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Erosions consécutives aux troubles alimentaires
Les troubles de l’alimentation, l’anorexie mentale (anorexia nervosa) et la boulimie (boulimia nervosa) en l’occurrence, ne sont pas uniquement susceptibles d’avoir de graves répercussions physiques, tels que des troubles électrolytiques et une diminution de la densité osseuse, mais peuvent aussi gravement endommager la substance dentaire dure. Ceci peut contribuer à empirer l’état général des patientes* souffrant de troubles alimentaires.
Prof. Dr méd. dent. Nadine Schlüter 1 ,
Maxi Müller 1 ,
Prof. Dr méd. dent. Almut Zeeck 2

Selon la Classifi cation internationale des maladies (CIM10), il existe différents groupes de troubles alimentaires[1]. Les principaux groupes sont l’anorexie mentale (anorexie, AN) et la boulimie (boulimia nervosa, BN). Les deux formes se caractérisent essentiellement par une insatisfaction ou même un rejet de son propre corps, ainsi que par la peur d’être ou de devenir trop gros. Bien que l’AN soit défi nie par un comportement alimentaire restrictif, une insuffi sance pondérale autoinduite ainsi qu’un trouble de l’image corporelle (les personnes affectées se trouvent ellesmêmes trop grosses malgré leur insuffi sance pondérale), les critères diagnostiques d’une BN comprennent les crises alimentaires et les comportements qui visent à contrecarrer une prise de poids. Il peut s’agir de vomissements autoinduits, d’exercice excessif, de périodes de faim ou de médication (p. ex. médicaments thyroïdiens pour accentuer le métabolisme, laxatifs ou diurétiques, ainsi que coupefaim). Les personnes ayant une BN ont habituellement un poids normal. L’AN distingue deux formes: une forme «active», dans laquelle des mesures antirégulatrices telles que des vomissements autoinduits et, éventuellement, des crises alimentaires se produisent, et une forme «restrictive», dans laquelle l’insuffi sance pondérale est atteinte et maintenue en limitant la quantité de nourriture et par l’exercice intensif. Les deux formulaires, l’AN et la BN, peuvent se fondre au fi l de leur évolution [2]. La fréquence est d’environ 0,2 à 0,7 % pour l’AN et de 0,4 à 1,6 % pour la BN; les femmes sont touchées beaucoup plus souvent (> 90 %) que les hommes [24]. Les deux maladies débutent à la puberté ou à l’adolescence, l’anorexie se manifestant habituellement plus tôt que la boulimie. Environ 15 % des patientes atteintes d’anorexie et environ 20 % des patientes atteintes de boulimie connaissent une évolution chronique à long terme de la maladie [2, 4], surtout lorsque le traitement commence tard. Or, en raison d’un sentiment de honte prononcé et d’une grande ambivalence à l’égard d’un changement dans leur trouble alimentaire, de nombreux patientes ne se présentent que tard chez un spécialiste. La prévention et la détection précoce par toutes les disciplines spécialisées revêtent donc une importance particulière. Les troubles de l’alimentation sont associés à une variété de conséquences physiques qui doivent être identifi ées (Tableau 1). Les conséquences physiques comprennent également les symptômes dentaires, de sorte que les professions odontostomatologiques jouent un rôle central, car elles permettent parfois d’identifi er les personnes souffrant de troubles de l’alimentation en premier et donc très tôt en fonction de l’état de la denture. Les dommages causés aux dents peuvent stresser encore plus les patientes. Dans une enquête, 90 % des patientes boulimiques ont déclaré que leurs dents revêtaient une importance extraordinaire pour elles [5]; un résultat tout à fait plausible, car le vécu personnel de nombreuses patientes dépend de leur apparence extérieure. Un traitement dentaire précoce avec des mesures prophylactiques peut prévenir ou, du
*Étant donné que plus de 90 % des personnes atteintes d’un trouble de l’alimentation sont des femmes, la forme féminine est utilisée dans l’ensemble du texte. Les considérations valent également pour les hommes par analogie. 1 Stiftungsprofessur für Kariesforschung, Klinik für Zahnerhaltungskunde und Parodontologie, Department f. Zahn Mund u. Kieferheilkunde,
Universitätsklinikum Freiburg, Medizinische Fakultät, AlbertLudwigsUniversität Freiburg, Deutschland 2 Klinik für Psychosomatische Medizin und Psychotherapie, Universitätsklinikum Freiburg, Medizinische Fakultät, AlbertLudwigsUniversität
Freiburg, Deutschland
moins, limiter les dommages dentaires, de sorte qu’un stress supplémentaire puisse être évité [6].
Conséquences dentaires d’un trouble de l’alimentation La conséquence dentaire la plus courante d’un trouble de l’alimentation est l’érosion. Les érosions résultent de l’infl uence directe des acides ur la substance dentaire dure et propre, c’est à dire sans plaque dentaire [7]. Les acides peuvent provenir de l’extérieur (exogènes) ou de l’organisme luimême (endogènes) (Tableau 2). Les causes exogènes sont nombreuses: aliments, médicaments et compléments alimentaires sous forme de comprimés effervescents ou à croquer. Les acides alimentaires sont particulièrement importants dans le contexte des troubles de l’alimentation. Pendant les périodes restrictives, la plupart des patientes vivent selon un régime alimentaire strict, de préférence en mangeant des aliments hypocaloriques tels que des fruits, des légumes et des salades et en buvant des boissons diététiques. Toutes les boissons pour sportifs et boissons rafraîchissantes, les fruits, les jus de fruits et les limonades, ainsi que les eaux minérales aromatisées, les produits vinaigrés et les infusions aux fruits peuvent endommager vos dents [8]. Ces aliments sont soussaturés par rapport aux minéraux dentaires, de sorte que leur consommation répétée peut avoir un effet déminéralisant [9]. En présence d’une BN ou d’une forme «active» d’AN avec vomissements autoinduits, l’acide gastrique, la seule source d’acide endogène, joue un rôle. Le pH de l’acide gastrique est d’environ 11,5, ainsi l’acide chlorhydrique qu’il contient est un acide puissant. Le pH du contenu de l’estomac dépend du degré de remplissage de celuici et peut parfois atteindre des valeurs autour de 3,5 à la suite de consommation de grandes quantités

Conséquence de l’état de faim: • Sensation de faiblesse, bradycardie, hypotonie • Atrophie musculaire • Chute de cheveux, altérations cutanées • Densité osseuse réduite (➞ ostéoporose) • Atrophie cérébrale • Troubles endocriniens (concentration altérée: sérotonine, œstradiol, LH, cortisol, hormone de croissance, hormones thyroïdiennes, entre autres) ➞ aménorrhée • Altérations de la composition salivaire
psychiques
sociales
Conséquences du vomissement auto-induit et de l’abus de laxatifs: • Déshydratation • Troubles électrolytiques (hypokaliémie principalement) • Troubles du métabolisme acides/bases (alcalose ou acidose) • Insuffi sance cardiaque, œsophagite, refl ux • sialadénose (enfl ement de la glande parotide) • Dommage néphrétique durable
• Altérations affectives (dépressivité, irritabilité, anxiété) • Défi cit cognitif

• Activités de loisir limitées • Renfermement social • Endettement éventuel (en cas d’accès boulimique prononcés) • Diffi cultés dans la formation et au travail
d’aliments [10]. Même à ce pH, des vomissements réguliers peuvent causer des dommages considérables aux dents. De plus, le contenu de l’estomac contient diverses enzymes digestives pouvant favoriser l’érosion [11]. Toute personne souffrant d’un trouble de l’alimentation n’affi che pas automatiquement des érosions. Les chiffres varient entre 45 % et 98 % pour les personnes ayant une BN ou une AN active, et entre 20 % et 35 % pour les formes restrictives (population normale environ 2040 %) [12, 13]. Dans l’ensemble, le risque d’érosion dans les deux formes de troubles de l’alimentation augmente d’environ 5,5 à 8,5 fois par rapport à la population normale [12]. Les personnes souffrant d’un trouble de l’alimenta
Tableau 1: Principales conséquences de troubles de l’alimentation.
Causes exogènes

Aliments acides • Limonades, jus de fruits, boissons pour sportifs • Vins et produits viticoles • Fruits et produits fruités • Vinaigres et produits vinaigrés Médicaments (compris à croquer ou effervescents) • Préparations au fer • Préparation à l’acide acétylsalicylique • Tout complément alimentaire et préparations vitaminiques à l’exception de préparations au calcium
Causes endogènes
Acides gastriques • Vomissement • Refl ux • Régurgitation
Tableau 2: Causes des dommages amélaires dus aux acides
tion qui consomment des aliments acides et provoquent des vomissements autoinduits présentent un risque d’érosion nettement accru. L’augmentation du refl ux gastroœsophagien en cas de BN est un autre facteur d’accroissement du risque d’érosion.
Histopathologie Une infl uence régulière des acides entraîne une déminéralisation de la substance dentaire dure. Une perte complète de minéraux de l’émail, principalement du calcium et du phosphate, se produit lentement de l’extérieur vers l’intérieur, entraînant des défauts importants à la surface, où apparaît un motif de mordançage classique (Illustration 1) [14]. La perte de substance s’accompagne d’une réduction de la dureté superfi cielle et, par conséquent, d’une vulnérabilité accrue à l’amenuisement de substance induit mécaniquement [15]. Dans la dentine, la déminéralisation provoque un élargissement des tubulis dentinaires d’une part, et d’autre part, des minéraux sont libérés des structures organiques de la substance dentaire dure [14]. Bien que le devenir des structures organiques exposées dans la cavité buccale n’ait pas encore fait l’objet d’études approfondies, il a été démontré que ces changements structurels ont surtout une infl uence négative sur les mesures de restauration par ancrage adhésif [16].
Tableau clinique Le premier symptôme clinique d’un changement érosif de la structure de la dent est la perte des structures superfi cielles. Ceci inclut les périkymaties et le brillant de la substance dentaire dure; la surface paraît mate et soyeuse lorsqu’elle est séchée. Au fur et à mesure de la progression, des défauts de surface apparaissent sur les surfaces occlusales comme sur les surfaces lisses. Occlusalement, les petits défauts en forme de creux sur les pointes des cuspides peuvent être diagnostiqués très tôt. Progressivement, le relief des cuspides et des fi ssures est nivelé et les dents semblent peu structurées. De plus, la couleur peut changer en raison de l’amincissement du revêtement amélaire; la dentine transparaît plus et les dents semblent plus jaunâtres et plus foncées (Illustration 2). Les obturations peuvent dépasser le niveau de la structure de la dent environnante. Enfi n, il peut se produire une perte complète de l’ensemble du relief de la cuspide ainsi qu’un affaissement de la dimension verticale. Sur les surfaces lisses palatines et buccales, des défauts plats, moins profonds que larges, se forment coronairement à la limite émailcément. Une bande d’émail intacte subsiste généralement en cervical. Les arêtes incisives sont souvent amincies et deviennent particulièrement translucides (Illustration 3a). Elles peuvent s’user rapidement, ce qui entraîne un raccourcissement des incisives du maxillaire supérieur (Illustration 3a). Si la dentine est impliquée, des hypersensibilités surviennent régulièrement en raison de l’élargissement des tubulis de la dentine, ce qui peut entraîner un fardeau supplémentaire pour les patientes [17].



Illustration 1:
Structure à la surface de l’émail après l’action d’acide citrique
En ce qui concerne la localisation, une attribution claire des défauts à une certaine forme de trouble alimentaire n’est possible que dans une mesure limitée. Cependant, les défauts qui se situent oralement, en particulier dans la mâchoire supérieure, parlent en faveur de l’atteinte endogène. Parfois, la position de la langue pendant le vomissement protège les dents inférieures latérales de la mâchoire contre l’infl uence du contenu gastrique et, par conséquent, elles présentent souvent, mais pas toujours, un degré de destruction moindre. Les surfaces vestibulaires sont souvent moins touchées chez les personnes dont les vomissements réguliers en sont la cause principale. Les infl uences exogènes peuvent, selon les habitudes de consommation, affecter en principe n’importe quelle surface dentaire, mais elles se retrouvent plus fréquemment sur les surfaces lisses vestibulaires. Les personnes qui ont des épisodes à la fois restrictifs et boulimiques présentent généralement une image contrastée des érosions.
Autres symptômes de troubles alimentaires Il faut également prêter attention aux autres signes intrabuccaux et extrabuccaux des troubles de l’alimentation. Les symptômes extrabuccaux typiques sont des lèvres gercées et des rhagades au coin de la bouche. Un gonfl ement des glandes parotides peut également se produire. Mou, non douloureux, il se manifeste habituellement des deux côtés et s’intensifi e après les vomissements. Il se résorbe en règle générale spontanément pendant les périodes sans vomissements. La fréquence est donnée avec une large fourchette de 1066 % [18]. En cas de vomissements déclenchés par les doigts, on peut observer des blessures et des kératinisations des articulations causées par les dents antérieures supérieures du maxillaire supérieur. Si l’érosion progresse rapidement, l’apparence faciale de la patiente peut également changer. Pardelà un raccourcissement des dents antérieures du maxillaire supérieur, une perte de la dimension verticale peut raccourcir le tiers inférieur du visage et rétrécir les lèvres. Cette combinaison peut se traduire par une apparence de vieillissement précoce, source de stress supplémentaire pour la patiente [5]. On observe souvent des récessions intrabuccales de la gencive (Illustrations 3a et 3b). Les lésions de la muqueuse du palais sont également typiques, provoquées soit par des brûlures par l’acide gastrique, soit par des moyens divers utilisés pour déclencher le réfl exe nauséeux. Le débit salivaire
Illustration 2: Erosions chez une patiente présentant un trouble de l’alimentation combiné à des vomissements. Défauts en cuvette facilement identifi ables sur les surfaces occlusales et aplanissement du relief des cuspides. L’amincissement du manteau d’émail donne une apparence plus sombre et plus jaune aux dents.


au repos peut être réduit chez les personnes souffrant d’une forme purement restrictive de trouble de l’alimentation, ce qui peut donner lieu à une sensation de sécheresse buccale [5]. Ce sentiment peut être intensifi é par l’administration de certains psychotropes (en particulier les antidépresseurs) dans le cadre d’un traitement des troubles de l’alimentation et des troubles comorbides comme la dépression. Il semblerait également prouvé que la fl ore bactérienne et la composition de la salive puissent changer en raison de troubles alimentaires [11, 19, 20]. Ces facteurs altérés, le débit salivaire et la composition de la salive, peuvent à leur tour nuire à la santé buccodentaire en général et favoriser la progression des érosions en particulier.
Prévention et traitement
Stratégies thérapeutiques causales
Le traitement des érosions est principalement axé sur les causes (Tableau 3, page 10). Cependant, cette stratégie thérapeutique ne peut être mise en œuvre pour les personnes souffrant d’un trouble de l’alimentation que dans une mesure


3a
Illustration 3: Bords incisifs raccourcis et translucides chez une patiente boulimique. La patiente affi che par ailleurs des récessions nettes en vestibulaire du maxillaire inférieur (a) et sur les premières molaires du maxillaire supérieur du côté palatin (b). palatin (b).
3b
Hygiène bucco-dentaire
• Eviter les aliments et les boissons acides › La fréquences et la durée d’exposition sont déterminants: les boissons ne doivent pas rester trop longtemps dans la bouche et ne pas se consommer tout au long de la journée à petites gorgées › Boire les boissons acides de préférence durant les repas › Eau minérale ou thé/infusions comme boissons principales (pas d’infusions aux fruits!) › Pas de régime trop acide • Combinaison d’aliments acides et le produits laitiers

• Hygiène bucco-dentaire selon standards de protection contre les caries (suffi sante, non traumatisante, deux fois par jour pendant deux minutes, plus interstices dentaires) • Hygiène dentaire avec produits à l’étain et au fl uorure (dentifrices et solutions bucco-dentaires) • Pas de report du moment du brossage des dents avec un repas acide • Eviter toutefois le brossage dents après un vomissement auto-induit • Après le vomissement, rincer la bouche avec une solution bucco-dentaire à l’étain et au fl uorure • Mâcher des chewing-gums sans sucre pour réduire un refl ux
Tableau 3: Recommandation odontostomatologique pour les patientes souffrant de troubles de l’alimentation pour éviter une progression des dommages dus aux acides



limitée par suite des recommandations d’un dentiste et à grâce la coopération des patientes. Il faut généralement un traitement psychothérapeutique long avant que les symptômes (comportement alimentaire restrictif, vomissements autoinduits, etc.) puissent être modifi és. C’est pourquoi la coopération avec les représentants d’autres disciplines, telles que les somatologues et les psychologues, les médecins généralistes et les pédiatres, revêt une importance particulière (conformément à la ligne directrice S3 sur le pour les patientes d’éviter complètement les acides exogènes dans le contexte de la maladie. Cependant, certaines règles de comportement peuvent être utiles pour éviter une exposition excessive (réduction des aliments acides, limitation de la durée de l’exposition aux acides). Toutefois, il convient de veiller à ce qu’une «interdiction» de certains aliments ne renforce pas un comportement restrictif. Réduire l’érosivité des aliments en les combinant avec des produits laitiers est une bonne alternative [21]. Ainsi, certains aliments ne sont pas tabous, mais simplement modifi és. La combinaison avec des produits laitiers augmente la teneur en calcium des aliments acides. Cela peut réduire considérablement l’érosivité [22]. Des jus enrichis au calcium peuvent également être recommandés.



Stratégies de traitement symptomatiques
Des mesures symptomatiques sont indiquées lorsque les acides ne peuvent être complètement évités, c’estàdire, en principe, chez chaque patiente souffrant d’un trouble de l’alimentation. L’objectif est, d’une part, de minimiser la réduction de la dureté superfi cielle et ses conséquences et, d’autre part, d’augmenter la résistance de la structure dentaire dure aux infl uences acides. Comme mesure la plus simple, il est souvent recommandé de différer le moment du brossage des dents après une attaque acide. Cependant, selon de nouvelles conclusions, cette recommandation ne peut plus être maintenue et ne se trouve donc plus dans les documents consensuels internationaux [23]. Contrairement à une lésion carieuse initiale, caractérisée par la couche superfi cielle pseudointacte, et un corps de lésion sousjacent, permettant un processus de reminéralisation, l’érosion ne produit aucune structure reminéralisable. Mais la recommanda
diagnostic et le traitement des troubles de l’alimentation [6]) . Si le diagnostic initial est posé par le dentiste, il conviendrait de recommander aux patientes, en faisant preuve d’empathie, de consulter un psychothérapeute ou de se rendre dans une clinique spécialisée. Si l’on soupçonne un refl ux chronique, il est également recommandé de consulter un gastroentérologue. De même, il n’est généralement pas possible


tion au moment du brossage des dents est basée précisément sur cette possibilité. On a longtemps supposé que l’exposition à la salive dans la bouche sur une période d’environ 30 à 60 minutes conduisait à une reminéralisation et donc à un «redurcissement» de la surface. Cependant, diverses études ont montré que cela n’est pas le cas même après quatre heures d’exposition à la salive dans la cavité buccale [24,
25]. En effet, la salive contient de nombreuses protéines qui empêchent la précipitation des ions de calcium sur les surfaces lisses. Dans le cas d’une lésion carieuse initiale, ces protéines sont retenues par la couche pseudointacte, mais pas les ions, de sorte qu’ils précipitent dans la lésion et conduisent à des processus de reminéralisation. Cependant, cette couche manque dans une lésion érosive, tout comme la possibilité de reminéralisation par voie de conséquence. Il est donc généralement recommandé en cas d’érosion de maintenir les mesures d’hygiène buccodentaire conventionnelles selon les recommandations de protection contre les caries, à condition qu’elles soient suffi samment effi caces et ne traumatisent pas les tissus durs et mous de la bouche [23]. Les patientes souffrant de troubles de l’alimentation ressentent souvent le besoin de se nettoyer les dents après avoir vomi. Même si les études ne le démontrent pas clairement, il n’est pas recommandé de se brosser les dents après chaque vomissement, car en cas de vomissements fréquents, les dents seraient nettoyées trop souvent. De plus, l’effet acide est beaucoup plus intense qu’avec les sources acides exogènes. Alternativement, après le vomissement, il faudrait se rincer la bouche avec une solution buccodentaire appropriée pour augmenter la résistance de la structure dentaire aux acides. L’utilisation de produits thérapeutiques antiérosifs dans le cadre de l’hygiène buccodentaire quotidienne sous forme de solutions buccodentaires et de dentifrices s’est avérée particulièrement adaptée. La cariologie a montré que les fl uorures pouvaient accroître la résistance des substances dures des dents à la déminéralisation. Cependant, tous les fl uorures ne protègent pas d’égale manière contre la carie et l’érosion. Pour les caries,








de sodium ou le fl uorure d’amine [26]. Cependant, il a été démontré que d’autres composés fl uorés, en particulier les fl uorures en combinaison avec l’étain (F/Sn), sont très effi caces contre l’érosion. D’une part, ils forment des couches de recouvrement résistantes aux acides sur la structure de la dent (Illustration 4); d’autre part, l’étain est incorporé dans les couches supérieures de la structure dentaire et réduit ainsi sa solubilité ace aux acide [27, 28]. Ces deux mécanismes combinés permettent de réduire la progression des érosions dans l’émail de près de 70 % et, dans la dentine, de
Illustration 4: Recouvrement à l’étain sur une surface amélaire traitée avec une solution buccodentaire à l’étain et au fl uorure.
l’acidité légère de la plaque dentaire agit sur la substance dentaire dure. Dans ce cas, les fl uorures sont presque aussi effi caces quel que soit le composé. Dans le cas de l’érosion, par contre, des acides plus puissants sont en action; il en résulte une déminéralisation plus prononcée. Il en résulte une perteperte d’effi cacité au moins partielle des fl uorures conventionnels tels que le fl uorure


près de 50 % grâce à l’utilisation de solutions buccodentaires F/Sn, même avec de très fortes infl uences acides [29], les dentifrices F/Sn étant un peu moins effi caces [30]. Il faudrait donc recommander l’utilisation quotidienne de produits d’hygiène buccodentaire F/Sn aux personnes exposées régulièrement à des acides: un dentifrice pour les expositions moins fortes aux acides et sans signes d’érosion, l’utilisation
quotidienne supplémentaire d’une solution buccodentaire pour les érosions existantes ou une exposition grave aux acides. Chez les patientes atteintes de boulimie, il faudrait utiliser cette dernière après chaque vomissement; les jours sans vomissement, l’usage est laissé au libre arbitre. Les recommandations de se rincer la bouche avec du lait, de l’eau ou une solution au bicarbonate de soude après les vomissements se sont révélées peu effi caces [31]. Les produits contenant de l’hydroxyapatite sont également ineffi caces. Selon le fabricant, les composés calciques devraient au moins partiellement combler les défauts érosifs. Cependant, cet effet n’a pu être démontré dans les études [32] et n’est pas non plus plausible en raison du mécanisme de reminéralisation des défauts d’érosion par la salive, comme décrit. Mâcher un chewinggum peut aider à réduire les symptômes de refl ux. Dans les cas très sévères avec une fréquence élevée de vomissements, on peut envisager la fabrication de gouttières souples pour les deux maxillaires, qui sont utilisées pour protéger les dents du vomissement autoinduit. Si l’aliment principal consommé lors des attaques de boulimie est un aliment acide ou à faible teneur en calcium, l’effet antiérosif de la consommation de produits laitiers pendant les crises alimentaires peut être mis en évidence. Cette consommation enrichit le contenu de l’estomac en ions de calcium et réduit donc l’érosivité. En présence d’érosions très prononcées avec une large participation de la dentine, l’obturation de ces zones peut être considérée comme une protection contre une progression ultérieure et pour le traitement des hypersensibilités dentinaires. Les systèmes adhésifs conventionnels et les composites minces, comme ceux utilisés pour sceller les fi ssures, ne présentent qu’une durabilité limitée [33–35]. Cependant, plusieurs études ont montré qu’une surface de dentine enrichie d’étain peut être scellée effi cacement avec des adhésifs autoconditionnant qui contiennent des monomères multifonctionnels (10méthacryloyloxydécyldihydrogénophosphate (MDP). La longévité est très bonne, du moins en laboratoire [36]. Par conséquent, la combinaison d’une solution buccodentaire à l’étain pour l’émail et du scellement des zones dentinaires exposées avec des adhésifs contenant du MDP semble constituer une option valable [37]. Il convient d’éviter le plus longtemps possible les restaurations de grande ampleur. Cependant, si elles s’avèrent nécessaires, il faut recourir à des concepts le moins invasifs possibles [38]. Ces concepts incluent généralement la reconstruction directe avec des matériaux composites. Dans ce contexte, les systèmes adhésifs contenant du MDP doivent également être utilisés dans un traitement symptomatique simultanément avec des produits d’hygiène buccale contenant de l’étain, car leur pouvoir adhésif peut être augmenté par l’enrichissement à l’étain, alors que l’adhérence des adhésifs conventionnels peut parfois diminuer par suite d’un enrichissement à l’étain [39]. Dans le cas d’une réhabilitation générale, le traitement de la maladie sousjacente et l’interruption de l’érosion doivent d’abord être recherchés afi n de ne pas compromettre le succès à long terme des restaurations.
Lignes directrices – classifi cation selon l’AWMF L’AWMF a élaboré un schéma de classifi cation graduelle des lignes directrices. Une distinction est faite entre les recommandations thérapeutiques S1 et les lignes directrices S2e, S2k et S3. Un concept méthodologique est employé pour chaque classe (voir tableau). Il doit être transparent pour chaque utilisateur et défi ni. La classe dépend de la démarche nécessaire et appropriée. Par ailleurs, le tout dépend également du degré de légitimation d’un groupe cible pour l’application d’une ligne directrice.
https://www.awmf.org/uploads/tx_szleitlinien/051026l_S3_ Essstoe rungDiagnostikTherapie_201901.pdf
S3
S2e
S2k
Fondement sur la preuve et le consensus
Fondement sur la preuve
Fondement sur le consensus
Organe représentatif, recherche structurée de consensus
Recherche systématique, sélection, évaluation bibliographique

Organe représentatif, recherche structurée de consensus


Conclusion L’érosion est un problème grave pour les patientes souffrant de troubles de l’alimentation, car elle peut entraîner des limitations tant esthétiques que fonctionnelles. D’autre part, elle provoque des douleurs, ce qui peut réduire davantage la qualité de vie des patientes et rendre leur alimentation plus diffi cile. Il est donc important que les dommages liés à l’acide soient détectés et traités à un stade précoce afi n d’éviter toute destruction grave de la structure de la dent. La médecine dentaire joue également un rôle important dans la détection précoce des troubles alimentaires. Une étroite collaboration entre l’odontologie, ainsi que les somathérapeutes et les psychothérapeutes traitants, tout comme les médecins généralistes de famille ou les pédiatres devrait être recherchée à cet égard. L’utilisation de préparations fl uorées contenant de l’étain sous forme de dentifrices et de solutions buccodentaires constitue actuellement le premier choix. De plus, les zones dentinaires exposées peuvent être enduites d’adhésifs au MDP. Les obturations ou même les couronnes sont le deuxième choix. En principe, les restaurations doivent être conçues avec des concepts le moins invasifs possibles après l’interruption de la progression. Dans la plupart des cas, ils peuvent même être évités grâce à un diagnostic précoce et à un traitement symptomatique suffi sant.

L’auteure Prof. Dr Nadine Schlüter 19962001: études de médecine dentaire à l’Université GeorgAugust de Göttingen. 20022011: assistante/collaboratrice scientifi que à la Policlinique de restauration et de prévention dentaire et de prévention de l’Université JustusLiebig de Giessen. 2004: Promotion (Dr. med. dent.). 20112017: secrétaire générale de la dgpzm. 20112015: cheffe de clinique à Policlinique de restauration et de prévention dentaire et de prévention de l’Université JustusLiebig de Giessen. 2012: habilitation. 20122018: membre du comité de l’European Organisation for Caries Research (ORCA). 2012: séjour de recherche à la Klinik für Zahnerhaltung, Präventiv und Kinderzahn medizin de l’Université de Berne (direction: Prof. Dr. Lussi) au sein du groupe de travail «Dental Materials». 2013: Venia Legendi. 20142018: trésorière de l’European Organisation for Caries research (ORCA). 2015: chaire de recherche cariologique à l’Université AlbertLudwig de FribourgenBrisgau. Depuis octobre 2015: direction du service de cariologie au Département odontostomatologique et orthodontique de l’Université AlbertLudwig de FribourgenBrisgau. Depuis 2017: Associate Editor du European Journal of Oral Sciences.
Korrespondenzadresse: Prof. Dr. Nadine Schlüter Stiftungsprofessur für Kariesforschung Klinik für Zahnerhaltungskunde und Parodontologie Department f. Zahn, Mund u. Kieferheilkunde Universitätsklinikum Freiburg D79106 Freiburg i. Br. nadine.schlueter@uniklinikfreiburg.de
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