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Vauban universel L’inscription des fortifications de Vauban au patrimoine de l’humanité élève l’architecte militaire de Louis XIV, génie précurseur du siècle des Lumières, au rang de bâtisseur universel. Les 12 sites français consacrés par le label de l’UNESCO, dont Besançon, Longwy et Neuf-Brisach, en attendent d’importantes retombées touristiques et économiques.
Besançon et sa citadelle misent sur 20 à 25 % de fréquentation touristique supplémentaire par rapport à un flux annuel de 300.000 visiteurs.
Neuf Brisach (Haut Rhin), commune de 2.400 habitants, protégée dans l’étoile à huit pointes des fortifications de Vauban.
Pour le maire de Longwy, « une formidable revanche sur le cours de l’histoire de la ville, abandonnée par la sidérurgie ».
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L’ÉVÈNEMENT
CLASSÉ
Les douze sites classés
Vauban, l’imprenable Voici trois siècles, l’homme de guerre était craint. On savait sa science du siège implacable, on savait la défaite assurée lorsqu’il prenait une ville. Et une fois tombée, les fortifications qu’il y édifiait étaient à leur tour réputées imprenables. L’histoire retiendra ce Vauban là, conquérant, infaillible ou presque, si puissant finalement qu’il pourra comme nul autre parler à Louis XIV, user de cette liberté de ton pour demander au roi de révoquer l’édit de Nantes, ou de mettre en place un impôt plus juste.
L’Unesco n’a pas choisi de retenir l’homme, mais plutôt le fruit de son génie pour l’inscrire au patrimoine mondial. Car après le 17e siècle, la technique de Vauban fut copiée partout dans le monde, d’Afrique en Amérique Latine, en passant par le Vietnam. L’Unesco n’a pas classé l’ensemble des fortifications de Vauban, qui a semé, modifié, ou redessiné plus de cent forteresses, aux pourtours de la France. Elle tracent encore nos frontières, mais certaines ont été remodelées à leur tour,
L’Unesco a finalement écarté les sites de Bazoche et Belle-Île. Voici les 12 classés.
adaptées aux nouvelles armes, aux nouvelles techniques de siège, comme ce fut le cas à Belfort par exemple. D’autres sites Vauban importants, mais non visitables par le grand public sont également absents du classement. Dans le grand Est, trois sites majeurs bénéficient de l’inscription : la citadelle de Longwy, Neuf-Brisach, bourg totalement dessiné par Vauban, et la Citadelle de Besançon, qui rejoint ainsi la Saline Royale d’Arc-et-Senans sur la liste du patrimoine mondial.
Le château de Bazoche, propriété de Vauban, et la citadelle de Belle-Île dont la transformation récente en hôtel a dénaturé l’authenticité ont finalement été écartés par les experts de l’Unesco. Ces derniers ont resseré le réseau sur douze sites souvent priopriété commubnale, mais parfois encore militaires, toujours utilisée à des
fins d’entraînement, ou encore propriété de l’Etat, comme la prison de l’île de Ré. Tous les sites ont bien sûtr en commun d’être visitables par le grand public, parfois sur des périodes précuises seulement. Enfin, tous font l’objet d’un classement, et d’un programme de sauvegarde et de restauration, condition essentielle au classement.
La citadelle de Besançon, refuge imprenable perché au dessus de la vieille ville, ferme la Boucle du Doubs.
CONFIDENCES Un classement historique L’idée trottait dans l’es prit de la député et ex se crétaire d’État bisontine de longue date : Paulette Guinchard Kunstler rê vait de faire inscrire la vil le de Besançon au patri moine mondial de l’Unesco. En 2003, le maire, Jean Louis Fousseret, lance la réflexion autour d’une candidature de la Citadelle au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il réalise rapidement qu’une candidature uni que a peu de chances d’aboutir puisque Vau ban a semé les frontières françaises de plus de cent sites fortifiés. Janvier 2005 : constitu tion d’une association réunissant huit villes abri tant l’une des pièces maî tresses de Vauban. Le réseau s’élargit, sous les recommandations de Nicolas Faucherre, histo rien spécialiste des fortifi cations agissant comme conseil scientifique du ré seau. Finalement, ce sont quatorze sites qui s’associent et alimen tent le dossier de candi dature en vue du classe ment. Janvier 2006 : le dossier est inscrit sur la liste indi cative de la France. Dé bute une phase d’inten se lobbying pour convaincre la commis sion ad hoc au ministère de la Culture de retenir le dossier. La France ne peut présenter qu’un seul dossier par an au ti tre de la culture, et un au nom des sites naturels. 2007 est l’année du tri centenaire de la mort de Vauban. Finalement, c’est Jacques Chirac qui tranchera en janvier 2007, retenant le dossier Vauban plutôt que celui de l’architecte Le Corbu sier, pas encore suffisam ment avancé. On dit que les deux maires de Neuf Brisach et Brian çon, proches du Prési dent de la République, ont joué un rôle majeur. Printemps 2007 : un col loque est organisé à Be sançon où l’on évoque le rapprochement possible entre le réseau septen trion dans le Nord, et ce lui des sites majeurs. La fusion n’a pas lieu. Les gens du Nord visent sur tout des aides européen nes. Mais on craint que leur absence nuise au dossier Vauban. Été 2007 : les experts de l’Icomos visitent les qua torze sites majeurs et ins truisent le dossier de can didature. Septembre 2007 : signa ture d’une convention de partenariat avec la Gran de Muraille de Chine : une façon diplomatique de s’assurer que le repré sentant à l’Unesco ne s’oppose pas au dos sier. Début 2008 : les experts rendent un avis favora ble, accompagné de cer taines recommanda tions. 7 juillet 2008 : inscrip tion de 12 des 14 sites au patrimoine mondial de l’Unesco.
Un classement pour quoi faire ? Le classement au patrimoine mondial de l’Unesco n’apporte pas un centime, mais les retombées en attractivité touristique sont importantes. «C’est vrai que ce classement nous oblige à l’excellence » avoue Jean-Louis Fousseret, le maire de Besançon et président du réseau des sites majeurs Vauban. « Ca ne rapporte pas un centime, mais les retombées en terme de tourisme sont évidentes. Nous espérons recevoir entre 20 et 30 % de visiteurs supplémentaires à Besançon (300 000 en moyenne annuelle actuellement à la Citadelle). À nous de ne pas les décevoir. Cela étant, avec la possibilité l’an prochain que la Chapelle de Ronchamp soit à son tour classée, cela ferait trois sites du patrimoine mondial en
Franche-Comté : de quoi renforcer son attractivité. Il y a des synergies à trouver. Déjà, le département et la région se sont manifestés, mais nous espérons aussi susciter des soutiens plus larges, au plan national voire européen. » Le maire de la petite commune de Neuf-Brisach en Alsace, Richard Alvarez mesure lui aussi la responsabilité du classement : « Tout seuls, on n’arrivera pas à faire face, il faut qu’on nous aide », explique-t-il en listant les projets de rénovation du musée communal, et de développement touristique. Et même si cette inscription « constitue une formidable
revanche sur le cours de l’Histoire de la ville, abandonnée par la sidérurgie », selon le maire de Longwy, Edouard Jacque, il n’en demeure pas moins que ce patrimoine a un coût. La constitution du réseau Vauban a permis d’attirer quelques mécènes comme la fondation EDF qui vient de lui apporter 200 000 euros sur quatre ans, le classement permettra-t-il d’aller plus loin ?
Une adhésion populaire «A Besançon, 6 000 personnes ont adhéré au comité de soutien, c’est le signe d’un attachement formidable de
la population à ce patrimoine» relève Jean-Louis Fousseret. « A nous de« transformer cette dynamique. » La ville tête de réseau veut en particulier créer un pôle-ressource en matière de protection du patrimoine fortifié. Pour quoi faire ? « Ici à Québec, de nombeux ambassadeurs me sollicitent. Cette idée a visiblement séduit l’Unesco. Il s’agit de partager les savoir-faire en matière de préservation, d’animation, de reconversion du patrimoine. Nous avons eu, voici deux ans, un accident mortel à la Citadelle. Nous avons cherché des solutions pour protéger les visiteurs
sans dénaturer le site. Ça a été très long, le dossier est remonté dans plusieurs ministères. C’est inutile que d’autres fassent les mêmes démarches alors que nous avons la solution. » Par ailleurs, le maire Bisontin a rencontré des ambassadeurs de Madagascar ou du Maroc, très intéressés par ce projet. « Madagascar nous demande de les aider à conserver leur patrimoine. A Essaouira aussi, notre expérience peut servir. Mais cela va dans les deux sens : nous apprendrons aussi des autres. Les pays émergeants sont très demandeurs » Christophe DOLLET avec AFP
« Ouvrons-nous au monde »
L’UMP Alain Bayrou, maire de Briançon et le PS Jean Louis Fousseret, maire de Besançon, partagent le bonheur du classement Vauban. Photo réseau des stites majeurs Vauban
Spécialiste des fortifications, professeur à l’université de Nantes, Nicolas Faucherre est l’expert scientifique du réseau Vauban. Il faisait évidemment partie de la délégation à Québec. Comment analyse-t-il le « recentrage » du dossier sur les fortifications ? « C’était notre idée de départ, et finalement nous avions élargi notre sujet parce qu’au-delà de ses réalisations, la dimension de l’homme nous paraissait le justifier. Cela montre à quel point les débats du comité sont pertinents et efficaces. On ne rentre pas au patrimoine mondial à la légère. Ils ont écarté quasiment un dossier sur deux. Ce recentrage était logique à partir du moment où nous n’avions pas par exemple le canal du midi. » Il manque aussi les sites du Nord du réseau septentrion, qui a refusé de fusionner avec votre réseau. Le regrettez-vous ? « Je n’ai pas de regrets : ils ont choisi une autre logique, qui vise à obtenir des financements européens. Cela dit, nous avons vocation à accueillir tous les sites marquants de Vauban. Sans doute cela se fera-t-il avec le temps. Déjà, le réseau est très sollicité par des pays comme le Maroc, le Honduras, Madagascar. Ils nous disent tous, nous sommes les fils de Vauban, nos fortifications s’inspirent de son œuvre, de ses théories. C’est un appel puissant à nous ouvrir au monde. »
Vauban a dessiné les frontières de la France d’aujourd’hui.
Arras et sa citadelle de plaine baptisée « la belle inutile » : l’un des premiers systèmes de défense.
Blaye : de chaque côté de la Gironde, Vauban a construit un système en étau.
Vauban : l’hexagone de Longwy Le site longovicien fut équipé de toutes les commodités pour une place de guerre sur les hauteurs. LONGWY. - S’il est un domaine dans lequel le site de Longwy se singularise, parmi les cent soixante oeuvres fortifiées ou retouchées par Vauban, c’est celui de l’originalité. La place forte longovicienne présente la particularité parmi neuf décors inscrits au registre de « villes neuves », d’avoir été construite «ex nihilo », avec la conception d’un site idéal, conçu et réfléchi par le marquis de Vauban. Avec toutes les commodités requises pour une place de guerre : une vaste église, un grand arsenal, onze corps de caserne, cinq puits et 32 îlots d’habitation. Le vieux château et l’ancien Longwy-haut médiéval disparurent ainsi pour laisser place à l’édifice au bord du plateau qui surplombe la vallée de la Chiers et la ville basse. Beaucoup de ces bâtiments ont été conservés comme la boulangerie, l’hôtel de Ville et le puits central, voûté à l’épreuve des bombes. A Longwy, la forteresse fut élaborée sous la forme d’un hexagone, avec six bastions et demi-lunes. Il en reste aujourd’hui qua-
été installées chacune de manière symétrique autour de l’actuelle place Darche, au centre de l’hexagone.
Saint Vaast la Hougue, ou l’observation côtière avancée, sur une presqu’île.
Une ville davantage qu’une citadelle
La ville de Longwy présente toutes les caractéristiques d’une place de guerre conçue « ex nihilo » par Vauban.
tre. « Protégée sur son flanc par le précipice qui rendait peu vraisemblable une attaque de ce côté, elle était en revanche très exposée au nord du côté de l’ennemi luxembourgeois, ce qui justifia la construction d’un ouvrage à cornes pour ren-
forcer ce front » explique-t-on en mairie de Longwy, où l’on a bâti un dossier solide et argumenté pour convaincre l’UNESCO des atouts lorrains. Si la guerre a détruit l’un des deux accès historiques,
la Porte de Bourgogne, la Porte de France et ses décors sculptés à la gloire de Louis XIV continuent aujourd’hui de s’offrir aux visiteurs en quête d’informations sur le génie de cet ancien ingénieur militaire. Les deux entrées avaient
L’option du plateau surplombant le bas de Longwy fut retenue plutôt que la colline du bois de Châ, avec l’idée de créer une ville davantage qu’une citadelle. Pari réussi, puisque l’on constate que des neuf villes neuves répondant à cette option, la cité longovicienne fut celle qui connut un la plus importante arrivée de population. Jusqu’à rendre nécessaire une disparition partielle de certains remparts en vue d’étendre le territoire de la ville. Si Longwy a au fil de l’histoire, été confrontée à une accumulation de guerres et de batailles, la ville a su « à chaque fois renaître de ses cendres tout en conservant le plan d’urbanisme dessiné par Vauban » s’enorgueillissent les défenseurs du dossier de Longwy. A. P.
Mont Louis et son ensemble fortifié à 1.600 mètres d’alti tude.
Villefranche de Conflent ou l’art de protéger une petite cité encaissée dans une vallée.
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CLASSÉS
RÉACTIONS
PORTRAIT
Une joie unanime
Un réformateur
Pas une voix discordante à l’annonce du classement. Historiens, architectes, militaires, spécialistes se félicitent.
« Glacis et fossés » Saint Martin de Ré : le premier système adapté à un réduit insulaire.
Mont Dauphin, ou l’archétype de place forte en montagne, au dessus de la Durance.
Marc Wattel, architecte des bâtiments de France : « La fortification de la ville a été une chance car les glacis et les fossés ont protégé le centre ancien et préservé de constructions neuves trop proches. C’est à cet ensemble de glacis et fossés que la ville doit tant d’espaces verts. Il suffit de sortir de la gare ferroviaire de Besançon pour s’en rendre compte, il n’y a rien devant la ville. Des architectes en activité actuellement craignaient avec cette inscription de ne plus pouvoir rien réaliser à l’avenir à cause de nouvelles contraintes. On les rassure, Vauban a fortifié la ville, elle a continué de s’agrandir. On se doit de veiller aux transformations à venir et au secteur sauvegardé. Mais entre le collège Lumière, le palais de justice, le futur pôle des arts, les réalisations nouvelles ne
Marc Wattel, architecte des Bâtiments de France. manquent pas à Besançon. Il faut s’inscrire dans son temps et respecter le temps des anciens. Au XVIIIe siècle, des architectes veillaient à ce respect et autorisaient ou non les projets. En tout cas, je suis très heureux ».
« C’était irréaliste... »
Camaret sur Mer, à la pointe de la Bretagne : un superbe fort à la mer.
Briançon : l’impressionnant Pont l’Asfeld relie deux des cinq vallées protégées.
Neuf Brisach : l’exemple caractéristique de la ville nouvel le protégée totalement.
Non inscrits Parmi les sites marquants non inscrits à l’Unesco figure en premier lieu la Citadelle de Lille. Considérée comme « la reine des Citadelles », cette dernière n’est pas ouverte au public : elle abrite le centre national de commandement des forces de l’Otan. D’autres sites du Nord de la France n’ont pas adhéré au réseau Vauban, étant 264335
eux-mêmes déjà rattachés au « réseau septentrion » qui réunit des forteresses ou citadelles en France et en Belgique. Enfin, des sites Franc-Comtois réputés comme Belfort, Salins-les-Bains ou le Château de Joux ont été écartés du réseau par le ministère de la culture : ils ont été partiellement remaniés depuis Vauban.
Paulette Guinchard, anciene députée et secrétaire d’Etat qui, la première, porta le projet : « Je suis très heureuse, Jean-Louis Fousseret m’a appelée au cours de la nuit pour m’avertir. Dans le cas de ce dossier, ce qui est intéressant est qu’il a été monté et piloté sur place et non, comme cela se fait souvent par des agences d’ingénierie extérieures. C’est Marieke Steenbergen qui, à l’agence d’urbanisme de Besançon, a tout piloté avec l’appui des services. Je suis ravie car on doute parfois de ses propres richesses que l’on a à proximité. C’est même incroyable car quand on a lancé l’idée, et initialement il ne s’agissait que du patrimoine de Besançon, certains trouvaient cela irréaliste et même un peu pré-
Paulette Guinchard, ex dé putée.
tentieux. Maintenant, il va falloir valoriser toujours plus la ville, c’est l’affaire de tous, élus, population, touristes ».
« Une belle aventure » Jean-Louis Vincent, général de corps d’armée, président du comité de soutien de Besançon : « C’est une joie profonde et une fierté, l’aboutissement de plus de deux ans de défense de ce beau dossier. On a essayé de montrer que Vauban était un homme complexe, on a beaucoup creusé le personnage, c’est le patrimoine fortifié qui a été retenu. C’est une belle aventure humaine et intellectuelle. Des personnes aux itinéraires et expériences différents et de toute la France avaient rejoint le comité de soutien. On a mené de multiples actions pour faire aboutir le dossier avec l’adhésion des populations comme cela se devait. Quant à ceux qui parlent d e Vauban destructeur de la Franche-Comté, on ne refait pas l’histoire trois siècles plus tard. Vauban était
Jean Louis Vincent, comité de soutien de Besançon. aux ordres du roi, mais c’est un fait historique établi, il avait le souci de préserver la vie des populations et de ses soldats ».
Le président de la République se félicite de l’inscription des forteresses de Vauban « qui se sont départies de leur qualité d’ouvrages militaires pour conquérir leur statut d’œuvre intemporelle de l’esprit. La perfection géométrique des tracés, l’harmonie des formes, leur ergonomie humaniste ont permis à ces monuments de résister aux assauts du temps et des modes». Nicolas Sarkozy souligne encore :« C’est probablement plus qu’une coïncidence si cette consécra-
« Une reconnaissance » Marieke Steenbergen, responsable de la mission réseau Vauban : « Cela a été une joie intense quand on a appris la nouvelle, on a appelé et prévenu tous les membres du réseau, c’est aussi le couronnement de quatre années de travail. Tout a été monté avec l’aide des sites du réseau, j’ai piloté depuis l’agence d’urbanisme avec l’appui scientifique de l’historien Nicolas Faucherre. Avant de m’installer à Besançon, je ne connaissais pas l’homme Vauban ni son œuvre, j’ai découvert l’excellence et la qualité de son œuvre architecturale à travers les visites sur les divers sites qui ont permis de tisser des liens très forts avec les élus et les experts. Il faut désormais être digne de cette inscription, de cette reconnaissance s’ajoutant à celle de 900 autres sites reconnus mondia-
Marieke Steenbergen de la mission réseau Vauban. lement. On s’engage à préserver et mettre en valeur ce patrimoine. Vauban avait eu des projets en Italie et Allemagne et à Québec mais les traces manquaient pour en retenir un dans la dossier ».
« Résister aux canons » Carlos Scheltema, expert néerlandais ICOMOS (conseil international des monuments et sites) : « J’ai été sollicité pour inspecter avec un collègue Belge les sites. Les expertises sont faites par des gens de nationalité différente que celle du pays candidat par souci de neutralité. J’avais visité la citadelle bisontine lors de vacances. Je suis architecte et ma femme et moi sommes devenus spécialistes de fortifications en nous installant à Naarden, petite ville fortifiée connue de toute l’Europe. Mon collègue et moi ne pouvions faire qu’un rapport favorable, le dossier était de toute beauté, l’Unesco a parlé à Québec de magnifique dossier. Anecdote, dans un site, j’ai reproché l’épaisseur des joints de réfection des pierres. L’architecte des bâti-
Vauban avait de multiples centres d’intérêt, il a su aménager le territoire. Les porteurs et animateurs du dossier s’étaient astreints à montrer la riche personnalité de Vauban qui n’était certes pas que l’architecte militaire de Louis XIV. C’est bel et bien son œuvre fortifiée qui a retenu l’attention de l’Unesco et obtenu le prestigieux label. Né en 1633 à Saint-Léger-de-Foucherets dans le Morvan, Sébastien Le Prestre de Vauban fut un réformateur, un moderne en son temps, qui écrivit sur la navigation des rivières, la cultture des forêts ou la politique européenne. Avant la philosophie des Lumières, il est « l’un des premiers à avoir pensé la société et l’Etat de manière globale », selon l’historienne Michèle Virol qui mène des recherches sur le personnage depuis deux décennies. En fait, la pensée de Vauban témoigne, à l’instar de Descartes ou de Leibniz, « de ce mouvement de rationalisation mathématique caractérisant l’Europe du XVV ème siècle ». Par ailleurs, l’homme n’est pas courtisan et a des convictions qu’il défend opiniâtrement . Ne préconise-t-il pas un impôt pour tous et proportionnel aux richesses. Ne demande-t-il pas au Roi-Soleil de bien vouloir revenir sur la révocation de l’édit de Nantes et de rappeler les Huguenots par-
Sébastien Le Prestre de Vauban (1633 1707) tis en des terres plus accueillantes. Ne met-il pas en avant que leur exil est une perte pour le royaume en termes de savoir-faire des artisans, de fuite des capitaux et de ressentiment contre la France. Hélas, le roi refuse de suivre l’un de ses plus fidèles serviteurs. Vauban se sera intéressé à bien des projets, citadelles, ports et canaux. En se rendant sur les chantiers, en obervant et nouant des contacts avec les populations, Vauban aura montré un sens précoce de l’aménagement du territoire. L’architecte Jean Nouvel affirme que son lointain prédecesseur était doté d’une véritable « intelligence du territoire ».
ARCHITECHTURE
Le Corbusier candidat l’an prochain Carlos Scheltema, expert néerlandais des sites.
Un réseau des plus belles réalisations de l’architecte, dont Ronchamp, postule en 2009.
ments de France du lieu m’a répondu que Vauban ne construisait pas pour la beauté mais pour résister aux boulets de canon ».
« Chapelle amphithéâtre » Daniel Van Labeke, directeur de l’IUFM de Fort-Griffon à Besançon (dont certaines parties sont liées à l’ensemble Vauban) : « C’est une trés bonne nouvelle que cette inscription tant pour la région que la ville. Nous avons déjà des collaborations avec l’office du tourisme de Besançon. Les bâtiments de l’IUFM accueillent des cours et des formations et les visites se font le long des fortifications et dans les jardins. Les groupes que l’on voit passer régulièrement sont accompagnés par des guides. Il y a une convention entre l’IUFM et l’office du tourisme depuis des années. Les jardins sont ouverts, il y a aussi deux grands bâtiments et une chapelle datant d’après Vauban mais empreints de son style architectural. Un colloque Vauban a
tion intervient trois mois après l’attributiondu prix Pritzker à Jean Nouvel. Ce sont deux magnifiques symboles d’une excellence de l’architecture française qui se perpétue au fil des siècles, en s’appuyant sur la compréhension intime des besoins humains et en s’inspirant de la logique propre à chaque territoire ». Nicolas Sarkozy se réjouit aussi du classement d’une partie du récif corallien de Nouvelle Calédonie, premier site outremer à bénéficier de cette reconnaissan-
En édifiant Notre Dame du Haut à Ronchamp, Le Corbusier a voulu créer « un lieu de silence, de paix et de joie intérieure ».
Daniel Van Labeke direc teur de l’IUFM Fort Griffon. eu lieu dans cette chapelle devenue amphithéâtre. Si le nombre de visiteurs augmentait à l’avenir , il nous faudrait gérer différemment ».
ce. Président du comité régional du tourisme de Franche-Comté, Denis Sommer indique : « Aux côtés de la citadelle de Besançon, d’autres sites comtois portant l’empreinte de l’architecte, vont bénéficier de cette reconnaissance, château de Joux, citadelle deBelfort, fort Saint-André à Salins. Histoire et culture trouvent ici leur pleine expression partagée avec ses habitants et les visiteurs. C’est un formidable élan pour faire connaître la région ».
Il était en concurrence l’an dernier avec Besançon pour être retenu comme le dossier français qui serait soumis en 2008 à l’Unesco. Du coté du ministère de la Culture, le projet « Le Corbusier » avait évidemment d’ardents défenseurs. Finalement la qualité du travail entrepris par le réseau Vauban et le tricentenaire ont amené naturellement le choix de l’ingénieur militaire. Depuis, Christine Albanel a confirmé fin janvier dernier que le réseau Le Corbusier serait bien le dossier soutenu par la France devant le comité du patrimoine mondial. Le réseau très international s’étend sur six pays : Allemagne, Argentine, Belgique, France, Japon et Suisse, et comprend vingt deux sites. Deux d’entre eux se situent dans l’Est de la France :
l’exceptionnelle Chapelle de Ronchamp, considérée comme l’une des oeuvres les plus abouties de l’architecte originaire de la Chaux-de-Fonds, et l’usine Claude et Duval de Saint-Dié, le seul bâtiment industriel réalisé par Le Corbusier. On sait par ailleurs que l’architecte-urbaniste, a failli reconstruire la ville en très grande partie détruite pendant la dernière guerre. Recommandé par par le Nancéien Jean Prouvé, Le Corbusier présenta un projet audacieux qui effraya le conseil municipal de la cité vosgienne. Pour rester dans l’architecture, rappelons que le centre-ville du Havre reconstruit par Auguste Perret, le précurseur du béton brut, a été classé l’an dernier. Ce dernier a réalisé une très belle oeuvre à Besançon : l’usine Dodane.