendent parfois que 10 à 15.000 pesos (soit 4 à 6 euros) par hectare ».40 L’exploitation illégale de minerais « rares » dans des zones qui ont été de tout temps oubliées par l’Etat est l’un des premiers défis posés au gouvernement, plus particulièrement dans les départements à forte présence de paramilitaires, de guérilleros et aussi de trafiquants de cocaïne qui abandonnent les drogues pour l’exploitation de ce que l’on appelle les « vitamines » de l’industrie de haute technologie et pour l’or. 37. Secrétariat National de Pastorale Sociale, 2013. Analyse de la réalité du pays présentée à la 94ème Assemblée plénière de l’épiscopat colombien, pp. 14-17, Bogotá 38. Ibid 39. Ibid 40. Ibid
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V. Les négociations de paix avec les FARC à La Havane : les enjeux et défis « En dépit des difficultés que l’on peut rencontrer à la table des négociations ou ailleurs, nous devons soutenir les étapes complexes de ce processus. Nous ne pouvons pas demeurer retranchés dans une logique de guerre, par crainte d’un échec. Nous pouvons et devons, tous unis, combattre le désespoir et le scepticisme » Rubén Salazar Gómez, Archevêque de Bogotá et Président de la Conférence Episcopale41 Ce processus de paix abordé dans divers espaces nationaux et internationaux et qui a été, depuis 2012, l’une des priorités du gouvernement colombien a été conçu en trois étapes : la première fondée sur des dialogues exploratoires entre le gouvernement et les FARC à Oslo en Norvège et visant à analyser les volontés, les méthodes de travail et les centres d’intérêt ; la seconde étape consistant en le développement de ces conversations à La Havane, à Cuba, afin d’aller de l’avant dans la préparation d’accords ; et la troisième commençant par la signature d’un Accord final entre les parties, permettant ainsi sa mise en application, ce qui implique plusieurs enjeux et défis que l’on peut résumer de la manière suivante : a. Continuer à progresser avec différents espaces auxquels pourra participer la société civile et qui pourront alimenter le dialogue par des propositions, comme le forum national de développement rural, l’urne de cristal et du côté du Congrès de la République, la réalisation de forums régionaux consacrés au thème de la paix. b. Promouvoir et garantir la participation effective de groupes historiquement vulnérables et affectés par le conflit armé comme les femmes, les communautés indigènes et afro-descendantes et les communautés rurales en général. c. Veiller au processus pré-électoral qui commence en 2013 en prévision des élections nationales du Président et des membres du Congrès de 2014 qui permettront peut-être un second mandat du Président Santos. d. Clarifier la stratégie de DDRR (désarmement, démobilisation, réinsertion et réintégration) des combattants concernés par les accords sans déroger
au droit à la vérité, la justice, la non-répétition et la réparation des dommages subis par les victimes. e. Clarifier les intérêts et les pouvoirs inhérents à une économie de guerre qui seraient affectés par les accords conclus, afin de prévoir des stratégies contingentes, notamment pour le trafic de drogue, la contrebande et les marchés d’armement entre autres. f. S’assurer que tous les accords qui seront passés incluent les membres de base de la guérilla ou d’autres groupes de guérilleros comme l’ELN. g. Comprendre les conséquences d’une négociation qui se déroule dans un conflit où il y a des pertes en vies humaines et des prisonniers et où il peut y avoir des avantages tactiques de part et d’autre. h. Séparer les thèmes sociaux (la pauvreté, l’inégalité, le modèle politique) des questions liées au désarmement afin de faciliter la négociation d’accords à La Havane. i. Incorporer à la mise en vigueur des accords les processus travaillés depuis des années pour progresser dans la recherche de la paix et de la coexistence, comme les initiatives régionales de paix. j. Surveiller attentivement la couverture médiatique des négociations, pour s’assurer que les médias rendent compte des dialogues de manière responsable. k. Accueillir de manière cohérente les offres d’appui présentées par d’autres acteurs comme, par exemple, l’Académie, des Prix Nobel de la Paix et la communauté internationale. 41. Conférence Episcopale de Colombie, 2012 ; Message du président de la Conférence Episcopale au peuple colombien, Bogota
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Qui sommes nous Le Secrétariat National de la Pastorale Sociale est un organisme ecclésial à but non lucratif, dépendant de la Conférence Episcopale de Colombie qui recherche la vérité, la réconciliation, la justice et la charité dans les relations et structures de notre société. Notre manière d’agir et notre travail se font toujours à la lumière de l’Evangile et de la doctrine sociale de l’Eglise Catholique. 16
Nous faisons partie du réseau « Caritas Internationalis », confédération mondiale qui travaille depuis 1950 dans la lutte contre les structures provoquant des situations de pauvreté et d’oppression, afin de promouvoir une société fondée sur la solidarité et la justice sociale. Pour plus d’information et afin d’être informé de publications et nouvelles du Secrétariat National de Pastorale Sociale / Caritas Colombie, veuillez s’il vous plaît vous enregistrer dans le site www.pastoralsocial.org. La traduction en français a été réalisée par le Secours Catholique – Caritas France, association loi 1901 à but non lucratif et reconnue d’utilité publique, service de l’Église catholique et membre de la confédération « Caritas Internationalis ». Cr. 58 N° 80-87. Barrio Entre Ríos. Bogotá, C.P. 111211 - Colombie Tel: +571 4377150 412 Fax: +571 4377171 Email: snpscol@cec.org.co
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