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Des économies réalisées grâce aux soins parodontaux professionnels
Résumé de la publication dans le Swiss Dental Journal: «Cost savings in the Swiss healthcare system resulting from professional periodontal care»

Résumé
Plus de 740 millions de personnes dans le monde sont touchées par des maladies parodontales et présentent un risque accru de dommages secondaires tels que les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2, ce qui représente une charge financière pour les systèmes de santé. Une simulation informatique a donc permis d'étudier, selon différents scénarios, les coûts du traitement de la gingivite et de la parodontite ainsi que les coûts consécutifs qui y sont liés et qui, en Suisse, doivent être pris en charge par les patient-e-s à titre privé ou par l'aide sociale. Selon le scénario, 200 000 personnes ont été simulées sur une période de 35 à 100 ans. Les résultats montrent clairement qu'un diagnostic adéquat et un suivi parodontal professionnel peuvent permettre de réaliser des économies considérables sur les frais de traitement. Jusqu'à 5,94 milliards de francs suisses de frais privés et 1,03 milliard de francs suisses de frais de l’aide sociale, pourraient être économisés pour la population suisse. Au total, pour une personne de 35 ans, les coûts de traitement jusqu'à la fin de sa vie s'élèvent à CHF 17 310 pour un suivi parodontal minimal et à CHF 15 606 pour un suivi parodontal optimal, ce qui correspond à une économie moyenne de CHF 1704 par personne. Si une personne atteinte d'une parodontite sévère est suivie au cours de sa vie avec un traitement parodontal et un suivi à long terme indiqué pendant 100 rendez-vous au total, le système de santé suisse peut économiser en moyenne CHF 17 par rendez-vous de traitement.
Introduction
La parodontite touche de nombreuses personnes dans le monde entier et, dans sa forme sévère, elle est l'une des maladies non transmissibles les plus courantes, associée à d'autres problèmes de santé tels que les maladies cardiovasculaires et le diabète. Ces maladies représentent une charge financière considérable pour les systèmes de santé. L'objectif de cette étude était donc d'estimer les coûts directs et indirects du traitement de la gingivite et de la parodontite ainsi que les coûts induits pour le système de santé suisse. A l'aide d'une simulation informatique, il a été examiné si un traitement parodontal professionnel et un suivi à long terme correspondant permettaient de réduire les coûts de santé de la population suisse. Comme les coûts de la santé ne cessent d'augmenter en Suisse et que la parodontite est associée à d'autres maladies graves, il est important que les responsables politiques et les organisations de la santé prennent au sérieux la prévention, le traitement et la gestion de la parodontite. Un diagnostic précoce et un traitement adéquat pourraient contribuer à réduire les complications et les effets négatifs, et, par voie de conséquence, à diminuer les coûts croissants de la santé.
Matériel et méthodes
La présente étude était basée sur un modèle économique développé par la
Fédération européenne de périodontologie (EFP). Ce modèle a été complété par quelques extensions et adapté à la population suisse. L'étude a examiné les coûts de la santé tout au long de la vie de la population suisse en cumulant les coûts totaux du traitement des maladies parodontales et de leurs complications telles que les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2. La simulation de 200 000 personnes dans chaque groupe d'âge et l'analyse statistique ont été réalisées à l'aide du programme statistique R. Trois scénarios ont été étudiés, qui se distinguent par la prévalence de la gingivite et de la parodontite. La probabilité de contracter une parodontite n'a pas été modélisée de manière continue, mais a varié pour les personnes âgées de 65 ans et plus. L'étude a distingué trois types de parodontite: légère (type I), modérée (type II) et sévère (type III). Le modèle a en outre pris en compte les coûts de quatre étapes de traitement jalonnant le traitement de la parodontite: préparation au traitement parodontal, traitement parodontal initial, chirurgie parodontale et suivi à long terme (recall). L'étude a également estimé les coûts directs du traitement de la parodontite modérée et les coûts indirects des séquelles dues au diabète de type II et aux maladies cardiovasculaires.
Résultats
Le coût total du traitement de la gingivite, de la parodontite et des lésions secondaires associées a été présenté selon trois scénarios, le coût moyen étant le plus élevé dans le scénario 1 et le plus bas dans le scénario 3. Les coûts totaux ont été calculés jusqu'au décès d'une personne et s'élevaient en moyenne, pour une Suissesse de 35 ans, à CHF 17 310 pour le scénario 1, CHF 16 518 pour le scénario 2 et CHF 15 606 pour le scénario 3. Pour les personnes âgées de 65 ans et plus, les coûts moyens pour les scénarios 1 à 3 étaient respectivement de CHF 8 034, de CHF 7 362 et de CHF 6 885. Les coûts étaient pris en charge à titre privé ou par l'aide sociale. Il s'est avéré que les coûts les plus élevés concernaient le traitement de la parodontite et des maladies générales.
Les coûts totaux pour la population suisse âgée de 35 à 100 ans s'élevaient à CHF 53,89 milliards (scénario 1), CHF 51,28 milliards (scénario 2) et CHF 47,95 milliards (scénario 3). Les économies financières s'élèvent à CHF 2,61 milliards pour le scénario 2 et à CHF 5,94 milliards pour le scénario 3. En ce qui concerne les coûts de l’aide sociale, les différences sont moins importantes. En cas de diagnostic adéquat et de traitement parodontal professionnel, les coûts totaux peuvent être réduits dans tous les scénarios. Dans le scénario 3, si une personne prend au total 100 rendez-vous pour un suivi professionnel à long terme (recall), il est possible d'économiser en moyenne 17 CHF par visite sur les coûts totaux du système de santé suisse.
Discussion
L'étude montre qu'une réduction de 50 % de la prévalence de la parodontite, associée à une amélioration de l'hygiène bucco-dentaire pour éviter les gingivites, permet de réaliser des économies considérables sur les coûts de traitement de la gingivite, de la parodontite et des séquelles qui en découlent. La simulation montre également que la mise en œuvre du scénario 3 en Suisse permettrait de réaliser des économies pouvant atteindre CHF 5,94 milliards (plus de CHF 1100 par personne sur la durée de vie). Une réduction des gingivites de 10 points supplémentaires peut déjà entraîner des économies de coûts significatives pour le système de santé suisse.
La prévalence mondiale de la parodontite n'a guère évolué au cours des 20 dernières années. L'étude de simulation résumée ici montre qu'une parodontite non traitée entraîne non seulement des coûts directs, mais aussi des coûts indirects consécutifs dans le système de santé. Les coûts directs de traitement de la parodontite sont estimés à 298 milliards de dollars américains (4,6 % des coûts de santé) dans le monde, et les coûts indirects à 144 milliards de dollars américains.
Le dépistage précoce et la prévention de la gingivite (et donc de la parodontite) peuvent réduire les coûts directs et indirects. En Suisse, une réduction de moitié de la prévalence de la parodontite ainsi
Coûts privés moyens par traitement et par scénario A
Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3
Scénario 1
Un rendez-vous chez l'hygiéniste dentaire par an pour les patient-e-s atteints de gingivite. (C'est la situation actuelle.)
Deux rendez-vous chez l'hygiéniste dentaire par an pour les patient-e-s atteints de gingivite. (Cela permet une meilleure détection précoce de la parodontite et une réduction du coût total du traitement.)
Un rendez-vous chez l'hygiéniste dentaire par an pour les patient-e-s en bonne santé et deux rendez-vous chez l’hygiéniste dentaire par an pour les patient-e-s atteints de gingivite. Les patient-e-s sont mieux informés sur la maladie et sa prévention. (Cela entraîne également une réduction des coûts totaux de traitement.)
B Coûts moyens de l'aide sociale par traitement et par scénario
Scénario 1
2 Scénario 3
Coûts du traitement de la gingivite et de la prévention
Coûts du traitement de la parodontite
Coûts du traitement des maladies secondaires qu'une amélioration de l'hygiène buccale et des soins à domicile par des patient-e-s informés pourraient faire baisser les coûts jusqu'à 5,94 milliards de francs suisses et entraîner des économies de 1,03 milliard de francs suisses pour l’aide sociale. En fin de compte, l'étude recommande également l'intégration des soins de médecine générale et de médecine dentaire afin de gérer les comorbidités de manière adéquate. La formation des futur-e-s dentistes et hygiénistes dentaires devrait également se concentrer sur la capacité à encourager les patient-e-s à adopter un mode de vie sain et un traitement parodontal de soutien. Les résultats de cette étude devraient contribuer à faire prendre conscience de l'importance de la santé parodontale et à donner la priorité à la prévention de la gingivite afin de réduire les coûts du traitement de la parodontite et de ses conséquences.
Figure 1: En cas d'investissement plus important dans la prévention, c'est-à-dire du scénario 1 (à gauche) au scénario 3 (à droite), les autres coûts du traitement de la parodontite et les coûts consécutifs diminuent. Les six graphiques montrent les coûts totaux attendus en moyenne, en CHF, qui devraient être payés à partir d'un certain âge jusqu'au décès. A: coûts payés par à titre privé (out-of-pocket costs) par traitement et scénario, B: des frais de l'aide sociale par traitement et scénario.
Conclusion
Un dépistage précoce et un traitement adéquat de la parodontite peuvent contribuer à réduire les coûts globaux du traitement de la parodontite et des séquelles associées, en particulier au cours de la deuxième moitié de la vie. Ces économies peuvent également être réalisées au niveau individuel grâce à des traitements parodontaux de soutien réguliers, qu'il s'agisse de traitements payés par les patient-e-s ou de traitements pris en charge par l’aide sociale.
Remerciements
Les auteurs sont très reconnaissants du soutien financier de la Société Suisse de Parodontologie (SSP) et de Swiss Dental Hygienists.
Bibliographie publication originale cf. www.swissdentaljournal.org
Swiss Dent J. 2022 Nov 7;132(11):764779. Epub 2022 Sep 2.
Ramseier CA, Manamel R, Budmiger R, Cionca N, Sahrmann P, Schmidlin PR, Martig L.
Traduction en français: «Économies réalisées dans le système de santé suisse grâce aux soins parodontaux professionnels»
L’auteur
PD Dr méd. dent. Christoph A. Ramseier
Formation initiale et continue à l’Université de Berne, examen d’Etat de médecine dentaire en 1995, Docteur en médecine dentaire en 2000, formation de spécialiste en parodontologie et implantologie aux Cliniques odontostomatologiques de l’Université de Berne 1999–2000, médecin spécialiste en parodontologie SSO/SSP et de l’European Federation of Periodontology (EFP) 2004, chargé de recherche à l’University of Michigan 2004–2008, privat-docent à l’Université de Berne en 2016.
Emploi actuel: Chef de clinique à la Clinique de parodontologie de l’Université de Berne. Principaux sujets de recherche: gestion du risque parodontal, désaccoutumance du tabac en cabinet médicodentaire.
Correspondance:
Klinik für Parodontologie, Zahnmedizinische Kliniken der Universität Bern
Freiburgstrasse 7
3010 Bern christoph.ramseier@unibe.ch
Christine Bischof