AMBITION CÉRÉALES
2O3O
DES HOMMES RESPONSABLES D’ENTREPRISES CÉRÉALIÈRES PERFORMANTES POUR PRODUIRE PLUS, PRODUIRE MIEUX
système
monde bioperformance
orge
environnement compétitivité
qualité
céréales blé dur constat
idées
prospective
génération productivité
blé
1 I AMBITION CÉRÉALES 2030
ambitions
L’ é q u i p e c o n t r i b u t r i c e
AMBITION CÉRÉALES 2030 Des hommes responsables d’entreprises céréalières performantes pour Produire plus, Produire mieux
Cette publication a été éditée en juin 2014, à l’occasion du 90ème anniversaire de l’Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 2
3 I AMBITION CÉRÉALES 2030
L’ é q u i p e c o n t r i b u t r i c e
Ont collaboré à la réalisation de cet ouvrage sous la coordination de :
Dominique CHAMBRETTE Côte-d’Or
Jean-François ISAMBERT Essonne
Régis CHOPIN Eure
Olivier DAUGER Aisne
Philippe DUBIEF-BECHET Côte-d’Or
Christophe GRISON Oise
Philippe HEUSELE Seine-et-Marne
Rémi HAQUIN Oise
François JACQUES Meurthe-et-Moselle
Benoît PIETREMENT Marne
Jean-Marc RENAUDEAU Deux-Sèvres
Nicolas de SAMBUCY Bouches-du-Rhône
Eric THIROUIN Eure-et-Loir
Luc VERMERSCH Somme Ont contribué à l‘organisation des groupes de travail et la rédaction de l’ouvrage : Hervé Garnier, Patrice Auguste, Pierre Olivier Drège, Camille Tubiana, Carole Jouhate, Nicolas Ferenczi, Pascal Hurbault, Valérie Leveau, Martine Jullien, Jérôme Josseaux.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 4
5 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Édito
“
”
Nos ambitions céréales pour 2030 Philippe PINTA, Président de l’AGPB
2030, ce n’est pas si loin, mais en ces temps d’accélération du changement, où il est de moins en moins simple de vouloir éclairer l’avenir, c’est une échéance réaliste pour un travail de prospective comme celui dont le présent ouvrage est le résultat. Réaliste, car les producteurs de céréales français disposent de repères qui semblent assez solides pour envisager les 15 ans qui viennent : • leur activité et les filières qu’elle alimente sont assez communément reconnues comme un atout important pour le développement économique de notre pays et pour son équilibre territorial ; • le monde, dans lequel nous sommes l’un des premiers exportateurs de blé, aura de plus en plus besoin de céréales demain ; • les céréales sont des matières premières polyvalentes et le deviendront toujours davantage, de la tige aux grains, grâce aux progrès de la recherche et à l’avancée des technologies.
À ces repères objectifs s’en ajoute un, plus subjectif, mais fondé sur l’expérience des céréaliers : leur confiance en leur capacité, avec l’appui de leurs partenaires de filière, à s’adapter aux circonstances et aux attentes, même quand ils doivent pour cela se remettre en cause culturellement. Tous ces repères permettent de se projeter et d’affirmer un objectif : « Produire plus, Produire mieux. » L’entreprise céréalière de demain pourra l’atteindre en étant bioperformante. Notre organisation, l’AGPB fête cette année ses 90 ans. Elle a relevé dans le passé de très nombreux défis et nous en sommes fiers. « Produire plus, Produire mieux », c’est donc l’ambition que nous nous sommes donnée pour les quinze prochaines années. Rendez-vous en 2030 !
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 6
Sommaire 04 L’ équipe contributrice 06 Édito
09
Les céréales, une chance pour la France
17
La filière céréalière, une force économique sur tout le territoire
23
En 2030, le monde aura besoin de plus de céréales
7 I AMBITION CÉRÉALES 2030
33
Les marchés des céréales en pleine évolution
47
Bioperformants, les céréaliers cultivent l’ avenir
67
L’entreprise céréalière du futur 92 Conclusion 94 Lexique 96 Remerciements 98 Le Groupe Céréalier 100 L’ AGPB AMBITION CÉRÉALES 2030 I 8
Les céréales, une chance pour la France
La France possède une chance immense de produire des céréales en volume suffisant et régulier, avec des qualités de plus en plus reconnues. Cela lui permet de participer aux grands équilibres vitaux du monde. 9 I AMBITION CÉRÉALES 2030
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 10
Les céréales, une chance pour la France
A
u début du XXIe siècle, le monde a connu une crise financière et économique , la plus violente qui se soit abattue sur la planète depuis celle de 1929. L’Occident est bel et bien entré dans une période de « stagnation de longue durée ». Bouleversement des économies, émergence de nouvelles puissances, ralentissement de la croissance économique, chômage de masse, fort développement démographique, phénomène d’urbanisation, accroissement de la précarité, impact du réchauffement climatique, problème de malnutrition et de sécurité alimentaire, résurgence des conflits… Mais aussi, un bouleversement des cartes géopolitiques du monde… La France n’échappe pas à ces phénomènes de crises et de mutations… La croissance peine à revenir. L’activité se raffermit en France, mais pas encore assez pour faire baisser le chômage. Certains experts portent un diagnostic alarmant : « l’industrie française atteint aujourd’hui un seuil critique, au-delà duquel elle est menacée de déstructuration ». Hubert Vedrine souligne dans son dernier ouvrage (1) : « C’est toute la compétitivité de notre économie qui s’est effondrée. » Pêlemêle, il cite la lourdeur de nos charges, le niveau moyen de la qualité de nos produits, notre déficit en matière d’innovation, l’absence de montée en gamme, notre manque de dynamisme à l’exportation.
La France a des atouts forts qu’elle doit valoriser Louis Gallois, dans son rapport sur la compétitivité industrielle (2), apporte un vent d’optimisme. Selon lui, le redressement est possible, « car la France a des atouts forts qu’elle doit valoriser ». Il en énumère plusieurs : « tout d’abord parce que d’autres pays européens réussissent... », parce que « la France est une terre d’émergence de PME innovantes », ou encore parce que « la recherche française est reconnue mondialement »… La France a une vraie place dans le monde et, en premier lieu, parce qu’elle détient des pôles d’excellence mondiaux. Parmi eux : l’industrie culturelle, le luxe, la pharmacie, l’industrie aéronautique, nucléaire, pétrochimique, les services (banque, assurance, grande distribution)…, et l’agriculture avec notamment la céréaliculture.
La France : grenier à blé • La culture du blé est particulièrement bien adaptée aux conditions pédoclimatiques françaises • La production française varie peu en quantité et qualité • Le niveau de formation des agriculteurs est parmi les plus élevés au monde • Une logistique performante qui assure la compétitivité des produits français à l’exportation • Une production capable d’assurer l’autosuffisance alimentaire européenne et de participer aux échanges mondiaux
(1) Hubert Védrine-La France au défi (Fayard) (2) Pacte pour la compétitivité de l’industrie française 11 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Exporter pour contribuer à relever le défi alimentaire mondial.
“
La France a tous les atouts pour réussir. Nous sommes un pays d’invention, d’innovation, de création, dans tous les domaines. Je pense à cette magnifique prouesse qu’a été la mise au point d’un cœur artificiel (...). Je pense aussi aux transports, avec les véhicules électriques ; à l’agriculture, avec la chimie verte…
”
François Hollande, Président de la République
La céréaliculture française est un pôle d’excellence mondial… Au Salon de l’agriculture 2014, un nouveau ton, émanant tant du chef de l’Etat que de ses ministres, a montré ainsi à quel point les Pouvoirs publics reconnaissaient aujourd’hui le secteur agricole et agroalimentaire comme une activité de production avant tout, capable de participer au redressement économique du pays. À condition qu’elle ait les outils de sa compétitivité. Alors que l’on parle d’une France qui se désindustrialise, l’agriculture est un gisement de richesses et de croissance, de plus non
“
délocalisable. La France reste la première puissance agricole d’Europe et les céréales y occupent une place de premier plan. La filière céréalière est déterminante pour l’économie du pays à la fois au niveau de l’activité agricole, des emplois qu’elle induit, de son empreinte territoriale et en raison de sa contribution à la balance commerciale. La céréaliculture française fait partie des dix pôles d’excellence mondiaux que comptent notre pays et qui font la fierté des Français.
L’agriculture et les céréaliers représentent « une force française » qui réussit dans le monde et, plus encore, un modèle à observer et à reproduire. Dominique Reynié, Politologue, Directeur de la Fondation pour l’innovation politique
”
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 12
Les céréales, une chance pour la France
Le blé est un atout géostratégique Le blé est une culture majeure pour l’alimentation humaine. Les rations alimentaires dans le monde contiennent 60% de céréales : un terrien consomme annuellement environ 330 kg de céréales (y compris pour l’alimentation animale). Le blé est la céréale qui nourrit plus du tiers de la population mondiale. Avec le riz et le maïs, il fournit plus de la moitié des calories et protéines absorbées quotidiennement. La consommation de blé s’est répandue à travers la planète et la demande a été multipliée par 3 depuis 1961. De 235 millions de tonnes (MT) à l’époque, la production atteint aujourd’hui les 700 MT. Le blé est la céréale la plus cultivée dans le monde (224 millions d’hectares). Depuis 50 ans, l’offre mondiale des céréales s’est adaptée à la demande quasi exclusivement grâce à la progression des rendements. D’ici 2030 à 2050, les experts (FAO, Banque mondiale) prévoient une très forte croissance de la demande mondiale de céréales : il faudrait que la production de blé augmente de 60% entre 2000 et 2050. Le blé est la première ressource agricole échangée dans le monde avec 40% des échanges mondiaux. La France exporte plus de la moitié de sa production : 20% dans l’UE et 33% en dehors de l’UE, sans compter les volumes exportés en tant que produits transformés (farine, amidon, etc). Au total, les exportations de la France représentent près de 15% des échanges mondiaux de blé. Une tonne sur six qui s’échangent au niveau de la planète est d’origine française.
exportateur mondial
de semences
13 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Pour relever le défi de la production de blé à l’échelle internationale, un consortium international (Wheat Initiative) a été créé dans le cadre du plan d’action du G20 agricole pour coordonner les recherches sur le blé dans le monde.
la france, au cœur des greniers à blés du monde
19
7
7
MT
MT
MT
RUSSIE
UKRAINE
CANADA
17 MT
25
FRANCE
MT
7
ÉTATS UNIS
MT KAZAKHSTAN Z
Solde positif de plus de 5 MT Solde positif de 0 à 5 MT Déficit jusqu'à 3 MT Déficit supérieur à 3 MT
7
20
MT
MT
ARGENTINE
> Solde moyen production - consommation de blés (moyenne de 2010 à 2012)
AUSTRALIE
Source : FAOSTAT
Nourrir les hommes, un devoir et demain d’autres défis La majeure partie des blés produits dans le monde est destinée à l’alimentation humaine. Le blé est aussi utilisé pour nourrir les animaux granivores, comme les porcs et les volailles. Du blé, est extrait l’amidon : une formidable réserve énergétique. Les produits dérivés de l’amidon servent à l’alimentation humaine, sous forme d’ingrédients traditionnels pour la boulangerie-pâtisserie, la confiserie, les boissons, les desserts et plat préparés, les aliments pour bébés… ils sont aussi utilisés pour d’autres usages industriels comme la papeterie, les cartons ondulés, la chimie/pharmacie, les textiles, les adhésifs, les matériaux de construction… Avec le blé, on produit de l’éthanol, biocarburant intégré dans l’essence SP95-E10 ou Super éthanol E85.
Avec l’essor de la chimie biosourcée, une réelle opportunité existe pour intensifier le développement d’une industrie chimique nouvelle fondée sur la transformation de la biomasse. Il s’agit d’extraire et synthétiser des produits directement substituables à ceux issus de la pétrochimie. L’utilisation de matières premières végétales s’inscrit dans le souhait d’une industrie plus respectueuse de l’environnement. Dans ce domaine, la France dispose d’acteurs forts comme Roquette, Tereos, Cristal Union, Siclaé… Au cours des quinze prochaines années, de réelles opportunités vont se concrétiser en termes d’innovation et de création de nouveaux tissus industriels créateurs d’emplois.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 14
Les céréales, une chance pour la France
“
Parmi les 8 grands exportateurs mondiaux de céréales, la France est en effet le seul pays à être relativement « épargné » et à garantir sur les marchés 23 MT de grains. Thierry Pouch, Économiste Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture
”
La France participe aux grands équilibres vitaux du monde Le blé français est apte à nourrir les hommes, la diversité de ses débouchés concerne aussi leur santé, leur bien-être et leur environnement. La France fait partie des greniers à blé sur lesquels le monde peut compter en 2030. Elle possède une immense chance de pouvoir produire avec conscience des céréales en quantités élevées, avec des qualités reconnues partout dans le monde. Cela lui permet de
118
nourrir sa population et d’approvisionner de manière régulière de nombreux pays déficitaires. C’est un avantage comparatif qui lui confère un rôle de premier plan sur les marchés agricoles internationaux. Sur le plan éthique, cet avantage lui impose moralement le devoir de participer aux grands équilibres vitaux du monde. Économiquement, les céréales sont stratégiques et socialement, elles sont essentielles. La France ne doit pas faire avec son agriculture aujourd’hui, l’erreur qu’elle a faite il y a quelques années avec la sidérurgie.
la france,
5ème producteur mondial de blés, une capacité d’approvisionnement
88
hors pair
Production de blés (données en millions de tonnes et %)
59
50%
29%
29%
22%
26% Variabilité
18 Urkraine
21 Turquie
23
75%
Moyenne de 2010 à 2012 et variations extrêmes depuis 2000 par rapport à la moyenne
15 I AMBITION CÉRÉALES 2030
24
Allemagne
66%
25
Pakistan
Russie
41%
26
Canada
États-Unis
33%
38
Australie
Inde
29%
Source : FAOSTAT
France
Chine
45
122%
les céréales présentes partout sur le territoire Source : Agreste RA 2010 et Agreste 2013
53%
17% ORGES
BLÉ TEN NDRE
7% AUTRES
19%
4%
MAÏS GR RAIN
BLÉ DUR
% de céréales dans la surface agricole 0,9 et moins 1,0 à 9,9 10 à 33,2 33,3 à 49,9 50 et plus NA
“
9,2
0,2%
RIZ
millions d’hectares sur la France soit 37% de la Surface Agricole Utile
La France fait partie des greniers à blé sur lesquels le monde peut compter en 2030. Dominique Chambrette
”
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 16
La filière céréalière, une force économique sur tout le territoire En parcourant la campagne française, on peut observer l’omniprésence des céréales. Elles sont en effet présentes sur tout le territoire, elles occupent un tiers de la surface agricole utile (SAU) française, soit 50% des terres arables. Générant 500 000 emplois, la filière céréalière contribue à une économie nationale puissante. 17 I AMBITION CÉRÉALES 2030
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 18
La filière céréalière, une force économique sur tout le territoire
A
vec une production de 68 MT, dont 34 MT de blé tendre, la France est le premier producteur et le premier exportateur de céréales de l’Union européenne. La production de blé est orientée vers des débouchés diversifiés, alimentant ainsi une filière structurée et organisée autour de multiples métiers. Cet ensemble constitue un secteur économique déterminant pour l’économie nationale en termes d’emplois, de création de richesse et de contribution à la balance commerciale. Il se situe au même rang que les autres grands secteurs industriels que sont l’aéronautique, la pharmacie, la pétrochimie, l’automobile, le nucléaire…
2 000
entreprises de transformation
céréalière au bout des champs…
500 000 emplois non délocalisables répartis sur tout le territoire En France, près de deux exploitations professionnelles sur trois cultivent des céréales. On dénombre 110 000 exploitations céréalières professionnelles : elles emploient près de 185 000 personnes. L’Insee les classe en TPE (Très Petite Entreprise : moins de 10 salariés). Il est frappant de constater que les 110 000 exploitations céréalières génèrent une multitude d’activités, en amont comme en aval, dans différents domaines : agrofourniture (équipement en machinisme, semences, engrais, produits de la protection des cultures…), approvisionnement (distribution), collecte et transformation, transports, financement, assurances, activités de conseils…
Source : Passion Céréales
850
organismes stockeurs
446
moulins
394
usines d’aliments du bétail
102
biscuiteries
100
brasseries
95
boulangeries pâtisseries industrielles
37
entreprises de panification
27
unités d’apéritifs à croquer
15
usines de céréales / petit déjeuner
14
malteries
10
semouleries
8
amidonneries
7
usines de pâtes
4
éthanoleries
… et 32 000 boulangeries artisanales, commerces de proximité, sur tout le territoire
19 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Développer les activités consommatrices de céréales, porteuses de valeurs et d’ emplois dans les territoires.
Production, collecte et industries de transformation des céréales constituent la trame d’un tissu socio-économique dynamique sur tous les territoires. Aucun autre secteur agricole n’a une telle « empreinte » territoriale. Contrairement aux filières d’autres productions agricoles, les entreprises de la filière céréalière ne sont pas concentrées dans quelques grandes régions, mais forment un tissu dense d’entreprises non délocalisables.
150 000
500 000
emplois ruraux non délocalisables dont
> 225 000 > 50 000 > 225 000
entreprises agricoles, agroalimentaires, de négoce et de services
emplois pour la production emplois pour la collecte et la première transformation emplois pour la seconde transformation et la boulangerie artisanale
17
milliards d’euros
en valeur ajoutée Chiffre d’ affaires de
67
milliards d’ euros
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 20
La filière céréalière, une force économique sur tout le territoire
autant d’emplois en exploitations grandes cultures qu’en élevage laitier élevage laitiers
350 000
culture et élevage
300 000
grandes cultures élevage bovins et ovins
250 000
élevage porcs et volailles
200 000 150 000
100 000
100 000
85 000
50 000
1988
1992
1996
2000
2004
2008
2012
Source : AGPB d’après Agreste RICA : exploitations moyennes et grandes
Les exportations de céréales tirent les exportations françaises Certes, le blé français est destiné à nourrir la population hexagonale et européenne. Mais, il ne sert pas qu’à produire de la farine pour alimenter les Français ! La France exporte plus de la moitié de sa production de blé. A l’image d’Airbus, la France céréalière a développé une véritable stratégie à l’exportation pour répondre aux besoins des pays du continent européen, également à ceux de l’Afrique du Nord, du Proche et Moyen-Orient et des pays de l’Afrique Subsaharienne. Le blé est la première ressource agricole échangée dans le monde. En 2013-2014, les échanges mondiaux atteignent 157 MT, soit le cinquième de la production mondiale. La France y participe à hauteur d’environ 15% ce qui signifie qu’une tonne sur six échangées sur la planète est d’origine française. Avec une production de blé de l’ordre de 37 MT, la France commercialise 18 MT à l’exportation. La moitié de ces volumes est dirigée vers les pays Tiers, aux premiers rangs desquels l’Algérie, le Maroc et l’Egypte. Un tiers des exportations totales de blé français sur les marchés communautaires et mondial est destiné à l’Afrique du Nord.
21 I AMBITION CÉRÉALES 2030
“
L’exportation est l’un des trois moteurs de la croissance de notre pays, et il faut absolument en développer les capacités. À l’image de l’agroalimentaire, où nous avons une force considérable avec des grands champions et des process remarquables.
”
Christine Lagarde, Directrice du FMI
Tout cumulé - grains et farine - c’est l’équivalent de 60% des blés panifiables français qui est fourni aux meuniers du monde entier. Le secteur céréalier peut s’enorgueillir de contribuer positivement à la balance commerciale française. Le palmarès 2013 de la balance commerciale française le démontre. En 2013, son excédent s’élevait à 10 milliards d’euros, soit le deuxième poste positif derrière l’aéronautique. Dans ce contexte, les céréales et produits dérivés ont dégagé, soit l’équivalent de plus de 10 Airbus/mois. Dans la mondialisation, l’agriculture et l’alimentation sont devenues des marqueurs de la puissance d’une économie au même titre que l’aéronautique.
les céréales
: 2ème solde commercial français
1er 2ème
10 Md€
3ème 4ème 5ème
Produits de la construction aéronautique et spatiale Céréales et produits céréaliers de la 1ère transformation 21,9 Md€
9,8 Md€ 8,7 Md€ 4,5 Md€
Vins et spiritueux
Parfums, cosmétiques et produits d’entretien
Produits pharmaceutiques
Source : douanes françaises statistiques 2013
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 22
En 2030, le monde aura besoin de plus de céréales
Le XXIe siècle va connaître une révolution démographique historique. Elle se traduira en particulier par une forte croissance de la demande mondiale de céréales. Le monde a besoin de plus de céréales ! La France fait partie des quelques pays capables de répondre durablement à cette nouvelle exigence. 23 I AMBITION CÉRÉALES 2030
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 24
En 2030, le monde aura besoin de plus de céréales
P
lusieurs révolutions vont marquer le XXIe siècle. On peut ne pas se tromper en avançant que la révolution du numérique a encore de beaux jours devant elle, que celles des nanotechnologies et biotechnologies marqueront les décennies à venir, que la pétrochimie sera bousculée par la chimie biosourcée… Mais, un des chocs du XXIe siècle sera sans aucun doute démographique. Nous sommes un peu plus de 7 milliards d’êtres humains aujourd’hui, nous serons 8,5 milliards en 2030 et près de 9,6 milliards en 2050. Et l’Afrique apparaît comme le principal réservoir démographique mondial. D’ici 2050, elle devrait voir sa population plus que doubler et atteindre 2,4 milliards d’habitants.
Démographie, urbanisation et développement des classes moyennes D’ici 2030, les régions du monde vont quasiment toutes connaître de fortes croissances démographiques : plus 25% en Amérique du Sud, plus 17% en Asie, plus 30% en Océanie, et plus 56% en Afrique. L’Amérique du Nord progresserait de 12%, seule l‘Europe connaîtra une diminution de sa population (moins 1 %). Autour de 2030, l’Inde devrait dépasser la Chine, date à laquelle les deux pays auront des populations de l’ordre de 1,45 milliard d’habitants. La poussée urbaine représente un des phénomènes les plus marquants de la période contemporaine. C’est en 2007 que le monde a connu une rupture majeure dans son histoire en devenant davantage urbain que rural. D’ici 2020, deux milliards de personnes supplémentaires rejoindront les centres urbains, au point que la ville est considérée pour beaucoup comme la figure dominante des années à venir. En 2030, 69% de la population mondiale sera urbaine. L’émergence des classes moyennes est également significative. Leur essor se ferait essentiellement en Asie, où cette catégorie passerait de 500 millions de personnes à 3,2 milliards en 2030. le défi démographique mondial Md habitants
Monde
11 10 9 8 7 6
Asie Afrique
5 4 3 2
Amériques Europe
1 1950
1970
1990
2000
2010
Source : World Population Prospects : The 2012 Revision, Nations Unies
25 I AMBITION CÉRÉALES 2030
2030
2050
2070
2090
2100
Exporter pour contribuer à relever le défi alimentaire mondial.
en
2030, dans le monde 2 humains sur 3
en
vivront en ville
appartiendront aux classes moyennes
Source : ONU scénario médian 2012
Source : ONU 2012
“
2030, dans le monde 2 humains sur 3
Selon l’OCDE, les classes moyennes représentent aujourd’hui environ 1,8 milliard de personnes, soit 28% de la population mondiale. Vers 2030, elles atteindront les 5 milliards, soit les deux tiers de l’humanité. Jean-François Isambert
La consommation de viandes, facteur « accélérateur » des besoins en céréales
”
L’urbanisation des populations et le développement des classes moyennes ont des incidences sur les habitudes alimentaires et entraînent une consommation accrue en produits carnés et transformés. Les rations alimentaires dans le monde sont à 80% à base de végétal, dont 60% de céréales. Les céréales demeurent de loin les sources principales de nourriture, aussi bien pour la consommation humaine directe que pour la production de viande. Selon l’USDA, sur les quinze dernières années, la consommation mondiale de viandes a progressé de 30 % (de 194 à 252 MT). Les viandes blanches étant plus faciles et rapides à préparer et moins onéreuses que les viandes rouges, on observe, une substitution de la viande de porcs et de volailles à la viande bovine. Ainsi, les viandes blanches enregistrent, une consommation en forte hausse sur la même période : plus de 25% pour le porc et plus de 59% pour les volailles-poulets et dindes.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 26
En 2030, le monde aura besoin de plus de céréales
Ce constat vaut aussi pour l’Europe où les volailles sont de plus en plus plébiscitées dans un panier « viande » qui a tendance à baisser. Les projections 2007 de la FAO montrent que la consommation de viandes va augmenter de 110 MT d’ici 2030 (et de 200 MT d’ici 2050). Une croissance qui va tirer vers la hausse la demande des céréales pour pouvoir faire face aux besoins des élevages.
En 2030, la consommation de viandes aura augmenté de
110 MT
(et de 200 MT d’ici 2050)
l’explosion de la consommation de viande blanche dans le monde Millions de tonnes consommées 110 100 90 80 70 60 50 40
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
Source : USDA PSD
Il faut 3 à 4 kg de céréales pour produire 1 kg de viande de volailles
27 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Il faut 4 à 5 kg de céréales pour produire 1 kg de viande de porc
Il faut 8 à 10 kg de céréales pour produire 1 kg de viande bovine
Exporter pour contribuer à relever le défi alimentaire mondial.
Fournir 700 millions de tonnes de plus de céréales d’ici 2030 Les prévisions de la FAO montrent que la consommation mondiale de céréales (y compris riz) va s’accélérer entre 2007 et 2030 selon une croissance annuelle de 1,4%, pour atteindre les 2700 MT en 2030. Entre 2030 et 2050, la demande évoluera selon une croissance annuelle plus faible du fait du ralentissement de la croissance démographique chinoise (0,6%), pour atteindre les 3 milliards de tonnes en 2050. La croissance de la demande mondiale s’accélère depuis dix ans en blé et en maïs, alors que la demande en riz subit plutôt un effet de tassement. Pour répondre à la demande mondiale en céréales, le monde devra produire 700 MT de plus de céréales d’ici quinze ans dont 100 MT de blé. D’ici 2030, d’autres besoins en céréales s’ajouteront à la seule croissance des besoins alimentaires. Ils viendront de l’industrie des biocarburants, de la chimie du végétal, un domaine très prometteur, dont l’objectif est de remplacer un tiers de la pétrochimie…
une consommation mondiale de céréales en hausse de
700 mt en 2030
Millions de tonnes 3 500 +1 milliard de T 3 000 2 500 2 000
+700MT
1 500 1 000 500 1980 2000 2030 2050
Produire plus, une urgence morale. Tous les jours, 220 ha des terres les plus fertiles de France disparaissent sous l’emprise de l’urbanisation. Avec le niveau de productivité de son agriculture, la France renonce ainsi à nourrir près de 2 millions de personnes chaque année en construisant des parkings et des lotissements. Avec 130 humains supplémentaires à nourrir chaque minute dans le monde, l’amélioration de la productivité de la céréaliculture française est une urgence morale.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 28
En 2030, le monde aura besoin de plus de céréales
La France doit renouer avec la croissance des rendements en blé Même si la croissance de la production sera assurée à 70% par les pays en développement, ceux-ci deviendront toujours plus tributaires des importations de céréales. L’argumentation de leur production ne parviendra pas à répondre à celle de leurs besoins que leur croissance démographique et leurs changements de leur régime alimentaire feront croître plus rapidement. En 2030, selon la FAO, « les pays en voie de développement pourraient produire seulement 86% de leurs propres besoins céréaliers, avec des importations nettes qui passeraient des 103 MT actuelles à 265 MT en 2030 ». Aussi, les exportateurs de céréales traditionnels (dont l’UE et la France) devront-ils d’autant plus produire pour répondre à ce déficit. Sur les cinquante dernières années, la FAO fait le constat d’une stabilité des surfaces céréales dans le monde (environ 700 millions d’hectares), alors que les terres arables ont gagné en surface (plus 12%). Sur cette même période, la production céréalière mondiale a été multipliée par 2,5 grâce à une augmentation de son rendement moyen multiplié par 2,6. La hausse des rendements a permis de nourrir le monde. Compte tenu de la faiblesse des réserves de terres arables, il ne devrait guère en aller différemment à l’avenir. La FAO considère que d’ici 2030 et 2050, « l’augmentation de la production de blé devra venir à 85% d’une hausse des rendements ». Ce qui nécessite de faire appel à des nouvelles technologies conjuguant l’accroissement de la production avec une meilleure protection de l’environnement, et donc un meilleur accès à l’innovation. Il faudra « Produire plus, Produire mieux ». Aujourd’hui, la France exporte plus de la moitié de sa production de blé dans l’Union européenne et dans les pays tiers. Pour conserver sa place au sein des pays industrialisés dans la satisfaction de la demande mondiale, la France devra produire 50 MT de blé par an en 2050 (contre 37 MT aujourd’hui). La production française de blé doit renouer avec une croissance des rendements de blé. L’objectif visé est de gagner 0,5 quintal de blé par hectare et par an !
29 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Le bassin méditerranéen : un des « épicentres » céréaliers de la planète. La région Afrique du Nord et Moyen Orient « concentre chaque année environ 35% des importations mondiales de céréales et 30% de celles du seul blé », notent les experts du CIHEAM. Les faibles disponibilités en eau et en terre, ajoutées aux caprices interannuels et inter-saisonniers du climat, sont des contraintes majeures pour ces pays. La baisse probable des précipitions et la hausse des températures vont accroître les tensions qui pèseront sur les perspectives de développement de la production locale de ces pays. À cela s’ajoute l’augmentation de la population… Même si des gouvernements successifs ont tenté de mettre en place des politiques de développement agricole, force est de constater que la production n’a pas été capable de suivre la hausse de la demande. Quand la part des céréales dédiée à la nourriture du bétail n’était que de 1% au début des années 1960, elle dépasse actuellement les 30%. Face à ces besoins intérieurs grandissants, les performances agronomiques restent décevantes comparées à celles d’autres régions du monde. Ceci explique, un recours aux importations céréalières, à la fois croissant, structurel et stratégique. À l’horizon 2050, les experts du CIHEAM évaluent le déficit céréalier des pays en développement à 200 MT. La région sud méditerranéenne, avec 114 MT, puis l’Afrique Subsaharienne avec 56 MT, confirmeraient leurs places de premières zones importatrices mondiales de céréales.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 30
En 2030, le monde aura besoin de plus de céréales
le bassin méditerranéen
: un marché de proximité
0,17
87%
7,65
0,50
2,16
0,81 ASIE
MAGHREB
MOYEN ORIENT CUBA
AFRIQUE DE L’OUEST
Source : France Export Céréales d’après Synacomex en millions de tonnes Campagne 2013/2014
31 I AMBITION CÉRÉALES 2030
“
Exporter du blé en Méditerranée représente à la fois un devoir géopolitique et une opportunité économique.
”
« La France n’a pas vocation à nourrir le monde, car elle n’en a pas les moyens. En revanche, la nuance est de taille, sa légitimité à contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux n’est pas négociable. Le contexte géopolitique contemporain lui impose cette posture, notamment vis-à-vis des marchés méditerranéens, moyen-orientaux, voire africains... En matière céréalière, les pays arabes méditerranéens ont besoin d’approvisionnements réguliers, fiables et de qualité. »
Sébastien Abis, Analyste géopolitique et chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales Stratégiques (IRIS)
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 32
Les marchés des céréales en pleine évolution
De la production au consommateur, la filière céréalière est segmentée en plusieurs débouchés que les producteurs alimentent dans toute leur diversité. Ces filières sont remarquablement organisées et contribuent à la compétitivité de la céréaliculture. 33 I AMBITION CÉRÉALES 2030
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 34
Les marchés des céréales en pleine évolution
D
epuis une quinzaine d’années, le taux d’utilisation intérieure du blé est resté relativement stable. La meunerie reste un débouché mature pour les blés français. On observe un glissement de la panification artisanale vers la panification industrielle, lié aux évolutions des modes de vie : davantage de consommation de pain de mie, de produits transformés, hamburgers. Les profonds changements, on les trouve plutôt dans certains secteurs comme l’export des grains avec une forte augmentation des exportations.
7% RECONSTITUTION DES STOCKS
L’autre grand changement, c’est la montée en puissance de l’amidonnerie avec un volume transformé de blé qui a triplé depuis 1997 (de 1 à 3 MT aujourd’hui). Les produits dérivés de l’amidonnerie fournissent l’alimentaire ou des utilisations tout à fait surprenantes dans le secteur industriel. L’amidon rentre dans la fabrication du papier, du carton, des produits pharmaceutiques, des cosmétiques… Sans oublier l’émergence des alcools et des biocarburants. La chimie du végétal fait son entrée, l’enjeu de demain est de s’affranchir partiellement des ressources fossiles… Le blé offre une multitude de débouchés possibles. Des évolutions technologiques transformeront le monde de la meunerie, l’alimentation animale accompagnera la relance des viandes blanches françaises… Des marchés à l’export sont à conforter, de nouveaux seront à conquérir. L’industrie amidonnière, et demain la chimie du végétal, seront encore plus de nouveaux débouchés pour les céréales. Source de bien-être dans sa fonction alimentaire…, demain, avec l’univers des produits biosourcés, il aura une fonction écologique à part entière. Mais à une seule condition : il faudra « Produire plus, Produire mieux ».
le blé, des utilisations multiples
37 MT de blé produites en 2013
1% FABRICATION SEMENCES 4% ALCOOLS
33% EXPORT PAYS TIERS
8% AMIDONNERIE
14% ALIMENTATION HUMAINE 13% ALIMENTATION ANIMALE FRANÇAISE
20% EXPORT UNION EUROPÉENNE Source : FranceAgrimer Campagne 2013/2014
35 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Satisfaire la demande en céréales dans toute sa diversité.
la filière céréalière
Amont
Production
Semences Phytos Engrais Machinisme
Collecte
1ère transformation
2ème transformation
Meunerie
Boulangerie Artisanale et industrielle
Malterie
Pâtisserie - Biscuiterie
Semoulerie Maïserie
Amidonnerie
Fabricant aliments du bétail
Exportateur
Pâtes alimentaires Brasserie Industries alimentaires diverses Autres industries : papeteries, pharmacie, chimie, textile
Consommateur
Meunerie : la farine n’a pas dit son dernier mot Si on écoute le géographe Gilles Fumey, « les céréales, c’est la France. Quand nous mangeons du pain, nous mangeons la France… ». Selon lui, « nous sommes le pays qui a le rapport le plus fort et le plus passionnel au pain. On y compte autant de boulangeries que de mairies ». Sur les 35 à 37 MT de blé produites en France, environ 5,6 MT sont utilisées par la meunerie française. La consommation de pain est le premier débouché de la meunerie. Les 32 000 boulangeries artisanales de l’Hexagone jouent un rôle important en termes de proximité. C’est un marché de détail et de service constituant un réseau n’existant nulle part ailleurs dans le monde.
Si 97,6% des Français mangent du pain, certains en consomment de façon irrégulière. Pour les jeunes générations, la tendance est de zapper les pain des petits déjeuners au profit des céréales. Le snacking prend le dessus, avec plus de sandwichs consommés. Au quotidien, le Français consomme 130 grammes de pain par jour, contre 350 grammes il y a cinquante ans. Le développement des points chauds et des grandes et moyennes surfaces de distribution, favorise le développement de la boulangerie et de la panification industrielle. Si la boulangerie et pâtisserie artisanale reste de loin le premier débouché de la farine, sa part a cependant tendance à diminuer, alors que celle de la boulangeriepâtisserie industrielle augmente.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 36
Les marchés des céréales en pleine évolution
la consommation de pain se stabilise Quantité journalière consommée 350
325 g
300
267 g
250
180 g
200
155 g
155 g
150
130 g
2005
2012
140 g
100
1950
150 g
1960
1970
1980
1990
2000
Source : Observatoire du pain
Selon l’Association Nationale de la Meunerie Française (ANMF), « de nouveaux procédés vont permettre de créer des produits qui répondent encore mieux à certaines demandes en termes de nutrition, de conservation, de diversité… Les produits industriels sont déjà extrêmement qualitatifs. »
Dans l’avenir, la boulangerie industrielle pourrait concurrencer encore plus l’activité artisanale avec des offres plus compétitives. Les industriels formulent des attentes croissantes sur le plan des qualités technologiques. Plus de force boulangère, plus de protéines et de qualité, tout en maintenant leurs exigences de qualité sanitaire. Depuis, les années 1990, le marché export de farine n’est plus un marché d’avenir, la plupart des pays consommateurs ayant créé leur propre meunerie. La conquête de nouveaux marchés à l’export repose sur l’élaboration de produits plus technologiques, comme « la mise au point de pain longue conservation ». Pour Nicolas Pérardel (ANMF), « il faut créer de nouveaux modes de consommation auprès des jeunes. Il reste des pistes à explorer dans des pays comme la Chine où il existe un marché énorme. »
37 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Satisfaire la demande en céréales dans toute sa diversité.
la boulangerie industrielle en pleine croissance 100 25%
80
7%
60
22% 40
33%
20
13% 1992
1997
2004
2012
Importations Industries utilisatrices Sachets
Boulangerie et Patisserie industrielle + atelier de Boulangerie Patisserie GMS Boulangerie et Patisserie artisanale Export UE + Pays Tiers en % de farine
Source : ANMF
La
meunerie française, c’est
Alimentation animale : redynamiser les filières viandes blanches L’industrie de l’alimentation animale représente un débouché intérieur important pour les céréales françaises. Les 21 MT d’aliments produits en 2012 se composent principalement de céréales (49%) et de tourteaux (29%). Au total 10 MT de céréales sont incorporées dans les aliments industriels, dont 5 MT de blé (48%), de maïs (29%), d’orge (16%), de triticale (6%)... Sans oublier 2 MT de coproduits de transformation (sons, gluten, drèches ...) dont une majeure partie provient des céréales via la meunerie, l’amidonnerie, la production de biocarburant, la brasserie… Ces coproduits ont un rôle important dans l’équilibre économique des filières de transformation. Hors autoconsommation à la ferme, les filières porcs, volailles et œufs sont celles qui absorbent le plus de céréales dans les aliments industriels sous forme de grains (8,6 MT), tandis que les filières ruminants (vaches laitières et bovins viande) ne consomment que 0,7 MT, autant que le secteur des pet food (chiens et chats).
> 5,6 MT > > 2,2 > 6000
de blé utilisés
entreprises
milliards d’ € de CA
emplois
La boulangerie
artisanale
et
industrielle, c’est
> 195000 > 16
emplois
milliards d’ € de CA
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 38
Les marchés des céréales en pleine évolution
conforter l’utilisation de céréales en alimentation animale, un enjeu stratégique
60%
Taux d’incorporation de céréales en %
En MT
11,4
10,2
50%
12 10 8
40%
Perte de compétitivité des fillières animales : -1MT perdues
30%
6 4
Effet de la réforme de 1992
20% 10% 82
/
83
84
/
85
86
/
87
88
/
89
90
/
91
92
/
93
94
/
95
/
97
96
/
99
98
00
/
01
2
02
/
03
04
/
05
06
/
07
08
/
09
10
/
11
12
/
13
0
Source : FranceAgrimer
Avant la réforme de la PAC de 1992, le taux d’incorporation des céréales dans l’alimentation du bétail avait chuté à 30%. La baisse des prix des céréales programmée en 1992 a permis de retrouver un taux d’incorporation approchant les 50%, avec la baisse immédiate des importations de produits de substitution des céréales. Mais depuis 2008, les volumes de céréales utilisés dans la nutrition animale ont reculé d’un million de tonnes, notamment à cause de la perte de compétitivité de l’aval des filières animales françaises dans le secteur des viandes blanches face aux filières allemandes ou espagnoles.
aujourd’hui des volailles en provenance d’Europe et le risque de voir la filière porcine française redevenir déficitaire est grand. La compétitivité française des viandes blanches se dégrade. En 10 ans, les abattages de porcs et de volailles ont régressé en France alors qu’ils augmentent en Allemagne, ou en Espagne.
Certe, la volaille est devenue en 2012 la deuxième viande consommée en France, derrière le porc et devant la viande bovine. Mais la France importe
L’affaiblissement de la compétitivité française est notamment dû aux freins importants et dissuasifs de notre réglementation environnementale et des délais
39 I AMBITION CÉRÉALES 2030
La compétitivité des viandes blanches françaises est entravée, mais pas par l’aliment. En production porcine, la France affiche un coût d’aliment parmi les plus bas au sein de l’Union européenne. Il est équivalent à celui des PaysBas, et même légèrement inférieur à celui du Danemark ainsi que de l’Allemagne.
Développer les activités consommatrices de céréales, porteuses de valeurs et d’ emplois dans les territoires.
L’alimentation animale c’est > 290 usines > 10 400 > 10 MT > 2 MT
d’instruction de nos administrations parmi les plus longs d’Europe pour l’agrandissement ou la modernisation des porcheries et poulaillers. Le programme français de modernisation des élevages (PMBE) a été principalement réservé aux filières bovines et n’a donc pas profité aux élevages granivores qui sont de plus en plus pénalisés par des bâtiments anciens.
D’ici 2020, l’enjeu pour la filière céréalière sera d’éviter la perte de 2 MT de débouché (surtout de blé) ! La clef du maintien du débouché global repose sur la capacité des filières granivores françaises à regagner en compétitivité. La filière céréalière se doit d’avoir un projet global pour relancer la consommation de céréales en viandes blanches. grâce à des réflexions régionales pour consolider les filières porcs et volailles en partenariat avec les filières végétales. Céréales compétitives et élevages compétitifs restent intimement liés.
Export de grains : les marchés peuvent compter sur la France Le débouché export est le premier débouché du blé français, et il est également important pour le maïs et l’orge. Il est d’autant plus précieux que c’est à nos portes, sur les rives sud de la Méditerranée, ainsi qu’en Afrique Subsaharienne, que les besoins croissent le plus vite sur le marché mondial. Depuis la campagne 2007-2008, on constate un essor prononcé des exportations de blé vers les pays tiers, alors que dans le même temps les exportations vers l’Union Européenne ont tendance à se réduire, constate François Gatel, Directeur de France Export Céréales. Une tendance qui se confirme. En
salariés
de céréales
de coproduits utilisés
2012-2013, les exportations de blé tendre ont dépassé les 17 MT, soit plus de 6% par rapport à 2011-2012, avec de belles performances sur les pays tiers, alors que l’export sur l’Union Européenne a baissé de 5%. Sur les pays tiers, ce score de 10 MT est le deuxième niveau le plus élevé sur les 15 dernières années après les 12,9 MT réalisés en 20102011, année exceptionnelle du fait de l’absence de la Russie sur ce produit sur les marchés mondiaux. Pour promouvoir les céréales et la filière céréalière françaises sur les marchés à l’export, les céréaliers français ont créé l’association France Export Céréales. Implantée à Pékin, à Casablanca, à Alger, au Caire, France Export Céréales conduit des actions de développement et de promotion dans plus de trente pays dans le monde. Dans l’UE, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni sont les principaux acheteurs de blé français. Depuis une quinzaine d’années, on assiste toutefois à une érosion de nos parts de marchés intra-communautaires, bien que la demande européenne ne fléchisse pas. Sur l’Italie par exemple, la France a perdu en dix ans 1 MT au bénéfice des nouveaux Etats-membres voisins (Hongrie, Roumanie, Bulgarie). Face à ce constat, France Export Céréales analyse de près le phénomène pour construire les outils de reconquête et de promotion à mettre en place.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 40
Les marchés des céréales en pleine évolution
la france tournée vers les rives sud de la méditerranée
PAINS PLATS « ARABES »
ITALIE ESPAGNE PORTUGAL
MAROC
1,8 MT IRAN
ALGÉRIE
PAINS LEVÉS TYPE « FRANÇAIS »
EGYPTE MAURITANIE
CÔTE D’IVOIRE
CAMEROUN
SÉNÉGAL
YEMEN
15,6 MT
Source : FranceAgrimer et France Export Céréales moyenne des collectes 2008 à 2013
Les principales destinations, hors Union européenne du blé français sont : - Les pays du Maghreb, parmi lesquels l’Algérie achète chaque année à la France environ 4 MT de blé, soit presque 10% de la production française. Ces pays géographiquement proches de nous ont l’habitude de consommer un pain proche du pain français. - Les pays d’Afrique Subsaharienne comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et la Mauritanie sont d’anciennes colonies françaises qui consomment le blé sous forme de pain français. La France y vend 2 MT soit 80% du marché. - L’Egypte, premier importateur de blé au monde et la Lybie, elles achètent des blés mais de façon moins régulière pour la fabrication de pains plats de type arabe.
41 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Jean-Pierre Langlois-Berthelot, Président de France Export Céréales le réaffirme : « le blé français sur les marchés à l’export affiche de nombreuses forces : la régularité de l’offre, l’absence de restrictions aux exports (à l’inverse de l’Argentine, de la Russie, de l’Ukraine), la proximité, l’adaptation aux pains type « français », la qualité de la protéine, la valeur meunière… La France peut aussi compter sur les performances de sa logistique céréalière pour parfois réussir à placer des quantités de céréales plus importantes sur des marchés traditionnellement tournées vers d’autres origines. » Le blé français affiche aussi quelques faiblesses : une qualité qui ne satisfait pas tous les acheteurs, tandis que les blés du nord et du sud-américains sont meilleurs en protéines et que les Russes et les Ukrainiens livrent pour le même prix, un pourcent de protéines en plus. La principale préoccupation des pays acheteurs de blé est d’avoir un maximum de vendeurs à leurs portes, prêts à leur offrir du blé de qualité.
“
Quand vous interrogez un Algérien, un Marocain ou un Egyptien, ils répondent : « Vous, Français, produisez plus ! Ajustez aussi vos prix ! Et relayez, auprès de votre puissance publique, nos besoins en qualité ! »
”
« Des marchés restent à conquérir : dans les pays de l’Afrique subsaharienne, le Nigéria est une destination majeure. Nous devons nous y intéresser de près pour conserver et gagner des parts de marché. Dans les pays proches du Moyen-Orient, France Export Céréales réalise par ailleurs un travail de prospection en Arabie Saoudite, Irak, Iran… Ces pays ont un potentiel à ne pas négliger, ils raisonnent sur la protéine mais également sur le gluten. Si on veut parvenir à les conquérir, il faudra nécessairement améliorer notre teneur en protéines. »
Jean-Pierre Langlois-Berthelot, Président de France Export Céréales
Amidonnerie : une filière pleine d’avenir L’industrie des produits amylacés a pour objet d’extraire l’amidon des végétaux et d’en assurer la transformation pour répondre aux besoins de nombreuses industries. « Une amidonnerie, c’est une bioraffinerie : on fait rentrer du blé, du maïs ou des pommes de terre, il en ressort de l’amidon, du glucose, de l’éthanol, des protéines, des polyols… À la fois des produits traditionnels et des produits de modernité », explique Jean-Luc Pelletier, Délégué Général de USIPA.
confiserie, des boissons, des desserts et plat préparés, des aliments pour bébés… Les produits à base d’amidon servent soit de liant, soit de produit sucrant.
Aujourd’hui, 3 MT d’amidon de blé et de maïs sont produites en France. On retrouve l’amidon et les produits dérivés dans des secteurs d’application très variés :
Le débouché amidonnier représente en France presque 20% des utilisations intérieures de blé et 30% des utilisations intérieures de maïs. Une amidonnerie de céréales utilise au moins 1300 T par jour ce qui correspond à un train complet. Avec 5,2 MT de blé et de maïs mises en œuvre, l’amidonnerie est aujourd’hui la troisième industrie céréalière en France après l’alimentation animale et la meunerie.
- 47% sont utilisés par les industries alimentaires sous forme d’ingrédients traditionnels dans les secteurs de la boulangerie-pâtisserie, de la
- 53% rentrent dans la fabrication de produits industriels comme le papier et le carton (c’est le plus grand débouché), des produits pour la santé, des produits de fermentation (vitamines, antibiotiques, acides organiques…), les cosmétiques, les adhésifs, le textile, les matériaux de construction, les détergents…
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 42
Les marchés des céréales en pleine évolution
la production d’amidon à base de blé en france progresse En MT d’amidon
3,5
3,2
3,0
Total
2,5 2,0
1,6
Blé
1,5 1,3
1,0 0,5
Maïs
Pomme de terre 3
/9
92
4
/9
93
5
/9
94
6
/9
95
7
/9
96
8
/9
97
9
/9
98
/0
99
0
1
/0
00
2
/0
01
3
/0
02
4
/0
03
5
/0
04
6
/0
05
7
/0
06
8
/0
07
9
/0
08
0
/1
09
1
/1
10
Source : Unigrains d’après USIPA
Source : Unigrains d’après Usipo
L’ amidonnerie Demain, la croissance du secteur sera étroitement liée au devenir de la chimie du végétal et de la recherche et développement dans les domaines nutrition et santé. Après avoir doublé depuis les années 1990, la production de l’amidonnerie française pourrait encore doubler. Les amidonniers sont associés aux réflexions engagées à la suite du lancement du Plan industriel « Chimie verte/Biocarburants » et au rapport Lauvergeon de la commission 2030 innovations. Le soutien à l’innovation dans le domaine des protéines végétales et de la Chimie du Végétal est jugé, par ce rapport, comme déterminant. Une des clés des futures innovations repose en premier sur les « biotechnologies, notamment sur les débouchés de l’amidon. »
43 I AMBITION CÉRÉALES 2030
en France,
c’est > plus de 2,5 Md€ de CA
> plus de 5000 > 3 MT emplois directs
de blé utilisés
Investir dans la Chimie du Végétal et les Energies Renouvelables.
Biocarburants : la France, premier pays producteur européen Le bioéthanol, produit par fermentation biologique de sucres issus des céréales, betteraves ou cannes à sucre est le biocarburant le plus utilisé au monde. En France, 1,7 MT de blé sont transformées en bioéthanol. Les céréales contribuent ainsi à réduire les déficits énergétique et protéique. La France s’est engagée il y a quelques années dans un programme important de développement : près d’un milliard d’euros a été investi par les agriculteurs et les industriels pour développer les capacités existantes et construire cinq usines de production de bioéthanol de taille mondiale, dont la capacité totale de production s’élève à 14 millions d’hectolitres. Avec 11,5 millions d’hectolitres produits en 2012, la France réalise plus du quart de la production européenne et elle est le premier producteur européen de bioéthanol. Pour autant, à l’échelle européenne, l’utilisation de céréales pour la fabrication de bioéthanol ne représente que 3% des débouchés totaux contre 40% des débouchés du maïs aux États-Unis. La filière française travaille activement à l’amélioration des performances du bioéthanol et à l’émergence de la seconde génération. L’expérience industrielle acquise par la première génération servira à la mise en place de cette seconde génération dans quelques années. La marche en avant de la filière pourrait cependant être entravée par les incertitudes de l’UE quant à ses objectifs d’incorporation de biocarburants et quant aux normes environnementales auxquels ceux-ci doivent satisfaire. L’évolution de la fiscalité française sur les biocarburants est elle aussi une hypothèque à lever.
1 hectare de blé (à 7,2T/ha)
2,5m3 d’éthanol
4T
de paille
2,7T
de drèches de 28% de protéines
Le bioéthanol en France, c’est
> 1,7 MT > 600 M€ > 8900 de blé transformés
de CA
emplois directs et indirects
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 44
Les marchés des céréales en pleine évolution
Chimie du végétal : la révolution est en route
“
Le Président de la République a évoqué le sujet lors de ses vœux aux Français : « La France a tous les atouts pour réussir. Nous sommes un pays d’invention, d’innovation, de création, dans tous les domaines… ». Et de citer, parmi ces atouts : « l’agriculture, avec la chimie verte. » En octobre 2013, la Chimie du Végétal fait partie des « sept ambitions pour l’innovation », retenues par la Commission présidée par Anne Lauvergeon. Dans le prolongement de l’amidonnerie, la Chimie du Végétal désigne une chimie qui utilise les végétaux comme matière première. Elle permet de remplacer le carbone fossile par du carbone végétal, qui possède les mêmes propriétés que le carbone du pétrole. On parle de produits biosourcés pour signifier que la matière première utilisée pour leur production est la biomasse. Stocké dans les grains de céréales, l’amidon est la voie royale de la chimie du végétal, car il dispose de multiples propriétés. Le marché mondial de la Chimie du Végétal est en progression constante et est estimé à 300 milliards d’euros en 2015. La France présente des atouts significatifs. La recherche scientifique y est de qualité avec des organismes appliqués (ARD, Toulouse White Biotechnology). Plusieurs industriels sont investis sur le sujet (Roquette, Tereos, Proteus, Metabolic Explorer, Deinove, Global Bioénergie, Fermentalg, Solvay, etc.), dont quatre groupes parmi les cinquante plus grands acteurs mondiaux. En sus de ces atouts industriels, la France bénéficie de la présence d’agro-industries fortes.
”
«… avec 69 Md€ de facture énergétique en 2012 et de tensions probables sur ces ressources dans les prochaines décennies, les biotechnologies blanches* ou industrielles sont une solution positive à même de diminuer notre dépendance énergétique et de trouver des matières premières durables. L’enjeu est ainsi de s’affranchir partiellement des ressources fossiles sans créer de tension forte sur l’usage alimentaire… En France, la chimie du végétal pourrait permettre de créer 35 à 45 000 emplois et permettre 1,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’export. La chimie du végétal présente également de vastes perspectives de marchés applicatifs comme dans la santé, les éco-industries, l’énergie, les biopolymères... à partir de différentes sources de biomasse. »
Anne Lauvergeon, Présidente de la Commission innovation 2030
* Les biotechnologies blanches visent à la transformation de matériaux grâce à des agents biologiques (ferments ou enzymes). 45 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Dans un contexte de dépendance aux hydrocarbures...
“
La chimie du végétal a comme vocation de substituer partiellement la chimie du pétrole… le mouvement est parti…
”
« Le challenge est économique mais également réglementaire, plutôt que technologique puisque ce sont des technologies globalement accessibles. La chimie du végétal utilise environ 30 MT de cultures soit 6 millions d’hectares, c’est-à-dire moins de 0,5% de la totalité des terres arables. Il y a donc des potentiels pour utiliser plus de matière végétale pour la Chimie du Végétal. »
Marc Roquette, Groupe Roquette Frères
Unigrains, établissement financier des céréaliers, se positionne sur la chimie du végétal à travers différentes actions : investissements financiers en direct (Vegeplast, BioAmber, Moret industries), appuis financiers de plate-forme de recherche et pôle de compétitivité (ARD-CRD, Improve, Biogemma, Procéthol-2G (projet Futurol), investissements au travers de fonds d’amorçage et de capital risque… Même si, aujourd’hui, il est prématuré d’évaluer le potentiel des volumes de matières végétales
nécessaires pour cette nouvelle voie industrielle, la disponibilité d’une ressource végétale compétitive est un enjeu majeur de son développement. C’est un défi à relever pour les producteurs agricoles et l’industrie de la première transformation. La chimie du végétal sera sans aucun doute une des révolutions industrielles, technologiques et scientifiques du XXIe siècle. Elle ne pourra pas se faire sans l’agriculture et en particulier sans la filière céréalière. De réelles et belles perspectives pour accroître l’ingénierie de l’innovation, la valeur ajoutée et les emplois sur les territoires ruraux…
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 46
Bioperformants, les céréaliers cultivent l’ avenir
Concilier productivité des sols et des plantes, qualité sanitaire et technologique et en même temps empreinte écologique minimum est un véritable challenge que les céréaliers français ont choisi de relever. Produire plus, Produire mieux est leur mot d’ordre. Pour cela, ils sont à la recherche permanente de la bioperformance, un savant équilibre entre performances écologiques, économiques et productivité de la terre. 47 I AMBITION CÉRÉALES 2030
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Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
A
ux yeux du grand public, les champs de blé, d’orge, de colza, de tournesol, de betteraves, de pommes de terre appartiennent presque naturellement au paysage. Boire une bière ou manger du pain, un hamburger, un sandwich, des biscuits, des pâtes, des céréales au petit déjeuner est aussi devenu tout à fait banal. Les français reconnaissent la qualité et la sécurité des produits alimentaires. Habitué à trouver au quotidien tous ces produits sans aucune difficulté, le consommateur ne peut imaginer qu’il y a 70 ans, au sortir de la 2ème guerre mondiale, on pouvait lire sur un panneau : « plus de pain cette semaine pour cause de mauvaise récolte de blé. » Derrière ces produits alimentaires si facilement accessibles et ces paysages si entretenus se trouvent des hommes et des savoirfaire, du champ à l’assiette. En tête de la chaîne : l’agriculteur, le producteur de matière première agricole, gère un système complexe de plusieurs cultures sur l’ensemble des parcelles de son exploitation, voire aussi des productions animales, des légumes, de l’arboriculture… Produire du blé n’est pas un acte commun. On oublie trop souvent que les plantes appartiennent au monde du vivant soumis aux aléas du climat. Aujourd’hui, l’agriculteur moderne est capable d’apprivoiser, sauf circonstances exceptionnelles, ce qui par définition est instable, performance permise par le développement des compétences. Les agriculteurs français sont parmi les plus formés au monde. Actuellement 75% des agriculteurs de moins de 40 ans possèdent le baccalauréat et 34% sont diplômés de l’enseignement supérieur. Sur les exploitations spécialisées grandes cultures, ce taux atteint même 53%.
La bioperformance, un défi ! L’accès du plus grand nombre à l’innovation et au progrès est la voie pour y parvenir. C’est bien le contraire du retour en arrière ou de l’obscurantisme vers lequel d’aucuns veulent
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pousser l’agriculture française en proposant de réduire la nourriture et la protection des plantes, au risque de produire moins de céréales et d’obtenir des qualités inadaptées aux marchés ou présentant des risques pour la santé du consommateur. Les céréaliers français veulent proposer des solutions pour réduire les impacts de leurs pratiques tout en répondant à la croissance des marchés.
L’agriculteur au cœur équilibres du vivant
L’agriculteur travaille avec la nature en faisant appel à de nombreuses compétences. D’abord agronome, il doit connaître les notions de physique, de chimie et de biologie que pose la pratique de la production. L’univers du métier est complexe, couvrant beaucoup de domaines, hautement scientifiques ou techniques. On peut citer
La France doit faire confiance au monde agricole, et avant tout à des agriculteurs responsables, des chercheurs et des transformateurs qui contribuent au dynamisme économique et social de nos territoires dans le respect des équilibres écologiques. Michel Godet, économiste et professeur au CNAM.
49 I AMBITION CÉRÉALES 2030
des
”
Réduire l’ empreinte sur l’ environnement par la diffusion à grande échelle de technologies innovantes.
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En France, un hectare nourrit 24 personnes sans dégrader le potentiel agronomique, soit près de 5 fois plus que dans le reste du monde.
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Philippe Dubief-Bechet
la génétique, la biologie végétale, la connaissance des sols, la protection des plantes, la fertilisation, la météorologie… Aujourd’hui, d’importantes innovations technologiques sont en cours comme l’agriculture de précision, les technologies de l’information ou les biotechnologies. L’agriculteur est un cultivateur, qui travaille le sol, sème, désherbe, et protège ses cultures et récolte. Il est à l’interface des équilibres du vivant. Chacune de ses interventions est justifiée et inscrite dans un calendrier cultural précis et réfléchi. Avant d’intervenir, le cultivateur réalise un diagnostic précis de la situation, à partir d’observations faites sur le terrain. Il dispose de conseils et d’outils d’aides à la décision qui font appel à de multiples références agronomiques et climatologiques, mis à sa disposition par les instituts techniques comme ARVALIS - Institut du végétal et Météo France. Peu connu du grand public, ce type de pratiques permet de soigner et de nourrir les plantes avec précision et de répondre au soucis de la qualité des récoltes ainsi qu’à la préoccuption de la préservation de l’environnement. Des travaux scientifiques montrent, contrairement aux idées reçues, que dans les champs à forte productivité, on peut trouver une très grande biodiversité.
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Biodiversité : un patrimoine naturel riche en zone céréalière.
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« Un milieu ouvert est plus favorable au développement de la biodiversité qu’un milieu fermé. Ce n’est pas dans les ronces, friches ou forêts qu’il y a le plus de biodiversité. En Eure-etLoir, la zone de protection spéciale Beauce et Vallée de la Conie en est la preuve. Désigné au titre de la Directive « Oiseaux » (17 espèces dont la grande majorité y niche), ce site de 71753 hectares est le plus grand site Natura 2000 du département, et l’un des plus grands au niveau régional (62 communes concernées). Les terres arables représentent 80% de la superficie, et l’intérêt principal de la zone est la reproduction des espèces caractéristiques de l’avifaune de plaine céréalière. »
Eric Thirouin
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 50
Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
Le progrès génétique en blé, une priorité stratégique mondiale La demande mondiale en blé devra augmenter de 60% d’ici 2050. Ainsi, tous les pays producteurs partagent un besoin immédiat d’accélérer le progrès génétique du blé pour améliorer les rendements, l’efficacité d’utilisation de l’eau et des nutriments,
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L’objectif principal de la Wheat Initiative est de coordonner les recherches sur le blé au niveau mondial pour que, grâce à un élan international, les progrès nécessaires pour augmenter la production, la qualité et la durabilité du blé soient atteints.
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Hélène Lucas, coordinatrice scientifique internationale de la Wheat Iniative
l’adaptation aux stress biotique et abiotique, tout en assurant une production sûre et de qualité. Pour répondre à ce défi, les organismes de recherche et de financement de plusieurs pays ont proposé la création de la Wheat Initiative qui a été soutenue par les ministres de l’Agriculture réunis au G20 en 2011 et intégrée dans leur plan d’action. Aujourd’hui, la Wheat Initiative engage un certain nombre d’actions de recherche concrètes, comme la mise en place d’un système d’information avec un point d’entrée unique dans laquelle les biologistes et les sélectionneurs auront accès à l’ensemble des données relatives au blé. Une autre action vise l’obtention d’une séquence de haute qualité de l’ensemble du génome du blé. Ces efforts de séquençage engagés depuis plusieurs années par un consortium international ont été accélérés et permettront de réaliser des progrès considérables et plus rapides pour la création de nouvelles variétés.
La filière semences, c’est le fleuron de l’économie française
1er 291 000
producteur européen de semences
hectares cultivés
1er 50 > 30 600 000 > 15 tonnes de semences de céréales certifiées
51 I AMBITION CÉRÉALES 2030
exportateur mondial
nouvelles variétés de céréales par an :
> 5
en blé en orge en blé dur
Accélérer le progrès génétique pour des céréales résistantes, sobres, productives et riches en protéines.
une ambition
: redynamiser le progrès génétique
Rendement (Q/ha)
100 90
-18q en 18 ans
80 +1 q/ha/an
70 60
Rendement national Blé tendre 71,5 q/ha/an depuis 1995
50 40
80 982 984 986 988 990 992 994 996 998 000 002 004 006 008 010 012 014 016 018 020 022 024 026 028 030 2 2 2 2 2 1 2 1 1 1 2 1 2 2 2 2 1 1 2 1 2 2 1 2 2
19
Source : Agreste
Outre les gains de productivité et l’amélioration de la résistance des variétés aux maladies, la sélection a porté ces dernières années en grande partie sur l’amélioration des qualités des céréales : comme leurs aptitudes à subir des étapes de transformation. À titre d’exemple, l’offre de blés meuniers est passée de 50% en 1995, à 80% aujourd’hui, ce qui permet aux boulangers de disposer de farines plus simples à travailler. Les semenciers se sont attachés à la sélection de variétés de blé dur dont le gluten présente les qualités requises pour la fabrication de pâtes ne collant plus à la cuisson.
Source : Agreste
Ils ont également travaillé l’aptitude de l’orge destinée à la malterie à partir de plusieurs critères, tels que la teneur en enzymes, la concentration en sucres, la proportion des différents types d’amidon. Pour l’avenir, les efforts pour retrouver une dynamique de rendement positive, sans concession sur la qualité sanitaire, technologique ou la composition notamment en termes de protéines ont été remises en avant par les producteurs français. Ils ont choisi de soutenir activement les efforts de sélection par l’intermédiaire d’une CVO prélevée sur la collecte de céréales, sans pénaliser les utilisateurs de semences de ferme, tout en s’impliquant dans l’orientation des axes de sélection.
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Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
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Connaissance du génome, sélection assistée par marqueurs et biotechnologies sont les clés du gain de rendement de demain.
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Comment la recherche peut-elle contribuer à retrouver une croissance de rendement dans les exploitations céréalières ? La précocité, le rendement, à la différence de la résistance aux maladies, sont des caractères phénotypiques, gouvernés par des systèmes génétiques très complexes. Il n’y a pas un gène du rendement. Dans le cadre du projet BreedWheat conduit depuis 2011 par les sélectionneurs français avec l’INRA, nous allons mieux comprendre le fonctionnement du génome et être capable d’exploiter cette fameuse interaction entre le génotype, l’environnement et la conduite des cultures. Le blé tendre possède un des génomes les plus complexes du règne végétal et c’est une espèce d’hiver à cycle long avec des risques liés à ce qui se passe à l’automne, en hiver et à la sortie de l’hiver... L’amélioration variétale a connu une véritable révolution au cours des dernières décennies, avec l’introduction de la sélection assistée par marqueurs qui ouvrent la voie à une sélection assistée, plus précise, plus efficace et plus rapide qu’une simple sélection phénotypique. Demain avec la connaissance du génome - et c’est l’enjeu du programme mondial de génétique du blé - on peut imaginer exploiter une variabilité génétique beaucoup plus large, en prenant du matériel en provenance de tous les continents où est cultivé le blé… Grâce au génotypage et phénotypage, on va être capable, par la sélection assistée par marqueurs, de mieux exploiter la biodiversité des ressources génétiques. On a les moyens de générer du gain de rendement dans l’optique de produire plus et mieux. Que peut apporter le levier génétique vis-à-vis de l’efficacité de l’azote ? Deux pistes de recherche sont communes à toutes les espèces végétales au niveau mondial et envisageables à travers le couplage génotypage et phénotypage pour l’efficacité de l’azote et l’efficacité de l’eau. Ces deux caractéristiques sont gouvernées par des systèmes extrêmement complexes connus chez certaines espèces. Une des voies majeures pour obtenir ce résultat, c’est la transgénèse, et, peut-être demain, des nouvelles techniques de sélection avec la mutagénèse. Le champ du possible offert par les biotechnologies donne des perspectives y compris sur ces caractéristiques agronomiques complexes…
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Accélérer le progrès génétique pour des céréales résistantes, sobres, productives et riches en protéines.
Nos projets concernant le stress hydrique et la valorisation de l’azote devraient aboutir à échéance 2022-2024. C’est une piste d’avenir très prometteuse à condition qu’elle ne soit pas bloquée par voie réglementaire, sous la pression de tous les opposants aux biotechnologies, au progrès scientifique… Un vaste débat politique ! Florimond Desprez a créé une société en Argentine avec un partenaire (Bioceres). On ambitionne de lancer en 2016-2017, le premier blé OGM résistant au stress hydrique. Cette variété de blé apporte 10 à 15% de plus que les variétés traditionnelles en présence de stress hydrique.
François Desprez, société Florimond Desprez
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Il faut se servir de tout ce que l’innovation peut nous apporter pour réduire les impacts sur l’environnement et non pas réglementer arbitrairement de la même façon du Nord au Sud.
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Rémi Haquin
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Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
Une dynamique de progrès continue pour réduire l’empreinte environnementale Les agriculteurs ajustent leurs pratiques selon les potentiels de rendement : il s’agit de mettre la bonne dose au bon moment et au bon endroit, pratiques favorisées par l’emploi d’outils d’aide à la décision (OAD). Les apports d’azote sont de plus en plus maîtrisés dans de nombreuses régions. Leurs techniques culturales ont beaucoup évolué depuis une vingtaine d’années : 40% des blés sont semés sans labour, et 4% en semis direct. Les céréaliers ont toujours misé sur le progrès. À l’occasion du dernier Salon de l’Agriculture à Paris, les médias ont fait la part belle à la modernité de l’agriculture : « La science-fiction débarque dans les exploitations » ; « Plus précis que le satellite, le drone peut surveiller la croissance du végétal et mieux doser l’engrais » ; « Drones, tracteurs autoguidés, satellites, quand les nouvelles technologies envahissent les campagnes. » Parmi les progrès les plus rapides du monde agricole, l’informatisation et l’utilisation des nouvelles technologies peuvent être citées avec aujourd’hui près de 80% des exploitations professionnelles connectées à internet ou utilisant des outils d’aide à la décision, principalement en fertilisation et en lutte contre les maladies. Deux millions d’hectares de blé sont fertilisés à partir d’un OAD informatisé.
- 30%
d’usage de produits phytosanitaires en 10 ans
- 15%
d’ apports d’ azote minéral en 20 ans
- 70%
d’apports d’engrais phosphatés et potassiques en 20 ans
250 000
400 000 km de bandes enherbées plantées
agriculteurs recyclant leurs emballages le long des cours d’eau
- 9% 55 I AMBITION CÉRÉALES 2030
en émission de gaz à effet de serre en 20 ans
80% des exploitations connectées En milliers 400
367
350 300
292
Exploitations professionnelles
250
80%
200 150 100
Exploitations professionnelles utilisant Internet
20%
50
2003
2005
2007
2008
2009
2010
2011
Source : TIC AGRI 2011
« Si on y ajoute les systèmes de géolocalisation, l’implantation de bandes enherbées et couverts végétaux et l’amélioration de l’efficience des intrants, depuis 10 ans on mobilise la technologie au service de l’optimisation des systèmes de production », explique Jacques Mathieu, Directeur d’Arvalis - Institut du végétal. « Cette orientation a permis de maintenir des performances techniques tout en assurant une meilleure gestion de l’environnement. Mais des progrès sont encore possibles. »
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 56
Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
Une révolution en marche, à l’image de ce qui se passe dans la médecine La prochaine révolution que va connaître l’agriculture sera à l’image de ce qui se passe dans la médecine et en particulier dans la chirurgie : les cultures seront pilotées avec une très grande précision... Elles seront surveillées plus finement à l’aide de robots (capteurs, satellites, drones) et de modèles d’interprétation. Le machinisme sera encore plus intelligent. Les progrès de la génétique et de la biotechnologie, le développement du biocontrôle et de la valorisation des auxiliaires contre les ravageurs, la recherche de systèmes innovants (couverts, diversification des sources d’azote, paysage en mosaïque…) constituent un bouquet de solutions pour travailler dans le respect de l’environnement. L’accroissement de la productivité passera par le progrès génétique (biotechnologies), par une maîtrise des aléas climatiques (prévisions météorologiques à plus long terme et à la parcelle, progrès en écophysiologie appliquée), par une maîtrise de l’eau ou par une amélioration du fonctionnement du sol.
57 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Pour Jacques Mathieu, en complément de l’amélioration des techniques d’aujourd’hui, deux axes d’innovations se dégagent : « le premier axe concerne les régulations biologiques (biologie des sols, biocontrôle, valorisation des auxiliaires…), en combinaison avec les solutions classiques offertes par la chimie. Il s’agit de maximiser les régulations naturelles au profit d’une agriculture performante ; le second est celui des technologies de la communication, ces nouvelles technologies au service de l’agronomie (capteurs, robots, satellites, drones, smartphone…) vont prendre une part de plus en plus importante pour améliorer l’acte de production. » Ces systèmes innovants et toutes ces évolutions tendent à assurer à la fois une croissance de rendement, une contribution positive de la céréaliculture aux enjeux environnementaux et une efficacité porteuse économique de croissance et d’emploi par démultiplication.
“
Croissance de rendement : génétique et meilleure efficience des intrants.
”
Sur quels leviers s’appuyer pour gagner 0,5 quintal par hectare et par an ? Les experts sont unanimes sur la question. Deux leviers doivent permettre à la production française de blé de renouer avec une croissance de rendement : la génétique et une meilleure efficience des intrants. « Un des facteurs limitants majeurs est la nutrition azotée. Nous devons trouver des solutions pour gommer certaines sources d’inefficacité. Par exemple, disposer de formulations physiques d’engrais azotés plus efficaces, afin d’éviter les pertes par volatilisation, en cas de conditions climatiques trop pénalisantes. Dans le contexte réglementaire actuel qui limite les quantités à épandre, c’est surtout un mode d’emploi plus élaboré en terme d’ajustement pour viser les bonnes fenêtres climatiques qui va garantir cette bonne efficacité. D’où l’importance des prévisions météorologiques. » Du côté du levier génétique, il importe de rechercher des variétés capables de supporter des périodes de sous-alimentation azotée et de privilégier les périodes d’apport pendant lesquelles l’engrais azoté a le maximum d’efficacité. Il s’agit de pouvoir disposer de variétés susceptibles d’encaisser les défauts d’alimentation azotée les plus précoces. Ces variétés permettent de privilégier des rythmes d’alimentation azotée avec des absorptions tardives qui ne pénaliseront pas les rendements et permettront d’avoir un meilleur taux de protéines. Le changement climatique risque d’accélérer la présence de maladies, de ravageurs ou de stress liés à une alimentation plus difficile en eau, voire à des coups de chaleur plus fréquents. Là aussi, la génétique peut être source de solution pour faire face à ces enjeux avec des variétés plus tolérantes à ces phénomènes. Nous croyons d’autant plus au levier de la génétique que des outils nous permettent maintenant d’avoir une meilleure compréhension des caractéristiques des variétés utilisées par les agriculteurs, avant même leur période d’inscription. Ce qui permet d’orienter les choix de sélection vers des variétés moins sensibles aux maladies ou qui valorisent mieux une même quantité d’azote absorbée, donc plus efficientes à la fois pour absorber l’azote mais aussi pour le transformer en rendement et en qualité. »
François Laurent, Responsable du service Agronomie d’Arvalis - Institut du végétal
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 58
Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
Maximiser les régulations naturelles… au profit d’une agriculture bioperformante L’idée de compter sur des processus de régulation naturelle, comme des antagonistes ou compétiteurs de bioagresseurs, maladies ou ravageurs, naturellement présents dans les écosystèmes, suscite un intérêt et des investissements croissants. Jusqu’à maintenant, l’opportunité de les activer ne s’était pas imposée du fait des solutions existantes, efficaces et rentables liées notamment à la chimie. Le nouveau contexte rend plus difficile l’accès à ces solutions, ce qui pousse à explorer ces processus de régulation naturelle, en complément des solutions classiques au profit d’une agriculture durable. Dans la sphère végétale aérienne, il est possible d’activer des compétitions de régulation, via des auxiliaires de culture capables de lutter contre les ravageurs, mais les solutions sont encore balbutiantes en céréales à paille. Une meilleure maîtrise de la structure des peuplements cultivés fait aussi partie des pistes explorées : on regarde si les cultures, avec des ports de feuilles plus ou moins dressés, étalés, couvrant mieux, peuvent concurrencer les mauvaises herbes (adventices). Ainsi, on peut s’orienter, par
59 I AMBITION CÉRÉALES 2030
le choix de la génétique, vers des variétés plus compétitrices vis-à-vis des adventices ou vers des ports plus ou moins différenciés pour freiner la propagation d’un certain nombre de maladies… Une autre piste est de s’appuyer sur certaines régulations biologiques présentes au niveau de l’activité des micro-organismes et de la macrofaune du sol (vers de terre, carabes, champignons…). On peut orienter l’activité des micro-organismes du sol, qui est en forte interaction avec l’activité racinaire des céréales, à l’aide de couverts végétaux (soit avec les céréales, soit entre deux cultures). Des expérimentations conduites par Arvalis-Institut du végétal, montrent que des couverts auraient une efficacité contre un certain nombre de pathogènes transmis par le sol. Par exemple, les moutardes brunes peuvent avoir un effet vis-à-vis de maladies, voire également d’adventices. Ceci signifie que des plantes sont capables d’émettre naturellement dans leur environnement racinaire un certain nombre de produits organiques capables de contrarier la multiplication, la propagation de maladies, voire de mauvaises herbes…
“
Tirer mieux parti des interactions biotiques dans les sols.
”
Pour répondre à la croissance des marchés mondiaux, les céréaliers français affichent l’ambition de produire plus et de produire mieux. Est-ce une piste envisageable ? L’agroécologie doit répondre au double enjeu d’assurer la performance agronomique et environnementale des systèmes de culture. Il s’agit d’un challenge important pour lequel des recherches actives sont réalisées à l’INRA et en particulier au sein de l’UMR Agroécologie à Dijon. L’agriculture doit en effet nécessairement assurer une production de qualité en quantité suffisante tout préservant les ressources (sols, eau, énergie fossile,…) et en limitant l’utilisation d’intrants. Ce défi nécessite la mise en œuvre de systèmes agricoles innovants préservant et valorisant la biodiversité ainsi que les régulations biotiques, et délivrant les services environnementaux attendus (stockage de carbone dans les sols, biofiltration de l’eau, limitation de l’émission de gaz effet de serre,…). Ces challenges reposent sur un changement de paradigme et une réconciliation de l’agriculture et de l’écologie. Comment opérer un tel changement de paradigme ? Ce changement de paradigme consiste à adapter la culture à l’environnement plutôt que l’environnement à la culture, en tirant en particulier au mieux parti des ressources biotiques et abiotiques des sols. Les sols sont des environnements vivants comportant une biomasse considérable constituée d’une fantastique diversité d’organismes qui assurent le fonctionnement biologique des sols. Ce fonctionnement impacte directement la fertilité des sols mais de façon plus générale contribue à la fourniture de services environnementaux. Les microorganismes du sol participent directement aux cycles géochimiques tels que ceux du carbone et de l’azote. Ainsi, la minéralisation de la matière organique et la fixation biologique de l’azote atmosphérique par les légumineuses contribuent significativement à la nutrition des plantes. La microflore du sol impacte également la santé des plantes avec la présence de populations microbiennes antagonistes à l’encontre d’organismes phytopathogènes et avec celle de populations stimulant les réactions de défense des plantes. De façon générale, la biodiversité microbienne des sols contribue à la productivité et également à la stabilité de l’agroécosystème qui représente un enjeu majeur dans le contexte des changements globaux, en particulier climatiques.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 60
Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
Quel est l’enjeu concret de vos recherches sur la biologie des sols ? Dans ce contexte, l’enjeu des recherches sur la biologie des sols appliquée à l’agroécologie est de proposer des méthodes de diagnostic de la qualité biologique des sols ainsi que des stratégies d’action au regard de ce diagnostic (aide à la décision). Des méthodes standardisées d’analyses ainsi que des référentiels d’interprétation des résultats de ces analyses sont développés. Ces référentiels tiennent compte des types de sols, de climat et de mode d’usage des sols. Les recherches sont en cours pour évaluer l’impact des systèmes agricoles sur la biologie du sol et leurs conséquences sur la production agricole et les services environnementaux. Une piste de recherche majeure est l’analyse des interactions plantes-microorganismes afin d’identifier des génotypes végétaux et des associations végétales, dans l’espace et le temps (rotation), qui valorisent les ressources (biotiques et abiotiques) des sols et promeuvent la biodiversité et les interactions bénéfiques. L’importance des recherches et des applications attendues, relatives au diagnostic et au conseil, a clairement été identifiée par la Commission Européenne, dans le cadre de la réflexion en cours sur la construction d’une politique européenne de gestion des sols. Est-il envisageable de modifier le fonctionnement du sol ? Des recherches sont en cours pour évaluer l’impact de différentes pratiques agricoles (travail ou non du sol, rotations, associations culturales, gestion des résidus de culture,…) sur la biologie et le fonctionnement du sol. Elles visent à intégrer, dans le processus même de conception de systèmes de cultures, l’effet de ces systèmes sur la biologie du sol afin de promouvoir les populations et activités microbiennes favorables à la croissance et à la santé des plantes, et de façon plus générale aux services environnementaux attendus. Ainsi la culture de légumineuses et leur introduction dans la rotation et les associations végétales doivent avoir un place centrale dans la conception des systèmes agricoles afin de promouvoir l’entrée d’azote dans les sols via la fixation biologique. Un des challenges important est la gestion des antagonismes possibles entre services ; la minéralisation de la matière organique est favorable à la croissance des plantes via la libération d’éléments nutritifs, par contre le déstockage de carbone affecte négativement les propriétés physico-chimiques des sols et la teneur en CO2 de l’atmosphère. Il s’agit donc d’identifier des pratiques agricoles qui permettent d’optimiser la correspondance entre besoins nutritionnels des plantes au cours de leurs cycles de développement et minéralisation, afin d’éviter les émissions trop importante de CO2 et les gaspillages d’éléments nutritifs soumis au lessivage, tout en assurant une nutrition optimale des plantes. De façon générale, la conception de systèmes agricoles doit prendre en compte l’influence des pratiques sur les activités microbiennes du sol.
Philippe Lemanceau, Directeur de l’Unité Mixte de Recherches Agroécologie, INRA de Dijon
61 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Demain, une agriculture encore plus précise La technologie utilisée aujourd’hui dans le machinisme agricole se met au service d’un véritable management des exploitations et des cultures. Il y a une vision novatrice dont l’impact se mesure autant en termes de développement durable que de performance et de rendements. Demain, le céréalier aura à gérer une masse d’informations et à anticiper encore plus ses interventions… En s’installant aux commandes d’une machine agricole moderne, on peut entrevoir ce qu’est réellement devenue l’agriculture. Si volant, manettes de commandes et pédales sont toujours là, le véritable outil de pilotage se situe sur le tableau de bord doté d’une console informatique à écran tactile, tout comme les GPS dans les automobiles. Grâce à ce terminal embarqué, l’agriculteur est relié à un puissant logiciel qui lui dispense en temps réel informations et conseils afin d’optimiser la gestion de la parcelle au centimètre près. Un système de guidage automatique par satellite peut même dispenser le chauffeur de surveiller sa trajectoire pour se concentrer sur l’optimisation de l’intervention.
Le drone civil est un autre outil particulièrement adapté au survol à basse altitude des cultures agricoles, plus efficace que les satellites en cas de couverture nuageuse. Rapide à mettre en œuvre à n’importe quelle saison, il survole toute surface agricole en s’affranchissant des problématiques de nébulosité. Ses capteurs optiques et infrarouges évaluent l’état du couvert végétal et en mesurent la croissance. Il s’avère particulièrement utile dans le traitement des « plantes adventices » (mauvaises herbes), en permettant d’identifier la zone à circonscrire pour le traitement. Ces technologies rendent possible le principe de l’agriculture de précision qui consiste à mettre en œuvre les moyens strictement nécessaires et suffisants quant à la fertilisation et à la protection des plantes, pour valoriser au maximum le potentiel des parcelles tout en améliorant le bilan environnemental des cultures.
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Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
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Du GPS au pilotage intégral du système.
”
Comment la recherche peut-elle contribuer à retrouver une croissance de rendement dans les exploitations céréalières ? L’agronomie et le machinisme agricole sont des sources importantes d’innovation. Capteurs de mesure des flux, positions GPS, électronique embarquée pour automatiser les process, modulation intra-parcellaire… Le machinisme offre des leviers à l’exploitation agricole pour s’adapter aux nouvelles donnes économiques et environnementales. « En 20 ans, sur les machines que les agriculteurs utilisent et que nous construisons, nous avons réduit d’un facteur 100 les émissions polluantes, ce qui représente des milliards de dollars d’investissement en recherche de la part des motoristes », explique Etienne Vicariot, « Aujourd’hui, les tracteurs polluent cent fois moins qu’il y a vingt ans, tout en conservant leurs caractéristiques de puissance, de couple et de consommation. » John Deere a conduit une enquête auprès de 3500 utilisateurs de l’Europe de l’ouest et centrale pour mieux connaître leurs attentes. En termes de disponibilité, ils veulent une facilité de mise en œuvre et d’entretien de la machine, une machine fiable (qui ne tombe pas en panne !). Concernant la performance, parmi les premiers critères figurent le nombre d’hectares travaillé par heure et la qualité du travail ; sont également mis en exergue les bénéfices apportés par les automatismes, par exemple l’aide à la conduite (smartphone, GPS…) pour travailler de manière plus sereine, moins fatigante et plus efficace. Dernier point, le coût d’utilisation, les agriculteurs veulent des machines qui consomment moins de carburant, avec des coûts de maintenance les moins élevés possibles, et enfin des machines intelligentes équipées de dispositif comme le guidage automatique qui évite les recouvrements et génère donc des économies d’intrants et de carburant… Deux grandes innovations ont marqué ces mille dernières années, souligne Etienne Vicariot : la boussole et le système de géolocalisation par satellite GPS (ou Global Positioning System). C’est le GPS qui a fait naître la notion d’agriculture de précision. Selon lui, l’utilisation des premiers GPS sur le machinisme agricole date de 1995. Ils étaient déjà destinés à établir des cartographies de rendement, en vue de la modulation intra-parcellaire. Ensuite le guidage manuel, puis automatique, est apparu, on a perfectionné les buses, rendu compatibles les systèmes entre les marques… ainsi l’agriculture de précision est devenue la vraie solution pour diminuer l’empreinte environnementale.
63 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Réduire l’ empreinte sur l’ environnement par la diffusion à grande échelle de technologies innovantes.
Comment la société John Deere envisage-t-elle le futur ? « Demain, on va voir se multiplier des solutions dites intelligentes, donc plus d’automatismes, et peut-être de la robotique… On sait faire des tracteurs sans pilote. Nous travaillons sur un nouveau concept technologique qui permet « un pilotage intégral du système. » Grâce à FarmSight, John Deere propose à l’agriculteur de bénéficier d’une connaissance approfondie de son activité. « Cette nouvelle technologie permet de surveiller à distance les machines individuelles afin de garantir une maintenance préventive, l’optimisation de la consommation de carburant et des performances finales. Cela permet de fournir de nouvelles informations plus détaillées à l’agriculteur concernant l’agronomie afin d’améliorer sa prise de décision. »
Etienne Vicariot, Directeur de la Communication John Deere France
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 64
Bioperformants, les céréaliers cultivent l’avenir
“
La modulation intraparcellaire va conditionner notre métier dans les 15 ans à venir.
”
La modulation intra-parcellaire permet de moduler les apports d’intrants (notamment en engrais) en fonction de l’hétérogénéité parcellaire (sol ou plante). La modulation intra-parcellaire est fondée sur le rééquilibrage de la richesse des sols. Elle sert à l’équilibre économique et environnemental en apportant la bonne dose, au bon endroit. Nous sommes en modulation intra-parcellaire depuis 4 ans, après avoir fait un gros travail sur l’exploitation pour établir une cartographie des parcelles de l’exploitation : 379 analyses de terre, 55 trous au tractopelle pour mesurer la productivité des sols et passage avec un radar pour mesurer la conductivité des parcelles. Aujourd’hui, les résultats sont prometteurs et donnent un autre visage à l’agriculture de précision. Il y a 2 ans, on modulait à la rampe du pulvérisateur, aujourd’hui c’est à la buse… C’est une des clés d’entrée pour les jeunes dans le métier.
Régis Chopin
65 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Prévisions météorologiques anticipation
et
Les prévisions climatiques seront de plus en plus déterminantes. L’évolution du climat, en termes de température et de pluviométrie va impacter la capacité du sol à minéraliser, donc à fournir naturellement l’azote à la culture… Si la plante, au niveau de l’indicateur mesuré (photo satellite ou autre…), montre une carence, est-ce vraiment parce qu’il manque de l’azote dans le sol ? Cette carence peut aussi être liée à un problème d’efficacité du système racinaire qui n’arrive pas à capter l’azote, notamment à cause d’une sécheresse trop prononcée. Il va donc falloir être capable d’anticiper les conditions climatiques, cela va devenir un facteur déterminant dans l’amélioration du pilotage des cultures.
Des compétences de plus en plus élevées Une véritable révolution est en marche où l’échange d’informations va occuper une place prépondérante, en provenance de sources multiples. Arvalis-Institut du végétal a déjà acquis une forte expérience en la matière, avec le dispositif Farmstar, fruit d’un partenariat de recherche et développement avec Astrium (maintenant nommée Airbus Defence and Space) et Météo France. Ce système met à profit l’imagerie et la cartographie par satellite pour fournir à l’agriculteur une vue aérienne des parcelles. Des zones de couleur donnent une vision précise de l’état de la culture et des éventuels besoins d’intervention. Après décryptage de la carte satellitaire, le système croise un ensemble de données puis propose de déclencher les actions adaptées, mais au final, l’agriculteur interprète et reste « cultiv’acteur ». Les avancées de la recherche et du développement nécessitent des compétences renforcées pour pouvoir valoriser ces informations croissantes, avec encore plus de précision et de rapidité qu’hier.
Propositions de réponses les plus plébiscitées par un groupe de céréaliers à la question :
Quelles sont les innovations qui semblent les plus utiles pour demain dans votre métier d’agriculteur ? 1. Des stimulateurs de vie biologique des sols et de défense des plantes 2. Du matériel robotisé et équipé de capteurs plus précis 3. Un smartphone pour piloter en temps réel les interventions sur les cultures 4. Des OGM productifs et résistants au stress 5. Des produits phytosanitaires d’origine naturelle 6. Des drones pour observer l’état des cultures 7. Des prévisions météo à 6 mois 8. L’emploi d’auxiliaires pour gérer les adventices, ravageurs et maladies 9. 3 cultures en 2 ans pour fournir de la biomasse (méthanisation produits biosourcés) 10. Des céréales à paille de printemps aussi efficace que les « hivers » 11. Du désherbage mécanique à haut débit 12. Une irrigation (+ fertigation + traitements) au plus près des racines
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 66
L’ entreprise céréalière du futur
Les exploitations céréalières sont majoritairement des TPE (Très Petites Entreprises) à capitaux familiaux. À l’avenir, les hommes responsables de ces entreprises exploreront de multiples pistes pour rester performants et compétitifs. 67 I AMBITION CÉRÉALES 2030
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 68
L’entreprise céréalière du futur
Une PME agricole performante à capitaux familiaux
L
es céréales sont de loin les premières plantes cultivées en France. Deux tiers des exploitations agricoles en cultivent. Les céréales sont implantées sur 50% des terres arables du territoire. La France fournit la première production de grains en Europe, grâce à 110 000 entreprises spécialisées. Les surfaces en céréales sont restées stables (autour de 9,4 Mha) sur les 30 dernières années, alors que les terres fertiles se sont rétrécies de 900 000 ha depuis 10 ans et de plus de 2,9 Mha depuis les années 1980. Les céréales ont gagné du terrain dans les zones de polyculture élevage, par intensification des surfaces fourragères et par conversion en système céréalier. Cette évolution a été caractéristique dans un croissant qui démarre de l’Ouest de la France, traverse une partie du Nord et se termine en Lorraine. À l’inverse, dans le Sud-Ouest, il y a une baisse significative des
céréales au profit des oléagineux, alors que les surfaces céréalières dans les régions Centre et Bassin parisien restent plutôt stables. En France, on mesure à tort l’importance des entreprises agricoles françaises par référence à leur surface agricole utile (SAU) moyenne. C’est le critère que retient le ministère de l’Agriculture. Sur cette base, les exploitations céréalières (spécialisées COP, grandes cultures, polyculture élevage) arrivent en tête, juste derrière les bovins mixtes. Si l’on prend, comme pour les autres secteurs économiques non pas la taille mais le critère chiffre d’affaires réalisé, on arrive à une toute autre hiérarchie. Apparaissent alors les secteurs qui nécessitent moins de surfaces mais qui réalisent des chiffres d’affaires élevés comme les fruits et légumes, la viticulture, l’arboriculture, les ateliers de volailles, de porcs… Avec un chiffre d’affaires plus faible à l’hectare, les céréaliers ont besoin de plus de surfaces pour dégager un revenu, au même titre que les exploitations d’élevage à l’herbe.
les surfaces en céréales restent stables, malgré l’érosion des terres fertiles
20
millions d’ha 18,1
18 16
14,3
14 12 10
12 10,7 9,9
8
9,4
80 982 984 986 988 990 992 994 996 998 000 002 004 006 008 010 012 2 2 2 2 2 1 1 1 1 1 2 2 1 1 1 1
19
Source : Ministère de l’Agriculture - Agreste - Statistiques agricoles annuelles
69 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Surfaces en herbe et cultures fourragères Céréales et oléoprotéagineux
Surface en céréales (grains)
Appuyer la pérennité d’ un tissu d’ entreprises agricoles performantes à responsabilité individuelle.
“
Sur les 320 000 exploitations professionnelles, toutes productions confondues que compte la France en 2010, 110 000 exploitations professionnelles sont à dominante céréalière.
”
trois types d’exploitation céréalières professionnelles Répartition
Moyenne de surfaces Nombre de l’exploitation d’exploitations
Spécialisés Céréales et Oléoprotéagineux
45%
123 ha
51 000
18%
104 ha
40 000
13%
115 ha
19 000
Polyculteurs éleveurs
Producteurs de grandes cultures
Source : Recensement Agricole 2010
“
”
Des PME agricoles à capitaux familiaux performantes grâce à un niveau de rendement élevé. AMBITION CÉRÉALES 2030 I 70
L’entreprise céréalière du futur
À 125 hectares de moyenne, les exploitations céréalières restent majoritairement des TPE (Très Petites Entreprises) à capitaux familiaux au sens de la nomenclature INSEE. Innovantes, performantes, à responsabilité personnelle, elles sont 3 à 10 fois plus petites que leurs concurrentes sur les marchés. Comme la plupart des exploitations françaises, elles ont recours majoritairement au fermage (75% des surfaces), et les formes sociétaires (EARL, GAEC, SCEA) dominent.
“
”
Productivité / travailleur (T de blé / actif)
3 500 2 900
3000
2 300
2000
2 000 1 000
1000
12 000
ne
nti
ge
Ar
750
750
450
420
330
i e e e e ie da nis Un agne ranc ali ssi an krain str ats-U me Ru F m um U e u Au t o l l a É R y A Ro
na
Ca
12 000
Surface par exploitation (ha)
10 000 8000 6000 3 600
4000
3 300 2 000 1 900
2000
1 300
780
360
260
190
i e ie gne Un ranc an U na ra nt a str Ru F tsme um llem ge Uk Ca a u r Au t o a A É R y A Ro Source : RICA et ARVALIS - Institut du végétal e ssi
e ali
On est bien loin du fantasme des exploitations de plus de 1000 hectares. En 2010, on comptait d’ailleurs moins de 250 exploitations agricoles de plus de 1000 ha, toutes productions confondues en France.
En 2010, les exploitations sociétaires cultivent 1,7 Mha en propriété et 13,5 Mha en location.
comparaison internationale 4000
Plus globalement, les exploitations sont détenues à 60% par des capitaux issus des exploitants et de leur famille, 20% par les retraités agricoles et le restant par les héritiers et autres actionnaires.
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71 I AMBITION CÉRÉALES 2030
nis
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À 125 hectares de surface moyenne, les exploitations spécialisées en céréales et oléo-protéagineux ne sont donc pas de grosses exploitations contrairement aux idées parfois véhiculées et la ferme céréalière française n’a rien à voir avec les modèles argentin, russe, australien ou ukrainien qui s’étendent sur plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’hectares, ni même avec celles, plus près de nous, des länder de l’Allemagne, nos véritables concurrentes.
“
Les céréaliers français ont à assumer et faire reconnaître leur spécificité : le statut de PME agricole, le caractère original de l’agriculture familiale sociétaire et ses modalités d’exploitation responsable. François Jacques
La céréaliculture française repose en fait sur de petites entreprises individuelles ou sociétaires à capital familial. De nouveaux modes d’organisation voient le jour avec le recours à plus d’externalisation via des entreprises de travaux agricoles ou des CUMA. Ces adaptations sont nécessaires pour faire face aux exigences économiques et environnementales, bien souvent plus sévères en France que chez nos compétiteurs. Les limites à l’agrandissement résultant du contrôle des structures sont un exemple typique des contraintes économiques spécifiques à la France. L’essentiel des agrandissements se réalise lors de la reprise et installation des jeunes.
”
Aujourd’hui, les exploitations professionnelles en grandes cultures emploient 185 000 personnes, ce qui n’exclut pas une forte mutualisation de la main d’œuvre. Une exploitation céréalière sur dix pratique le travail à façon pour d’autres, 20% de la main d’œuvre utilisée proviennent des prestations des ETA ou des CUMA. Pour l’avenir, les céréaliers doivent réfléchir à de nouveaux dispositifs pour traiter les problématiques de volatilité des matières premières, du financement, de la fiscalité… Ce sont des entrepreneurs acteurs de leur territoire, à la source de 500 000 emplois ruraux.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 72
L’entreprise céréalière du futur
De multiples pistes pour l’entreprise de demain
“
”
Assurer un revenu d’abord par la croissance et la compétitivité de la production.
Vers une plus grande maîtrise des charges Depuis 2007, les revenus des céréaliers connaissent des variations d’une ampleur jamais connue, qui est due à l’augmentation vertigineuse des charges et à l’instabilité des cours. Tous les experts s’accordent à dire que cette volatilité de revenus est désormais structurelle.
Dans son dernier rapport annuel, l’UNIFA indique que la France est structurellement importatrice et s’approvisionne pour près de 40% auprès des pays d’Europe Centrale ou en dehors de l’UE (Egypte, Russie, Qatar…).
Deux postes majeurs pèsent sur les charges d’exploitations : les charges opérationnelles, notamment les engrais et les charges de mécanisation.
D’ici 2030, il n’y aura pas de problèmes d’approvisionnement en engrais selon les experts. Les ressources en phosphore et en potassium se révèlent plus abondantes qu’on ne le pensait. Le vrai problème sera celui du prix, pour lequel nous n’avons aucune garantie. L’autre question sera celle des contraintes d’utilisation.
des résultats d’entreprise désormais instables
Résultat courant avant impôt après MSA
k€ 2012 / actif non salarié
Cotisations sociales exploitant
57
57 44
50
38 49 29
36
41
44
24
10 11
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Source : Agreste - Comptes de l’Agriculture, otex spécialisés céréales et oléoprotéagineux
73 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Selon l’UNIFA, de nouvelles capacités de production d’engrais devraient suivre la demande mondiale, +20% d’ici à 2017. L’industrie des engrais azotés est très fortement utilisatrice de gaz naturel dans l’UE. Cette ressource contribue entre 50% et 70% aux coûts totaux de production d’engrais azotés et la Russie, l’Algérie et l’Egypte dominent le marché du gaz. Un autre facteur de déséquilibre est l’avantage que détient l’agriculture nord américaine qui bénéficie d’engrais très compétitifs liés à l’exploitation de gaz de schiste. Ainsi, pour les producteurs français, le choix politique de rejeter l’exploitation des gaz de schiste en France les conduira à rester très tributaires dans le futur des prix du marché des engrais dans le monde et à être pénalisés par rapport à de grands concurrents.
“
Nous avons les solutions pour produire plus et mieux. On peut continuer à produire sans plafonnement de nos moyens de production en mettant massivement en œuvre des méthodes efficaces sur la qualité de l’eau comme le Programme Azur. Olivier Dauger
”
Le recours aux OAD pour ajuster l’utilisation d’engrais et à la génétique pour en augmenter l’efficience sera d’autant plus nécessaire. L’enjeu du futur est de les déployer à grande échelle. L’optimisation des charges de mécanisation prend tout son sens aujourd’hui et encore plus demain, du fait de l’offre de matériels plus précis, plus techniques, et plus automatisés. Si ces qualités permettent d’accélérer les progrès agronomiques et environnementaux, elles ont par ailleurs un coût.
Comme la domotique dans les maisons, les smartphones ou la dématérialisation des achats, l’agriculture est sans doute à l’aube d’une accélération des innovations en matière de pilotage des opérations culturales et de gestion de l’information. Toutes ces innovations devront toutefois être amorties sur une surface plus importante ou sur plusieurs exploitations afin d’en optimiser le coût et l’utilisation et de gagner en compétitivité. Autrefois accusée de sur-mécanisation pour des raisons fiscales, la céréaliculture va devoir désormais investir dans des matériels plus innovants à la fois pour des raisons économiques et de performance environnementale. Nul doute que le monde agricole ne s’approprie rapidement ces innovations. Son aptitude en la matière est l’une de ses grandes forces. Ainsi, l’agriculture de demain sera moderne et précise, mais elle devra aussi ajuster ses charges pour abaisser les points morts face à l’instabilité des marchés.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 74
L’entreprise céréalière du futur
“
Ma seule certitude jusqu’en 2030 est que les marchés vont rester instables. Les agriculteurs devront vivre au quotidien avec cette instabilité, comme ils le font depuis 2006.
”
Philippe Chalmin, Cyclope
Satisfaire la demande dans toute sa diversité La première façon d’assurer l’optimisation de son chiffre d’affaires, c’est de produire ce que veulent les marchés, en quantité et en qualité. Il s’agit de produire plus et produire mieux pour les besoins des filières, en partenariat avec les opérateurs pour permettre aux producteurs de connaitre les signaux des marchés et d’en tirer les meilleures valorisations.
“
Depuis plusieurs années, les marchés intérieurs et à l’export du blé tendre demandent de plus en plus de protéines, dans le même temps, on assiste à un effritement de la teneur en protéines des blés tendres français. C’est pourquoi la filière a décidé d’agir en lançant un plan Protéines des blés tendres, porté par Intercéréales, en lien avec FranceAgrimer. « L’ambition est de parvenir à inverser la tendance et d’augmenter durablement la teneur en protéines. » souligne Rémi Haquin, Président du Conseil Spécialisé Céréales de FranceAgrimer.
D’une façon générale, nous sommes confrontés au défi de la compétitivité.
”
« En termes de concurrence internationale, l’export des céréales reste un débouché déterminant pour la filière céréalière française. Nous devons regagner en compétitivité, c’est tout le débat engagé avec les Pouvoirs publics actuellement, car nos concurrents profitent de coûts sociaux, réglementaires - et parfois même environnementaux - nettement plus avantageux que les nôtres… Il faut aussi que toute la filière se mobilise pour que le progrès nous permette de regagner en compétitivité. L’évocation du progrès en agriculture et plus particulièrement dans le domaine végétal, fait apparaître que la notion est de plus en plus contestée. Or, c’est un des ressorts de notre compétitivité. Je ne pense pas seulement aux biotechnologies, sujet majeur pour l’avenir de nos filières, mais à tout ce que les sciences peuvent apporter à l’agriculture, afin que les pratiques et itinéraires techniques des agriculteurs soient plus performants, plus respectueux de l’environnement et moins coûteux. »
Philippe Mangin, Président de Coop de France
75 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Construire un système hiérarchisé d’ assurances répondant à la diversité des risques.
les prix des céréales en france deviennent instables
EUR/t 330
330
280
280
230
230
180
180
130
130
80
80
82 984 986 988 990 992 994 996 998 000 002 004 006 008 010 012 014 2 2 2 2 2 1 1 1 1 2 2 2 1 1 1 1
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Source : La Dépêche : prix du blé tendre rendu Rouen
L’organisation des filières restera une force Règlements sécurisés, recherche de nouveaux débouchés, concentration de la transformation, développement des formes de contractualisation, recherche et développement… Les céréaliers ont la conviction que l’organisation des filières restera une force. Du fait des risques encourus, des compétences requises ou de la puissance des intervenants internationaux en aval et en amont de la production, les céréaliers considèrent que des intermédiaires entre eux et le marché sont absolument nécessaires.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 76
L’entreprise céréalière du futur
“
Les industriels ont plus que jamais besoin de fournisseurs solides aptes à leur apporter des solutions…
”
«… face aux problématiques actuelles de volatilité et à leur assurer une forte différenciation sur le marché. Aussi apportons-nous des réponses très précises aux agriculteurs avec des contrats prix mini et aux industriels avec des prix maxi garantis. » Sur le volet qualité, nous proposons à nos clients des filières sur mesure avec des cahiers des charges spécifiques. Nous déterminons les meilleures variétés de céréales répondant le mieux à la fois aux besoins de l’agriculteur et aux attentes du marché, depuis la sélection variétale jusqu’aux tests pour la transformation. Miser sur la différenciation, toujours !… Tirer la filière vers le haut, cela veut dire mieux répondre aux attentes du marché en valorisant davantage la technicité des agriculteurs français. »
Thierry Berger, Directeur marketing et communication du Groupe Soufflet
Le prix moyen, ou prix de campagne fut pendant longtemps le mode de commercialisation emblématique du système coopératif. Les céréaliers le réaffirment, ce mode de rémunération des productions a encore toute sa légitimité pour assurer au producteur une meilleure visibilité dans la gestion économique de leur entreprise. Certes, alors qu’il portait sur 80% des volumes dans de nombreuses coopératives il y a 10 ans, il a vu son attractivité largement entamée depuis que la volatilité s’est emparée des marchés. Mais avec le recul, nombre de producteurs ont pu mesurer la difficulté de se confronter directement au marché. Le prix ferme de marché nécessite réactivité, compétences et une bonne dose de sérénité.
77 I AMBITION CÉRÉALES 2030
La structuration de la filière céréalière par les producteurs est un processus engagé depuis des décennies. Des groupes régionaux, nationaux voire mondiaux ont émergé et font la force de toute la filière, du producteur jusqu’à l’industriel, au travers de partenariats interprofessionnels. La volatilité des marchés accélère le besoin de consolidation de la filière, pour permettre à tous les maillons de résister à cette instabilité.
184 603 coopératives
7600
centres de stockage
“
négociants
61 MT
de céréales collectées en 2012
Gérer l’instabilité et lutter contre l’obscurantisme.
”
« Comment maintenir envers et contre tous une vocation agroexportatrice pour la filière céréalière française ? Le défi alimentaire et, notamment céréalier, est le défi majeur du XXIe siècle. Avec l’évolution des modèles alimentaires, la place du blé va probablement augmenter au détriment d’autres céréales. La France a une capacité de production et de dégagement d’excédents importante en matière de céréales en général et de blé en particulier. Maintenant, le défi est de ne pas trop contraindre cette capacité, avec le danger d’avoir des contraintes environnementales virant trop à l’absurde. Je me méfie de l’obscurantisme lié à toute évolution technologique. Le défi va être de s’adapter en libérant l’accès au progrès dans une structure qui, à mon sens, est optimale quand c’est l’agriculture familiale. Je ne crois pas au concept de l’entreprise capitaliste dans le domaine agricole. La force de l’agriculture française est son modèle, la structure familiale. »
Philippe Chalmin, Économiste
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 78
L’entreprise céréalière du futur
Les agriculteurs, quelle que soit leur taille, recherchent un niveau de sécurité. Mais, elle ne s’exprime plus de la même façon qu’hier. Aujourd’hui, Axéréal met à la disposition de ses producteurs toute une palette d’outils
“
de gestion des risques prix et volatilité, leur permettant de prendre du recul et de ne pas subir les marchés, souligne Jean-François Loiseau, Président d’Axéréal.
La volatilité qui s’installe de façon structurelle sur les marchés céréaliers…
”
«… et le contexte concurrentiel international vont conduire les coopératives à poursuivre leur concentration pour essayer de gérer le mieux possible les risques. On voit se dessiner, depuis quelques années, quelques grands groupes régionaux. Cette orientation va inévitablement se poursuivre. Pour ces groupes coopératifs régionaux, il s’agit de mieux partager les risques grâce à une assise financière renforcée, et de poursuivre leur objectif de conquête de valeur ajoutée en allant plus loin dans la transformation des produits agricoles. Dans la meunerie, dans la malterie, dans l’amidonnerie, dans tous ces métiers de la première transformation, les acteurs coopératifs français vont poursuivre leur croissance. L’objectif visé est de mettre en place des stratégies pour encore plus peser dans le contexte européen et parfois même international, comme c’est déjà le cas, dans l’industrie du malt, avec un groupe comme Malteurop. Mais, la concentration des coopératives agricoles ne pourra se poursuivre que si elle est partagée par les agriculteurs, ce qui nécessite de maintenir une relation de proximité avec leurs adhérents. Le défi lancé aux coopératives est de faire partager un sentiment d’appartenance et de propriété des agriculteurs. Le principe de la gouvernance de nos groupes coopératifs n’a jamais été d’une telle acuité, parce que leur stratégie de croissance et d’internationalisation ne sera possible que si elle est comprise, partagée et soutenue par les agriculteurs adhérents. »
Philippe Mangin, Président de Coop de France
79 I AMBITION CÉRÉALES 2030
Conforter l’ organisation des filières et l’ interprofession.
“ “
La concentration des outils de transformation aura une importance déterminante pour créer de nouveaux débouchés et de la valeur ajoutée. Philippe Dubief-Bechet
”
Dans la Marne, les céréaliers sont très attachés au système coopératif qui leur a permis de développer des productions, fixer des emplois et engager la région dans des projets innovants de transformation du végétal : le centre de recherche ARD, le pôle de compétitivité Industrie et Agro-ressources, les usines de déshydratation. Et, il y a encore de vrais potentiels à explorer sur l’énergie, la biomasse. Benoît Piétrement
”
Une logistique encore à optimiser La performance logistique permet de mieux rémunérer les producteurs en réduisant les coûts facturés (plus de 10% du prix du produit) pour le transport de céréales et les approvisionnements (engrais principalement). Les producteurs attendent à l’avenir la consolidation de la logistique française : infrastructures portuaires, fluviales et ferroviaires, nécessaires à deux titres : réduire l’empreinte environnementale des transports routiers et optimiser le coût à la tonne transportée.
AMBITION CÉRÉALES 2030 I 80
L’entreprise céréalière du futur
“
Notre métier, c’est de produire du blé pour des clients.
”
« Il nous faut de la quantité, de la qualité, des facteurs de production durables, des outils industriels compétitifs et une logistique performante. C’est un sujet déterminant et il le sera encore plus demain, la compétitivité de la tonne de blé en dépend. Or, on nous dit : « si vous ne voulez pas payer d’écotaxe, utilisez le réseau ferré » et dans le même temps, RFF nous oblige à développer le transport camion. Sur la ligne Orléans-Chartes-Rouen, nous sommes contraints de réduire nos trains de céréales (de 400 à 100), car il faut prioriser le flux voyageurs. La rénovation du système rail doit nous apporter des solutions pour l’avenir. Il faut pouvoir structurer des investissements sur des lignes stratégiques pour l’expédition des céréales, notamment vers les sites portuaires. »
Jean-François Loiseau, Président d’Axéréal
L’agronomie, une ressource d’innovations inépuisable D’une façon générale, l’axe fédérateur pour le futur en termes d’innovations agronomiques reste le « Produire plus, Produire mieux », c’est à dire l’amélioration de la bioperformance de la production agricole, notamment en termes de production par actif et de réduction des impacts des pratiques. Dans les années futures, l’accès aux biotechnologies et notamment aux OGM sera déterminant pour le maintien de la compétitivité des producteurs français, compte tenu de leur vitesse de diffusion ailleurs dans le monde. En dehors de cette technologie, les gains de productivité sont plus complexes, car ils reposent sur une adaptation des systèmes de production plus difficile à mettre en œuvre. Pour développer et sécuriser son chiffre d’affaires, l’agriculteur dispose de plusieurs pistes selon la situation de son entreprise et des bassins de consommation, selon les possibilités d’accès à l’irrigation et la proximité d’outils de transformation. Encouragée par la politique agricole, la diversité des assolements fait partie du bouquet de solutions,
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Optimiser la logistique, facteur clef de compétitivité.
mais elle dépendra de la capacité de la première mise en marché de valoriser et d’organiser la vente de ces nouveaux produits. En Lorraine, les céréaliers ne veulent plus se satisfaire d’un assolement seulement à base de colza, blé, orge. « Pour des raisons agronomiques, en particulier vis-à-vis du désherbage, la tendance va être d’allonger les assolements avec plus d’orges de printemps, maïs, pois, tournesol… » Au regard de l’environnement, des améliorations sont nécessaires. La culture du blé sur blé utilise plus de produits phytosanitaires. Diversifier les rotations est intéressant pour des raisons environnementales. L’introduction de cultures de printemps permet notamment d’utiliser moins de produits phytosanitaires au niveau désherbage, ou moins d’engrais minéraux. Par ailleurs, la gestion de l’eau reste un point essentiel pour l’avenir de certaines zones, et surtout si l’on considère l’impact croissant du changement climatique. En pratique, l’accès à l’irrigation favorise la diversité des productions et par voie de conséquence un moindre recours à l’agrandissement. En Beauce, par exemple, les zones irriguées, contrairement aux idées reçues, regroupent les exploitations de taille plus modeste.
L’irrigation est un moyen de stabilisation des rendements et de diversification des productions pour permettre l’accès aux cultures à plus haute valeur ajoutée. C’est un atout indispensable pour assurer l’avenir, d’autant plus essentiel qu’en 2030, le changement climatique aura impacté les cultures. L’irrigation et les retenues d’eau sont des outils d’assurance qu’il faut développer contre les aléas climatiques.
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Cultivé sur plus de 300.000 ha en France, le blé dur représente une filière structurée…
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«… contribuant au maintien de l’emploi rural, et répondant aux attentes des consommateurs français. En relançant la recherche et développement sur la culture du blé dur à travers la plateforme Blé dur (Arvalis, INRA, UMT Novadur), nous pourrons apporter des perspectives aux producteurs et redynamiser la filière en trouvant des solutions aux problèmes de la mosaïque et des impasses techniques dans lesquelles les contraintes environnementales nous cantonnent aujourd’hui. »
Jean-François Gleizes, Président du Comité de pilotage filière Blé dur
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L’entreprise céréalière du futur
L’utilisation de la biomasse végétale pour la valorisation énergétique sera un relais de croissance pour les entreprises céréalières. À la fois opportunité intéressante dans la rotation et économiquement viable, les CIVE (Cultures Intermédiaires à Valorisation Energétique) doivent pouvoir être intégrées
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Demain, nous devrons apprendre à valoriser l’ensemble du végétal et pas seulement le grain.
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Philippe Heusele
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dans les méthaniseurs : elles n’entrent pas en conflit avec l’utilisation alimentaire des surfaces agricoles. Les céréaliers souhaitent pouvoir participer au défi environnemental dans le cadre de la transition énergétique du gouvernement. On peut citer également d’autres pistes de réflexion que sont la valorisation énergétique de la paille de céréales en zones excédentaires et la fabrication de biomatériaux.
À la recherche de diversification commerciale… L’impact de la réforme de la PAC en cours et de celles à venir d’ici 2030, est présent dans les esprits. De fait, un phénomène nouveau est en marche : les jeunes n’attendront plus qu’une ferme en grandes cultures se libère pour s’installer et s’agrandir, mais préfèreront s’installer en créant une activité complémentaire. Certains choisiront de valoriser une production légumière pour les centres urbains de proximité ou s’adonneront au tourisme vert alors que d’autres opteront pour l’agrandissement.
Pour un renforcement des synergies avec les filières animales Les céréaliers ont la volonté de conforter les filières de viandes blanches consommatrices de grain jusqu’en développant euxmême des activités d’élevage. C’est une opportunité pour diversifier les revenus des exploitations, pour relocaliser de l’emploi et pour conforter l’activité industrielle en leur apportant des volumes d’activité suffisants.
Je me suis agrandi et j’ai développé aussi une activité de produits du terroir. Je valorise des bâtiments en centreville en étant associé avec une productrice qui n’avait pas de lieu de commercialisation. Aujourd’hui, nous accueillons trente producteurs du département. Mon fils voudrait s’installer sur l’exploitation : céréalier ça l’intéresse, mais il voudrait faire en plus du maraîchage. Eric Thirouin
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L’objectif est à la fois d’approvisionner l’activité export et de consolider les débouchés intérieurs sur nos territoires. « Nous mettons tout en œuvre pour avoir une relance de la volaille en région Centre. Il y a à côté d’une logique d’agrandissement qui marche, une logique de diversification qui fonctionne aussi » selon Eric Thirouin.
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Développer les activités consommatrices de céréales, porteuses de valeurs et d’ emplois dans les territoires.
Redéployer les élevages granivores vers les zones céréalières permettra d’offrir des surfaces d’épandage supplémentaires pour l’azote organique. En parallèle, les céréaliers auront la possibilité de contribuer au développement de la méthanisation agricole. Ils sont prêts à investir dans ces outils en commun avec les éleveurs, voire même investir dans un atelier d’élevage.
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Pour la ferme Somme, faire jouer toutes les synergies entre les types de production est un des leviers sur lequel on peut jouer. Développer des élevages de granivores est une piste intéressante en terme de débouchés pour les céréales. Luc Vermersch
Cultiver les synergies dans l’organisation du travail L’optimisation de l’organisation du travail sur l’exploitation demeure une piste largement privilégiée par les céréaliers pour améliorer leur compétitivité. Nouveaux modes de production, nouveaux débouchés, nouvelles aspirations personnelles, pluri-activité, responsabilités, éloignement du domicile par rapport à la ferme, optimisation des charges de mécanisation, sont autant de raisons qui poussent les producteurs aujourd’hui à s’organiser différemment dans leur travail.
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façon pour les exploitants qui auront choisi un management différent de leur entreprise. Le recours au travail à façon, aux CUMA et aux groupements d’employeurs constituent des recherches de souplesse qui confortent la gestion de la PME agricole. Le phénomène s’accentuera dans les années à venir car les chefs d’entreprise auront besoin de faire appel à des compétences extérieures du fait de la sophistication croissante des matériels.
Les regroupements sociétaires, qui se sont effectués depuis 50 ans se densifieront très probablement d’ici à 2030, avec l’accentuation de phénomènes plus récents comme l’assolement en commun, l’externalisation des travaux ou le travail à
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L’entreprise céréalière du futur
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1 exploitation sur 5 pratique le travail à façon pour amortir les équipements sur de plus grandes surfaces.
Exploitant les possibilités offertes par le statut de la société en participation (SEP) et la création complémentaire de sociétés dédiées pour le matériel, la gestion des ressources humaines, la commercialisation..., l’assolement en commun est une formule pionnière et prometteuse d’innovation par réorganisation des entreprises agricoles de grandes cultures. Cependant, de nombreux obstacles freinent encore son développement, tels que la complexité des montages juridiques, les restrictions en matière d’accès aux aides de la PAC. Il faudra parvenir à des formes d’assolement en commun avec des montages juridiques simplifiés pour provoquer des mouvements significatifs d’associations d’exploitations à une échelle générant de réelles synergies, économies et optimisation de l’emploi. Il faudra aussi à cet effet que tous les actifs en lien avec la production agricole soient pris en compte en politique agricole, y compris ceux des groupements d’employeurs, les CUMA, sociétés de commercialisation créés dans le périmètre de ces assolements en commun. À l’avenir, les formes sociétaires resteront une voie privilégiée par les céréaliers, ne serait-ce que pour faciliter l’installation de jeunes issus ou non du monde agricole, en leur permettant une transmission plus progressive des capitaux. Ce cadre juridique sera propice également au développement de la féminisation des entreprises céréalières déjà en marche. A cet égard, l’évolution des nouvelles technologies en agriculture est aussi un facteur d’intérêt des filles de céréaliculteurs, voire même des femmes extérieures à l’agriculture, à s’installer dans ce métier moderne et à la pointe de l’innovation dans la gestion des équilibres du vivant.
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De la restructuration à la réorganisation foncière L’agrandissement des exploitations n’est pas un sujet tabou. Les fermes se sont agrandies au fil des générations mais d’ailleurs en grandes cultures moins que dans les autres productions ces dernières décennies. Edgar Pisani, Ministre de l’Agriculture sous la Présidence De Gaulle disait : « la restructuration ne doit pas être considérée comme une dérive d’un système mais comme une obligation économique de compétitivité et une rationalisation et de la main d’œuvre et de la mécanisation et donc de la production. » La restructuration du parcellaire doit être à nouveau promue, il faut relancer les réorganisations foncières. La géométrie et la taille des parcelles sont des facteurs de compétitivité importants, surtout s’ils sont conjugués avec l’application à grande échelle de l’agriculture de précision. Aujourd’hui, ces réorganisations foncières présentent de véritables opportunités de parvenir aux aménagements les plus favorables à l’environnement bien plus qu’une gestion trop administrée ne le peut, en fonction de la topographie, de l’hydrographie et des types de sols… La SAFER est, à ce titre, un outil au service de la restructuration parcellaire. Ses missions ne doivent pas se limiter uniquement à la préemption ou à l’installation des jeunes, mais doivent avoir un rôle accru contre l’emprise de l’urbanisation et la construction de grands ouvrages.
Défendre la dimension européenne de la politique agricole.
220ha
de terres agricoles fertiles disparaissent chaque jour en France
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Le statut du fermage, parfois accusé d’archaïsme, a été un stabilisateur du prix de la terre en France, notamment par rapport à nos voisins européens. Une évolution peut-être souhaitable mais la contractualisation par bail permet de donner de la stabilité à l’entreprise agricole pour prévoir des investissements productifs sur le moyen ou long terme. C’est aussi un outil qui facilite le renouvellement des générations, indispensable à la dynamique de production. Le statut du fermage fait donc pleinement partie de l’avenir de l’entreprise céréalière.
En agriculture, nous avons un système unique : chaque génération capitalise un foncier (bâtiments et matériels), le valorise durant son temps d’activité, pour laisser aux générations suivantes un outil encore plus compétitif et plus apte à affronter les marchés de demain. Dominique Chambrette
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Idem de la réorganisation foncière, qui a succédé au remembrement mais avec des objectifs plus larges puisqu’il s’agit d’un projet pour un territoire souvent communal, ou intercommunal dont la finalité et les objectifs impliquent de multiples acteurs : conseil général, conseil municipal, propriétaires fonciers, exploitants agricoles, chasseurs… L’objectif du regroupement des parcelles par exploitation et d’amélioration de leur géométrie reste prioritaire, bien sûr. Mais de par ses dimensions - ampleur du territoire, catégories des acteurs concernés, nature des aménagements - la réorganisation foncière peut déboucher aussi sur des contreparties intéressantes pour les agriculteurs : aménagements hydrauliques, nouveaux tracés de chemins communaux, facilitation de circulation des machines agricoles... Il y a dans la réorganisation foncière de véritables réserves de productivité à la fois pour l’économie des exploitations et pour l’environnement.
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L’entreprise céréalière du futur
Le financement des exploitations va devenir crucial
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Face à la volatilité, ne plus raisonner annuellement, mais sur cinq ans ! François Jacques
Demain, les exploitations spécialisées en céréales et oléo-protéagineux (COP) vont connaître de fortes variations de leur chiffre d’affaires. Diverses raisons , disparition des garanties de prix, effets du changement climatique, font que le prix et les récoltes risquent de varier fortement d’une année à l’autre. Et un agriculteur n’est pas à l’abri de subir une mauvaise récolte plusieurs années consécutives. Les chiffres d’affaires sur les exploitations spécialisées en céréales et oléoprotéagineux (COP) varieront facilement du simple au double selon les années. Si un agriculteur réalise un rendement de 6Tou de 9T/ha et si le prix de la tonne de blé vaut 140 ou 280€ au final le chiffre d’affaires ne sera pas le même. En 3 ou 4 ans, il peut lui manquer l’équivalent d’un ou deux chiffres d’affaires annuels, d’où la nécessité de constituer des réserves financières les bonnes années, en prévision des moins bonnes : une auto-assurance pour chiffre d’affaires, une épargne de précaution destinée à être utilisée sur au moins trois, quatre ou cinq années difficiles. La mise en œuvre d’un tel dispositif nécessite un financement spécifique.
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Il faut obtenir des organismes bancaires une avance de trésorerie sous forme de ligne de crédit qui soit équivalente à un ou deux chiffres d’affaires, afin de pouvoir détenir une trésorerie suffisante pour passer le cap des bilans négatifs. L’idéal serait de pouvoir constituer une réserve chiffre d’affaires en épargne de précaution et en avance de trésorerie. Aujourd’hui, pour une exploitation céréalière, les banques accordent généralement une avance de trésorerie correspondant globalement aux charges opérationnelles (semences, engrais, produits de santé végétale,…), environ 400 €/ha, soit 40000 euros pour une exploitation de 100 hectares ou 80000 euros pour 200 ha. Auparavant, avec les prix moyens garantis, les banques finançaient sans problème les avances de trésorerie. Aujourd’hui, avec les fluctuations de chiffre d’affaires très importantes, le dispositif n’est plus viable. « Exactement, comme l’épargne de précaution, il nous faudrait le même dispositif en matière d’avance de trésorerie : un financement adapté pour sécuriser la trésorerie en cas de mauvaise année… » précise François Jacques.
Construire un système hiérarchisé d’ assurances répondant à la diversité des risques. Intégrer plus d’assurances dans les politiques agricoles Y aura-t-il encore une Politique Agricole Commune en 2030 ? Se poser la question, c’est suggérer une réponse positive, pour Dominique Chambrette. Il est forcément souhaitable que l’Union européenne conserve, à l’instar des État-Unis, un budget consacré à l’agriculture avec des mécanismes communs à tous les états de l’Union Européenne. La PAC était née d’un besoin de production alimentaire après le conflit 39/45. L’institution de prix garantis, avec des mécanismes de régulation et de protection des producteurs a été une première phase qui a correspondu aux Trente Glorieuses. La réforme initiée en 1992 a transformé le système en abaissant les prix garantis au niveau des cours mondiaux, avec mise en place de compensations financières pour les producteurs. À cette mutation se sont ajoutées, l’écoconditionnalité, le découplage des aides, la montée en puissance du deuxième pilier. L’évolution de la PAC est devenue de moins en moins lisible pour les céréaliers.
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Pendant quarante ans, la PAC nous a protégés du marché.
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« Elle nous a sécurisés à l’aide de différents outils qu’étaient le stockage d’intervention, les majorations mensuelles, les restitutions à l’export… Aujourd’hui, s’ouvre une nouvelle époque où l’agriculteur se retrouve face au marché mondial des matières premières agricoles volatil. Le danger n’est pas la variation en elle-même, mais plutôt son amplitude imprévisible. Les marchés évoluent, face aux besoins, à la demande, aux effets climatiques, à l’impact démographique dans certaines parties du monde. Il est par conséquent normal qu’il y ait des variations. Pendant quarante ans, nous n’avons rien vu de tout cela en Europe ! »
Jean-François Loiseau, Président d’Axéréal
Il est indispensable d’avoir par ailleurs, une réglementation française stable et lisible en matière d’environnement, sans surenchère par rapport à l’Europe. Nous en arrivons à un empilement incohérent de normes. Nicolas de Sambucy
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L’entreprise céréalière du futur
Que peut-on espérer pour l’avenir de la politique agricole ou de quoi auraient besoin les céréaliers en 2030 ? Le nouveau Farm Bill américain qui délaisse les aides directes au profit de systèmes assurantiels ou contracycliques inspirera sans doute les décideurs européens. On peut raisonnablement penser que le second pilier, compensateur de handicap et de développement rural sera préservé. Les grandes cultures doivent se préoccuper de pouvoir y émarger pour les zones à handicap du sud ou les zones intermédiaires. Sans doute, une uniformité des aides aura t-elle été atteinte dans l’UE en 2030. Mais une aide de base, fondée sur des critères de protection de l’environnement et de la biodiversité serait souhaitable à peu près équivalente au paiement vert. Quel que soit le montant du budget agricole, il faut souhaiter que ce paiement puisse en absorber au moins 50%, car il sera un socle nécessaire à la pérennité des exploitations céréalières. Enfin, les céréaliers auront besoin que la PAC propose deux types d’assurances : une assurance climatique efficace, avec un seuil de perte de récolte plus pertinent, complétée par un système contracyclique pour amortir l’effet de la volatilité des marchés.
La formation agricole au cœur de la bioperformance La technicité de la production, aujourd’hui, exige un haut niveau de compétences. D’ici à 2030, pour être des acteurs bioperformants, les céréaliers estiment que le parcours de formation initiale devra conjuguer 4 thématiques : l’agronomie, le management, la connaissance des marchés, la gestion économique, celle-ci incluant la gestion des risques. Les programmes de formation des écoles d’agronomie et d’agriculture devront tenir compte de la complexité croissante des compétences exigées des chefs d’exploitation et de la capacité d’adaptation permanente dont ils doivent faire preuve pour rendre leurs entreprises aussi flexibles que nécessaire pour assurer leur pérennité.
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Enfin, l’accélération des mutations technologiques, celle des progrès des sciences du vivant et la complexification incessante des compétences managériales vont imposer un renforcement du système de formation professionnelle afin qu’il accompagne les producteurs tout au long de leur carrière.
Communiquer sur le caractère moderne, responsable et innovant du métier de céréalier.
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L’ appréciation des politiques change progressivement. Ils prennent conscience que le progrès est source de croissance et que l’idéologie écologiste a ses limites. Jean-Marc Renaudeau
Une plus grande ouverture vers la société En agriculture, à la différence des autres secteurs d’activité, on n’a pas le droit d’être moderne ! Voilà ce que nous disent les céréaliers lorsque l’on évoque l’image de leur métier : ils éprouvent un certain malaise, un sentiment d’être incompris, mal connus, mal perçus, d’être dévalorisés, de faire l’objet d’attaques et de critiques de la part des médias… Force est de constater que l’agriculture n’appartient plus seulement au monde agricole, mais que le citoyen, les organisations non gouvernementales et in fine les décideurs publics, interfèrent dans la gestion de la production agricole et des territoires. Dans cet environnement là, il est fondamental d’aller expliquer le métier de céréalier pour ne pas subir une accumulation de contraintes règlementaires sensées protéger le consommateur ou le riverain, mais résultant d’une méconnaissance du métier ou d’un excès de zèle au nom du principe de précaution.
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L’ image du céréalier de demain dépendra de sa capacité à sortir de l’anonymat. Les céréaliers peuvent devenir de vrais ambassadeurs de leur métier, comme certains le font déjà très bien.
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Jean-François Gleizes, Président de Passion Céréales
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Les céréaliers ont du mal à être entendus sur leur modernité et leur technicité. Pour y remédier, il est indispensable de mieux expliquer les techniques et innovations utilisées au quotidien au profit du consommateur et de l’environnement. En même temps, on assiste à un changement d’attitude comme ce fut le cas lors du Salon de l’agriculture 2014, sur le stand de l’Odyssée du végétal. Tous les médias ont largement mis en avant la modernité de l’agriculture à travers les nouvelles technologies. La perte de lien agricole de la population rurale complexifie parfois le travail, mais il est important de conserver un lien fort avec la population dans les villages. Là aussi, cela demande beaucoup de pédagogie. Les producteurs doivent s’intégrer dans leur territoire en étant partie prenante du tissu social. Entretenir de bonnes relations avec les collectivités locales et les médias régionaux est important. Certains organisent sur leur ferme des portes ouvertes avec un marché de producteurs fermiers ou l’accueil de scolaires. Les nouvelles générations de producteurs ont pris conscience de la nécessité de réinvestir les fonctions politiques locales et le milieu associatif. Fiers de leurs valeurs, les céréaliers sont des hommes responsables d’entreprises agricoles performantes et comptent le faire savoir.
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Conclusion
Notre ambition « Produire plus, Produire mieux » Par Dominique Chambrette, Vice Président de l’AGPB, coordinateur du Livre Blanc
En conclusion de ce livre blanc, je réaffirmerai simplement notre ambition pour la céréaliculture française : « Produire plus, Produire mieux ». Nous avons été probablement les premiers à lancer ce mot d’ordre, il y a maintenant trois ou quatre ans. Depuis plusieurs personnalités du monde économique et politique l’ont repris à leur compte. Je n’en citerai qu’une seule : le Président de la République. Nous ne pouvons que nous en réjouir ! C’est un signe que les temps changent et que le réalisme économique commence enfin à l’emporter. Nous concernant, cela traduit la prise de conscience que la France céréalière détient des atouts forts qu’elle doit valoriser. C’est une force économique sur tout le territoire et, alors que le monde a besoin de plus de céréales, la France doit renouer avec la croissance des rendements… Pour répondre à ces défis, demain, nous misons sur la bioperformance de nos producteurs et sur des entreprises céréalières encore plus compétitives. Le producteur de céréales est un entrepreneur du XXIème siècle, fier de son métier, au cœur des problèmes de notre société et bien dans son époque, conscient des progrès réalisés mais garant de la durabilité de son système d’exploitation et animé par un devoir de production. La bioperformance constitue une étape nouvelle, elle utilise les innovations comme source de croissance capable de créer de la richesse sur des territoires qui n’ont souvent pas d’ alternatives économiques. L’efficacité de l’organisation des filières de grandes cultures offre une visibilité pour les revenus des producteurs. Tous les outils créés par les responsables céréaliers dans un esprit visionnaire sont là pour garantir la pérennité de la production française. Nos ambitions, nous pouvons les résumer à travers cinq points : 1- Ambitieux pour la France, nous voulons satisfaire les demandes dans toute leur diversité, répondre au défi de besoins alimentaires mondiaux en forte croissance, développer les utilisations de céréales, porteuses de valeur ajoutée et d’emplois dans les territoires, jusque dans la chimie du végétal et les énergies renouvelables. 2- Confiants dans l’innovation, nous voulons, pour produire plus, promouvoir le progrès génétique pour des céréales productives, riches en protéines, efficientes et résistantes aux maladies et adaptées à l’évolution climatique. Et, pour produire mieux, diffuser les technologies d’une agronomie bioperformante…
3- Motivés par l’exigence de compétitivité, nous voulons conforter l’organisation des filières et l’interprofession céréalière, mais aussi optimiser le stockage et la logistique… 4- Engagés face à des risques croissants, nous voulons défendre une vision européenne de la politique agricole qui doit rester commune et construire un système hiérarchisé de couverture des risques adaptée aux exigences de l’entreprise céréalière… 5- Enfin, fiers de nos valeurs, nous voulons être sur nos territoires des acteurs d’un tissu d’entreprises agricoles dynamiques et communiquer sur le caractère moderne, performant, responsable et novateur du métier de céréalier.
Concrétiser ces cinq ambitions d’ici 2030 constitue un défi réaliste. Notre organisation, l’AGPB, fête ses 90 ans. Les hommes qui ont contribué à construire la céréaliculture française pendant près d’un Siècle - notamment Jean Deleau, Philippe Neeser, Henri de Benoist - ont eu à renverser de nombreux obstacles et à vaincre maintes oppositions. Ils ont ouvert la voie. Nul doute que ceux du XXIe siècle sauront poursuivre ce chemin ! La céréaliculture retrouve sa place dans l’économie de notre pays ; c’est une chance pour tous les céréaliers de France. C’est une chance pour la France.
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Lexique
AGRESTE Base de données statistiques du Ministère de l’Agriculture français ANMF Association Nationale de la Meunerie Française CIHEAM Centre International de Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes CNAM Conservatoire National des Arts et Métiers CUMA Coopérative d’Utilisation du Matériel en commun EARL Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée ETA Entreprise de Travaux Agricoles FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture mondiales FAOSTAT Base de données statistiques de la FAO GAEC Groupement Agricole d’Exploitation en Commun INRA Institut National de la Recherche Agronomique OAD Outils d’Aide à la Décision OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique ONU Organisation des Nations Unies PMBE Programme français de Modernisation des Bâtiments d’Élevages PME Petite et Moyenne Entreprise RFF Réseau Ferré de France RICA Réseau d’Information Comptable Agricole SAFER Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural SAU Surface Agricole Utile SCEA Société Civile d’Exploitation Agricole SEP Société En Participation TPE Très Petites Entreprises USDA United States Department of Agriculture
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Remerciements
Ce livre blanc Ambition Céréales 2030 n’aurait pu être réalisé tel qu’il vous apparaît aujourd’hui sans le précieux concours de nombreuses personnes auxquelles l’AGPB exprime sa sincère reconnaissance :
SÉBASTIEN ABIS Chercheur associé à l’IRIS THIERRY BERGER Directeur Marketing et Communication Groupe Soufflet ALEXANDRE BIAU Chargé d’études économiques Unigrains PHILIPPE CHALMIN Professeur Paris Dauphine, économiste et fondateur de la revue Cyclope FRANÇOIS DESPREZ Société FLORIMOND DESPREZ ANNE FRADIER Secrétaire général de SEDIMA HERVÉ GARNIER Journaliste FRANÇOIS GATEL Directeur de France Export Céréales JEAN-FRANÇOIS GLEIZES Président de Passion Céréales JEAN-PIERRE LANGLOIS BERTHELOT Président de France Export Céréales FRANÇOIS LAURENT Chef du service Systèmes Agronomie Économie et Environnement ARVALIS - Institut du Végétal
PHILIPPE LEMANCEAU Directeur de l’UMR AgroSup à l’INRA de Dijon VALÉRIE LEVEAU Chef de service économie ARVALIS - Institut du Végétal JEAN-FRANÇOIS LOISEAU Président d’AXEREAL HÉLÈNE LUCAS Coordinatrice scientifique de Wheat initiative à l’INRA PHILIPPE MANGIN Président de Coop de France JACQUES MATHIEU Directeur d’ARVALIS - Institut du Végétal JEAN-LUC PELLETIER Délégué général de l’USIPA NICOLAS PERARDEL Chargé de mission matières premières ANMF ÉTIENNE VICARIOT Directeur de la Communication John Deere
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Le Groupe Céréalier
Céréaliers, des Hommes pour nourrir les Hommes Denrées de base universelles et matières premières polyvalentes, concentrés de savoirs et de technologies à fortes évolutions, pivot de multiples activités économiques et filières, utilisateur majeur de notre milieu naturel national et de ses ressources, les céréales françaises sont au cœur de nombreux enjeux, de la sécurité alimentaire au développement durable, pour notre société, pour notre pays, pour l’Europe, pour la planète. La profession céréalière française est ainsi conduite à mobiliser des compétences très variées dans les structures spécialisées créées par des responsables agricoles de l’AGPB et l’AGPM au sein du groupe céréalier : un institut technique de recherche appliquée ARVALIS - Institut du végétal, un établissement financier spécialisé Unigrains, des outils de promotion France Export Céréales, Passion Céréales, animées et coordonnées par les mêmes responsables agricoles. Les compétences et l’expérience de plusieurs de ces structures étant utilisables dans le cadre d’actions plus globales de développement agricole dans des pays émergents et défavorisés, et de développement territorial en milieu rural, ces responsables animent également deux structures expertes de ces problématiques, FERT et Sol et Civilisation. Jean-François ISAMBERT, Secrétaire général de l’AGPB, et Vice président d’Unigrains
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L’A G P B
L’Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales, syndicat professionnel agricole, représente les intérêts économiques et moraux des producteurs de céréales à paille. L’AGPB est dirigée par des agriculteurs élus de leur département, issus du monde syndical et économique. Pour nous contacter
AGPB 23,25 avenue de Neuilly 75 116 PARIS Tél. 01 44 31 10 00 www.agpb.fr @AGPB_Cerealiers
Crédits photos Arvalis Banques d’images : Fotolia, Getty Images, Shutterstock Goran Bogicevic Ceke Jürgen Fälchle Frog Deyan Georgiev Laurent Hamels Juan_g_aunion John Deere Limagrain Igor Mojzes Passion Céréales Pinkyone Stefan Rajewski Gina Sanders Slasnyi Tereos Tomsickova Ulkan Christian Watier Conception et création graphiques Agence Voyez Large VOYEZ LARGE
10-31-1302
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