Valoriser la Terre, Menager lAvenir,
Enjeux de l’aménagement du territoire
Enjeux de l’aménagement du territoire
Séminaire présidé par
Alix NABAJOTH1er Vice-président de l’Établissement Public
Foncier de Guadeloupe et Héric ANDRÉ
2ème Vice-Président de l’Établissement
Public Foncier de Guadeloupe
Représentants de Patrick Sellin, Président de l’Etablissement Public
Foncier de Guadeloupe
Corine VINGATARAMIN
Directrice générale de l’EPFL Guadeloupe
Séminaire animé par
Jean-Philippe PASCAL Journaliste France Télévisions
Séminaire organisé par CABINET MENSIA CONSEILS
David NAZARENKO
Directeur associé
Juliette HAZARD
Consultante
CABINET STRAT&FICOM
Alexandra JACOBY-KOALY
Consultante
Organisatrice d’évènements
SERVICE COMMUNICATION
EPFL GUADELOUPE
Valérie ABIDOS
Chargée de communication
Relations presse
Document rédigé par Antony MARAGNES
Consultant en politiques publiques
et
Valérie ABIDOS
Chargée de communication
EPFL Guadeloupe
Jean-Luc POPOTTE
Chef de la division action régionale
INSEE - Direction régionale Antilles-Guyane
Janmari FLOWER
Docteur en écologie
INSEE – Enseignant à l’Université des Antilles
Mathias BINI
Chef du département économie
CCI IG
Monique APAT
Directrice générale adjointe en charge des infrastructures et du cadre de vie
RÉGION GUADELOUPE
Corine VINGATARAMIN
Directrice générale EPFL Guadeloupe
Marvin CHALOT
Chargé de missions
Chef de projet NPNRU
EPFL Guadeloupe
Philippe BLEUZE
Bureau d’études DAC Antilles
Betty FAUSTA
Comité territorial d’Action logement
Pierre-Antoine MORAND
Directeur adjoint de la DEAL
Dominique JOLY
Directeur général de la SCP HLM
Jean-Luc BENJAMIN
Directeur général délégué de la SEMSAMAR
Rodrigue TRÈFLE
Directeur de la SAFER
Véronique ROUL
Secrétaire générale de l’Association
Régionale des Maîtres d’Ouvrage Sociaux (ARMOS)
Héric ANDRÉ
Maire de Vieux-Fort
2ème vice-président de l’EPFL Guadeloupe
Jean BARDAIL
Maire de Morne-à l’Eau
Président de la Communauté d’Agglomération du Nord Grande-Terre
Ferdy LOUISY
Maire de Goyave
Président du Parc National de Guadeloupe
Sylvie GUSTAVE DIT-DUFLO
Vice-présidente de la Région Guadeloupe
Présidente de l’Office Français de la Biodiversité (OFB)
Yves MONTOUROY
Maître de conférences à l’Université des Antilles Politiste
Willy CORNÉLIE
Directeur de l’Aménagement du Territoire et des Services techniques
Ville de Morne-à-l’Eau
Ouverture du séminaire p. 5
Séquence 1 – 1h30
UNE GUADELOUPE EN MUTATION p. 10
• L’évolution démographique et sociale p. 11
• La transition écologique et énergétique p. 15
• La transformation économique p. 19
• Face à ces enjeux, quel rôle peut jouer le nouveau SAR ? p. 22
• Temps d’échanges p. 25
Séquence 2 – 2h00
L’ACTION FONCIÈRE AU CŒUR DES TRANSFORMATIONS p. 27
• L’action de l’EPF depuis 10 ans au service du territoire p. 28
• Table ronde des opérateurs de l’aménagement : Quelles évolutions du modèle d’intervention ? p. 36
• Table ronde des élus : Comment les collectivités prennent-elles leur place dans la mise en œuvre des transitions ? p. 45
Tout d’abord, nous allons souhaiter la bienvenue à M. Michel TRICHET, directeur des entreprises et des risques au Crédit Agricole en Guadeloupe.
M. TRICHET : « Bienvenue Mesdames Messieurs, en vos rangs et qualités, au sein du Crédit agricole de Guadeloupe.
La seule banque guadeloupéenne qui a le plaisir de mettre à disposition ses installations, notre superbe amphithéâtre et notre parc, pour que vous puissiez mener vos travaux autour de sujets d’actualités qui font sens pour le Crédit agricole.
Pour votre information, nous travaillons sur les mêmes sujets en parallèle dans le cadre de notre projet d’entreprise. Nous étions d’ailleurs en réunion avec nos administrateurs et notre encadrement. On note que ce sont des sujets qui embarquent toutes les forces vives au niveau du territoire.
Je vous souhaite de bons travaux, de bons échanges pour que tout le monde puisse s’enrichir et travailler la main dans la main pour améliorer notre quotidien et celui de nos concitoyens. »
Merci M. TRICHET et au Crédit Agricole pour votre accueil.
Dans l’immédiat, j’accueille le Premier Vice-Président de l’EPF, M. Alix NABAJOTH.
M. Alix NABAJOTH : « Au nom du président de l’Établissement public foncier de Guadeloupe, M. Patrick SELLIN, et de l’ensemble du Conseil d’administration, je suis heureux de vous accueillir si nombreux en ce jour et vous remercie d’avoir accepté notre invitation à ce séminaire intitulé Valoriser la terre, ménager l’avenir.
« Valoriser la terre, ménager l’avenir », voilà ici résumée en une phrase la philosophie de notre établissement. Dorénavant, il nous faut œuvrer à une gestion fine et structurante de la politique foncière du territoire, pour trouver un équilibre entre la construction de notre espace urbain durable, la préservation des terres agricoles et la nécessite d’innover pour répondre à une société en constante évolution. 2013-2023, 10 ans déjà que l’EPF de Guadeloupe œuvre au service d’une développement territorial harmonieux et équilibré.
Ce séminaire sera donc l’occasion de faire le bilan 10 années d’action de l’EPF. Nous avons choisi cette étape charnière pour prendre un temps de recul et entamer une discussion autour des transformations à l’œuvre en Guadeloupe, et de leurs conséquences sur l’aménagement. Nous savons que le foncier reste une question sensible sur nos territoires. C’est un sujet d’une importance capitale qui suscite souvent une forme d’ambivalence mêlant souffrance et sentiment d’appropriation.
L’aménagement du territoire ne réside pas en une simple planification des espaces et des infrastructures. Ainsi, la nécessité de maîtriser le foncier englobe de nombreux enjeux tels que l’économie, l’environnement, la mobilité, la santé, la culture et le bien-être des citoyens.
Aujourd’hui, forts de notre expérience, nous partons du postulat irréfragable que le foncier est indispensable à l’équilibrage territorial. Après 10 ans d’activités, nous constatons que notre cœur de métier a beaucoup évolué. Nous avons réadapté nos missions afin de répondre au mieux aux besoins des communes et des EPCI en termes d’ingénierie de projets.
Au fil des ans, nous avons su gagner la confiance de nos mandants, et, ainsi les accompagner jusqu’à l’amorçage de leurs projets. C’est ainsi qu’après 10 années d’existence, nous sommes désormais le partenaire de l’ensemble des communes de la Guadeloupe par le biais de leurs EPCI.
Cette matinée a pour objectif de permettre l’expression des experts et des professionnels ici présents, de favoriser une réflexion constructive. Nous amorcerons les débats en abordant les grandes problématiques que rencontrent notre territoire et l’action foncière mise en œuvre dans les politiques publiques.
Ce séminaire offre l’opportunité d’échanger nos connaissances, de confronter nos points de vue et de trouver des réponses aux défis complexes auxquels nous devons faire face.
En Guadeloupe, aux Antilles-Guyane et dans l’Hexagone, il est de plus en plus question de ménagement du territoire pour signifier une approche plus raisonnée de notre développement. Dans ce nouveau paradigme, les EPF deviennent les chevilles ouvrières de la chaîne de l’aménagement. Plus que d’aide ponctuelle, il s’agit de penser l’aménagement dans sa globalité et ainsi de nous réinventer. Repenser le territoire c’est aborder ici la notion de recyclage foncier pour permettre la revitalisation et l’attractivité de nos centres-villes. C’est aborder les questions relatives à la gestion des espaces naturels, au changement climatique qui très tôt a constitué une préoccupation majeure dans l’élaboration de nos actions. Repenser le territoire, c’est également permettre l’accessibilité au logement et à la propriété tout en étant attentif à la préservation de notre patrimoine bâti. Enfin à l’aune de cette ère de transformations, il est fondamental que certaines questions soient au centre des débats, tels que le recul du trait de côte, la limitation de l’artificialisation des sols, ou encore la préservation de la biodiversité dans les secteurs à risque ou fragiles.
Ces questions doivent être le fondement même des nouvelles orientations qui seront prises en matière d’aménagement du territoire, notamment par le PPI 1 2024-2029, document sur lequel nous travaillons d’ores et déjà. Je suis convaincu que votre présence et votre participation active nous permettront d’affiner notre action dans les mois à venir.
Avant de débuter, je tiens à saluer l’engagement de la directrice générale, Corine VINGATARAMIN, et des collaborateurs de l’EPF de Guadeloupe aux côtés du Président Patrick SELLIN. Mais aussi celui des précédents présidents, Christian JEAN-CHARLES, Jean-Claude CHRISTOPHE qui est parmi nous, Josiane GATIBELZA et de l’ensemble des membres du conseil d’administration sans qui cet événement n’aurait pu se tenir.
Que ce séminaire soit fructueux et riche en interactions, et surtout porteur de réflexions stimulantes afin de façonner un avenir meilleur aux générations futures.
Merci beaucoup M. Alix NABAJOTH pour ces mots de bienvenue, et d’avoir posé les enjeux de cette matinée de réflexion et d’échanges.
Vous l’avez dit Valoriser la terre, ménager l’avenir est le thème de ce séminaire.
Au menu de nos travaux, deux grandes séquences.
Une première donnera la parole à des spécialistes experts qui évoqueront les grands défis auxquels doit faire face la Guadeloupe. Quatre thématiques seront abordées :
• L’évolution démographique et sociale avec une photographie et une analyse de l’INSEE,
• La transition écologique et énergétique et ses conséquences sur l’aménagement du territoire,
• Le développement économique et ses perspectives dans un contexte de plus en plus contraint
• Le SAR (le schéma d’aménagement régional) ou comment adapter ses grandes orientations en tenant compte de ces nouveaux enjeux.
La deuxième grande séquence de la matinée, sera axée sur l’action foncière et l’aménagement. D’abord nous ferons un premier bilan des 10 premières années d’activités de l’EPF Guadeloupe et ses ambitions pour les prochaines années.
Ensuite deux tables rondes seront organisées et nous ouvrirons la discussion entre acteurs de l’aménagement du territoire dans un premier temps et décideurs politiques dans un second temps sur leur vision de l’aménagement de la Guadeloupe.
Quand on évoque l’INSEE on pense à des chiffres, à des statistiques. De quoi parle-t-on précisément lorsqu’il s’agit de recensement de la population ? Et à quoi ça sert ?
Jean-Luc POPOTTE : Le recensement de la population c’est la principale enquête de l’INSEE.
L’INSEE s’occupe d’autres données tels que le recensement des entreprises, l’immatriculation des personnes physiques, la tenue du fichier d’état civil et des données économiques. Beaucoup de nos données et publications sont basées sur le recensement de la population. Quand on parle de recensement de la population, on a la population municipale, c’est-à-dire le nombre de personnes vivant sur un territoire donné, dans les collectivités communales du territoire, les détenus, les personnes occupants des habitations mobiles et les sans-abris. Ces deux dernières catégories sont recensées en début d’enquête pour garantir leur prise en compte.
C’est quand même difficile de les comptabiliser?
On les comptabilise, mais il s’agit de données statistiques, ce qui est important c’est de voir les grandes tendances et l’évolution.
Une question que les maires se posent souvent : Moi j’ai une population de tant d’habitants… et pourtant j’ai des gens qui sont en situation irrégulière, qui sont de passage. Est-ce que ces personnes sont prises en compte dans le recensement, d’autant qu’elles utilisent les infrastructures de la commune ?
L’INSEE recense toutes les personnes présentes sur le territoire. À tort, on a tendance à penser que les personnes dans ces situations ne répondent pas aux enquêtes. Or, ce sont souvent elles qui répondent le plus facilement. Certaines personnes sont bien installées et pourtant, ne coopèrent pas. Nous comptabilisons également ce qu’on appelle les populations « comptées à part » qui sont toutes les personnes qui vivent sur un territoire mais ont un lien avec une autre commune à l’instar des étudiants. Ces personnes vont utiliser les infrastructures communales ou de la zone où ils se trouvent à un moment donné.
Donc la population municipale, ajoutée à la population comptée à part, va nous donner la population totale. Il faut savoir que certaines données, telle que la population municipale, vont servir pour certains actes, par exemple pour définir le nombre de sièges composant le conseil municipal. La population totale va déterminer le nombre de pharmacies, ou encore de surfaces commerciales qu’on a le droit de mettre sur un territoire.
Évolution démographique et sociale de la Guadeloupe.
Quelle est la périodicité du recensement ?
Le recensement a lieu tous les ans dans les communes de plus de 10 000 habitants dont on va considérer 1 cinquième à peu près. C’est pourquoi il ne faut pas comparer les recensements d’une année à l’autre, mais plutôt sur une base quinquennale. Quand on parle d’évolution, c’est souvent sur ces périodes, sauf sous la dernière période 2021 –étant donné que nous n’avons pas pu faire de recensement – donc on est passé sur des pas de 6 ans, mais le pas de 5 ans va revenir après 5 recensements. Les communes de moins de 10 000 habitants sont recensées tous les 5 ans. C’est pourquoi on parle d’une population prise en milieu de cycle.
Quelles sont les principales caractéristiques de l’évolution de la population guadeloupéenne si l’on se réfère à la période 2012-2022, donc sur une période de 10 ans ?
La population légale, c’est la population qui sert de base à tous les actes administratifs, c’est la population de 2020. Cependant, Eurostat a demandé que l’INSEE fournisse des données plus récentes. Des estimations de population sont faites sur la base de projections tenant compte des évolutions de l’état civil. Au 1 janvier 2023, nous étions à 375 845 habitants (population 2022).
Alors comment a évolué cette population ?
On note qu’entre 2011 et 2021, la Guadeloupe et la Martinique, sont les deux régions de France qui enregistrent le recul démographique le plus important. La Guadeloupe compte -0,6% par an, et la Martinique c’est encore plus flagrant avec -1%. En Guyane, on n’observe la même dynamique avec une population qui augmente de 2,1% (18’33). Selon nos projections, la Guyane devrait dépasser la Guadeloupe et la Martinique en termes de populations à plus ou moins long terme.
Quels sont les deux constats majeurs que vous faites par rapport à ces statistiques ?
En 10 ans, on estime avoir perdu quasiment 25 000 habitants. C’est comme si on avait enlevé de la Guadeloupe toute la population de PetitBourg. C’est en 2011/2012 que la Guadeloupe a atteint sa population maximale avec une moyenne de 403 000 habitants.
Qu’est-ce qui influe sur cette baisse de la population ?
C’est tout d’abord un solde naturel qui diminue en permanence. Le solde naturel correspond à la différence entre les décès et les naissances. Le solde des décès augmentait très faiblement (sauf en 2021, en raison de la crise sanitaire) et le solde des naissances lui diminue beaucoup plus vite. Donc le solde naturel a plutôt diminué sous l’effet de la baisse de naissance que sous l’effet de la hausse de la mortalité. En 2021, le solde naturel était négatif pour la première fois.
En récapitulatif, on note : une accélération du vieillissement de population et une baisse constante de population. Fait-on moins d’enfants ?
On fait moins d’enfants. Il y a également le phénomène de migration croissante, en œuvre depuis quelques années déjà. Il y a plus de départs, que d’entrées sur le territoire.
L’INED, l’Institut national des études démographiques et l’INSEE ont fait une enquête intitulée « Migrations, famille et vieillissement » dont les résultats seront présentés ce lundi en conférence de presse au RSMA. Une des tendances relevées concerne l’exode des jeunes, qui partent souvent pour les études ou pour un travail faute de perspectives d’emplois localement. En 2012, la part des 20-40 ans, représentait à peu près 22% de la population. En 2022, cette part a perdu 3 points, les 20-40 ans représentent donc 19% de la population. Cette tranche d’âge, qui regroupe globalement les personnes susceptibles de procréer, a beaucoup diminué. De plus, les personnes en âge de procréer, qui restent sur le territoire, et qui font des enfants, en font moins.
Un coup de projecteur sur l’évolution de la population, et notamment les impacts sur notre société. L’INSEE s’est projeté sur les années 2040, voire 2070 en tenant compte de certains facteurs. Qu’est-ce qui ressort de cette analyse ?
Comme expliqué précédemment, on assiste à un vieillissement de la population. L’âge médian est de 44 ans en Guadeloupe contre 41 ans au niveau national. En 2019, il y avait 208 500 femmes, pour 175 250 hommes. Un zoom a été fait sur la composition des familles. En Guadeloupe, en 2018, sur 100 enfants mineurs, 52 vivaient dans une famille monoparentale (père ou mère), contre 21 au niveau hexagonal. Il était de 39 pour les personnes qui vivent avec leurs deux parents, contre 68 au niveau hexagonal. Les chiffres pour les familles recomposées sont quasiment similaires, avec 9 pour 100 mineurs en Guadeloupe contre 11 en France hexagonale.
Donc là c’est de la répartition spatiale, relative aux communes dont la population a augmenté ou baissé avec le phénomène de périurbanisation. Une bonne partie des communes qui gagnent des habitants sont situées autour de la zone centrale de Pointe-àPitre, les Abymes et Baie-Mahault. En termes de flux d’emploi, sur les 31 000 personnes qui viennent travailler dans l’agglomération de Cap Excellence, il y a environ 13 000 qui sortent du nord Basse-Terre.
Quelles sont les projections ?
En 2018, on était autour de 390 000 habitants. Dans 20 ans, en 2042, on prévoit que la population sera de 314 000 habitants. Une perte tout de même importante. En 2070, on estime que la Guadeloupe sera peuplée de 242 000 habitants, si on suit la tendance moyenne actuelle. Il s’agit de projections sujettes à des variations. Sur le site de l’Insee, il est possible de consulter la pyramide des âges, de choisir des scénarios pour voir l’évolution de la population en fonction des différents critères.
Comment expliquer que la population baisse tandis que la demande en logements augmente ?
Les maires observent que leur population n’augmente pas proportionnellement à l’augmentation du nombre de nouveaux logements disponibles. Cela s’explique par le phénomène de décohabitation, qui correspond à la diminution du nombre de personnes par logement. Jusqu’en 2008, la variation du nombre de logements allait de pair avec l’évolution de la population. Entre 2013 et 2018, la tendance a changé, ce n’est plus l’évolution de la population qui fait augmenter le nombre de logements, mais la taille des ménages. Autrement dit, il y a moins de personnes en moyenne dans un nombre croissant de logements. Une analogie peut être faite avec le nombre croissant de voitures par foyer.
Ces évolutions de la population ont forcément des conséquences à la fois sur le modèle de développement de l’aménagement et des besoins en logement. Et également sur la nécessité d’adapter nos politiques publiques. L’INSEE produit de la donnée pour aider à la prise de décision. On pourrait se poser la question des arbitrages à faire entre la construction de structures d’accueil pour les personnes âgées ou pour les jeunes. Selon la CAF, pour l’instant, les structures d’accueil ne couvrent que 36% des besoins de la population.
Face à ces enjeux, comment appréhender les politiques publiques de développement ? Quels sont nos atouts et nos handicaps ? Dans quelle direction faut-il aller en matière d’aménagement du territoire ?
On vient de le voir, donc la Guadeloupe a de nombreux défis à relever dans un contexte de nécessaires transitions à la fois énergétique et écologique.
Comment concilier croissance économique et aménagement cohérent d’un territoire comme le nôtre, tout en prenant en compte nos vulnérabilités ?
Janmari FLOWER : Il s’agit de la question la plus difficile à laquelle l’humanité est confrontée. Pour aborder cette question, il faut faire un arrêt sur image et essayer de comprendre comment nous en sommes arrivés là où nous sommes aujourd’hui. À l’échelle de la Guadeloupe ou ailleurs, toutes les projections sur l’avenir demandent toujours énormément d’humilité.
Si nous avions essayé de faire des projections de l’Insee en 1950, à la question : Combien serons-nous en 2023 ?
Nous n’aurions pas du tout obtenu les mêmes résultats. Pareil en 1970, pareil en 1990, etc. Cela veut dire que se projeter dans l’avenir, a toujours une dimension d’incertitude. Pour gérer cette incertitude, la meilleure technique en tant que scientifique, est de se préparer à tout un éventail de possibilités. Par exemple, nous sommes en 2023, on a eu des projections sur 2042, puis 2070.
J’aimerais savoir dans un scénario «du pire», à combien sommes-nous en dessous des 310 000 annoncé en 2042. Est-ce que c’est 50 000 personnes de moins ? Est-ce que c’est 100 000 de moins ? Ou inversement, dans un cas un peu plus favorable que le scénario central, ou en sommes-nous ? La tendance à la baisse de la population est incontestable, et pas uniquement en Guadeloupe. Prendre en compte l’incertitude, se projeter dans des stress tests, change tout.
Sommes-nous prêts à supporter telle ou telle évolution en termes du nombre de places de crèches, d’écoles ou au contraire du nombre de places en EHPAD ? Et est-ce que nos budgets, nos rentrées fiscales nous le permettent ?
Cet effort de projection sur des futurs différents est très important à faire. L’histoire nous apprend quand même que globalement, plus on développe, moins on protège.
Faut-il donc rester très prudent sur cette évolution, en séquençant, peut-être, de manière plus proche certaines projections ? Il faut essayer d’avoir un éventail de possibilités plus large que ce à quoi on est habitué.
Sommes-nous très clairement dans une situation d’urgence aujourd’hui ? Oui. On est dans des situations d’urgence par rapport à la disponibilité des ressources en eau, de sols, ou de nourriture. Par exemple, on est en train de vivre le début du mois de juin le plus chaud de l’histoire de tous les relevés. Et ça ne fait que commencer normalement, la température la plus chaude de l’année globalement sur terre, c’est le mois d’août et on est qu’en juin. Cela signifie que s’ajoute, à tout ce qui a été dit précédemment, la question des risques. Quels sont les risques que nous courons à continuer d’agir comme nous avons commencé à agir, depuis les 10 ans de l’EPF par exemple ? Et quels sont les risques que nous courons justement à engager une transition ? Car engager une transition, c’est prendre des risques sur l’activité économique, sur l’emploi. C’est faire des paris sur l’avenir.
Concilier croissance économique et aménagement cohérent du territoire.
Janmari FLOWER– Docteur en écologie, enseignant à l’université des Antilles.
Mais il faut arbitrer ces risques en ayant une vision systémique. C’est-à-dire bien comprendre que nous sommes tous et toutes liés, interconnectés, interdépendants, et que, avoir une certaine vision de l’agriculture de la Guadeloupe, en 2030, implique aussi des choix contraints sur la disponibilité en énergie renouvelable par exemple.
Est-ce que cela veut dire qu’il faut refondre notre modèle agricole actuel en profondeur? De mon point de vue d’écologue, oui. Parce que ce modèle agricole, pour l’instant, est très peu diversifié. Il consiste en un système de monocultures qui ne permet pas de nourrir la Guadeloupe, mais plutôt d’en exporter de la valeur avec la canne et la banane notamment.
La vocation de l’agriculture, depuis 10 000 ans, c’est d’abord de nourrir les populations d’un territoire. À cause du dérèglement climatique qui ne fait que s’accélérer, on a intérêt en Guadeloupe à favoriser l’autonomie alimentaire d’ici 10-15 ans. Donc ça veut dire que dans notre modèle agricole, il va devoir planter beaucoup plus d’arbres, utiliser moins de machines, moins d’intrants, parce que la disponibilité en ressources est déjà en train de baisser et elle va continuer de décroître dans les années à venir.
On se rend compte que les jeunes se détournent quelque peu des métiers de la terre. Comment les y amener ? Comment les sensibiliser à ces conséquences ?
C’est sans doute en faisant de la pédagogie, mais probablement aussi en donnant l’exemple. On dit souvent que l’exemple vient d’en haut. Pour inciter les plus jeunes à se reconnecter à la terre, il faut que les parents fassent aussi l’effort de valoriser les produits la terre, les carrières et métiers qui font appel à de l’ingénierie écologique. On ne devrait plus dire un paysan ou un agriculteur, on devrait dire un ingénieur écologue ou agroforestier, qui est une sorte de chef d’orchestre qui va
essayer de travailler en équipe avec le sol, la végétation, les auxiliaires de culture… Le métier ne va pas forcément changer, mais c’est la perception qu’on en a qui doit changer. Les aînés ont une vision à plus long terme, ils ont la lucidité et la responsabilité d’engager les plus jeunes dans la transition écologique. Ces derniers n’y parviendront pas d’un coup de baguette magique. Certains y arrivent très bien, Greta Thunberg ou autre, mais cela n’est pas suffisant.
La sensibilisation doit commencer dès le plus jeune âge. Exactement. Et elle doit concerner vraiment toutes les catégories, toutes les tranches de la population.
Comment concilier activité agricole, développement agricole, et activités non agricoles ? N’est-ce pas une équation parfois difficile à résoudre sur un si petit territoire ? On dit souvent que la liberté n’existe qu’à l’intérieur des contraintes. Donc la liberté en réalité, en tant qu’absence de contraintes, ou chacun fait ce qu’il veut dans un monde illimité, c’est une vue de l’esprit, ça n’existe pas. Tout ce qu’on fait a toujours des contreparties et il faut faire des arbitrages. Le fait de faire certains choix ferme la porte à d’autres choix. Et il n’y a aucune solution qui soit idéale avec 0 inconvénient. On doit donc faire ce travail, peut-être ingrat mais nécessaire, des contreparties, pour choisir les options dont les inconvénients sont les plus tolérables, les plus supportables. Il ne faut pas avoir peur de les regarder en face.
Faut-il remettre dans le bon ordre les priorités, et faire des choix efficients ?
En tout cas, il faut les mettre dans un ordre différent de l’ordre actuel. Pour l’instant, on a plutôt tendance à penser la Guadeloupe tel un petit continent, et pas un archipel. On artificialise de plus en plus, on se déplace
avec des voitures de plus en plus lourdes et puissantes etc.
Depuis une dizaine d’années, c’est un peu différent. La guerre en Ukraine a un peu changé la donne, la pandémie COVID aussi. Et l’une des raisons pour lesquelles je suis venu à vélo ce matin, c’est justement pour montrer qu’il est possible de garder un véhicule pour un même nombre de conducteurs. Mais cela demande de se mettre d’accord sur les contreparties, sur des co-bénéfices de court terme parce que c’est ça qui va nous pousser à l’action dans le bon sens. Il faut que ces co-bénéfices pèsent plus lourd dans la balance que la perte de confort éventuelle que ça peut provoquer, ou que les craintes qu’on peut avoir pour l’avenir. C’est un travail essentiellement sociologique, anthropologique et pas technique. Il ne s’agit pas d’un travail d’ingénieur, mais plutôt d’un effort psychologique et de rapport au temps, à l’espace et au monde.
Il y a combien de temps que vous avez fait le choix de vous déplacer à vélo ? Et qu’estce que ça a eu comme impact au sein de la famille ?
Cela va faire à peu près un an. Au départ, ce choix a été motivé plutôt pour des raisons de trésorerie. Ce n’était pas du tout par grandeur d’âme ou pour sauver la planète, même si je savais depuis plusieurs années, que c’était la bonne direction. En sautant le pas, je me suis rendu compte que le budget transport est considérablement réduit, que ma santé est bien meilleure et que les ressources que je n’utilise pas pour moi, ma fille qui a eu le permis peut les utiliser. Dans notre foyer –en famille recomposée – il n’y a pas plus de voitures maintenant que l’année dernière alors qu’il y a une nouvelle conductrice. Cela favorise les liens, ça oblige à davantage de coordination. Mais globalement, on ne vit absolument pas plus mal, bien au contraire, on a beaucoup plus d’histoires et d’anecdotes
à se raconter. Et j’espère que mon exemple donne envie à mon fils, qui n’a pas encore le permis, de se poser la question de l’utilité de posséder une voiture personnelle. Il y a moyen de substituer à la voiture, d’autres moyens de transport tel que le vélo, 80-90% du temps.
Est-ce que le consommateur guadeloupéen est prêt à faire ce type d’effort ?
Tout dépend des alternatives proposées. Aujourd’hui, le prix des carburants avoisine un peu moins de 2€ le litre. Au Sud-Soudan, le litre est à 10€. Donc, qu’est-ce qui se passerait si on passait de 2€ à 3 ou 4€ le litre ? Ça paraîtrait sans doute hors d’atteinte pour beaucoup de gens qui du coup se poseraient la question des alternatives. C’est pareil pour les voiturettes, il y a beaucoup de gens qui n’aiment pas trop les voiturettes. Mais s’il faut choisir entre marcher à pied sous le soleil chaud ou avoir une voiturette, on va certainement considérer que la voiturette est un moindre mal. Tout dépend des alternatives qu’on a en face d’un choix donné. Autre exemple plus dur, mais qui va vraiment poser les problèmes ? Une amputation, ce n’est jamais agréable. Le bras ou la jambe, mais si on sait qu’on a la gangrène, ce n’est pas une option, c’est la seule solution pour survivre. On n’est pas nécessairement plus malheureux avec un ou deux membres en moins. Il y a plein de gens qui font des exploits que même des personnes valides n’arrivent pas à faire. Donc c’est vraiment dans la tête que ça se passe, et en fonction des vraies alternatives. Encore faut-il s’ouvrir à des scénarios, à des avenirs, à des futurs possibles qui ne sont pas nécessairement les plus agréables. C’est vraiment en envisageant le pire que l’on peut s’attendre à avoir de bonnes surprises.
En tant que docteur en écologie, est-ce que vous avez le sentiment que les discours et les ambitions de la transition énergétique et écologique sont assez ambitieux, forts, puissants ?
C’est un vaste débat. Ce qui manque le plus à ces réflexions autour de la détransition, globalement, c’est cette vision d’un avenir qui sera nécessairement complexe. C’est-à-dire un avenir qui ne se base pas sur un unique possible, une trajectoire toute tracée, mais plutôt sur un éventail, un faisceau de possibilités. Quand on a de l’incertitude, il faut se préparer à vraiment toutes les éventualités possibles, y compris les moins souhaitables. C’est seulement à ce prix, qu’on sera capable de se préparer à une prochaine pandémie par exemple, ou à toute autre situation dégradée. Ce n’est qu’au prix de la sobriété que la Guadeloupe sera suffisamment résiliente.
Donc, pour vous, le maître mot reste l’anticipation, face aux enjeux qui nous menacent ?
Anticipation, flexibilité, et ne pas craindre de sortir de nos zones de confort et rétablir le lien de confiance entre tous les maillons de la chaîne. Nous sommes des animaux sociaux, qui vivent en société. C’est finalement quand on est liés ensemble qu’on est vraiment bien. On n’a pas besoin forcément de plus de biens, mais surtout de plus de liens.
C’est donc dans ce contexte que doit s’inscrire précisément le développement économique de la Guadeloupe.
Les écosystèmes, on l’a vu, connaissent des mutations profondes et des transformations deviennent nécessaires face aux nouveaux enjeux.
La trajectoire économique de la Guadeloupe est donc en pleine évolution et nous invite à repenser notre modèle d’aménagement.
Mathias BINI : L’aménagement du territoire est l’un des enjeux majeurs, en raison de la croissance de la population et de l’espace contraint qu’il faut gérer. Par conséquent, l’aménagement du territoire requiert une vision de la part des sociétés qui ont la responsabilité de cet aménagement. En ce qui concerne notre département, la Guadeloupe, le rôle de l’établissement foncier public est essentiel. Il faut maîtriser le foncier, qui est le premier facteur pour l’aménagement du territoire. Dans ce cadre, il y a plusieurs contraintes à gérer, notamment la rareté du foncier, les problèmes d’indivision, les problèmes de pollution, l’exode périurbain etc. Ces facteurs ont des causes diverses, notamment la pression foncière et les problèmes de réglementation qu’il faut améliorer pour répondre à cette contrainte d’aménagement.
Selon un rapport de la Cour des comptes, dans les départements et régions d’outremer, nous avons 80% des ménages qui sont éligibles au logement social, mais à peine 15 % qui sont effectivement des résidents. La part du logement social, dans le total s’établit à un peu plus de 757 000 logements, et doit être optimisée sur l’ensemble des régions et départements d’outre-mer. La question du financement se pose avec acuité, car l’instrument qui permet de financer la construction du logement, la politique foncière, l’habitat insalubre, et l’accession sociale à la propriété, doit être renforcé. Si l’on regarde l’évolution de cette ressource sur la période 2010-2020, la ressource en termes d’autorisation d’engagement diminue de plus de 22 %.
Il y a-t-il un engagement financier moindre aujourd’hui qu’il y a 10 ans ?
Oui et ces ressources sont moins exécutées pour différentes raisons. Les données de la DEAL indiquent sur la période de 2021 à 2022, une baisse de la ressource pour la ligne budgétaire unique (LBU). Il s’agit de l’instrument qui finance les projets d’investissements, d’acquisition de foncier et d’aménagement.
En termes d’aménagement, la maîtrise du foncier est essentielle, mais cela doit s’inscrire dans une vision globale en cohérence avec la politique régionale, c’est-à-dire le schéma d’aménagement régional (SAR). La loi NOTRe, datant de 2015, reprend 7 axes : l’équilibrage des territoires, le développement des infrastructures, le désenclavement, l’habitat, le transport, le climat et l’énergie. C’est la feuille de route en termes d’aménagement, que les collectivités locales et les EPCI doivent suivre pour mettre en place des stratégies d’aménagement.
Un des principaux instruments à la portée des collectivités territoriales est le marketing territorial. Il faut avoir la capacité de mettre en avant son avantage comparatif pour attirer des investisseurs, des entreprises et des consommateurs. C’est un multiplicateur d’emplois. Pour être compétitif, il faut développer les services dont les entreprises ont besoin sans être contraintes de payer. Ces externalités positives sont essentielles. On peut regarder la trajectoire de Jarry, qui a été l’une des zones d’activités avec une croissance très forte, qui a été victime de son succès. La saturation de Jarry a poussé les entreprises à migrer vers d’autres zones telles que Jabrun, Collin ou Dothémare.
Il faut éviter de concentrer tout sur une même zone, afin de répartir les contraintes et de développer des espaces cohérents et durables pour attirer les entreprises et créer de l’emploi.
Il existe plusieurs modèles d’aménagement. Par exemple, Paris-Saclay, est un cluster extrêmement intéressant en banlieue parisienne, regroupant 12 000 entreprises, 31 000 étudiants et de multiples centres de formation. L’objectif est de mettre en place cet écosystème pour favoriser le développement économique, même si ce concept peut être controversé. Il y a plusieurs modèles, tels que Cap Digital, Cosmetic Valley, ou encore Medicen, selon les spécialités représentées.
Quelle perspective d’aménagement pour la Guadeloupe de demain ? Voici quelques pistes d’aménagement, en matière de rééquilibrage du territoire. Aujourd’hui, la Guadeloupe a deux pôles d’activités et d’emploi concentrés dans l’agglomération de Pointe-à-Pitre d’une part, et à Basse-Terre d’autre part. Cela pose des problèmes énormes de congestion. Comment verrait-on justement l’évolution ? Ces pistes émanent de la vision de la CCI IG. Elles font office de propositions dont les collectivités, les décideurs, les élus devront discuter.
Quid du rééquilibrage entre la Grande-Terre et le Nord Basse-Terre ?
La Grande-Terre, qui a la chance d’avoir encore du foncier, pourrait construire une ville durable composée de logements, de services, d’emplois, mais sur une aire limitée. L’idée étant de limiter les déplacements des résidents, la consommation d’énergie, et la pollution. On peut ainsi mettre l’accent particulier sur l’environnement, la construction des bâtiments durables, la valorisation du patrimoine culturel, la promotion de la biodiversité, etc. Restructurer une ville dans ce sens permet de limiter les déplacements
pour le travail. Dans le nord de la BasseTerre, on pourrait envisager deux projets industriels structurants. Par exemple, un pôle de compétitivité associant des centres de recherche, des centres de formation sur une thématique précise ; et le projet de port en eau profonde, qui avait fait l’objet de réflexion. Il pourrait également être question d’un hôtel grand luxe qui peut devenir un catalyseur en amont et en aval sur des secteurs d’activité qui viendront se greffer autour de ces pôles que je propose.
La Basse-Terre, est un territoire diversifié, qui présente un potentiel énorme qui mériterait d’être inventorié pour sa valorisation. La vieille ville capitale, avec son patrimoine architectural historique extrêmement intéressant, doit être valorisée. Plusieurs outils financiers sont mobilisables pour redonner un coup d’éclat à la ville, ce qui très important en termes d’attractivité touristique. Le boulevard, par exemple, manque d’animation le soir. La mise en place d’une programmation d’animations à thème dans la durée, permettrait de favoriser l’amplitude d’ouverture des commerces du centre-ville.
La Soufrière est un véritable réservoir de connaissances, tant au niveau de la flore, que de la géologie. Beaucoup de choses sont à faire pour favoriser l’élan touristique du territoire. Pour la côte sous le vent, il faudrait améliorer le maillage entre Basse-Terre, Bouillante et Deshaies. Ce maillage serait intéressant pour favoriser les activités de plaisance et le tourisme nautique. L’établissement des relations maritimes de fret avec des îles voisines de la Caraïbe pourrait également être une piste. La zone de la côte sous le vent, a également un potentiel historique qui pourrait être davantage valorisé, à l’instar de la Cité Corsaire. L’économie marine est un enjeu majeur dans toutes ses composantes.
Enfin, pour les îles du Sud, Marie-Galante présente beaucoup de handicaps liés à l’exode rural, le chômage des jeunes, la décroissance démographique, les problèmes d’indivision, de continuité territoriale, de dents creuses et d’évasion commerciale... On pourrait par exemple encourager le développement du tourisme de plaisance pour injecter de la ressource exogène dans l’économie locale (mouillage de yatchs). Favoriser le débarquement de bateaux de croisière peut donner de l’élan à l’activité commerciale et artisanale. Les enquêtes réalisées montrent qu’en moyenne, un croisiériste peut injecter autour de 120€ pendant sa période d’escale. L’économie marine est un enjeu important pour ce territoire. En termes d’agriculture, il faut promouvoir l’agriculture biologique, le maraîchage, la diversification culturale ou encore l’agro-transformation.
Enfin, le tourisme durable est une opportunité majeure. Il existe six modèles touristiques. Les collectivités de Marie-Galante ont le choix de dire : «Notre territoire est tout petit, on n’a pas de place pour un hôtel grand luxe.» Pourquoi ne pas mettre l’accent sur le tourisme identitaire, le tourisme durable, culturel, patrimonial, le tourisme thématique et désaisonnalisé. Ce sont autant de modèles qui sont à disposition des opérateurs de l’île, qui pourraient s’en inspirer en développant des écolabels, des marques écotouristiques etc.
En bref, la Guadeloupe c’est deux bassins d’emploi et une économie concentrée. La CCI IG a formulé ces propositions (non-exhaustives) pour rééquilibrer l’économie. Le facteur clé de réussite, c’est une stratégie foncière maîtrisée –à moyen et long termes – et en phase avec la loi NOTRe. Il faut également des ressources stables et une vision partagée du développement économique.
Pour nous en parler, Monique APAT, directrice générale adjointe en charge des infrastructures et du cadre de vie à la région Guadeloupe.
On voit bien que la Guadeloupe se transforme progressivement face aux défis qui l’attendent. Des réponses sont en cours aussi bien dans le secteur privé que dans la sphère publique.
L’un des outils clés de cette évolution, c’est précisément le SAR, le schéma d’aménagement régional.
Le schéma d’aménagement régional. Monique APAT – Directrice générale adjointe en charge des infrastructures et du cadre de vie à la région Guadeloupe
Monique APAT : Le Conseil régional a entamé la procédure de révision de son SAR. C’est un projet d’envergure qui nous concerne tous, et c’est toujours précieux pour nous de discuter devant un parterre d’élus et d’experts des enjeux d’aménagement de demain.
Qu’est-ce qui guide les grands principes du schéma d’aménagement régional ?
Le SAR est un document de planification, qui définit les grands principes d’aménagement. Le SAR a vocation à réfléchir à ce que sera notre aménagement dans les 10 années à venir. Nous sommes dans une époque de transition, où tout est remis en question, où tout bouge. Par conséquent, cet enjeu de définition du SAR et des documents de planification prend un sens tout à fait particulier.
Le SAR a beaucoup changé ces dernières années du fait de réglementations législatives et réglementaires. Une ordonnance qui date de 2019 a permis l’actualisation du contenu des SAR pour se mettre à jour par rapport à ce qui avait été pu être fait au niveau national par la loi NOTRe, qui concernait plutôt les SRADDET 2. Cette ordonnance du SAR a permis d’actualiser le contenu du SAR, de le moderniser afin qu’il puisse répondre aux enjeux modernes. Elle a permis d’ajouter des thématiques, d’intégrer un certain nombre de politiques qui n’étaient pas abordées jusquelà sur les questions d’étalement urbain, d’artificialisation des sols, d’intermodalité, d’écologie et de planification de l’énergie. Et surtout, elle comprend, la loi climat et résilience et a apporté aussi des dispositions concernant la zéro artificialisation nette.
S’agit-il d’un document qui a su s’adapter aux enjeux nouveaux ?
Absolument. Ce nouveau document est plus intégrateur, beaucoup plus stratégique. Cette révision du SAR va apporter des modifications profondes parce que les attentes ne sont plus les mêmes. La Région a décidé, fin 2021, de réviser son SAR puisque 2021 marquait les 10 ans du schéma actuel. Il s’agit d’une révision assez longue, qui implique de nombreuses dispositions, et qui va s’étendre jusqu’à la fin 2025. Pour le moment, nous sommes en phase d’élaboration de cette nouvelle stratégie, de cadrage des objectifs. La présentation de ce jour a pour but d’exposer les orientations prises dans le cadre de ce SAR. Pour rappel, la Région ne travaille pas seule, elle a besoin des acteurs du territoire.
Nous devons revoir de manière profonde la stratégie d’aménagement du territoire puisque les enjeux ont changé. De nouvelles orientations sont nécessaires pour une lecture renouvelée de nos territoires.
On voyait principalement deux pôles : une métropole pointoise et un pôle administratif à Basse-Terre. Quelques pôles relais secondaires, et des zones touristiques et d’activités à développer.
Le bilan du SAR a démontré que les objectifs du schéma de 2011 ont été pour certains atteints, avec une avancée concrète, d’autres ont été partiellement atteints, certains ont été mis en œuvre et puis d’autres pas du tout. La question du rééquilibrage des territoires
reste, pour bon nombre d’élus, sensible et un enjeu essentiel sur lequel il faut travailler. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, cette nouvelle stratégie d’aménagement du territoire repose sur 3 priorités stratégiques : la résilience du territoire, l’engagement du territoire dans la transition écologique et l’aménagement harmonieux du territoire au service de l’épanouissement des habitants.
Au niveau de l’organisation envisagée, il faut travailler à l’émergence de territoires de vie. Il est important pour le rééquilibrage du territoire, que chaque territoire trouve son projet, sans créer de concurrence. Chaque territoire doit faire valoir ses atouts, ses avantages, tout en restant dans le champ d’une vision globale du territoire. Quand on parle de rééquilibrage, cela ne signifie pas de répliquer dans chacun des territoires de vie les mêmes services et infrastructures. Il s’agit de trouver des identités propres qui permettent de mener des stratégies de développement des territoires complémentaires tout en allant dans la même direction. Le rôle du SAR, dans le cadre de la concertation, est de faire les acteurs se parler.
Lorsque l’on parle de territoire engagé dans sa transition écologique, c’est réaliser qu’on ne peut plus envisager des projets d’aménagement comme on les faisait avant. Aujourd’hui, on doit tenir compte des limites, des aléas naturels et des contraintes qui nous sont imposées. Une commune ou une agglomération qui ne tient pas compte de ces contraintes ou de ces défis, risque d’avoir de fortes déconvenues. C’est à ce prix-là que nous pourrons développer des stratégies pérennes.
Quelques exemples d’enjeux importants contenus dans le SAR. Sur la question de la gestion des espaces – et de la lutte contre l’artificialisation des sols – on sait qu’entre 2011 et 2020, 1 776 ha d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été artificialisés. Cela représente un peu plus de 1% de ce territoire. Dans les 10 ans à venir, nous aurons l’obligation de diminuer la consommation de ces espaces de 888 ha pour l’ensemble de l’archipel. Lorsque l’on observe la consommation sur les 10 années qui viennent de s’écouler, on voit que c’est principalement une artificialisation pour de l’habitat. Cela veut dire que dans les stratégies communales d’aménagement du territoire, mais aussi beaucoup plus globalement, nous allons devoir réfléchir tous ensemble aux cadres de planification qui permettent aux agglomérations et aux communes de se positionner les uns par rapport aux autres dans leur projet et dans leur consommation d’espace. Mais surtout de privilégier la sobriété foncière. C’est-à-dire que désormais, on n’est plus dans des logiques où on construit sur des terrains nouveaux. Il faut penser à la sobriété foncière parce que nous avons ce cadre qui s’impose nous. Il vaut mieux gérer, optimiser l’espace, réduire l’artificialisation, proposer aussi des règles et des outils d’accompagnement qui permettent aux agglomérations et aux communes d’avoir de la visibilité sur leur marge de manœuvre. Il faut mettre en place un échange continu. Le SAR ne sera plus ce document dont on parle tous les 10 ans, il doit être vraiment un cadre d’accompagnement de l’ensemble de nos politiques pour être sûrs d’atteindre nos objectifs.
Sur la question de la gestion des espaces, la problématique des aléas naturels en zone littorale est un enjeu important car l’essentiel de notre aménagement est sur la zone littorale. Le recul du trait de côte, les zones de menaces graves pour les vies humaines
(…) sont autant de facteurs qui ont des conséquences en termes d’aménagement. Soit cet aménagement va être figé à l’avenir, soit il va entraîner des relocalisations. Certaines communes ne peuvent plus faire l’impasse de la prise en compte de ces aléas. Toutes les communes ne sont pas bloquées dans leur aménagement. Cependant, pour certaines les enjeux sont relativement importants et requièrent de s’interroger sur les contraintes et les limites avant tout projet d’aménagement.
La question du changement climatique, est également une stratégie qui doit être abordée dans le cadre du SAR. Cela nous amène à une vision globale des stratégies. Un premier volet consiste à s’adapter pour mieux faire face aux crises et aléas naturels. Il faut une vision transversale de l’ensemble des démarches et des politiques publiques de réponse aux crises. Par exemple, sur la thématique «Se nourrir», on se demande « Comment sécuriser l’alimentation en réorientant la politique agricole vers la consommation locale ? », « Comment généraliser des pratiques agroécologiques mieux adaptées à la préservation de nos sols ? ». Toutes ces questions sont indispensables. Autre exemple, sur la thématique «travailler et produire», nous devons effectivement accélérer la transition énergétique pour aller vers une société bas carbone. Au niveau du Conseil régional, nous travaillons déjà depuis quelque temps à la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cette PPE est d’ailleurs désormais intégrée dans le SAR et va constituer un chapitre individualisé du document. Cela signifie que les orientations en matière de PPE deviendront opposables. Le deuxième volet du changement climatique, correspond à l’engagement dans la décarbonation. L’objectif étant de limiter le taux de gaz à effet de serre. Lorsque l’on regarde les émissions de gaz à effet de serre, on voit que l’essentiel est principalement lié à deux facteurs pour lesquels nous avons peu
de maîtrise : le transport aérien et le transport maritime de marchandises entrantes. Par conséquent, pour réussir cette stratégie, il va falloir jouer sur tous les autres facteurs que nous maîtrisons mieux, mais aussi défendre l’idée que la Guadeloupe, comme les autres régions ultrapériphériques, a des spécificités dans la lutte contre le changement climatique qu’elle doit mettre en œuvre.
Donc le SAR, un outil de planification essentiel ?
Absolument. La PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie) nous amène en 2033 à une production complètement 100% ENR (Énergies Renouvelables). Deux enjeux liés à la biodiversité sont identifiés au niveau du SAR : la stratégie en matière de biodiversité, et la contribution de la biodiversité au fonctionnement du puits carbone naturel qui va être nécessaire pour la compensation des gaz à effet de serre.
On a parlé du vieillissement de la population. Les orientations proposées doivent permettre de se déplacer un peu moins en Guadeloupe et de développer des territoires de vie au sein desquels on peut trouver l’essentiel des services nécessaires au quotidien. Cela ne signifie pas d’enfermer la population dans des bassins, cela signifie d’encourager les communes et les agglomérations à développer cette notion dans leur schéma, pour répondre notamment aux attentes liées au vieillissement de la population.
En guise de conclusion, le SAR est un ensemble de prises en considération de politiques publiques que nous devons articuler. Le SAR a besoin de se nourrir de certaines politiques publiques régionales, mais également des politiques d’autres acteurs publics. C’est la raison même de cette concertation. Pour que la politique d’aménagement, que nous allons proposer soit efficiente, elle aura besoin que ses objectifs soient atteints au niveau des différentes politiques publiques.
George BOUCARD : Des mots ont été dits, et les mots ont un sens. Les mots portent. Quand on parle de transition écologique aujourd’hui, il faut pratiquement bannir le mot transition, car dans « transition », on entend « transiger ». Cop 21, Cop 22, Cop 23… Jusqu’où irons-nous ? Aujourd’hui, il faut parler de « l’impératif écologique ». La maison brûle comme l’a dit Jacques CHIRAC. On est dans un petit territoire qui a des ressources limitées. La connotation de développement économique devient antinomique de notre futur. Le développement et la durabilité deviennent des notions antinomiques. Quand je vois des présentations où on continue à être dans un paradigme du développement infini alors que nous avons complètement détruit Jarry alors qu’on sait que la mangrove est une protection contre les tsunamis. 1m2 de mangrove, c’est 100 morts de plus en cas de tsunami. Il faut garder cela à l’esprit. On est dans cette urgence-là. Je sais que ça fait mal de vouloir changer le paradigme, mais on n’a plus le choix. Dans le cadre de ce séminaire qui s’intitule « Valoriser la terre, ménager l’avenir », je ne peux pas ne pas porter cette contribution. Si nous voulons continuer à vivre sur cet archipel, il faut que tous les politiques commencent à réfléchir à la notion de décroissance. La Guadeloupe ne fera pas l’économie de ce débat, la planète non plus. Nous avons un archipel aux limites finies. Le SAR n’est pas opposable aux collectivités. Les PLU inter-communaux ont prévalence sur le SAR. À Sainte-Anne, lors de la pandémie, on a bien vu que certaines espèces reprenaient vie sur les plages. Il faut avoir le courage collectivement de se mettre autour de la table pour sortir de nos vieilles lubies sur un développement qui serait infini.
On veut deux millions de touristes, or on n’a pas d’eau, on n’a pas de transports, on n’a pas de système de traitement des déchets. On veut mettre un centre de valorisation dans le nord Grande-Terre alors que nous sommes incapables d’irriguer des cultures vivrières. Il faut résoudre cela d’abord. La notion d’aménagement du territoire est obsolète. Il faut considérer les implantations que nous faisons comme des attracteurs, comme un écosystème, qui favorise les interactions. Quand on installe un centre hospitalier à Dothémare, ça interagit avec le reste de l’archipel. Il faut prévoir les transports, les lignes qui relient l’aéroport au centre. On a conçu un centre hospitalier sans penser à une ligne le reliant à l’aéroport, c’est une ineptie. Il faut penser l’avenir soutenable du territoire guadeloupéen.
Patrick BERLIMA : Je suis de formation urbaniste-aménageur. Ma présence ici tient compte de ce premier constat, et d’un deuxième constat, qu’on peut appeler l’amitié. Le problème de fond qui se pose actuellement, c’est que l’on doit se diriger vers la production de sources d’énergie propre. Tout ce qui est lié à l’utilisation du pétrole, du charbon, entraîne des consommations fortes. Il faut voir comment restructurer et évoluer vers la production d’énergie propre. Dans ce cadre-là, la problématique relative à l’écologie et à l’énergie devrait être recentrée. Elle devrait devenir fondamentale. En termes de propositions concrètes, il faudrait un référent énergie et développement durable au niveau des collectivités, au niveau des communes, au niveau des communautés d’agglomération, au niveau de la région, au niveau du département. Cela permettrait de mieux appréhender des choses pour avoir une consommation énergétique raisonnable.
Joëlle ANICET : Je remercie l’EPF d’avoir organisé cette séance de travail. Puisqu’aujourd’hui nous sommes confrontés à des défis multiples, je voudrais simplement faire deux observations.
La première porte sur l’intervention de la CCI IG. Je suis un peu interpellée par le fait que le développement du numérique ne soit pas envisagé dans la vision portée par la chambre de commerce et d’industrie de la Guadeloupe. Deuxièmement, je pense que notre travail est extrêmement important, non seulement du fait de son ampleur. La tâche est considérable et ingrate, notamment pour les élus, parce qu’il faut faire évoluer les mentalités et faire comprendre à tous les guadeloupéens que le luxe n’est pas lié à l’espace. On peut proposer des aménagements, des habitats qui soient moins consommateurs d’espace et qui soient quand même beaux. On voit de plus en plus dans les grandes villes du monde se multiplier, les «Tiny House», ce sont aussi des petits appartements qui peuvent être luxueux, qui peuvent être très agréables et qui sont proposés dans une démarche de sobriété. Une sobriété heureuse qui ne soit pas sacrificielle. Et je pense qu’il y a vraiment du travail pour nos architectes et nos urbanistes, et aussi qu’on pense à aller vers le ciel, parce que le ciel n’a pas de limite. Penser de plus en plus à habiter des structures qu’on a eu tendance, lors des décennies précédentes, à dévaloriser. Je parle du collectif en niveau +4, niveau +5, etc.
Corine VINGATARAMIN : En 2022, les 32 communes de la Guadeloupe étaient adhérentes à l’EPF. Aujourd’hui, l’établissement public foncier couvre la totalité du territoire et va maintenant s’étendre sur le territoire de la Collectivité de Saint-Martin. Cette extension n’était pas prévue à l’origine, mais nous l’acceptons bien volontiers puisque Saint-Martin est un territoire très différent du territoire guadeloupéen, et cela va permettre aussi à nos équipes d’affûter leurs expertises. Pour rappel, l’établissement public foncier a été créé à la suite de l’adoption du schéma d’aménagement régional (SAR) par la collectivité régionale en 2010, et par le Conseil d’État en 2011. Le SAR posait le principe de base selon lequel la question du foncier est prise en compte dans la réflexion sur l’aménagement. Sa régulation est une nécessité indispensable pour gérer au mieux l’espace et éviter son gaspillage pour les générations futures, car l’usage du sol reste une ressource fondamentale. Et vous constatez que ce que disait le SAR en 2009, reste encore d’actualité aujourd’hui et le sera davantage dans les années à venir.
J’ai aussi fait le choix de vous rappeler la maxime qui se trouve sur le siège de l’établissement : «Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants.» Parce que la question du foncier public va être de plus en plus au cœur de nos préoccupations, et il est important de l’aborder aujourd’hui.
Il n’y a pas d’aménagement possible sans politique foncière. Pour que l’action foncière soit à la fois, efficiente et pertinente, elle doit s’adosser à une vision prospective et stratégique du territoire. Cette vision, nous l’avons eue à travers le SAR de 2010, et nous l’aurons dans quelques années à travers le SAR de 2025.
Lorsque le SAR a été réalisé, alors sur la période 2009, 2010, 2011, l’INSEE a été sollicitée pour faire une projection de la population, et on tablait sur une population de 450 000 habitants à l’horizon 2030. On voit bien que les prévisions qui ont été faites ont complètement changé en 10 ans. On attendait une évolution de la population relativement conséquente à l’horizon 2030. Ce qui avait été prévu dans le SAR, c’était qu’il fallait environ 1500 ha pour répondre aux besoins à l’horizon 2030, avec la répartition suivante : 500 ha pour le logement, 300 ha pour le tourisme, 200 ha pour les activités économiques, 350 ha pour les aménagements (infrastructures de transport etc), et 150 ha pour les zones agricoles. Ces 1500 ha sont les besoins en foncier identifiés en 2010.
L’action de l’EPF depuis 10 ans au service du territoire.
CorineVINGATARAMIN – Directrice générale de l’EPF Guadeloupe Communes adhérentes à l’EPF
On se rend compte que sur une superficie totale de 163 200 ha, nous avions 35 200 ha de zones urbanisées et 126 000 ha de zones non-urbanisées. On a souvent une impression de densité en Guadeloupe, mais on a un territoire, contrairement à beaucoup d’autres départements d’outremer, qui est relativement bien préservé, puisqu’environ 70% du territoire est composé de zones agricoles et de zones naturelles. Dans les zones urbanisées, nous avons 17 500 ha de zones urbaines et 7700 hectares de zones urbanisables, ainsi que 12 000 ha de zones d’habitat diffus. Dans ces 17 500 ha de zones urbaines, on a considéré qu’il y avait 1500 ha de potentiels fonciers situés dans les dents creuses des centres anciens. Le postulat de base de l’EPF, quand on a démarré l’activité en 2013, consistait à dire qu’il y avait 1 500 ha situés dans les dents creuses des centres bourgs et qu’il fallait, en dépit des difficultés qui allaient se présenter, partir à leur conquête.
Management intergénérationnel oblige, je laisse la parole à Marvin CHALOT pour vous présenter les chiffres de l’EPF. Il y a quelques temps, un des responsables du Conseil national de l’habitat a pensé que l’EPF de Guadeloupe ne faisait rien car il n’y avait aucun chiffre sur notre site internet. Ces chiffres donnent une vision assez précise de nos actions au cours des 10 dernières années.
En 10 ans, l’établissement a réalisé 205 acquisitions foncières, équivalant à 447 ha de terrain, pour un montant global d’environ 67 millions d’euros. Nous avons classifié ces acquisitions en plusieurs catégories. Sur les 205 acquisitions : 163 le sont en centre ancien en zone urbaine pour une superficie globale de 69 ha (15% des acquisitions), représentant 43 millions d’euros d’acquisitions ; 84 acquisitions ont été réalisées en foncier bâti, 121 en foncier non-bâti. Cela représente près de 48 ha pour le foncier bâti et 400 ha pour le foncier non-bâti. C’est 20 millions d’euros pour les acquisitions foncières bâties, et 44 millions d’euros pour les acquisitions foncières nonbâties.
En ce qui concerne les opérations de réhabilitation en zone urbaine, nous avons mené 8 projets pour un montant de travaux d’environ 1 million d’euros et une valeur d’acquisition de 3,94 millions d’euros, pour une superficie globale d’un peu plus de 22 000 m². Pour les acquisitions en zone périurbaine, nous avons réalisé 41 acquisitions sur l’ensemble du territoire, représentant plus de 72 ha de foncier et plus de 20 millions
d’euros d’acquisitions. De plus, une réserve foncière de 304 ha de terrain en zone naturelle a été constituée, d’une valeur d’un peu plus d’1 millions d’euros.
Au cours de ces 10 années, l’EPF a également pu s’investir dans des projets structurants sur le territoire, notamment la déviation de la Boucan (Sainte-Rose), l’Agropark (Les Abymes) et la zone de Trioncelle (Baie-Mahault).
L’EPF s’est engagé dans une démarche de régularisation foncière en 2017. Nous avons observé une augmentation du nombre d’actes signés entre 2018 et 2022, avec un objectif de réaliser plus de 100 actes par an, ce qui a été atteint en 2021.
L’EPF a accompagné un total de 205 projets au cours des 10 dernières années, représentant un montant global d’acquisition de plus de 65 millions d’euros pour 447 ha de terrain. Ces projets sont classés par catégories. Il existe des projets de développement économique, d’habitats, d’infrastructures, d’équipements publics, de renaturation et d’environnement.
Le bilan de l’habitat, ce sont 36 opérations en matière d’habitat, représentant plus de 700 logements sur le territoire.
En ce qui concerne les expertises au sein de l’EPF, nous avons dû développer plusieurs expertises au fil des ans pour répondre aux besoins du territoire. Cela inclut de l’expertise en reconstitution des titres de propriété, en négociation foncière, en recyclage foncier
L’action de l’EPF depuis 10 ans au service du territoire.
Marvin CHALOT – Chargé de mission à l’EPF
Corine VINGATARAMIN – Directrice générale de l’EPF
(travaux de proto-aménagement), en régularisation foncière, en aide à l’amorçage des projets et en revalorisation des friches urbaines (en cours).
24 acquisitions ont été réalisées dans le cadre du recyclage foncier. Ces opérations s’élèvent à 4,37 millions d’euros en frais d’acquisition, et à peu près au même montant en frais de travaux. Cela participe à l’augmentation du coût du foncier.
En conclusion, face aux enjeux de sobriété foncière, nos perspectives pour les années à venir incluent une augmentation du nombre de procédures foncières, en dépit des difficultés rencontrées en la matière.
L’acquisition des biens en indivision a des limites. Il faut parfois appliquer des mesures coercitives, considérées comme une appropriation violente du foncier. Les premières réalisations de l’EPF, notamment à Baillif, commencent à faire grand bruit. Pour intensifier nos actions en centre ancien, il faudra sensibiliser les propriétaires, sans quoi les efforts de l’EPF seront vains.
Il y aura probablement des évolutions législatives à envisager, car on se rend bien compte que les outils existants, même s’ils peuvent avoir une certaine efficacité sur le territoire national, montrent leurs limites sur le territoire local et dans les départements d’outre-mer. De manière générale, il faut aussi trouver de nouveaux modèles économiques, car se pose la question des projets, quand on achète du foncier. Nous souhaitons intensifier nos interventions en centre ancien, car le territoire en a besoin, en estimant que l’aménagement du territoire passe aujourd’hui par la redensification, et la limitation de l’artificialisation des sols. Cependant, une question se pose : Une fois que nous achetons le foncier, quel est le projet ? Nous avons une stratégie d’aménagement
existante au niveau régional à travers le SAR. Toutefois, nous devons développer des stratégies opérationnelles pour les centres anciens, car très peu de communes ont lancé des schémas de revitalisation du centre ancien. Nous, EPF, nous nous retrouvons souvent à acquérir le foncier, à lancer les études de programmation urbaine, à aider à l’amorçage des projets, à lancer les appels à candidatures pour trouver des opérateurs, et à accompagner les opérateurs sur la réalisation de leurs projets. Cela reste réalisable à l’échelle actuelle. Mais si nous devions intensifier nos interventions, nous aurions besoin que d’autres acteurs prennent le relais, notamment les collectivités et les aménageurs.
On parle de plus en plus de GIP (Groupement d’Intérêt Public) pour la reconstitution des titres, comme c’est le cas en Martinique, mais est-ce sincèrement la solution pour inciter les propriétaires à vendre leur foncier ? Peut-être pas. Les opérations de sensibilisation auprès des propriétaires restent fondamentales.
Concernant la reconquête des friches urbaines, nous avons des sujets de plus en plus difficiles à traiter, tels que la reconversion de la Clinique Tyrolien à Basse-Terre, la reconversion de la Clinique Saint-Nicolas sur la place de la Victoire, celle du site du CHU, entre autres. L’EPF est préparé méthodologiquement à ces sujets, mais ne peut pas suivre tout le processus. Nous devons continuer à affiner notre méthodologie en travaillant avec nos partenaires institutionnels, en identifiant les opérateurs économiques intéressés par les projets en Guadeloupe. La Guadeloupe est aujourd’hui en déprise. Mais demain, la tendance peut s’inverser. Pour la reconquête des friches, le projet ZigZag a été lancé, et vise à recenser l’ensemble des opportunités foncières existantes dans les zones d’activités économiques. Certaines zones d’activités
économiques ne sont pas exploitées à leur plein potentiel. On parle de sobriété foncière mais que faire quand un porteur de projet a besoin de foncier (2, 3 ou 4 ha) pour développer son activité économique. Il faut que chacun revoit ses besoins en foncier. Il faut qu’on soit moins gourmands en matière de foncier.
Les perspectives en matière de renaturation des sols portent sur le projet Vert Foncier –lancé il y a deux ans. Le projet Vert Foncier consiste à acquérir des parcelles destinées à des opérations de renaturation. On a réalisé que l’EPF acquérait des terrains avant tout pour construire. Cependant la ville ne se fait pas uniquement avec du béton, elle a besoin d’espaces publics, d’arbres, et c’est ce que nous cherchons à promouvoir à travers cette campagne d’acquisition. Une première expérimentation, réalisée sur le territoire de Pointe-à-Pitre, a montré ses limites faute de relais en charge de la gestion et de l’animation du site.
Gérer des sites de manière temporaire, c’est notre métier, nous savons le faire, mais sur des temps très longs, comme 20 ou 30 ans, cela devient beaucoup plus compliqué, et l’animation n’est absolument pas notre métier. Les opérations de renaturation foncière en centre-ville sont importantes, mais il est également essentiel de trouver un modèle économique et des gestionnaires adaptés pour ces territoires.
C’est pourquoi nous avons engagé le projet «Régénérescence», qui consiste en une opération par commune. En Guadeloupe, nous avons un enjeu de désartificialisation en raison du nombre important de logements vacants dans les centres anciens, zones périurbaines et rurales. Avec cette opération, nous pouvons acquérir des terres destinées à la renaturation ou à l’agriculture. Cependant, là aussi, il faut trouver le bon modèle économique pour ces projets.
Il y a un enjeu à trouver la structure dédiée pour ce type d’opérations. Je parle désormais d’avoir un Conservatoire des terres guadeloupéennes, à l’instar du Conservatoire du littoral. Ce Conservatoire des terres guadeloupéennes aurait pour but d’animer et de gérer des terres du foncier public qui pourraient servir aux générations futures. L’idée de la flexibilité de l’aménagement doit être prise au sérieux. On parlait du risque de surélévation du niveau marin. Il ne faut pas oublier que si on revient 45 ans en arrière, la réalité du risque en Guadeloupe n’était pas celle-là. Il était question de l’éruption de la Soufrière, des tremblements de terre fréquents... Aujourd’hui, personne ne parle de l’éruption de la Soufrière. La réalité du risque change en fonction des époques. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’effondrement des falaises littorales, du risque d’inondation. Et il faut aussi se préparer à de nouveaux risques. On n’évoque pas suffisamment le problème des sargasses. On s’intéresse pour l’instant à l’impact des sargasses sur le matériel électronique (…). Peut-être que dans quelques années, on va se rendre compte que les sargasses ont un impact sur la santé des populations. Que faire aujourd’hui des familles qui ont construit, parfois, de très belles villas dans les secteurs du littoral et qui sont confrontées au problème d’échouement des sargasses. Il faut de la flexibilité dans tous les projets.
On ne peut pas anticiper les changements, on ne peut pas forcément les prévoir, mais on peut s’y préparer. La Guadeloupe doit se concevoir comme un territoire en mutation. En réalisant une opération d’aménagement, il faut qu’on se dise que dans 40 ans, ça sera peut-être autre chose.
En ce qui concerne la lutte contre l’habitat indigne, notre objectif est de développer notre activité d’Office Foncier Solidaire (OFS). Aujourd’hui, on a énormément de familles qui vivent dans des conditions indécentes et indignes. On a un réel enjeu à développer le produit logement BRS, le bail réel solidaire, en guise de piste de solution.
Le foncier en centre ancien coûte cher. Il n’est pas forcément très cher à l’acquisition, mais quand on doit réaliser les travaux de protoaménagement, on se rend compte que le prix est multiplié par deux. Construire dans les centres anciens a un prix d’ailleurs.
Aujourd’hui, sur l’activité OFS, on espère pouvoir lancer trois opérations sur la période 2024-2028, avec un potentiel logement d’environ 50 logements. On a également initié une opération qui s’appelle « 200 lots pour l’habitat ». On a mobilisé un bureau d’études pour le recensement de toutes les parcelles vides dans les lotissements à usage résidentiel. L’idée, est d’aller à la conquête de toutes ces parcelles vides qui se trouvent dans ces lotissements. On s’est rendu compte que derrière les parcelles, il y a souvent une histoire un peu compliquée, mais on a un potentiel dans les lotissements résidentiels, dans des zones qui sont complètement équipées. Pourquoi ne pas les récupérer pour faire de l’habitat ? Pas forcément du collectif ou du locatif, mais pour reloger des familles.
On souhaite également développer l’activité de régularisation foncière. On est parvenu à signer 100 actes l’an dernier, en 2022. L’objectif, est d’atteindre 300 actes par an sur la période 2024-2028, voire plus, avec une régularisation d’environ 1500 familles. On est encore très loin des besoins, cependant, l’EPF se structure pour y parvenir puisqu’on a un service (en cours de création) dédié à la régularisation foncière.
Aujourd’hui, les interventions ou non sur les copropriétés dégradées, concernent essentiellement des zones de restructuration urbaine, Vieux-bourg aux Abymes, du Bellay à Sainte-Anne, etc. Pour l’instant, on n’a pas encore attaqué la question des copropriétés dégradées de manière approfondie.
Sur les perspectives en matière de protection des personnes et des biens face aux événements climatiques, on a deux projets : le projet Émergence et le projet Urgence. Le projet Émergence, d’une part, vise à identifier les opportunités foncières qui permettront la relocalisation des activités et des biens pour les familles et les activités situées en secteur à risque. Une première opération a été initiée à Deshaies, commune qui sera malheureusement l’une des premières à être touchée par les variations du niveau de la mer. On a identifié à l’arrière de l’hôtel de ville de Deshaies toute une opportunité foncière qui va permettre faire un véritable travail de déplacement et de transformation du bourg.
Le projet Urgence, d’autre part, est mené de concert avec l’Agence des 50 pas géométriques pour deux opérations à Capesterre Belle Eau : une à Bananier et l’autre à Catherine Doyon. Notre rôle consiste à trouver, et à maîtriser du foncier dans un périmètre de 500m, pour relocaliser les familles. On est aussi sur des problématiques comme celles du PAPI (Programme d’Action et de Prévention des Inondations). On va lancer notre première expérimentation avec Cap Excellence. Sur ces problématiques-là, il y a un enjeu de foncier public très fort. Parce qu’une fois qu’on a acheté les terrains, qu’on a réalisé des opérations de renaturation, qu’est-ce qu’on en fait ? La solution n’existe pas. Il en va de même pour les terrains, car Cap Excellence devra relocaliser un certain nombre d’activités économiques qui se trouvent dans des
secteurs à risques, notamment à Dugazon ou à Petit Pérou. Une fois que le foncier est acquis, qu’il est remis à la renaturation, on se retrouve à nouveau face à la question du conservatoire des terres guadeloupéennes, qui me tient de plus en plus à cœur.
L’EPF souhaite intervenir sur tous ces sujets dans les années à venir. L’équipe est prête, mais ne pourra pas y arriver seule. Pour les 205 biens acquis sur la période 2013-2023, il y a eu 205 projets. Sur la partie aide à l’amorçage des projets, l’établissement est très présent aux côtés des collectivités, mais si nous devons multiplier nos activités par 2 ou par 3 dans les années à venir, nous ne pourrons pas couvrir tous les projets.
L’intérêt de ce séminaire d’aujourd’hui, est de se demander « Comment se préparer tous ensemble pour répondre aux enjeux de demain, notamment en termes d’ingénierie de projet ? »
Mme VINGATARAMIN clôture son intervention en saluant l’équipe de l’EPF qui se bat depuis 10 ans. C’est une équipe pleine d’énergie, impliquée, volontaire et dynamique.
Alors quelle en est la philosophie ? Comment a-t-il été conçu ? Juste deux mots avec Philippe BLEUZE de la société DAC Antilles, pour rappeler quelles étaient les contraintes, voire les enjeux de la construction et del’aménagement de cet espace.
Un petit clin d’œil au siège de l’EPF, situé à Grand-Camp, dans un bâtiment conçu par l’architecte Véronique BIGEARD et pensé sous l’angle des impératifs écologiques et énergétiques, sur une surface foncière relativement réduite.
SÉQUENCE 2
Philippe BLEUZE : L’EPF, avec toutes ses autres activités, est également engagée dans une action d’exemplarité sur l’aspect environnemental et énergétique. La moindre des choses était d’appliquer à son propre siège les principes de base d’un bâtiment performant, qui sont assez simples et s’articulent autour de 3 axes. Le premier axe concerne le travail sur le bâti, qui correspond plutôt au rôle de l’architecte. Il doit concevoir un bâtiment en fonction des besoins, en tenant compte de la parcelle, mais aussi du soleil, de la pluie, du vent, etc. C’est ce qui a été fait pour ce bâtiment. Pour ceux qui le connaissent, ils savent que c’est un bâtiment qui est très bien protégé, avec des brise-soleils, une sur-toiture et une très forte végétalisation. L’architecte a fait un excellent travail à ce niveau-là, en créant un espace clair, lumineux, fonctionnel et très agréable. Ensuite, il y a l’axe système, notamment la climatisation, qui est le poste le plus gourmand en énergie. Par conséquent, il a fallu travailler sur des systèmes performants. Le choix technique a permis d’avoir les bonnes machines aux bons endroits. Il y a également l’éclairage et tous les autres systèmes du bâtiment. Il y a aussi la gestion de l’eau, véritable problématique en Guadeloupe. Sur un bâtiment exemplaire, il faut intégrer la récupération d’eau de pluie pour alimenter les sanitaires, et c’est ce qui est fait sur ce bâtiment grâce à un double réseau. On est à 50% d’autonomie en eau grâce à la récupération d’eau. Sur un bâtiment tertiaire, les sanitaires représentent une très grosse part des besoins et donc il ne faut surtout pas se priver de la récupération d’eau.
Enfin, le dernier axe concerne la production d’énergie renouvelable. Nous avons installé des capteurs photovoltaïques sur le toit. Après un an, nous pouvons affirmer que l’impact du bâtiment sur le réseau électrique a été réduit de 60% grâce à l’installation photovoltaïque. Quelqu’un disait tout à l’heure que la consommation d’énergie, c’était à 60% liée au transport, et donc pour réduire cette consommation d’énergie, le bâtiment peut intervenir grâce aux panneaux photovoltaïques, puisqu’avec du photovoltaïque, on peut alimenter des points de charge pour le personnel et pour les véhicules de la flotte de chaque entité. Donc grâce au bâtiment, on réduit aussi l’impact énergétique lié au transport.
Cette table ronde réunit des opérateurs immobiliers, des constructeurs de logements, ainsi que ceux qui sont en charge de la gestion du foncier bâti et non-bâti.
• Corine VINGATARAMIN – Directrice générale de l’EPF Guadeloupe
• Betty FAUSTA – Comité territorial d’action logement
• Pierre-Antoine MORAND – Directeur adjoint de la DEAL
• Dominique JOLY – Directeur général de la SCP HLM
• Jean-Luc BENJAMIN – Directeur général délégué de la SEMSAMAR
• Rodrigue TREFLE – Directeur de la SAFER
• Véronique ROUL – Secrétaire générale de l’Association Régionale des Maîtres d’Ouvrage Sociaux (ARMOS)
Comment trouver le juste équilibre entre la demande de logement croissante et un foncier de plus en plus rare ?
Dominique JOLY : Je suis le directeur général de la SCP HLM, Société coopérative Pointoise HLM de la Guadeloupe, l’un des 5 bailleurs présents sur le territoire, avec deux particularités que j’aime bien souligner. D’une part, nous sommes une coopérative d’HLM, avec un angle particulier quant à notre relation avec nos locataires ou avec les accédants à la propriété, auxquels nous permettons de devenir propriétaires. La deuxième particularité parmi les autres bailleurs, est que l’essentiel de notre activité de production est destiné à être vendue.
Les chiffres ont été donné, il y a 38 000 logements sociaux en Guadeloupe, ce qui représente environ 25% du parc des résidences principales où habitent les familles guadeloupéennes.
Nous avons identifié dans le fichier national 10 000 demandes de logements, bien que ce chiffre soit un peu contesté. On sait qu’il y a des faux demandeurs, d’autres demandent deux fois, etc. Toutefois, sur ces 10 000 demandes, il y a à peu près les deux tiers, soit 6500 personnes, qui sont actuellement en situation de rupture avec leur logement. Elles vivent dans des logements provisoires,
chez des membres de la famille ou des amis. Ce chiffre de 6500, en proportion de la totalité des demandes, représente environ le double, voire peut-être le triple de certains autres territoires lorsque l’on se compare avec le national. De nombreuses familles guadeloupéennes demandent aujourd’hui un logement social. Bien évidemment, nous ne pouvons pas les loger tous immédiatement. Il faut donc en effet construire des logements sociaux, mais aussi proposer des solutions autres que du logement social. Nous avons également une autre situation qui donne une particularité assez forte, et cela concerne tous les outremers. Le ministère de l’Outre-Mer et la Fondation Abbé Pierre sont en phase pour constater que 150 000 logements sont insalubres ou indignes dans les Outremer. Pour la Guadeloupe, le chiffre annoncé est de 15 000 logements (foyers), soit 60 000 personnes qui vivent dans ces logements insalubres ou indignes. Pour mettre en perspective, il y a sans doute un besoin de l’ordre de 20 000 logements à construire ou à proposer pour répondre à ces situations. L’urgence est relative, mais en tant qu’opérateurs, dont la vocation est d’apporter des solutions à ces familles, c’est une préoccupation constante. Je pense que chez tous les bailleurs, il est primordial de pouvoir donner des solutions à ces familles le plus rapidement possible.
Les réponses vont de la réhabilitation à la construction neuve, mais il faut aussi inventer de nouvelles approches, car aujourd’hui, le logement social répond à une demande. Comme nous l’avons dit, 80 % de la population de la Guadeloupe est éligible au logement social. Nous avons une sous-catégorie qui est le logement très social en locatif, qui représente 60 ou 65 % de la population. Cela représente énormément de monde en Guadeloupe. C’est donc la première préoccupation, à laquelle les bailleurs répondent au fil des ans en construisant entre 800 et 1000 logements par an. Toutefois, depuis 2 ou 3 ans, nous sommes plutôt tombés à 200 ou 300 logements par an, ce qui pose une vraie problématique conjoncturelle et nous empêche d’atteindre l’objectif des 20 000 logements. Peut-être que cela prendra du temps, mais en tout cas, la situation d’urgence, nous y répondons de moins en moins.
Par ailleurs, nous avons également des situations de péril, avec des familles qui vivent dans des zones à risques, par exemple une falaise qui s’effondre à cause de l’érosion du trait de côte. À Saint-Claude, nous avons une ravine qui a creusé sous les fondations d’une maison, et une douzaine de familles ont dû être délogées. Ces situations nécessitent des réponses urgentes.
Comment répondre à ces urgences ?
La réponse d’urgence est de proposer tout de suite un logement. Mais la plupart du temps, ces familles étaient propriétaires du bâti, même si elles n’étaient pas forcément propriétaires du foncier, elles n’étaient pas locataires. Si ces familles acceptent la solution d’urgence qui consiste à les positionner sur un logement social, elles n’acceptent pas que cela se pérennise sur du long terme. Elles aspirent à redevenir propriétaires, souvent d’une maison. Il faut donc être imaginatif, car les produits nationaux ne couvrent pas
toutes les situations que nous rencontrons dans les Outremer. Par exemple, à PetitBourg, nous avons adapté le dispositif de location-accession que nous utilisons pour faire de l’accession à la propriété en étalant la phase locative sur 15 ans, et les gens sont dans un parcours d’accession à la propriété avec un plan, un montage financier qui est adapté à leurs ressources. Bien souvent, ce sont des familles qui n’ont pas de capacité à mobiliser un prêt immobilier, il faut donc être imaginatif et trouver les solutions financières. Pour faire un lien avec l’OFS, évoqué par Corine VINGATARAMIN, c’est aussi ce type de situations qui pourraient peut-être être réglées dans le cadre d’un portage foncier.
Jean-Luc BENJAMIN, vous êtes le directeur général délégué de la SEMSAMAR. Partagezvous ces constats ? Quelles sont les difficultés prégnantes que rencontrent les opérateurs immobiliers comme vous ?
Jean-Luc BENJAMIN : Le principal problème, c’est la maîtrise du foncier au-delà des zones à risques ou pas. En particulier, la SEMSAMAR n’est pas que bailleur social, nous sommes aussi des aménageurs et des opérateurs immobiliers. Nous nous sommes saisis du sujet du vieillissement de la population depuis un certain nombre d’années. Nous sommes propriétaires de plusieurs EHPAD et nous développons des résidences pour des seniors autonomes que nous essayons de ramener dans la ville. L’idée est de retrouver de la mixité dans la typologie du logement. Il n’y a pas que le logement social qui permette de répondre aux besoins en matière de logement. Pour moi, le vieillissement de la population n’est pas un problème en soi. Nous sommes très présents en Guyane où la population est très jeune. Nous avons plus de jeunes, mais qui ont un pouvoir d’achat moindre et qui ont des demandes bien supérieures pour la collectivité.
Pour ces personnes âgées, il faut adapter les logements. Il y a la nécessité de les réhabiliter pour favoriser le mieux vivre. C’est un sujet que nous partageons tous, les bailleurs, car le logement doit être réversible, il doit être adaptable. On doit tenir compte de la population, on est jeune, on est à l’étage, on vieillit, on peut descendre et on doit pouvoir adapter le logement. Mais au-delà de ça, il faut retrouver ces logements dans la ville. Nous avons un projet en cours à CapesterreBelle-Eau sur l’ancien hôpital où nous allons réaliser un ensemble pour ramener les seniors dans la ville, qu’ils aient des services autour et qu’ils participent à cette mixité. Que le vieillissement ne soit pas subi, mais qu’il soit un élément du parcours de vie qui contribue à la redynamisation du centre-ville. Pour cela, il faut avant tout maîtriser le foncier.
C’est là où on revient à l’EPF. Pour parler de l’OFS sur des sujets à Saint-Martin, entre autres, dans tous les secteurs où le foncier est cher et compliqué à acquérir (indivision), l’OFS est pleinement acteur pour nous accompagner sur l’acquisition du foncier, et nous permettre de nous focaliser sur nos vrais sujets qui sont le développement de projets.
Alors, on parle souvent de cette problématique du foncier. Rodrigue TREFLE, vous êtes le directeur de la SAFER. Que représente globalement la part des terres agricoles par rapport aux terres constructibles en Guadeloupe ? Quel est le pourcentage global ?
Rodrigue TREFLE : En matière agricole, la Guadeloupe a environ 31 % de surfaces agricoles. En Guadeloupe, nous avons environ 163 000 ha de terres, dont 31 800 ha de terres agricoles, 13% sont des terrains urbanisés. La particularité de la Guadeloupe, par rapport à d’autres départements d’outre-mer, est qu’on a un vivier de terrains en friche, qui représente à peu près 10 000 ha de terres. Ce vivier nous permettra de répondre, j’espère,
à la souveraineté alimentaire tant voulue par les collectivités majeures. Nous avons une approche du foncier en Guadeloupe qui est totalement différente de ce qui se passe ailleurs.
Pour quelles raisons précisément ?
Tout le monde se demande « Comment se fait-il qu’on importe 80 % de ce qu’on consomme alors qu’on ne produit que 20% ? ». Le guadeloupéen, plus qu’ailleurs malheureusement, a une approche très spéculative du foncier. On le voit chaque mois dans les comités techniques de la SAFER. On voit bien que les prix notifiés dépassent parfois les 150 000 € pour des terrains qui ne valent que 6 000 € l’hectare. Il faut que les collectivités mènent leur réflexion pour savoir comment on peut maîtriser ce foncier, comment se projeter en matière urbaine. La SAFER est certes l’interlocuteur privilégié, car on voit tout ce qui se passe dans le foncier agricole. On a quelques craintes, quant à l’usage des ressources.
Cela signifie que le foncier est un levier économique pour certains ? Il existe une espèce de spéculation sur la terre pour s’enrichir. Est-ce bien ce que vous dîtes ?
C’est exactement ça. Malheureusement pour nous, les agriculteurs sont âgés, quand ils prennent leur retraite, s’ils ont 5 enfants, ils divisent leur propriété par 5. Pour rappel, le pouvoir de morcellement appartient au Conseil départemental. Le seul département français où on n’a pas exercé ce pouvoir-là est la Guadeloupe. Ce qui fait qu’à la SAFER, nous constatons beaucoup de petites parcelles de moins d’1 ha, ce qui complique l’action du foncier sur le territoire.
Pierre-Antoine MORAND, vous êtes le directeur adjoint de la DEAL, vous êtes là pour faire de la vision, de la pédagogie, pour accompagner les opérateurs, les décideurs de ce territoire. Mais vous êtes là aussi pour faire respecter la réglementation. Partagezvous le constat de M. TREFLE pour dire que le foncier est parfois un élément de spéculation ?
Pierre-Antoine MORAND : Oui, bien sûr, c’est un élément de spéculation. Et forcément, ça génère beaucoup de tensions, d’échanges et de débats lorsque les communes sont chargées de réviser leurs documents d’urbanisme. Je voudrais rebondir sur les propos introductifs de Dominique JOLY, pour apporter d’autres chiffres qu’il a omis de mentionner. Il s’agit des chiffres relatifs aux logements vacants en Guadeloupe. Sur les 173 000 résidences principales, on a 36 000 logements vacants, alors qu’il y a 30 000 logements sociaux. Ces logements vacants représentent 20% des résidences principales du territoire. Pour satisfaire les besoins de la population, il y a effectivement de la demande de logements. On a évoqué le chiffre de 10 000 logements en demande pour l’accession au logement social. Parmi ces 10 000 logements en demande, 2000 sont des mutations internes, c’est-à-dire des personnes qui sont déjà dans le logement social et qui souhaitent changer de logement en raison de l’évolution de la composition familiale ou autre. De plus, 2000 personnes qui ne sont pas dans le logement social, mais qui résident dans le parc privé, aimeraient accéder, par exemple, au logement social. En tout, il y en a 6 000, comme l’a dit Dominique, qui sont sans logement, c’est-à-dire qu’ils sont hébergés gratuitement ou à titre onéreux chez des membres de leur famille ou chez des amis, mais qui n’ont pas leur logement propre. Il est nécessaire de répondre aux besoins de cette population.
Par rapport aux logements vacants évoqués, avez-vous des leviers pour récupérer ou mettre à disposition ces logements ? Il y a plusieurs leviers financiers à activer pour la réhabilitation des logements vacants. Parmi les 36 000 logements vacants, 1700 appartiennent au parc social, c’est-à-dire qu’ils sont la propriété des bailleurs sociaux. Il y avait 1900 logements il y a 4 ans, contre 1700 aujourd’hui, ce qui montre un important effort de réhabilitation réalisé ces dernières années. Cet effort va se poursuivre et s’accélérer dans les années à venir, afin de proposer des logements de qualité, que ce soit par le biais de la production de nouveaux logements ou par la réhabilitation des logements existants. Ainsi, le nombre de logements sociaux vacants diminue rapidement, surtout au niveau du parc social. L’axe de travail visant à améliorer l’habitat privé est encore peu abordé par les bailleurs. Au-delà de la production de nouveaux logements et de la réhabilitation, il y a une opportunité d’acquérir et d’améliorer d’anciens locaux administratifs ou des friches urbaines pour les transformer en logements. Cela nécessite des interventions financières importantes, mais cela peut être activé en utilisant des leviers financiers tels que le Fonds Vert, qui participe déjà aux opérations de recyclage foncier dans le cadre du plan de relance. Il y a également le Fonds Régional d’Aménagement Foncier Urbain (FRAFU). La Guadeloupe est le seul département ultramarin à ne pas avoir de protocole signé entre l’État et les collectivités majeures pour bénéficier de crédits pour financer les opérations de proto-aménagement et réduire le coût du foncier aménagé.
Qu’est-ce qui freine cette signature ?
On y travaille. On a commencé les discussions avec la Région et le Département pour aboutir à ce protocole d’accord. Un troisième levier financier important est celui des fonds européens, qui peuvent aider à financer les opérations d’acquisition et d’amélioration, notamment en ce qui concerne le désamiantage des bâtiments.
Il est essentiel de voir l’objectif d’une artificialisation nette de zéro sur le territoire de la Guadeloupe comme une opportunité plutôt qu’une menace. Avec 30% de bâtiments vacants et des dents creuses dans le tissu urbain existant, il y a largement de quoi remobiliser le foncier disponible avant de consommer de l’espace à l’extérieur (recyclage foncier). Cela permettra également de redonner de l’attractivité au territoire. La présentation de l’Insee ce matin sur l’évolution démographique a souligné la nécessité de satisfaire les besoins de la population vieillissante, mais il faut aussi se poser la bonne question de savoir « Pourquoi les jeunes quittent le territoire ? Et pourquoi les talents qui se sont expatriés ne reviennent pas forcément sur le territoire ? »
J’ai bien aimé l’approche concurrentielle développée par la CCI, c’est exactement pareil. Si vous n’avez pas d’eau au robinet, si vous n’avez pas d’assainissement qui fonctionne correctement, si dans les 4 ou 5 ans, l’ensemble des plages de Guadeloupe seront interdites à la baignade parce que trop polluées, si vous n’avez pas de transports en commun et si vous avez des dents creuses et des bâtiments vacants dégradés ; Comment les jeunes vont-ils être incités à revenir ?
Bien sûr que l’État a sa responsabilité pour accompagner financièrement ce changement aux côtés des collectivités. Mais il faut que tout le monde travaille main dans
la main pour changer cet aspect-là. C’est essentiel de le faire en concertation, en bonne intelligence, et en mettant l’élu au cœur de la réflexion. Il y a eu un désamour des élus par rapport au logement social, parce qu’on a trop longtemps construit des logements sociaux n’importe où, n’importe comment. Par la suite, c’est l’élu qui doit gérer les problématiques de proximité, de cadre de vie et de population mécontente par rapport aux services et à l’endroit où elles sont positionnées. Il faut remettre l’élu au cœur de la discussion pour proposer des opérations davantage mixtes, avec de l’accession à la propriété, du logement libre et avec un petit peu de logement social.
Nous verrons lors de la table-ronde avec les élus qu’il y a un certain nombre de projets de redynamisation des bourgs en cours, et nous ferons notamment un focus sur la commune de Morne-à-l’Eau.
Corine VINGATARAMIN vous avez évoqué tout à l’heure l’idée d’un conservatoire des terres guadeloupéennes. Quelle serait son utilité à votre avis ?
Corine VINGATARAMIN : Son utilité serait de gérer le foncier public. J’ai évoqué tout à l’heure, l’adhésion de la collectivité de SaintMartin à l’EPF de Guadeloupe. On se rend bien compte que pour une collectivité comme Saint-Martin qui n’a pas de foncier public actuellement, elle subit son développement, elle ne le choisit pas. En Guadeloupe, on a quand même pas mal de secteurs qui font l’objet d’une intervention forte de la puissance publique.
Il va falloir acheter des secteurs, faire des opérations de démolition, de construction, de renaturation. Le devenir de ces terrains une fois remis à la nature n’est pas encore envisagé. Pourquoi ne pas concevoir, à l’instar de ce qui se fait au niveau national, une structure, un organisme qui aurait vraiment la charge de la gestion du foncier public sur un temps
très long. L’appellation conservatoire est une idée non figée. Quand je parle de la gestion du foncier public, je parle de son occupation, même temporaire. L’idée est qu’on puisse réinvestir ces fonciers très facilement quand on aura de nouveaux besoins. Aujourd’hui, on demande aux établissements publics fonciers d’intervenir sur des quartiers dégradés pour régulariser la situation de famille qui vivent dans des logements insalubres. Je me dis qu’aujourd’hui, on va privatiser un foncier sur lequel il va falloir intervenir dans quelques années, de manière puissante. Alors pourquoi ne pas finalement opter pour garder ce foncier « de la puissance publique », permettre aux familles de disposer d’un titre de propriété, et se dire que dans 20 ans, une fois que les personnes seront décédées, une fois que les quartiers seront désertés, nous pourrons réintervenir de manière importante sur ces zones, sans avoir à reconstituer des indivisions.
Vous avez insisté sur la nécessité également de faire davantage de programmes de logements qui ne soient pas à forte densité comme dans certaines zones, mais qui évoluerait plutôt vers des modèles innovants. Il faut aujourd’hui réinventer le logement et notamment le logement des centres anciens. Nous avons eu une réunion de concertation il y a quelques temps avec la population de Vieux-Bourg. On a aujourd’hui des familles qui vivent dans des conditions indignes et qui refusent de quitter leur logement pour aller dans du collectif et dans du locatif. « Est-ce que le collectif et le locatif, c’est forcément la réponse adaptée à ces populations ? ». Par ailleurs, comme l’indiquait Mme ANICET, il faut travailler sur de nouveaux modèles d’habiter. Le logement social, tel qu’il a été conçu, mérite d’être repensé, notamment en centre-ville. On peut faire de la densification dans les centres-villes, sans forcément donner aux gens qui vivent dans les logements cette
impression de densité. Ce sont des questions dont les architectes doivent se saisir. « Comment réinventer les villes ? », « Comment transformer nos villes ? », « Comment créer une ville durable ? », « Comment réintroduire la végétalisation dans nos logements ? », « Comment favoriser les modes de déplacement doux ? », « Comment faire des villes agréables à vivre ? ». Aujourd’hui, on sent bien qu’il y a un certain nombre de réticences des familles à quitter leur logement et Mme le maire de Saint-Claude a sur son territoire des familles très exposées, à proximité de falaises prêtes à s’effondrer, qui refusent de quitter leur logement pour aller dans des logements salubres. Il faut se poser la question d’un point de vue purement sociologique pour savoir ce qu’il faudrait faire aujourd’hui pour que les familles acceptent de vivre dans le logement. Il y a toute une approche sociologique à mon avis, à conduire sur les vrais besoins des familles, leurs envies pour pouvoir repenser le logement.
Betty FAUSTA, vous êtes membre du Comité territorial d’action logement, c’est ce qu’on appelait autrefois, le « 1% logement », devenu Action logement. Dans la nécessaire adaptation des locaux existants, Action logement joue un rôle primordial. Votre président disait l’autre jour que vous avez prévu un plan, un grand chantier sur plusieurs années et 70 milliards d’euros consacrés à la réhabilitation, pour mettre aux normes des logements existants, pour favoriser notamment la transition écologique et énergétique. Est-ce le cas aussi en Guadeloupe ?
Betty FAUSTA : Dans les DROM, ce sont 780 millions d’euros prévus pour le futur programme. Initialement, c’était 1,5 milliard, mais le contexte est quelque peu complexe du fait de la baisse drastique du budget consacré au logement par le gouvernement. Il y a d’autres réflexions, notamment environnementales.
La question du co-habitat doit être posée, des financements croisés entre plusieurs ministères sont à envisager. L’idée de repenser les habitations dans les dents creuses nous renvoie aux questions de partage de pièces (cuisine, local de stockage…) ou de matériel (machine à laver…). Ce n’est évidemment pas adapté à tout le monde, mais il faut se questionner sur l’écohabitat, l’habitat innovant. Un habitat ce n’est pas uniquement que de la construction, c’est aussi le vivre ensemble, la cohésion, la mixité. On a une population qui est globalement plus riche qu’il y a quelques années, qui a envie d’un certain confort, de certains outils. On doit parler très clairement de la conception de l’habitat collectif.
Pour rappel, Action logement ne finance pas que les bailleurs sociaux. On finance également les opérateurs privés. Par conséquent, s’il y a des opérateurs privés qui ont des petits projets de moins de 12 foyers, c’est également possible. À travers d’autres filiales comme l’Atrium, on accompagne les
projets de structuration pour permettre à ceux qui ont peu de moyens d’accéder à la propriété.
Quelles sont les préoccupations des personnes éligibles ?
Parmi les études qu’on a pu effectuer auprès de salariés d’entreprises de plus de 10 salariés, les questions qui se posent sont celles de la mobilité, de l’accessibilité, de la quiétude du logement et du cadre de vie.
En commission, on travaille sur les décisions, sur des questions de financement de projets. On n’arrête pas d’alerter les bailleurs sur les problématiques importantes telles que la notion d’inclusion, la mise en place des opérateurs télécoms, l’environnement (présence de parcs, dimensionnement…), et la question du stationnement. Il va falloir expérimenter et aller vers des projets audacieux qui ne s’arrêtent pas uniquement à des questions de normes. Il faut vraiment penser collectif.
Une dernière question aux deux opérateurs immobiliers : Qu’est-ce que vous attendez des décideurs politiques ? Qu’est-ce qui permettrait d’améliorer les choses, travailler plus de concert, plus en amont, partager les visions ?
Jean-Luc BENJAMIN : L’assainissement est un vrai sujet. On travaille sur un certain nombre de territoires, la Martinique a les mêmes problèmes que nous. On n’a pas du tout de contraintes en termes d’assainissement pour produire du logement, et même pour produire de l’activité, et des équipements. On a de vrais soucis, qui concernent tout le monde. Aujourd’hui, il y a au moins 4 ou 5 communes en Guadeloupe où les permis ne sont quasiment plus délivrés. La maîtrise du foncier, n’a de sens, que si demain on peut loger les gens, on peut leur permettre de travailler, on peut leur permettre de s’éduquer, de faire des loisirs et d’habiter dans un lieu qui soit raccordé à l’assainissement.
Dominique JOLY : On ne fait plus de logements, maintenant on doit faire de l’habitat. On ne fait pas juste un séjour, une chambre et une cuisine. Il y a tout ce qui va autour. Quand on fait de l’accession, on doit être un peu schizophrène parce qu’on a des demandes de la population, des familles qu’on va loger.
Le logement collectif est compliqué. Pour beaucoup, c’est la maison individuelle qui prime. Mais la maison individuelle favorise l’étalement urbain. Il faut que nous soyons moteurs pour mettre des stops et donner des directions fortes.
On peut faire 40 à 50 maisons à l’hectare. On peut être très dense aussi, on ne peut peutêtre pas dans le centre-ville de Pointe-à-Pitre, mais on peut faire de l’habitat dense dans des centre-bourgs en Guadeloupe, sous la forme de logements individuels. On doit essayer d’influencer, de pousser des logiques qui nous semblent souhaitables et qui vont dans le sens de la préservation des espaces, de la préservation de l’environnement en tenant compte de la valeur du bien. Faire preuve de volontarisme, intervenir en centre-ville, ce sont des chantiers qui coûtent plus cher, car c’est difficile d’accès. On n’a pas d’espace quand on est dans plusieurs centres villes, on a du mauvais sol, donc il faut des fondations profondes... Il y avait ce qu’on appelle l’aspect surcoût-architectural. On a fait reconstruire une maison créole à l’identique à Pointe-àPitre, cela coûte cher.
Sur ce territoire, comme dans tous les autres territoires d’outre-mer, il faut qu’on aide à l’aménagement. On a besoin de toutes les ressources qui peuvent exister – le FRAFU par exemple. Il ne faut pas penser qu’à l’aménagement, car, il y a quelques années, le FRAFU servait aussi à préserver l’architecture.
En tant que pointois, je tiens à ce qu’on préserve le centre-ville, mais certaines maisons, ne peuvent malheureusement pas être réhabilitées. C’est souvent le cas des logements vacants qui sont comptabilisés. On doit repartir de zéro, mais sans perdre toute l’histoire. Action logement (programmes Action Cœur de ville), la DEAL, l’État, les fonds européens, doivent nous aider parce que les délais sont importants. Les délais d’instruction des dossiers de permis de construire, de la loi sur l’eau (…), sont trop longs. Le temps c’est de l’argent pour nous aussi.
Quel est le rôle de l’ARMOS ?
Véronique ROUL : L’ARMOS, c’est l’Association Régionale des Maîtres d’Ouvrage Sociaux. Par conséquent, je représente les 5 bailleurs du territoire, dont 2 étaient présents autour de la table ronde. On peut y ajouter la SIKOA, La SIG ainsi que la SEMAG, qui sont tous représentés à travers la Présidente, le Directeur Général et les salariés également de ces structures, ici présents
Que vous inspirent les échanges ce matin ?
Est-ce qu’ils vous laissent perplexe ou optimiste ?
Perplexe non, parce que je ne les découvre pas. On travaille de concert avec l’EPF et l’ensemble des acteurs du logement. Donc on n’est pas perplexe. Optimiste ? Oui, parce que ce genre de réunion et de concertation montre bien la volonté et l’engagement de chacun à produire et permettre un habitat adapté à son temps et aux populations actuelles et futures. Je suis optimiste mais ça n’enlève pas qu’il y ait un besoin d’engagement et d’une coordination encore plus resserrée que ce qui existe aujourd’hui. Beaucoup d’éléments ont été rappelés ce matin et c’était vraiment intéressant de voir les différentes structures, l’État, les élus, les collectivités, les bailleurs échanger…
On parle de zéro artificialisation nette, de problème de vacances, de l’habitat indigne oui. Mais nous, en tant que bailleurs sociaux, on n’arrivera jamais à loger des gens là où ils ne veulent pas aller. L’attractivité des territoires est nécessaire et le SAR permettra d’y répondre. On ne peut pas loger les gens là où il n’y a pas d’activité économique. Se pose la difficulté de ne pas étendre les zones d’urbanisation mais les ménages lorsqu’ils veulent s’installer dans un logement durablement, il faut qu’ils puissent travailler, avoir accès aux transports (adaptés) aux alentours. Je fais le lien avec ce qui a été dit ce matin dans le cadre du SAR.
Régler la problématique de la vacance des logements c’est également régler les problèmes liés au contexte de l’environnement et aux difficultés que peut avoir le déséquilibre territorial que l’on observe sur notre archipel. Il faut avoir une approche systémique.
Dernier temps fort de notre longue matinée de réflexion et d’échanges. Le point de vue des décideurs politiques, leur ambition, leur vision, le rôle des collectivités locales dans l’aménagement du territoire, en lien avec toutes les transformations et les mutations en cours évoquées ce matin.
• Héric ANDRÉ – Maire de Vieux-Fort et deuxième vice-président de l’association des maires de la Guadeloupe
• Jean BARDAIL – Maire de Morne-à-l’Eau, Président de la Communauté d’Agglomération du Nord Grande-Terre
• Ferdy LOUISY – Maire de Goyave et Président du Parc national de la Guadeloupe
• Sylvie GUSTAVE DIT DUFLO – Vice-présidente de la région Guadeloupe et Présidente de l’Office français de la biodiversité (OFB)
• Yves MONTOUROY – Maître de conférences à l’université des Antilles et politiste
Pour commencer, illustration d’une démarche originale et ambitieuse initiée sur la commune de Morne-à-l’Eau pour dynamiser le centre-bourg. Une vidéo réalisée par la Ville de Morne-àl’Eau sur l’écoquartier Cœur de Grippon présente l’initiative. Willy CORNELY qui est le chef de projet, va nous expliquer la philosophie de ce projet.
Willy CORNELY : L’objectif de ce film est de redonner une place beaucoup plus forte aux citoyens dans l’approche d’aménagement et dans les choix politiques. Cela a été dit, cette notion de transformation sera très difficile si la population n’est pas intégrée dans cette approche qui bouscule nos habitudes à la fois de techniciens (d’experts techniques), et d’élus. Cette démarche d’écoquartier, a été initiée dans le cadre de l’agenda 21 de Morneà-l’Eau où la population a fait remonter cette nécessité de reconquête du centre-bourg pour le rendre plus attractif, le redynamiser et répondre à leurs besoins.
Jean BARDAIL, vous avez de quoi être fier quand vous voyez un tel projet pour votre commune.
Jean BARDAIL : On peut être fier, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons l’intention d’aller au plus loin dans le cadre de la rénovation du bourg de Morne-à-l’Eau. Nous allons saisir les opportunités telles que
le programme Petite Ville de Demain, et intégrer d’autres organismes qui peuvent nous aider à rendre la ville plus attractive, plus accueillante, notamment pour les personnes âgées. Nous avons mis en place plusieurs sites d’hébergement tels que la résidence L’Accord Résilience, la Maison Fleurette (…) accompagnés de services de proximité.
Je compte aussi étendre toute cette action sur le Nord Grande-Terre (CANGT 3), faire en sorte que nos bourgs deviennent plus dynamiques, que nos communes soient plus accueillantes, et que le territoire soit plus attractif, mais de manière mesurée. Nous voulons garder notre authenticité, pour que le Nord Grande-Terre soit un lieu environnemental magnifique. Nous voulons préserver aussi tous ces espaces naturels que nous retrouvons dans toutes les communes de la communauté d’agglomération. Nous voulons préserver ce précieux bien que la nature nous a offert sur ce grand territoire.
À travers le SCOT 4 , le PADD 5 , et le DOCOB6 , nous mettons en place des politiques publiques pour mieux les intégrer.
J’aimerais avoir l’avis de deux autres maires qui sont sur ce plateau, celui de Vieux-Fort, Héric ANDRÉ, et celui du maire de Goyave, Ferdy LOUISY. Comment voyez-vous ce type de redynamisation du centre-ville, du centreBourg ? Souvent, on ne passe plus à l’intérieur des communes du fait des routes nationales. Est-ce que ce projet vous donne tout de même un peu d’espoir pour redynamiser le bourg, par exemple, de votre commune, M. Héric ANDRÉ ?
Héric ANDRÉ : Oui, bien évidemment, nous sommes une commune avec un contexte géographique particulier. Nous sommes entre la mer et la montagne, donc les possibilités d’aménagement doivent être bien réfléchies pour prendre en compte les besoins des administrés, les textes, les normes, tout en pensant à la nature et à l’héritage que nous laissons à nos enfants.
Quand on a une commune peu enclavée comme la vôtre, en raison de sa situation géographique, comment arrivez-vous à trouver le juste équilibre entre développement économique, développement social, et préservation de l’environnement ?
Nous pensons que ce n’est pas une particularité qui nous pénalise. Au contraire, c’est un avantage, c’est une opportunité. Pour qu’on puisse concevoir un aménagement qui soit en phase avec l’évolution de la population, on lui demande quels sont ses besoins, et on tient compte des exigences d’un cadre de vie permettant à chaque habitant de trouver son compte et de maîtriser son foncier. C’est pour cela que nous avons adhéré à cette dynamique, à cette équipe, à cet outil qu’est l’EPF, car il nous permet d’envisager des projets. Je suis content de voir le projet de notre collègue Jean BARDAIL. Nous sommes dans cette même direction. Il nous
appartient de définir des projets en fonction de nos particularités. Vieux-Fort n’étant pas Morne-à-l’Eau, il y a des projets intrinsèques à la commune pour lesquels une réflexion est menée. Les deux années passées, nous n’avons pas pu faire grand-chose, mais il nous appartient maintenant de faire éclore tous ces projets que nous avons déjà envisagés, et sur lesquels nous avons déjà avancé.
Ferdy LOUISY, vous avez une double casquette de maire de Goyave, mais également de président du Parc national de la Guadeloupe. J’aimerais d’abord faire réagir le maire que vous êtes. Pour vous, il faut opérer aujourd’hui un virage à 360 degrés. Qu’est-ce que vous entendez par là en matière de développement de territoire comme le nôtre, en termes d’aménagement notamment, tout particulièrement d’une commune comme la vôtre ?
Ferdy LOUISY : Tout d’abord, je souhaite féliciter le collègue maire de Morne-à-l’Eau pour cette initiative. Morne-à-l’Eau est la petite capitale de la biodiversité, une reconnaissance qui a été accordée au niveau national par l’association «Ecomer» dont j’assume la viceprésidence.
Par ailleurs, il faut un virage à 360° parce que nous avons de vraies problématiques. Jusqu’à maintenant, la conception de l’aménagement du territoire, la conception des bourgs devenus des bourgs anciens parce qu’on a fait de l’extension, n’a pas été suffisamment pensée. Si je dois jeter la pierre, je ne la jetterai pas sur les maires, ni sur les autres élus, mais plutôt sur les techniciens, les architectes et les autres aménageurs qui sont là pour nous aiguiller sur les perspectives. Je trouve intéressant de faire l’écoquartier en plein bourg, car on va restaurer. Ça permettra d’avoir une meilleure participation des populations. Je crois qu’en termes d’exposition, de démocratie participative, il n’y a pas mieux pour préserver, pour valoriser,
que de faire participer les habitants du territoire. Le projet ne peut réussir que si on se l’approprie avec sa population, quel que soit le projet qui concerne notre territoire. S’il n’y a pas d’appropriation de la population, ça ne fonctionne pas. Cela vaut également pour les espaces naturels, la biodiversité et pour toute autre chose.
Les projets qui étaient présentés au niveau de ma commune, en termes d’écoquartier consistaient à déclasser des terres agricoles pour en faire des écoquartiers. Cet exemple illustre des projets non réfléchis dans la mesure où nous sommes déjà sur un territoire contraint. Qu’est-ce qu’on peut faire sur 1600 km² avec autant d’usages économiques, d’habitats, etc ?
Quelle est votre préconisation précise pour votre commune ?
Il faut commencer par ne pas considérer les bourgs comme des lieux d’abandon. Il faut inscrire la desserte de toutes les communes dans un schéma régional. Lorsque l’on construit des grandes rocades, qu’on isole le territoire ou qu’on le coupe en deux, et pour peu que Fiona (cyclone) passe et fasse tomber un pont pour recouper en deux le territoire (la double insularité), c’est une triple peine. Le maire n’a pas la capacité d’agir seul, parce qu’il y a d’autres intervenants sur son territoire, à travers la Région, le Département, l’État. Oui, l’État a une grande part de responsabilité dans la situation que nous vivons et les difficultés que nous connaissons sur notre territoire. Il faut que l’État prenne en considération les zones qui ont été faites à l’époque de la DDE qui ne tenaient pas compte des véritables usages du territoire. Une fois ce constat fait, il faut travailler ensemble. Il faut qu’au moment de construire le schéma d’aménagement régional, il y ait la même concertation que celle conduite par Corine VINGATARAMIN, dans tous les territoires à l’époque avec M. Christian JEANCHARLES.
Les déséquilibres sont créés en Guadeloupe parce que chacun fait son chez soi. Je le vois, par exemple, sur le territoire des Abymes. Il y a eu un aménagement, sur la zone de Dothémare et maintenant l’aéroport est obligé de réfléchir à « Comment éviter les inondations ? », « Comment faire pour que les inondations ne retournent pas sur les Grands Fonds ? », … Aujourd’hui, on pense l’aménagement par rapport à son propre territoire, c’est-àdire son pré carré. Or, ce n’est pas comme ça qu’on doit concevoir l’aménagement sur un territoire comme celui de la Guadeloupe. On n’a pas de grande zone pour nous permettre de gérer des inondations qui seraient issues de l’aménagement de chacun.
Est-ce que vous avez le sentiment qu’on a tiré, par exemple, les enseignements de Fiona ? Ou, au contraire, pensez-vous que l’on n’anticipe pas suffisamment les conséquences des changements climatiques?
Aujourd’hui, il faut repenser ces villes littorales. On ne tient pas compte de l’agenda de l’ONU qui parle de la ville de demain, pour la seule raison qu’on prend pour acquis l’abondance de la nature. On ne se rend même pas compte que nous sommes en train d’être le territoire où il y a le plus de contraintes par rapport à tous ces risques naturels qui nous frappent de plein fouet. Les pays insulaires seront les réfugiés écologiques de demain. Il faut repenser l’aménagement sur le littoral et réfléchir à l’assainissement. Il y a la montée des eaux, le phénomène d’inondations, les zones de menaces graves pour les vies humaines. Tous ces éléments sont renvoyés aux maires. Ce qu’on espère c’est que la Région qui a décidé de prendre l’Agence des 50 pas géométriques en main, prendra bien conscience de la grosse difficulté que cela représente. Parce qu’on a toujours hérité de l’État sans qu’il ne nous donne des compensations nous permettant de poursuivre le travail qui n’avait pas été fait pendant des années. Ça a été le cas pour les écoles, maintenant c’est le cas pour le littoral etc.
Y-a-t-il souvent des transferts de compétence qui ne sont pas toujours accompagnés de tranferts financiers ?
Pas de transferts financiers ou de connaissances. La connaissance, qui nous permet d’agir et de définir nos politiques, est particulièrement importante. On la néglige trop souvent en pensant que c’est d’abord l’aspect financier qui prévaut. La connaissance vous permet de faire des économies incommensurables. C’est d’ailleurs le travail que nous faisons au Parc national de la Guadeloupe. Si nous n’avons pas les expertises ou les compétences, on ne peut pas définir de politique publique.
Sylvie Gustave dit Duflo, vous êtes à la fois Vice-présidente à la Région Guadeloupe et Présidente de l’Office français de la biodiversité. Quelle est votre crainte aujourd’hui face aux aléas climatiques ?
On dit souvent qu’on risque de devenir des réfugiés climatiques d’ici 2050. Est-ce que vous partagez cette crainte ?
Sylvie GUSTAVE DIT DUFLO : Oui, totalement. Je rejoins les propos du maire Ferdy LOUISY. En fait, il faut que nos politiques publiques soient dans la prospective. Évidemment, il faut répondre aux besoins présents, mais à l’aune du réchauffement climatique, il faut également pouvoir se projeter. « Comment notre territoire sera en 2035 ? », « Comment il sera en 2050 ? En 2080 ? En 2100 ? », « Comment notre population va-t-elle faire face ? ».
Pour pouvoir se projeter, il faut des outils de prospection. C’est pour cela que la région avait lancé le GREC . C’est l’équivalent du GIEC, à l’échelon local, qui regroupe la Région, le pôle de compétitivité Synergîles, le BRGM, des universitaires...
En 2018, on a sorti le Cahier du littoral, qui indiquait déjà très clairement, qu’en raison du réchauffement climatique, nous aurons des zones et des périodes de sécheresse plus longues, une diminution d’à peu près 15 à 20%
de la pluviométrie et que, lorsqu’elle serait présente, on aurait des catastrophes de type Fiona.
Les cyclones sont mesurés à l’aune du vent, des bourrasques etc. Fiona, c’était une tempête en termes de classes de vent, mais elle avait les caractéristiques d’un ouragan en termes de débit de pluie déversée, avec des crues records.
J’ai demandé à la Direction Énergie de la Région de réactiver ce groupe qui doit nous donner des préconisations, des impulsions pour nous alerter quant à l’augmentation du niveau de la mer. Cela impacte notre quotidien. Prenons le cas de la crise de l’eau. Actuellement, nous prélevons 105 millions de mètres cubes dans nos eaux de surface et dans les nappes phréatiques, et nous en perdons 60%. C’est énorme, nous sommes en train d’accélérer le mauvais état de nos milieux aquatiques naturels. La crise de l’eau a orienté tous les investissements sur les canalisations d’eau potable. En ma qualité de présidente de l’Office français de la biodiversité, puisque c’est l’OFB qui portent les investissements au titre du plan, j’ai une vue à 360° sur tout ce qui se passe sur l’ensemble des territoires ultramarins. Et ce qui se passe sur la Guadeloupe n’est pas exclusif à la Guadeloupe, mais à l’ensemble des territoires. La crise de l’eau fait que les investissements sont partis en priorité pour remettre l’adduction à niveau. Et on a négligé l’assainissement qui est en train d’exploser, de dégrader nos récifs coralliens de manière accélérée, nos écosystèmes marins, nos herbiers, phanérogames Or, 90% des touristes viennent chez nous pour cette biodiversité, pour ces plages. Il y a donc un enjeu majeur, urgentissime, à aller sur de l’assainissement et des rejets conformes dans les milieux aquatiques.
J’écoutais l’ensemble des interventions, il ne faut pas oublier quelque chose de fondamental : l’homme fait partie de cette
biodiversité. Lorsqu’on l’oublie, le retour de bâton de bâton est extrêmement sévère. Il est même question d’enjeux de survie et d’impact sanitaires sur la santé de l’humain. Nous avons des enjeux tels que l’assainissement, il faut y travailler. Le SAR va être un formidable outil prospectif, où on va dessiner la Guadeloupe de demain. Mais attention, ce n’est pas une Guadeloupe pour 2030. Il faut qu’on fasse preuve d’ingéniosité, de concertation avec l’ensemble des maires pour dessiner la Guadeloupe de 2100. C’est là qu’est le vrai challenge de la réponse aux impacts du changement climatique. Après l’assainissement, je peux parler également des sargasses. Mme VINGATARAMIN a parfaitement raison. Aujourd’hui, on a perdu de la saisonnalité, il y a des échouements de sargasses de janvier à décembre. Les citoyens dont la maison est impactée vous disent que leur maison ne vaut plus rien. Vivre avec une odeur neurotoxique, car l’hydrogène sulfuré, et l’ammoniaque sont des molécules neurotoxiques, provoque des nausées, des céphalées, des troubles respiratoires (…) Qui veut vivre dans cet environnement ? Mais surtout qui veut élever des enfants dans cet environnement ?
On peut comprendre parfois que ce territoire n’est pas toujours attractif, en tout cas pour l’instant dans certains domaines ? On peut comprendre aussi que nos jeunes ont tendance à partir sans forcément vouloir revenir ?
Je suis également enseignante, enseignantchercheur à l’Université des Antilles, et je vois comment les choses se passent. On est tous passés par là, même ceux qui sont présents aujourd’hui aux commandes. Il y a un moment où on a envie de partir. On a envie de quitter ce territoire parce qu’on a envie d’ailleurs, et c’est le propre de la jeunesse, de vouloir voir ailleurs. C’est utile. Mais ce qu’il faut aujourd’hui, c’est donner l’envie de revenir, l’envie de reconstruire, l’envie de bâtir.
Et c’est cela qu’on doit donner à nos jeunes, ce goût pour l’amélioration du cadre de vie, l’envie de revenir, l’envie de faire des enfants et de construire leur famille. Et c’est là tout l’enjeu pour les années à venir, parce que la chute de la démographie va être également la face nord de l’Everest parce qu’il faudra repenser toutes nos activités à l’aune de ce vieillissement accéléré de la population.
Héric ANDRÉ, en votre qualité de Viceprésident de l’Association des maires, est-ce que vous avez le sentiment que la plupart des maires ont pris conscience des dangers climatiques, des risques qui sont à nos portes aujourd’hui et qu’il faut revoir les politiques publiques ?
Héric ANDRÉ : Bien évidemment. S’il y a un de nos collègues qui ne l’a pas fait, je pense que c’est dommage. Fiona nous a donné suffisamment d’éléments pour que nous puissions nous remettre en question et mettre en cause nos orientations d’aménagement. Nous avons suffisamment d’éléments, de vécu, et nous avons aussi et surtout une vision des conséquences qui auraient pu être beaucoup plus dommageables si les choses avaient continué. On ne peut pas rester insensible à cette nécessité de prendre en compte toutes ces considérations.
Il ne faut pas non plus oublier que nous avons une population qui est vieillissante. Nous devons nous réunir et être consensuels autour de politiques d’aménagement à mettre en place afin qu’elles soient véritablement adaptées et prennent en compte toutes ces réalités. Ferdy LOUISY l’a bien expliqué, il faut faire partie de notre environnement. Nous n’avons pas à lutter contre la nature, nous allons être perdants. Il faut que nous soyons en mesure de vivre en consensus avec notre environnement. Toutes nos politiques publiques doivent être conçues avec cet objectif : la cohabitation de l’humain et de la nature.
Jean BARDAIL en tant que Président de la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre, est-ce qu’il y a une réelle prise de conscience sur la nécessité d’activer les leviers qu’offrent les communautés d’agglomération pour agir collectivement ?
Jean BARDAIL : C’est ce que nous faisons dans le Nord Grande-Terre, puisqu’il y a une très forte collégialité dans nos décisions. Nous essayons aussi de mener une politique d’équilibre du territoire afin que chacune des communes puissent progresser de manière équitable. Nous sommes un territoire où on peut encore accueillir des investisseurs, ceux qui viennent avec des projets viables, des projets qui vont contribuer au développement du territoire sur le long terme tout en préservant cette biodiversité. Nous sommes des communes bordées par la mer, nous sommes des communes littorales, donc le schéma de mise en valeur de la mer nous intéresse grandement.
Nous avons des projets conséquents concernant le développement de chacune de nos communes. Je suis très conscient du fait qu’aujourd’hui nous devons avoir, pour la Guadeloupe, une vision de l’équilibre du territoire, ainsi qu’une vision pour la préservation de ce qui reste encore du pays.
Je m’adresse à tous les Guadeloupéens pour leur dire de ne pas vendre leur terre à n’importe qui et n’importe quel prix. Il faut préserver ce qui peut encore l’être. On a abordé des thèmes sérieux ce matin, tels que le vieillissement de la population. Cela m’inquiète personnellement, car toutes les prévisions indiquent que dans 30-50 ans, la Martinique et la Guadeloupe seront les deux départements les plus vieux de France. Il convient donc de mettre en place des voies et moyens pour tenter de contenir tout cela, garder nos jeunes qui ont de très fortes capacités pour faire avancer la société guadeloupéenne. Ils doivent revenir. On doit leur proposer des éléments d’attractivité pour les inciter à revenir nous accompagner. Nous avons besoin d’accompagnement, nous qui sommes des élus.
Il faut essayer aussi de mettre en oeuvre une politique rentable en matière d’assainissement, puisque c’est un sujet dont nous souffrons énormément en Guadeloupe. Préserver les espaces sensibles et naturels est également crucial. Il en va de la qualité de notre pays Guadeloupe.
Beaucoup de thèmes ont été abordés ce matin et je le dis aussi, en m’adressant à la directrice de l’EPF pour lui dire que nous croyons que c’est un outil important qui participe au développement de la Guadeloupe et à sa raison de vivre. Maîtriser la politique foncière dans ce pays Guadeloupe, puisque nous ne sommes pas un territoire extensible, nous sommes un petit pays, nous devons le penser très souvent. Nous devons nous approprier ce pays Guadeloupe. Nous sommes menacés par les aléas climatiques, nous le savons, nous sommes un pays à risque. Mais nous sommes aussi, un pays envié. Il s’agit pour nous d’avancer, et d’exister dans notre pays sinon d’autres viendront et feront pour nous.
Yves MONTOUROY, vous êtes maître de conférence à l’université des Antilles. On a bien vu ce matin à travers les différentes interventions qu’il y a des tensions entre les usages du foncier et les conflits d’usage. Le foncier est parfois perçu comme une certaine rente. Est-ce que c’est le constat que vous faites ?
Yves MONTOUROY : Oui, tout à fait. Il y a plusieurs choses à voir. La matinée a été extrêmement riche, extrêmement dense, et cela confirme l’idée que la Guadeloupe est un territoire insulaire sentinelle des transitions écologiques, un laboratoire d’expérimentation de la réorganisation d’un territoire face aux enjeux que sont la transition écologique, la protection de la biodiversité, le développement économique, la justice sociale, etc.
En effet, la question de la rente foncière, est une entrée classique dans les travaux académiques, dans l’étude de l’action publique locale. Le foncier, les usages du foncier créent des ressources, créent des rémunérations, et il y a cette idée classique qu’il faut maximiser les ressources qu’on peut gagner avec les usages fonciers. Dans le même temps, on a cette capacité d’en sortir. C’est peut-être aussi cela qu’on peut sortir d’une vision privative, concurrentielle pour maximiser une rente qui peut ouvrir le débat et optimiser les journées comme celle-ci. On pourrait revenir sur deux problématiques transversales qui ressortent à travers les différentes présentations et les échanges qui ont pu avoir lieu avec la salle et au sein des tables rondes. On voit bien que le foncier est porteur de multiples attentes. Des attentes économiques, des attentes environnementales, des attentes dans le secteur de l’agriculture, etc. Une des questions est de savoir « Comment rendre cohérentes toutes ces attentes ? ». Car ces attentes peuvent être contradictoires, elles peuvent s’opposer, elles peuvent être conflictuelles. À travers les échanges, on le voit.
On a l’impression, statistiquement que le foncier agricole est largement disponible, mais sur le terrain, que constate-t-on ? On se rend compte d’une conversion et d’une artificialisation du sol agricole, de la fragmentation du foncier agricole, des ventes du foncier agricole, que les jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer en agriculture et n’arrivent pas à avoir accès à la terre à cause de sa concentration.
Quand on parle de l’habitat insalubre et des risques pour les occupants. Effectivement, d’un côté, il y a une labellisation, l’habitat est insalubre, c’est un risque, mais de l’autre côté, les habitants refusent de quitter leur habitat. Pourquoi ? Comme ça a été évoqué par Madame VINGATARAMIN, il faut avoir un regard sociologique. Ces habitants, leur maison c’est leur vie, c’est leur parcours de vie, c’est leur réseau social, c’est leur proximité, c’est leur voisinage.
Les solutions passent-elles donc par le dialogue ?
Oui. L’initiative de Morne-à-l’Eau le montre, les retours d’expérience à Petit-Bourg le montrent également, il faut du dialogue avec les usagers. On parle aujourd’hui de démocratie environnementale, de concertation. Il faut dialoguer avec les usagers pour trouver des solutions gagnantes pour tous. C’est peut-être là le deuxième point transversal que j’identifie avec cette matinée ; Comment favorise-t-on ce dialogue ? On parle de dialogue territorial, de concertations. Les différents intervenants agissent tous dans des marges de compétences fixées par la loi qui assure le respect des codes de l’urbanisme par exemple, la veille légale. La loi oblige les collectivités locales à mettre en place des documents stratégiques (SAR, PLU…). La loi prévoit aussi des espaces de concertation. Mais ces espaces sont à fabriquer. Il y a par exemple obligation d’avoir un Comité Eau et Biodiversité, mais que veulent en faire les
acteurs ? Idem pour le SAR : Qu’en feront les acteurs ? Comment façonne-t-on un dialogue territorial ? Comment met-on en commun des problèmes d’accès au foncier ? Comment définit-on ensemble des solutions ? Toutes ces choses appartiennent pleinement aux acteurs d’un territoire.
Peut-on dire que les vulnérabilités identifiées ne sont pas des freins ou des obstacles, mais bien au contraire, des opportunités de dialogue et de recherche de solutions ?
C’est effectivement sortir d’une relation concurrentielle où chaque acteur veut maximiser ses attentes et ses gains liés au foncier. Un agriculteur qui obtient la constructibilité de son terrain, multiplie par 4 la valeur du foncier agricole. Quand on connait les retraites des agriculteurs, et les conditions de rémunération des agriculteurs tout au long de leur vie professionnelle, c’est une manne dont l’agriculteur ne peut pas se passer. Comment, par la suite, les collectivités territoriales, l’État prennent en charge les conséquences de ce choix individuel qui ne peut être reproché à l’individu ? Il a besoin de vivre, de payer ses impôts, de se nourrir etc. C’est à ce titre que je parle de dialogue territorial. Mettre en commun des problèmes, favoriser la concertation. Ce n’est pas une vue de l’esprit. La table ronde précédente ainsi que les précédentes interventions montrent que fabriquer du compromis, mettre en commun des problèmes, c’est le travail quotidien des collectivités locales et de tous les établissements publics. Oui, l’accès au foncier pose des risques concurrentiels. Les usages du foncier peuvent créer des externalités extrêmement négatives pour un territoire, jusqu’à hypothéquer son avenir (pollution des sols, destruction des mangroves, des barrières de corail…). Mais en même temps, tout le monde est là pour en parler.
Ensuite, se pose la question de la forme à donner à ce dialogue territorial. Qui va l’animer ? Qui va essayer de mettre ensemble tout le monde autour d’une table ? Qui va parler des choses qui fâchent : les règles, les ressources à mettre en commun dans une perspective d’intérêt général et pas seulement pour son périmètre communal ? Tout ça, ce sont des choses qui sont vécues au quotidien et c’est peut-être un pas supplémentaire aujourd’hui, dans certaines expérimentations territoriales. On va parler d’observatoire des territoires dans certains secteurs, dans d’autres, on va parler de démocratie locale avec les rénovations de quartier, etc. C’est une méthodologie pour reprendre un peu de manière transversale sur ce que montre la matinée. C’est une méthodologie, que les acteurs, les parties prenantes en présence doivent fabriquer ensemble, accepter, suivre. C’est ce qui garantit la robustesse d’un dialogue territorial.
Je veux terminer cette table-ronde avec deux interventions. D’abord, on n’a pas beaucoup parlé du Parc National et du développement durable, et ça passe aussi par ça. Ferdy LOUISY : Oui, ça passe par cela, et d’ailleurs, on l’a fait dans un espace totalement démocratique, totalement libre, à travers la charte de territoire que nous signons avec les différentes communes pour accompagner chacune d’entre elles dans leur projet de développement durable. Prenons encore l’exemple de la commune de Morneà-l’Eau. On accompagne, par exemple, un projet qui aurait été d’une grande utilité : l’accompagnement des EPCI par le Parc National, notamment les deux EPCI de la Basse-Terre, sur leurs projets de GEMAPI . Parce qu’on a la connaissance des milieux, notamment des rivières, et on n’a jamais su, depuis des années, gérer les rivières. On développe à travers le projet PROTEGER le génie végétal. Mais il ne faut pas voir le génie végétal comme étant en conflit avec le génie
civil. On peut être complémentaire, mais il faut aussi que nous, élus, acceptions cela. Nous devons accepter de ne pas être exclusifs dans notre conception de la politique et qu’il y ait d’autres alternatives qui existent, notamment, à travers ces solutions qui passent par la nature et qui sont d’une grande utilité, et qui ont le soutien de l’État, parce que l’État est régalien en matière de biodiversité.
Le Parc National préserve aussi les usages et les traditions. Prenons l’exemple de l’îlet Blanc dans le grand cul-de-sac marin : c’est toujours fréquenté, mais avant, les gens savaient à quel moment y aller et à quel moment ne pas y aller. Quand j’observe les dégradations qu’on a eues sur l’îlet Caret, qui est le seul îlet non-protégé, contrairement à l’îlet Fajou, l’îlet Blanc, la Tête à l’Anglais, Kawane, les îlets Pigeon. Heureusement qu’il y a un Parc en Guadeloupe, pour nous contraindre de ne pas nous détruire nous-mêmes. Ça devient un peu gênant, parce que les gens nous en veulent, mais quand vous faites la somme des actions individuelles, ce sont des actions individuelles qui détruisent le pays. Et encore une fois, je le dis, on doit travailler dans une gouvernance partagée. Demain, on va parler d’une gouvernance partagée, l’État, les collectivités, la société civile, on a besoin de tout le monde pour travailler ensemble au développement de ce pays.
Pour finir sur l’eau, 90% du territoire de la Guadeloupe, c’est de l’eau. Et on ne pourra pas échapper à la protection, la préservation de nos eaux contre les pollutions, contre nos propres pollutions, assainissements, sargasses etc. 90% du territoire guadeloupéen, c’est de l’eau. 10% de la biodiversité nationale est représentée en Guadeloupe.
Jean BARDAIL : Juste pour dire à Ferdy LOUISY que Morne-à-l’Eau est cœur de Parc. C’est peut-être pour ça que nous sommes la ville la plus marquée en matière de biodiversité guadeloupéenne.
Très rapidement pour m’adresser aux bailleurs, qui sont des partenaires importants dans le domaine de l’aménagement et du développement de la ville. Je travaille avec presque tous les bailleurs qui mènent de grands travaux à Morne-à-l’Eau - SIG, SEMAG, SIKOA. Je compte sur eux pour l’aménagement. Aujourd’hui, on ne vient plus faire de grands blocs de béton, il faut des habitats aménagés qui répondent aux caractéristiques de la Guadeloupe, mais aussi à la mentalité guadeloupéenne. Et c’est ce que nous allons essayer de faire.
Nous avons de nombreux projets en gestation, au-delà de ce que M. CORNELY a présenté. Nous avons de grands projets quant à l’aménagement des rues, notamment de la rue Achille René-Boisneuf. Il faut prendre exemple sur ce qui se passe à l’extérieur. Je suis allé dans la ville de Tours et j’ai beaucoup aimé la structuration de cette ville, où il y a beaucoup de parcours piétons. Je crois que nous devons arriver à ça, que les vélos prennent leur place véritablement en Guadeloupe, que nous ayons beaucoup de parcours où les gens peuvent marcher pour favoriser la mobilité douce. Ça nous manque en Guadeloupe. Il nous manque aussi des parcs paysagers. Nous en avons à Petit-Canal, au centre-ville et à Duval. Je m’adresse au Président de la SAFER, il faudrait créer plusieurs parcs à Morne-àl’Eau, pour se divertir, se balader. Nous avons besoins d’espaces naturels.
Héric ANDRE : On a parlé de beaucoup de difficultés, nous perdons de la population. Vieux-Fort, est une des deux dernières communes à avoir une population très vieillissante. Les élus sont déterminés. Moi, je ne pars pas, je reste ici. Donc on peut compter sur les gens qui restent. Je dis aux gens qui restent, il faut trouver des espaces de consensus pour envisager des choses ensemble en prenant en compte toutes les dimensions et obligations que nous avons et aussi valoriser l’EPF. L’EPF est à notre service pour nous aider à réaliser cette programmation et tout cet aménagement. C’est important de le dire parce que très souvent on nous fait passer pour des élus qui ne sont pas en phase avec la population, qui ne sont pas en phase avec les ambitions, qui ne sont pas en phase avec les réalités. Nous, les maires, nous souhaitons en toute occasion nous mettre ensemble, discuter. L’EPF le permet quand nous avons des projets. Nous discutons autour des projets, autour de l’esprit des projets. Nous tenons compte de la réalité, l’histoire, de la culture de ces espaces-là. Cela est important.
Je pense que nous sommes déjà dans l’idée de relever ces défis.
38 000 logements sociaux en Guadeloupe 10 000 demandes de logements sociaux Fichier national pour la Guadeloupe
22% des Guadeloupéens ont entre 20 et 40 ans en 2012
19% des Guadeloupéens ont entre 20 et 40 ans en 2012
44 âge médian (41 ans au niveau national) en 2022
25 000 habitants perdus entre 2012 et 2022
Répartition Hommes / Femmes
mineurs vivent avec leurs deux parents (68% au niveau hexagonal)
Enfants mineurs vivent dans une famille monoparentale (21% au niveau hexagonal)
Enfants mineurs vivent dans une famille recomposée (11% au niveau hexagonal)
des Guadeloupéens sont éligibles au logement social des Guadeloupéens résident en logement social des Guadeloupéens sont éligibles au logement très social
1 500 hectares mobilisables dans les dents creuses des centres anciens estimation en 2013
1 776 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers artificialisés entre 2011 et 2020
10 000 hectares de terres agricoles en friche
31% de terres agricoles sur la superficie totale de la Guadeloupe
80% 65%
Entre 60 et
173 000 résidences principales sont recensées en Guadeloupe
36 000 logements vacants (20% des résidences principales)
Annexe 3