NOMINÉ • Pages 64–68
Craig Kielburger
TEXTE: MAGNUS BERGMAR
POURQUOI CRAIG A-T-IL ÉTÉ NOMINÉ ? Craig Kielburger a été nominé au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009, pour son combat afin de libérer les enfants de la pauvreté, des injustices et autres violations des droits de l’enfant. Mais il veut aussi que les enfants sentent qu’ils ont le pouvoir de créer un monde meilleur pour les enfants. En 1995, à l’âge de 12 ans, Craig a créé Enfants Libres (Free The Children –FTC). FTC a depuis construit plus de 500 écoles pour 50.000 élèves dans 21 pays, envoyé 200.000 colis de matériel sanitaire et scolaire ainsi que des équipements médicaux pour 9 millions de USD. FTC a donné à 20.000 femmes des vaches, des chèvres, des machines à coudre ou des champs, pour qu’elles puissent gagner de l’argent et que leurs enfants ne soient pas obligés de travailler. FTC a aussi pourvu 123.000 personnes en eau potable. Plus d’un million d’enfants et jeunes gens dans 45 pays ont, grâce à FTC, appris à aider d’autres enfants et compris qu’ils ont le droit et le pouvoir d’exiger le respect pour les droits de l’enfant.
Le soir du 16 avril 1995, Iqbal Masih est assassiné. La nouvelle de la mort du jeune ex esclave pour dettes fait le tour du monde… …À Toronto au Canada, Craig Kielburger, 12 ans, tend le bras vers le journal, au petitdéjeuner. Il ne se doute pas que ce jour-là, le journal contient une nouvelle qui va bouleverser sa vie…
J «
e pensais feuilleter le journal pour lire la bande dessinée, mais mes yeux sont tombés sur la premièrepage où on parlait d’un garçon travailleur de 12 ans qui avait été tué, raconte Craig. La cuiller s’est figée dans les céréales pendant que Craig lisait tout l’article. – D’abord tout ce qui était arrivé à Iqbal m’a semblé irréel. Je n’avais jamais entendu parler de travail enfantin ou d’esclavage pour dettes et cela m’a bouleversé. – J’ai demandé à mes
parents si c’était vrai. « Cherche dans les livres » m’ont-ils répondu. Je suis allé à la bibliothèque et ai pris contact avec plusieurs organisations et petit à petit j’ai compris. Enfants Libres (Free The Children) – J’ai demandé à mon professeur si je pouvais dire quelque chose à la classe. « Vas-y ! », m’a-t-il dit. Alors j’ai parlé du travail des enfants et d’Iqbal. – Après l’école j’ai téléphoné à mes camarades de classe. 20 d’entre eux se
sont réunis chez moi. Nous avons fait une exposition et avons décidé de créer Enfants Libres. Nous avons vendu du sirop et d’autres choses dans un garage pour recueillir de l’argent contre le travail enfantin. – L’un de ceux que j’avais contactés, m’a dit que si je voulais en savoir plus sur la vie de ces enfants, je devais aller les voir. La pensée d’un voyage ne quitta plus Craig. Mais sa mère lui dit : – Non, jamais de la vie ! Mais quand un garçon de 25 ans promit de s’occuper de Craig lors d’un voyage de sept semaines en Inde, au Pakistan, au Népal et en Thaïlande et que les parents de Craig se rendirent compte que le voyage était bien préparé, ils ont cédé. – Depuis, je sépare ma vie en « avant l’Asie » et « après l’Asie », dit Craig. A libéré les enfants des fabriques de tapis Au cours de son voyage, Craig a rencontré un garçon gravement blessé par une
Manifestation en Inde Craig avec des enfants travailleurs indiens lors d’une manifestation contre le travail enfantin nuisible.
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explosion dans une fabrique de feux d’artifices, où il faisait un travail dangereux sans protection. Il a aussi rencontré une petite fi lle qui, sans aucune protection, détruisait de vieilles seringues, en les écrasant pieds nus. – Elle ne savait rien du sida ou que les seringues peuvent transmettre des maladies. En Inde, Craig a pu également participer à libérer des enfants esclaves pour dettes chez un propriétaire très cruel. – Je ne les oublierai jamais. Nageshwer, un garçon de 12 ans m’a raconté que les brûlures sur ses jambes étaient la punition pour avoir essayé d’aider son frère à s’enfuir. Et Mohan, 9 ans, a raconté que lui-même et les 20 autres enfants de la fabrique de tapis ont vu assassiner deux enfants avec des cannes de bambou et des couteaux après qu’ils ont été repris au moment où ils essayaient de se sauver de la fabrique. Le ministre à genoux Au même moment où Craig se mettait en route, le Premier ministre du Canada d’alors partait avec des chefs d’entreprise canadiens en Asie. Pour faire de bonnes affaires. J’ai reçu un fax en Inde qui m’annonçait que le Premier ministre arrivait.
Au Brésil, Craig a, entre autres, rencontré des enfants qui vivaient dans la rue et travaillaient dans des plantations de sisal.
Je me demandais s’il pensait parler du travail des enfants et je lui ai envoyé un fax en lui demandant s’il voulait bien me rencontrer. « Non ! » fut la réponse. Le Premier ministre n’avait pas l’intention de parler du travail des enfants dans les pays qu’il visitait, même s’il s’agissait des pays qui comptent le plus d’enfants travailleurs. Le Premier ministre allait le regretter. Craig donna une conférence de presse. À ses côtés, il y avait Nageshwer et
Craig et le Premier ministre Quand les journaux du Canada ont parlé du combat de Craig contre le travail des enfants, le Premier ministre canadien d’alors, Jean Chrétien a accepté de le rencontrer.
Mohan, les deux enfants libérés. Leurs récits et celui de Craig fi rent grande sensation au Canada. – C’est la responsabilité morale du Premier ministre de soulever la question du travail des enfants quand il rencontre le Premier ministre indien, dit Craig. Les conseillers du Premier ministre comprirent qu’ils ne pouvaient plus ignorer ce garçon et tout à coup le Premier ministre avait du temps pour Craig. Le résultat fut que le Premier ministre souleva la question du travail des enfants avec tous les Premiers ministres qu’il rencontra pendant son voyage. Quand la décision vint que le Canada se préoccuperait plus des droits des enfants dans ses contacts avec d’autres pays, ce fut une victoire pour Craig et pour Enfants Libres. Les adultes ne comprennent pas Beaucoup d’adultes ne croyaient pas que c’était de sa propre volonté que Craig se battait pour les droits de l’enfant.
– Les adultes me demandaient : Qui est derrière toi ? Qui te dirige ? Mais pourquoi est-ce que les adultes sont si étonnés quand les enfants se soucient de ce qui se passe dans la société ? Ils sous-estiment les facultés des enfants, dit Craig. – Les enfants ne peuvent pas comprendre que les adultes réussissent à envoyer un homme dans la lune et à fabriquer des armes atomiques, mais ne peuvent pas nourrir tous les enfants de la terre. Des adultes ont cherché à atteindre Craig. Un jour on a téléphoné d’un journal en Allemagne et c’est sa mère qui a répondu : – N’est-ce pas qu’il a 19 ans, pas 12 ? – Évidemment qu’il a 12 ans. Je suis sa mère, je suis bien placée pour le savoir ! Un journal canadien a prétendu que Craig et sa famille avaient détourné une grosse somme d’argent, bien que 2.000 personnes aient pu voir Craig remettre l’argent à une organisation indienne qui se bat pour les enfants travailleurs.
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Les enfants ont le pouvoir ! Craig et Enfants Libres veulent que les enfants se rendent compte qu’ils peuvent faire entendre leur voix et que les adultes doivent écouter. – Les enfants ont le pouvoir, il faut qu’ils le sachent, et ils peuvent vraiment changer les choses, dit Craig convaincu. Et ils sont bien plus forts ensemble que seuls. – Quand tu as trouvé quelque chose auquel tu tiens, c’est important de te procurer des informations à ce sujet. Puis, tu peux en parler à d’autres et les adultes ne peuvent tout simplement plus te repousser. – Aider les autres renforce les enfants d’une façon extra-
ordinaire. Moi et mon grand frère Marc avons écrit le livre Me to We (De moi à nous). Devenir heureux en aidant les autres. Il ne s’agit pas de bienfaisance où on ne fait qu’envoyer de l’argent, nous ne sommes pas comme ça. Nous voulons changer la façon de penser des gens et faire en sorte qu’ils se sentent responsables de leur vie. Et qu’au lieu de penser Moi ils pensent Nous, explique Craig. Si Enfants Libres au début signifiait plus libérer les enfants du travail et de la pauvreté, pour Craig aujourd’hui, cela veut aussi dire libérer les enfants du Canada et des autres pays riches de l’idée de devoir toujours penser à soi. – Nous le faisons en leur donnant la possibilité de faire la différence. Nous les aidons à prendre conscience de la possibilité de penser aux autres dans leur vie quotidienne, à choisir des marchandises produites avec justice et comment, lorsqu’ils peuvent voter, ils peuvent contribuer à augmenter l’aide du Canada à l’étranger. FTC dans le monde Le but de FTC est naturellement aussi de contribuer à
Libéré de l’esclavage Craig avec un enfant travailleur dans une fabrique de tapis en Inde, qu’il a contribué à libérer de l’esclavage.
changer la vie des enfants dans le besoin de par le monde. – La prévention est la clé du changement, dit Craig. Nous avons choisi de miser sur les écoles et les cliniques. Ce sont les enfants qui recueillent l’argent, mais FTC a aussi reçu l’aide de Angel Network de Oprah Winfrey qui paye 50 écoles FTC dans le monde entier. On collecte l’argent de toutes les façons possibles, comme la compétition « de la cravate la plus moche » ou « devinez l’âge de votre professeur ». Il y a les « campagnes brique à brique » afi n de recueillir 6.000 dollars et pouvoir
construire une école dans l’un des 21 pays d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique du Sud. Pour chaque 100 dollars que l’école a recueillis, on pose une brique peinte sur une paroi « murée » jusqu’à ce que la paroi soit terminée. Souvent ils défient par exemple les entreprises à donner autant que ce qu’ils ont eux-même recueilli.
Guerre de boue pour l’école Craig et d’autres jeunes canadiens se sont rendus au Nicaragua pour construire une école avec les villageois. C’était un travail boueux, même sans guerre de boue…
Les conseils de Craig Enfants Libres veut que les enfants de par le monde prennent conscience que : • Ils ont le droit de faire entendre leur voix ! • Ils ont des droits ! • Ils peuvent provoquer des changements ! • Ils peuvent influencer la vie d’autres enfants ! • Leur avis compte !
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Le toit et les parois Merci, la vache!
Avant, à la période des pluies, il pleuvait dans la maison, depuis on a refait la toiture, colmaté les fissures des parois et repeint.
Du jasmin dans les cheveux Dans le sud de l’Inde les filles ont presque toujours des fleurs dans les cheveux et le village de Nandini est spécialement connu pour ses belles fleurs de jasmin. TEXTE: CARMILL A FLOYD PHOTO : KIM NAYLOR
Nandini était esclave pour dettes Nandini, 13 ans, habite à Thiruvanrangapatty en Inde. Quand sa mère et sa grand-mère sont tombées malades, son père a emprunté de l’argent pour les médicaments. À présent Nandini s’inquiète de ce qui arrivera si sa famille ne peut pas rembourser le prêt.
L
e père de Nandini qui est paysan, ne gagne que 250 roupies (5 USD) par mois. Il vient d’emprunter 5.300 roupies à un riche villageois. Comment pourront-ils jamais le rembourser ? Un jour l’homme vient les voir. Il est furieux et crie qu’il veut son argent. – Sinon, il faudra que votre fi lle vienne travailler dans mon atelier. Le soir, les parents expli-
Merci, la vache!
quent que Nandini doit quitter l’école pour commencer à travailler déjà le jour suivant. D’abord elle se met en colère puis elle commence à pleurer. Maman et papa pleurent aussi en lui demandant pardon. Des coups de canne. Dans une petite salle sombre, 20 ouvriers sont penchés sur leur polisseuse. Nandini polit de minuscules pierres. Parfois elle se trom-
pe, glisse et se fait mal à la main. On doit jeter les pierres ratées ce qui met le propriétaire hors de lui. Il bat Nandini tous les jours, à coups de poings ou avec une canne. Nandini polit 50 pierres par jour, sept jours par semaine, de huit heures du matin à huit heures du soir. Parfois Nandini rêve de se sauver, mais qu’est-ce qui arriverait alors à sa famille ? Nandini gagne 25
Une vache a changé sa vie !
En une année une vache d’Enfants Libres a changé la vie de Nandini. Aujourd’hui la famille peut remercier sa gentille vache, entre autre, pour tout ce qui suit :
Chèvres
Avec l’argent du lait et des veaux la famille a acheté des chèvres qui donnent du lait et de la bouse de chèvre pour le carburant et l’engrais.
Pierres polies par des esclaves Des dizaines de milliers d’enfants polissent des pierres en Inde, comme le faisait Nandini. Des milliers d’entre eux sont esclaves pour dettes. Ils travaillent les pierres précieuses synthétiques, des imitations de, par exemple, diamants ou rubis. On utilise les pierres dans des bijoux vendus en Inde, aux USA et en Europe.
Vêtements – Avant je n’avais que des vêtements usés et déchirés, dit Nandini. Maintenant j’ai plus de choix et de beaux vêtements pour les fêtes et les cérémonies.
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roupies par jour. Le patron les lui prend en remboursement du prêt. Mais après une année la dette n’a pas baissé, au contraire. La dette grandit car les intérêts sont très hauts. Nandini se rend compte qu’elle sera esclave pour dettes toute sa vie. Aidée par une vache Un jour des représentants d’Enfants Libres viennent leur rendre visite pour connaître les problèmes de la famille. Ils demandent à la mère de Nandini de quoi elle a besoin. – J’aimerais bien une vache, dit-elle. En deux mois la mère de Nandini peut vendre assez de lait pour payer la dette au patron de l’atelier. Nandini
est libre et peut reprendre l’école. – C’était le plus beau jour de ma vie, dit Nandini. Elle a mal aux yeux. Il se peut d’ailleurs que ses yeux ne guérissent plus. Avec l’aide d’Enfants Libres, elle et les enfants du village ont crée un club qui se bat contre le travail des enfants. – Nous, les enfants ne recevons aucune d’aide. Alors nous devons nous entraider, dit Nandini, qui veut être un policier juste et bon quand elle sera grande. – Je ferai en sorte que tout le monde respecte la loi et qu’il n’y ait plus d’enfants esclaves ni d’enfants travailleurs. Tous les enfants auront accès à l’instruction.
La connaissance c’est du pouvoir ! Enfants Libres pensent que l’instruction est la meilleure arme contre la pauvreté et le travail des enfants. Dans le village de Nandini on a ouvert une école pour les enfants les plus jeunes. Les enfants plus âgés vont en autobus dans une école publique dans la ville la plus proche, mais le soir ils ont des cours d’appoint et de l’aide pour les devoirs.
Polisseuse de pierre
Merci, la vache!
Achetée avec l’argent de la vente des veaux. Ainsi la mère de Nandini, en tant qu’indépendante, peut travailler à la maison, polir les pierres et les vendre et gagner directement de l’argent plutôt que de travailler pour un bas salaire dans un atelier.
Veaux À ce jour la vache a eu deux veaux qui ont été vendus.
Électricité Une des premières choses que la famille s’est offerte avec l’argent de la vache, c’est l’électricité. Il peut faire jusqu’à 50 degrés dans le sud de l’Inde, alors un ventilateur c’est utile ! Et puis aussi bien la télé que la polisseuse marchent à l’électricité.
Instruction
Meilleure nourriture
– Maintenant je peux penser à l’école et à avoir de bonnes notes, dit Nandini. J’ai deux uniformes scolaires pour ne pas laver tout le temps.
Avant Nandini avait toujours faim. Elle ne mangeait qu’un plat de riz par jour. Maintenant la famille a une bonne et saine nourriture avec beaucoup de légumes, trois fois par jour !
Lait La vache donne sept litres de lait par jour. On en vend la moitié et le reste est utilisé par la famille.
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