Dossier costumes 2016 - Pont-l'Abbé

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Cercle celtique

Ar Vro Vigoudenn Pont-l’Abbé

prix costume Confédération War ‘l Leur - 2016


Préambule Un important travail de recherches documentaires, de collectage et de travail sur des pièces authentiques est réalisé depuis des années afin de reconstituer des costumes le plus fidèlement possible. Le cercle celtique de Pont-l'Abbé a travaillé sur quasiment toutes les modes depuis le début du XIXe siècle jusqu'aux dernières modes bigoudènes. Il a toujours voulu rester fidèle à la très forte identité du territoire. Dès les premiers témoignages au début du XX e siècle et jusqu’aux années 1970, le cercle porte les modes contemporaines du Pays bigouden. Les costumes sont alors familiaux ou empruntés dans les fermes aux alentours. Episode singulier, juste avant la Seconde Guerre mondiale, le groupe abandonne le vêtement de sa région pour emprunter une mode voisine, celle de Pont-Aven, coiffe alors plus à la mode. Cette parenthèse est de courte durée et dès 1945, non sans mal car la pose de la coiffe bigoudène demande plus de savoir-faire, les costumes bigoudens sont de retour. Petit à petit à partir des années 1960, le groupe se constitue un vestiaire. Les costumes du cercle ont suivi l’évolution de ceux portés au quotidien. Un seul costume du début du XXe siècle complétait la série de grandes coiffes, alors encore en usage à la campagne. Sorti en 1980, le film Le Cheval d’Orgueil de Claude Chabrol semble avoir été le déclencheur sinon l’accélérateur d’une véritable démarche. Une petite équipe de passionnés part alors à la recherche de photos, témoignages afin de reconstituer des costumes plus anciens pour les besoins du tournage. A partir des années 1980, l’équipe du cercle n’aura de cesse de mener des recherches sur la mode vestimentaire bigoudène. Elle commence par de toutes petites séries de travail de la fin du XIXe siècle. A partir des années 1990, les reconstitutions s’enchaînent : costumes de mariée de la fin du XIX e siècle, costumes des années 1930, costume des années 1840… La fidélité au costume ancien n’est pas toujours au rendez-vous. Pour des raisons de commodité, les superpositions des jupes du XIX e sont sacrifiées pour de simples volants cousus sur le bas des jupes. Les matériaux, coupes ou ornementations sont hésitants, parfois maladroits. Mais l’intérêt pour la matière et la recherche progressent, entraînent le cercle vers une méthode plus rigoureuse.


Depuis plus d’une décennie, la quasi-totalité des cercles celtiques s’est positionnée sur un terrain plus scientifique. L’équilibre est néanmoins toujours précaire, tiraillés entre le désir d’authenticité et de séduction, de beauté du costume qui se donne à voir en spectacle. Au cercle de Pont-l’Abbé, en 2006, les reconstitutions des costumes de mariage des années 1880 sont finement documentées et analysées. Ils sont fidèles à la réalité mais cèdent encore au mythe avec la couleur rouge des tabliers. Lorsque les soieries arrivent dans les années 1870, les Bigoudènes optent pour des couleurs froides : des bleus, des violets… Pourtant, tout au long du XXe siècle, lors des fêtes folkloriques et autres concours de costumes, ce sont ces tabliers rouges qui seront associés aux costumes de la fin du XIX e dans une ignorance des réalités vestimentaires. Il faut attendre 2010 pour que le cercle ose en découdre avec ce « stéréotype » et opte pour des tabliers à couleur froide.

Après une vingtaine de modes reconstituées et plusieurs créations fantaisistes mais toujours éclairées, le vêtement reste au cœur de la démarche artistique du groupe. Il est le maillon essentiel qui les relie à leur culture.


Un double projet en 2016 Pour la saison 2016, et dans le cadre de cette large étude sur le XIX e en danse et en musique, le cercle a fait le choix de ne porter que des modes vestimentaires en lien. Un choix qui illustre les contradictions et constructions de ce siècle : les grands costumes colorés et la vogue européenne du noir. L’association a porté cette année son plus important projet de reconstitution jamais réalisé sur une saison. Il comporte deux volets, une première série de 17 costumes féminins des années 1880 de dimanche ainsi qu’une seconde de 10 ensembles féminins de mariage des années 1840.

Des vêtements féminins de mariage des années 1840

Edward Hughes vers 1840

Les années 1830/40 voient naître les premiers témoignages précis du costume féminin en Pays bigouden. Les éléments antérieurs sont trop ténus aujourd’hui pour pouvoir en faire une reconstitution précise, notamment au niveau de la coiffe et de la coiffure. Cette première moitié de siècle, comme partout en Bretagne, est très largement colorée. Les matériaux tels les soieries et les rubans témoignent de l’ouverture au Pays bigouden aux circuits économiques français pour le moins. La silhouette bigoudène est déjà en place, le juponage est important, la taille serrée, les rangées de broderies bien présentes, les rubans flottant à la taille. Reste la coiffe, encore très réduite et le chignon lâche sur la nuque qui ont tant interloqué les visiteurs de passage :


Ernest Ménard 1834 : "Ses cheveux noirs, couverts d'un serre-tête de couleur, étaient ramenés sur la nuque ; mais, au lieu de s'arrondir en chignon, ils remontaient vers le sommet, formant une grosse touffe luisante qui s'attachait sous la coiffe. Sa jupe d'étamine bleue était froncée sur les hanches et garnie par le bas de trois larges rubans jaunes. Son tablier, de même étoffe, avait une pièce très ornée qui montait sur la poitrine. Sa chemise de toile de lin, serrée au col avec un bouton d'argent, dessinait fidèlement sa gorge. (...) Elle avait pour camisole un pourpoint sans collet, arrondit autour des hanches et bordé d'un liseré de soie. Une ceinture jaune serrait sa taille, et deux bracelets semblables étaient cousus sur ses bras, l'un au poignet, l'autre au-dessus du coude." Brousmiche 1841 : "Le costume des femmes diffère peu de celui des environs de Quimper. Les jupons d'étoffes de diverses couleurs étagés, le corset ouvert avec la guimpe en toile se retrouvent ici, mais la coiffure diffère essentiellement. Ici on nomme Bigouden celle que portent les femmes. C'est une coiffe très petite, encadrant en partie le visage, mais qui ne couvrant que le sommet, laisse voir la chevelure qui est retroussée en chignon. Cette disgrâcieuse coiffure sied à bien peu de femmes ; elle n'est bien portée que par celles qui sont très jolies, et le nombre n'en est pas considérable : comme la propreté est loin d'être la qualité distinctive des femmes dans le canton de Pont-l'Abbé, il en résulte que leurs cheveux généralement mal peignés, laissent échapper du Bigouden des mèches qui flottent sur le cou, sur les épaules, ce qui produit un effet désagréable. Il est à remarquer qu'un grand nombre d'entre elles ont les cheveux d'un blond roux, ce qui ne présente rien qui soit attrayant." Maxime Ducamp /Gustave Flaubert 1847 : "Le garde lui dit d'ôter le bandeau de laine qui la coiffait ; elle le dénoua par un seul mouvement de main, et toute sa chevelure d'un noir mat et sombre se déroula comme une cascade." "Une compresse mise par-dessus fut retenue par le bandeau, recouvert lui-même par le bonnet".


Des vêtements noirs féminins de dimanche des années 1880/90 Les costumes brodés sont les principales pièces léguées par les générations précédentes. Il s’avère pourtant que la majorité de la population bigoudène n’a jamais eu les moyens de s’offrir de telles pièces. Beaucoup ont vécu en noir toute leur vie. Disposant d’effectifs conséquents, le cercle a souhaité réaliser une belle série de costumes femmes entièrement noirs, de la fin du XIX e siècle.

La coiffe est encore petite, de l’ordre de quelques centimètres, les cheveux sont parfaitement lissés au sommet de la tête. La silhouette est massive, portées sur un faux-cul, deux jupes se superposent. L’ensemble du vêtement est majoritairement et traditionnellement réalisé en cadis, un drap de laine bleu puis noir de haute qualité. Un tablier damassé à tout petit empiècement témoigne de la mutation de ces pièces maîtresses à la fin du XIX e siècle. Les hauteurs de velours des gilets, des jupes et des manchettes ne sont pas encore très importantes.


En quelques chiffres … Côté broderie :

10 plastrons à broder ainsi que leurs 10 revers, soit environ 50 heures de travail pour 1 seul costume. 40 revers de manches, 12 heures de travail par paire. 2 bandes de bas de jupes avec sur chacune 2 lignes de point de chausson à broder, soit 16 mètres par costume. Au total ce sont 160 qui ont été brodés ! Et on ajoute 10 coiffes (ouf, la broderie n’est pas encore étendue … !), 10 paires de chaussons, 10 koef-blev (bonnets), et voilà, nous avons fait le tour ! Côté couture :

54 jupes, froncées à la taille avec chacune 3 fils, 17 gilets surpiqués, 10 gilets, 10 corselets, 17 paires de manchettes, soit plus de 150 mètres de drap de laine. 27 tabliers également froncés, dont 10 plissés au fer. 34 lacets de bonnet, 27 rubans de tablier, 17 cocardes … … mais nous n’avons pas compté les bobines de fil !

Extrait d’un tableau récapitulatif des matériaux nécessaires. Toutes les pièces y sont répertoriées et chiffrées pour ne rien oublier.


Quelques documents de travail ‌


Christies Huyghes 1863 (à gauche) Nicolas Poussin 1851 (à droite)

Prosper SaintGermain 1844 (à gauche) Gustave Toudouze (à droite)

Ces pièces et iconographies ne sont qu’une petite sélection, plusieurs dizaines de documents (textiles et picturaux) ont été nécessaires à la reconstitution de la série de costumes des années1840.


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