L’ENVERS DU MIROIR

2. 1.

Dans les estampes de la série Nocturnes, Françoise Pétrovitch expérimente les gestes issus du dessin et de la peinture. Ses aquatintes, une technique de gravure à l’eauforte, parviennent à traduire les tons noyés et indéterminés de ses dessins au lavis. 1. Nocturne, 2017, aquatinte en rouge et noir sur papier Hahnemühle, 66 x 50 cm, Atelier René Tazé, MEL Publisher, BnF. 2. Nocturne, 2017, aquatinte en bleu, 66 x 50 cm, édition MEL Publisher, département des Estampes et de la photographie.

AVEC PLUS DE SOIXANTE-DIX ESTAMPES, DIX-SEPT LIVRES D’ARTISTES, QUELQUES DESSINS AUX LAVIS ET CÉRAMIQUES, FRANÇOISE PÉTROVITCH DONNE À VOIR SON CHEMINEMENT ARTISTIQUE SUR PLUS DE TRENTE ANS. ELLE INTERROGE LES DIFFÉRENTES FAÇONS D’ÊTRE AU MONDE, DE L’INFINI DES POSSIBLES DE L’ADOLESCENCE À LA FRAGILITÉ DES EXISTENCES. PAR Virginie Bertrand

« Derrière les paupières ». Françoise Pétrovitch, femme d’images, aime les mots et donne ce titre enclin au mystère à l’exposition de son œuvre imprimé à la BnF. « C’est cette idée d’intériorité, des choses non dites et qui nous habitent. » Dualité des êtres et précarité des jours, elle parle pinceau ou pointe de métal à la main, des interstices de la vie. Une femme qui serre ses gants dans le métro sera le déclencheur de dix lithographies en noir et blanc associées à des tirages anciens chinés. Dans « Après les jeux », elle retient par une photographie qu’elle dessinera ensuite, l’instant précis où ses enfants passent à autre chose, laissant en plan leurs jouets. « Il y a une dissociation entre cette situation éphémère et le temps long de la gravure qui densifie les choses. » D’une autre série « Les photos de vacances des autres n’intéressent personne », réalisée aussi en 1999, s’affirme son vocabulaire plastique. Personnages décontextualisés seuls sur la feuille, réserves blanches dans la couleur, jeux d’échelles, multiplication des points de vue se retrouvent dans ses œuvres postérieures. Puis vient Radio Pétrovitch. 1365 dessins issus d’un rituel quotidien initié par l’artiste. Chaque matin, pendant deux ans et demi, elle capte une actualité qu’elle traduit au trait, puis l’après-midi, elle réalise un autre croquis intime, personnel. Ils seront compilés dans un ouvrage édité par Semiose, sa galerie, en 2009. Se lit en creux « Qu’est ce qui nous fabrique collectivement et qui fait qu’on est tout seul, aussi ». En explorant toutes les techniques de l’impression, gravure en taille-douce, lithographie, sérigraphie, offset, repoussant toujours les limites, à l’exemple de son travail en plusieurs couleurs sur une seule pierre, elle emmène l’observateur par la main, l’invitant dans l’envers du miroir. D’êtres masqués en animaux surdimensionnés, il n’est question que d’altérité.

DERRIÈRE LES PAUPIÈRES

— Françoise Pétrovitch, jusqu’au 29 janv. 2023, BnF F. Mitterand.bnf.fr