VSD 1719 du 5 au 11 août 2010

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nouveau

Week-end

★ L’Irak s’ouvre au tourisme ★ Le bolide électrique Mercedes  ★ Tablettes numériques au banc d’essai ★ Barbecues de chefs

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2,40 €

€ Prix

découverte

Photos exclusives

Sur le tournage de Woody Allen

Le coup de sang du president

Carla essaie de le calmer...

Contre-enquête

De Champigny aux champs-élysées

Zahia La vraie histoire d’une gamine de banlieue Reportage

Apres Grenoble

Faut-il protéger les flics ? T 01713 - 1719 - F: 2,00 E 2,00€ N° 1719 - Du 5 AU 11 août 2010

vsd.fr


Époque Roman photo

exclusif

PARIS, NUIT DU 27 AU 28 JUILLET : LE CHEF DE L’ÉTAT DéBARQUE À L’IMPROVISTE SUR LE TOURNAGE DU FILM DE WOODY ALLEN. IL S’éNERVE CONTRE LES ­PAPARAZZIS. MAIS, HEUREUSEMENT... CARLA EST LA.

Avec Nicolas

c’est pas d  u cinema


V

enir chercher sa femme au travail, après une rude journée de boulot… voilà bien le quotidien d’un Français ordinaire. Mais quand on s’appelle Nicolas Sarkozy, et que l’on aspire à retrouver une image de proximité auprès des Français, le symbole est porteur. Alors qu’importe si le travail de madame est le tournage d’un film à gros budget, et si les collègues s’appellent Woody Allen et Owen Wilson. Mardi 27 juillet, donc. Vers 17 heures, Carla Bruni a ­rejoint ce coin charmant du 5e arrondissement de Paris où sont installées les caméras de Midnight in Paris. L’apprentie comédienne écoute docilement les instructions, demandant conseil à son partenaire, l’acteur américain Owen Wilson. Mais, peu avant 2  heures du matin, coup de théâtre. Le mari arrive. Le président de la République en personne, entouré de gardes du corps. Ce qui ne manque pas d’agacer sur le plateau, où chaque geste et déplacement est millimétré. Le chef de l’État s’irrite. Il est tard. Il a présidé un interminable conseil de politique nucléaire dans la journée. Et, surtout, les photographes sont trop nombreux à son goût. « Débrouillez-vous pour les virer ! », aurait-il lancé à ses ­malabars. Puis il s’engouffre dans un restaurant. En sort plus d’une demi-heure après, très énervé. Surmenage ? Effet de la chaleur estivale ? Coup de sang pour avoir vu Carla trop complice du séduisant Owen Wilson ? Ou peut-être un peu des trois… Toujours est-il que la première dame finit par intervenir, clope à la main. Nicolas veut partir, tout de suite. Parce que demain, il y a conseil des ministres le matin, puis grosse réunion interministérielle l’après-midi. Sauf que Carlita, elle, ne peut décemment pas planter Woody et les autres en plein tournage. Alors elle trouve les mots qui apaisent le courroux présidentiel. Les photo­ graphes sont priés de ­déguerpir, le couple, lui, quittera les lieux vers 4 heures du matin… Il faut dire que notre président a connu le début d’été le plus exécrable de toute sa carrière. Naufrage des Bleus en Afrique du Sud, émeutes à Grenoble, assassinat d’un otage français, sans parler des révélations de ­l’affaire Woerth-Bettencourt, ou du départ précipité de Christian Blanc et Alain Joyandet du gouvernement. La coupe est pleine ! « Il ne s’est rien passé ce soir-là, c’est de la pure ­fiction », assure-t-on à l’Élysée, avant de nuancer : « Bon il est possible qu’il y ait eu un échange, mais rien de notable. » Reste que, après cet épisode, le président ne pouvait quitter la scène estivale que sur un de ces coups d’éclat dont il a le secret. ­Voilà chose faite avec la promesse aux délinquants ­d’origine étrangères d’être déchus de la nationalité française… Ultime estocade avant de partir au cap Nègre avec son épouse, le 3 août. Histoire de reprendre des forces avant une rentrée qui ­s’annonce, elle aussi, plutôt chargée. J

« Il ne s’est rien passé, c’est de la pure fiction », assure l’Élysée

d. R.

Sous tension Fatigué par sa journée de ­travail, Nicolas Sarkozy ­voulait juste assister aux grands débuts de son épouse au cinéma. Ah, si seulement il n’y avait pas tous ces ­photographes…


Époque Insécurité

Menacés après avoir tué le braqueur Karim Boudouda, des

Qui va proteger la E n q u ê t e : v a n e s s a v i g n e - p h o t o  : p h i l i p p e me r l e / a f p


Sous tension Un policier en faction dans le quartier de La ­Villeneuve, à Grenoble. C’est ici que ses collègues ont abattu un ­malfaiteur, le 16 juillet. Ce fut le point de départ de trois nuits de violentes émeutes.

agents sont mutés pour raisons de sécurité. Une première en France.

la police ?


Époque Contre-enquête

Des rêves de magazine Décrite comme une enfant précoce et joyeuse, Zahia ­Dehar a commencé à courir les castings pour la presse masculine dès l’adolescence.

Déracinée Ici avec sa maman, Yamina, avec qui elle est arrivée en France durant l’été 2002. ­Zahia n’avait alors que 10 ans.

Le temps de l’innocence À la même époque, dans la cour du petit pavillon de Saint-Maur-des-Fossés, où elle a grandi dans une famille recomposée.

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N° 1719


ELLE EST CELLE PAR QUI LE SCANDALE EST ARRIVé, CELLE QUI continue de faire ­TREMBLER LES BLEUS. MAIS QUI EST VRAIMENT ­ZAHIA DEHAR ? ENQUêTE SUR LE DESTIN HORS NORMEs D’UNE GAMINE DE BANLIEUE.

Zahia photos : d. r.

P a r lud i v i n e s a lm o n , p o u r v sd

Sa vraie histoire Z ahia a eu 18 ans le 25 février dernier. Un âge auquel les ­jeunes filles passent le bac ou songent à leurs amours d’été. Zahia, elle, fait les gros titres de l’actualité, en France comme à l’étranger, depuis qu’une enquête judiciaire sur un réseau de proxénétisme a révélé qu’elle aurait eu (quand elle était mineure) des relations sexuelles tarifées avec des stars de l’équipe de France de foot, dont Karim Benzema et Franck Ribéry. Au centre du scandale, donc : ­Zahia Dehar, née en Algérie en 1992, arrivée en France à 10 ans et élevée dans un quartier ­ modeste d’une ville du Val-de-Marne, au sein d’une famille recomposée. ­Milieu social défavorisé, parcours scolaire chaotique, précocité excessive, mauvaises fréquentations : une histoire comme il en existe beaucoup…


e

Époque Extrême

Une équipe népalaise est montée y faire le ménage à plus de 8 000 m

les nettoyeurs

Macabre découverte « Nous avons retrouvé Scott Fischer », a indiqué le coordinateur de l’équipe népalaise devant le corps de l’alpiniste américain. Celui-ci est mort le 10 mai 1996, lors d’une des journées les plus sombres de l’histoire de l’alpinisme dans l’Everest. « Sa famille ne nous a pas autorisés à le déplacer et nous respectons sa décision. »


everest

d’altitude. Dans les sacs, plusieurs tonnes de déchets. Et des cadavres.

rs du toit du monde P

photos : beidleman neal/cosmos - afp

endant vingt millions d’années, l’Everest (8 848 mètres) est demeuré ­immaculé. Depuis 1953 et l’ascension d’Edmund Hillary et de Tenzing Norgay, deux mille cinq cents alpinistes l’ont gravi et environ deux cents y sont restés. S’ils n’ont hélas pas tous laissé leur trace dans l’histoire, leur empreinte dans la glace, en revanche, sera éternelle : bouteilles

d’oxygène, cordes, déjections, tentes et ­environ cent quatre-vingts corps aban­ donnés. Les alpinistes doivent habituellement verser une caution de 3 000 euros, rendue au retour s’ils prouvent qu’ils ont bien ramené tout leur équipement. Mais ces règles sont difficiles à appliquer. Vingt sherpas chevronnés sont donc partis au ­péril de leur vie à l’assaut de cette « montagne de détritus »… p a r a n t o i n e de t o u r n e m i r e


Tout en images Spécial été

a la

sauvette Bijoux, sacs et cerfs-volants... Venus d’Afrique ou d’Asie, ­de plus en plus de vendeurs ambulants arpentent sans relâche les plages de l’Adriatique, en Italie. à chacun son style...

Par Marie-Pierre Garrabos. PHOTOS : GIANFRANCO MAGGIO



R

oissy. Vol 166 pour Koweït. Je retrouve mes compagnons de voyage. Destination l’Irak. C’est la première fois que des touristes français se rendent en ­Mésopotamie depuis 2002. Jusque-là, il n’y avait eu que des itinéraires culturels proposés dans le nord, au Kurdistan irakien. « Pour le gouvernement irakien, c’est aussi la première fois que des touristes reviennent en général », affirme Hubert Debbasch, fondateur de Terre entière, qui organise le voyage. « Auparavant, il y a eu des Coréens et quelques Anglais, mais ils sont restés cantonnés dans des bases protégées par des milices privées. Ils n’ont rien vu du pays. » Pour nous, le programme est tout autre. Nasiriya, Bassora, Babylone, l’Euphrate… Des lieux mythiques qui se méritent, puisqu’il nous faut passer d’abord par la route de la mort. Une ligne droite

Super-marché Le souk de Nasiriya est l’un des plus ­fournis du pays. Les bananes proviennent des rives de l’Euphrate.

de 1 000 kilomètres, tracée dans le désert, entre Koweït et Bagdad, qui doit son nom aux multiples envahisseurs qui l’empruntèrent, avec plus ou moins de chance, ces trente dernières années. Malgré la funeste réputation de l’endroit, aucune perte n’est à déplorer chez nous. Sauf de temps, à la frontière. Les deux pays ne sont plus en guerre, mais il reste des inimitiés bien ancrées dans la tradition, qui nous coûteront six heures. Juste le temps pour qu’une tempête de sable se lève. Nasiriya sera notre base toute la semaine. C’est l’une des seules villes à posséder un hôtel décent. L’arrivée est inoubliable, avec un comité d’accueil digne d’une star. Il y a des danseurs, des musiciens, et des journalistes de la chaîne Al Jazeera, de la télé irakienne, de la BBC et de CNN. À la frontière, nous avons récupéré une escorte policière. À sa tête, Ahmed, colonel de la VIP Police, spécialement créée pour accompagner des visiteurs étrangers. Et ça ne rigole plus. Une automitrailleuse devant, une derrière, cagoules, kalachnikovs : pas question de laisser une archéologue dans les griffes d’al-Qaida ! « Si c’était le cas, c’est sûr qu’on se ferait allumer par tout le monde en rentrant », commente Émilienne, une chroniqueuse de radio en Alsace, venue pour le sport « et aussi pour le côté symbolique ». 


L’aventure

Very good trip

en irak t e x t e s e t p h o t o s : O l i v i e r G o u j o n POUR VS D

Sous bonne escorte Encadrés par la police irakienne, les touristes français, emmenés par l’archéologue ­Catherine Sudre, pénètrent sur le site d’Ourouk, la cité du roi-héros ­Gilgamesh. Il fait 50 °C et l’émotion est palpable.

De sites d’exception en rencontres amicales, la preuve qu’il y a une vie, après la guerre.


L’aventure Moteur

Mercedes SLS E-CELL

L’effet PAPILLON Cette supercar électrique peut-elle, à elle seule, modifier le paysage automobile ? Oui, si l’on en juge par les qualités de ce prototype. Par Jean-luc moreau

mercedes

U

ne route perdue, bien au milieu d’un fjord norvégien, comme suspendue au-dessus de la mer par des îlots rocheux. Des nuages de plomb voilent le ciel d’un immuable bleu d’azur car, en cette saison, le soleil ne se couche jamais. Et le silence est à peine troublé par ce point jaune vif qui grossit à l’horizon. Mais, malgré son aspect spectaculaire, la voiture qui traverse ce paysage grandiose est à peine plus bruyante que le souffle du vent. Le décor est planté. Nous sommes à Kristiansund, dans l’ouest de la Norvège, pour les essais, ou plutôt les premiers tours de roues, du prototype de voiture de sport la plus ­surprenante jamais construite par Mercedes. Un « monstre » de puissance qui ne fait aucun bruit et ne rejette aucune pollution. La base de cet engin hors du commun est la récente SLS. La supercar dotée de portes papillon est l’interprétation moderne de la légendaire 300 SL des années cinquante. Pour la circonstance, elle est parée d’une robe jaune fluo qui contraste fortement avec le noir mat des autres éléments du bolide. Car la SLS E-Cell est une voiture de contrastes. Pour s’en convaincre, il suffit de soulever son 



Royal

L’aventure À table

À l’œuvre Sur le port normand, à deux pas de son restaurant 2 étoiles Sa.Qua.Na, ­Alexandre Bourdas s’apprête à griller un bar de ­ligne dans un barbecue Weber One Touch ­Premium. Une nouveauté qui intègre un thermomètre sur le couvercle et un clapet d’aération ­ pour faciliter la circulation d’air.

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N° 1719


l au bar !

Les barbecues de l’été : Honfleur Cet été, quatre jeunes chefs revisitent pour VSD la cuisine de plein air. Premier à passer sur le gril, le chef Alexandre Bourdas, en Normandie. P a r P h i l i pp e B o é . P h o t o s  : W i l l i a m B e a u c a r d e t p o u r V SD

A

lexandre Bourdas est caté-­ gorique : « La cuisson au feu de bois est la seule qui permet ce goût unique des aliments fumés, qu’on ne retrouve pas avec les barbe-­ cues à gaz. » Pour cet ancien chef pâtissier de Michel Bras (3 étoiles à Laguiole, Aveyron), qui a dirigé pendant trois ans le restau-­ rant du maître, près de Sapporo, au Japon, le nec plus ultra, c’est de cuire les produits à la japonaise : « On embroche les poissons de part en part, et on les place directement au-­dessus des braises. Ce qui évite le contact avec une grille, et donc ce goût ­légèrement ferrique et amer apporté par le métal durant la cuisson. » D’origine aveyronnaise, il a appris la cuisson au feu de bois dans la cheminée de Michel Guérard (3  étoiles à Eugénie-les-Bains, Landes), au début des années quatre-vingtdix. « Maîtriser l’inten-­ sité des braises, la juste température, est tout un art. Ainsi, on doit toujours positionner l’aliment destiné à être grillé à bonne distance du feu, pour éviter que la chaleur des braises dessèche la chair du produit. » Sauf pour les coquillages, qui peuvent être pla-­ cés à 10  centimètres du foyer. « Les palourdes ­seront encore meilleures enveloppées dans du ­papier d’alu et posées directement sur les braises », conseille le chef. Crevettes, langoustines, homards et autres tourteaux doivent être également cuits sur le gril côté carapace, afin d’éviter un contact direct de leur chair, fragile, avec la flamme. Installé à Honfleur (Calvados) depuis 2006, à la tête d’un restaurant de poche de vingt-cinq cou-­ verts et récompensé par une deuxième étoile au Michelin, Bourdas a baptisé son établissement Sa.Qua.Na*, soit « poisson » en ­japonais. Pour lui, tous les produits de la mer font merveille au bar-­ becue. ­Notamment les poissons bleus (anchois, sardine, maquereau…), dont la chair grasse ­amplifie le goût grillé et fumé du feu de bois, mais aussi pour leur saveur ­iodée proche du ­parfum de la sauce soja japonaise, que le cuisinier affectionne. Les poissons maigres, comme le bar de ligne ou le turbot, ­seront, eux, badigeonnés d’huile d’olive, sous peine de voir leur chair déli-­ cate partir en charpie, comme celle du lieu, peu recommandée pour une cuisson au barbecue. Alexandre Bourdas ne délaisse pas pour autant les viandes. Notamment les ailerons de poulet qui, sur le gril, révèlent toute leur saveur : sous la peau grillée et croustillante, se cache une chair ­juteuse, moelleuse et goûteuse.  J

Le barbecue, c’est aussi plus sain et moins gras

(*) Sa.Qua.Na. 22, place Hamelin, Honfleur (14). 02.31.89.40.80. À lire : La Bible Weber du barbecue, ­Larousse. •••


Succès Cinq millions de fans ­suivent, en moyenne, chaque prime time de « Rendez-vous en terre ­inconnue » sur France 2. Cela fut le cas pour Zazie chez les ­Korowai de Papouasie, en 2009.

Préparation Huit mois de travail en amont sont nécessaires avant que Frédéric Lopez n’emmène une personnalité en terre ­inconnue. Ici, Édouard Baer, avec les Dogons du Mali.

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Le retour

de la tele banania Nous faire vivre au même rythme que des peuples « exotiques », voire encore primitifs, est la tendance cathodique du moment. Bonne idée ? À voir…

Surprise Le 27 juillet, sur TF1,« Bienvenue dans ma tribu » a réuni 2,6 millions de curieux, à 22 h 30. Depuis son lancement, l’émission ne cesse d’accroître ses parts d’audience.

photos : tf1 – bonne pioche

Z

pAR SYLVAIN MONIER

azie chez les Papous, Muriel Robin chez Amazonie (Équateur) et les Surmas d’Éthiopie. Des fales Pygmées, et à la rentrée, Patrick milles habilement castées pour leur profil particulier. Bruel chez les moines Shaolin ou en- L’une d’elles n’a jamais voyagé ; une autre est issue des core ­Virginie Efira chez les Tsaatans de beaux quartiers parisiens ; quant à la troisième, elle veut Mongolie… Avec son budget de près prouver au chef de famille – un ex-légionnaire – qu’elle de 1 million d’euros, ses huit mois de peut dépasser ses limites. préparation et sa réalisation aux petits On l’aura compris, on est ici plus proche de « Kohoignons, « Rendez-vous en terre inconnue » ­semble, Lanta » que de Claude Lévi-Strauss. En même temps, plus que ­jamais, incarner la panacée face à la médio- sa productrice, Alexia Laroche-Joubert, n’a jamais crité des shows de télé-réalité. Résultat, tout le monde prétendu faire autre chose qu’un programme de diest content : vous qui pleurez devant votre poste ; Fran- vertissement. « On est d’accord, affirme le sémiologue ce 2 ; Frédéric Lopez (passé du statut de paria à quasi- François Jost, spécialiste des médias. Sauf que l’émisment celui de Claude Lévi-Strauss du Paf) et, surtout, sion n’a absolument pas pour objectif de découvrir le people devenu, par la ­magie de la télé, le messager l’autre mais d’utiliser la tribu comme ­décorum d’un bienveillant de l’Occident. jeu de l’extrême, dans lequel l’étranger est perçu comTout le monde ? Pas tout à fait. Quelques voix dis- me une menace. » Et de conclure : « Évidemment, on cordantes se font entendre : Romane ­Bohringer qui, le pressent, tout cela s’arrangera et, à l’arrivée, ces trois dans VSD, en octobre 2009, affirmait détester l’émis- ­familles exem­plaires auront vécu “la plus belle avension, ou Alain Chabat, qui a déclaré, ture ­humaine de leur vie”. Mais, en atdans TVMag, qu’il « trouvait ça indé- ‘‘L’émission de TF1 tendant, ces tribus auront été utilisées cent ». Plus radical est le documenta- utilise les tribus comme repoussoirs. » Dans un autre registre, « Teum Teum » riste Stéphane Breton * : « Avec cette émission le paternalisme a changé de comme décorum d’un (animé par Juan ­Massenya, sur France visage. Au lieu d’être arrogant et su- jeu de l’extrême’’ 5) entreprend d’expédier une célébrité périeur, il est bienveillant et inférieur. F. JOST, SÉMIOLOGUE dans les zones « sensibles ». On a pu voir D’une cer­taine manière, c’est pire enGeneviève de ­Fontenay à Vaulx-en-Velin (69), Stéphane Guillon à la cité des 4000 (La Courcore parce que c’est indécelable et insidieux. » Auréolé de son label « programme équitable », ce ma- neuve, 93) ou encore Olivia Ruiz au contact des autochgazine participerait-il au retour du mythe du « bon sau- tones de la cité Balzac, à Vitry-sur-Seine (94). L’émission vage » ? « Il est surtout emblématique d’une volonté reprend l’adage selon lequel il suffit de traverser le d’échapper à une certaine “pasteurisation” de la société. périphé­rique pour dénicher de l’exotisme. La banlieue, Aujourd’hui, les gens sont en quête d’aventure, d’infini. « the new place to be ». Faut il en rire ou en pleurer ? On s’éloigne du contrat social pour aller vers plus de « Toutes ces émissions reproduisent sans hésitation le communautarisme, et donc vers un ­certain tribalisme », mythe du bon sauvage, résume François Jost. Loin du affirme le sociologue Michel Maffesoli. La preuve avec travail de décryptage d’un ethnologue, elles sont animées « Bienvenue dans ma tribu » ­(diffusé depuis le mardi 13 par l’idée que les habitants des forêts vivent plus près de juillet sur TF1). Dans cette adaptation française de « Tic- la nature, qu’ils sont plus authentiques. » Et les people ket To The Tribes », sorti de la fabrique à concepts de la ou les quidams de s’émerveiller devant cet autre admisociété de production néerlandaise Eyeworks en 2005, rable qui vit de peu. Cet autre qui ne possède pas grandpoint de people, mais « des vraies gens », en l’occurren- chose, mais qui néanmoins nous donne tout. J ce trois familles, confrontées durant trois semaines au (*) Également ethnologue, il a réalisé pour Arte « Eux et moi » quotidien de tribus dites « primitives », précisément les (2001) et « Le Ciel dans un jardin » (2003), tournés chez les Hulis, en Papouasie-­Nouvelle-Guinée, les Zaparas en Wodani de Nouvelle-Guinée.


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