5 minute read
Visite privée : l’hôtel Salomon de Rothschild
from Dftfdfffg
À PARIS LES TRÉSORS DE L’HÔTEL SALOMON DE ROTHSCHILD
Devenu en 1976 Fondation des Artistes, l’hôtel Salomon de Rothschild abrite dans ses murs un éblouissant cabinet de curiosités et dans son jardin un émouvant pavillon baptisé la rotonde Balzac. Deux écrins inattendus à quelques pas des Champs-Élysées.
Advertisement
Construit sur le site de la folie Beaujon, l’hôtel Salomon de Rothschild est un exemple fl amboyant de l’architecture néoclassique française. Il a été réalisé dans le goût du XVIIIe siècle à partir de 1873 par l’architecte Léon Ohnet, et achevé par son élève Justin Ponsard en 1878.
Dans le cabinet de curiosités situé au premier niveau de l’hôtel particulier, les volets sont toujours clos, la lumière tamisée ajoute au mystère du lieu et entoure de clairs-obscurs la grâce des œuvres. Car c’est surtout l’amour du beau que Salomon et Adèle de Rothschild ont défendu tout au long de leur vie. Ces trésors et livres rares que le baron accumula entre 1862 et 1864 corroborent son goût très sûr et celui de son épouse pour les arts décoratifs de toutes époques et provenances. Devenue veuve, la baronne ne cessera de soutenir les artistes, en ce début du XXe siècle où les balbutiements de l’industrialisation entraînent la banalisation des métiers d’art, et demandera que son palais devienne une fondation après sa mort (en 1922). « L’intérêt de ces deux lieux [cabinet de curiosités et rotonde Balzac, ndlr] réside dans l’air du temps qu’ils racontent, c’est-à-dire l’éclectisme, explique Éléonore Dérisson, chargée des collections. Il y a incontestablement un style et un goût Rothschild qui consistent à mélanger des acquisitions prestigieuses pour créer des univers encore plus beaux. Ce cabinet nous parle du XIXe siècle, qui est avant tout un siècle de créations d’atmosphères. » Photographe à ses heures perdues, adepte des sciences occultes, Salomon est l’un des quatre fi ls de James de Rothschild, fondateur de la branche française de cette dynastie illustre née en Allemagne au XVIe siècle.
Un lieu de mémoire
Après un joyeux périple aux États-Unis, il revient en France et épouse en 1862 sa cousine, Adele HannahCharlotte von Rothschild, dite Adèle de Rothschild. Le couple s’installe dans un hôtel particulier au 25, rue du Faubourg-Saint-Honoré. De leur union naîtra leur fi lle unique, Hélène. Adèle, femme de son époque, fume le cigare, sirote du cognac et se passionne pour les cultures lointaines, l’art et le théâtre. Lorsque Salomon meurt d’une crise cardiaque en 1864, il n’a que 29 ans. La vie d’Adèle ...
Avant de disparaître, Adèle de Rothschild avait légué son hôtel particulier à l’État en précisant bien dans son testament de ne jamais disperser les précieuses collections de son cabinet de curiosités. 1. Détail des cuirs dorés fl amands datant du début du XVIIIe siècle qui habillent les murs de ce cabinet de 40 m2 . 2. Les vitraux, néerlandais et suisses, datent des XVIe et XVIIe siècles. 3. Dans les vitrines, sont exposées coupes, plaques de jade sculpté chinoises et porcelaines anciennes provenant de divers pays. Le cabinet de curiosités abrite plus de 400œuvres. Les vitrines présentent des collections allant de l’Antiquité au début du XXe siècle, provenant d’Europe, de Chine, du Japon, d’Iran et d’Inde. Au plafond, une tapisserie de la fi n du XVIIe siècle. La moquette est d’origine.
1
2
On accède au jardin d’hiver depuis la salle à manger aux murs revêtus de boiseries en chêne. Au fond, les miroirs créent de faux effets de profondeur. 3
La rotonde Balzac abrite un monde de délicatesse baignant dans une belle tonalité vert d’eau. Sur le portant, à droite, gravure des Promenades aériennes du jardin Beaujon.
1 2
Le buste en marbre d’Honoré de Balzac, réalisé par Anatole Marquet de Vasselot, devant les délicats lambris d’inspiration chinoise et deux panneaux tendus de soieries brodées à Kyoto au XIXe siècle, 3
bascule. Pour rester fi dèle à son époux, elle se retire de la vie mondaine, mais poursuit son œuvre sans jamais se mettre en avant. Elle prête dès 1865 des objets d’arts décoratifs pour de grandes expositions parisiennes, et en 1874, fait édifi er à l’emplacement d’une villégiature, la folie Beaujon, cet hôtel en l’honneur de son mari, afi n de conserver leurs collections. En 1890, elle fait bâtir dans le jardin la rotonde Balzac, en hommage à l’écrivain, qui avait acquis ici même en 1846 une des habitations de la folie Beaujon pour y vivre avec son épouse, la comtesse polonaise Eveline Hanska. Créée un an après la mort de la baronne, à sa demande, la Fondation Salomon de Rothschild proposera de nombreux événements culturels, expositions, ventes de charité, concerts, et sera le siège de la bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques-Doucet en 1924, du cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France en 1937 et du Centre national d’art contemporain en 1967. L’hôtel a par ailleurs accueilli l’hôtel des Arts en 1991 et le Centre national de la photographie de 1993 à 2003. Il est classé au titre des monuments historiques depuis 2005, son cabinet de curiosités se visite depuis 2017 et la rotonde Balzac depuis 2021. ■
1. Hommage à la sculpture du XVIIIe siècle, des réductions de bronzes d’après François Duquesnoy (photo), Gaspard Marsy ou François Girardon sont exposées. 2. Les portes en marqueterie datant du XVIIe siècle décoraient le salon de la maison de Balzac et de Mme Hanska, qui fut détruite. 3. La rotonde Balzac, construite au bout du jardin aux biches, voisine avec une colonnade à l’antique, vestige de l’ancienne chapelle SaintNicolas ayant appartenu à la folie Beaujon.
Hôtel Salomon de Rothschild - Fondation des Artistes
11, rue Berryer, 75008 Paris. Tél. : 01 45 63 59 02. fondationdesartistes.fr et hotelsalomonderothschild.com Visite-conférence (1 h 30) sur réservation. 2 visites individuelles par mois, samedi à 11 h et un jour de la semaine à 12 h 30. visite@fondationdesartistes.fr À lire : Les Rothschild, une dynastie de mécènes en France, Pauline Prevost-Marcilhacy, Louvre Éd., BnF, Somogy, 2016.