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# 50 2008
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VOTE! RÖSTA! T ! TA ¡VOTA!
HAY BAU ! JORDENS BARNS PRIS FÖR BARNETS RÄTTIGHETER
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PRIX DES ENFANTS DU MONDE POUR LES DROITS DE L’ENFANT
PREMIO DE LOS NIÑOS DEL MUNDO POR LOS DERECHOS DEL NIÑO
PRÊMIO DAS CRIANÇAS DO MUNDO PELOS DIREITOS DA CRIANÇA
THE WORLD’S CHILDREN’S PRIZE FOR THE RIGHTS OF THE CHILD
# 50 • 2009
•
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Nous
Les droits de l’enfant
le WCPRC et le Vote Mondial
Qu’est-ce que le WCPRC ...........................4 Célèbre les droits de l’enfant .......................8 Comment vont les enfants du monde ..... 10 Cérémonie de remise des prix 2008 ...... 12 Les lauréats du Prix d’Honneur ................ 14 Les candidats au titre de Héros des Enfants pour la Décennie .................. 15
Voir le Supplément du vote
SUÈ
CANADA GRANDE BRETAGNE
Le jury du Prix des Enfants du Monde
ÉTATS UNIS
IS PA
P. 84 et Supplément du vote p. 36–41
Gandhi vote Supplément du vote p. 2
MEXIQUE
NIGERIA
COLOMBIE
Les personnes apparaissant dans ce numéro du Globe vivent dans les pays et les régions suivants :
PÉROU BOLIVIE
GUINÉE-BISSAU GHANA SIERRA LEONE BENIN CAMEROUN BRÉSIL
RD DU CONGO
ZIM
Thanks! Tack!
Merci ! ¡Gracias! Obrigado!
À Sa Majesté la Reine Silvia de Suède, l’Asdi, Swedish Postcode Lottery, Rädda Barnen, Surve Family Foundation, Radiohjälpen, Axel & Sofia Alms Minne, Altor, AstraZeneca, Banco Fonder, eWork, Interoute, Kronprinsessan Margaretas Minnesfond, Folke Bernadotte Akademin, Helge Ax:son Johnsons Stiftelse, Svenska Naturskyddsföreningen, Dahlströmska Stiftelsen och PunaMusta Oy. À la King Baudouin Foundation US, The ForeSight Group, Boob Design, Communication Works (Afrique du Sud), GiverSign & Linus Bille, Cordial, Markus Reklambyrå, Twitch Health Capital, Grenna Polkagriskokeri, Ågerups, Floristen à Mariefred, ICA Torghallen Mariefred, Centas, Euronics Strängnäs, Petter Ljunggren, Lilla Akademien, Gripsholms Värdshus, Gripsholms Slottsförvaltning, Gripsholmsvikens Hotell & Konferens, Grafikens Hus, Maria Printz & Printzens Matverk, Broccoli et Benninge Restaurangskola. Jury du Prix. À tous les enfants, jeunes gens et professeurs des écoles Amies Universelles. Tous les Amis Adultes Honoraires, les Amis Adultes et organisations partenaires. La direction et le conseil consultatif de la World’s Children’s Prize Foundation ainsi que la direction de Barnens Värld. IFES (International Foundation for Electoral Systems).
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SO
Au Bangladesh: Svalorna/The Swallows, SASUS Bénin: Juriste Echos Consult Brésil: Grupo Positivo (Portal Positivo, Portal Educacional, Portal Aprende Brasil), SEMED-Santarém (PA), 5a Unidade Regional de Educação/SEDUC-PA, SME-Monte Alegre (PA), SME-Juruti (PA), Projeto Rádio pela Educação/Rádio Rural de Santarém, SME-São José dos Campos (SP), SME-Balsa Nova (PR), SME-Rio Branco do Sul (PR) Comitê para a Democratização da Informática do Paraná, ONG Circo de Todo Mundo, Oficina de Imagens, Christiane Sampaio Burkina Faso: Art Consult et Développement Birmanie: BMWEC, Community Schools Program Burundi: Maison Shalom Cameroun: SOS Villages d’Enfants Cameroun, Plan Cameroun Philippines: Lowel Bisenio Gambie: Child Protection Alliance (CPA) Ghana: Ministry of Education, ATWWAR – Ekua Ansah Eshon, Ghana NGO Coalition on the Rights of the Child (GNCRC), Unicef , VRA Schools Guinée-Conakry: Ministère de l’Education, CAMUE Guinée, Parlement des Enfants de Guinée Guinée-Bissau: Ministério da Educação Nacional, AMIC Inde: City Montessori School Lucknow – Shishir Srivastava, Times of India’s Newspaper in Education, Peace Trust – Paul Baskar, Barefoot College, Tibetan Children’s Villages, CREATE, Hand in Hand Kenya: Ministry of Education, Provincial Director of Education for Western and Nyanza Provinces, CSO Network for Western and Nyanza Province – Betty Okero Congo Brazzaville: ASUDH/Gothia Cup Congo Kinshasa: FORDESK, APEC, APROJEDE Mauritanie: Association des Enfants et Jeunes Travailleurs de la Mauritanie Mexique: Secretaría de Desarollo Humano Gobierno de Jalisco – Gloria Lazcano Mozambique:
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Global Vote!
VOTE POUR TON HÉROS DE LA DÉCENNIE!
Merci, vache !
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Vote M ondi 2009: al 15 avri 25 oct l – obre
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Pages
Världsomröstning Votación Mundial Vote Mondial Votação Mundial
PAKISTAN TIBET ISRAËL PALESTINE NÉPAL INDE BIRMANIE BANGLADESH THAÏLANDE VIETNAM SOUDAN CAMBODGE ÉTHIOPIE
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KENYA RWANDA BURUNDI
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ZIMBABWE MOZAMBIQUE AFRIQUE DU SUD
Ballon en sacs de plastique
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Ballon en feuilles de bananes P. 72
Ma garde-robe Supplément du vote p. 5
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Ballon en journaux Ballon en chaussettes
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P. 53 Ministério da Educação e Cultura, SANTAC (Southern African Network Against Trafficking and Abuse of Children), Graça Machel Népal: Maiti Nepal Nigeria: Federal Ministry of Education, The Ministries of Education in Kogi State, Lagos State, Ogun State, and Oyo State, Unicef, Royaltimi Talents Network – Rotimi Samuel Aladetu, CHRINET, Children’s Rights Network – Moses Adedeji Pakistan: BLLFS, BRIC, PCDP Rwanda: AOCM Sénégal: Ministère de l’Education, Ministère de la Femme, de la Famille et du Développement Social, EDEN – Lamine Gaye, Save the Children Sweden, Unicef Afrique du Sud: Ministry of Education, National Department of Education, Eastern, Western och Northern Cape Departments of Education, North West Department of Education and Department of Social Development, Bojanala Platinum District Municipality and Department of Education, Qumbu District of Education, Marlene Winberg Thaïlande: Ministry of Education, Duang Prateep Foundation Tchéquie: Vzajemne Souziti Ouganda: Uganda Local Governments Association – Gertrude Rose Gamwera, Wakiso District, BODCO, GUSCO Grande Bretagne: The Children’s Rights Director for England – Roger Morgan, Oasis School of Human Relations Vietnam: Vietnam Committee for Population, Family and Children – CPFC, Voice of Vietnam – VOV Children’s Programme, Nguyen T.N. Ly, Save the Children Sweden Zimbabwe: Girl Child Network
www.worldschildrensprize.org
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… et un ballon ordinaire !
VOICI THE WORLD’S CHILDREN’S PRIZE FOR THE RIGHTS OF THE CHILD LE PRIX DES ENFANTS DU MONDE POUR LES DROITS DE L’ENFANT
LE GLOBE est publié avec le soutien de
l’Asdi et de Save the Children, entre autres Box 150, 647 24 Mariefred, Suède Tel. +46-159-12900 Fax +46-159-10860 courriel: prize@worldschildrensprize.org www.worldschildrensprize.org
Rédacteur en chef et responsable de publication : Magnus Bergmar Ont collaboré aux numéros 50–51: Andreas Lönn, Paul Blomgren, Johanna Hallin, Tora Mårtens, Ragna Jorming, Carmilla Floyd, Gunilla Hamne, Kim Naylor, Annika Forsberg Langa, Sofi a Klemming, Elin Berge, Mark Vuori, Louise Gubb, Bo Öhlén, Göte Winberg Illustr. & cartes : Jan-Åke Winqvist, Lotta Mellgren, Karin Södergren Graphisme : Fidelity Traductions: Tamarind (anglais, espagnol), Cinzia Guéniat (français), Glenda Kölbrant (portugais), JaneVejjajiva (thaï), Preeti Shankar (hindi), M.A Jeyaraju (tamil), Tran Thi Van Anh (vietnamien). Le magazine est aussi publié en suédois, en arabe et en farsi (Perse) Photo de couverture : Paul Blomgren Litho : Done Impression : PunaMusta Oy ISSN 1102-8343
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Ton prix pour tes droits Salut l’Ami Universel ! Le Prix des Enfants du Monde pour les Droits de l’Enfant (WCPRC) t’appartient à toi et à tous les enfants au-dessous de 18 ans du monde ! Ton école (ou groupe) est l’une des 50.000 écoles Amies Universelles, avec 22 millions d’élèves dans 94 pays. Et bientôt vous serez encore plus. Cette année, c’est le 10ème WCPRC. Nous le célébrons en désignant le Héros des Enfants pour la Décennie, à travers un Vote Mondial de la Décennie. Le WCPRC 2009 se déroulera entre le 15 avril et le 25 octobre. Le 20 novembre, jour où, la Convention sur les Droits de l’Enfant de l’ONU fête son 20ème anniversaire, tu pourras, toi et tous les enfants du monde, dévoiler qui parmi les 13 lauréats est devenu votre Héros de la Décennie !
L
a Montessori Droppen
dans la ville suédoise de Haparanda est devenue, en 2000 la toute première école Amie Universelle. Elle est aussi l’école Amie Universelle la plus au nord du monde. La cour de l’école est recouverte d’une épaisse couche de neige
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pendant la moitié de l’année. Pendant les récréations, les élèves se jettent des boules de neige. S’il y a beaucoup de neige dans la première école Amie Universelle, il y a beaucoup de sable à l’endroit où se trouve la deuxième école Amie Universelle, enregistrée en 2000. Ici, il ne s’agit plus d’une bataille de boules de neige comme chez les enfants de Haparanda, mais d’une vraie guerre avec des grenades et des mines qu’ont vécu les enfants de l’école Gacomo Dheer, en Somalie, Afrique. Le Prix des Enfants du Monde dans toutes les matières Les 13 candidats au titre de Héros des Enfants pour la Décennie sont les personnes
LES ENFANTS POUR LE CHANGEMENT
Le Vote Mondial au Nigeria.
ou les organisations qui ont reçu Le Prix des Amis Universels, décerné par le vote des enfants ou le Prix des Enfants du Monde, décerné par le jury des enfants pendant les neuf premières années du WCPRC, entre 2000 et 2008. On trouve un complément d’informations sur les candidats et sur les enfants dont ils se battent sur : www.worldschildrensprize.org. Cette année, la période du WCPRC est différente et plus longue. Elle se déroule du 15 avril au 25 octobre. C’est vous qui déciderez de la date de votre Vote Mondial, mais voici quelques dates qui tombent particulièrement bien : • Le 15 septembre : Journée Internationale de la Démocratie de l’ONU • Le 21 septembre : Journée Internationale de la Paix de l’ONU
Les enfants du WCPRC veulent le changement, plus de respect des droits de l’enfant et ils s’engagent personnellement pour que cela se réalise. Dans le magazine du prix, beaucoup d’enfants disent ce qu’ils veulent. A la page 42, James, au Ghana, dit « le bâton sévit
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• Le 5 octobre : Journée Mondiale de l’Enfance de l’ONU • Le 24 octobre : Journée Internationale des Nations Unies Dans beaucoup d’écoles on travaille avec le Prix des Enfants du Monde pendant des semaines ou des mois et dans plusieurs matières, y compris les maths. Pour bien organiser le travail sur les droits de l’enfant, nous vous conseillons de suivre l’ordre suivant : 1. Les droits de l’enfant dans ton pays Tu peux commencer par approfondir tes connaissances sur les droits de l’enfant à l’aide du journal du prix (pages 8 à 11) et le www. worldschildrensprize.org. Dans les pays où il y a beaucoup d’écoles Amies Universelles, une feuille d’information sur la situation des droits de l’enfant dans ce pays particulier sera annexée à l’envoi du journal du prix. – Grâce au journal Le Globe, j’ai appris quels sont mes droits. J’aimerais que tous les enfants du monde participent chaque année au Vote Mondial. Je sais que beaucoup d’adultes dans mon pays ne savent pas que les droits de l’enfant existent, dit Massala
du Congo Brazzaville. – Nous devons apprendre aux adultes quels sont nos droits, dit Adoy en Côte d’Ivoire. Koffi en Côte d’Ivoire n’a pas confiance dans les adultes: – Nous les enfants, devons nous battre pour nos droits, on n’a rien pour rien. Je ne comprends pas pourquoi les adultes ne respectent pas les droits de l’enfant. – J’aimerais qu’il y ait un ministre pour nous les enfants, un ministre de l’enfance, qui contrôlerait que nos droits sont respectés, pense Coumba au Sénégal. – Beaucoup d’adultes ne croient pas que nous les enfants puissions avoir des opinions sur l’école et sur la société, dit Carine au Brésil. Aishwarya en Inde, l’appuie: – Les adultes nous sous-estiment. On devrait pouvoir donner notre avis, comme on le fait pour le WCPRC. La meilleure source de développement pour le monde, ce sont les enfants. Comment ça se passe concernant les droits de l’enfant dans ta vie ? À la maison ? À l’école ? À l’endroit où tu vis et dans ton pays ? Est-ce que les hommes politiques écoutent les enfants, qu’est-ce qu’on devrait changer ? Est-ce que les adultes traitent les enfants comme il faut ou qu’est-ce qui devrait changer ?
La Montessori Droppen à Haparanda a été, en 2000, la première école Amie Universelle. Aujourd’hui, il y a 50.000 écoles Amies Universelles.
dans mon école » Les châtiments corporels sont interdits dans 23 pays. Comment est-ce dans ton pays ? Écris au WCPRC à prize@worldschildrensprize.org et dis-nous comment c’est chez toi et dans ton école et ce que tu en penses. Nous tirerons au sort des T-shirts WCPRC et le CD de Gabatshwane, membre du jury, parmi tous ceux qui nous aurons écrit.
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Vote Mondial en RD du Congo.
De quelle façon toi et tes amis, pourriez dire à vos parents, professeurs, hommes politiques, journalistes et à d’autres adultes que les droits de l’enfant ne sont pas respectés et ce qu’il faudrait faire ? Ayanda, en Afrique du Sud, sait ce qu’il veut dire : – Vous, les adultes vous devez me traiter comme vous vouliez qu’on vous traite quand vous étiez enfants ! 2. Les droits de l’enfant dans le monde Dans le supplément consacré au vote tu peux t’informer sur ce que les enfants et les jeunes de différents pays, pensent des droits de l’enfant et du Prix des Enfants du Monde et le Vote Mondial. En t’aidant des expériences des enfants du jury tu peux aussi apprendre beaucoup sur les droits de l’enfant partout dans le monde. (Lis le récit de Bwami à la page 36–41 du supplément et les récits de tous les enfants du jury sur www.worldschildrens prize.org)
L’école Gacomo Dheer, en Somalie a été la deuxième école Amie Universelle.
3. Connaître les candidats aux prix Après avoir travaillé avec les droits de l’enfant et après en avoir parlé, le moment est venu de rencontrer les candidats aux prix de l’année et les enfants pour lesquels ils se battent. Aux pages 16–83 de ce magazine tu feras la connaissance de tous les candidats et des
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IMPORTANT ! Ce n’est pas une compétition !
Le Vote Mondial pour les enfants en Inde, qui se sont retrouvés orphelins à la suite du tsunami.
TEXTE: MAGNUS BERGMAR PHOTO: PAUL BLOMGREN, LOUISE GUBB, ELIN BERGE ILLUSTR ATION: LOT TA MELLGREN
Le WCPRC et le Vote Mondial ne sont pas des compétitions. Tous les candidats ont réalisé des actions extraordinaires en faveur des droits de l’enfant et sont pour cela honorés au cours de la cérémonie de remise des prix.
enfants pour lesquels ils se battent. Comme tu pourras voir, tous les candidats ont accompli des actions remarquables pour les enfants. Si tu avais vécu les mêmes choses que ces enfants et ces jeunes gens, tes sentiments et tes pensées seraient exactement les mêmes que les leurs. Ils sont comme toi. Peut-être aurezvous, comme devoir, la lecture du journal du prix. Peutêtre vous occuperez-vous d’une exposition ou d’une pièce sur les candidats aux prix et les droits de l’enfant. Peutêtre ferez-vous un « voyage » comme reporters, aux pays des candidats. Le guide et la rubrique destinée aux enseignants sur le site web donneront à ton professeur plusieurs idées sur la façon dont on peut travailler avec le WCPRC. Pour que tu puisses faire un choix juste, tu dois connaître tous les candidats, leur travail ainsi que les enfants pour
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lesquels ils se battent. D’habitude il est distribué trois prix : Le Prix des Amis Universels, qui est ton prix et celui des autres enfants qui votent. Lors du premier Vote Mondial, en 2001 ont voté 19.000 enfants. En 2008 ont voté 6,6 millions d’enfants. Le Prix des Enfants du Monde, est le prix des enfants du jury. Le Prix d’Honneur des Enfants du Monde, est le prix des enfants décerné aux candidats qui n’ont reçu aucun des autres prix. En 2009, sera élu le Héros des Enfants pour la Décennie. 4. Préparez et menez à bien la Journée du Vote Mondial Dans certaines écoles, après s’être informés sur les candidats on fait des affiches électorales et des discours. Puisqu’il s’agit de votre vote, c’est important que vous par-
ticipiez à l’organisation du Vote Mondial. Dans le magazine du prix vous pouvez vous renseigner sur les votes mondiaux au niveau international. Pour que votre Vote Mondial soit démocratique, il vous faut : • Liste électorale. Sur laquelle figurent les noms de tous ceux qui ont le droit de vote dans votre Vote Mondial. • Bulletins de vote. Découpez les bulletins de vote qui font partie de l’envoi. S’ils ne sont pas suffisants, photocopiez ceux qui se trouvent à la dernière page du Supplément du vote ou confectionnez-en vousmêmes. Si vous n’avez pas beaucoup de papier, vous pouvez écrire un chiffre de 1 à 13 sur un petit bout de papier. • L’isoloir. Pour que personne ne voie comment vous votez. • L’urne électorale. Tous les bulletins seront mis dans la même urne. Il n’y aura pas d’urne pour chaque candidat, car dans ce cas, on verrait pour qui chacun a voté. • La couleur contre la fraude. Il suffit de cocher les noms sur les listes électorales ou d’une marque de couleur sur un doigt après avoir mis le bulletin dans l’urne. • Les scrutateurs. Cochent le nom des électeurs sur la liste électorale et distribuent les bulletins de vote. • Responsables du bureau de vote. Vérifient le déroulement du vote, les marques de couleur et le dépouillement. Meena vote au Vote Mondial dans le désert du Thar, au Pakistan.
• Préposés au dépouillement. Comptent les voix et communiquent le résultat du vote. La Journée du Vote Mondial Décidez à l’avance de la date du Vote Mondial. En Afrique du Sud, au Mexique et au Brésil, par exemple, des districts scolaires entiers ont choisi une date de vote commune à toutes les écoles. Dans certains pays on réfléchit à la possibilité de décréter une Journée du Vote Mondial unique pour tout le pays. À présent vous êtes experts en droits de l’enfant, vous savez en exiger le respect et vous savez tout sur les candidats aux prix et sur les enfants pour lesquels ils se battent. Vous savez aussi tout sur vos prix et comment réaliser un vote démocratique. Bonne chance pour la Journée de votre Vote Mondial. Communiquez au WCPRC comment ça s’est passé et ce que vous pensez des droits de l’enfant, du WCPRC et du Vote Mondial. Invitez les médias N’oubliez pas d’inviter la presse écrite, la radio et la télévision à votre Journée du Vote Mondial ! Parlez aux journalistes des droits de l’enfant et dites-leur que vous voulez qu’ils soient mieux respectés. Présentez-leur le WCPRC et les actions des candidats. Expliquez-leur comment vous procédez et envoyez les coupures de presse au WCPRC. Il faut fêter ça ! La Journée du Vote Mondial est un jour important. N’oubliez pas de la célébrer. Dans le désert du Thar au Pakistan, les élèves célèbrent leur Vote Mondial au coucher du soleil avec des danses, du thé et des biscuits. À Santarém au Brésil, on assiste à des danses et on sert les fruits de l’Amazonie. En Suède on sert des tourtes décorées avec les enfants de l’arc-en-ciel du WCPRC.
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Incitez les gens à devenir Amis Universels ! Nombre d’écoles et d’élèves dans le monde ne savent pas qu’ils sont les bienvenus en tant qu’écoles Amies Universelles. Toi et ton école, vous pouvez inscrire les écoles de votre région ! C’est gratuit de devenir école Amie Universelle. Pour pouvoir enregistrer une école, il nous faut : le nom et l’adresse de l’école, le nom d’une personne de contact à l’école (professeur ou directeur) ainsi que le nombre total des élèves de l’école. Le certificat Ami Universel que nous enverrons à l’école permettra aux élèves de travailler avec le Prix des Enfants du Monde à l’école et leur donnera le droit de vote dans le Vote Mondial.
Communiquez le résultat du vote de chaque candidat N’oubliez pas de communiquer le résultat du vote de votre école pour les 13 candidats, avant le 25 octobre. Toutes les voix du monde seront additionnées. Vous pouvez enregistrer le résultat du vote au moyen de l’urne électronique sur www. worldschildrensprize.org, par courriel à l’adresse : prize@ www.worldschildrensprize. org, par fax au No +46-159 108 60 ou par poste au WCPRC, Box 150, 647 24 Mariefred, Suède. Dans certains pays, l’école transmet le résultat du vote à un coordinateur local.
La cérémonie de remise des prix 2010 Le 20 novembre les enfants du monde dévoileront l’identité du Héros des Enfants pour la Décennie. Si tu veux savoir comment cela s’est passé, visite : www.worldschildrensprize. org. La cérémonie de remise des prix a toujours lieu mi-avril, à la mémoire d’Iqbal Masih, du Pakistan, le premier lauréat du Prix des Enfants du monde, assassiné le 16 avril 1995. La cérémonie de remise du titre de Héros de la Décennie aura lieu en avril 2010
5. Exigez le respect ! Quand ton pays a ratifié la Convention sur les Droits de
l’Enfant de l’ONU, ce qu’ont fait tous les pays, sauf la Somalie et les États-Unis, ton pays s’est engagé à faire tout son possible pour que les droits de l’enfant soient respectés. Ton pays doit aussi constamment informer sa population enfantine et adulte sur les droits de l’enfant. Le WCPRC aide ton pays dans ce travail. Maintenant que vous êtes experts en droits de l’enfant, vous pouvez les apprendre et les rappeler à la maison, à l’école, auprès des journalistes et des hommes politiques. Vous pouvez également exiger le respect des droits de l’enfant ! Faites lire ce magazine à vos parents !
Le jury choisit les candidats au prix De par leurs propres expériences, les enfants du jury qui viennent de 15 pays, sont experts en droits de l’enfant. Ils ont été, entre autres, enfants soldats, esclaves, réfugiés ou enfants des rues. Ils se battent en faveur des droits de l’enfant.
Le jury international des enfants 2008 avec la reine Silvia après la cérémonie.
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Chaque enfant du jury représente tous les enfants du monde qui ont été victimes des mêmes abus contre les droits de l’enfant ou qui se sont battus en leur nom. Tu peux apprendre les différentes parties des droits de l’enfant en lisant les histoires des enfants du jury dans le magazine du prix et sur www.worldschildrensprize. org. C’est difficile d’être membre du jury. Des millions d’enfants de par le monde doivent apprendre des choses et faire des expériences à travers chaque enfant du jury. C’est pourquoi ce sont les violations contre les droits de l’enfant que tu as vécues ou ton propre combat en faveur du respect des droits de l’enfant et ton récit à ce propos qui décideront si tu peux faire partie du jury. Les enfants du jury devront, dans la mesure du possible, venir de tous les continents et de toutes les grandes religions.
LES AMIS ADULTES HONORAIRES Nous comptons des adultes particuliers qui protègent le Prix des Enfants du Monde pour les Droits de l’Enfant. On les appelle Amis Adultes Honoraires. Certains œuvrent dans le monde entier, d’autres dans leur propre pays. SM la Reine Silvia de Suède a été la première Amie Adulte Honoraire. Parmi les autres, nous comptons Nelson Mandela, Graça Machel, le Premier ministre Xanana Gusmão, Timor Oriental, le Président et Prix Nobel de la paix José Ramos Horta, Timor Oriental, le Prix Nobel Joseph Stiglitz, l’ex Directrice Générale de l’Unicef Carol Bellamy, USA, l’ex Président du Conseil de Sécurité de l’ONU et Secrétaire Général Adjoint, responsable des enfants et des conflits armés, Olara Otunnu, Ouganda, le chef Oren Lyons, Onondaga Nation (USA), le philosophe Ken Wilber, USA et le mannequin et ex réfugiée Alek Wek, Soudan et Grande Bretagne. Désigne qui tu aimerais voir comme Ami Adulte Honoraire et explique pourquoi !
SM la Reine Silvia de Suède.
Nelson Mandela, Ami Adulte Honoraire, sourit en lisant la bande dessinée consacrée à sa vie.
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Célèbre les droits de l’ La Convention de l’ONU sur les Droits de l’Enfant (La Convention de l’Enfant) est composée de 54 articles. Nous en présentons ci-dessous une version abrégée. Tu trouveras le texte intégral de la convention sur www.worldschildrensprize.org Idées générales de la Convention • Tous les enfants ont les mêmes droits et la même valeur. • Tous les enfants ont droit à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. • Tous les enfants ont droit à la protection contre la violence et l’exploitation. • Tous les enfants ont droit à la liberté d’opinion et au respect.
Article 1 Tous les enfants du monde de moins de 18 ans jouissent de ces droits.
illustr ation : lot ta mellgren/ester
Article 2 Tous les enfants ont la même valeur. Tous les enfants ont les mêmes droits. Personne ne sera discriminé. Tu ne seras pas discriminé à cause de la couleur de ta peau, ton sexe, ta langue, ta religion et tes idées. Article 3 Toutes les décisions qui te concernent doivent prendre en compte ton intérêt.
Article 6 Tu as droit à la survie et au développement. Article 7 Tu as droit à un nom et à une nationalité. Article 9 Tu as le droit de vivre avec tes parents, sauf si cela est contraire à ton intérêt. Tu as le droit de grandir chez tes parents, si cela est possible. Article 12–15 Tous les enfants ont droit à dire ce qu’ils pensent. Tu as le droit de donner ton avis et ceci sera respecté, dans toutes
les questions qui te concernent, à la maison, à l’école, avec les autorités et les tribunaux. Article 18 Ton père et ta mère ont la commune responsabilité pour ton éducation et ton développement. Ils doivent toujours penser à ton bien. Article 19 Tu as le droit d’être protégé contre toute forme de violence, contre les mauvais traitements ou l’exploitation, que tu sois sous la garde de tes parents ou de toute autre personne.
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Le 20 novembre est un jour à célébrer. Ce jour-là, en 1989, l’ONU a publié la Convention relative aux Droits de l’Enfant et cette annnée c’est son 20ème anniversaire. Cette Convention est faite pour toi et pour tous les enfants au-dessous de 18 ans. On l’appelle aussi la Convention de l’Enfant. Tous les pays, à l’exception de la Somalie et des USA, ont ratifié (se sont engagés à respecter) la Convention de l’Enfant. Dès lors, ils penseront d’abord au bien des enfants et seront à leur écoute.
J’exige qu’on respecte les droits de l’enfant !
e l’enfant Article 20–21 Tu as droit à une protection même si tu n’as pas de famille. Article 22 Si tu as dû quitter ton pays, tu auras les mêmes droits que les autres enfants dans le pays d’accueil. Si tu t’es enfui seul, tu auras un soutien spécial. On est tenu de t’aider à retrouver ta famille. Article 23 Tous les enfants ont droit à une vie décente. Si tu es handicapé, tu as droit à des soins spéciaux. Article 24 Si tu tombes malade tu as droit à la santé et aux services médicaux. Article 28–29 Tu as droit à aller à l’école et à apprendre ce qui est important, par exemple le respect des droits de l’homme et le respect des autres cultures. Article 30 On respectera les idées et croyances de tous les enfants. Toi, qui appartiens à une minorité, tu as le droit à ta langue, ta culture et ta religion.
Article 31 Tu as droit aux loisirs, au repos, au jeu et à vivre dans un environnement propre. Article 32 On ne t’obligera pas à faire un travail dangereux ou qui entrave tes activités scolaires et ta santé.
LA TRIBUNE DES ENFANTS
Article 34 On ne t’exposera pas à la violence et on ne t’obligera pas à la prostitution. Tu as droit à l’aide et au soutien en cas de maltraitance. Article 35 Tu as droit à la protection contre la vente ou l’enlèvement. Article 37 Tu ne peux être soumis à une peine cruelle ou dégradante. Article 38 Tu ne peux pas être enrôlé dans une armée ni participer aux conflits armés.
POUR LES DROITS DE L’ENFANT
Article 42 Les États doivent faire connaître le texte de la Convention aussi bien aux adultes qu’aux enfants. Tu as le droit à l’information et à la connaissance concernant tes droits. 9
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Comment vont les en Survivre et se développer
2,2 MILLIARDS D’ENFANTS AUDESSOUS DE 18 ANS DANS LE MONDE 80 millions de ces enfants vivent en Somalie et aux USA, les deux pays qui ne se sont pas engagés à respecter les droits de l’enfant. Tous les autres pays ont promis de respecter les droits de l’enfant.
Nom et nationalité Quand tu viens au monde, tu as droit à être enregistré comme citoyen de ton pays. Chaque année 136 millions d’enfants naissent dans le monde. 48 millions d’entre eux ne sont jamais enregistrés. Il n’y a pas de preuve écrite de leur existence !
Tu as droit à la vie. Les pays qui ont signé les droits de l’enfant feront tout pour que les enfants survivent et se développent. 1 enfant sur 14 dans le monde (1 sur 7 dans les pays pauvres) meurt avant l’âge de cinq ans, la plupart de causes qui auraient pu être évitées.
Santé et Assistance médicale Tu as droit à la nourriture, à l’eau potable et aux soins médicaux. 25.000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque jour (9,2 millions par an) de maladies dues au manque de nourriture, d’eau potable, d’hygiène et de soins médicaux. La vaccination contre les maladies infantiles les plus courantes sauve 3 millions d’enfants par an. 1 enfant sur 5 n’est jamais vacciné. 1,4 millions d’enfants meurt chaque année de maladies contre lesquelles on peut se faire vacciner. 6 enfants sur 10 dans les 50 pays les plus pauvres n’ont pas accès à l’eau potable. Chaque année un million de personne, la plupart des enfants, meurt de malaria. Seulement 1 enfant sur 3 est soigné et seulement 1 enfant sur 4 dort sous une moustiquaire, dans les pays touchés par la malaria.
Foyer, vêtements et sécurité Tu as droit à un foyer, à la nourriture, aux vêtements, à la scolarité, aux soins médicaux et à la sécurité. Plus de la moitié des enfants dans le monde vivent en état de pauvreté. Environ 700 millions d’enfants vivent avec moins de 1,25 USD par jour. 500 millions d’autres enfants vivent avec moins de 2 USD par jour.
Enfants handicapés Toi qui es handicapé, tu as les mêmes droits que les autres. Tu as droit au soutien qui te permettra de prendre une part active à la vie sociale. Les enfants handicapés sont parmi les plus vulnérables. Dans beaucoup de pays, ils n’ont pas le droit d’aller à l’école. Beaucoup sont traités comme inférieurs et cachés. Il y a 110 millions d’enfants avec des handicaps dans le monde.
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enfants du monde? Tu as droit à vivre dans un milieu sûr. Tous les enfants ont droit à l’instruction, aux soins et à un niveau de vie décent. 60 millions d’enfants ont la rue comme foyer. 90 millions d’autres enfants travaillent et passent leurs journées dans la rue mais ont une famille dans laquelle ils retournent la nuit.
Délits et peines Les enfants ne seront emprisonnés qu’en dernière instance et pour très peu de temps. Aucun enfant ne sera soumis à la torture ou à d’autres sévices. Les enfants qui commettent des délits ont droit à l’aide et aux soins. Les enfants ne seront ni emprisonnés à vie ni soumis à la peine de mort. Au moins 1 million d’enfants sont emprisonnés. Les enfants emprisonnés sont souvent maltraités.
Travail nuisible Tu as droit à la protection contre l’exploitation économique et contre le travail qui nuit à ta santé ou qui t’empêche d’aller à l’école. Les enfants de moins de 12 ans ne doivent pas travailler du tout. Environ 240 millions d’enfants entre 5 et 14 ans travaillent et pour 3 enfants sur 4 d’entre eux le travail nuit à leur sécurité ou à leur santé. 8 millions d’enfants sont exploités à travers les pires formes de travaux, comme esclaves pour dettes, soldats ou prostitués. Au moins 1,2 millions d’enfants est victime de « trafficking » qui est l’esclavage d’aujourd’hui.
Protection contre la violence Tu as droit à la protection contre toutes formes de violence, d’incurie, de maltraitance et d’agression. Chaque année 40 millions d’enfants sont si maltraités qu’ils ont besoin de soins médicaux. 23 pays dans le monde ont interdit toute forme de sévices ce qui fait que seuls 3 enfants sur 100 dans le monde sont protégés contre la violence par la loi. Beaucoup de pays permettent les châtiments corporels à l’école.
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Tu as droit à la protection et à l’assistance en temps de guerre ou si tu es en fuite. Les enfants en guerre ou en fuite ont les mêmes droits que les autres. Ces 15 dernières années, au moins 2 millions d’enfants sont morts, victimes de la guerre. 6 millions ont été blessés physiquement. 10 millions ont été blessés psychiquement. 1 million a perdu sa famille ou en ont été séparé. 300.000 enfants sont employés comme soldats, transporteurs et détecteurs de mines (chaque année 2.500 enfants sont tués ou rendus invalides par des mines) Au moins 25 millions d’enfants sont en fuite.
Enfants des minorités Les enfants qui appartiennent à des groupes minoritaires ou indigènes ont droit à leur langue, leur culture et leur religion. Indigènes sont par exemple les Indiens d’Amérique, les Aborigènes d’Australie ou les Lapons d’Europe du Nord. Les groupes indigènes ou minoritaires sont souvent désavantagés. Leur langue n’est pas respectée, ils sont molestés ou discriminés. Beaucoup d’enfants n’ont pas accès aux soins médicaux.
École et formation Tu as droit à l’école. L’école primaire doit être gratuite pour tous. Environ 8 enfants sur 10 dans le monde vont à l’école, mais 101 millions ne commencent jamais l’école. 150 millions d’enfants quittent l’école avant la cinquième année de scolarité.
FAIS ENTENDRE TA VOIX ! Tu as le droit de dire ce que tu penses à propos de toutes les questions qui te concernent. Les adultes doivent écouter l’avis des enfants avant de prendre une décision, laquelle doit toujours viser le bien de l’enfant.
Est-ce ainsi dans ton pays et dans le monde aujourd’hui? Toi et le reste des enfants du monde le savez 11 mieux que personne !
TEXTE: SOFIA KLEMMING ILLUSTR ATION : LOT TA MELLGREN/ESTER
Enfants qui vivent dans la rue
Protection en temps de guerre et comme réfugié
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THE WCPRC AWARD CER WELCOME! VÄLKOMMEN! ¡BIENVENIDOS! BEM VINDOS! BIENVENUE!
CHAO A MUNG ! AO
SM la Reine Silvia de Suède et les membres du jury des enfants regardent le Hanoi College of Art du Vietnam, exécuter la danse du lion, lors de la cérémonie de remise des prix au château de Gripsholm à Mariefred.
Le prix de 6,6 millions d’enfants
THE GLOBAL FRIENDS’ AWARD
Le prix des Amis Universels
et le Prix des Enfants du Jury
THE WORLD’S CHILDREN’S PRIZE
SOMALY MAM
SM la Reine Silvia de Suède a remis le Prix des Amis Universels ainsi que le Prix des Enfants du Monde à Somaly Mam, accompagnée sur scène par Sina Van et Sry Pov Chan.
Le Prix d’Honneur des Enfants du Monde
Le Prix des Enfants du Monde
6.593.335 jeunes gens de moins de 18 ans ont participé au Vote Mondial 2008 et ont décerné leur prix à Somaly Mam, Cambodge. Après avoir été elle-même esclave sexuelle, Somaly a consacré les 13 dernières années à libérer les filles de l’esclavage sexuel et à leur donner la possibilité d’une réhabilitation et l’instruction. Le Jury International des Enfants a aussi décerné son prix à Somaly.
THE WORLD’S CHILDREN’S HONORARY AWARD
JOSEFINA CONDORI
SM la Reine Silvia de Suède, applaudit Josefina Condori lorsqu’elle reçoit le Prix d’Honneur des Enfants avec Luz Garda et Sayda Teran. Josefina est récompensée pour son combat de 15 ans en faveur des filles du Pérou, qui travaillent comme bonnes, souvent dans des conditions proches de l’esclavage.
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EREMONY 2008
Cérémonie de remise des prix PHOTO: ELIN BERGE
Le goupe Umbono d’Afrique du Sud s’est produit lors de la cérémonie de remise des prix. Les membres du Jury Nga Thai Thi, Vietnam, Laury Petano, Colombie, Maïmouna Diouf, Sénégal, Rebeka Aktar, Bangladesh et le représentant des 6,6 millions d’enfants qui ont voté, Tommy Rutten, États-Unis, au cours de la cérémonie.
Après avoir entendu les enfants du jury exiger le respect des droits de l’enfant, SM la Reine Silvia de Suède a déclaré : – J’exige aussi qu’on respecte les droits de l’enfant ! – Il s’agit d’une cérémonie très importante, presque une cérémonie de remise des Prix Nobel de la part des enfants, a ajouté SM la Reine Silvia de Suède. Le Hanoi College of Art sur scène.
Omar Bandak, Palestine et Ofek Rafeli, Israël sont membres du Jury International des Enfants.
The World’s Children’s Honorary Award
Agnes Stevens
Le Prix d’Honneur des Enfants du Monde
Agnes Stevens est accompagnée sur scène par Ed Korpie et Brianna Audinett pour recevoir le Prix d’Honneur des Enfants, des mains de SM la Reine Silvia de Suède. Agnes est récompensée pour son combat de 20 ans, à travers « son » organisation, School on Wheels, en faveur des droits de plus d’un million d’enfants SDF aux États-Unis.
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Le Prix d’Honneur des Enfants du Monde Depuis l’année 2000, quand le Prix des Enfants du Monde pour les Droits de l’Enfant a été institué, 14 lauréats ont reçu le Prix d’Honneur des Enfants du Monde pour leur extraordinaire contribution en faveur des droits de l’enfant. Ces lauréats ne font pas partie de la sélection pour le vote du Héros des Enfants de la Décennie. Pour en savoir plus sur les actions en faveur des enfants, de la part des lauréats ayant reçu le Prix d’Honneur, consultez : www.worldschildrensprize.org.
2000
Anne Frank
Hector Pieterson
Barefoot College
Le Mouvement des Enfants pour la Paix
La première année trois, parmi les milliards d’enfants victimes de la violation de leurs droits pendant le 20ème siècle, ont été honorés à titre posthume (après leur mort) Les deux Prix d’Honneur ont été décernés à Anne Frank, Hollande et à Hector Pieterson, Afrique du Sud. Anne Frank est morte dans un camp de concentration allemand le 1er mars 1945. Hector Pieterson a été abattu le 16 juin 1976, à l’âge de 12 ans, à Soweto, en Afrique du Sud.
2001 Casa Allianza
Pastoral da Criança
Paul et Mercy Baskar
Liz Gaynes, Emani Davis
Barefoot College, Inde, pour son travail de pionnier, qui dure depuis plus de 35 ans, avec entre autres, le Children’s Parliament (Le Parlement des Enfants) et les écoles du soir au Rajasthan. Le Mouvement des Enfants pour la Paix, Colombie, qui organise les enfants contre la guerre et qui exerce des activités pour la joie des enfants.
2002 Ana María Marañon de Bohorquez
Jetsun Pema
Casa Allianza, Amérique Centrale qui travaille en faveur des enfants qui vivent dans la rue.
2003
Cynthia Maung
Inderjit Khurana
Les 155.000 volontaires de Pastoral da Criança, Brésil, qui travaillent afin de réduire la mortalité infantile et la sous-alimentation parmi les enfants pauvres.
2004
Josefina Condori
Agnes Stevens
Paul et Mercy Baskar, Inde qui depuis 25 ans se battent contre le travail infantile nocif.
Liz Gaynes et Emani Davis, États-Unis, qui depuis 25 ans se battent pour les droits des enfants de prisonniers.
2005 Ana María Marañon de Bohorquez, Bolivie, qui pendant près de 25 ans s’est battue pour les enfants qui vivent dans la rue à Cochabamba.
2006 Jetsun Pema, Tibet. La sœur du Dalaï Lama a, depuis près de 45 ans, œuvré en faveur des droits des enfants réfugiés tibétains.
2007 Cynthia Maung, Birmanie, qui pendant 20 ans se bat pour la santé et l’instruction de centaines de milliers d’enfants réfugiés aussi bien en Birmanie, sous la dictature, que dans les camps de réfugiés en Thaïlande. Inderjit Khurana, Inde, qui depuis 23 ans dirige plus de cent écoles et deux lignes de téléphone d’assistance pour des enfants parmi les plus pauvres de l’Inde, qui vivent et travaillent sur les quais de gare.
2008 Josefina Condori, Pérou. Qui depuis 15 ans se bat pour les filles qui travaillent comme bonnes, dans des conditions souvent proches de l’esclavage. Agnes Stevens, États-Unis. Qui avec « son » organisation School on Wheels, se bat depuis 20 ans en faveur des enfants sans logis aux États-Unis.
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Les candidats qui participeront au Vote Mondial de la Décennie, pour le titre de Héros des Droits de l’Enfant pour la Décennie sont au nombre de 13. Le vote se déroulera entre le 15 avril et le 25 octobre 2009. Le 20 novembre, le jour du 20ème anniversaire de la Convention de l’Enfant de l’ONU, les enfants du monde entier révèleront qui est leur Héros de la Décennie. Les récits des candidats et des enfants pour lesquels ils se battent proviennent de l’année où les candidats ont reçu le prix des Amis Universels ou le Prix des Enfants du Monde, décerné par le jury. Les enfants sont plus âgés aujourd’hui. Tu peux te renseigner sur les candidats et sur les enfants pour lesquels ils se battent sur www.worldschildrensprize.org.
Les candidats au titre de Héros des Droits de l’Enfant pour la Décennie 2000
2003
Iqbal Masih, Pakistan (posthume). Iqbal Masih était esclave pour dettes dans une fabrique de tapis. On célèbre sa mémoire pour son combat en faveur des droits des enfants esclaves pour dettes. Iqbal a été assassiné le 16 avril 1995. Pages 16–20
Maggy Barankitse, Burundi, qui pendant 15 ans a sauvé des dizaines de milliers d’orphelins lors de la guerre du Burundi et leur a donné un foyer, de l’amour, l’école et l’hôpital. Pages 36–40
2001 Asfaw Yemiru, Éthiopie. Asfaw était à neuf ans, enfant des rues. À 14 ans il ouvrait sa première école pour enfants des rues sous un grand chêne et depuis, pendant 50 ans, il a consacré tout son temps à offrir une scolarité aux enfants éthiopiens défavorisés. Pages 21–25
2002 Nkosi Johnson, Afrique du Sud (posthume). Nkosi s’est battu en faveur des droits des enfants atteints du sida jusqu’à sa mort, à l’âge de 12 ans. Pages 26–30 Maiti Nepal, Népal. Maiti se bat contre le trafic de filles pauvres du Népal vers l’Inde, trafficking, où elles deviennent esclaves dans des maisons de prostitution et réhabilite les filles abusées. Pages 31–35
James Aguer, Soudan. Pendant 20 ans, James a libéré des milliers d’enfants qui avaient été enlevés, du travail forcé au Soudan. James a été emprisonné 33 fois et deux de ses collaborateurs ont été tués. Pages 41–45
2004 Prateep Ungsongtham Hata, Thaïlande, qui a été enfant travailleuse quand elle avait dix ans. Elle a ouvert sa première école à l’âge de 16 ans et depuis 40 ans, elle lutte pour donner aux enfants les plus défavorisés la possibilité d’aller à l’école. Pages 46–50
2005 Les Dunga Mothers, Kenya. Les 20 mamans au Kenya, qui ces 12 dernières années ont travaillé pour que les enfants, que le sida a rendus orphelins, voient leurs droits respectés, qu’ils aient un foyer, de la nourriture et de l’amour. Pages 51–55
Nelson Mandela, Afrique du Sud, Graça Machel, Mozambique. Mandela pour son long combat en faveur de l’égalité des droits pour les enfants sud- africains et pour sa défense de ces droits. Machel pour son long combat de 25 ans en faveur des enfants défavorisés du Mozambique, spécialement en faveur des filles. Pages 56–63
Iqbal Masih
Asfaw Yemiru
Nkosi Johnson
Maiti Nepal
Maggy Barankitse
James Aguer
Prateep Ungsongtham Hata
Les Dunga Mothers
Nelson Mandela, Graça Machel
Craig Kielburger
L’AOCM
Betty Makoni
2006 Craig Kielburger, Canada. À 12 ans Craig a créé Free The Children (Enfants Libres) Craig se bat pour le droit des jeunes à faire entendre leur voix et pour libérer les enfants de la pauvreté et des violations des droits de l’enfant. Pages 64–68 L’AOCM, Rwanda. L’AOCM est composée de 6.000 orphelins à la suite du génocide au Rwanda qui s’entraident pour survivre avec nourriture, vêtements, scolarité, foyer, soins médicaux et amour. Pages 69–73
2007 Betty Makoni, Zimbabwe. Betty, à travers le Girl Child Network donne la force aux filles de réclamer le respect de leurs droits. Elle soutient les filles victimes d’abus et protège celles qui risquent
Somaly Mam
d’être victimes d’abus, du mariage forcé et du trafficking. Pages 74–78
2008 Somaly Mam, Cambodge. Après avoir été elle-même esclave sexuelle, Somaly a consacré les 13 dernières années à libérer les filles de l’esclavage sexuel et à leur donner la possibilité d’une réhabilitation et une formation. Ce qui a eu pour conséquence que sa fille de 14 ans a été enlevée, droguée, violée et vendue à une maison de passe. Pages 79–83 15
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NOMINÉ • Pages 16 – 20
Iqbal Masih POURQUOI IQBAL A-T-IL ÉTÉ NOMINÉ ? Iqbal Masih, Pakistan, a été nominé a titre posthume (après sa mort) au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son combat en faveur des droits des enfants esclaves pour dettes. Iqbal était esclave pour dettes chez un propriétaire de fabrique de tapis qui l’a revendu. Iqbal ne devait avoir que 5 ou 6 ans quand il a commencé à travailler dans la fabrique de tapis. Il travaillait du matin tôt jusqu’au soir et était maltraité. Cinq ans plus tard il s’est libéré de l’esclavage. Il a commencé l’école du Bonded Labour Liberation Front (BLLF, Front de libération contre le travail forcé des enfants ) Iqbal parlait à ses amis, noueurs de tapis et lors de réunions et a donné à beaucoup d’enfants le courage de quitter leurs patrons. Les patrons ont menacé Iqbal, qui après avoir reçu un prix aux États-Unis, a été assassiné le 16 avril 1995. Il est dans le monde entier, le symbole de la lutte contre le travail des enfants.
Tout petit, Iqbal Masih est devenu esclave pour dettes dans une fabrique de tapis, au Pakistan. Cinq ans plus tard il s’est libéré. Il a donné à d’autres enfants, le courage de quitter leur propriétaire. Iqbal a été menacé par les fabricants de tapis et a été assassiné le 16 avril 1995. Il est un symbole de la lutte contre le travail des enfants et en 2000, il a reçu à titre posthume (après sa mort) le premier Prix des Enfants du Monde, qui porte aussi un autre nom à la mémoire d’Iqbal : le Prix Iqbal Masih.
A
cinq ans, Iqbal accomplit son premier jour de travail dans la fabrique de tapis. Lorsque Anayat, sa mère, un peu plus tard, a besoin d’argent pour une opération, elle demande une avance au fabricant de tapis, Ghullah. L’avance qui s’appelle « peshgi » est inscrite au nom d’Iqbal. Cela veut dire qu’Iqbal doit à Ghullah, 5.000 roupies, le prix de l’opération de sa mère. À présent Iqbal est esclave pour dettes et Ghullah a tout pouvoir sur lui.
Quand, le soir, Iqbal rentre de la fabrique de tapis, il s’écroule sur le lit et s’endort aussitôt. Parfois, Ghullah vient le réveiller en pleine nuit. – Nous avons une livraison à faire. Lève-toi, vite ! À cause du peshgi (dette) Iqbal doit suivre Ghullah qui traîne Iqbal, à moitié endormi par les ruelles, jusqu’à la fabrique de tapis. Si Iqbal s’endort pendant le travail, on le réveille à coups de peigne à tapis. Iqbal prenait souvent la parole dans les réunions devant des enfants et des adultes.
Iqbal s’enfuit Un jour, un petit garçon de la fabrique de tapis est frappé par une forte fièvre. Ghullah, le propriétaire, lie les pieds du garçon et l’attache, la tête en bas, au ventilateur du plafond. – Ici, c’est moi qui décide quand vous travaillez ! beugle Ghullah. Iqbal en a assez ! Chaque fois qu’il le peut, il s’échappe. Quand Ghullah n’est pas là, Iqbal et ses camarades tentent leur chance et s’enfuient. Ils jouent toute la journée sans se préoccuper de ce qui les attend. Le lendemain matin, Ghullah va les chercher à la maison. Il est très fâché et bat les garçons avec lale peigne à tapis ou avec ce qui lui
– Les enfants doivent avoir une plume à la main, pas des outils, disait Iqbal.
En 2000, Iqbal reçut le premier Prix des Enfants du Monde, qui porte désormais et pour toujours un autre nom ; Le Prix Iqbal Masih.
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Iqbal voulait devenir avocat et libérer les enfants des fabriques de tapis.
tombe sous la main. Ensuite il les enchaîne. Il peut se passer plusieurs jours avant qu’ils les relâche. Enfin libre ! Un matin d’octobre 1991, Iqbal s’enfuit de son travail. Il saute sur la plate-forme d’un tracteur où il y a déjà pas mal d’enfants et d’adultes. Une heure plus tard, ils assistent à la réunion du BLLF (Front de
libération contre le travail forcé des enfants) C’est la première fois qu’Iqbal voit Ehsan Ullah Khan, le leader du BLLF. Il est très intéressé par ce que Eshan dit sur les lois contre l’esclavage pour dettes. Ehsan prie Iqbal de raconter ses expériences aux autres enfants. D’abord, Iqbal n’ose pas, puis il s’approche du microphone.
Iqbal, en Suède, avec l’un de ses nombreux amis.
Ehsan donne à Iqbal un « acte de liberté » qui contient les lois interdisant l’esclavage pour dettes et les peines auxquelles est condamné celui qui exploite les esclaves pour dettes. Le problème est, qu’au Pakistan, les lois ne sont pas respectées et que la police comme le tribunal ne sont pas du côté du pauvre, mais de celui du propriétaire. Ghullah refuse de laisser Iqbal quitter la fabrique de tapis. Mais Ehsan n’oublie pas le petit garçon et charge quelques collaborateurs de se renseigner et d’aider Iqbal à retrouver la liberté. Iqbal est fou de joie à l’idée de commencer à « Notre école » comme sont appelées les écoles du BLLF pour les enfants ex esclaves pour dettes. Il dit à ses camarades et aux enfants des autres fabriques de tapis qu’ils ne sont pas obligés de rester chez leur propriétaire. Dans la région de Muridke, des centaines, puis des milliers d’enfants quittent les fabriques
Iqbal est menacé Iqbal vit à Lahore dans la maison du BLLF. La première fois qu’il revient en visite chez lui, Ghullah, le propriétaire de la fabrique de tapis, lui dit : – Tu dois revenir travailler. Comme ça, les autres enfants viendront aussi. Mais Iqbal refuse. Un autre fabricant de tapis menace la mère d’Iqbal de l’enlever, elle et Iqbal si Iqbal ne reprend pas le travail ou si elle ne paie pas la dette qui la rendu esclave. Un troisième fabricant dit à Sobia, la petite sœur d’Iqbal : – Ton frère se promène dans les ruelles comme un juge. Mais nous l’aurons un jour. – Taisez-vous, Monsieur ! dit Sobia, elle qui n’avait jamais osé parler ainsi à un adulte. – Fais attention qu’on ne te tue pas, toi aussi, répond le fabricant de tapis.
TEXTE: MAGNUS BERGMAR PHOTO: ANDERS KRISTENSSON & MATS ÖHMAN
de tapis. Iqbal parle dans des meetings. Ses discours se terminent par l’injonction : – Nous sommes…. A laquelle tous les enfants répondent : – LIBRES !
Iqbal est assassiné En octobre 1994, Iqbal se rend en Suède. Il parle aux enfants des écoles de la vie des enfants esclaves pour dettes, au Pakistan. Beaucoup de journaux en parlent et il participe à diverses émissions de télévision. En décembre 1994, Iqbal s’envole pour les États-Unis pour recevoir un prix décerné par Reebok pour son merveilleux combat en faveur des droits des enfants esclaves pour dettes. Iqbal Iqbal était battu avec le peigne à tapis et était enchaîné quand il essayait de se sauver, mais il a continué.
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Ce qui suit est un extrait de la bande dessinée « Iqbal le petit noueur de tapis » de Magnus Bergmar et Jan-Åke Winqvist. Tu peux lire l’intégrale sur www.worldschildrensprize.org.
Le médecin m’a dit que je dois me faire opérer mais je n’ai pas d’argent.
À l’école, en hiver, Iqbal se protège du froid à l’aide d’un châle.
est aussi la « Person of the week » (Personnalité de la semaine) et hôte d’une des plus grandes chaînes de télévision américaines. Iqbal retourne au Pakistan. Le 16 avril 1995, le matin du jour de Pâques, il prend le bus pour Muridke. Le soir il accompagne Lyaqat et Faryad Masih, des membres de sa famille. Ensemble, ils vont apporter à manger au père de Lyaqat, lequel irrigue les champs. Ils sont tous les trois sur le même vélo. Il est huit heures et il fait nuit. A mi-chemin, les garçons entendent deux coups de feu, qui tueront Iqbal. Faryad ne sait pas écrire. La nuit du meurtre, on lui demande d’apposer l’empreinte du pouce sur un page blanche. Ensuite la police écrit ce qu’elle veut et déclare que Faryad a signé que tout est vrai. Ashraf Hero, un valet de ferme pauvre est arrêté le jour après le meurtre
Dépêche-toi, Shafiq, le match va commencer!
C’est le soir… Le premier jour de travail est terminé…
Ici, vous faites ce que je dis!
Que cela vous serve aussi à tous de leçon !
Mais, maman je travaille. Ça ne suffit pas?
Non, je dois demander un peshgi à Ghullah.
Ghullah, je dois me faire opérer et acheter des médicaments. Tu me donnes un peshgi pour Iqbal?
Pendant des années, Iqbal travaillera 12 heures par jour, 6 jours par semaine…
Le peshgi est le nom du prêt qui fait que Iqbal est esclave pour dettes chez Ghullah…
Voici 6.000 roupies!
C’est vendredi, le seul jour libre pour les garçons. Deux équipes se retrouvent sur le terrain entre le canal et les maisons. Iqbal se réjouit depuis une semaine…
Chaque équipe recueille de l’argent...
Les vainqueurs gagnent tout!
Iqbal, Shafiq et Rafiq, au travail! Nous devons terminer un tapis!
Au milieu de la nuit, Ghullah vient tirer Iqbal du lit…
C’est leur jour de congé, mais les garçons ne peuvent pas refuser. Ils sont esclaves pour dettes et c’est Ghullah qui décide...
Il doit dormir!
Ça attendra! Nous avons du travail !
…mais aujourd’hui, il n’y aura pas de match…
On joue, frère? Non, Sobia, je n’en peux plus…
Iqbal, à cause du peshgi, je dois te laisser le suivre!
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Iqbal est si fatigué, qu’il s’endort en travaillant…
d’Iqbal. La police le torture. Ils le suspendent par les pieds au plafond et le battent avec des bâtons et des ceintures en cuir. – Tu vas dire que c’est toi qui as tué Iqbal et tu vas dire ce qu’on te dit de dire. Sinon on te tue, toi et toute ta famille. Tu es pauvre et tu ne vaux rien. Personne ne se préoccupera de ce qui peut t’arriver, dit la police.
Comme punition, les garçons sont enchaînés au métier à tisser...
Le lendemain, Ghullah va chercher Iqbal chez lui…
Iqbal pense tout le temps que sa vie est très dure, mais ne sait pas comment échapper au travail...
Tous les garçons à la fabrique sont esclaves pour dettes. Personne n’a un peshgi (dette) qui a diminué depuis qu’il a commencé à travailler chez Ghullah. Après 5 ans dans la fabrique de tapis, c’est encore pire pour Iqbal... Un jour un homme passe et leur dit... Je m’appelle Yousuf! Le peshgi, la dette qui fait de vous des esclaves est illégale. Venez demain à la réunion du BLLF, le front de libération des esclaves pour dettes et vous en saurez plus !
Attention! Le proprié taire!
Vous savez ce qui arrive si vous quittez le travail!
Iqbal brave l’interdiction et va à la réunion... Salut! On ne s’est pas vus hier?
Si...
Quand Iqbal retourne au village, il parle aux enfants des fabriques! Beaucoup osent maintenant quitter leur propriétaire...
Arshad Ghullah va chez Iqbal… Tu dois travailler, sinon les autres ne travaillent pas non plus!
Je n’ai pas le temps de te parler!
Prends garde! Tu as fait de Arshad ton ennemi! Je n’ai plus peur de lui. C’est lui qui devrait avoir peur de moi!
Le mensonge se répand La commission des droits de la personne du Pakistan atteste que le rapport de la police est exact et que l’innocent Hero est le meurtrier. Ce qui fait que le mensonge se répand dans le monde entier par ambassadeurs et journalistes interposés, sans aucune remise en question de leur part. La commission des droits de la personne soutient même, sans aucune preuve, que le meurtre n’a rien à voir avec le fait qu’Iqbal ait défié le pouvoir des fabricants de tapis. Hero est isolé, personne n’a le droit de le rencontrer. Mais, à la suite du procès, il est déclaré non-coupable. La police écrit, entre autres, que Hero, qui n’a jamais tenu un fusil entre les mains, a touché Iqbal par hasard, quand il a tiré sur les garçons. En vérité, Iqbal a été touché au dos, par 120 éclats de plomb, alors que les deux autres garçons ont été touchés par deux éclats. C’était bien Iqbal la cible du meurtrier et on lui a tiré dans le dos, quand il essayait de s’enfuir. – Iqbal m’a dit qu’il voulait devenir un grand avocat, se souvient Sobia, qui avait dix ans quand son grand frère a été assassiné. Il voulait libérer les enfants des fabriques de tapis et leur donner une éducation pour que les enfants des pauvres se construisent un avenir meilleur » 19
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Iqbal parle aux réunions du BLLF où se retrouvent les esclaves pour dettes...
Nous sommes…
…LIBRES!!!
Esclavage moderne Il y a environ 240 millions d’enfants travailleurs entre 5 et 14 ans, dans le monde. Trois enfants sur quatre exécutent un travail nuisible, un travail qui les empêche d’aller à l’école et détériore leur santé et leur développement. Plus de huit millions d’enfants sont obligés de faire la pire forme de travail qui soit comme esclaves pour dettes, soldats ou prostitués. Chaque année, au moins 1,2 millions d’enfants sont victimes de « trafficking » véritable esclavage de notre temps. Iqbal était un « esclave moderne » Il existe des enfants esclaves modernes au Pakistan, en Inde, au Népal, au Cambodge, au Soudan, mais aussi en Europe. On désigne ainsi surtout les esclaves pour dettes, mais aussi les filles d’Afrique occidentale qui sont « esclaves domestiques » On est esclave si l’employeur a un tel pouvoir sur vous qu’on est obligé de travailler pour lui ou pour elle. Le Pakistan a, comme la plupart des pays, des lois qui interdisent aussi bien l’esclavage pour dettes que le travail des enfants. Mais, ces lois ne sont pas toujours appliquées. Tous les pays qui ont des enfants esclaves ont ratifié la Convention sur les Droits de l’Enfant de l’ONU et se doivent donc de protéger les enfants de leur pays contre le travail qui peut leur être nuisible.
Un peu plus tard, le même jour. Iqbal rencontre Faryad et Lyaqat, des parents...
On prend le vélo et on apporte à manger à Amanat, aux champs!
IQBAL!
Soudain…
Ainsi mourut Iqbal Masih, le garçon qui est devenu le symbole du combat contre le travail enfantin nuisible.
«Iqbal Masih, l’ex enfant esclave, qui s’est battu pour les droits des enfants au Pakistan est mort!»
À la station de police, la nuit du meurtre…
Faryad doit laisser l’empreinte du pouce sur une feuille blanche. Puis la police écrit ce qu’elle prétend s’être passé…
La nouvelle fait le tour du monde.
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NOMINÉ • Pages 21–25
Asfaw Yemiru À 9 ans, Asfaw Yemiru vivait seul dans les rues d’Addis-Abeba, la capitale de l’Éthiopie. A 14 ans il créait sa première école. Aujourd’hui, il a 66 ans et il a permis à des dizaines de milliers d’enfants pauvres d’aller à l’école et de se faire une vie meilleure. – Asfaw est un homme très simple. Sa seule richesse ce sont tous ses élèves, dit Behailu Eshete qui a fréquenté le premier cours de Asfaw, il y a 52 ans.
L
’histoire de Asfaw com mence dans les champs autour du petit village de Bulga en Éthiopie. Asfaw a neuf ans et garde les chèvres de son père. Son père est prêtre et a décidé que Asfaw commencera l’école du village tenue par des prêtres. Mais Asfaw n’en a aucune envie. Une année auparavant Asfaw avait accompagné son père à Addis-Abeba, la capitale et depuis, il ne pensait qu’à y retourner. Il pense que la vie serait meilleure à Addis-Abeba qu’avec ses 11 frères et sœurs en gardant les chèvres. Mais Addis-Abeba est loin et il sait que ses
parents ne le laisseront jamais partir. – Il faut compter plus de deux jours à dos d’âne pour aller à la ville, donc à pied c’est encore plus, se dit-il. Le matin suivant, très tôt, il se met en route pour Addis-Abeba.
Travail et école En passant devant l’église Saint George, à AddisAbeba, Asfaw voit beaucoup d’enfants pauvres livrés à eux-mêmes. Comme il n’a pas d’argent, il entre lui aussi dans l’église. Asfaw y reste toute la nuit. Et la nuit suivante. Asfaw se fait engager comme porteur. Il arrive qu’il ne mange rien pendant plusieurs jours. Comme beaucoup d’autres enfants, Asfaw fréquente l’école des prêtres quand il ne travaille pas. Il apprend vite et les prêtres l’aident à intégrer une école catholique.
Les enfants apprennent aussi l’agriculture et d’autres choses pratiques dont ils ont besoin pour pouvoir toujours subvenir à leurs besoins.
De bonnes notes dans les écoles de Asfaw L’Éthiopie est l’un des pays les plus pauvres du monde. Ses habitants ont souffert de guerres permanentes et de sécheresses, au cours desquelles des millions de gens sont morts de faim. Plus de la moitié des habitants sont des enfants au-dessous de 15 ans. Deux Éthiopiens sur trois ne savent ni lire ni écrire. L’école est gratuite et obligatoire les premières six années, mais moins de la moitié des enfants commence l’école. Un enfant sur dix seulement continue jusqu’en sixième. Les classes sont souvent très chargées. Depuis plusieurs années, l’école Moya de Asfaw a les meilleurs résultats d’Éthiopie pour les examens de huitième. Il y a plusieurs causes à cela. Dans les écoles de Asfaw, il n’y a que 30 élèves, les enfants pauvres sont très motivés, les châtiments corporels sont interdits et l’ambiance est bonne.
POURQUOI ASFAW A-T-IL ÉTÉ NOMINÉ ? Asfaw Yemiru a été nominé au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour avoir, depuis l’âge de 14 ans et pendant plus de 50 ans, consacré temps et énergie en faveur des droits de l’enfant. Il pense que l’instruction est le seul moyen qui puisse améliorer la vie des enfants. Après avoir été lui-même, à 9 ans, enfant des rues et enfant travailleur, il a crée, en 1957, à l’âge de 14 ans, sa première école pour enfants qui vivent dans la rue. Des dizaines de milliers d’enfants pauvres ont fréquenté les écoles de Asfaw et leur famille a reçu de l’aide. Les écoles de Asfaw sont gratuites ainsi que les livres et il n’y a pas d’uniforme scolaire. La plupart des élèves sont des filles, pour qui l’accès à l’école est encore plus difficile. Les châtiments corporels sont interdits dans les écoles de Asfaw, où les enfants apprennent aussi l’agriculture et d’autres choses pratiques. Le combat de Asfaw en faveur des enfants pauvres a été long et souvent difficile. Il a été emprisonné plusieurs fois.
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Texte: ANDRE AS LÖNN PHOTo: PAUL BLOMGREN ILLUSTR ATION: K ARIN SÖDERGREN
Asfaw rend visite à quelques élèves.
Un jour, une femme riche passe devant l’école avec une grande corbeille remplie de fromages. Un fromage tombe de la corbeille. – Pardon ! Vous avez laissé tomber un fromage, crie Asfaw en courant vers la femme. La femme lui offre du travail et lui propose d’habiter chez elle. Asfaw accepte et pendant trois ans il travaille chez la femme et ses deux fils. Il se lève tous les jours avant le lever du soleil, coupe le bois et va chercher de l’eau avant de se précipiter à l’école. Bien qu’il se dépêche, il est souvent en retard et les professeurs le corrigent. Quand Asfaw revient de l’école, il est fatigué, mais il a encore du travail. Il se couche toujours très tard.
bourse pour le prestigieux internat de Wingate. Il commence à Wingate à 14 ans. Il s’y plaît beaucoup. Mais quelque chose le tracasse. Son école est située près de l’église Paulos Petros où habitent beaucoup d’enfants pauvres. Un jour, dans le réfectoire, Asfaw a une idée. – Pourquoi ne pas donner le reste de nourriture aux enfants pauvres ? Asfaw va voir le directeur, qui pense que Asfaw a absolument raison. Tous les jours, après le déjeuner, Asfaw et ses camarades dis-
tribuent la nourriture aux enfants qui ont faim. Asfaw prie ses camarades de manger moins pour qu’il reste plus de nourriture pour les pauvres. Beaucoup pensent que c’est très bien, mais le taquinent quand même un peu. – Le voilà celui qui veut que nous ayons faim ! disent-ils en riant. Asfaw recueille aussi des vêtements parmi ses camarades pour les donner aux enfants. Certains enfants demandent à Asfaw s’ils ne pourraient pas aller à l’école, comme lui. Asfaw en par-
le à quelques camarades et ils décident de faire euxmême la classe aux enfants. Le jour suivant, à quatre heures et demi, Asfaw donne sa première leçon dans le jardin, sous un grand chêne. La nouvelle de l’école de Asfaw sous l’arbre, se répand vite parmi les enfants pauvres et chaque après-midi, ceux-ci sont de plus en plus nombreux. Attendez, empereur ! À 17 ans, lors de sa dernière année à Wingate, Asfaw reçoit, chaque après-midi, quelques centaines d’enfants
ATTENDEZ, EMPEREUR ! Donnez-moi du terrain pour une école !
Mange moins ! Asfaw n’étudie que quelques années. Le résultat de l’examen à la fin de la huitième est si bon qu’il obtient une Asfaw, pieds nus (à gauche) montre sa nouvelle école à l’empereur.
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La longue marche Asfaw, tout devant, mène la marche de 1.000 kilomètres afin de recueillir de l’argent pour ses écoles.
sous le chêne de l’école. Asfaw aimerait continuer ses études à l’université, mais il sent qu’il ne peut pas abandonner tous ces orphelins sous le chêne. Il décide de construire une école où les enfants pourront vivre tout en allant à l’école. Mais il n’a ni argent, ni un endroit. Un jour, Wingate reçoit la visite de l’empereur d’Éthiopie, Hailé Sélassié. Il est venu pour voir comment se portent les élèves de la plus prestigieuse école du pays. Au moment où l’empereur, s’en va, Asfaw tente sa chance. Il se jette sur le sol devant l’empereur et supplie : – Donnez-nous un terrain ! Tous se demandent ce qui va se passer. L’empereur sort de la voiture et s’avance vers Asfaw. – Pourquoi as-tu besoin d’un terrain ? – Je veux construire une école pour les enfants pauvres, répond Asfaw. Quelque temps après, l’empereur donne à Asfaw
Beaucoup d’élèves dans les écoles de Asfaw vivent dans de simples cabanes en tôle ondulée.
un grand terrain derrière l’école Wingate. Asfaw emprunte de l’argent au directeur de l’école de Wingate et avec l’aide des enfants, il commence la construction de son école et s’y installe avec 280 orphelins. La longue marche Dix ans après, Asfaw a 2.500 élèves et il est « père » de 380 orphelins. Mais Asfaw a deux soucis. Son école est trop petite et beaucoup d’enfants ne trouvent pas de travail quand ils quittent l’école. Alors, Asfaw décide de construire une autre école. Dans cette école, les enfants, en plus des maths, de l’anglais et des autres matières, apprendront l’agriculture. Si les enfants apprennent à cultiver les légumes et à élever des poulets, Asfaw espère qu’ils pourront subvenir à leurs besoins, même s’ils n’ont pas de travail. Comme d’habitude, Asfaw n’a pas d’argent, mais
Asfaw en visite Quand il y a de l’argent, les familles les plus pauvres reçoivent de l’aide de la part de Asfaw, ainsi ils laissent leurs enfants aller à l’école plutôt que de les faire travailler.
il a une idée… – Nous allons marcher jusqu’à Harar et revenir ! dit-il à ses élèves plus âgés. Tout le monde croit qu’il plaisante, car Harar se trouve à 500 kilomètres, dans le désert à mi-chemin entre l’Éthiopie et la Somalie. Mais Asfaw explique qu’ils vont avertir les organisations, les entreprises et les personnes riches pour qu’ils sponsorisent la marche. Ils marchent dans les régions montagneuses et les steppes brûlantes. Ils dorment à la belle étoile ! Chaque jour, des élèves se retirent et Asfaw reste seul. Il est le seul qui fait toue la marche de 1.000 kilomètres. Asfaw utilise aussi le bottin du téléphone et écrit aux 5.000 personnes, plus riches d’Éthiopie. Il reçoit une réponse ! Mais l’argent arrive surtout d’amis vivant à l’étranger. Asfaw achète un terrain et avec ses élèves, il construit une autre école. La vie de Asfaw a été un chemin long et pénible pour
aider les enfants pauvres. Sous certains gouvernements il a même été emprisonné. Depuis qu’il a commencé à faire l’école aux orphelins, sous l’arbre, il y a 52 ans, des dizaines de milliers d’enfants ont reçu une formation dans les écoles de Asfaw. Mais souvent Asfaw s’est fait du souci parce qu’il ne pouvait pas aider plus d’enfants.
L’école de Asfaw, Asere Hawariat pour les premières cinq classes.
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Yewbneh
nettoie les chaussures et va à l’école des pauvres Yewbneh, 12 ans, a une heure de marche, pendant la période sèche, pour se rendre à Asere Hawariat, l’école de Asfaw. Il aime aller à l’école et son rêve est de devenir médecin.
Y
ewbneh a nettoyé des chaussures pendant trois heures et avant cela il a passé la journée à l’école. Il a mal au dos quand il se lève pour compter l’argent. Cela suffira pour un peu de pain et peut-être encore quelque chose. Wondimageni, le meilleur ami de Yewbneh a aussi terminé, alors ils se mettent en marche vers la maison. Arrivé à la maison, Yewbneh se débarrasse de son bleu de travail usé. La fumée qui reste après la préparation du repas est encore dense, mais, chez Yewbneh, ce sera encore un jour sans repas chaud. On mangera du pain. – Nous sommes pauvres. La vie est dure et c’est pour cela que je te laisse travailler
chaque soir. Je n’aime pas ça, mais qu’est-ce que je peux faire ? soupire grandmère Fikirte. Yewbneh a toujours vécu chez grand-mère et ses enfants, car ses propres parents sont morts. – C’est bien de vivre chez grand-mère, mais je suis triste quand je pense à mes parents. Je ne me souviens pas de comment ils étaient. Pas d’uniforme Après le repas du soir, Yewbneh se retire dans la petite maison brune en terre. Yewub, qui est sa tante, l’attend déjà. Tous les soirs, ils font les devoirs ensemble sous la seule ampoule de la maison. Pour Yewbneh, Yewub est comme une sœur. Tous les
Chez Yewbneh, dix adultes et sept enfants vivent dans deux petites pièces.
Yewbneh fait ses devoirs à la lueur de la seule ampoule que possède la famille.
enfants de grand-mère – et ils sont beaucoup – sont devenus ses « frères et sœurs » Dix adultes et sept enfants vivent dans deux petites pièces. – Si je n’étudie pas, je ne pourrai jamais avoir un travail. Et je serai pauvre toute ma vie, dit-il. Grand-mère pense comme lui. – L’éducation est une chose très importante et nous avons eu de la chance. Presque tous mes enfants ont pu aller gratuitement dans les écoles de Asfaw et j’ai aussi reçu de l’argent de l’école, chaque mois, pour payer l’électricité, la nourriture et d’autres choses pour les enfants. Je n’aurais jamais eu les moyens d’envoyer les enfants dans une autre école. Yewbneh sait que c’est vrai. – Pendant la première année, l’école me payait 20 birrs par mois pour que je
puisse continuer à y aller. Maintenant je n’en reçois plus aussi souvent parce que l’école manque d’argent. Mais je ne paye toujours pas l’école et nous n’avons pas Yewbneh appelle sœur, sa tante Kebebush. Ici, elle bat le blé.
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Juste au moment où Yewbneh passe avec son nécessaire de nettoyage des chaussures, un des garçons a fait centre avec le ballon qu’ils ont attaché à un poteau. Le ballon, ce sont les garçons eux-mêmes qui l’ont construit avec des sachets en plastique. Les garçons jouent à tezerboll, et lorsque l’un d’eux rate le coup, c’est le tour d’un nouveau joueur. Yewbneh, regarde. Ça le démange de jouer mais il n’a jamais le temps. – Je trouve que tous les enfants devraient pouvoir jouer après l’école, au lieu d’aller travailler, dit-il.
Yewbneh a gagné l’argent pour le pain avec le nettoyage de chaussures.
besoin d’uniforme. Personne n’aurait les moyens d’acheter l’uniforme, dit Yewbneh. Aime l’anglais – Je ne sais pas si je veux me marier et avoir des enfants. D’abord, il me faut un travail pour nourrir mes enfants. Si je ne peux pas, je n’en aurai pas. Je ne veux pas que mes enfants soient obligés de vivre comme moi, aller à l’école et travailler. Les enfants devraient aller seulement à l’école, dit Yewbneh.
– J’aimerais être médecin. En Éthiopie il y a beaucoup de gens très pauvres qui n’ont pas les moyens d’aller chez le médecin. J’aimerais les aider, dit-il. Quelqu’un actionne la cloche accrochée à l’arbre à l’entrée de la classe et la récréation est terminée. Le maître d’école écrit au tableau noir une phrase en anglais: « L’après-midi, il nettoie les chaussures » – J’ai écrit juste? Demande-t-il. – Oui, c’est juste ! répon-
dent les élèves en chœur. C’est la dernière leçon de la journée et Yewbneh, qui est en cinquième, est en classe d’anglais. Il regarde un instant le tableau et écrit ensuite la phrase dans son cahier : « He cleans shoes in the afternoon » Long chemin pour l’école Quand le jour d’école est terminé, Yewbneh parle un instant avec ses camarades, mais il ne peut pas rester longtemps. Le chemin est long jusqu’à la maison. À la période sèche, il faut environ
une heure. Quand vient la pluie, il doit marcher dans la gadoue et il faut deux fois plus de temps. – Salut Yewbneh ! crie sa « sœur » Kebebush qui est en train de battre le blé dans la cour. Il la salue, se débarrasse du cartable brun et mange un morceau de pain avant de revêtir son bleu de travail. Il va au robinet pour remplir la boîte pour le nettoyage des chaussures. À ce moment arrive son ami Wondimageni et ils s’en vont tous les deux sur le chemin. 25
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NOMINÉ • Pages 26 –30
Nkosi Johnson POURQUOI NKOSI A-T-IL ÉTÉ NOMINÉ ? Nkosi Johnson a été nominé a titre posthume (après sa mort) au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son combat en faveur des droits des enfants atteints du sida. Il a lutté pour leur droit à aller à l’école et à être traités à égalité avec les autres enfants. Il a ouvert un foyer pour les mères pauvres, malades du sida et pour leurs enfants. Il a exhorté le gouvernement sud-africain à donner aux mères avec sida/vih les médicaments qui ralentissent la maladie, ce qui peut sauver la vie de dizaines de milliers d’enfants chaque année, en Afrique du Sud. Nkosi est au-delà de la mort un modèle pour les enfants malades du sida, mais aussi pour les enfants en santé à qui il a appris à respecter les enfants malades et à ne pas en avoir peur. Nkosi et Mimi.
Le petit garçon aux grands yeux, Nkosi Johnson, a donné aux enfants d’Afrique du Sud, malades du sida, une voix qui résonne dans le monde entier.
N
kosi était lui-même atteint du sida. Il est mort le premier juin 2001, à l’âge de 12 ans, le jour même où l’Afrique du Sud célébrait la Journée de l’Enfance. Il s’agit d’un jour institué pour le bien des enfants, mais Nkosi, au cours de sa courte vie, a eu le temps de se demander souvent pourquoi le gouvernement d’Afrique du Sud et le monde des adultes ne faisaient pas tout pour empêcher que des enfants naissent avec le virus du sida. Et pourquoi ils ne s’occupent pas mieux de tous ces enfants qui sont nés séropositifs. Ces enfants tombent malades tôt ou tard et meurent très jeunes. Nkosi a vu aussi que les enfants deviennent orphelins car leurs parents meurent du sida et ils se retrouvent à la rue, tout seuls. Des chiffres horribles 2,1 millions d’enfants dans le monde sont porteurs du virus du sida ou malades du sida. 280.000 de ces enfants vivent en Afrique du Sud. 15 millions d’enfants dans le monde sont orphelins parce que leurs parents sont morts du sida. 1,4 million d’entre eux vivent en Afrique du Sud. Le combat de Nkosi Quand on a interdit à Nkosi de commencer l’école, il a
donné un tas d’interviews où il faisait observer qu’il n’était pas dangereux pour les autres enfants. Le débat sur la scolarité de Nkosi a conduit à la décision que tous les enfants malades du sida en Afrique du Sud ont droit à aller à l’école. Nkosi s’est battu avec sa mère adoptive Gail pendant deux ans pour pouvoir ouvrir un foyer – Nkosi’s Haven – où les mères pauvres malades du sida peuvent vivre gratuitement avec leurs enfants. Nkosi savait que vraisemblablement il serait né en bonne santé si sa mère Daphne, malade du sida avait reçu la thérapie adéquate pendant qu’elle l’attendait. Il a beaucoup réfléchi au pourquoi on laisse autant d’enfants tomber malades et mourir inutilement. Et dans un discours qui a fait le tour du monde et dont on peut lire
des passages à la page suivante, il défiait l’ex président sudafricain Thabo Mbeki. Le gouvernement ne voulait pas Le 14 décembre 2001 un tribunal d’Afrique du Sud a décidé que le gouvernement sud-africain est tenu de fournir les médicaments qui ralentissent l’évolution du sida, aux femmes enceintes et qui sont atteintes du VIH/ sida. Mais quelques jours seulement après la décision du tribunal, le gouvernement a annoncé qu’il allait faire appel contre cette décision. Les enfants d’Afrique du Sud, et beaucoup d’adultes, se souviennent des paroles de Nkosi : – Le gouvernement devrait donner aux mères les médicaments, parce que je ne veux pas que d’autres enfants meurent !
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Extrait du discours de Nkosi devant 10.000 personnes et les caméras de télévision :
« Bonjour, je m’appelle Nkosi… ...et j’ai le sida »
B
«
onjour, je m’appelle Nkosi Johnson. J’ai 11 ans et j’ai le sida. J’étais déjà malade quand je suis né. À deux ans j’habitais dans un home pour malades du sida. Ma mère n’osait pas me garder de peur que les voisins nous rejettent, s’ils avaient su que nous étions tous les deux malades. Je sais qu’elle m’aimait beaucoup et elle venait me voir autant qu’elle le pouvait. Mais on a dû fermer le home où j’étais parce qu’il n’y avait plus d’argent. Alors ma mère adoptive Gail Johnson qui travaillait au home, a dit aux autres qu’elle s’occuperait de moi. Elle m’a tout expliqué sur ma maladie et elle m’a dit que je dois faire attention si je tombe et si je saigne. Je sais que mon sang peut être dangereux pour les autres si eux aussi ont une plaie ouverte et que mon sang tombe dessus. C’est la seule fois où les autres doivent faire attention quand ils me touchent. En 1997, maman Gail est allée à l’école Melpark pour m’inscrire. Ils lui ont demandé si j’avais des maladies et elle a dit que j’avais le sida. Après un certain temps, elle a téléphoné à l’école et on lui a dit qu’ils auraient une réunion où on parlerait de moi. La moitié des parents et des
enseignants qui étaient à la réunion ne voulait pas que je commence l’école. On avait alors des leçons pour les enseignants et les parents à l’école pour expliquer qu’il ne faut pas avoir peur des enfants qui ont le sida. Aujourd’hui je suis très fier de pouvoir dire qu’il y a à présent une loi qui dit que c’est interdit de discriminer les enfants qui ont le sida, et que tous les enfants malades du sida/vih ont le droit d’aller à l’école. Je déteste le sida parce que cela me rend si malade et je suis très triste quand je pense à tous les autres enfants qui ont aussi le sida. J’aimerais vraiment que le gouvernement puisse commencer à donner le traitement AZT aux femmes séropositives, pour que leurs enfants ne soient pas contaminés à la naissance. Je me souviens d’un petit garçon abandonné qui s’appelait Micky et qui vivait avec nous. Il ne pouvait ni manger ni respirer tant il était malade. Micky était un si joli petit garçon et je pense vraiment que le gouvernement doit donner aux mères les médicaments contre le sida, parce que je ne veux pas que d’autres enfants meurent. Maman Gail et moi avons toujours désiré ouvrir un foyer pour les mères attein-
tes du sida et leurs enfants. Et je suis fier de pouvoir dire que le premier Nkosi Haven (Havre de Nkosi) a ouvert l’année passée. Je voudrais que les gens soient informés sur le sida et fassent attention, mais on ne peut pas attraper le sida simplement en touchant quelqu’un qui est infecté. Occupez-vous de nous ! Acceptez-nous ! Nous sommes comme les autres avec des mains et des pieds et
nous pouvons marcher et parler ! Nous avons les mêmes besoins que les autres. N’ayez pas peur de nous, nous sommes exactement comme vous !»
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Nkosi signifie roi, chef, meneur en zoulou. Et c’est bien ce qu’était le petit Nkosi Johnson, un meneur pour les enfants malades du sida. Quand Nkosi a pris la parole en faveur des droits de l’enfant, le monde entier a écouté, bien qu’il n’ait eu que 11 ans.
Nkosi, notre héros
A
u cours de sa courte vie, Nkosi a atteint des résultats importants dans son combat pour les droits des enfants atteints du sida : Droit à l’école Alors que la moitié des professeurs et des parents vou-
Nkosi, le super héros, vole.
laient l’empêcher de commencer l’école de Melpark, Nkosi a été interviewé 35 fois en cinq jours. Il est devenu célèbre dans toute l’Afrique du Sud. Même le gouvernement s’est posé la question de savoir si un enfant qui a le sida peut aller à l’école avec les autres enfants ou non. Trois mois plus tard, il a été décidé que Nkosi commencerait l’école à Melpark et que tous les enfants avec le sida en Afrique du Sud pourraient aller à l’école. Un matin de 1997, un petit garçon timide, du nom de
Nkosi, âgé de sept ans, est entré pour la première fois dans une classe de cours. Un foyer pour les pauvres Nkosi voulait créer un foyer pour les mères malades du sida et leurs enfants. Puisque beaucoup d’entre elles étaient aussi pauvres qu’avait été sa propre mère, il voulait qu’elles puissent vivre gratuitement dans le foyer. Il voulait aussi que les enfants continuent d’y habiter lorsque leur mère serait morte, pour qu’ils ne finissent pas à la rue et qu’ils puissent continuer d’aller à l’école. Pour recueillir de l’argent, Nkosi donnait des conférences sur le sida et Gail essayait de trouver des sponsors pour parrainer le foyer. Deux ans plus tard, en 1999, Nkosi inaugurait le foyer. Il a été appelé Nkosi’s Haven.
Nkosi est devenu un super héros dans une revue de bandes dessinées.
Mandela a téléphoné L’après-midi du même jour, l’ex président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela, a téléphoné. Il se demandait si Nkosi voulait bien lui rendre visite. Nkosi avait toujours admiré Mandela, bien sûr qu’il voulait ! Mandela a demandé si Nkosi aurait aimé être président, plus tard. – Non, je ne crois pas. C’est beaucoup trop de travail ! a répondu Nkosi. Mandela a ri. Le discours de Durban Nkosi était de plus en plus malade et cela le préoccupait beaucoup. En juillet 2000, il y eut, à Durban, une grande conférence sur le sida. On invita Nkosi a faire un discours lors de l’inauguration. Il accepta tout de suite. Il aurait enfin l’occasion de dire au président ce qu’il pensait que le gouvernement devait faire pour tous les enfants atteints du sida. Quand Nkosi apprit qu’il y
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SALUT L’AMI !
Dans les 11 langues d’Afrique du Sud : Beaucoup d’enfants en Afrique du Sud parlent plusieurs langues. Apprends à dire : « Salut l’Ami » dans les 11 langues officielles d’Afrique du Sud : Zoulou : Sawubona mngani wami! Xhosa : Molo mhlobo wami! Pedi : Dumela mogwera! Sotho : Dumela motswale wa ka! Swazi : Sawubona mngani wami! Tswana : Agge tsale ya mi! Venda : Hu ita hani khonani yanga!
aurait plus de 10.000 personnes dans le public et que le discours passerait à la télévision dans le monde entier, il se sentit très nerveux ! Mais il monta sur scène et il dit : – J’aimerais vraiment que le gouvernement distribue les médicaments aux femmes enceintes pour que leurs enfants ne soient pas infectés à la naissance. Je ne veux pas que d’autres enfants meurent ! On applaudit beaucoup Nkosi. Les journaux du monde entier dirent que Nkosi s’était fait le porteparole de plus d’un million d’enfants malades et que personne n’avait eu une telle importance dans le combat contre le sida.
Tsonga/ Shangaan : Avhushani mgana wamena! Ndébélé : Sawubona mngani wami! Afrikaans: Goeie dag my vriend! Anglais: Hello my friend!
qu’il se rétablisse. Mais ce ne fut pas le cas. Le 1er juin 2001 – le jour où l’Afrique du Sud célèbre la Journée de l’Enfant– Nkosi s’éteignit paisiblement dans son sommeil, il n’avait que 12 ans. Des flots de lettres et d’animaux en peluches arrivèrent pour Nkosi de toute l’Afrique du Sud. Leepile Manyaise, une petite fille, écrivit : « Nkosi, je t’aime, tu es mon héros. Tu t’es battu jusqu’au bout mais j’espère que maintenant, tu pourras te reposer. Tu vas me manquer »
Tu me manques… Six mois après, Nkosi tomba gravement malade. Beaucoup d’enfants et d’adultes lui rendirent visite. Ils souhaitaient
Nkosi a appris au directeur à ne pas avoir peur « Nous étions très proches, Nkosi et moi. À la fin nous étions comme des frères. Mais au début, j’avais peur de lui, comme beaucoup de professeurs et je ne voulais pas le toucher. Mais Nkosi m’a appris que le sida ne se transmet pas par la tendresse et par un simple contact physique. Bien que je sois adulte, c’est lui qui m’a appris des choses ! Tous les matins il venait me voir et nous parlions en buvant du chocolat chaud. Il apportait son déjeuner, de la maison, comme les autres élèves, mais il le cachait et il venait me dire qu’il avait faim ! Je ne pouvais pas lui résister, alors j’allais acheter des pizzas que nous mangions ensemble dans mon bureau ! La pizza était son met favori. Jusqu’en troisième il se portait bien, puis il s’est affaibli de plus en plus. Malgré son état, il préférait venir à l’école et dormait ici, sur mon canapé, plutôt que de rester à la maison. Certains pensaient que je le gâtais, mais je voulais seulement que ses derniers moments soient aussi bons que possible. Il me manque énormément, surtout maintenant en hiver. Il s’assoyait dehors au soleil et m’attendait. Certains matins, je me demande encore quand il va arriver. Nkosi a transformé l’ensemble du système scolaire sudafricain et il a fait de cette école quelque chose de spécial. Bien après, quand on m’aura oublié, tout le monde dira que l’école Melpark, était l’école de Nkosi » Badie Badenhorst
Mandela et Nkosi Nelson Mandela a téléphoné, il voulait rencontrer Nkosi. Nkosi et Badie.
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Nkosi & Hector se sont battus pour les droits de l’enfant
Nkosi m’a appris la solidarité
« Avant de mourir, Nkosi était très courageux, car il a parlé de sa maladie. Quand Nkosi parlait, les gens comprenaient à quel point le sida est dangereux. Il disait que les enfants avec le sida doivent être aimés comme les autres et je pense que c’est très important. Nkosi s’est aussi battu pour que les enfants malades du sida puissent aller à l’école. Mon école est appelée en hommage à Hector Pieterson*. Du temps où l’Afrique du Sud était raciste, il s’est battu pour l’éducation des enfants noirs et c’est pour cela qu’il a été abattu. Lui aussi n’avait que 12 ans quand il est mort et pour moi Nkosi et Hector sont pareils. Tous les deux se sont battus pour les droits de l’enfant » Octavia Lebohang Gumede Hector Pieterson Primary School, Soweto * Hector a reçu le Prix d’Honneur des Enfants du Monde 2000, à titre posthume (après sa mort).
TEXTe: ANDRE AS LÖNN phOTO: AP/REUTERS/BEELD/PAUL BLOMGREN
« Avant d’avoir entendu parler de Nkosi, j’avais peur des gens qui ont le sida, mais il m’a fait comprendre et maintenant je me sens vraiment concernée. Je fais le tour des écoles et je parle du sida comme on le fait ici aujourd’hui. Nous organisons des fêtes avec de la musique et des danses tout en informant sur le sida. J’essaie de faire comprendre aux jeunes qu’un ami avec le sida est toujours un ami. N’importe qui peut être touché par le sida, ma sœur, mon frère ou mes amis, alors c’est important de se sentir concerné. Nkosi m’a fait réaliser cela » Nonhlanhla Ngcobo Soweto
La radio a parlé de Nkosi « J’écoute la radio tous les soirs avant de dormir. Et comme nous n’avons pas l’électricité elle marche avec des piles. Un soir, j’étais étendue sur le matelas avec mes grandes sœurs et nous avons entendu parler de Nkosi Johnson qui habitait très loin, à Johannesburg. Ils disaient qu’il avait le sida et qu’il allait très mal. Nous pensions que c’était horrible qu’un enfant si jeune ait cette terrible maladie. C’était si injuste ! En même temps, il était si courageux d’oser parler de sa maladie et ainsi aider les autres. Ici, dans nos villages, nous n’osons même pas l’évoquer. Nkosi disait que les enfants avec le sida devaient être traités aussi bien que les autres, ce que je pense aussi. Ce n’est pas bien de traiter mal les enfants malades, parce que si on se moque d’eux, ils sont encore plus tristes. J’ai peur du sida parce qu’il n’existe aucun remède » Kgopotso Ntsane Village de Kotsoana, Transkei 30
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MAITI – Mon but est de nettoyer le Népal du commerce des filles, dit Anuradha Koirala, fondatrice de Maiti Nepal. Le Népal est l’un des pays les plus pauvres du monde. Beaucoup d’enfants sont obligés de travailler dans les fabriques de tapis, dans l’agriculture ou comme aides domestiques. Pour les filles il y a une menace en plus, celle d’être abusées et vendues à une maison de passe en Inde.
C
haque année des milliers de filles sont ainsi vendues. Les plus jeunes d’entre elles n’ont que huit ans. Les filles sont tenues enfermées dans les maisons de prostitution plusieurs années. Souvent on ne les laisse pas sortir avant qu’elles soient si malades qu’elles ne peuvent plus recevoir de clients. Beaucoup de filles ont le sida/vih. Pire pour les filles – Beaucoup accusent la pauvreté, mais la principale raison de la vente des filles est que les filles, au Néplal, sont moins bien traitées que les garçons, dit Anuradha Koirala. Elle a créé Maiti en 1993 et a sauvé, depuis, des milliers de filles dont la vie
aurait été détruite dans les maisons de passe. Les filles doivent être mariées et s’installer dans la maison du mari, alors pourquoi leur donner de l’instruction, se disent les parents. Les garçons prendront soin des parents et on leur accorde pour cela « plus de valeur » Et quand une fille se marie, la famille doit payer. Les trafiquants de filles exploitent la situation des villageois pauvres. Ils disent qu’ils ont un bon travail pour les filles à la ville. Parfois l’homme demande s’il peut épouser la fille. Prévient et sauve Dans les différents centre de Maiti à la campagne, des milliers de filles ont été informées sur le commerce des filles. Elles apprennent aussi à lire et à écrire, à coudre des vêtements et faire des bijoux. Si elles peuvent subvenir à leurs besoins, le risque est moins grand que leurs parents les envoient travailler ailleurs. Les filles des centres font le tour des villages pour chanter et jouer des pièces de théâtre sur le trafic de filles. Et lorsqu’elles retournent Anuradha Koirala, la fondatrice de Maiti.
chez elles, elles informent les filles du village. Dans son centre de Katmandou, la capitale, Maiti offre soins et protection. Dans le centre il y a aussi un orphelinat et une école, la Teresa Academy. Tous les ans, Maiti sauve des milliers de filles, dès la frontière. On collabore avec la police des postes frontières vers l’Inde. Maiti forme les filles, auparavant vendues, et en fait des gardefrontières. Elles savent comment se fait le trafic et ce qu’elles doivent chercher. À l’un des postes frontières, Maiti a ouvert une clinique pour les femmes et les enfants atteints du sida/vih. – Mon rêve est de construire un village pour les malades du sida, dit Anuradha Koirala. Et je veux voir les filles qui ont été vendues rire et redevenir des enfants !
Pourquoi Maiti a-telle été nominée ? Maiti Nepal a été nominée au titre de Héros des enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son combat contre le commerce des filles du Népal vers les maisons de passe en Inde, appelé aussi trafficking. Maiti empêche que des jeunes filles pauvres soient attirées et vendues à des maisons de passe, en leur apportant l’instruction et l’information. Maiti soigne et porte son soutien aux filles qui sont revenues et a ouvert une clinique pour les filles atteintes du sida/vih. Une partie de ces jeunes filles aident Maiti à surveiller les frontières en arrêtant les trafiquants de filles quand ils essaient de les faire passer en Inde. Maiti Nepal travaille avec Maiti Mumbai, en Inde, qui au risque de la vie de son personnel, libère les filles prisonnières dans les maisons closes.
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Poonam
surveille la frontière Poonam surveille la frontière entre Le Népal et l’Inde. Elle inspecte chaque véhicule qui passe. Ayant elle-même été vendue à un bordel quand elle avait 14 ans, elle sait exactement ce à quoi elle doit faire attention. Soudain, quelque chose éveille l’intérêt de la garde-frontière. La fille qu’elle voit est-ce une des milliers de Népalaises pauvres qui chaque année sont attirées en Inde pour être vendues à des maisons de passe ?
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’est samedi, dix heures du matin au poste frontière entre le Népal et l’Inde. Poonam se protège le nez et la bouche à l’aide de son châle blanc. La poussière et les gaz d’échappement empestent. – Stop ! Veuillez vous arrêter ! Où allez-vous ? Poonam fait signe à un vélo taxi. Un homme et une jeune fille sont assis sur le siège passager. L’homme s’énerve. – Qui es-tu ? De quel droit tu m’arrêtes ? demande-t-il. Poonam ne porte pas d’uniforme et ressemble à n’importe quelle jeune fille, avec son sari à fond blanc et ses sandales. Et pour cause,
personne ne doit soupçonner qu’elle est garde-frontière. Poonam sort sa carte d’identité où il est écrit qu’elle travaille pour Maiti Nepal et explique : – Nous empêchons qu’on passe des filles en Inde, et je voudrais vous poser quelques questions. Dans ce cas, la fille est la nièce de l’homme avec qui elle rend visite à des parents en Inde. L’homme montre les papiers qui les identifient et Poonam les laisse passer. Beaucoup sont sauvées – Nous contrôlons toutes les filles qui passent la frontière. Même si elles sont accompagnées par des femmes. On
Les garde-frontières de Maiti n'ont pas d'uniforme. Personne ne doit soupçonner qu'elles surveillent.
reconnaît facilement les filles de la campagne, à leurs vêtements et à leur façon de parler. Nous demandons à voir leurs papiers et où elles vont. Les jeunes gardes-frontières travaillent toujours par deux. Maiti a une petite maison dans les environs pour les interrogatoires. – Si nous avons des doutes, nous essayons de téléphoner à des membres de la famille. Nous interrogeons l’homme et la fille séparément. On les laisse partir seulement si leurs réponses concordent. Poonam a sauvé beaucoup de filles sur le point d’être enlevées : – On emmène l’homme à la police et la fille au centre Maiti. Puis on recherche sa famille et on la renvoie chez elle.
Halte-là! Poonam demande ce que l’homme et la fille vont faire en Inde.
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Poonam a lavé ses vêtements. Elle fait tout pour que les gens au Népal ne voient pas sur son visage ce qu’elle a vécu.
Attirée en Inde Poonam a elle-même été vendue à une maison de passe en Inde à l’âge de 14 ans. – Mon père est mort quand j’avais cinq ans. J’ai été obligée d’arrêter l’école en neuvième, notre famille est pauvre. Avec ma meilleure amie, j’ai travaillé comme serveuse dans un restaurant de la capitale Katmandou. Il y avait un gars qui venait tous les jours au restaurant et bientôt Poonam et lui sont devenus amis. – Je considérais Rudra comme mon frère. Je lui faisais vraiment confiance. Un jour, il nous a demandé, à mon amie et à moi, si nous voulions le suivre à un temple, le jour suivant. C’était au sommet d’une montagne, loin de Katmandou, où on pouvait faire des vœux. J’ai dit non, mais mon amie m’a convaincue. Nous avons dû passer la nuit dans une auberge. – Il y avait trois gars avec nous. Rudra, Fistey och Bikash. Le jour suivant, Bikash a dit qu’il devait se rendre en Inde pour acheter quelque chose. Nous avons refusé mais ils nous ont obligées. On les a suivis dans une ville en Inde. Les filles ont ensuite été conduites plus loin en train et en taxi. Rudra avait dit qu’ils iraient rendre visite à sa sœur. Alors Poonam a
commencé à s’inquiéter. Elle voulait retourner à la maison, les gens devaient se demander où elle avait passé! Mais Rudra, qui avait été si gentil au Népal, était tout différent en Inde. Vendue comme esclave – Ils nous ont emmenées dans une maison et Rudra nous a entraînées dans une chambre étroite. Il faisait très chaud et j’ai demandé la permission de sortir, mais il a refusé. Nous les avons suppliés de nous ramener à Katmandou et ils ont promis que bientôt nous retournerions chez nous. Mais quand nous avons essayé de sortir de la chambre, ils nous en ont empêché. Quand Poonam a essayé d’ouvrir la fenêtre pour avoir un peu d’air, elle a vu, dans la rue, des filles maquillée avec du rouge à lèvre. – J’ai essayé de sortir, Rudra m’a frappé à la tête, avec une ceinture et j’ai saigné. Mes vêtements étaient trempés de sang et à travers un brouillard, j’ai vu les gars sortir de l’argent d’un portemonnaie et je les ai entendus dire qu’ils nous avaient vendues. Nous leur avons dit que s’ils nous en avaient demandé, nous leur aurions donné de l’argent. Nous les avons priés de nous ramener, mais ils se sont moqués de nous en disant que nous
n’aurions jamais pu rassembler autant d’argent. A son réveil Poonam a vu la propriétaire de la maison de passe rentrer et leur dire qu’elles devaient se mettre à travailler aussitôt. Puis elle les a séparées. – On m’a emmenée dans une autre maison. Si je refusais de travailler, la propriétaire me frappait. – J’ai dit au premier client que je n’avais jamais fait cela auparavant. Je l’ai prié de m’aider à m’échapper. Il m’a dit que le samedi, il y avait beaucoup de monde à la maison de passe et qu’il m’aiderait alors. Il ne m’a pas touchée. Mais la propriétaire les a entendus et elle a envoyé Poonam dans une autre maison. Et on l’a de nouveau battue. Menacée et sauvée La vie dans une maison de passe est comme une prison. Les filles vivaient dans de petites chambres étroites et ne sortaient jamais. – Nous étions 30 filles dans la maison de passe, la plupart du Népal, mais ils ne nous permettaient pas d’être amies. Certaines filles parlaient de s’enfuir et faisaient des plans, mais il y avait toujours quelqu’un qui mouchardait et tout le monde recevait des coups. La patronne nous menaçait de 33
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TEXTe: SOFIA KLEMMING photo: TOR A MÅRTENS
Les filles au centre frontière de Maiti regardent la TV.
nous enterrer sous la maison si nous faisions des bêtises. J’avais peur mais ce qui me faisait tenir c’était mes plans de fuite. J’ai pris l’empreinte de la clé dans un savon que j’ai donné à des clients en les priant de m’apporter la copie. Finalement, après cinq mois, Poonam a été libérée. C’était Maiti à Mumbai (Bombay) qui avait été avisé qu’il y avait des enfants dans la maison de passe et avait averti la police. Cette fois-là on a pu sauver 21 filles. Poonam est retournée chez elle au Népal où elle a vécu au centre Maiti de Katmandou. – J’étais si heureuse ! La vengeance de Poonam Poonam a eu sa vengeance le jour où elle a pu envoyer
Rudra en prison. On a appris qu’il avait aussi vendu toutes les autres filles sauvées ce jour-là. Ensemble elles ont pu fournir les informations nécessaires à la police pour arrêter Rudra. – Quand je pense au temps passé au bordel, j’ai envie de pleurer. C’est un cauchemar.
Si j’avais été plus au courant du commerce des filles, je ne me serais pas laissée tromper si facilement. C’est la raison pour laquelle je veux rester chez Maiti et essayer d’empêcher que d’autres filles finissent comme moi.
Apprends le népalais Ke gare ko? – Salut, comment ça va ? Khelney ho? – Tu veux jouer ? Timro naam ke ho? – Comment tu t’appelles ? Mero naam – Je m’appelle Timi kasto chao? – Comment vas-tu ? Ma sanchai chu – Je vais bien Malai timi maan parcha – Je t’aime bien Saathi – Copain
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Sauvée à la frontière Anjali, 12 ans, est la plus jeune dans le centre de Maiti. Elle a été sauvée à la frontière alors qu’elle était en route vers un cirque en Inde : « Un homme est venu demander à ma mère si elle voulait me vendre à un cirque en Inde. Maman a dit non, mais j’ai insité car nous étions plusieurs copines et nous voulions partir ensemble. L’homme a dit que ce n’était pas un travail dur, je ne devais apprendre qu’à marcher su un fil. Nous aurions beaucoup de temps pour regarder la télé. Quand nous sommes arrivés à la frontière, une fille de Maiti a demandé à l’homme où nous allions. Il a dit qu’il nous donnerait à manger en Inde. Alors la fille m’a demandé à moi et j’ai dit que nous allions travailler dans
Dilmaya s’instruit sur le commerce des filles au centre de Maiti. Ensuite elle et les autres filles font le tour des villages pour mettre en garde les autres filles, au moyen de chansons et de pièces de théâtre. Dilmaya a confectionné des fleurs en plastique pour les vendre lors du Dashai, le grand festival indien en l’honneur de Durga, la déesse de la mer, représentant les forces féminines originelles. Le festival célèbre la vitoire des forces du bien sur celles du mal, à la fin de la période des pluies, quand les récoltes ont été engrangées.
un cirque. Elle a compris que l’homme mentait et elle nous a dit de la suivre. Après j’ai eu peur parce que j’avais été trompée » Les enfants des familles pauvres du Népal sont souvent trompés par la promesse qu’ils vont gagner énormément d’argent, que le travail est facile et qu’il iront à l’école. En vérité, ils n’ont aucun salaire et sont focrés de travailler tous les jours de l’année. A présent, Anjali vit dans le centre de Maiti pour tout apprendre sur le commerce des filles et ensuite instruire ses camarades au village natal.
Risque plus grand pour les filles pauvres
Durga
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Maggy Barankitse Pourquoi Maggy a-telle été nominée ? Maggy Barankitse a été nominée au titre de Héros des Enfants pour la Décennie 2009 pour son combat de 15 ans en faveur des enfants du Burundi où les conflits armés continuent. Maggy a directement sauvé la vie à 25 enfants et assuré une vie décente à plus de 10.000 autres. Elle a bâti des villages où les orphelins grandissent en «famille». Elle leur assure subsistance, vêtements, soins médicaux, l’école, un foyer et… de l’amour ! Maggy aide les enfants de tous les groupes ethniques ou religieux et leur apprend que chaque personne a la même valeur. Elle aide aussi les enfants pauvres des villages voisins et prouve que les gens au Burundi savent s’entraider. Les 30.000 personnes qui habitent près des villages de Maggy, reçoivent des soins dans l’hôpital qu’elle a fait construire. Maggy prend des risques quand elle déclare que la classe politique au Burundi, l’armée et les rebelles violent les droits de l’enfant.
Maggy Barankitse et Dieudonné, 7 ans s’embrassent. Dieudonné est l’un des nombreux enfants au Burundi à qui Maggy a offert une vie meilleure. En 1993, Maggy a sauvé la vie à 25 enfants pendant la guerre civile. Depuis elle en a secouru plus de 10.000 autres. Elle leur a donné nourriture, vêtements, soins, l’école et… de l’amour!
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ieudonné est un gamin vif, mais il porte sur son visage les signes de la guerre. Quand Maggy l’a trouvé, il avait 4 mois et le visage ravagé par la grenade qui avait tué sa mère. Maggy travaillait à l’évêché de Ruyigi quand la guerre civile entre les ethnies houtoues et toutsies a éclaté. – J’ai recueilli les gens des deux groupes à l’évêché. Mais nous avons été attaqués par des milliers de toutsis. Ils m’ont rouée de coups mais comme je suis toutsie, ils ne m’ont pas tuée. – J’ai pu cacher 25 enfants, mais après l’attaque, tous les parents des enfants étaient morts. Je me suis moi-même retrouvée orpheline très jeune, je sais à quel point c’est important pour un enfant de se sentir aimé et en sécurité. Alors, j’ai décidé de m’occuper moi-même des enfants, raconte Maggy. La guerre au Burundi a fait près de 300.000 personnes dont beaucoup d’enfants. Il y a 620.000 orphelins pour cause de la guerre et du sida.
– On enlevait les enfants pour en faire des soldats, d’autres étaient obligés de quitter l’école puisque personne ne payait leur écolage. Plus de la moitié des enfants au Burundi ne va pas à l’école. Beaucoup se retrouvent à la rue et doivent mendier pour survivre avec le risque de subir des actes de violence. Mais les hommes politiques continuent de dépenser de l’argent pour les armes plutôt que pour les enfants, dit Maggy. La Maison de la Paix Maggy et les enfants ont emménagé dans une vieille école qu’ils ont baptisée Maison Shalom « Maison de la Paix » Les enfants proviennent de toutes les ethnies et de toutes les religions. Maggy leur apprend qu’ils ont tous la même valeur. – Je veux montrer aux gens au Burundi que c’est possible de vivre en paix. Au début, il n’y avait que l’orphelinat à Maison Shalom, mais Maggy ne veut pas que les enfants grandissent dans un orphelinat. – C’est pour cela que j’ai bâti des villages avec 500 petites maisons où les
enfants peuvent vivre ensemble en petites familles. Dans chaque village il y a des « mamans de village » Les enfants apprennent à tenir un ménage, à cultiver les légumes ou à s’occuper du bétail, mais surtout ils sentent qu’ils font partie d’une famille qui les aime. Maggy a ouvert une boulangerie, un atelier de couture, un pensionnat et une ferme, où les enfants qui ont terminé l’école peuvent travailler et survenir aux besoins de « leur famille » Le combat de Maggy pour les enfants au Burundi était souvent dangereux. Elle allait chercher les enfants blessés ou abandonnés sur les champs de bataille. Elle a eu affaire à la justice et beaucoup ont voulu la tuer parce qu’elle ose dire que l’armée et les rebelles violent les droits de l’enfant. – Mon rêve c’est de pouvoir un jour fermer Maison Shalom parce que tous les enfants au Burundi auraient une famille. Mais il arrive des enfants tous les jours et nous serons là tant qu’il y aura des enfants qui auront besoin d’aide et d’amour.
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« Maggy c’est ma mère et ma grand-mère »
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C’était en 1993 et la famille de Justine s’était réfugiée chez Maggy. Mais un matin l’évêché fut attaqué par des centaines d’hommes armés.
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épêchez-vous ! Vous pouvez vous cacher ici, cria Maggy. Elle ouvrit l’armoire libre. Justine et ses trois petites sœurs s’y engouffrèrent. Elle était morte de peur. Elle entendait les coups de fusil et les cris des gens. Elle pensait au reste de la famille. Où étaient son père et sa mère ? Et son petit frère ? Plusieurs heures après, Maggy ouvrit la porte de l’armoire. Justine vit qu’elle pleurait. – C’est fini… mais vos parents n’ont pas pu se sauver. Votre petite sœur est aussi morte. Je regrette tellement ce qui s’est passé, mais je vous promets de m’occuper de vous à présent, murmura-t-elle.
– Maggy s’est occupée de moi et de mes frères et sœurs. Elle nous a permis de continuer l’école, mais surtout elle nous a donné de l’amour. C’est grâce à son amour que nous avons pu dépasser nos mauvaises expériences. Maggy est ma mère, mon père, ma grandmère… elle est tout pour moi ! dit Justine. – Je veux être comme Maggy et aider les enfants. Pardonner est la chose la plus importante que Maggy m’ait appris. Les hommes qui ont tué mes parents et ma petite sœur vivent à quelques maisons d’ici à peine. Au début je ne pensais qu’à me venger. Mais un jour, ils sont venus vers moi et m’ont
Justine et son petit frère Claude qui a aussi survécu à l’attaque de l’évêché.
demandé pardon. Ils m’ont dit en pleurant qu’ils regrettaient. C’était difficile, mais j’ai pardonné. Après ce jour j’ai pu continuer à vivre.
Maison Shalom a commencé avec Lysette et Lydia – Avant de mourir la mère de Lysette m’a demandé d’aimer Lydia et Lysette comme si elles étaient mes propres filles, et j’ai promis de faire de mon mieux pour que les fillettes aient une vie décente. Alors j’ai décidé de m’occuper aussi des autres enfants qui ont survécu au massacre du préau de l’évêché. Cette nuit-là je suis devenue mère et père de 25 enfants qui avaient été abandonnés au milieu d’une guerre sanglante, dit Maggy. Elle a fait ériger une pierre tombale à la mémoire des parents de Lysette et de tous
les autres qui sont morts dans le massacre. Mais Maggy a fait ériger une pierre tombale aussi pour que les enfants qui ont survécu puissent aller s’y recueillir et se souvenir de leurs parents et de leurs frères et sœurs. – J’y vais souvent avec Lysette et Lydia. Nous prions pour leur maman et papa et parfois les filles mettent de belles fleurs sur la tombe. Les parents de Lysette comptent beaucoup pour moi. Sa mère était ma meilleure amie et j’ai l’impression qu’ils me donnent le courage de continuer à me battre.
Justine et ses frères et sœurs l’année après l’attaque.
Maggy et les soeurs près de la pierre tombale érigée à la mémoire de tous ceux qui sont morts, victimes du massacre.
– Grâce à Maggy, j’ai obtenu une nouvelle chance dans la vie, dit Lysette Irakoze. Elle et sa sœur Lydia en petites filles et en jeunes filles.
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Aline
– Si Maggy ne m’avait pas aidée, je serais morte. Je veux être comme elle et m’occuper des orphelins, dit Aline 14 ans. Aline a perdu ses parents á l’âge de cinq ans. Aujourd’hui elle vit dans l’un des villages que Maggy a construit pour les orphelins avec six c’est l’heure du bain! crie-t-elle en versant de autres enfants qui sont à présent sa famille.
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–
vit dans le village de
l’eau dans un baquet en plastique. Aline lave Landry chaque jour en revenant de l’école. Il n’aime pas ça et crie. Mais après, sur les genoux d’Aline, enveloppé dans un linge sec, il est content.
– J’aime les enfants et je prends soin d’eux dans le village quand j’ai fini mes leçons. Je les prends sur le dos et je chante. Ils aiment ça et ça les calme. Il faut pro-
téger les enfants et faire en sorte qu’ils se sentent en sécurité, dit Aline. Aline a elle-même vécu des choses horribles. En 1993 son village a été attaqué et
toute sa famille a été tuée. Aline est toutsie ceux qui ont tué sa famille étaient houtous. Battue à la tête – Ils ont mis le feu à notre village et nous ont chassés dans la forêt. Je n’avais que cinq ans, mais un homme m’a tranché la gorge avec une machette et m’a ensuite frappé à la tête avec une pierre. Puis, croyant que j’étais morte, il est parti. Mais j’ai eu de la chance car une femme m’a recueillie et m’a emmenée chez Maggy.
Chrétiens et Musulmans sont les bienvenus La plupart des gens au Burundi sont catholiques. Maggy aussi est catholique, mais à Maison Shalom tous les enfants sont les bienvenus indépendamment de leur religion. Ça n’a aucune importance s’ils appartiennent aux religions traditionnelles africaines, s’ils sont musulmans, catholiques ou ont d’autres religions. Pour Maggy tout le monde a la même valeur. – Si je sais que les parents d’un enfant étaient musulmans, j’élève l’enfant comme musulman, puisque c’est ce que les parents auraient fait, dit Maggy.
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J’étais sans connaissance quand je suis arrivée à Ruyigi et j’avais une blessure grave à la tête. Si Maggy ne m’avait pas emmenée à l’hôpital, je serais morte. Aline touche délicatement sa blessure à la gorge. Elle lui rappelle l’horreur. Mais bien que ce soit des houtous qui ont tué sa famille, elle ne les a jamais haïs en tant que groupe. – Ça vient du fait que j’ai toujours eu des camarades houtous. À Maison Shalom et dans les villages de Maggy il y a des houtous et des toutsis et il n’y a jamais eu
de problèmes. Nous sommes amis et il n’y a aucune différence entre nous parce qu’ici nous avons la même valeur. C’est ce que je dis toujours aux autres toutsis qui ne peuvent pas comprendre que je vive avec des houtous. Veut être comme Maggy – Salut ! Ça va ? C’est Gloriosa qui vient de renter. Elle est un peu la mère des autres. Elle travaille à Ruyigi, la boulangerie que Maggy a ouverte pour que les filles qui ont terminé l’école puissent gagner de l’argent et être
indépendantes. Maggy paie l’écolage des enfants et leur donne, une fois par mois, du maïs, du ris des haricots, de l’huile et de la viande. Pour le reste, ils utilisent l’argent de Gloriosa. Par exemple quand ils vont au marché et achètent des fruits frais, c’est elle qui paie. Exactement comme n’importe qu’elle mère. En plus de Gloriosa, d’autres femmes dans le village de Maggy sont des
mères pour tous les enfants. Si quelque chose ne va pas, les enfants peuvent parler avec elles. Les mamans du village vérifient que tout le monde est à l’heure pour l’école et sont là quand quelqu’un est malade. Quand toutes les filles sont rentrées, on organise la soirée. Une fille fait le ménage, une autre ses leçons et Aline,
TEXTe: ANDRE AS LÖNN phOTO: PAUL BLOMGREN
ge de Maggy pour les orphelins
Landry s’est endormi sur le dos d’Aline.
L’argent qu e G loriosa gagn e à la boulang erie est po ur toute la « famille » du village.
r. is par jou u deux fo a e l’ r e h . herc heure Aline va c ne demiue fois u q a h c t u Il fa
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nettoie le ris, sur le pas de la porte. Un peu plus loin il y a Jacqueline qui lave les bananes plantain. – C’est mieux ici qu’à l’orphelinat, car ici nous sommes une vraie famille et nous nous occupons les uns des autres en apprenant un tas de choses. A faire à manger, par exemple, tenir une maison et même à cultiver les légumes. Ça aussi on doit le faire soi-même ! Quand on s’en ira d’ici on s’en sortira très bien, dit Aline. Mais au fond, elle ne veut pas quitter le village de Maggy et fonder sa propre famille. Elle veut être comme Maggy. – Je veux terminer l’école et ensuite je ferai tout pour aider les orphelins. Il y aura
malheureusement de plus en plus d’orphelins au Burundi. Les enfants sont l’avenir Les filles cuisent le repas, dans la cour, directement sur le feu, comme tout le monde dans les villages environnants. On mange et on parle de la journée passée. Il fait nuit vite et bientôt Aline et les autres filles ne voient plus que les feux devant les petites maisons où d’autres enfants mangent et parlent. – Avec tous les problèmes au Burundi, il faut prendre soin des enfants. Les enfants sont l’avenir et si on leur offre un bon début dans la vie, ils deviendront de meilleurs adultes.
Les enfants des voisins aussi – Dans les villages de Maison Shalom vivent des enfants de toutes les religions et de toutes les ethnies du Burundi et ils sont amis. C’est ainsi que ça doit être dans tout le pays si nous voulons la paix au Burundi, dit Maggy. Elle espère que les enfants des voisins en voyant cela comprennent que c’est possible de vivre ensemble, en paix. – Je veux que tout le monde dans les environs puisse profiter de Maison Shalom. Quand nous réparons nos maisons, nous aidons aussi les voisins à réparer la leur. L’hôpital que nous avons construit est pour les 30.000 habitants de la région. Nous aidons aussi les enfants des voisins pauvres à commencer l’école et à payer leur écolage et les uniformes de l’école. Pourquoi seulement les enfants de Maison Shalom iraient à l’école ? C’est injuste ! Si l’on pense ainsi, notre travail est bon pour tout le Burundi, dit Maggy.
La fronde de Fleury Fleury a sept ans et il vient juste de rentrer de l’école. Il habite dans l’un des villages de Maggy avec ses grandes sœurs. Il s’est dépêché de rentrer pour aller chasser avant les devoirs. – Je fais des frondes avec mon frère. D’abord on va chercher des bâtonnets dans la forêt et puis on va au marché pour acheter de larges bandes de gomme. Les bandes taillées dans de vieux pneus sont très bien.
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James Aguer (
Quand James Aguer Alic avait 20 ans, des enfants de son village ont été emmenés comme esclaves. Sa mère a été tuée parce qu’elle a refusé de livrer sa petite fille. James s’est enfui avec ses frères et sœurs pour un jour sauver les enfants en esclavage.
A
près l’attaque de la milice James et ses frères et sœurs ont fui à Khartoum, la capitale du Soudan. Ils ont vécu chez des parents et dans des camps de réfugiés. Beaucoup racontaient qu’on enlevait les enfants et qu’on les envoyait au Soudan du nord, comme esclaves. – Nous devons faire quelque chose, dit James. Nous devons libérer ces enfants ! Un soit James et huit autres personnes ont tenu une réunion secrète. Si la police avait su qu’ils se rencontraient pour libérer les esclaves, ils auraient tous fini en prison. – Je sais où ils les ont conduits, dit James. Chez les Arabes au Darfour et dans le Kordofan. J’ai l’intention de m’y rendre. Qui veut me suivre ? – Bien sûr, nous te suivons, ont répondu plusieurs des hommes dinkas. Mais deux d’entre eux hésitaient.
– S’ils savent que nous voulons libérer les enfants, ils nous tueront. – Voyons, qui le fera, si nous ne le faisons pas ? dit James. Même si je dois y laisser la vie, j’irai. Ils commencèrent alors à faire des plans. – Nous devons nous habiller en Arabes, pour ne pas éveiller de soupçons. Qui achète les jallabiyas et les calottes ? (longues robes blanches et bonnets blancs, vêtements typiques des Arabes) Quelques jours plus tard, habillés en Arabes, ils prirent
le train. Ils s’assirent dans des wagons différents pour qu’on ne soupçonne pas qu’ils étaient ensemble. Une fois arrivés, ils se dirigèrent chacun vers un des villages où les enfants étaient prisonniers. James se sentait un peu bizarre dans ses habits arabes, mais il put constater que le déguisement marchait. Personne ne faisait attention à lui dans les villages et les campements. Quand quelqu’un lui demandait ce qu’il faisait, il répondait : « Je cherche mes vaches » Mais en vérité, James et ses amis recherchaient les enfants esclaves.
Pourquoi James Aguer a-t-il été nominé ? James Aguer a été nominé au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son combat acharné contre l’esclavage des enfants au Soudan. Les enfants qui sont enlevés par les hommes de la milice sont obligés à travailler du lever au coucher du soleil. Ils doivent dormir à l’extérieur avec les animaux, manger les restes, sont battus et fouettés. En plus de 20 ans de combat, James et ses collaborateurs ont libéré environ 3.000 enfants. Et leur combat se poursuit en vue de libérer le reste des enfants. James a été emprisonné 33 fois et quatre de ses collaborateurs ont été tués. À présent, James et ses collaborateurs bénéficient de l’aide du gouvernement soudanais dans leur combat de la lutte contre l’esclavage.
James avec quelques collaborateurs arabes. K arin Södergren (dessins)
MAMAN!
Lis la bande dessinée sur la façon dont James a sauvé les enfants esclaves, sur : www.worldschildrensprize.org
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Bande dessinée de Magnus Bergmar (texte) et
ARRÊTE-TOI! Ou je tire!
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Quand ils voyaient un enfant à la peau foncée qui gardait les vaches et les chèvres ou transportait de l’eau à proximité des villages arabes, ils lui demandaient d’où il venait, comment il s’appelait et ce qu’il faisait là. Ils demandaient aussi si l’enfant connaissait d’autres enfants dinkas dans les environs. Ils se firent même des amis parmi les Arabes qui les aidèrent à rassembler des noms. James prenait toujours des chemins différents pour ne pas être reconnu. Le soir il retrouvait ses amis et ils faisaient le point sur les informations recueillies pendant la journée. Ils remarquèrent que les enfants esclaves étaient bien plus nombreux que ce qu’ils avaient d’abord imaginé et ils prirent note de tous les noms. Quand ils avaient passablement de noms dans une région, James se rendait chez le Sultan, le chef des Arabes. – Cher Sultan, je sais que tu n’aimes pas l’esclavage, mais ton peuple a pris des gens de notre peuple dinka en esclavage. Je sais que beaucoup de ces enfants se trouvent dans les familles des environs, expliquait poliment James. Il s’est avéré que beaucoup de sultans pensaient que l’esclavage n’est pas bien et aidèrent James à libérer les enfants. D’autres le menacèrent et lui dirent de ne jamais plus se montrer dans la région.
James
a été emprisonné 33 fois Moses et Elisabeth, sur la photo, ont été enlevés et sont devenus esclaves, mais James Aguer Alic les a sauvés. James se bat depuis plus de 20 ans et a libéré des milliers d’enfants. Souvent au péril de sa vie.
L
e Soudan, qui en arabe veut dire ”La terre des noirs”, est le plus grand pays d’Afrique. Les différences entre le nord et le sud sont énormes. Dans le nord, se trouvent de grands déserts de sable, des pâturages et la capitale, Khartoum. Au moins la moitié du pays, qui compte 30 millions d’habitants, appartient à divers groupes arabes et parle l’arabe. La plupart sont musulmans. Dans le sud il y a des savanes, des marais et des pâturages. C’est là que vivent les Dinkas, le plus grand groupe ethnique (environ 3 millions) Leur langue est le dinka. La plupart sont chrétiens ou ont conservé leur religion d’origine. Les dinkas ont beaucoup souffert de l’esclavage.
TEXTe: GUNILL A HAMNE phOTO : KIM NAYLOR
Je prends la femme, le garçon et…
Les gens sont plus pauvres dans le sud malgré des richesses naturelles comme le pétrole, l’or, l’uranium et les sources d’eau. Ces richesses ainsi que les conflits religieux sont en partie la cause de la guerre civile. Au Soudan du sud, là où les soldats du gouvernement ont fait coalition avec la milice à cheval, on bombardait les villages. C’était la milice qui a enlevé environ 40.000 femmes et enfants et les a rendus esclaves. On obligeait les enfants à travailler dans les familles arabes, à dormir dehors avec les animaux et on les fouettait. Le libérateur d’esclaves James libère les enfants esclaves depuis plus de 20 ans. À ce jour il a participé à
Moi, je prends les autres garçons
la libération de 5.000 esclaves, dont 3.000 enfants. – Ces enfants c’est mon peuple, dit James. Personne ne m’empêchera de les rechercher. Si nous ne le faisons pas, ils resteront en captivité. James a été emprisonné 33 fois pour son combat contre l’esclavage et deux de ses collaborateurs ont été tués. D’abord le gouvernement du Soudan a nié l’existence de l’esclavage dans le pays. Mais a, depuis, pris une autre position et a fondé une organisation, la CEAWC, pour en terminer avec l’esclavage. James et ses collaborateurs font partie de la CEAWC.
Je suis content que maman soit avec nous.
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Manol
a été harcelé comme esclave À l’âge de dix ans Manol est devenu esclave. Les fils du propriétaire et les autres garçons l’ont harcelé. Mais un jour...
L
’histoire de Manol commence un matin tôt quand les miliciens arrivent à cheval dans son village. Manol, ses parents et ses sœurs se sauvent à travers le lit asséché du fleuve. Mais de l’autre côté les miliciens à cheval les attendent. Très vite la famille est encerclée. On fait mettre les villageois en rang, on rassemble les chèvres et les vaches et la longue marche commence. Ils marchent pendant des heures sans boire, ni manger. – Je dois tenir, pense Manol. Il cherche sa mère des yeux, elle porte sa petite sœur. Elle semble si fatiguée. « S’il te plaît maman, tiens bon, s’il te plaît... » La fuite dangereuse Le soir, ils dressent le camp. Soudain trois miliciens disparaissent au galop dans la savane. Quand ils revien-
nent un instant plus tard ils ont fait prisonnier deux hommes. – Voilà ce que l’on fait à ceux qui essaient de s’enfuir ! crie un des cavaliers en abattant les deux hommes. Le matin suivant, la mère de Manol lui murmure que son père s’en enfui. « Oh non! se dit Manol, ils vont le tuer » Quand les soldats s’aperçoivent que le père de Manol s’est enfui, ils s’éloignent à cheval. Quelques heures plus tard, ils reviennent sans lui. Il s’en est tiré ! Ils marchent pendant six jours avant d’arriver au marché aux esclaves. Un Arabe prend Manol, alors que sa mère et sa sœur suivent un autre homme. Trois jours de marche et l’homme et Manol arrivent dans un campement. Il appartient au maître, sa femme et leurs cinq enfants. Un des fils du maître dit :
Manol sous le manguier avec son ami Valentino, qui a aussi été esclave.
– C’est toi qui est notre esclave ? et crache par terre devant Manol. La femme lui montre une place derrière la tente où les chèvres sont entassées, derrière une clôture. – Tu dormiras ici, dit-elle en montrant le sol. Sans matelas, ni couvertures. Le pire c’est la nuit. Le souvenir de sa mère et de son père viennent le hanter. « Où êtes-vous ? Êtes vous vivants ? » demande Manol aux étoiles. Il rêve de leur maison et du grand manguier. Une hache au pied Manol se lève tôt, il est frigorifié après avoir passé la nuit dans l’enclos des
vaches. Il doit commencer à travailler aussitôt, sans petit déjeuner. Faire la vaisselle, le ménage et la corvée d’eau. Puis il se met en route avec les vaches. Le chemin est long jusqu’au pâturage et les garçons des tentes avoisinantes font tout pour lui empoisonner la vie. – Regardez, c’est l’esclave ! Comme il est sale ! Et il pue ! Les garçons se moquent de lui et mènent leurs vaches au milieu du troupeau de Manol. Deux des garçons s’avancent menaçants vers Manol. Ils le poussent et lui donnent des coups de pieds, ce qui l’empêche de garder le troupeau. D’autres effraient les vaches par des claquements
Ta maman est morte. Garde-toi de t’enfuir!
Chaque nuit, je pense à maman et à papa et je pleure.
Nuit après nuit, je tremble de tout mon corps.
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Manol fait du feu dans le jardin familial.
de langue pour qu’elles se mettent à courir partout et jettent la pagaille dans les autres troupeaux. – Non, non, arrêtez ! crie Manol. Manol réussit à rassembler toutes les bêtes sauf une. Que va-t-il dire au maître quand il reviendra au campement ? – Espèce de morveux, crie le maître en s’apercevant qu’une vache manque. Il lui jette une hache au pied, qui lui ouvre une blessure de dix centimètres.
– Que cela ne se reproduise plus, sinon... Rentre les vaches et va chercher de l’eau. Manol a tellement faim qu’il peut à peine marcher. De toute la journée il ne boit que de l’eau et le soir il n’a que quelques restes qu’il mange tout seul devant la tente. Il a tout le temps faim. Sauvé par James Les enfants de la maison peuvent faire ce qu’ils veulent avec Manol. Ils le battent, disent des méchancetés
et se moquent de lui parce qu’il n’a pas de parents. Un des garçons lui enfonce une flèche dans le genou qui lui laissera une cicatrice. Il ne croit pas qu’il reverra jamais ses parents ou sa sœur. On le traitera pour toujours en esclave et on le battra comme un chien. Mais un jour, deux ans plus tard, un homme arrive. Il parle avec le propriétaire et emmène Manol. – Est-ce que je serai son esclave ? pense Manol pendant qu’il marche à côté
d’un homme grand, en jallabiya et turban blanc. À chaque arrêt ils repartent avec de plus en plus d’enfants qui ont été esclaves. Certains connaissent Manol car ils viennent de la même région. Enfin, il peut parler la langue dinka. Le soir, l’homme abat une chèvre et la fait rôtir. Cette nuit-là, les enfants s’endorment, serrés les uns contre les autres et rassasiés pour la première fois depuis plusieurs années. Après six jours de marche ils arrivent dans un grand marché où les Dinkas et les Arabes achètent et vendent vaches, sucre, tissu, thé et médicaments. C’est aussi un marché de la Paix où se rencontrent les esclaves libérés et les familles qui sont venues les chercher. Manol et les autres enfants s’assoient et attendent. Les adultes tournent autour de l’arbre à la recherche de leurs enfants. Manol cherche aussi le visage de sa mère ou de son père. Il se passe plusieurs heures. Puis l’après-midi il reconnaît le son d’une voix : – Manol ! Manol ! Mon fils, tu es là. Le père de Manol s’élance et le soulève
Ainsi on peut aller partout sans éveiller de soupçons.
Les enfants sont prisonniers des arabes. Moi-même je suis dinka, comme la plupart des enfants enlevés. Mais il y a aussi des arabes qui nous aident.
Nous nous habillons comme ceux qui enlèvent les enfants.
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Le mannequin
ALEK
et la fille esclave
Le manguier offre son ombre quand Manol joue avec sa sœur.
dans ses bras. Ils s’embrassent très fort et très longtemps. – Où sont ta mère et ta sœur ? demande le père en cherchant du regard. – Je ne sais pas, répond Manol en devenant triste, je ne les ai plus revues depuis que tu t’es sauvé. Trois mois plus tard, James Aguer libère aussi la mère et la sœur de Manol. Enfin la famille est de nouveau réunie.
– C’est fantastique d’être de nouveau à la maison sous le manguier, dit Manol. Si j’avais un peu d’argent, j’achèterai une vache, une chèvre et des habits. Les Arabes ont volé nos 25 vaches et toutes les chèvres. Et puis bien sûr j’aimerais aller à l’école. – Je veux tout apprendre sur les arbres et l’agriculture pour pouvoir planter des arbres et le durra. J’aurai un tas d’arbres quand je serai
grand. Sans arbres la vie est ennuyeuse, non ? demandet-il à son ami Valentino, qui a aussi été esclave. Manol pense plus au futur qu’au passé. Il a tellement de projets maintenant qu’il est libre.
D’où viens-tu et comment t’appelles-tu?
Alek Wek est un des mannequins les plus connus. Elle est aussi réfugiée du Soudan. Ce qu’elle ne pourra jamais oublier. Alek est marraine et Amie Adulte Honoraire du WCPRC. Elle est ici avec Abouk que James Aguer a libéré de l’esclavage.
Bien qu’elle soit à présent un mannequin très connu, Alek n’oublie pas ses amis, ses parents et tous ceux qui au Soudan ont vécu la guerre civile et la faim. Elle parle souvent de la situation au Soudan et elle participe à recueillir de l’argent.
J’ai rencontré cinq enfants enlevés.
Je m’appelle Adut, on m’a emmenée ici. Qu’est-ce qu’il veut ? Il parlait dinka…
Et moi trois! Demain nous irons voir le sultan.a
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NOMINÉE • Pages 46–50
Prateep Ungsongtham Hata
Pourquoi Prateep a-t-elle été nominée ? Prateep Ungsongtham Hata a été nominée au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son combat de 40 ans en faveur des droits des enfants les plus démunis de Thaïlande. Depuis l’âge de 16 ans Prateep a consacré son temps pour assurer une vie meilleure et l’école à des milliers d’enfants des bidonvilles. L’organisation de Prateep apporte une aide économique aux enfants, dirige 15 jardins d’enfants, des écoles pour enfants malentendants, des foyers pour les enfants vulnérables, construit des bibliothèques dans les écoles, prête de l’argent au moyen de la « banque des pauvres » et dirige la « station radio des pauvres » où les enfants peuvent faire entendre leur voix. Prateep exige que les enfants pauvres aient les mêmes droits que les autres. Prateep a reçu des menaces de mort de la part de bandes de Bangkok. Ils n’aiment pas qu’elle offre aux enfants pauvres l’instruction et la possibilité de dire non au travail dangereux, à la drogue, à la prostitution et à la criminalité.
Prateep Ungsongtham Hata est née à Klong Toey, le plus grand bidonville de Bangkok. À l’âge de dix ans, elle enlevait la rouille des cargos pour survivre. Mais en rêve, elle allait à l’école... Aujourd’hui, Prateep a 56 ans. Pendant 40 ans elle a offert aux enfants pauvres de Thaïlande une vie meilleure et l’école.
L
’histoire de Prateep commence avant sa naissance, dans un petit village près de la mer dans le sud de Bangkok. Son père, le pêcheur Thong You, avait entendu dire qu’on cherchait du monde dans le port de Bangkok. Il décida de s’y installer avec toute sa famille. Partout des gens pauvres venus de la campagne s’y entassaient espérant tous une vie meilleure en ville. À l’aide de tôle, de carton et de planches ils construisirent de petites cabanes. C’est ainsi que le
bidonville Klong Toey vit le jour. Bonbons et œufs Quand Prateep est née, son père était docker au port, mais toute la famille travaillait. – À quatre ans j’allais avec maman vendre ses confiseries, se rappelle Prateep. Chaque matin elle donnait de l’eau aux canards et ramassait leurs œufs. Les œufs dont la famille n’avait pas besoin, elle allait les vendre au marché. Chaque jour elle aidait maman à aller chercher l’eau à deux kilomètres.
Maman Suk voulait que Prateep commence l’école. Mais il n’y avait pas d’école à Klong Toey. Et puisque Prateep – comme tous les autres enfants pauvres – n’avait pas d’acte de naissance, elle n’a pas pu être inscrite dans une école publique. Sans acte de naissance les enfants ne sont pas reconnus comme citoyens thaïlandais et n’ont pas le droit d’aller à l’école. Quand Prateep avait sept ans, sa mère a trouvé une école privée bon marché qui a bien voulu la prendre. – J’étais si heureuse! Le premier jour d’école a été le plus beau jour de ma vie, dit Prateep. Cela s’est bien passé pour Prateep. Ça lui était bien égal que tous les autres enfants aient des vêtements plus beaux. Elle était surtout heureuse de pouvoir aller à l’école. L’après-midi Prateep continuait à vendre des bonbons.
Prateep trouvait injuste que les enfants pauvres n’aillent pas à l’école.
Prateep a ouvert une école chez elle.
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uniformes. Moi, j’avais des vêtements déchirés et sales. Quand ils m’ont demandé pourquoi j’avais arrêté l’école, j’ai eu honte et je me suis mise à pleurer. C’était si injuste. A ce moment-là je me suis jurée que d’une façon ou d’une autre, je retournerais à l’école ! Prateep donnait presque tout l’argent qu’elle gagnait à sa mère, mais elle en gardait aussi un peu. Après quatre ans de travail au port, elle avait pu mettre de côté assez d’argent pour un cours du soir en ville. – Mon rêve s’était réalisé ! J’allais à l’école le soir et je travaillais la journée. J’étais si fatiguée que je m’endormais dans le bus sur le chemin de l’école. Première école! Pendant les années au port, Prateep a rencontré d’autres enfants qui travaillaient. Ils n’avaient pas non plus d’acte de naissance. Prateep trouvait cela injuste. À 16 ans elle a ouvert sa propre école ! – Ma sœur Prakong et moi avons pris le rez-dechaussée de notre maison comme classe. Puis nous avons fait le tour des voisins et leur avons dit qu’ils pouvaient envoyer leurs enfants
Une pers o n n e sur six dans le d ans d e s mo nde , h bidonville abite s . Parmi e vivent en ux , huit m Thaïlande il lions . Trois milli ons d’enfa la possib nts thaïla ilité d’alle ndais n’on r à l’école obligés d . B e au c o u t p as e travaille p so nt r e t au mo sont pros ins 3 0 .0 0 titués . 0 enfants Parmi les ac tions d e Prateep F oundation Prateep et de la Du a , pour aid pauvres , er les enfa ng se trouve nts nt : • 2.500 e nfants pau vres reçoiv mique pou ent une aid r pouvoir a e éc ono • Dans les ller à l’éco le. 15 jardins d ’enfants d aux enfants e Pra du lait et d es aliments teep on donne les soins m édicaux et n • Une éco les soins d ourrissants, le pour en e n taires gratu fants male parents n’o its. ntendants nt pas les , car les moyens d enfants da ’en ns de s éc oles chère voyer leurs • Dans de s. ux foyers, les enfants qui ont été les plus ex maltraités posé s , , abusé s o nouvelle c u drogués hanc e. , o nt u n e • C onstruc tion de bib li o th la scolarité è que s d an des enfan s les villag ts. L a pos e s et les filles, d sibilité, su e gagner le rt o u u t p our Si les filles r vie et de rester au v partent, ell il la e la prostitu s risquent ge. tion. de tomber • « L a ban d ans que de s p auvres » p pauvres q rête de l’ ui n traditionne ’obtiennent pas de p argent aux lles. rêts des b anque s • « L a rad io des pau vres » perm faire enten et aux enfa dre leur vo nts de ix.
Le premier jour, 29 enfants sont arrivés chez Prateep, très vite ils étaient une centaine.
TEXTe: ANDRE AS LÖNN phOTO: PAUL BLOMGREN
Un triste jour Mais un jour, quand Prateep avait dix ans et venait de terminer la quatrième, maman lui a dit qu’ils n’avaient plus les moyens de l’envoyer à l’école. – C’était un des jours les plus tristes de ma vie. Je ne faisais que pleurer. D’abord elle a travaillé dans une fabrique de feux d’artifices, puis dans une fabrique de casseroles. Les jours où la fabrique n’avait pas besoin d’elle, elle travaillait au port. – Je grattais la rouille des cargos. Puisque j’étais si petite je devais me glisser sous le pont et nettoyer les parties étroites où les adultes n’arrivaient pas. C’était dangereux parce que nous n’avions aucune mesure de sécurité. Parfois, quand nous avions terminé, le contremaître nous disait qu’il fallait rester et travailler la nuit. Beaucoup d’enfants se droguaient pour tenir le coup. Je l’ai fait aussi quelques nuits pour rester éveillée. Un matin, alors qu’elle descendait vers le port, il se passa quelque chose qui changea complètement la vie de Prateep. – J’ai rencontré mes anciens camarades de classe. Ils allaient à l’école avec leurs
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à notre école pour un baht par jour (0,03 USD) Dès le premier jour, il y a eu des enfants qui ne pouvaient pas payer mais on les a gardés. La première semaine Prateep a fait l’école à 29 enfants. Ils étaient assis sur des journaux placés à même le sol. La renommée de l’école s’est vite répandue. Un mois plus tard, il y avait 60 enfants et bientôt plus d’une centaine d’enfants attendaient chaque matin devant la maison de Prateep ! – Je leur lisais des contes et j’essayais de leur apprendre à lire, écrire et compter. Beaucoup d’enfants n’avaient pas eu de petitdéjeuner. Alors je faisais cuire du riz qu’ils mangeaient avant les cours. – Je voulais que les autorités reconnaissent l’école. J’avais peur qu’ils m’obligent à la fermer. Je ne sais pas à combien de fonctionnaires j’ai dit : «S’il vous plaît, les enfants pauvres de Klong Toey ont aussi le droit à l’instruction. Nous avons autant de valeur que tous les autres enfants. Puisque nous ne pouvons pas aller dans les écoles régulières, nous voulons que vous reconnaissiez la nôtre !» Je leur disais qu’ils devaient nous aider à obtenir notre acte de naissance. – Souvent, ils me riaient au nez en disant que nous, les pauvres, nous n’étions
pas vraiment des êtres humains. Ils me menaçaient de m’arrêter si je n’arrêtais pas d’enseigner. Finalement c’est Prateep qui a gagné et son école a été reconnue. Mais cela a pris huit ans ! Les enfants ont eu plus de professeurs, plus de matériel et un bâtiment tout neuf. Elle en a aidé des milliers A 26 ans, elle a reçu un prix de 20.000 dollars. Elle n’a rien gardé. Avec l’argent elle a ouvert la Fondation Duang Prateep afin d’aider encore plus d’enfants. Prateep se bat pour les droits des enfants pauvres en Thaïlande depuis 40 ans. Des milliers d’enfants ont une vie meilleure et le droit à l’instruction. Aujourd’hui près de 100 personnes, dont la plupart viennent de Klong Toey, travaillent pour la Fondation Duang Prateep. – Mon rêve c’est que tous les enfants de Thaïlande s’en sortent et la fondation Duang Prateep ne soit plus nécessaire. Mais encore aujourd’hui des milliers d’enfants travaillent plutôt que d’aller à l’école. D’autres sont victimes de la prostitution enfantine et beaucoup de la drogue et de la criminalité. Aussi longtemps que je vivrai, je me battrai pour les droits de ces enfants!
Deuan fréquente l'école de Prateep pour enfants malentendants et bénéficie d'un soutien économique pour pouvoir continuer à aller à l'école.
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as Kea « n’existe» p sance. C’est
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te de nais – Je n’ai pas d’ac , dit Kea. s pu aller à l’école pourquoi je n’ai pa s d’acte pa nts pauvres n’ont Beaucoup d’enfa és ér id sont pas cons de naissance et ne des ux ye thaï landais. Aux comme citoyens s les pa nt xistent pas » et n’o autorités, ils « n’e s. nt les autres enfa mêmes droits que
a fui le méchant homme Après la mort de ses parents, Kea a été maltraitée. Elle s’est enfuie en ville, est entrée dans une bande et a été condamnée, à l’âge de huit ans, à trois ans de prison pour enfants. À onze ans sa « belle-mère » l’a vendue pour 60 dollars. A suivi une période horrible. Mais Prateep est venue au secours de Kea.
D
«
ans la ville à côté, j’ai trouvé d’autres enfants abandonnés et nous sommes devenus amis. Nous habitions dans le quartier mal famé. Nous nous entraidions et ils sont devenus ma famille. Nous nous battions souvent avec d’autres bandes. Ma meilleure amie a frappé et gravement blessé une autre fi lle avec un couteau. Quand la police a demandé qui avait blessé la fi lle, j’ai
dit que c’était moi. J’aimais mon amie et je n’avais plus personne à qui j’aurais manqué si on m’avait condamnée. La police m’a crue et j’ai été condamnée à trois ans de prison pour enfants. Je ne me serais jamais imaginée une si longue peine ! Avec mes huit ans, j’étais la plus jeune. Ça ressemblait plus à une prison qu’à une école. En trois ans, nous n’avons pas eu une seule leçon.
Vendue pour 60 dollars Quand je suis sortie de la prison pour enfants, je suis retournée à la rue. Certains jours, quand j’étais plus seule et triste que d’habitude, je sniffais de la colle. Un jour une femme s’est approchée avec sa fi lle. Elle m’a dit qu’elle était la deuxième femme de mon père et qu’elle me cherchait depuis sa mort. Enfi n ma vie allait changer! Un jour, un homme qui connaissait ma nouvelle « maman » est venu nous voir. Il habitait près de Bangkok et il avait besoin d’aide à la maison. « Maman » a proposé que j’aille travailler chez lui quelques mois pour gagner un peu d’argent. J’ai accepté puisque je pensais que je
reviendrais à la maison. Avant de partir, l’homme a donné à « maman » 2.000 bahts (60 dollars) d’avance. Tout de suite je n’y ai pas fait attention, mais je me suis vite rendue compte qu’on m’avait trompée. Chez lui, l’homme n’était plus si gentil. Un mur très haut se dressait autour de la maison. C’était épouvantable. Cela ressemblait à une prison et j’ai pris peur. Il y avait d’autres filles de mon âge. Mais l’homme m’a défendu de leur parler. D’abord, je n’ai pas compris, puis j’ai remarqué que des hommes venaient chaque soir voir les autres filles. Ils s’enfermaient dans des chambres et là les hommes obligeaient les filles à faire des choses dégoûtantes. Au début je ne m’occupais que du ménage mais j’avais tout le temps peur et je ne pouvais pas dormir. 49
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Ici, on n’apprend pas seulement à lire et à écrire. On apprend aussi à cultiver les légumes et à faire la cuisine, dit Kea.
Les adultes et les droits de l’Enfant ! – Ici, chez Prateep, nous apprenons les droits de l’Enfant. C’est très bien, mais au fond, ce sont les adultes qui devraient les apprendre! Ce sont les adultes qui devraient savoir ce qui est juste et ce qui est faux puisque ce sont eux qui nous font du mal, dit Kea.
A fuit le danger ! Un soir l’homme qui m’avait achetée m’a dit : « C’est le moment ! » Il a essayé de me faire des saletés mais j’ai refusé. Alors il m’a frappée avec un fil électrique. Après cela il arrivait souvent que lui ou d’autres hommes viennent me voir. J’essayais de me défendre autant que je pouvais mais ce n’était pas facile. Je n’avais que onze ans. Trois mois après mon arrivée, j’en ai eu assez. J’ai parlé à Pun, qui était devenue mon amie. Le jour suivant, pendant que les autres dormaient, nous avons décidé de nous enfuir. Nous nous sommes lentement approchées du mur. J’étais la plus légère alors je suis montée sur les épaules de Pun et j’ai sauté de l’autre côté. Une fois à l’extérieur, j’ai ouvert la grille et nous nous sommes sauvées.
Nous avions assez d’argent pour le bus jusqu’à Bangkok. Nous sommes allées au marché. Des policiers se sont approchés. Ils avaient remarqué les bleus et les blessures que nous avions au visage. Je me suis mise à pleurer et nous avons tout raconté. Nous avons eu de la chance car les policiers étaient gentils et se sont occupés de nous. Comme je n’avais pas de famille je suis restée quelques jours chez la police. Puis j’ai rencontré Prateep qui a promis de s’occuper de moi. Elle m’a offert une nouvelle chance en me permettant d’aller à l’école et d’avoir une famille ! »
Les droits de l’enfant à la radio des enfants! – Les adultes n’écoutent pas les enfants en Thaïlande. Ils donnent des ordres sans se soucier de ce que nous pensons, dit Duang, 14 ans. Mais à Klong Toey beaucoup d’adultes écoutent la radio des enfants qui les instruisent sur les droits de l’enfant. – On dirait que les adultes nous prennent plus au sérieux quand nous parlons à la radio! dit Duang en riant. C’est mal de battre les enfants! Il y a 130.000 habitants à Klong Toey, ce qui représente un grand public pour Jib, Som et Duang! – La radio c’est bien parce qu’on touche beaucoup de gens en même temps. Je savais que beaucoup d’enfants dans mon quartier étaient battus chez eux et par le moyen de la radio on a pu informer tous les habitants de Klong Toey que ce n’est pas permis de battre les enfants, dit Som, 13 ans.
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Dunga Mothers C’est l’histoire d’un garçon du nom de Ferdinand et de sa mère Rita, dans un village du Kenya, près du lac Victoria. Tous les deux sont morts du sida, mais avant sa mort, Ferdinand avait imaginé un groupe qui assisterait les enfants que le sida avait rendus orphelins. Dans un premier temps, le groupe s’est appelé Ste Rita, du nom de la mère de Ferdinand. A présent, la plupart des mamans ont créé les Dunga Mothers, les mamans de Dunga. Elles sont elles-mêmes pauvres, mais elles se battent depuis dix ans pour porter secours aux orphelins.
A
sa naissance Ferdinand était déjà séropositif. Ses parents avaient tous les deux le VIH/Sida et quand ils sont morts, sa tante s’est occupée de lui. Au fil des ans, Ferdinand était de plus en plus malade. Il disait de plus en plus souvent qu’ils devraient peut-être essayer de s’occuper des autres enfants dont les parents étaient aussi morts du sida et leur offrir la même chance qu’à luimême. De plus en plus d’enfants se retrouvaient seuls quand leurs parents mouraient du sida et beaucoup d’entre eux étaient alors obligés d’arrêter
l’école parce qu’ils n’avaient plus les moyens d’y aller. Nombreux finissaient dans les rues de la ville de Kisumu, car leur seule chance de survivre était la mendicité. – À la fin, nous étions 20 mamans à décider de nous occuper ensemble du plus grand nombre possible d’orphelins. Nous n’avions pas d’argent, mais nous nous sommes embarquées dans le projet. Ferdinand en a été très heureux. Il voulait participer et nous aider, mais cela n’a pas été possible. Il est mort alors qu’il allait en sixième. Toutes contribuent Dès le premier jour beau-
Ferdinand
Pourquoi les Dunga Mothers ont-elles été nominées? Rita
coup d’orphelins sont venus. Ils avaient besoin de nourriture, vêtements, uniformes scolaires et un endroit pour dormir. Les mamans n’avaient pas d’argent et au début elles ne savaient pas quoi faire. Certaines ont pensé faire du pain et des gâteaux et les vendre en ville. D’autres se sont mises à cultiver des légumes et à les vendre. Peu de temps après elles avaient gagné assez d’argent pour acheter une vache, alors elles ont commencé à vendre du lait. Puis elles ont décidé que tous les premiers samedis du mois, toutes les mères donneraient 200 shillings (2,40 USD) pour aider les enfants.
Les Dunga Mothers (ex mamans de Ste Rita) ont été nominées au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour leur travail non-payé et leur dur combat dans l’assistance aux enfants qui ont perdu leurs parents à cause du VIH/Sida, dans les villages autour de la ville de Kisumu, au Kenya. Des enfants qui sans aide finissent facilement à la rue, victimes de drogue, violence, criminalité et prostitution. Les mamans se battent pour les droits des orphelins et pour que ceux-ci aient les mêmes chances que les autres enfants. Bien que la plupart des mamans soient elles-mêmes très pauvres, elles assurent à 70 enfants nourriture, vêtements, soins médicaux, l’école, un toit, une nouvelle famille et de l’amour.
Une famille pour les enfants Les Dunga Mothers disent que les enfants doivent vivre dans une famille, pas à l’orphelinat. Elles veulent que les enfants aient une vie aussi normale que possible et qu’ils fassent partie de la vie du village. Elles ne peuvent pas s’occuper seules de tous les orphelins, c’est pour cela qu’elles cherchent de nouvelles familles pour les enfants. Mais la plupart au village sont très pauvres et n’ont pas les moyens de s’occuper d’autres enfants que les leurs.
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Rend visite aux enfants
Assiste trois garçons Lucia Auma Okore
« Je fais le tour des villages et je rends visite aux enfants dont nous nous occupons. Je reste avec eux, je leur parle et je fais en sorte qu’ils se sentent bien. Si les enfants on besoin de quelque chose nous en parlons entre nous, les mamans, quand nous nous rencontrons et nous essayons d’aider autant que possible. Je me sens mal de voir souffrir les enfants. Comme beaucoup d’enfants ont vécu des choses horribles, le plus important que je puisse leur donner est de l’amour et de l’espoir » Judith Kondiek
S’occupe de trois frères Mary Awino
Joue et parle avec les enfants Rose Adhiambo
Vend du poisson Mary Okinda
S’occupe de cinq enfants Jerusa Ade Yogo
Cueille et vend le papyrus
Fais du pain et parle avec les enfants
Birgita Were Mbola
TEXTE: ANDRE AS LÖNN PHOTO : PAUL BLOMGREN
Martha Adhiambo
Beaucoup de mères sont veuves, au chômage et doivent s’occuper de leurs propres enfants. Pour elles 200 shillings c’est beaucoup. Mais chacune donnait ce qu’elle pouvait et celles qui ne pouvaient rien donner, contribuaient d’une autre façon. Une partie lavait les vêtements des enfants ou leur faisait à manger. D’autres sont devenues une deuxième maman et ont accueilli les enfants chez elles.
Le droit de tous les enfants Les Dunga Mothers triment depuis dix ans pour essayer de donner aux orphelins une vie normale. A l’heure actuelle, 70 enfants trouvent chez les mamans, nourriture, vêtements, soins médicaux, scolarité, un toit, une nouvelle famille et de l’amour. – Tous les enfants ont droit à l’amour. Si nous ne les aidons pas, ils finissent dans les rues de la ville avec la drogue, la criminalité et la prostitution. Ils ne peuvent plus aller à l’école et ils n’ont
pas d’avenir. Les enfants viennent de notre village, c’est donc à nous de les prendre en charge et faire en sorte qu’ils aillent bien. Nous voudrions assurer, tous les jours, à tous les enfants un déjeuner complet, pour qu’ils aient au moins un vrai repas par jour. Il y a plus de 1.500 orphelins ici. – Notre rêve est qu’on trouve un remède contre le sida pour que plus d’enfants puissent vivre avec leurs parents. Ce jour-là, on n’aurait plus besoin de nous.
Mais il ne se passe pas un seul jour sans que de nouveaux enfants frappent à notre porte. Nous essayons toujours de les aider avec le peu que nous avons. Nous ne renvoyons jamais un enfant. Le Kenya est un des pays les plus touchés avec 1,1 millions d’orphelins du Sida. La région autour du lac Victoria, à l’ouest du Kenya où se trouve le village Dunga, est la plus touchée de toutes.
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Penina
veut être comme les mamans
Sa mère lui manque beaucoup et Penina pense à elle chaque jour. Mais elle est heureuse que les mamans leur permettent à elle et à ses frères et sœurs de vivre ensemble et d’aller à l’école.
P
enina se met souvent à l’écart et pense à sa mère. – Le soir elle nous chantait des chansons et nous racontait des histoires. Nous n’avions pas beaucoup d’argent, mais nous étions ensemble. – J’allais en deuxième quand notre vie a changé. Maman est tombée malade. J’étais souvent obligée de m’absenter de l’école plusieurs semaines. Je m’occupais de ma mère et non elle de moi. Je faisais la cuisine, lavais le linge et faisais le ménage. Je la lavais et je l’aidais à aller aux toilettes plusieurs fois par jour. Et je la coiffais. – Nous dormions dans le même lit et je me réveillais souvent la nuit en entendant maman murmurer qu’elle voulait de l’eau. Souvent aussi je devais la réconforter. J’étais moi-même très triste, mais je ne voulais pas l’inquiéter. Mais, quand elle ne me voyait pas, je pleurais. Penina n’oubliera jamais la mort de sa mère. – Cette nuit-là, mes frères et moi avons pleuré, rassemblés devant la maison. Mon grand frère Eric, essayait de nous consoler mais ça ne marchait pas.
Sa mère lui manquait et souvent en pleine nuit Penina, au lieu de dormir, se dressait dans son lit, le regard fixe et perdu dans le noir. Quelques mois plus tard, Penina a repris l’école. Au début, elle n’arrivait pas à se concentrer. Son grand frère Eric pêchait et faisait tous les petits travaux possibles pour pouvoir survenir aux besoins des plus jeunes, mais il était conscient qu’il ne pouvait pas s’occuper tout seul de ses cinq frères et sœurs. Sauvés Des enfants du village ont dit à Penina que les mamans les avaient aidés. Penina a pris son courage à deux mains et a demandé de l’aide. Depuis ce jour, Penina et ses frères et sœurs ont reçu beaucoup d’aide. – Nous allons tous à l’école et quand nous n’avons pas de nourriture, elles nous en donnent. Si nous avons besoin de médicaments contre la malaria ou autre chose, nous pouvons aller les chercher à la pharmacie et les mamans paient pour nous.
Mais le plus important est que grâce à l’aide des mamans, Penina et ses frères et sœurs peuvent rester au village. – C’est important d’être ensemble maintenant que nous avons perdu papa et maman. Ce ne serait pas la même chose à l’orphelinat. Nous sommes toujours une famille. – J’aime les mamans et maintenant je les appelle toutes « maman. » Plus tard, je voudrais aussi devenir une maman pour aider les orphelins.
Compte jusqu’à dix en luo et en swahili ! Au Kenya il y a plus de 40 ethnies et autant de langues. La langue nationale est le swahili, mais les enfants dont tu lis l’histoire ici appartiennent à l’ethnie luo. Apprends à compter jusqu’à dix en luo et en swahili :
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LUO
SWAHILI
Achiel Ariyo Adek Ang’wen Abich Auchiel Abiryo Aboro Ochiko Apar
Moja Mbili Tatu Nne Tano Sita Saba Nane Tisa Kumi
Ecoute les enfants compter en luo et en swahili sur : worldschildrensprize.org
Une chaussette devient ballon Bourrez une chaussette avec des sachets en plastique. Vous pourrez ensuite jouer à la balle brûlée et au foot.
Touché ! L’après-midi Penina et ses frères et sœurs jouent à la balle brûlée avec leurs camarades. Ils ont fait la balle eux-mêmes en bourrant une chaussette avec des sachets en plastique. Chacun doit éviter que la balle ne les touche quand tout d’un coup l’un des lanceurs jette la balle contre eux. Celui qui est touché est éliminé.
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Les mamans nous aident C’est comment au ciel maman ? « Papa est mort à ma naissance et maman est morte quand j’avais quatre ans. Il y a longtemps déjà et si je n’avais pas de photo, je ne me souviendrais pas d’elle. C’est ma tante qui a la photo, mais je peux la regarder. Nous nous ressemblons, maman et moi. C’est chouette parce que je trouve qu’elle est très belle. Maman m’a laissé quelques robes. Il me tarde de pouvoir les mettre. C’est bien d’avoir quelque chose qui lui a appartenu, mais c’est triste aussi. Je crois que maman est au paradis et qu’elle va bien. J’essaie de lui parler quand je prie, mais j’aimerais
mieux être là-haut avec elle. Je pense souvent à ce jour où nous nous reverrons. Quand je la reverrai, je lui dirai « Jambo ! » (Salut) et puis, je lui demanderai comment elle va. Puis, je lui dirai qu’elle me manque terriblement, mais que je vais assez bien. Je lui dirai que les mamans m’aident à acheter l’uniforme scolaire et les livres pour que je puisse aller à l’école et que, s’il le faut, elles me donnent à manger.» Winnie Awino, 9
Papa était mon meilleur ami
Plus personne ne m’aide
« Mon père est mort quand j’avais neuf ans, mais il m’arrive encore de pleurer quand je regarde sa photo. Il me manque tellement ! Ensemble on plantait le maïs, la canne à sucre et d’autres légumes. On parlait beaucoup en travaillant. Si j’avais des problèmes à l’école, je pouvais les lui raconter et après, ça allait beaucoup mieux. Quand on avait fini de planter tous les légumes, on allait se baigner dans le fleuve. C’était formidable ! Tout ça me manque. Papa et moi nous étions les meilleurs amis du monde. Ma mère vit toujours mais elle est souvent malade. J’ai peur qu’elle aussi nous quitte et que moi et mes frères et sœurs nous nous retrouvions tout seuls. » Victor Otieno, 14
« Maman est morte quand j’étais petite et je ne m’en souviens pas bien. Mais papa est mort l’année passée et il me manque énormément. J’aimais bien faire mes devoirs avec lui. Il m’aidait toujours, surtout avec les maths. Papa expliquait très bien les choses compliquées et moi je comprenais tout. Maintenant plus personne ne m’aide. J’ai de la peine à suivre à l’école et je suis parmi les dernières. Je n’ai pas d’objet pour me souvenir de mes parents et c’est vraiment dommage. J’aurais bien voulu garder quelque chose, mais la deuxième femme de mon père a tout pris. La table, les chaises, les outils de papa, tout… » Maritha Awuor, 13
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Maman racontait… « J’étais petit quand papa est mort et je ne m’en souviens pas bien. Mais je me souviens très bien de maman, j’avais dix ans quand elle est morte. Elle tressait des tapis en papyrus qu’elle vendait. Tout en travaillant, elle nous racontait des histoires à mes frères et sœurs et à moi. On riait beaucoup tous ensemble et ces moments me manquent vraiment beaucoup. Je pense souvent à tout ce malheur qui nous est arrivé et ça me rend malade. C’est encore pire quand je suis seul parce que tous les mauvais souvenirs remontent. Si je pouvais dire quelque chose à ma mère, je lui dirais que j’aimerais qu’elle soit ici pour que nous puissions bavarder un moment. Alors je pourrais lui dire que je l’aime et qu’elle me manque. » Erick Odhiambo, 14
Au foot avec papa « Maman est morte quand j’avais onze ans et papa quand j’avais douze ans. J’allais souvent au marché avec maman. Je voulais l’aider et je portais le panier de tomates, oignons et autres légumes qu’elle achetait. Papa m’emmenait en ville, aux matchs de foot presque tous les samedis. Ce sont mes plus beaux souvenirs. Le jour que je me rappelle le mieux c’est quand mon équipe Gor Mayia a battu Telecom par 2 à 1. Papa avait un vélo avec lequel il m’emmenait en ville pour chaque match. Je n’ai pas vu un seul match de foot depuis la mort de papa puisque je n’ai pas de vélo et que je n’ai les moyens de prendre ni le bus ni le vélo-taxi jusqu’au stade. Le vélo-taxi jusqu’à la ville coûte 25 shillings kenyans (0,33 USD). Pour moi c’est trop cher. C’est papa qui m’a donné ce pull. C’est la seule chose que j’aie de lui. Quand je le porte, je pense à lui. » Dennis Otieno, 14
Le sida
fait beaucoup de victimes Morts du sida : Adultes : 25 millions Enfants : 4 millions Sont atteints : Monde : 33,2 millions Afrique Subsaharienne : 22 millions Asie : 5 millions Amérique latine : 1,7 millions Europe de l’Ouest & Asie Centrale : 1,5 millions Amérique du Nord : 1,2 millions Europe de l’Est & Europe Centrale : 730.000 Moyen Orient & Afrique du Nord : 380.000 Autres pays : 690.000 Combien sont infectés ? Monde : 7.400 personnes par jour (2,7 millions par an) Dont 1.013 enfants de moins de 15 ans (370.000 par an)
Papa achetait du chocolat « Mon père est mort quand j’allais en quatrième. J’avais dix ans. Maman est morte alors que j’allais commencer la cinquième. Quand maman et papa vivaient, nous allions en ville parfois le week-end et papa achetait du chocolat. J’adorais ça ! Parfois il m’achetait aussi une robe ou un jean. On allait au restaurant, on buvait de la limonade et on mangeait de la viande. J’étais si heureuse ! On prenait un vélo-taxi ou le bus pour aller en ville. Aujourd’hui, je dois y aller à pied parce que le bus c’est trop cher. Pour l’aller-retour il faut compter quatre heures. J’ai gardé quelques vêtements de ma mère en souvenir. Je les regarde souvent et je pense à elle. C’est quand quelqu’un me traite mal que mes parents me manquent le plus. Si je pouvais dire quelque chose à maman, je lui dirais de revenir et de s’occuper de moi. Ma vie serait alors beaucoup plus facile et bien plus drôle. » Winnie Anyango, 13
Enfants avec le VIH/Sida Monde : 2,1 millions Afrique Subsaharienne : 1,8 million Orphelins à cause du sida : Monde : 15 millions d’enfants Afrique Subsaharienne : 11,6 millions d’enfants Autres pays : 3,4 millions d’enfants Le Kenya durement touché : Total des personnes atteintes : 1,7 million Enfants atteints : 160.000 Meurent du sida : 110.000 personnes par an Orphelins à cause du sida : 1,1 millions d’enfants Combien meurent du sida ? 5.500 personnes meurent chaque jour du sida (2 millions par an) Chaque minute un enfant meurt du sida (290.000 par an)
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Nelson Mandela &
Texte: ANNIK A FORSBERG L ANGA phOTO : LOUISE GUBB
Pourquoi Nelson Mandela a-t-il été nominé ? Nelson Mandela a été nominé au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour le combat de toute une vie afin de libérer les enfants d’Afrique du Sud de l’apartheid et pour son grand soutien en faveur de leurs droits. Après 27 ans de prison, il est devenu le président de l’Afrique du Sud, le premier à être élu démocratiquement, dans un pays où les enfants de toutes les couleurs avaient, pour la première fois, les mêmes droits. Nelson continue à aider les enfants d’Afrique du Sud et à exiger qu’on respecte leurs droits. Il dirige son propre Fonds pour les enfants, le Nelson Mandela Children’s Fund, NMCF, qui assistent les enfants dont les parents sont morts du sida, les enfants des rues, les handicapés et les enfants pauvres. Quand il était président, il donnait la moitié de son salaire aux enfants pauvres et quand il a reçu le Prix Nobel de la paix, il a aussi donné une partie de la somme du prix aux enfants. Nelson ne souhaite pas seulement que tous les enfants soient aimés, il veut aussi leur offrir un avenir meilleur. Pour cela il donne tout son soutien aux enfants pour qu’ils aient la possibilité de développer leurs talents.
Graça Machel et Nelson Mandela sont mariés. Ils sont les meilleurs amis des enfants du Mozambique et d’Afrique du Sud. Quand c’est nécessaire, ils s’élèvent contre les violations des droits de l’enfant et tous les deux ont des organisations qui travaillent en faveur des droits de l’enfant et aident les enfants dans le besoin.
L
e père de Graça Machel est mort avant sa naissance et sa mère est restée seule avec sept enfants à nourrir : Graça et ses six frères et sœurs. Avant sa mort, son père avait dit que l’enfant qui allait naître devait aller à l’école et à sept ans Graça entra en première. Son institutrice s’appelait Ruth et était une missionnaire américaine. Tous les enfants en avaient peur. Mais la petite Graça écrivit une lettre à l’institutrice pour la remercier de tout ce qu’elle lui avait appris. Graça reçut une bourse pour étudier à Maputo, la capitale. Le dimanche elle allait à l’église et trouvait injuste que seuls les garçons aient le droit d’être porte-parole du groupe de jeunes de l’église. Elle se levait, au milieu de l’église et exigeait les mêmes droits pour les filles. Du côté des enfants Pendant l’enfance de Graça, le Mozambique était une colonie portugaise et presque tous les Africains étaient pauvres. Graça se lança dans son combat pour la libération du pays. Les Portugais voulaient jeter Graça en prison et elle a dû fuir en Tanzanie.
Lors d’une mission dans le nord du Mozambique, elle rencontra Samora Machel, qui était le chef des libérateurs et ils se marièrent en 1975, l’année même où le Mozambique devint libre. Samora devint président du Mozambique et Graça ministre de l’éducation. Beaucoup d’enfants purent commencer l’école, mais une nouvelle guerre venait d’éclater. Samora mourut dans un mystérieux accident d’avion en 1986. Quelques années plus tard, Graça accepta un travail à l’ONU pour pouvoir raconter au monde entier l’expérience des enfants de la guerre. Elle voulait surtout aider les enfants soldats et les enfants mutilés par les mines antipersonnel. Lorsqu’il s’agissait des droits de l’enfant, il n’y avait personne contre qui Graça ne se serait battue ! Et aussitôt la paix revenue au Mozambique, l’ONU commença à déminer.
Graça a créé, avec d’autres personnes, l’organisation FDC au Mozambique, qui entre autres, protège les enfants contre les maladies mortelles. – Nous achetons des vaccins et faisons tout pour que les enfants ne meurent pas de maladies qui peuvent être évitées, dit-elle. Graça aide aussi les enfants qui n’ont pas les
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a & Graça Machel
moyens d’aller à l’école. – Je sais ce que c’est. Quand j’étais petite j’étais aussi pauvre qu’eux, dit Graça. Bientôt, grâce à son action, la moitié des élèves au Mozambique seront des filles. Avant, beaucoup de familles n’avaient les moyens d’envoyer à l’école que leurs garçons. Les fi lles devaient rester à la maison et travailler.
Son salaire aux enfants Graça Machel s’est mariée avec Nelson Mandela alors que celui-ci avait 80 ans. Tous les deux adorent les enfants et se sont battus pour leurs droits la plus grande partie de leur vie. Nelson grandit dans la pauvreté. Quand il arriva dans la grande ville de Johannesburg, il fut confronté à l’apartheid, qui veut dire séparation. On séparait noirs et blancs et les noirs étaient maltraités. Nelson ne pouvait pas accepter que des gens soient traités différemment à cause de la couleur de leur peau. Il ne voulait pas que ses enfants – et tous les autres enfants en Afrique du Sud – soient obligés de vivre sous l’apartheid. Il dit qu’il était prêt à mourir pour assurer aux enfants un avenir meilleur. Son combat contre l’apartheid et pour une vie de liberté pour les enfants d’Afrique du Sud lui valut 27 ans de prison ! Nelson avait 72 ans quand il fut libéré. Malgré les mauvais traitements qu’il avait subi, il refusa de se venger contre ceux qui étaient responsables de l’apartheid. Il voulait que noirs et blancs vivent en paix et qu’ensemble ils
construisent un meilleur avenir. Quand en 1993, Nelson reçut le prix Nobel de la Paix, il dit : – Les enfants d’Afrique du Sud peuvent jouer ouvertement, sans être minés par la faim ou les maladies ni courir le risque de violences. Les enfants sont notre plus grande richesse. En 1994 Nelson Mandela fut élu président d’Afrique du Sud et il fit abolir toutes les lois injustes. A présent il est permis aux noirs et aux blancs d’être amis et de fréquenter les mêmes écoles. Tous les enfants ont les mêmes droits. Mais Nelson Mandela veut toujours faire plus pour les enfants. Quand il était président, il donnait la moitié de son salaire aux enfants pauvres et quand il reçut le prix Nobel de la Paix, il envoya une partie du montant du prix aux enfants des rues. Aujourd’hui Nelson est retraité et s’occupe de son Fond pour les enfants, Nelson Mandela Children’s Fund, NMCF, qui aide les enfants dont les parents sont morts du sida, les enfants des rues, les enfants handicapés et les enfants pauvres.
Sur www.worldschildrens prize.org tu peux lire la bande dessinée « Le Mouron Noir » sur la vie de Nelson Mandela.
POURQUOI GRAÇA MACHEL A-T-ELLE ÉTÉ NOMINÉE ? Graça Machel a été nominée au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son long et courageux combat en faveur des droits de l’enfant, principalement au Mozambique. Elle se bat pour le droit des filles à aller à l’école. Pendant qu’elle était ministre de l’éducation, le nombre d’élèves au Mozambique a augmenté de 80% . Le but de Graça est qu’autant de filles que de garçons aillent à l’école. A la campagne, les filles doivent travailler et sont mariées très tôt. Un groupe de théâtre, créé par Graça, explique aux parents l’importance d’envoyer les filles à l’école. Elle fait construire des écoles là où il n’y en a pas ou trop peu. Après les grandes inondations de l’année 2000, Graça et son organisation FDC ont acheté de nouveaux livres pour les élèves et beaucoup d’entre eux eurent même une nouvelle maison. Graça se bat aussi contre toute forme de violence et d’agression à l’encontre des enfants. Graça a travaillé au niveau international en faveur des enfants pris dans la guerre et pour abolir le commerce d’enfants.
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Nous
Graça et Mandela « J’aime Mandela. Nous avons notre anniversaire le même jour. Une fois je lui ai envoyé une carte d’anniversaire et je lui ai demandé s’il voulait bien être mon autre papa. » Kefiloe, 10, Soweto
« Graça Machel est la femme la plus courageuse du monde. Elle n’a peur de personne et elle aide toujours les enfants. Surtout ceux qui ont des problèmes, comme les enfants des rues. J’ai lu dans les journaux que Mandela est aussi généreux. Il a beaucoup aidé l’Afrique du Sud. » Faustino, 10, Maputo
« Graça Machel aime vraiment les enfants. Elle leur construit des écoles et les protège contre le sida. Elle est aussi très élégante. Une fois elle est venue dans notre école. Elle était si gaie et elle dansait pendant que nous chantions. » Lina, 13, Changalane
« Mama Graça nous a monté le chemin. Elle est la preuve que les filles peuvent agir exactement comme les garçons. Je lui dois ce que je suis devenue aujourd’hui. » Anabela, 14, Chaukwe
« Nelson Mandela a un cœur d’or. Il aime les enfants handicapés et il a montré que les gens peuvent changer. Il a été 27 ans en prison, mais refuse de se venger. Il veut la paix et démontrer que les noirs et les blancs peuvent vivre ensemble. C’est merveilleux ! » Phumeza, 14, handicapée, Alexandra
« Pour moi Nelson Mandela est un héros. Il pense le meilleur des gens et il fait confiance aux enfants. Il sait que les enfants ont du talent et qu’ils peuvent réussir si on leur donne leur chance. Nous avons de la chance de l’avoir. » Abae, 12, Sebokeng
« Mandela s’est battu pour nos droits et a sauvé notre pays. Ce serait très dur pour nous aujourd’hui s’il ne l’avait pas fait. Si je le rencontrais, je lui dirais : C’est chouette de te rencontrer – et merci pour notre liberté ! » Zanele, 12, Soweto
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Le plus beau cadeau de Mandela aux enfants :
LIBERTÉ ET ÉGALITÉ DES DROITS
J
’habite à Khayelitsha, à la périphérie de la ville du Cap en Afrique du Sud. J’ai demandé à maman et à Gogo (ma grand-mère) de m’expliquer ce qu’était l’apartheid. Voyez-vous, dans ma vie il n’y a pas d’apartheid et il n’y a rien que je n’aie pas le droit de faire simplement parce que je suis noire.
«
L’histoire de grand-mère Ma Gogo dit qu’elle est arrivée à la ville du Cap depuis Transkei, sa ‘patrie’ pauvre, comme le régime de l’apartheid appelait la région où on obligeait les noirs à vivre. En ce temps-là, tous les noirs
Les enfants de L’APARTHEID Racisme légal Le racisme a existé et existe dans le monde entier. Mais au cours du XX siècle il était plus important en Afrique du Sud que partout ailleurs. Le racisme commença tôt en Afrique du Sud, mais en 1948 il fut légalisé et fut appelé apartheid. L’apartheid Apartheid signifie « séparation » en afrikaans. Noirs et blancs devaient vivre séparés. L’apartheid était un racisme légal et
le gouvernement, les lois et les tribunaux le soutenaient. Unions interdites Noirs et blancs n’avaient pas le droit de se marier entre eux. Si un enfant naissait d’une union mixte, l’enfant était appelé « de couleur » et il devait vivre avec le parent noir. Si la police découvrait que les parents vivaient ensemble, ils étaient jugés et parfois emprisonnés. Maisons illégales L’Afrique du Sud fut partagée en quartiers noirs et quartiers blancs. Des millions d’enfants
Comme un chien – Un jour j’ai vu par la fenêtre l’inspecteur des passeports. Il allait de maison en maison et contrôlait les passeports des bonnes. J’ai téléphoné à Madame, la femme pour laquelle je travaillais. Elle m’a dit de me cacher dans un placard jusqu’à ce qu’elle rentre. Puis elle est arrivée et je l’ai entendue dire à l’inspecteur qu’il n’y avait qu’un chien à la maison. – Voilà, comment c’était en
furent obligés de quitter leur maison avec leur famille parce qu’ils habitaient dans un quartier « blanc » et de s’installer dans un quartier « noir » Les parents durent confier leurs enfants à leur famille et aller chercher du travail très loin, dans les maisons des blancs, à la campagne ou en fabrique. Beaucoup d’enfants noirs ne voyaient leurs parents qu’à Noël. Mauvaises écoles pour les noirs Les écoles des quartiers « noirs » étaient très pauvres. Il y avait plusieurs enfants par
Gogo Somlayi, cousin Babalwa, maman Nomonde et Pelizwa.
ce temps-là. Nous portions leurs enfants blancs sur nos dos et nous les élevions, alors que nos propres enfants devaient rester à la ‘patrie.’ L’histoire de maman Ma mère a grandi à Transkei chez la mère de Gogo, mon arrière-grand-mère, qui est morte alors que Gogo travaillait pour les blancs. Alors ma mère est allée vivre chez des voisins à Transkei. Elle ne rencontrait sa mère qu’à Noël. Et Gogo lui apportait les vieux vêtements des enfants des blancs. Voici l’histoire de ma mère quand elle était petite à Transkei : – Je n’ai jamais été proche de ma mère, comme toi et moi sommes proches l’une
TEXTE: MARLENE WINBERG PHOTO : GÖTE WINBERG ; LOUISE GUBB & UWC-RIM MAYIBUYE ARCHIVES
Le plus beau cadeau de Nelson Mandela aux enfants d’Afrique du Sud est son long combat pour leur liberté et pour l’égalité des droits. Combat qui lui a valu 27 ans de prison. L’histoire de Pelizwa témoigne du temps où l’apartheid sévissait en Afrique du Sud, quand les enfants noirs étaient maltraités, allaient dans des écoles moins bonnes et étaient séparés de leurs parents.
devaient avoir un passeport pour quitter la ‘patrie’. Le passeport leur permettait de séjourner dans la région réservée aux blancs. Ma Gogo n’avait pas de passeport, mais un jour, elle a quand même pris le bus pour la ville du Cap et a trouvé du travail chez une femme blanche. – Chaque matin, à six heures, je partais du bidonville où je vivais, car après huit heures, ils contrôlaient tous les passeports dans les autobus. Si tu n’avais pas de passeport, ils te battaient et t’emprisonnaient. Puis ils te ramenaient à Transkei pour t’y laisser mourir de faim, raconte Gogo.
banc et souvent ils étaient 60 par classe ou à l’extérieur sous un arbre. Les enfants noirs ne pouvaient pas fréquenter les écoles des blancs. Les écoles pour noirs n’étaient pas bien équipées et on y préparait les enfants à travailler pour les blancs. En 1975, le gouvernement payait 42
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Il y avait souvent 60 enfants par classe dans les mauvaises écoles pour enfants noirs.
de l’autre. Quand ma Gogo est morte, je me suis sentie orpheline. Je savais que ma mère s’occupait des enfants blancs très loin. Quand j’ai eu 11 ans elle est venue me chercher et depuis j’ai vécu avec elle, dans le bidonville. – Un jour je suis allée avec maman à son travail pour l’aider à nettoyer l’argenterie de Madame. Quand nous sommes arrivées à la gare des trains, chez les blancs, j’ai vu partout des écriteaux qui disaient ‘Pour blancs seulement’. Il y en avait sur les autobus, les portes des magasins, des banques, partout quoi. Je trouvais ça bizarre que les blancs ne
veuillent pas que nous nous asseyions sur leurs bancs. Maman m’a dit qu’il ne fallait pas refuser de se plier à ces interdictions, sinon la police et les autres blancs nous battraient. – Maman m’a interdit aussi de boire dans les tasses à la cuisine de Madame. Elle disait que sinon on la mettrait à la porte. Je buvais alors dans un pot de confiture que maman m’avait lavé. Adolescente en colère C’est à cette époque que ma mère a entendu parler de Nelson Mandela pour la première fois. Elle a vu une photo qui montrait des hommes noirs qui fuyaient d’une baraque de mineurs. Gogo m’a expliqué que la police était allée les battre
rand pour l’éducation d’un enfant noir et 644 rand, 15 fois plus, pour celui d’un blanc. Enfants au travail Des milliers d’enfants travaillaient dans les fermes et les fabriques des blancs. Ils étaient mal nourris, mal payés et ils n’allaient jamais à l’école. Le passeport ou la prison Quand les parents des enfants travaillaient dans les quartiers blancs ils devaient avoir un passeport dans leur propre pays. On les appelait
Les enfants au travail aspergent les cultures sans protection contre les insecticides.
parce qu’ils avaient protesté contre les lois de l’apartheid sur le passeport. Gogo m’a dit que mon grand-père travaillait dans la mine et que c’était pour ça qu’on ne le voyait jamais. Ces baraques de mineurs c’était comme des prisons pour esclaves. Gogo m’a dit aussi que Mandela était le président de l’ANC, African National Congress, qui dirigeait les manifestations. Ma mère m’a expliqué qu’au cours de son enfance, elle a souffert de toutes les horreurs que l’apartheid a commises envers les enfants. Arrivée à l’adolescence, elle avait en elle une grande colère. En 1976 elle a manifesté avec des milliers d’autres enfants contre la mauvaise qualité de l’ensei-
gnement pour les noirs. Leurs écoles étaient très pauvres et surpeuplées d’enfants. – Nous étions tellement en colère, que nous avons décidé de nous battre avec tout ce que nous avions, pour en fi nir avec l’apartheid. Tôt le matin, le 16 juin 1976 mes amis et moi avons fabriqué des bombes derrière notre hangar. Nous avons utilisé du sable, de l’essence, des allumettes et un morceau de tissu que nous avons enfoncé dans une grande bouteille de coca cola.
dompas, « passeport stupide. » Si on les surprenait sans passeport, ils finissaient en prison ou on les envoyait dans leur quartier « noir » et ils perdaient leur travail.
Partout l’apartheid Une loi de 1953 interdisait aux enfants noirs et à leurs parents l’utilisation de bus, parcs, banques, toilettes, l’en-
L’histoire de ma cousine Ma cousine Babalwa est beaucoup plus âgée que moi. Sa mère était membre de l’ANC et laissait souvent Babalwa et ses frères et
Enfants emprisonnés Sans foyer, des milliers d’enfants ont fini à la rue. Dans les gangs des rues, les enfants créaient leur propre ‘famille’ sans adultes. Ils devaient voler pour manger et beaucoup ont été emprisonnés pour vol.
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sœurs seuls à la maison quand elle allait à des réunions clandestines, puisque l’ANC était interdite. Babalwa raconte : – Quand maman allait à des réunions, elle nous disait que nous ne devions ouvrir la porte à personne. Nous avions peur parce que nous savions que beaucoup de gens disparaissaient après avoir été arrêtés par la police. Qu’est-ce qui se passerait s’ils venaient et demandaient où était maman ? Et si nous ne faisions pas comme ils disaient est-ce qu’ils nous mettraient en prison ? Nous connaissions beaucoup d’enfants qu’on avait battus et
jetés en prison parce qu’ils n’obéissaient pas aux ordres de la police. Mon histoire Je ne me suis pas révoltée, ni cachée, ni perdu ma mère dans l’apartheid. Quand je suis née Mandela avait été libéré et l’ANC n’était plus interdite. Je peux grandir et bénéficier de la liberté pour laquelle mes parents et Mandela se sont battus. Nelson Mandela est aussi mon idole parce qu’il s’intéresse à ceux qui ont le VIH/ SIDA. Et comme il est si connu, tout le monde l’écoute »
Nelson Mandela avec les enfants, qui aujourd’hui ont tous les mêmes droits. Ici, lors de l’inauguration du Fond Nelson Mandela pour les enfants.
trée des magasins, hôtels, restaurants et tout ce qui était réservé aux blancs. On lisait partout : « Pour blancs seulement » Les parents en exil Les organisations politiques de noirs, parmi lesquelles l’ANC, l’organisation de Mandela, furent interdites. Des centaines de parents noirs quittèrent le pays et des milliers d’autres furent emprisonnés. Beaucoup d’adultes se déplaçaient continuellement afin d’échapper à la police. Alors beaucoup d’enfants furent pris en charge par les
grand-mères, pendant que les parents se battaient contre l’apartheid.
Les en l’apartheid fants ont tant souf pour l’Enf que j’ai crée la Fo fert de ance Nelso nd n M andelaation . Il y a enco re tr o p d’enfants pa uv re s. Le tiers de salaire de mon est réserv président Fondatio é à la n l’Enfance pour .
Madiba*, ce s enfantu as pensé à tous Tu as don Fondatio ts sans toit . La de ta vie, né 27 ans Nelson Mn pour l’Enfance M an d el p ae our la mie adiba s’e st fait nn e . de mieux.st ce qui
* Mandiba est le nom de Mandela pour beaucoup, en Afrique du Sud. Lis la bande dessinée sur Mandela sur www.worldschildrensprize.org
Madiba, g je peux al râce à toi, n’import ler dans e quelle éc ole .
Violence à l’encontre des enfants Les écoliers manifestèrent pendant 15 ans, jusqu’à la fin de l’apartheid. La police et les soldats utilisaient la violence contre des enfants. Enfants arrêtés pour avoir protesté Beaucoup contre l’apartheid. d’enfants furent emprisonnés, torturés ou tués.
Les parents emprisonnés Les parents noirs en Afrique du Sud étaient très en colère contre ces injustices. C’était impossible pour eux de s’occuper convenablement de leurs enfants. Dans les quartiers noirs, il n’y avait que très peu d’hôpitaux, des maisons insalubres, de mauvaises écoles et pas de places de jeu. Les parents se rassemblèrent pour protester contre les lois de l’apartheid. Des milliers d’enfants perdirent leurs parents, tués ou emprisonnés pour leur combat contre l’apartheid.
Protestations à l’école Le 16 juin 1976, les élèves noirs protestèrent contre le mauvais enseignement de l’apartheid. La police répondit avec des gaz lacrimogènes et des coups de feu. Hector Pieterson, un garçon de 13 ans fut tué. Aujourd’hui, le 16 juni est jour férié en Afrique du Sud, à la mémoire de tous les jeunes gens qui ont perdu la vie dans le camp contre l’apartheid.
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Leoa à l’école
Leoa et sa meilleure amie Juliana sur le chemin de l’école.
Leoa va à l’é
Un soir, un homme s’est présenté à la maison de Leoa. Elle ne l’avait jamais vu, mais elle savait exactement ce qu’il voulait. Deux ans plutôt, un autre inconnu s’était présenté chez son amie et avait demandé s’il pouvait l’épouser. Les parents de l’amie avaient accepté et on l’avait mariée contre sa volonté. – C’était affreux. Elle n’avait que 12 ans. Maintenant elle a un enfant et n’a pas le droit d’aller à l’école à cause de son mari, raconte Leoa.
L
e cauchemar de Leoa est qu’on la marie de for ce. Elle ne veut pas non plus arrêter l’école et aller travailler. Mais les parents de Leoa sont pauvres et elle avait peur qu’ils acceptent la proposition de l’inconnu. Leoa priait et suppliait.
Elle a parlé à ses parents de son rêve d’aller au lycée et de pouvoir trouver un tra vail. La mère de Leoa n’est jamais allée à l’école et ne sait ni lire ni écrire. Son père n’a fait que quelques années d’école mais ils ont compris. Ils ont dit à l’inconnu que
Leoa était bien trop jeune pour se marier. Chez Graça Machel Leoa vit à Metuge, un villa ge dans le nord du Mozam bique. Parce que beaucoup de parents sont pauvres dans cette région presque
aucune fille au-dessus de 12 ans n’allait à l’école. Quand Graça Machel a appris cela, elle a décidé de fait construi re quatre nouvelles écoles. Comme ça personne, n’aurait plus pu dire que les locaux étaient trop petits et qu’il n’y avait place que pour les garçons. Mais les nouvelles écoles ne suffisaient pas. Beaucoup de parents n’étaient pas per suadés que les filles devaient aller à l’école. Alors Graça a créé un groupe de théâtre qui jouait des pièces pour
Le prof a cassé le bras de Fernando Graça Machel et son organisation FDC travaillent pour mette fin à la violence et à l’abus envers les enfants. Fernando est l’un de ces enfants victimes de violence de la part d’un adulte. « Une fois mon prof s’est tellement mis en colère qu’il a pris un bâton et m’a frappé sur les mains. Je bavardais avec mon voisin de banc et le prof était furieux. Il frappait et frappait. A la fin il a manqué son coup et m’a frappé sur le bras. Un médecin a examiné mon bras et a constaté qu’il était cassé »
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Leoa a toujours beaucoup à faire à la maison.
à l’école de Graça expliquer l’importance, particulièrement pour les filles, d’aller à l’école. Pour Juliana Adolfo, la meilleure amie de Leoa cela a fait toute la différence. Elle avait rabâché à ses parents qu’elle voulait commencer l’école, mais ils répondaient qu’ils n’avaient pas les moyens. Après avoir vu la pièce, ils ont changé d’avis. Et le rêve de Juliana s’est réalisé. A présent Juliana et Leoa vont à l’école ensemble, chaque jour. Mais elles ne
disent pas qu’elles vont à l’école. Elles disent qu’elles vont chez Graça Machel. C’est ainsi qu’on appelle les écoles de Metuge, bien qu’elles aient d’autres noms. – Graça Machel est mon héroïne. Elle s’intéresse à nous les filles et le mieux c’est qu’elle arrive à expliquer aux gens pourquoi c’est si important que les filles aillent à l’école, dit Leoa.
Le grand baobab dans le village de Leoa peut vivre mille ans et on le dit magique.
Mandela et les enfants des rues Un jour, avant qu’il soit élu Président, Nelson se promenait dans la ville du Cap. Soudain il vit des enfants qui se réveillaient sur le trottoir. Nelson s’approcha pour leur parler. Il venait de recevoir le Prix Nobel de la Paix et avait envoyé une grande partie de la somme du prix aux enfants des rues d’Afrique du Sud. Les garçons lui demandèrent pourquoi il les aimait tant. Nelson pensa que c’était une drôle de question. Il répondit que tout le monde aimait les enfants. Mais les garçons n’étaient pas d’accord. Ils avaient fini à la rue parce que justement personne ne les aimait. Nelson trouvait cela bien triste et ne pouvait s’empêcher de penser à eux. Il voulait faire davantage pour les aider. Quand il devint président en 1994, il créa une fondation qui porte son nom pour aider les enfants seuls ou abandonnés.
Merci pour la maison et les écoles ! Quand la grande inondation atteignit Chaukwe, Carlito, 13 ans, était seul à la maison. – J’étais tellement inquiet pour mes frères et pour ma mère. La famille de Carlito s’en est tirée mais leur maison fut emportée par le courant. Ils n’avaient pas les moyens de construire une nouvelle maison et Carlito dut vivre sous une petite tente construite avec des bouts de bois et de sacs en plastique. Il y resta jusqu’au moment où Graça
Machel fit construire 206 maisons pour les familles les plus pauvres. Les masses d’eau avaient tout détruit. L’école, qui était vieille et délabrée, s’était écroulée et le directeur dit que les enfants devraient rester chez eux. Mais l’organisation de Graça Machel construisit de nouvelles écoles à Chaukwe, elle offrit aux enfants de nouveaux livres et une bibliothèque.
Les maisons que Graça a fait construire pour ceux dont la maison a été détruite par les inondations.
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NOMINÉ • Pages 64–68
Craig Kielburger
TEXTE: MAGNUS BERGMAR
POURQUOI CRAIG A-T-IL ÉTÉ NOMINÉ ? Craig Kielburger a été nominé au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009, pour son combat afin de libérer les enfants de la pauvreté, des injustices et autres violations des droits de l’enfant. Mais il veut aussi que les enfants sentent qu’ils ont le pouvoir de créer un monde meilleur pour les enfants. En 1995, à l’âge de 12 ans, Craig a créé Enfants Libres (Free The Children –FTC). FTC a depuis construit plus de 500 écoles pour 50.000 élèves dans 21 pays, envoyé 200.000 colis de matériel sanitaire et scolaire ainsi que des équipements médicaux pour 9 millions de USD. FTC a donné à 20.000 femmes des vaches, des chèvres, des machines à coudre ou des champs, pour qu’elles puissent gagner de l’argent et que leurs enfants ne soient pas obligés de travailler. FTC a aussi pourvu 123.000 personnes en eau potable. Plus d’un million d’enfants et jeunes gens dans 45 pays ont, grâce à FTC, appris à aider d’autres enfants et compris qu’ils ont le droit et le pouvoir d’exiger le respect pour les droits de l’enfant.
Le soir du 16 avril 1995, Iqbal Masih est assassiné. La nouvelle de la mort du jeune ex esclave pour dettes fait le tour du monde… …À Toronto au Canada, Craig Kielburger, 12 ans, tend le bras vers le journal, au petitdéjeuner. Il ne se doute pas que ce jour-là, le journal contient une nouvelle qui va bouleverser sa vie…
J «
e pensais feuilleter le journal pour lire la bande dessinée, mais mes yeux sont tombés sur la premièrepage où on parlait d’un garçon travailleur de 12 ans qui avait été tué, raconte Craig. La cuiller s’est figée dans les céréales pendant que Craig lisait tout l’article. – D’abord tout ce qui était arrivé à Iqbal m’a semblé irréel. Je n’avais jamais entendu parler de travail enfantin ou d’esclavage pour dettes et cela m’a bouleversé. – J’ai demandé à mes
parents si c’était vrai. « Cherche dans les livres » m’ont-ils répondu. Je suis allé à la bibliothèque et ai pris contact avec plusieurs organisations et petit à petit j’ai compris. Enfants Libres (Free The Children) – J’ai demandé à mon professeur si je pouvais dire quelque chose à la classe. « Vas-y ! », m’a-t-il dit. Alors j’ai parlé du travail des enfants et d’Iqbal. – Après l’école j’ai téléphoné à mes camarades de classe. 20 d’entre eux se
sont réunis chez moi. Nous avons fait une exposition et avons décidé de créer Enfants Libres. Nous avons vendu du sirop et d’autres choses dans un garage pour recueillir de l’argent contre le travail enfantin. – L’un de ceux que j’avais contactés, m’a dit que si je voulais en savoir plus sur la vie de ces enfants, je devais aller les voir. La pensée d’un voyage ne quitta plus Craig. Mais sa mère lui dit : – Non, jamais de la vie ! Mais quand un garçon de 25 ans promit de s’occuper de Craig lors d’un voyage de sept semaines en Inde, au Pakistan, au Népal et en Thaïlande et que les parents de Craig se rendirent compte que le voyage était bien préparé, ils ont cédé. – Depuis, je sépare ma vie en « avant l’Asie » et « après l’Asie », dit Craig. A libéré les enfants des fabriques de tapis Au cours de son voyage, Craig a rencontré un garçon gravement blessé par une
Manifestation en Inde Craig avec des enfants travailleurs indiens lors d’une manifestation contre le travail enfantin nuisible.
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explosion dans une fabrique de feux d’artifices, où il faisait un travail dangereux sans protection. Il a aussi rencontré une petite fi lle qui, sans aucune protection, détruisait de vieilles seringues, en les écrasant pieds nus. – Elle ne savait rien du sida ou que les seringues peuvent transmettre des maladies. En Inde, Craig a pu également participer à libérer des enfants esclaves pour dettes chez un propriétaire très cruel. – Je ne les oublierai jamais. Nageshwer, un garçon de 12 ans m’a raconté que les brûlures sur ses jambes étaient la punition pour avoir essayé d’aider son frère à s’enfuir. Et Mohan, 9 ans, a raconté que lui-même et les 20 autres enfants de la fabrique de tapis ont vu assassiner deux enfants avec des cannes de bambou et des couteaux après qu’ils ont été repris au moment où ils essayaient de se sauver de la fabrique. Le ministre à genoux Au même moment où Craig se mettait en route, le Premier ministre du Canada d’alors partait avec des chefs d’entreprise canadiens en Asie. Pour faire de bonnes affaires. J’ai reçu un fax en Inde qui m’annonçait que le Premier ministre arrivait.
Au Brésil, Craig a, entre autres, rencontré des enfants qui vivaient dans la rue et travaillaient dans des plantations de sisal.
Je me demandais s’il pensait parler du travail des enfants et je lui ai envoyé un fax en lui demandant s’il voulait bien me rencontrer. « Non ! » fut la réponse. Le Premier ministre n’avait pas l’intention de parler du travail des enfants dans les pays qu’il visitait, même s’il s’agissait des pays qui comptent le plus d’enfants travailleurs. Le Premier ministre allait le regretter. Craig donna une conférence de presse. À ses côtés, il y avait Nageshwer et
Craig et le Premier ministre Quand les journaux du Canada ont parlé du combat de Craig contre le travail des enfants, le Premier ministre canadien d’alors, Jean Chrétien a accepté de le rencontrer.
Mohan, les deux enfants libérés. Leurs récits et celui de Craig fi rent grande sensation au Canada. – C’est la responsabilité morale du Premier ministre de soulever la question du travail des enfants quand il rencontre le Premier ministre indien, dit Craig. Les conseillers du Premier ministre comprirent qu’ils ne pouvaient plus ignorer ce garçon et tout à coup le Premier ministre avait du temps pour Craig. Le résultat fut que le Premier ministre souleva la question du travail des enfants avec tous les Premiers ministres qu’il rencontra pendant son voyage. Quand la décision vint que le Canada se préoccuperait plus des droits des enfants dans ses contacts avec d’autres pays, ce fut une victoire pour Craig et pour Enfants Libres. Les adultes ne comprennent pas Beaucoup d’adultes ne croyaient pas que c’était de sa propre volonté que Craig se battait pour les droits de l’enfant.
– Les adultes me demandaient : Qui est derrière toi ? Qui te dirige ? Mais pourquoi est-ce que les adultes sont si étonnés quand les enfants se soucient de ce qui se passe dans la société ? Ils sous-estiment les facultés des enfants, dit Craig. – Les enfants ne peuvent pas comprendre que les adultes réussissent à envoyer un homme dans la lune et à fabriquer des armes atomiques, mais ne peuvent pas nourrir tous les enfants de la terre. Des adultes ont cherché à atteindre Craig. Un jour on a téléphoné d’un journal en Allemagne et c’est sa mère qui a répondu : – N’est-ce pas qu’il a 19 ans, pas 12 ? – Évidemment qu’il a 12 ans. Je suis sa mère, je suis bien placée pour le savoir ! Un journal canadien a prétendu que Craig et sa famille avaient détourné une grosse somme d’argent, bien que 2.000 personnes aient pu voir Craig remettre l’argent à une organisation indienne qui se bat pour les enfants travailleurs.
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Les enfants ont le pouvoir ! Craig et Enfants Libres veulent que les enfants se rendent compte qu’ils peuvent faire entendre leur voix et que les adultes doivent écouter. – Les enfants ont le pouvoir, il faut qu’ils le sachent, et ils peuvent vraiment changer les choses, dit Craig convaincu. Et ils sont bien plus forts ensemble que seuls. – Quand tu as trouvé quelque chose auquel tu tiens, c’est important de te procurer des informations à ce sujet. Puis, tu peux en parler à d’autres et les adultes ne peuvent tout simplement plus te repousser. – Aider les autres renforce les enfants d’une façon extra-
ordinaire. Moi et mon grand frère Marc avons écrit le livre Me to We (De moi à nous). Devenir heureux en aidant les autres. Il ne s’agit pas de bienfaisance où on ne fait qu’envoyer de l’argent, nous ne sommes pas comme ça. Nous voulons changer la façon de penser des gens et faire en sorte qu’ils se sentent responsables de leur vie. Et qu’au lieu de penser Moi ils pensent Nous, explique Craig. Si Enfants Libres au début signifiait plus libérer les enfants du travail et de la pauvreté, pour Craig aujourd’hui, cela veut aussi dire libérer les enfants du Canada et des autres pays riches de l’idée de devoir toujours penser à soi. – Nous le faisons en leur donnant la possibilité de faire la différence. Nous les aidons à prendre conscience de la possibilité de penser aux autres dans leur vie quotidienne, à choisir des marchandises produites avec justice et comment, lorsqu’ils peuvent voter, ils peuvent contribuer à augmenter l’aide du Canada à l’étranger. FTC dans le monde Le but de FTC est naturellement aussi de contribuer à
Libéré de l’esclavage Craig avec un enfant travailleur dans une fabrique de tapis en Inde, qu’il a contribué à libérer de l’esclavage.
changer la vie des enfants dans le besoin de par le monde. – La prévention est la clé du changement, dit Craig. Nous avons choisi de miser sur les écoles et les cliniques. Ce sont les enfants qui recueillent l’argent, mais FTC a aussi reçu l’aide de Angel Network de Oprah Winfrey qui paye 50 écoles FTC dans le monde entier. On collecte l’argent de toutes les façons possibles, comme la compétition « de la cravate la plus moche » ou « devinez l’âge de votre professeur ». Il y a les « campagnes brique à brique » afi n de recueillir 6.000 dollars et pouvoir
construire une école dans l’un des 21 pays d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique du Sud. Pour chaque 100 dollars que l’école a recueillis, on pose une brique peinte sur une paroi « murée » jusqu’à ce que la paroi soit terminée. Souvent ils défient par exemple les entreprises à donner autant que ce qu’ils ont eux-même recueilli.
Guerre de boue pour l’école Craig et d’autres jeunes canadiens se sont rendus au Nicaragua pour construire une école avec les villageois. C’était un travail boueux, même sans guerre de boue…
Les conseils de Craig Enfants Libres veut que les enfants de par le monde prennent conscience que : • Ils ont le droit de faire entendre leur voix ! • Ils ont des droits ! • Ils peuvent provoquer des changements ! • Ils peuvent influencer la vie d’autres enfants ! • Leur avis compte !
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Le toit et les parois Merci, la vache!
Avant, à la période des pluies, il pleuvait dans la maison, depuis on a refait la toiture, colmaté les fissures des parois et repeint.
Du jasmin dans les cheveux Dans le sud de l’Inde les filles ont presque toujours des fleurs dans les cheveux et le village de Nandini est spécialement connu pour ses belles fleurs de jasmin. TEXTE: CARMILL A FLOYD PHOTO : KIM NAYLOR
Nandini était esclave pour dettes Nandini, 13 ans, habite à Thiruvanrangapatty en Inde. Quand sa mère et sa grand-mère sont tombées malades, son père a emprunté de l’argent pour les médicaments. À présent Nandini s’inquiète de ce qui arrivera si sa famille ne peut pas rembourser le prêt.
L
e père de Nandini qui est paysan, ne gagne que 250 roupies (5 USD) par mois. Il vient d’emprunter 5.300 roupies à un riche villageois. Comment pourront-ils jamais le rembourser ? Un jour l’homme vient les voir. Il est furieux et crie qu’il veut son argent. – Sinon, il faudra que votre fi lle vienne travailler dans mon atelier. Le soir, les parents expli-
Merci, la vache!
quent que Nandini doit quitter l’école pour commencer à travailler déjà le jour suivant. D’abord elle se met en colère puis elle commence à pleurer. Maman et papa pleurent aussi en lui demandant pardon. Des coups de canne. Dans une petite salle sombre, 20 ouvriers sont penchés sur leur polisseuse. Nandini polit de minuscules pierres. Parfois elle se trom-
pe, glisse et se fait mal à la main. On doit jeter les pierres ratées ce qui met le propriétaire hors de lui. Il bat Nandini tous les jours, à coups de poings ou avec une canne. Nandini polit 50 pierres par jour, sept jours par semaine, de huit heures du matin à huit heures du soir. Parfois Nandini rêve de se sauver, mais qu’est-ce qui arriverait alors à sa famille ? Nandini gagne 25
Une vache a changé sa vie !
En une année une vache d’Enfants Libres a changé la vie de Nandini. Aujourd’hui la famille peut remercier sa gentille vache, entre autre, pour tout ce qui suit :
Chèvres
Avec l’argent du lait et des veaux la famille a acheté des chèvres qui donnent du lait et de la bouse de chèvre pour le carburant et l’engrais.
Pierres polies par des esclaves Des dizaines de milliers d’enfants polissent des pierres en Inde, comme le faisait Nandini. Des milliers d’entre eux sont esclaves pour dettes. Ils travaillent les pierres précieuses synthétiques, des imitations de, par exemple, diamants ou rubis. On utilise les pierres dans des bijoux vendus en Inde, aux USA et en Europe.
Vêtements – Avant je n’avais que des vêtements usés et déchirés, dit Nandini. Maintenant j’ai plus de choix et de beaux vêtements pour les fêtes et les cérémonies.
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roupies par jour. Le patron les lui prend en remboursement du prêt. Mais après une année la dette n’a pas baissé, au contraire. La dette grandit car les intérêts sont très hauts. Nandini se rend compte qu’elle sera esclave pour dettes toute sa vie. Aidée par une vache Un jour des représentants d’Enfants Libres viennent leur rendre visite pour connaître les problèmes de la famille. Ils demandent à la mère de Nandini de quoi elle a besoin. – J’aimerais bien une vache, dit-elle. En deux mois la mère de Nandini peut vendre assez de lait pour payer la dette au patron de l’atelier. Nandini
est libre et peut reprendre l’école. – C’était le plus beau jour de ma vie, dit Nandini. Elle a mal aux yeux. Il se peut d’ailleurs que ses yeux ne guérissent plus. Avec l’aide d’Enfants Libres, elle et les enfants du village ont crée un club qui se bat contre le travail des enfants. – Nous, les enfants ne recevons aucune d’aide. Alors nous devons nous entraider, dit Nandini, qui veut être un policier juste et bon quand elle sera grande. – Je ferai en sorte que tout le monde respecte la loi et qu’il n’y ait plus d’enfants esclaves ni d’enfants travailleurs. Tous les enfants auront accès à l’instruction.
La connaissance c’est du pouvoir ! Enfants Libres pensent que l’instruction est la meilleure arme contre la pauvreté et le travail des enfants. Dans le village de Nandini on a ouvert une école pour les enfants les plus jeunes. Les enfants plus âgés vont en autobus dans une école publique dans la ville la plus proche, mais le soir ils ont des cours d’appoint et de l’aide pour les devoirs.
Polisseuse de pierre
Merci, la vache!
Achetée avec l’argent de la vente des veaux. Ainsi la mère de Nandini, en tant qu’indépendante, peut travailler à la maison, polir les pierres et les vendre et gagner directement de l’argent plutôt que de travailler pour un bas salaire dans un atelier.
Veaux À ce jour la vache a eu deux veaux qui ont été vendus.
Électricité Une des premières choses que la famille s’est offerte avec l’argent de la vache, c’est l’électricité. Il peut faire jusqu’à 50 degrés dans le sud de l’Inde, alors un ventilateur c’est utile ! Et puis aussi bien la télé que la polisseuse marchent à l’électricité.
Instruction
Meilleure nourriture
– Maintenant je peux penser à l’école et à avoir de bonnes notes, dit Nandini. J’ai deux uniformes scolaires pour ne pas laver tout le temps.
Avant Nandini avait toujours faim. Elle ne mangeait qu’un plat de riz par jour. Maintenant la famille a une bonne et saine nourriture avec beaucoup de légumes, trois fois par jour !
Lait La vache donne sept litres de lait par jour. On en vend la moitié et le reste est utilisé par la famille.
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n AOCM n – Quelqu’un l’a vu ? Il ne reste plus que Naphtal maintenant, tous les membres de sa famille sont morts. Si vous le trouvez, tuez-le, lui aussi ! Naphtal retient son souffle. Il est caché dans le fleuve à seuls quelques mètres des hommes... Ceci est arrivé au Rwanda en 1994, où au moins 800.000 personnes ont été tuées en cent jours. 300.000 d’entre elles étaient des enfants et 100.000 autres enfants se sont retrouvés orphelins après le génocide. Naphtal Ahishakiye a perdu toute sa famille : sa mère, son père et quatre frères. Plongé dans le fleuve, Naphtal n’aurait jamais imaginé qu’un jour il fonderait l’AOCM, L’Association des Orphelins Chefs de Ménages.
N
aphtal n’a que le nez hors de l’eau. Il s’accroche aux racines qui poussent dans le fond. Seulement quelques heures plus tard, quand il fait nuit, il ose sortir de l’eau. Il sait que les hommes reviendront le chercher aussitôt qu’il fera jour. Quelques jours auparavant toute la famille de Naphtal était réunie pour écouter la radio. Comme cela arrivait souvent à ce moment-là, une voix annonça que tous ceux
qui appartenaient au groupe ethnique tutsi étaient les ennemis du Rwanda. La voix dit aussi que les Tutsis étaient sales comme des cafards et que les Hutus devaient se débarrasser des animaux nuisibles. Le père de Naphtal dit que le gouvernement soutenait la station de radio. Et, comme la famille de Naphtal était tutsie, ils s’inquiétèrent. Ce matin-là ils entendirent aussi que le président était mort dans un accident d’avion.
L’avion s’était écrasé de retour de Tanzanie où le président avait eu une réunion avec le FPR (Front Patriotique Rwandais) qui se battait contre le gouvernement du Rwanda depuis 1990. Le FPR voulait renverser le gouvernement pour construire
Pourquoi l’AOCM a-telle été nominée ? L’AOCM a été nominée au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son combat en faveur des enfants et des jeunes dont les parents ont été tués pendant le génocide au Rwanda, en 1994. L’AOCM est composée de jeunes qui ont perdu leurs parents pendant le génocide et qui depuis, s’épaulent mutuellement. Ils sont une famille où l’on prend soin les uns des autres. Bien que la plupart des membres de l’AOCM vivent dans une grande pauvreté, ils s’entraident pour la nourriture, les vêtements, le logis, une nouvelle famille, l’accès à la santé et à la scolarité. Et le plus important c’est l’amour et l’amitié partagés. L’AOCM offre à plus de 6.000 orphelins, enfants et jeunes gens l’espoir d’une vie meilleure. Des jeunes qui sinon finiraient à la rue, victimes de la drogue, de la criminalité et de la prostitution. L’AOCM se fait l’avocat des orphelins au Rwanda, en rappelant constamment au gouvernement et aux organisations, l’existence des orphelins.
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TEXTE: ANDRE AS LÖNN PHOTO : MARK VUORI
L’AOCM soutient les orphelins pour qu’ils puissent aller à l’école. Les plus âgés aident les plus jeunes.
un pays commun aux Hutus et aux Tutsis. Avec la mort du président, les Hutus qui ne voulaient pas la paix avec le FPR ou qui ne voulaient pas partager le pouvoir, eurent les mains libres. – Les Hutus vont nous tuer. Nous devons nous cacher dans la forêt et chacun doit trouver sa propre cachette, dit le père de Naphtal. La famille tuée Quelques jours plus tard, alors qu’ils s’étaient cachés, un groupe d’hommes armés se présenta chez eux. Ils détruisirent la maison, abattirent les bananiers, arrachèrent le manioc et les pommes de terre et dévastèrent les champs. Ils volèrent leurs chèvres et leurs vaches.
Naphtal vit tout de sa cachette, il vit que beaucoup de ceux qui détruisaient leur maison étaient leurs voisins. Le jour suivant, ils trouvèrent le père de Naphtal et ils le tuèrent. Deux jours plus tard, ils trouvèrent le grand frère de Naphtal et le tuèrent, lui aussi. Puis ils prirent les trois autres frères de Naphtal et en dernier sa mère... Il n’y avait plus que Naphtal, il était resté tout seul, dans le fleuve. Pendant trois jours et trois nuits il n’osa pas quitter le fleuve. – J’ai réussi à survivre plusieurs mois dans la forêt. Je buvais l’eau de pluie et j’entrais en cachette dans les propriétés privées pour manger les bananes. La nuit je dormais sur le sol. J’étais incroyablement triste et perdu, dit Naphtal. Naphtal avait passé trois mois caché dans la forêt, quand le FPR vainquit l’armée rwandaise et contraignit le gouvernement à la fuite. Enfi n, le génocide était
Solitude et peur – Quand je me cachais dans la forêt, j’avais tout le temps peur. Un craquement dans un arbre ou un bruissement de feuilles et je pensais que c’étaient les meurtriers qui revenaient me chercher. C’était affreux de dormir dehors, tout seul dans le noir, se souvient Naphtal.
Le plus important c’est l’amour – Le plus important de tout a été de créer un climat d’amour entre nous qui avons perdu nos parents dans le génocide, dit Naphtal.
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terminé. Naphtal et des milliers d’autres survivants purent commencer une nouvelle vie. – Ça n’a pas été facile. Mais quand les écoles ont repris, j’ai quand même décidé d’essayer de reprendre mes études. Je voulais faire honneur à ma mère et à mon père, je savais qu’ils auraient voulu que je fasse quelque chose de ma vie, dit Naphtal. Le plus important c’est l’amour À l’école Naphtal rencontra beaucoup d’autres enfants et jeunes gens qui avaient perdu leurs parents pendant le génocide. – En parlant ensemble, nous avons compris qu’aucun d’entre nous ne pourrait s’en tirer seul. Ceux qui avaient un peu d’argent ont aidé ceux qui n’avaient plus rien. Le soir nous étudiions ensemble. Nous étions devenus une famille et c’était merveilleux de ne plus être seul. Quelques années plus tard, Naphtal et quelques anciens camarades de classe, décidèrent d’aider les orphelins dans tout le Rwanda, comme eux-mêmes s’étaient entraidés pendant le temps d’école. – En 2000 nous avons créé l’association AOCM pour que nous, les orphelins puissions nous soutenir mutuellement et nous reconstruire une vie. L’AOCM a fait en sorte que : • Tous aient un toit, la plupart ont perdu leur maison. • Tous aillent à l’école et aient accès aux soins dont ils ont besoin. • Tous aient le vivre et le vêtement. – Mais nous sentions que le plus important c’était de créer un climat d’amour entre nous tous qui avions perdu nos parents. Parce qu’avec l’amour nous pouvions nous intéresser les uns
aux autres et nous occuper les uns des autres, dit Naphtal. À ce jour, l’AOCM compte 1.800 familles membres, un total de 6.100 orphelins. L’AOCM a construit près de 150 maisons et apporte un soutien financier à la scolarité de centaines d’orphelins et les aide dans la création de petites entreprises comme élevage de porcs, salons de coiffure, cafés et tout ce qui peut donner un moyen de subsistance aux membres, lorsqu’ils quitteront l’école. Chacun contribue comme il peut. Si on a de la nourriture on la partage avec ceux qui n’en ont pas. Celui qui a de l’argent achète des crayons et des cahiers pour ceux qui ne peuvent pas les payer. Si quelqu’un tombe malade, on s’occupe de son hospitalisation. Nous voulons être comme n’importe quelle famille, explique Naphtal.
Qu’est-ce qu’un génocide ? Par génocide, on entend la tentative d’exterminer un groupe spécifique de gens dans un pays ou une région. L’extermination des Juifs par les Nazis pendant la deuxième guerre mondiale (1939–1945) et celle des Tutsis au Rwanda en 1994, étaient deux génocides. Le mot « génocide » a été créé pour décrire l’Holocauste – l’extermination par les Nazis de six millions de Juifs et 200.000 à 600.000 Tziganes, pendant la deuxième guerre mondiale. Les homosexuels et d’autres groupes qu’on jugeait inférieurs ont aussi été tués. Au Cambodge, où deux millions de personnes ont été tuées entre 1975–1979 ainsi que dans l’ex-Yougoslavie, où plus de 250.000 personnes ont été tuées entre 1992–1995, il s’est aussi agi de génocide.
dais. Mais ça ne suffit jamais. En plus du génocide, nous avons eu un autre grand problème, le sida. Chaque jour des gens meurent du sida et leurs enfants se retrouvent seuls. Nous faisons ce que nous pouvons, mais les besoins sont énormes. Il y a des centaines
de milliers d’orphelins au Rwanda. Si on ne les aide pas, ils finiront à la rue et ne pourront jamais aller à l’école. – Nous continuerons à nous battre pour les droits des orphelins aussi longtemps qu’il le faudra, dit Napthal.
Encore plus d’orphelins – Je cours aux réunions avec le gouvernement, les autorités, les organisations et les personnes riches et je mendie au nom des orphelins rwan– Nous avons tous besoin les uns des autres. C’est pour cela que nous avons créé l’AOCM et que nous continuons à nous battre pour les orphelins, dit Naphtal.
Le droit d’être des enfants L’AOCM veut que les enfants plus jeunes puissent faire des excursions. Pendant les excursions, ils peuvent manger de bonnes choses, boire de la limonade, faire du foot, jouer et s’amuser. – Nous essayons d’aller en excursion le plus souvent possible, même si nous n’en avons pas les moyens. Les enfants sont devenus adultes trop vite par la mort de leurs parents. Lors des sorties ils ont le droit de n’être que des enfants, dit Naphtal.
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Marie Grâce aime sa maison AOCM
Un matin d’avril 1994, toutes les familles tutsies dans le village de Marie-Grâce ont été attaquées. Sa mère et son père ont été tués et leur maison complètement détruite. – Si l’AOCM ne nous avait pas donné une nouvelle maison, cela aurait été difficile pour mes frères et sœurs et moi, dit Marie-Grâce.
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arie-Grâce n’avait qu’une année lors de l’attaque du village, alors elle ne se souvient de rien. – C’est triste ! Ils ont détruit notre maison pour nous montrer qu’ils ne veulent pas vivre avec nous. Des milliers de personnes étaient à la rue. Je ne comprends pas qu’on puisse faire des choses comme ça. Hutus et Tutsis devraient vivre en voisins et en amis. Il n’y a aucune différence entre nous, nous devons arrêter de nous haïr, dit Marie-Grâce. Grand frère est inquiet C’est Diogène, le grand frère de Marie-Grâce qui l’a sauvée le matin où ils ont été obligés de s’enfuir. – Il me portait et courait tant qu’il pouvait. Mes autres frères et sœurs étaient aussi là. Comme maman et papa avaient été tués et que notre maison était détruite, nous ne savions plus où aller. À la fin,
nous sommes arrivés dans un camp de réfugiés pour les enfants qui avaient survécu. Un peu plus tard, beaucoup d’assassins et même d’autres Hutus se sont enfuis au Congo, pays limitrophe, parce qu’ils craignaient les actes de vengeance. Alors les enfants qui avaient survécu au génocide, se sont installés dans les maisons abandonnées. Ce qu’ont aussi fait Marie-Grâce et ses frères et
sœurs. Les enfants ont pu y vivre gratuitement en mangeant les bananes et les légumes des cultures abandonnées. – Mais quand les réfugiés sont rentrés, nous avons dû partir. Nous avons loué une maison en ville et mon grand frère a fait de tout pour assurer notre survie. Mais nous avions souvent faim et Diogène avait peur qu’on ne s’en sorte pas.
Joue au « ballon banane » Marie-Grâce confectionne un ballon avec des feuilles de bananes pour le jeter sur l’adversaire dans le jeu de tayari, ou ballon banane.
Bienvenus
dans ma nouvelle maison !
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« Je me lève à six heures tous les matins et je nettoie l’intérieur de la maison et le jardin »
Sauvés par l’AOCM Diogène, le grand frère de Marie-Grâce et bien d’autres qui avaient perdu leurs parents dans le génocide, ont compris qu’ils devaient s’entraider s’ils voulaient survivre. Ils ont commencé à travailler avec l’AOCM et au mois de juin 2003, un événement allait complètement changer la vie de Marie-Grâce et de ses frères et sœurs. – C’est à ce moment-là que nous avons emménagé dans notre nouvelle maison dans le village AOCM. On nous a donné la maison gratuitement, sans loyer à payer ! Avant, tout notre argent allait dans le loyer, maintenant nous pouvons acheter de la nourriture, des vêtements et tout ce qu’il nous faut. Nous n’aurions jamais pu acheter une maison. Aujourd’hui encore, la vie n’est pas facile, mais c’est
beaucoup mieux, dit MarieGrâce. – Nous, qui habitons ici dans le village AOCM, sommes des Tutsis puisque c’est nos maisons qui ont été détruites en 1994. Mais les enfants qui habitent dans les villages avoisinants sont souvent hutus. Nous jouons ensemble et il n’y a pas de problèmes. C’est pareil à l’école. J’ai des copains hutus et des copains tutsis. Et maintenant que j’y pense, je ne sais pas qui est quoi. Je n’y vois aucune différence et d’ailleurs ça m’est égal ! Je pense que nous sommes tous égaux. Beaucoup d’adultes ne le pensent pas et ils ont tort. Si les adultes ne pensent pas comme nous, les enfants, j’ai peur qu’il y ait de nouveau la guerre au Rwanda, dit MarieGrâce.
« Dans le jardin on lave les vêtements, on fait la cuisine et on se rencontre. »
« Dans la calebasse pendue au mur on fait le beurre. » « Quand je rentre de l’école, je prépare le repas. Le plus souvent c’est haricots et bananes de table, mais mon plat préféré c’est le riz. Je cuisine au feu de bois. Nous mangeons dans le séjour. »
Les filles d’abord… D
ans le village de MarieGrâce, l’AOCM a construit 34 maisons pour 130 enfants et adolescents orphelins à la suite du génocide.
– Nous essayons de recueillir plus d’argent pour construire encore plus de maisons. Nous pensons d’abord aux filles, parce que c’est elles les plus vulnérables. Quand
« Le bouquet, fait de fleurs en soie, est la plus jolie chose de la maison. »
nous faisons des distributions de nourriture ou de vêtements, les filles sont toujours servies en premier, explique Naphtal, président de l’AOCM.
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NOMINÉE • Pages 74–78
Betty Makoni
TEXTE: ANDRE AS LÖNN PHOTO : PAUL BLOMGREN
POURQUOI BETTY MAKONI A-T-ELLE ÉTÉ NOMINÉE ? Betty Makoni a été nominée, au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009, pour son long combat afin de libérer les filles du Zimbabwe des abus et leur donner les mêmes chances que les garçons. Par l’organisation Girl Child Network (GCN) Betty a construit trois villages sûrs pour des filles particulièrement vulnérables, elle a créé 500 clubs de filles avec 30.000 membres, surtout dans les campagnes et les bidonvilles. Betty sauve les filles du travail enfantin, du mariage forcé, de la maltraitance, du trafic de personnes et des abus. Elle procure aux filles de la nourriture, des vêtements, des soins médicaux, un foyer, la possibilité d’aller à l’école et la sécurité. Par-dessus tout cela, elle leur donne le courage d’exiger leurs droits. Des dizaines de milliers de filles ont eu une vie meilleure grâce au travail de Betty. Elle et le GCN se sont fait les avocats des filles au Zimbabwe en exhortant constamment le gouvernement de bien s’occuper des filles du pays. Mais tout le monde n’aime pas le combat de Betty. Elle vit en danger et est tout le temps menacée à cause de son travail.
Bang! Betty Makoni se réveilla en sursaut. C’était en pleine nuit, dans la zone pauvre de Chitungwiza près de Harare, la capitale du Zimbabwe. Le bruit de nouveau : Bang ! Et encore : Bang ! Les enfants se mirent à pleurer. À quelques mètres du lit de Betty, des hommes masqués cherchaient à s’introduire dans la maison en défonçant la porte d’entrée à la hache. Se battre pour les droits des filles peut s’avérer dangereux !
L
’un des hommes montra Betty du doigt en criant : – On va te tuer ! Tu es ce type de femmes qui ne causent que des problèmes ! Betty et ses enfants étaient terrorisés. Quand l’un des hommes s’approcha du fi ls de Betty, âgé d’une année, elle fut prise de panique. – J’ai cru qu’ils allaient le tuer ou l’enlever. Mais nous avons eu de la chance. Quand ils ont vu que mon mari était à la maison, ils se sont sauvés. Ce n’est qu’une des innombrables fois où Betty a été menacée de mort à cause de son combat pour
les droits des fi lles. Mais elle ne renonce pas. – Je sais moi-même ce que c’est que de voir ses droits violés. C’est pour cela que je continue ! Un homme affreux L’histoire même de Betty commence dans le faubourg pauvre de Chitungwiza. – Mon enfance a été horrible, mon père battait ma mère presque tous les soirs. Maman n’allait pas bien, alors très tôt j’ai dû aider à la maison. À cinq ans, je faisais le ménage et la cuisine, tout en portant mes petits frères et sœurs sur le dos. Papa et maman
nous battaient. Je ne me suis jamais sentie en sécurité. Comme beaucoup d’autres filles des environs, Betty a été obligée de travailler. Tous les soirs, à cinq ans, elle faisait la tournée pour vendre des légumes et des bougies. – Pendant que nous les fi lles travaillions, nous pouvions voir les garçons de notre âge qui jouaient. Quand Betty avait six ans, il se produisit quelque chose d’horrible. Après plusieurs heures de travail, elle et quelques copines étaient arrivées chez le dernier client qui avait un petit magasin. – Après que nous som-
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mes toutes entrées, soudain l’homme a fermé la porte. Il a sorti un couteau et a dit qu’il tuerait celle qui crierait ou résisterait. Puis il a éteint. C’était nuit noire. Nous étions terrorisées, mais n’osions pas crier à l’aide. Il nous a violées l’une après l’autre. Finalement nous avons réussi à nous sortir de là. Chacune est rentrée en courant chez elle et nous n’avons jamais parlé de ce qui était arrivé – Quand je suis rentrée, papa n’était pas à la maison et maman dormait. Je voyais bien qu’ils s’étaient de nouveau battus. Je me suis mise à pleurer en silence pour ne réveiller personne. Je me sentais sale et complètement abandonnée. Malgré ce qui s’était passé Betty continua à travailler chaque soir. Quand l’école a commencé elle utilisait une partie de l’argent pour les taxes scolaires. Ce n’était pas toujours suffisant et quand elle ne pouvait pas payer, on la renvoyait. Elle pensait souvent au préjudice qu’un homme adulte lui avait fait. Elle pensait aussi que c’était un délit que sa mère soit battue. Club de filles À 24 ans, Betty commença à travailler comme professeur.
Elle s’aperçut alors à quel point la vie des filles était dure. Aussitôt qu’une famille avait des difficultés à s’acquitter des taxes scolaires des enfants, c’étaient toujours les fi lles qui devaient arrêter. Leurs frères, au contraire, pouvaient continuer. Bientôt les fi lles de la classe de Betty se mirent à lui parler de leurs problèmes. Elles racontaient que des profs hommes abusaient d’elles et que c’était difficile pour elles de se faire entendre quand les garçons étaient présents. – Alors j’ai proposé que nous les fi lles, nous nous rencontrions et parlions de ce qui nous tenait à cœur. J’ai proposé que nous ayons un club, où les filles pourraient s’occuper les unes des autres et que celles qui avaient des difficultés soient assistées. Un club où elles se renforceraient et où elles oseraient exiger les même droits que les garçons. Elles ont trouvé que c’était une très bonne idée. Nous étions dix fi lles qui nous rencontrions une ou deux fois par semaine. – Bientôt les filles, qui avaient été victimes de viol et de sévices, ont commencé à venir nous parler. Nous soutenions les filles et les encouragions à dénoncer les
Le Girl Child Network ne déçoit personne ! – Au début tous les membres des clubs payaient 50 dollars du Zimbabwe (0,10 USD) par an. Mais c’était trop pour beaucoup de filles pauvres de la campagne, qui, plus que personne, ont besoin de ces clubs. Pour ne pas les laisser tomber, nous avons décidé d’abolir les cotisations. Chaque club de filles essaie de gagner un peu d’argent pour pouvoir aider celles qui en ont besoin. Certaines cultivent et vendent des légumes, d’autres fabriquent des corbeilles pour les vendre, explique Betty.
mauvais traitements à la police. Ce ne fut pas long avant que des clubs de fi lles s’ouvrent dans d’autres écoles, d’abord à Chitungwiza et ensuite dans tout le Zimbabwe. – En 1999 j’ai décidé de fonder l’organisation Girl Child Network (GCN), à laquelle peuvent faire partie tous les clubs de filles pour se soutenir. – La même année, moi et 500 fi lles avons entrepris une marche de 200 km dans la campagne. Nous sommes allées de village en village et avons parlé des droits des fi lles et de ce que nous fai-
Betty (à gauche) l’année où elle a commencé à travailler.
Depuis que Betty et 500 filles ont fait une marche de 200 km, de village en village, beaucoup de clubs de filles ont été créés.
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Les chèvres des villages sûrs Dans les villages sûrs, les filles apprennent à cultiver les légumes et à s’occuper des chèvres et des poulets.
sions dans nos clubs de filles. La nuit nous dormions par terre dans les écoles des villages. Cela a duré 17 jours et après cette marche il y a eu des tas de fi lles qui voulaient créer leur propre club. Aujourd’hui nous comptons 500 clubs de fi lles avec 30.000 fi lles membres dans tout le Zimbabwe ! Les clubs informent le Girl Child Network si quelqu’un a été victime d’un viol ou a dû quitter l’école et a été obligée de travailler. Si quelqu’un a besoin d’aide pour payer les taxes scolaires, les vêtements, les chaussures ou de la nourriture, les autres fi lles du club essaient de l’assister. Si elles ne peuvent pas régler cela toutes seules, elles contactent Betty.
Les villages sûrs Betty se rendit vite compte que beaucoup de fi lles sauvées des mauvais traitements, du travail enfantin, du mariage forcé ou du viol avaient besoin d’un endroit sûr où habiter. Les fi lles ne pouvaient souvent pas rentrer dans leur famille. Comme Betty savait que beaucoup de ceux qui avaient commis des délits fi nissaient en prison, elle avait peur qu’ils se vengent ensuite sur les fi lles en sortant. En 2001, le premier « village sûr » était prêt. Depuis lors, deux autres villages furent construits dans d’autres endroits du Zimbabwe. Depuis 1998, date à laquelle Betty créa le premier club de fi lles, des dizaines de
Betty a reçu plusieurs fois des menaces, même de mort, parce qu’elle se bat pour les droits des filles.
milliers de fi lles ont eu la chance d’une vie meilleure. Betty n’hésite jamais à dénoncer les personnes qui maltraitent les fi lles, même s’il s’agit de politiciens influents. Elle s’est fait beaucoup d’ennemis et a reçu des menaces par téléphone en pleine nuit. Des voitures la fi lent et la police fait des perquisitions dans son bureau. Betty doit toujours être entourée de gens qui la protègent. Ses enfants ne vont jamais seuls à l’école car elle a peur qu’il leur arrive quelque chose.
– Mon rêve c’est que le Zimbabwe devienne un pays où garçons et filles auront les mêmes chances. Je reçois tous les jours des coups de fil de dizaines de filles qui ont été violées. Les filles ont aussi plus de difficultés à aller à l’école. Au lieu de cela, elles sont obligées de se marier ou de travailler. Tant que les fi lles seront victimes de ce dont moi j’ai été victime quand j’étais enfant, je me battrai en leur faveur !
Betty et les filles des clubs de filles manifestent pour leurs droits.
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Betty
«
m’a sauvé la vie ! »
– Je n’oublierai jamais la première fois que j’ai vu Tsitsi. Elle était si petite et avait si peur, couchée là sur mon canapé. Elle avait huit ans et on l’avait tellement battue que son dos était plein de blessures. Je croyais qu’elle allait mourir, dit Betty.
Tsitsi
vivait avec sa mère dans une
petite maison à Chitungwiza, mais elle connaissait son père qui parfois leur donnait de l’argent. Elle aimait bien son père, mais elle adorait sa mère. Quand Tsitsi allait en première, sa mère est tombée malade. – Je faisais la cuisine et j’aidais maman tant que je pouvais, mais un jour elle est morte. Le même soir papa est venu et m’a emmenée chez lui. Les premiers temps le père de Tsitsi était gentil. – Ce n’est pas tant qu’il me consolait, mais il me donnait à manger et m’aidait pour que je puisse continuer à aller à l’école. Quelques mois plus tard, quand le père de Tsitsi est tombé malade tout a changé. Il n’arrivait pas à payer le
loyer de la maison. C’était aussi plus difficile d’acheter de la nourriture et il a donné la faute à Tsitsi de tout le malheur qui arrivait. Mon propre père – Papa se fâchait pour rien. Il me battait pour me punir. Il utilisait sa ceinture ou une canne et il me tapait sur le dos, la poitrine… partout. – Papa me tapait presque tous les soirs. Un soir ça a été pire que d’habitude. – Je venais de me coucher quand il m’a dit que je devais me coucher près de lui. D’abord, je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire. Puis j’ai compris qu’il voulait faire de
vilaines choses avec moi. J’ai refusé et il m’a battue avec un câble électrique. Il avait un couteau à la main et disait que si je criais, il me tuerait. Je n’ai pas pu me défendre et à la fin il m’a fait ça. Mon propre père. Le soir il a remis ça. Et le soir suivant, et le suivant… Finalement Tsitsi a tout dit à son professeur, qui a aussitôt téléphoné à Betty Makoni. Le même après-
midi quelqu’un du Girl Child Network est venu chercher Tsitsi à l’école. Enfin sauvée – Betty m’a sauvé la vie et je l’aime ! Elle m’a emmenée à l’hôpital et m’a soignée. Mais les premiers temps j’étais souvent triste et j’avais des cauchemars. D’abord j’ai vécu dans une « maison sûre » à Chitungwiza, plus tard j’ai déménagé ici dans un des
Se souvient de maman – Maman qui était couturière, m’a appris à coudre. Chaque fois que je couds, je pense à maman. Elle me manque tellement.
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Ensemble...
...les filles balaient la cour du village sûr…
villages sûrs de Betty. Nous qui habitons dans le village nous faisons tout ensemble. Nous jouons, faisons le ménage, la vaisselle, dormons, allons à l’école… tout ! Nous avons toutes eu des malheurs et nous nous comprenons. – J’adore jouer avec les autres. Je peux alors oublier tout ce qui s’est passé avec papa. C’est pareil à l’école.
... et font la vaisselle.
Je me concentre sur les choses nouvelles à apprendre plutôt que de penser au passé. Quand maman me manque et que je suis déprimée, je vais parler avec l’une de nos trois mamans du village qui s’occupent de nous. Par-dessus tout elles nous donnent de l’amour. Je suis heureuse et en sécurité ici.
Le journal devient ballon – Il a fallu seulement quelques minutes pour faire ce ballon. J’ai pressé le papier dans un sachet. Nous utilisons le ballon pour jouer au ballon bouteille, dit Tsitsi.
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– Tous les après-midi après l’école, nous nous asseyons autour du feu, nous racontons des histoires et nous chantons. J’adore m’asseoir ici avec les autres filles, dit Tsitsi. Venez aussi vous asseoir autour du feu dans le village de Tsitsi sur: www.worldschildrensprize.org
Joue au ballon bouteille ! Le ballon bouteille se joue sur du sable. On place une bouteille en plastique au centre du terrain. Deux équipes, de composition libre, s’affrontent. L’une des équipes est divisée en deux groupes, placés à 15m mètres l’un de l’autre, avec la bouteille à mi-chemin entre les deux. C’est l’équipe « externe » qui se passe le ballon. Entre, se trouve l’équipe « interne» Celui qui est touché, quand quelqu’un de l’équipe adverse lance la balle, est éliminé. Quand tous ceux de l’équipe interne ont été éliminés, l’équipe « externe » a gagné et les équipes changent de place. L’équipe interne peut récupérer les joueurs qui se sont fait éliminer. Quand l’équipe externe lance le ballon, un joueur de l’équipe interne doit l’attraper, sans se faire toucher ailleurs. Celui qui réussit à attraper le ballon le jette aussi loin que possible. Pendant que l’équipe externe va chercher le ballon, l’équipe interne remplit la bouteille de sable, puis la vide aussitôt. Si l’équipe interne a le temps de faire tout cela avant que l’équipe externe a repris le ballon, tous ceux qui avaient été éliminés reviennent dans le jeu et peuvent de nouveau jouer !
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Aime les gratte-ciel – Harare, notre capitale est mon endroit préféré. J’aime les gratte-ciel et l’électricité. Les rues sont éclairées et ceux qui y habitent peuvent regarder la télé. Dans le village nous n’avons pas encore l’électricité.
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NOMINÉE • Pages 79–83
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Somaly Mam
– Ta fille a disparu, Somaly. Elle n’était pas à l’école quand je suis allé la chercher. Je ne sais pas où elle est! C’est son garde du corps qui appelle et Somaly craint le pire. La famille vit sous menace constante. Le combat de Somaly en faveur des milliers de filles vendues comme esclaves au Cambodge lui a valu beaucoup d’ennemis.
L
a police se met aussitôt à la recherche de la fille de Somaly, Champa, âgée de 14 ans, parmi les gangs de voyous des maisons de passe de la capitale Phnom Penh. C’est là qu’on trouve beaucoup des ennemis de Somaly. Quatre jours après la disparition de Champa, la police appelle pour dire qu’on l’a retrouvée dans le nord du pays, à la frontière de la Thaïlande. Une région connue pour son trafic de jeunes filles. Quand Somaly arrive, elle apprend que la police a retrouvé Champa
dans une maison de passe. Les kidnappeurs l’ont d’abord violée et ensuite vendue à la maison de passe. – Je ne pouvais plus m’arrêter de pleurer en l’embrassant. Elle était droguée et ne me reconnaissait pas. J’ai pris son beau visage entre les mains et je lui ai demandé mille fois pardon. Mes ennemis s’étaient vengés sur moi en faisant du mal à ma fille que j’aimais tant. On l’avait obligée à subir les mêmes outrages que j’avais moi-même subis pendant de longues années.
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Sans parents L’histoire de Somaly commence dans un petit village où elle a grandi. Personne ne savait où étaient son père et sa mère. Les gens du village prirent soin de Somaly. Il y avait toujours à manger et un endroit pour dormir dans l’un ou l’autre foyer. Somaly avait neuf ans quand un jour un homme vint acheter du bois au village pour le revendre dans la plaine. – Il a dit qu’il connaissait ma famille et ça m’a fait plaisir qu’il me demande de le suivre. J’espérais retrouver mon père là-bas, en ville. Elle ne retrouva pas son père et l’homme qu’elle avait commencé à appeler grandpère n’était plus si gentil. – Il n’était pas marié et n’avait pas d’enfants, alors je suis devenue son esclave. Je devais me lever chaque matin à trois heures pour aller chercher l’eau dans le fleuve en contrebas. Je vendais l’eau aux restaurants. Somaly marchait plusieurs heures avec les lourds seaux d’eau. Quand elle avait fini, elle faisait la plonge dans l’un des restaurants. Le reste de la journée elle travaillait pour les voisins qui avaient besoin d’aide dans les rizières. – De plus, tous les soirs j’allais à un endroit en ville où on faisait des nouilles. Là je moulais les grains de riz pour en faire une farine avec un moulin de pierre très lourd. Je n’étais jamais à la maison avant minuit. Si Somaly ne rentrait pas avec assez d’argent pour l’alcool, il devenait fou. – Il m’attachait, me fouet-
Pourquoi Somaly a-t-elle été nominée? Somaly Mam a été nominée au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son long et souvent dangereux combat afin de libérer les filles qui sont vendues comme esclaves dans les maisons de passe au Cambodge. Somaly, qui enfant a elle-même été vendue à une maison de passe, veut que les filles qui ont été esclaves aient les mêmes chances que les autres. À travers l’organisation AFESIP, elle a construit trois foyers sûrs pour les filles libérées de l’esclavage. Elles y reçoivent nourriture, soins médicaux, un foyer, la possibilité d’aller à l’école et plus tard également une formation professionnelle. Somaly donne aux filles sécurité, chaleur et amour. 3.000 filles qui ont été esclaves, ont eu une vie meilleure grâce à Somaly. Elle-même et l’AFESIP, en exhortant sans relâche le gouvernement et les diverses organisations humanitaires à s’occuper des filles, se sont fait les porte-parole des filles au Cambodge. Somaly reçoit de constantes menaces de mort. En 2006 sa fille de 14 ans a été enlevée, violée et vendue à une maison de passe. On voulait punir Somaly pour son combat en faveur des droits des filles.
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tait et me donnait des coups de pied comme un forcené. Vendue une première fois Somaly avait douze ans quand grand-père un jour lui dit d’aller chercher du pétrole pour la lampe chez le marchand du quartier. – Il était gentil et me donnait des bonbons. Mais cette fois-là, il m’a arraché les vêtements et m’a violée. Après, il m’a dit qu’il me tuerait si je le disais à quelqu’un. Il m’a aussi dit que grand-père lui devait un tas d’argent. Maintenant je comprends que grand-père l’avait laissé me violer. C’était la première fois que l’on me vendait.
– Le soir, j’avais mal partout et je me sentais perdue et sale. Somaly avait quinze ans. Un jour grand-père lui dit qu’ils iraient dans la capi tale, à Phnom Penh pour rendre visite à des parents. Mais c’était un mensonge. La maison où grand-père l’amena était une maison de passe. Il l’avait vendue. De nouveau. – Quand j’ai compris où j’étais, j’ai résisté autant que j’ai pu. J’ai refusé les « clients » Comme punition le propriétaire de la maison m’a battue et violée. Ensuite il m’a enfermée dans une petite pièce. Somaly ne rêvait que de se
sauver et une fois elle réussit. Mais ils la rattrapèrent et comme punition elle fut attachée, battue et violée par plusieurs hommes pendant toute une semaine. – Ils avaient réussi à me briser. J’avais perdu, dit Somaly. Libère la première fille Somaly ne pensa qu’à survivre. Mais il se passa quelque chose qui allait bouleverser sa vie. – Un jour une nouvelle fille est arrivée. Elle n’avait que dix ans. Elle avait la peau foncée et était très maigre. C’était comme si je m’étais vue moi-même franchir le seuil de la porte. Je me suis dit que cette petite fille ne serait pas détruite comme je l’avais été. Elle pouvait encore avoir une vie décente. Rapidement, j’ai donné l’argent que j’avais à la petite
fille. Les patrons et les gardiens n’étaient pas là et j’ai pu la faire sortir. Elle était libre. – Ils se sont mis dans une colère folle et m’ont battue pendant des heures. Après, ils m’ont enfermée dans une petite cage pour montrer aux autres ce qui arrive quand on désobéit. Les années passèrent. Somaly n’avait plus ni la confiance en soi ni le courage de s’enfuir. À la fin, les patrons lui faisaient assez confiance pour la laisser sortir de la maison de passe avec ses clients. Elle ramenait toujours l’argent. Un riche client américain voulut l’épouser, mais elle refusa. Elle avait peur qu’il la vende aux États-Unis. Avant de partir l’homme donna 3.000 dollars à Somaly pour qu’elle puisse se refaire une vie. Somaly aurait eu assez d’argent pour s’acheter une maison et ouvrir un petit commerce.
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– Mais je savais que les autres fi lles à la maison de passe souffraient autant que moi. Depuis le jour où j’avais aidé la petite fi lle à fuir, je ne rêvais que de libérer aussi les autres. Alors j’ai donné l’argent au propriétaire et il a accepté de libérer toutes les fi lles, dix au total ! C’était magnifique de voir les fi lles en personnes libres !
Ça vaut la peine de donner sa vie pour cela Onze ans ont passé depuis le début et plus de 3.000 fi lles qui étaient esclaves ont eu une meilleure vie grâce au dur travail de Somaly et de l’AFESIP. Aujourd’hui il y a trois foyers sûrs où vivent 150 fi lles libérées. Mais Somaly a beaucoup d’ennemis et vit sous une menace de mort constante. On la
Voici comment travaille l’organisation de Somaly • Ils visitent les maisons de passe pour aider les filles et pour découvrir les filles de moins de 18 ans, vendues comme esclaves. • Ils font des rafles contre les maisons de passe avec la police pour libérer les filles. • Ils aident les filles à dénoncer à la police ceux qui les ont vendues, achetées et utilisées et à obtenir un avocat lors du procès. • Ils donnent aux filles libérées foyer, nourriture, soins médicaux, soutien psychologique, la possibilité d’aller à l’école primaire et une formation professionnelle comme couturière ou coiffeuse. • Ils aident les filles à retourner dans leur famille, si cela est possible. • Ils aident les filles à commencer une nouvelle vie grâce à la formation qu’elles reçoivent. Ils procurent aux filles l’équipement dont elles ont besoin. L’AFESIP rend visite à chaque fille pendant au moins trois ans pour s’assurer que tout va bien. • Ils ont une ligne téléphonique d’assistance où les filles peuvent appeler 24 heures sur 24.
TEXTE: ANDRE AS LÖNN PHOTO : PAUL BLOMGREN
La première rafle Un coopérant français du nom de Pierre l’encouragea à se refaire une nouvelle vie. Il lui dit qu’elle y arriverait. Ils se marièrent et au bout de huit années Somaly était enfi n libre. Mais toutes les nuits elle pensait aux terribles abus dont étaient victimes de petites fi lles. Le rêve de Somaly c’était de sauver toutes les filles de l’esclavage. – J’ai parlé avec Pierre de mes rêves et nous avons décidé de créer l’organisation AFESIP (Agir pour les Femmes en Situation Précaire) pour assister les filles au Cambodge. Somaly commença les visites des maisons de passe à Phnom Penh. Elle instruisait les fi lles sur la santé et expliquait comment se protéger contre le sida. Elle emmenait les fi lles malades à l’hôpital. Les patrons, qui
voulaient des fi lles en bonne santé, permettaient à Somaly de leur rendre souvent visite. Ce qu’ils ne savaient pas c’est qu’elle gardait aussi toujours un œil sur les fi lles de moins de 18 ans et qui avaient été vendues comme esclaves. Peu après, l’AFESIP fit sa première rafle avec la police pour libérer l’une des fi lles que Somaly avait découverte. C’était une jeune fi lle droguée de 14 ans qui s’appelait Srey. Somaly et Pierre s’occupèrent de Srey en la prenant chez eux. Avec le temps de plus en plus de fi lles s’étaient installées chez eux. Ils dépensèrent tout leur argent privé. Une année après, en 1997, Somaly reçut enfi n l’aide qui lui permit d’ouvrir un petit centre où elle pouvait s’occuper des fi lles qui avaient été libérées.
La boîte secrète de Somaly – Si l’une de nous a besoin d’aide ou a envie d’aller faire un pique-nique, nous pouvons écrire une lettre et la glisser dans la boîte secrète. Il n’y a que Somaly qui en a la clé. Elle lit toutes les lettres. Comme Somaly a vécu les mêmes choses que nous, elle comprend ce que nous ressentons et ce dont nous avons besoin. J’ai écrit une lettre où j’ai demandé que ma petite sœur puisse vivre ici. J’ai peur que maman la vende. Somaly a promis qu’elle viendra ici et j’en suis si heureuse, raconte Sry Pov. La clé des rêves des filles…
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Ensemble.
Les filles ne sortent jamais seules, elles prennent soin les unes des autres pour qu’il n’arrive rien.
Les filles vont à la recherche de crabes.
menace en pleine nuit par téléphone, on la suit en voiture et on menace de mettre des bombes dans les foyers de l’AFESIP pour filles libérées. On a brûlé sa maison et Somaly est obligée d’avoir constamment des gardes du corps. – On dit que la traite des filles rapporte plus d’argent que le trafic de drogue. C’est la raison pour laquelle c’est difficile et dangereux de l’arrêter. Les patrons des maisons de passe, la mafia, certains policiers, des juges et des politiciens haut placés gagnent beaucoup d’argent
par la traite des filles. Certains croient qu’au moins 20.000 filles au-dessous de 18 ans sont esclaves au Cambodge. Somaly ne renonce pas à se battre pour leurs droits. – J’ai failli abandonner quand ma fille Champa a été enlevée et vendue à une maison de passe. Mais elle m’a dit très calmement que je devais continuer. Champa m’a dit qu’elle m’avait, moi et qu’elle s’en sortirait quoi qu’il arrive. Mais elle se demandait ce qui adviendrait des autres filles si j’arrêtais. Ce qu’elle m’a dit
m’a donné la force de continuer. Les filles m’appellent maman et je sens vraiment qu’elles sont mes filles. Je les aime. Nous avons eu les mêmes expériences et je sais de quoi elles ont besoin. Sécurité, écoute et amour. Comment pourrais-je les tromper ou les laisser tomber ? Je sais que l’on peut me tuer à tout moment, mais je suis prête à mourir pour que les filles aient un meilleur avenir.
Peur du noir – J’ai horreur d’être seule dans le noir. C’est à ce moment-là que reviennent tous les horribles souvenirs. J’adore être dehors et jouer avec les filles dans la rizière. Quand nous jouons au foot, pêchons et attrapons des crabes ensemble, je me sens revivre, dit Somaly. La seule chose qui me rende vraiment heureuse, c’est de voir les filles jouer et rire de nouveau. Alors, moi aussi, je suis heureuse, dit Somaly.
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Srey Pov a été vendue comme esclave
À sept ans, Srey Pov a été vendue, par sa propre mère, comme esclave à une maison de passe. Ce fut le début d’un horrible cauchemar. – Je crois que je serais morte si Somaly ne m’avait pas aidée. Elle m’a sauvé la vie et je l’aime. Somaly est ma nouvelle mère, dit Srey Pov.
M
–
aman a essayé de s’occuper de moi et de mes cinq frères et sœurs. J’ai dû l’aider beaucoup. Faire la cuisine, la vaisselle, m’occuper de mes petits frères et sœurs et tout ça. J’ai travaillé dans la rizière des voisins. Des fois on mangeait une fois par jour, des fois pas du tout, se souvient Srey Pov. Elle avait sept ans quand un jour une femme et un homme sont venus les voir. Le couple a dit qu’ils pouvaient aider la famille en donnant à Srey Pov du travail comme employée de maison chez un de leur parent à Phnom Penh, la capitale.
Aussitôt passé le seuil de la maison, la femme et l’homme se sont transformés. – Ils m’ont jetée dans une petite pièce et ont fermé la porte à clé. J’ai eu peur, je me suis mise à pleurer et à crier : « Pourquoi vous m’enfermez ? Alors ils m’ont dit : « Arrête de crier! Sinon on te tue! » Les jours ont passé sans que Srey Pov puisse sortir. On lui donnait de l’eau mais rien à manger. Au bout d’une semaine, l’homme est venu et lui a dit : « Occupetoi d’un client ! » – Je lui ai dit que je ne savais pas ce que ça voulait dire. L’homme est devenu
furieux et a fait entrer quatre hommes. Ils m’ont arraché les vêtements et m’ont frappée avec des ceintures et des fils électriques sur tout le corps. Puis ils m’ont fait très mal. À ce moment-là je ne savais pas ce que c’était. Maintenant je sais qu’ils m’ont violée. Très vite j’ai senti que quelque chose s’était brisé en moi. Comme si j’étais morte. Elle avait onze ans et était esclave depuis plus de quatre ans dans diverses maisons quand Srey Pov un soir a pris la décision. – J’allais m’enfuir, à n’importe quel prix. Même s’ils allaient me tuer. En courant
pour m’enfuir, j’ai bousculé un couple qui m’a demandé ce qui s’était passé. Ils m’ont vite fait monter sur leur moto. J’avais peur d’être de nouveau vendue. Mais le couple travaillait à l’AFESIP et ils étaient en train de faire leur ronde de nuit dans le parc. – Nous sommes arrivés à l’AFESIP où tout le monde était très gentil. Somaly m’a embrassée et m’a dit que tout allait s’arranger. Je sentais qu’elle comprenait exactement ce qui m’était arrivé. Un médecin m’a auscultée et j’ai vu un psychologue. Ça faisait vraiment du bien de parler des choses horribles que j’avais vécues. Somaly a demandé si Srey Pov n’avait pas envie d’aller vivre dans son foyer à la campagne et commencer l’école. – J’étais hyper contente. Le jour où je suis entrée dans la salle de classe a été le plus beau jour de ma vie. Nous, les filles sommes comme une famille et nous prenons soin les unes des autres. Plus tard, Srey Pov veut se battre pour les droits des filles. – Si nous voulons mettre fin à tout ça, il faut que les jeunes gens changent. Ils doivent commencer à regarder les filles d’une autre façon. Ils doivent comprendre que nous avons la même valeur et devons être traitées avec respect !
– Le premier jour d’école a été le plus beau jour de ma vie, dit Srey Pov.
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