Réalité Virtuelle : La Renaissance du Virtuel NGU Tho-Phuoc
Promoteur : David Erkan Faculté D’Architecture La Cambre Horta Université Libre de Bruxelles, 2016-2017
Photo de couverture : Figure 1 : The Future Is Now. GONZALES, Josan. The Future Is Now, 2015, IX Citadel, https://ixcitadel.com/, consultĂŠ le 10 juillet 2017
Réalité Virtuelle : La Renaissance du Virtuel NGU Tho-Phuoc
Promoteur : David Erkan Faculté D’Architecture La Cambre Horta Université Libre de Bruxelles, 2016-2017
Mots-clés : réalité virtuelle, virtualité, perspective, Renaissance, culture numérique
Table des matières 1.
Introduction ...............................................................5
2.
La réalité virtuelle......................................................7
2.1.
2.2.
3.
1
Définition...................................................................................... 7 2.1.1.
Réalité virtuelle.................................................................. 7
2.1.2.
Réalité augmentée ............................................................ 8
2.1.3.
Réalité mixte ..................................................................... 8
Applications ................................................................................. 9 2.2.1.
Médical.............................................................................. 9
2.2.2.
Apprentissage ................................................................. 13
2.2.3.
Militaire............................................................................ 17
2.2.4.
Social .............................................................................. 20
2.2.5.
Professionnel et Industriel ............................................... 23
La perspective du réel ............................................24
3.1.
Avant la Renaissance ................................................................ 24
3.2.
Perspective ................................................................................ 29
3.3.
Trompe-L’œil ............................................................................. 31
3.4.
Panorama .................................................................................. 34
3.5.
Virtuel ........................................................................................ 38 3.5.1.
Définition ......................................................................... 38
3.5.2.
Architecture virtuelle ........................................................ 39
4.
L’évolution de la réalité virtuelle ............................. 40
4.1.
L’ancêtre de la réalité virtuelle ................................................... 40
4.2.
Les premiers essais ................................................................... 43
4.3.
Les premiers échecs .................................................................. 48
4.4.
Revalorisation soudaine ............................................................. 54
5.
L’interface homme-machine ................................... 59
5.1.
L’impact de la technologie.......................................................... 59
5.2.
La culture cybernétique .............................................................. 61
5.3.
La culture numérique ................................................................. 68
5.4.
Les dangers du virtuel ................................................................ 73
6.
L’architecture ......................................................... 75
6.1.
Introduction ................................................................................ 75
6.2.
L’espace virtuel .......................................................................... 77
6.3.
6.2.1.
Maquette Virtuelle ........................................................... 77
6.2.2.
CALVIN ........................................................................... 79
6.2.3.
Réalité mixte ................................................................... 82
Médium de communication ........................................................ 85 6.3.1.
Visualisation architecturale .............................................. 85
6.3.2.
Apprentissage ................................................................. 86
2
6.4.
MĂŠthode et interface de conception. .......................................... 88 6.4.1.
Iris VR ............................................................................. 90
6.4.2.
Unreal Engine ................................................................. 91
6.4.3.
Autodesk VR ................................................................... 92
6.4.4.
Hololens et Greg Lynn..................................................... 93
7.
Conlusion................................................................95
8.
Glossaire ................................................................99
9.
Bibliographie .........................................................102
10.
Tableau des Illustrations .......................................107
3
Remerciements Ces cinq dernières années ont été riches en émotions et en rencontres pendant lesquelles j’ai appris à m’ouvrir au monde, à observer attentivement, à penser différemment et à créer autrement. Ce long parcours ne fut pas de tout repos, car il fut parsemé d’obstacles, de moments de doute, de remises en question et de stress, mais en ne baissant pas les bras, il est toujours possible d’atteindre ses objectifs. Tout d’abord, je voudrais remercier Victor Lévy et David Erkan pour leur confiance et leur conseil tout au long de cette dernière année qui aura énormément participé à mon épanouissement tant sur le plan personnel que professionnel. L’atelier Digital Fabrication Studio m’aura permis de concevoir autrement l’architecture et d’éveiller en moi des compétences jusque-là enfouies. J’aimerais également remercier plus particulièrement Jean-Louis Decoster, Dimitri Pirnay et Evarest Schoofs de l’équipe de Poolpio et One Bonsai pour leur soutien, leur aide et les connaissances que vous m’avez apportés sans lesquels mon projet et ce mémoire n’auraient sans doute pris cette direction. Merci à toutes les personnes que j’ai pu rencontrer lors de mon Erasmus à Ferrara en Italie avec lesquelles j’ai pu apprendre tant de choses, visiter tant de lieux et découvrir une magnifique culture ainsi qu’une merveilleuse langue. Enfin, je voudrais remercier ma famille, mes parents et mes sœurs pour leurs encouragements et leurs confiances durant ces dernières années : Chan, Shuxiong, Shuyang, Wan, John, Tam, Kim, Linh.
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1. Introduction L’objectif de ce mémoire est d’évaluer l’évolution des dispositifs de réalité virtuelle à travers l’histoire et d’étudier leur implication dans les différents secteurs d’activités, de comprendre les notions de virtualité et d’environnement virtuel et enfin d’observer de quelles manières cette technologie est en mesure d’influer ou de transformer le(s) processus de conception architectural.
De nos jours, la technologie prend une place de plus en plus importante dans tous les aspects de notre vie quotidienne et elle tend à amener davantage le virtuel vers le monde réel. Plusieurs décennies auparavant, tout cela nous semblait encore de la science-fiction, mais il sera commun de voir dans un futur proche des personnes se promener avec des lunettes connectées, des gants sensoriels ou encore d’observer des projections holographiques flottant dans les airs. Dans le premier chapitre, nous chercherons à définir la notion de réalité virtuelle et d’identifier quels en sont les champs d’application. En effet, bien que le terme réalité virtuelle soit fortement lié aux jeux vidéo, cette technologie possède d’autres usages dans le domaine médical, militaire, social et dans celui de l’éducation. Dans le deuxième chapitre, nous allons remonter à l’essence même de la réalité virtuelle et nous allons adopter une approche philosophique des questions que pose cette technologie. La virtualité renvoie à des notions fondamentales d’époques plus anciennes où le virtuel correspondait au divin, à quelque chose d’invisible et d’immatériel. Est-ce que cette relation au virtuel n’aurait-elle pas toujours été présente ? Nous chercherons à travers l’histoire des œuvres démontrant cette dimension et nous étudierons la manière dont elle évolue, plus particulièrement au travers de la Renaissance et de l’avènement de la perspective. La réalité virtuelle ne serait-elle pas ce que la perspective était à la Renaissance, c’est-à-dire, une représentation du monde virtuel dans lequel s’est bâti notre ère de l’information ? Dans le troisième chapitre, nous allons parcourir l’histoire de la réalité virtuelle en recherchant ses ancêtres afin de comprendre l’engouement des années 60, mais aussi de la raison pour
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laquelle les premiers dispositifs ont été interrompus. Il sera notamment intéressant de distinguer leurs points communs et d’établir un lien avec les découvertes en optique. Dans le quatrième chapitre, nous aborderons la relation entre l’Homme et la machine tout en nous concentrant sur le développement du numérique et de la littérature cyberpunk qui s’est développé autour. En effet, durant les années 70 jusqu’aux années 90, de nombreuses œuvres et films sont apparus et eurent pour même thème la cybernétique dans laquelle sont déjà évoqués les casques de réalité virtuelle que nous connaissons aujourd’hui. Afin d’introduire le dernier chapitre, nous mettrons en parallèle l’évolution de la technologie et de la littérature avec celle de l’architecture.
Enfin, dans le cinquième chapitre, nous analyserons des projets qui intègrent le virtuel dans leurs travaux afin d’en dégager des pistes. Durant ces dernières années, les architectes se permettent de plus en plus d’expérimentation dans la géométrie à l’aide de l’informatique, le médium se serait-il transformé pour se diriger du numérique vers le virtuel ? Il y eut sans nul doute un bouleversement notable avec l’arrivée de l’ordinateur au sein des bureaux d’architecture, mais il faudra tout d’abord comprendre l’évolution et l’histoire de la réalité virtuelle dans son ensemble pour pouvoir déterminer le potentiel de cette nouvelle technologie.
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2. La réalité virtuelle Les composants informatiques se démocratisant et les processeurs devenant de plus en plus performants, plusieurs dispositifs ont pu être développés en utilisant de l’électronique de pointe comme écrans de haute qualité, des lentilles améliorées, des capteurs de précision, des caméras poussant les limites de la simple imagerie.
Réalité et virtuel, qui semble être deux mots de sens contraire, coexistent, car le virtuel ne peut exister sans le réel, le virtuel a toujours un référent au réel. Serge Salat relate dans son livre : « Le virtuel est la face invisible du réel ».1
Dans ce chapitre, nous allons définir la réalité virtuelle dans son ensemble et explorer les différents aspects de cette technologie avec des exemples concrets dans les domaines du médical, de l’éducation, du militaire, du divertissement, de l’art et de l’architecture.
La réalité virtuelle étant la plus répandue, il y a néanmoins trois notions à différencier : la réalité virtuelle (RV), la réalité augmentée (RA) et la réalité mélangée (RM).
2.1. Définition 2.1.1. Réalité virtuelle La réalité virtuelle (RV) ou virtual reality (VR) est un système qui nous immerge complètement dans un environnement virtuel. Le dispositif, qu’on appelle visio-casque ou Head Mounted Display (HMD), est composé de trois éléments principaux : un écran, des lentilles et un capteur gyroscopique de mouvement. La réalité virtuelle se base sur le principe de la stéréoscopie divisant l’affichage en deux flux d’image, chacun correspondant à chaque œil, ce qui donne cette impression de profondeur et de perspective.
1 SALAT Serge, La relève du réel - Les arts du chaos et du virtuel, Paris, éd. Hermann, 1997, 105
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2.1.2. Réalité augmentée La réalité augmentée ou augmented reality (AR) est un système qui est la superposition d’une image ou interface graphique avec le monde réel. Ce dispositif muni de caméras nous permet donc de continuer de voir l’environnement autour de nous tout en apercevant des informations graphiques reflétées sur une surface transparente, souvent du verre placé devant nos yeux. L’exemple le plus concret est l’affichage d’informations relatives durant un vol d’un avion pour un pilote ou encore l’affichage d’une carte GPS, la vitesse, le niveau d’essence sur le parebrise d’une voiture. En d’autres mots, nous pouvons la définir comme étant un supplément digital d’informations.
2.1.3. Réalité mixte La réalité mixte ou mélangée, mixed reality (MR) est la moins développée, mais est considérée comme le système avec le plus de potentiel. Pour la résumer simplement, elle consiste en un mélange de réalité virtuelle et augmentée. Sa particularité se trouve dans l’intégration d’objets virtuels dans le monde réel comme si ces objets en faisaient partie. Cette réalité essaie d’imiter au mieux notre perception afin d’adapter le monde virtuel au réel. Par exemple, lorsque nous nous déplaçons dans une pièce, une tasse virtuelle va nous apparaître telle que nous devrions la voir avec la perspective qui change en fonction de notre point de vue. La grande différence avec la réalité augmentée est cette adaptation au monde réel afin de rendre le résultat plus réaliste et moins statique.
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2.2. Applications 2.2.1. Médical
Figure 1. Height, social comparison, and paranoia (Daniel Freeman)
En 2016, 285 études de cas d’anxiété, de schizophrénie, de phobie, d’addiction ou encore trouble alimentaire ont été effectués dans lesquels la réalité virtuelle s’est révélée être pertinente. Daniel Freeman, professeur de psychologie clinique à l’Université d’Oxford, a dès lors lancé une courte étude2 sur 30 personnes atteintes de paranoïa. Ces personnes ont donc un trouble mental et elles ont une constante peur d’une agression soudaine. Freeman et son équipe ont donc développé une simulation dans laquelle le patient est immergé, par exemple, dans un ascenseur ou dans le métro rempli de personnes virtuelles. Dans une pièce vide intégrant des capteurs de mouvement et par session de 30 minutes, ils ont encouragé les patients à vaincre leur peur et petit à petit, à s’approcher des autres personnes. Le résultat est concluant : plus de la moitié des patients ont vu une diminution de leur paranoïa et lorsqu’ils sont retournés dans un environnement public réel, les patients se sont sentis moins en détresse.
En effet, même si ces études montrent des résultats positifs, ces dispositifs et programmes ne permettent pas encore de guérir complètement un patient. Dans ces cas-ci, l’étude indique que : « La réalité virtuelle permet de confronter un individu à des simulations de situations réalistes, au point de tromper ses sens et de le confronter à la source de ses angoisses. De
2
Freeman, D., Virtual reality in the treatment of persecutory delusions: randomised controlled experimental study testing how to reduce delusional conviction, The Royal College of Psychiatrists, 2016.
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fait, il n’y a plus besoin d’un thérapeute pour accompagner le patient dans un centre commercial très peuplé ou en haut d’un immeuble, par exemple. Même, des situations difficiles à reproduire dans la réalité, comme une agression ou la sensation de voler, peuvent être simulées. »3 Ces programmes de simulations peuvent être également utilisés afin d’influer sur l’intensité des stimulations et d’éviter les dépendances en s’évadant dans un autre monde sans avoir recours à du LSD ou autres psychotropes.
Figure 2. eSight 3 vue frontal (camera 21,5 mégapixels) et télécommande
Les avancées dans le domaine de la santé sont multiples et ne montrent que les débuts des possibilités de la réalité virtuelle. Elle est particulièrement utilisée pour des cas de troubles cognitifs, mentaux, psychomoteurs ou encore oculaires.
De nombreuses personnes ont pu améliorer et certains retrouver la vue avec les lunettes eSight qui s’adapte à la vision des patients souffrant de dégénérescence et maladie de la vue à travers des caméras et des écrans OLED de haute résolution. Le fonctionnement est assez simple : la caméra capture l’environnement et envoie le signal vers un ordinateur dans lequel ce flux est amélioré par un algorithme pour enfin s’afficher sur les écrans intégrés dans les lunettes. Une télécommande permet également d’agrandir et d’effectuer un zoom sur une partie de l’environnement. Cela a notamment permis à 85 %4 des patients aveugles d’améliorer leur vue et même aux personnes qui ne voyaient que de faibles lumières de recouvrer à nouveau la vue.
3
L., Bastien. Psychothérapie VR - La réalité virtuelle pour soigner la santé mentale, 28 mars 2017.[en ligne] 4 Esight Q&A,[en ligne] https://www.esighteyewear.com/faq
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Figure 3. Soins avec le patient immergé dans la simulation et l’interface, SnowWorld
Malheureusement, il reste encore 15 % des personnes avec des maladies spécifiques ou totalement aveugles et le coût de 10 000 $ est encore assez élevé. En 2008, Hunter Hoffman est directeur du Virtual Reality Analgesia Research Center à l’Université de Washington au département Human Interface Technology Laboratory (HITLab) et a développé avec plusieurs docteurs une simulation interactive 5, nommé SnowWorld afin de diminuer la douleur des patients sévèrement brûlés. Le problème avec ce type d’opération est l’impossibilité d’utiliser à plusieurs reprises des analgésiques ou fortes anesthésies, car les soins et changements de bandage doivent se faire régulièrement et quotidiennement.
Plusieurs de ces patients ne sont que des enfants ou des soldats grièvement blessés et afin de les distraire lors de ces opérations, les patients sont plongés dans cet environnement froid hivernal où ils lancent des boules de neige sur des pingouins. Avec cette méthode, au fil des jours, leur étude montre que 80 % des signaux du cerveau liés à la douleur ont fortement diminués durant la simulation et les patients déclarent que les soins apportés par les infirmières ne sont plus aussi douloureux, les qualifiant même « étant amusants ».
Dr Eric Malbos explique que former les médecins est tout aussi important que de développer des simulations pour les patients. Il ajoute dans son interview sur le salon Virtuality : « Avec le Dr Bouchard, professeurs au département de médecine de la Faculté de médecine de l’Université Laval et neurologue au Centre hospitalier universitaire de Québec, nous allons
5
Hoffman H., Virtual Reality Therapy, [en ligne] date consultation 8 juillet 2017, https://www.hitl.washington.edu/projects/vrpain/SCIAMFin.pdf, July 2004
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d’ailleurs former une société savante autour du RV dans la francophonie et son emploi dans la santé mentale : l’INFIRA (institut francophone et international de réalité virtuelle ou augmentée en santé mentale). Ces labels de qualité assureront aux professionnels comme aux patients que les environnements virtuels qu’ils utilisent ont un réel effet thérapeutique. » 6
De nombreuses recherches ont été menées afin de permettre aux personnes tétraplégiques de contrôler des bras artificiels ou de simplement analyser les signaux cérébraux. L’électroencéphalogramme (EEG) permet d’envoyer des signaux à une interface ordinateur qui les interprètent et les convertis en commandent. Dans leur étude de cas7, quatre scientifiques d’universités différentes (Londres, Barcelone et d’Autriche) ont créé un environnement virtuel dans lequel se trouvent des personnes virtuelles. Le but de cette expérience est d’entraîner le patient à déplacer sa chaise roulante vers les quinze avatars par sa propre pensée. Sur les deux premiers jours, le patient a pu se diriger vers 90 % de ces personnes et après quatre jours, il réussit le test à 100 %.
Figure 4. DataGlove et son brevet
En 1993, les personnes atteintes d’aphasie, plus couramment appelées muettes, étaient également déjà au cœur des préoccupations. GreenLeaf Medical parlait pour la première fois de GloveTalker 8 étant un système capable de transcrire les gestes effectués par l’utilisateur
6
Le Roy, S., La réalité virtuelle au service de la psychiatrie[en ligne] 24/02/2017 Friedman D., Leeb R., Pfurtscheller G., Slater M., A tetraplegic patient controls a wheelchair in virtual reality, 8 Jonassen D., Handbook of Research on Educational Communications and Technology (2nd Edition), Taylor & Francis, 2004 - 1210 pages 7
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en parole synthétisée par l’ordinateur. La communication par signes à distance peut être rendue possible grâce au RV en reconstituant les gestes. Les données des gestes sont captées par le DataGlove et ne requièrent pas de connaître le langage des signes, car chaque geste et mouvement peuvent être personnalisés.
2.2.2. Apprentissage Principalement développée pour le jeu et le divertissement, la réalité virtuelle avait néanmoins un but d’apprentissage plus spécifiquement dans les domaines de l’aéronautisme ou aérospatiale. Les pilotes d’avions ou astronautes ne pouvant être confrontés à des conditions propices à leur apprentissage sans encourir de risques ou pour de simples raisons financières, la solution la plus pertinente et la plus économique fut de créer des appareils de simulations réalistes et complètes. Cela permettra d’entraîner au mieux les pilotes avant leur première mission. Le Link Trainer, présenté dans le chapitre 3, est d’ailleurs le premier système de simulation pour pilote dans les années 30.
La réalité virtuelle permet plus spécifiquement de comprendre des objets et des phénomènes complexes. Des modèles de corps humain sont par exemple décomposés afin de faciliter l’apprentissage de l’anatomie ou des réactions chimiques sont animées pour nous aider à comprendre et expérimenter la chimie. Thomas Lopez, à l’origine du laboratoire VirtualiTeach, explique : « La réalité virtuelle permet d’explorer de nouvelles façons d’apprendre, et de travailler sur la mémoire kinesthésique.
Figure 5. V/Station, CLARTE, 2017 et Venturi, un tube de venturi modélisé faisant travailler les notions de conservation de l’énergie et de réversibilité de la pression dynamique
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L’équipe de VirtualiTeach a pour but de développer une interface virtuelle afin de favoriser l’apprentissage de phénomènes scientifiques, car même si les écoles sont assez bien équipées, plusieurs phénomènes ne sont pas visibles par l’œil humain. Le système V/station est composé d’un écran 3D incliné de 27 pouces, système de suivi, stylet, lunettes stéréoscopiques passives et d’un bras à retour d’effort. » 9 Dans le cas du phénomène Venturi, leur étude montre que « l’expérience a été perçue comme utile (utilité perçue) ; les élèves qui l’ont utilisé souhaiteraient la réutiliser dans le cadre d’une autre activité pédagogique (intention d’usage). Elle a également été perçue comme innovante, originale, captivante et haut de gamme (c’est-à-dire, qualités hédoniques), claire, simple, utilisable et fiable (c’est-à-dire, qualités pragmatiques) ainsi que plaisante, satisfaisante, enthousiasmante et bonne (c’est-à-dire, qualités affectives) » (Loup-Escande, p.34). Cette première expérience pose des questions sur le rôle de l’enseignant et la relation entre professeur et étudiant en est particulièrement changée. De plus, Daniel Dréau, directeur délégué aux enseignements professionnels et technologiques, déclare : « Ce n’est plus le professeur qui injecte les notions ; il est animateur, il organise la mise en situation de l’élève, observe ses réactions, répond à ses questions. »10
Figure 6. Modulation du Temple Angkor Wat, Monash University, 2017
9
Émilie Loup-Escande, Éric Jamet, Martin Ragot, Séverine Erhel, Nicolas Michinov, Clément Peltier et Thomas Lopez, « Concevoir des environnements virtuels éducatifs avec les utilisateurs finaux : Exemple du projet VirtualiTeach », Terminal [En ligne], 117 | 2015, mis en ligne le 25 novembre 2015 10 Soyez, F., Réalité virtuelle : vers un enseignement « augmenté » ?, 25 février 2015, TICE/Sciences [en ligne]
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En archéologie, des étudiants du SensiLab ont reproduit une modélisation du temple Angkor Wat
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au Cambodge du 12e siècle dans lequel ils ont ajouté un peuple virtuel de 25 000
personnes afin de recréer l’environnement et l’ambiance de l’époque. En superposant le modèle 3D du temple et celle de la ville actuelle, il est intéressant de voir comparer les modes de vie et hiérarchie de la société d’antan. Une exposition sera disponible en réalité virtuelle à l’université de Monash, Australie.
Jon Mac Cormack, artiste, chercheur et directeur du laboratoire SensiLab, explique par exemple que : « la simulation basée sur le dessin architectural, la fouille archéologique et l’exploration de la faune et de la flore pourrait permettre aux élèves d’expérimenter ce que le site aurait pu être à l’époque où il était une métropole prospère. Cela permet une restitution réaliste de ce à quoi cela ressemblait, comment les gens y vivaient, d’une manière qui n’a jamais été expérimentée jusque-là ». 12 L’apprentissage d’un sport passe aussi par l’entrainement et pendant longtemps, les coachs sportifs n’ont simplement utilisé que de simples carnets ou des tableaux pour expliquer à ses sportifs comment améliorer leur performance. La réalité virtuelle est dans ce cas-ci un compromis entre le jeu vidéo et l’entrainement sportif et Richard Kulpa de l’université de Renne 2 (France) présente dans ses travaux
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comment la réalité virtuelle peut être
bénéfique à la pratique d’un sport. Il explique qu’au rugby il est très facile de se faire avoir par des feintes de l’adversaire et afin d’accélérer l’apprentissage des subtilités du sport, le joueur peut être immergé dans une simulation avec de situations bien précises. Kulpa montre surtout que leur système permet au sportif de prendre de meilleures décisions et de prévoir et anticiper les mouvements de l’adversaire à l’avance. En plus de récolter les informations afin d’éviter au sportif de se blesser dans le futur, toutes ses simulations sont réalisables à plusieurs reprises sans danger et sans que l’adversaire ne se fatigue puisque celui-ci est virtuel.
11
Boyle D., Virtual Angkor Wat and other time travel trips coming to a VR headset near you soon, 23 Avril 2017 12 Renaud, Education : Comment la réalité virtuelle peut-elle améliorer l’apprentissage ?[en ligne], consulté le 27 juillet 2017 13 Kulpa, R., La réalité virtuelle au service de l'analyse et l’entraînement des interactions sportives, Richard Kulpa, 2017, Laboratoire M2S – Université Rennes 2 – INRIA Mimetic
15
Figure 7. Figure 7. Simulation d’entrainement au laboratoire Mouvement, Sport, Santé (M2S)
Pour les sportifs de haut niveau, il est important de pouvoir analyser leurs précédents matchs et l’immersion à travers la réalité virtuelle a un impact positif sur leur mental. Une société hollandaise a d’ailleurs conçu un programme de simulation de sport basé sur des données de matchs réels, mais ainsi qu’un environnement virtuel dans lequel les joueurs et les entraîneurs peuvent s’entrainer ou discuter de stratégies. L’étude est de simuler sur le casque des tirs au but avec des versions simulées négatives et positives où le ballon arrive plus ou moins proche du poteau. La version déclarée la plus crédible est la version positive. Robert Overweg, directeur chez Beyond Sports explique que : « c’est ce qu’on appelle le biais d’auto complaisance, une modification du processus cognitif dans le but de maintenir et améliorer l’estime de soi. Nous nous rendons ainsi compte que les gens ont une tendance à déformer leurs souvenirs d’une manière positive. Cela peut être très utile pour redonner confiance à un joueur de foot hanté par des erreurs qu’il a commises lors d’un match précédent. » 14
14
Glad, V., La réalité virtuelle peut-elle modifier la mémoire ? 05 décembre 2016 [en ligne] http://future.arte.tv/fr/memoire/la-realite-virtuelle-peut-elle-modifier-la-memoire, consulté le 4 juin 2017
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2.2.3. Militaire Utilisée par la NASA dans l’entraînement des astronautes, la simulation en réalité virtuelle a été aussi utile pour des militaires dans le cadre des programmes d’entraînement des pilotes de chasse et de soldats en champ de bataille.
Figure 8. Figure 8. Entrainement des médecins militaire en soins d’urgence, Birmingham University, 2016
À l’université de Birmingham, le département Human Interface Technology (HIT) a développé un simulateur destiné aux médecins de l’armée afin de les entraîner à appliquer des soins dans les mêmes conditions stressantes d’un hélicoptère. Le médecin est à l’intérieur simplifié d’un Boeing Chinook, un hélicoptère de transport lourd, et il a devant lui un modèle humain très réaliste afin d’avoir les mêmes sensations que lors d’une vraie opération. À travers le casque, le militaire est projeté à l’intérieur de l’hélicoptère avec les secousses, le son assourdissant, la vue qui correspondent à une scène urgente en situation réelle de guerre. Le professeur Robert Stone explique que : « Lorsque nous regardions les médecins stagiaires en train de transporter et d’interagir avec les corps modélisés, à l’intérieur de ce qui ressemblait à une cabine d’hélicoptère, il est devenu très clair que ce n’était pas seulement un projet de réalité virtuelle ou augmentée ordinaire pour nous. La façon dont les équipes ont communiqué entre-t-elle, dans des conditions de stress et de bruit de fond, à l’étroit dans la cabine, la gamme d’équipements médicaux nécessaires, les types de blessures subies ; tout cela nous a conduits à la décision d’envisager de développer une nouvelle solution de réalité
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mixte, combinant le meilleur du virtuel avec des éléments physiques réels représentant le réel. » 15
Figure 9. Table interactive en réalité mixte, Birmingham University, 2015
La même équipe à l’université de Birmingham a continué à expérimenter avec la Réalité mixte avec une table sur laquelle s’affiche une carte d’une ville avec laquelle nous pouvons interagir : agrandir, tourner la carte, s’approcher, activer des informations, etc. Cette table 16 pourrait afficher, par exemple, une simulation des avions militaires et scanner les zones d’activités terroristes suspectes, afficher l’état de circulation ferroviaire lors de moments de crises ou encore de pouvoir surveillé des manifestations et afficher les informations médiatiques en temps réel. Afin de créer des modélisations précises d’endroit potentiellement dangereux, l’université a aussi créé un programme qui permet à un drone de scanner une zone et de convertir les images reçues en modèle 3D. Cela est particulièrement utile afin de réaliser des répliques des villages où les soldats devront effectuer leur mission ou encore de créer des stratégies au préalable. Le drone prend des photos à intervalle régulier en parcourant la zone et enregistre ses coordonnées de position et d’altitude, ce qui permet au programme de créer un modèle 3D précis au centimètre près.
15
Virtual reality 'Chinook' to help train medics in UK Armed Forces, University of Birmingham, 2016 Human Factors, Virtual Reality, Simulation and Telerobotics Projects: Past & Present, University of Birmingham, 2015 16
18
Figure 10. Dismounted Soldier Training System, Intelligence Decisions, 2012.
En plus des entrainements physiques que suivent les militaires, l’armée américaine a décidé en 2012 de développer un simulateur afin de former les compétences tactiques d’une petite unité et d’améliorer leur formation de base en répliquant n’importe quelles conditions de champs de bataille que ce soit en ville, en forêt ou dans le désert. Le système, appelé DSTS (Dismounted Soldier Training System) a été développé pour 28 bases militaires américaines par Intelligence Decisions, une société spécialisée dans les solutions IT principalement pour le gouvernement fédéral, et a coûté plus de 57 millions de dollars à développer.
Les soldats sont équipés de casques de réalité virtuelle, de capteur tout le long du corps leur permettant de se coucher, mais aussi d’armes factices qui leur permettent de viser et tirer dans l’environnement virtuel. Des commandes placées sur l’arme leur permettent de se déplacer ou courir dans le monde virtuel et sur leur dos, des ordinateurs permettent la communication des données entre les différents membres de l’équipe. L’un des principaux avantages est de pouvoir analyser les missions puisqu’elles sont toutes enregistrées et surtout recommencer les scénarios en toute sécurité autant de fois que l’unité le souhaite tout en économisant de l’argent, du temps, de l’essence et des munitions. Cependant, les résultats obtenus dans leurs rapports17 montrent qu’il faut environ un total de 8 h d’entraînement avant que le soldat ne soit complètement familiarisé avec le système afin que la formation soit totalement efficace. Mais après la révision générale de la session d’entraînement, les soldats voient définitivement un impact positif sur leur formation.
17
Bink M., Training Capability Data for Dismounted Soldier Training System, June 2015
19
2.2.4. Social Même si les concepteurs de machine essaient de donner une personnalité aux robots. Les machines sont souvent perçues inhumain et automatisé, une notion que nous aborderons dans le chapitre culture cybernétique. Cependant, la réalité virtuelle, utilisée d’une façon précise, peut transmettre des émotions grâce aux puissances calculatoires de l’ordinateur. Les technologies que nous possédons aujourd’hui nous permettent d’échanger des informations à grande vitesse et grâce aux caméras enregistrant un lieu en 360 °, des micros capturant précisément l’ambiance et l’environnement et des écrans qui transmettent fidèlement les couleurs et le monde réel, il nous est possible de voyager, de vivre un moment, un lieu sans y être physiquement.
Une équipe de production vidéo a compris le potentiel que pouvait apporter la réalité virtuelle et s’est déplacée dans un camp de réfugiés en Jordanie pour montrer que cette technologie permet de faire vivre une expérience et faire ressentir au spectateur de l’empathie en le plaçant à la place d’une jeune réfugiée. Nous ne regardons plus à travers une télévision, nous vivons l’événement et le lieu comme si nous étions à leur place. Après cette première expérience, Chris Milk, réalisateur américain, affirme que la RV peut changer la perception qu’ont les personnes et d’ouvrir les yeux sur des problèmes importants et dont elles ne se rendaient pas vraiment compte. Il qualifie ces systèmes de machine à empathie durant sa conférence, il ajoute que « la réalité virtuelle est une machine, mais à travers cette machine, nous devenons plus compatissants, plus empathiques, plus connectés et en fin de compte, nous devons plus humains. » 18
Figure 11. Bashir’s Dream, RYOT (2017)
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Milk, C., How virtual reality can create the ultimate empathy machine, March 2015, TED2015
20
Bashir’s Dream19 est une expérience RV réalisé par RYOT qui ne veut pas se définir en tant qu’entreprise, mais en tant que mouvement et ils sont déjà reconnu pour avoir été les premiers d’avoir capturé des vidéos 360 ° dans des zones de guerre en Syrie, au Népal et à Haïti. L’histoire relate d’un jeune réfugié syrien de 14 ans en Jordanie qui s’est fait tirer dessus par un sniper le paralysant. Ce court-métrage le montre dans un fauteuil roulant se déplaçant difficilement dans son village et le film retrace sa vie actuelle et une reconstitution en animation du moment de la fusillade. Mélangeant la réalité et l’imaginaire de Bashir, il raconte également que son rêve était de jouer au basketball et pouvoir voyager pour échapper le monde dans lequel il vit. Ce type de contenu va au-delà des reportages traditionnels et permet de se mettre à la place de Bashir.
Figure 12. Carne y Arena, Alejandro Iñarritu, Festival de Cannes (2017)
Après plusieurs années, la réalité virtuelle est reconnue par le 70e Festival de Cannes qui décide de dédier une salle de 300 m — au visionnage de plus de 80 films réalisés en RV et dont un des films a été officiellement sélectionné. Le film s’intitule Carne y Arena (littéralement traduit par « viande et sable ») ou traduit virtuellement présent, physiquement invisible par Alejandro Gonzalez Iñarritu, réalisateur entre autres de Birdman (2014) et The Revenant (2016). Iñarritu définit le cinéma comme « une réalité composée à l’intérieur d’un cadre qui définit des limites. La réalité virtuelle n’a pas de cadre, la limite disparaît, la grammaire visuelle est
19
RYOT, Bashir’s Dream.2017 [en ligne] https://www.ryot.org/stories/bashirs-dream
21
complètement différente. Ce n’est seulement quelque chose que l’on voit, mais qu’on ressent, car c’est une expérience sensorielle ». 20 Le film dure 6 minutes 30 et immerge le spectateur dans l’histoire de migrants mexicains qui veulent traverser le mur pour rejoindre l’état d’Arizona des États-Unis. Les spectateurs sont pieds nus et positionnés avec un sac à dos et un casque de réalité virtuelle dans une salle plongée dans l’obscurité avec du sable au sol. Samuel Douhaire, journaliste et critique de cinéma, partage et décrit son expérience : « Une fois le masque de réalité virtuelle fixé, je me retrouve au cœur du désert, entre le Mexique et les États-Unis, en pleine nuit. Très vite, j’entends et vois apparaître une dizaine de migrants — hommes, femmes, vieillards et enfants mêlés, tous en quêtent d’une vie meilleure. Soudain, un bruit de rotor me vrille les tympans, une lumière aveuglante envahit mon champ de vision : l’hélicoptère de la police a repéré les clandestins. Me voilà mis en joue par des gardes-frontières surarmés qui hurlent aux migrants de se mettre à genoux avant de les faire monter, menottés, à bord de pick-up. » 21
Nous pouvons également nous demander quelles seraient les répercussions sur la société future. Avec le rachat d’Oculus par Facebook, nous pourrions nous attendre à une application ou un monde créé autour du réseau social en réalité virtuelle. Et Mark Zuckerberg ne s’en cache pas en citant : « Avec la réalité virtuelle, nous pourrons nous asseoir près d’un feu de camp avec vos amis, quand nous le voulons, ou voir un film au cinéma, avec eux. Assister à une réunion ou à un événement, n’importe où dans le monde. Tout cela est possible et c’est pour cela que Facebook investit autant dans la réalité virtuelle dès à présent. Pour que nous puissions délivrer ce nouveau type d’expérience sociale. » 22 La question à se poser est : pourrons-nous vivre dans un monde virtuel dans lequel l’information prédomine et est-ce que les relations humaines ne se résumeraient qu’à des interactions virtuelles ? Cela est notamment le sujet abordé par les œuvres du cyberpunk.
20
Inarritu A., A Story - EV - Cannes 2017, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=Wnl-qpFXJ4w Douhair, S., “J'ai passé six minutes glaçantes dans la peau d’un clandestin grâce à Iñarritu”, 19/05/2017, Télérama. [en ligne] http://po.st/9S7e78 22Tarik, H., Social – Perspectives et intérêt dans la RV/RA, 7 juin 2016. [en ligne] http://www.realitevirtuelle.com/rv-ra-social 21
22
2.2.5. Professionnel et Industriel Bien que développé surtout dans le domaine du divertissement, Jeff Mottle, CEO du magazine CGArchitect : « J’aimerais vraiment que ces entreprises se rendent compte qu’il y a un autre marché que celui du jeu et de la consommation, lance Jeff Mottle, je voudrais qu’elles prennent conscience de l’occasion énorme que représente le monde de la conception et des synergies potentielles. »23
La réalité virtuelle semble trouver une réelle place dans la sphère immobilière. En effet elle permet surtout de faciliter les ventes, faire visiter une propriété en construction et de pouvoir faire visualiser des propriétés mêmes si celle-ci sont situées dans un autre pays. L’article dévoile qu’il est également possible de « faire appel à un fournisseur de service spécialisé. Un scan 3D d’une propriété de 200 mètres carrés coûte environ 500 dollars. Pour réaliser une vidéo 3D, il est nécessaire d’investir dans une caméra à 360 degrés, ou de faire appel à un professionnel pour une prestation d’environ 3000 dollars. Jusqu’à ce que les coûts diminuent, l’immobilier VR semble donc réservé au domaine de l’immobilier de luxe. »24 D’un point de vue économique, selon l’article de Lesoir, lors du 2e VR Hackaton de Bruxelles, nous découvrons de nombreuses applications entre autres dans le domaine de la santé, le commerce et l’immobilier. De plus, l’article ajoute : « c’est l’engouement entrepreneurial pour le potentiel, énorme, de la réalité virtuelle. Parmi la centaine de participants qui avaient participé à la première édition, 60 % environ ont effectivement créé une start-up ou en tout cas persévéré dans leur projet. Selon une étude réalisée par Yeti, après le jeu, les secteurs de l’éducation (74 %), des médias (63 %), de la médecine et des soins de santé (60 %), des high-tech (56 %), du voyage (54 %), des arts (52 %) et de l’immobilier (51 %) seront les plus influencés par la réalité virtuelle. »25 L’année 2016 étant considérée par de nombreuses personnes l’année de la réalité virtuelle, le marché actuel est assez diversifié et chacun tente d’innover en ajoutant une valeur particulière à leurs systèmes de réalité virtuelle, mais le marché est actuellement dominé par
O’Connel, K., Réalité virtuelle en architecture : 4 astuces pour débuter, 16 novembre 2016. [en ligne] Bastien, L., Immobilier VR – Comment la réalité virtuelle transforme l’immobilier. [en ligne], consulté le 4 août 2017 25 Fabes, O., La réalité virtuelle crée des entreprises réelles à Bruxelles, Le soir, mis en ligne le 21/10/2016 23 24
23
ces compagnies : Oculus, HTC, Sony et Microsoft. Mais c’est néanmoins un domaine largement dominé par l’industrie du jeu et du divertissement.
3. La perspective du réel La réalité virtuelle nous semble être une technologie nouvelle, mais ne l’est pas tellement, car le rapport entre l’homme et le monde a également été relativement bouleversé avec l’avènement de la perspective à l’époque de la Renaissance. Nous citerons notamment l’architecte Seraji Nasrine : « l’informatique nous introduit dans une nouvelle perception spatiale. Il se produit, aujourd’hui, le même phénomène qui a dû se produire à la Renaissance, quand l’invention de la perspective, par sa logique propre, a elle-même induit un mode de représentation architectural. Plus qu’un outil, l’informatique implique un système de pensée et de conception. »26
3.1. Avant la Renaissance De manière générale, nous pouvons voir l’évolution de la représentation au fil de l’histoire de l’humanité par un enchaînement de révolte, de sentiments et de renversements sociaux en passant entre autres par l’art bidimensionnel byzantin vers l’art tridimensionnel de la Renaissance, du style exagéré du baroque vers l’académisme du classicisme, du réalisme vers l’imaginaire du surréalisme. Un des renversements marquants fut par exemple : le maniérisme. Ce courant, apparu après la Renaissance, cherche par exemple à rompre délibérément avec le réalisme et les idéaux de la Renaissance suite aux périodes d’instabilité politique et religieuse liées au sac de Rome et à l’effondrement du pouvoir papal, aux invasions françaises, aux invasions espagnoles. La Renaissance fut l’époque qui est caractérisée par une recherche de réalisme et de lumière, de l’utilisation de la perspective ainsi que l’approfondissement de nouvelles techniques et de nouveaux sujets à peindre.
26
Nasrine Seraji, architecte, dans Florence de Mèredieu, Arts et nouvelles technologies, Paris, Edition Larousse, 2003, p. 96.
24
En effet, à cette époque-là, la volonté première de l’artiste était de se rapprocher le plus fidèlement de la représentation du monde réel et d’immerger le spectateur à l’intérieur de leur œuvre.
Figure 13. Villa des Mystères à Pompéi, 70-60 av. J.-C..
Bien que la perspective ne soit pas encore née, un premier exemple de cette volonté de plonger le spectateur dans une peinture apparaît déjà à Pompéi vers 70 av. J.-C. Dans une salle rectangulaire est retrouvée une grande fresque d’une longueur de 20 mètres peinte sur quatre murs sur lesquels sont représentés 29 personnages, grandeur nature, sur un fond rouge vif et séquencé par de faux pilastres de couleurs sombres.
Des personnages réalistes avoisinent des personnages imaginaires et certains portent des tuniques grecques alors que d’autres des tuniques romaines. La fresque met en scène les préparations de mariage et le rite d’initiation en l’honneur de Dionysos 27, dieu grec de la vigne et du vin qui était la principale richesse de l’époque gréco-romaine. Nous comprenons ici l’importance du culte des dieux où l’imaginaire est représenté physiquement et où l’espace pictural semble se mêler avec l’espace réel de la vision du spectateur. Mais remontons dans les années 500 et 1500 apr. J.-C., au Moyen Âge durant laquelle l’art de l’époque médiévale fut un art assez pauvre et faisait souvent référence au domaine
27
Gilles Sauron, La grande fresque de la villa des Mystères à Pompéi. Mémoires d'une dévote de Dionysos., Paris, Éditions A et J Picard, 2000, 168 p.
25
religieux. Effectivement, les fresques et mosaïques de l’art byzantin, roman et gothique sont représentées en deux dimensions.
Figure 15. Mosaïque de Saint Vitale, 526 à Ravenne, Italie
Figure 15. Fresque de Sant Climent de Taüll, Catalogne, Espagne, 1180
L’art byzantin peut être considéré comme un art religieux où le christ est souvent représenté afin de maintenir une liaison entre le monde spirituel et le monde réel. Les mosaïques retrouvées dans la basilique San Vitale à Ravenne en Italie montrent l’empereur Justinien entouré de prêtres et de soldats symbolisant les trois pouvoirs de l’empire : l’empereur, l’église et le militaire. Ces mosaïques montrent l’art abstrait où les proportions n’ont pas tellement d’importance puisque l’objectif des artistes est de se concentrer sur le sacré et de donner l’impression que l’Eglise est habitée par le divin. Les visages des personnages sont fixes, figuratifs, énigmatiques et leur regard est frontal qui est considéré comme un acte de foi au Moyen Âge, décrit Sandra Gorgievski. 28 La plupart des œuvres de l’art roman (1000-1200) ont été détruites ou ont mal été restaurées, mais on retrouve tout de même une fresque dans l’église Sant Climent de Taüll où le Christ est mis en évidence de par sa grandeur qui marquait l’importance des personnages peints. Les peintures romanes ne se préoccupent de la perspective et les personnages n’ont pas de
Gorgievski, S., « Face-à-face avec l’ange : du regard frontal de l’art byzantin au « regard à la caméra » », Babel, 15 | 2007, 177-206. 28
26
volumes, mais l’art roman est un art de symbole et de mouvements du fait des déformations voulues.29
Figure 17. Castellum umbrarum, 1420
Figure 16. Dessin de Fontana Apparentia nocturna
Dans son livre Bellicorum Instrumentorum, un ingénieur vénitien Giovanni da Fontana propose une machine, appelée Castellum Umbrarum ou Le Château des Ombres, qui se base sur la projection d’ombres sur des murs en parchemins translucides. Le système30 décrit, dans l’essai « Medieval Religion and Technology » des scènes de chasses et de tournois peintes sur des cylindres tournants grâce à de l’air chauffé par des bougies. Les spectateurs, à l’intérieur de la pièce centrale, sont donc entourés d’animation d’ombres projetées sur les murs.
Cornelis, J., “L'Art de la peinture, un questionnement par la Science économique”, Publibook, 2013, p. 228 30 White, L., Medieval Religion and Technology: Collected Essays”, university of california press, Berkeley and Los angeles, p.314 29
27
Philippe Codognet
31
écrit que Fontana a aussi conçu une sorte de lanterne afin de projeter
sur le mur des images grandeur nature de bêtes ou de diables. En 1646, Athanasius Kircher, l’un des scientifiques les plus éminents de son époque, a créé, sur le même principe, la « lanterne magique » et qui serait à l’origine de la cinématographie. Cette lanterne était composée d’une lampe à huile, d’une plaquette et d’une lentille convexe et elle projetait sur un mur des images de démons et d’âmes tourmentées. Dans son livre Ars Magna Lucis et Umbrae, il décrit ses explorations et ses expérimentations sur la lumière et l’optique dans lequel il expose ses premières théories sur la camera obscura et le microscope. Codognet considère également ces découvertes comme étant l’ancêtre du CAVE, une interface d’environnement virtuel, qui serait développé plus en détail dans les chapitres suivants de ce mémoire.
Figure 18. Magic Lantern, Kircher Athasnasius, 1671
Figure 19. Camera Obscura, Kircher Athasnasius, 1646
Codognet, P., “Artificial Nature and Natural Artifice” in: Future Cinema, J. Shaw and P. Weibel (Eds.), MIT Press, 2003 31
28
3.2. Perspective La perspective est née en Italie avec la perspective linéaire de Brunelleschi au XIVe siècle et poursuivie par la perspective artificielle avec Alberti et Piero Della Francesca vers 1415 qui s’oppose à la perspective naturelle définie notre perception naturelle du monde. Appelé perspectiva naturalis, Denis Favennec le définit comme la science qui « s’occupe de problèmes de réfraction, réflexion, grandeur apparente, illusions, lumière et ombre »32
Figure 21. Perspective linéaire, Brunelleschi
Figure 20. Perspective artificielle, Alberti
En 1415, Brunelleschi a posé les fondations de la perspective où il tentait de faire transposer le monde réel avec l’espace papier. Il était persuadé de pouvoir redessiner le baptistère de Saint-Jean, à Florence en Italie, avec les proportions correctes et le plus réaliste possible. Les personnes de l’époque étant dubitative, il pensa alors à un dispositif constitué de son dessin placé sur une planche dans lequel il a percé à trou et il prit un miroir posé face à ce dessin. Il observa qu’en regardant à travers le trou, les lignes de perspective du baptistère coïncidaient exactement avec les lignes de perspective de son dessin qu’il vit en plaçant et déplaçant le miroir devant lui. Ainsi, il conclut de cette expérience qu’il existe bel et bien un
32
Favennec D., Douce perspective, 2007, CultureMath,[en ligne] http://culturemath.ens.fr/histoire%20des%20maths/pdf/Favennec2007.pdf, consulté le 14 août 2017
29
point vers lesquels les rayons visuels convergents qui sera actuellement appelés point de fuite. N’ayant trouvé aucun écrit de Brunelleschi, Alberti écrit pour la première fois les bases et théories de la perspective dans De Pictura (Alberti, 1435). Il y explique comment dessiner un damier en perspective et montre que le principe se fonde sur une pyramide visuelle dont le sommet correspond à l’œil de l’observateur et la base se rapporte au tableau.
Afin de pousser le réalisme des tableaux, Léonard de Vinci va notamment inventer la technique du Sfumato qui a pour objectif de rendre les ombres et les lumières plus réalistes et nous observons que dans cette recherche de réalisme, la perspective n’est plus le seul facteur important ; il faut prendre en compte les couleurs, les ombres et la lumière.
Mais pour comprendre plus précisément cette technique, Laurence de Viguerie cite notamment le dictionnaire « l’atelier du peintre et l’art de la peinture » [Laclotte, 1990] où le Sfumato est défini ainsi : « Terme emprunté à l’italien depuis le XVIIe siècle, désigne un modelé vaporeux, un contour atténué : “manière de noyer les contours dans une vapeur légère” (Diderot). (...) C’est avant tout une conception de la lumière considérée comme un phénomène optique qui modifie la couleur, le contour des objets et l’espace qui les environne (…). C’est une façon de suggérer le relief et les différentes profondeurs (…) en tenant compte des principes de la perspective aérienne. (…) La fluidité recherchée de l’atmosphère est techniquement rendue par des passages subtils obtenus grâce à des lavis successifs et des glacis. » 33
33
De VIGUERIE, L., Propriétés physico-chimiques et caractérisation des matériaux du sfumato, Laurence, Université Pierre et Marie Curie, 2 Novembre 2009
30
3.3. Trompe-L’œil La découverte de ses règles de perspective a mené vers le genre pictural du Trompe-l’œil. Il se base sur le principe de perspective de la représentation à trois dimensions sur une surface qui représente la réalité, mais qui va également nous donner l’illusion de sa vraie nature. Elle demande au spectateur une compréhension plus complexe afin de ne pas tomber dans la confusion entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Comme son nom l’indique, le but est de tromper le spectateur, de faire disparaître le cadre de l’œuvre et de faire abstraction du monde réel.
Figure 23. Sala delle Prospettive, B. Peruzzi, Villa Farnesina à Rome (1510)
Figure 22. Caduta dei Giganti G. Romano the Palazzo Te à Mantoue, 1530–1532
En 1516-1518, Baldassare Peruzzi, peintre et architecte italien de la Renaissance, peint la Sala delle Prospettive dans la villa Farnesina 34 à Rome qui appartenait à un riche banquier, Agostino Chigi. Le sujet principal de ces fresques au mur de cette pièce est la ville de Rome. En effet, tout en étant à l’intérieur, Peruzzi a peint des colonnades, des balcons réalistes qui projettent vers l’extérieur le spectateur plombant sur ce paysage de cette Rome. Ce qui est particulier à cette illusion est cette continuité du motif du marbre et des éléments architecturaux détaillés de colonnes doriques, de poutre, de consoles et d’ornements au plafond.
34
Grau, O., Virtual Art: From Illusion to Immersion, MIT PRESS, 2003
31
À Mantoue, dans le nord de l’Italie, Giulio Romano, également architecte et peintre, a réalisé en 1530 la Chute des Géants à la demande du roi espagnol Frédéric II de Gonzague et qui se trouve à présent au Palazzo Te. Le palais était destiné à l’organisation de fêtes, de réceptions et l’une des salles a pour thème l’érotisme des banquets de la salle de Psyché, femme de Cupidon. Mais la salle la plus importante est là où se trouve l’énorme fresque représentant la bataille entre Zeus et les Géants qui tentaient d’escalader l’Olympe, mais recevaient les foudres du Dieu suprême. La pièce est en réalité voutée alors que la peinture suggère une coupole. Romano s’est approprié l’espace entier en peignant sur les quatre murs les géants effrayés et ensevelis sous des colonnes et sur le plafond, il représenta les dieux de l’Olympe les regardant en contre-plongée. La continuité de l’espace est importante : les rochers et colonnes remplissent les bordures inférieures de la pièce afin de diriger la vue vers le haut de la salle, vers la coupole. La peinture fusionne donc avec la structure de la pièce où la présence matérielle de la pièce disparaît et invite le spectateur dans l’univers virtuel de l’œuvre.
Figure 24. Chapelle Sixtine, Michelangelo, 1508
Figure 25. Chapelle sous Sixte IV, Gravure de G. Tognetti
La célèbre chapelle Sixtine est l’un des exemples le plus significatifs dans l’art du trompel’œil. En 1508, le pape de l’époque, Jules II, demande à Michel-Ange de peindre les 12 apôtres sur l’immense voûte de la chapelle Sixtine. Mais il s’enferma dans la chapelle pendant quatre ans, seul, sans l’aide d’assistants et avec seul appui l’échafaudage, il décida de peindre la création du monde de l’Ancien Testament. Sur des dimensions de 36 m de long, 13 m de large et à 20 m de haut, Michel-Ange peint au centre de la voûte, se trouve les 9 scènes de la Genèse en commençant avec la création du monde par Dieu, les scènes d’Adam
32
et Ève ainsi que le Déluge et enfin sur les côtés de la voûte, sont représentés les personnages importants de la bible. La chose la plus importante à noter ici est la division toute la voûte en plusieurs parties, chacune représentant une scène de la Genèse. Ces parties sont séparées des ornements, des arcs et éléments architecturaux en trompe-l’œil que Michel-Ange a ajouté par la suite, car sur la gravure de Tognetti, nous voyons bien que ces éléments ne figuraient pas encore avant son intervention.
Figure 26. Camera Degli Sposi, Andrea Mantegna, Palazzo Ducale de Mantoue, 1440
En 1460, Andrea Mantegna, un peintre très actif dans le nord de l’Italie, est appelé par le marquis de Mantoue et commence à travailler sur son projet, intitulé Camera Degli Sposi. La particularité de cette pièce réside dans le fait que, mis à part les seuils de porte et les voûtes décoratives, l’entièreté des murs et plafond ont été peints. Le plafond a notamment été peint en respect de la perspective avec des détails d’ornements, de moulage, de structure et un oculus a même été placé au milieu à travers duquel nous pouvons percevoir le ciel. Sur les différentes parties de la coupole peinte, nous retrouvons des moulages à l’effigie des huit empereurs romains qui rappellent plus l’antiquité classique. L’oculus est accompagné de personnages et d’une balustrade qui semblent tomber vers le spectateur se trouvant au centre de la pièce. Sur les quatre autres murs, la vie du Marquis est mise en scène avec une attention à l’élévation de notre vue par rapport à la peinture et les scènes nous projettent vers l’extérieur. Il y a également un jeu de plans avec les rideaux qui sont mis en avant-plan et donnent
33
l’impression de faire partie de la pièce et des paysages peints en arrière-plan qui nous font croire que nous sommes à l’extérieur.
3.4. Panorama Durant la Renaissance et avec l’évolution de l’art en générale, les peintres ont agrandi leur zone de travail en travaillant sur de la toile vers des espaces beaucoup plus grands comme des murs et des plafonds entiers à l’instar de la chapelle Sixtine de Michel-Ange ou les mille mètres carrés de peinture de la Galerie des Glaces du château de Versailles. Toujours dans cette optique de reproduire le plus fidèlement la réalité, le panorama fut la suite logique de l’évolution de la représentation et est encore utilisé de nos jours à l’aide de nos appareils photo pour visualiser un espace de volume important. La réalité virtuelle utilise évidemment cette technologie primordiale dont le but premier est l’immersion. Le terme panorama vient étymologiquement des mots (pán) « tout » et (horama) « vue, vision » et a été breveté en 1787 par l’anglais, Robert Barker. Son invention consistait en une peinture sur une toile cylindrique gigantesque permettant d’avoir une vue à 360 ° de l’œuvre et visant à absorber le spectateur à l’aide d’effet de profondeur et de trompe-l’œil.
Figure 27. Panorama d’Edinburgh depuis Calton Hill, Robert Barker, Edinburgh, 1787.
Il eut l’idée de créer son premier panorama à Edimbourg et décrivait vouloir « une perspective complète de l’horizon entier qui apparaît du haut de l’observatoire sur Calton Hill comprenant un cercle de plusieurs centaines de mètres. »35 Finalement, ce premier panorama que Barker peigna ne fit que 7,6 mètres de diamètre d’une toile cylindre, mais l’œuvre retentit dans la presse qui la décrit comme « époustouflante », ce qui lui permis de réaliser The Panorama près du Leicester Square à Londres.
35
Otto, Peter. « Between the Virtual and the Actual: Robert Barker's Panorama of London and the Multiplication of the Real in late eighteenth-century London1. » Romanticism on the Net, numéro 46, may 2007, p.
34
La rotonde mesurait plus de 27 mètres de diamètre et l’immeuble d’environ 18 m de hauteur accueillait deux panoramas qui étaient accessibles par des plateformes surélevées comme nous pouvons le voir dans la coupe de Robert Mitchell.
Figure 28. he Panorama, Robert Barker, Leicester Square, London, 1794
Griffiths Alison décrit dans son article le panorama de Barker comme « investi d’une nouvelle omniscience, le spectateur se trouvait ainsi immergé dans une réalité artificielle au sein de laquelle toute frontière séparant le réel de l’artifice avait, peu ou prou, été éliminée. Privé de toute forme de repère spatial pouvant subordonner la peinture à un espace second, qui l’engloberait, le spectateur se trouvait plus disposé à accepter l’illusion que si la peinture avait été encadrée, ou délimitée, de façon conventionnelle (figure 4). L’espace “cadré” de la peinture agit comme une fenêtre s’ouvrant sur un espace “illusoire”, tandis que l’espace “sans limites” du panorama vise à produire chez le spectateur l’impression qu’il est transporté, littéralement, au cœur de l’espace représenté. »36
36
Griffiths, Alison. « Le panorama et les origines de la reconstitution cinématographique. »Cinémas, volume 14, numéro 1, automne 2003, p. 35–65
35
Figure 29. Panorama Mesdag de Hendrik Willem Mesdag avec faux-terrain, La Haye, Pays-Bas, 1881
Vers la fin du XVIe siècle, les panoramas se diffusent rapidement dans toute l’Europe et en Amérique. En 1881, le panorama Mesdag est peint par Hendrik Mesdag à La Haye et a une hauteur de 14 m et la peinture est longue de 120 mètres de circonférence. La scène représente le village de Scheveningen vers la fin du 19e siècle et le but de ce panorama est de donner l’illusion aux visiteurs qu’ils se trouvent en haut d’une dune regardant la mer au loin. En avant-plan, nous remarquons également ce faux-terrain qui ajoute une dimension supplémentaire à celle du panorama. Ce sable permet de dissimuler le bord inférieur de la toile renforçant davantage l’effet d’illusion et la toiture permet d’occulter les limites supérieures tout en laissant entrer la lumière. Panorama de la Bataille de Waterloo, Braine-l’Alleud, Belgique, 1911 En 1911, le peintre français Léon Dumoulin un panorama de 110 mètres de long et 12 mètres de haut37. Sur cette toile est représenté la bataille de Waterloo de 1815 qui confrontait l’armée française de Napoléon et à l’armée des alliées britanniques, Allemands et Néerlandais. L’importance dans cette rotonde est mise sur le faux-terrain avec du sable, de l’herbe, des
37
Le Panorama de la Bataille de Waterloo, exemple particulièrement significatif de « Phénomène de Panoramas », Division du Patrimoine de la Région wallone de Belgique, 08/04/2008, Article. [en ligne] http://whc.unesco.org/en/tentativelists/5364/
36
barrières, des armes, des chevaux et des mannequins ; le tout étant accompagné d’une expérience sonore accentuée par des coups de canon et l’entrechoquement des épées
Figure 30. Panorama de la Bataille de Waterloo, Braine-l’Alleud, Belgique, 1911
En conclusion, nous pouvons noter que la dimension virtuelle est bien présente dans les fresques des villas italiennes de la Renaissance qui s’appuient sur les règles de la perspective et tentent de transcender l’univers du réel pour culminer et atteindre le monde spirituel, car le contexte depuis l’art médiéval est toujours resté religieux et touche au domaine du sacré. C’est ici qu’il est intéressant de noter le parallèle entre la Renaissance et la réalité virtuelle où les tableaux peints par les artistes ne sont que des images virtuelles de la réalité. Le tableau peut prendre plusieurs formes, de la simple toile à la fresque murale, et est les limites de la scène dans laquelle le spectateur est plongé. Dans la relève du réel, le tableau est considéré comme un miroir dans lequel « l’œil et l’infini, le sujet et l’espace, le réel et le virtuel se nouent ».38
De par cette volonté de se projeter vers le divin, ce monde spirituel correspondrait au virtuel et serait traduit comme un idéal à atteindre. À travers les exemples présentés de fresque et de trompe-l’œil, les artistes de la Renaissance ont toujours eu ce souci du réalisme quasiment académique. Mais, selon Lauverjat G., « La perspective n’est pas une copie parfaite de l’espace vécu, bien que, certaines règles étant respectées, elle puisse apparaître comme une modélisation la plus naturelle. Léonard de Vinci sera d’ailleurs un des premiers à décréter de manière précise les insuffisances de la perspective linéaire. L’attention aux propriétés concrètes du visible, à ses valeurs d’aspect en qualité de la lumière que le modèle
38
SALAT Serge, La relève du réel - Les arts du chaos et du virtuel, Paris, éd. Hermann, 1997, p.62.
37
géométrique de la perspective avait d’abord niée ou mise entre parenthèses n’est pas une récusation de la perspective dans son essence. »39
3.5. Virtuel Nous vivons actuellement dans l’âge de l’information et le monde actuel est dominé par les images que ce soit par le biais de la télévision, des médias ou encore par les écrans qui envahissent notre quotidien. Mais cette notion du virtuel peut être retrouvée avec l’allégorie de la caverne de Platon, J. Tisseau rappelle que la caverne « plaçait déjà des hommes en situation quasi immersive devant un ´écran (la partie de la caverne qui leur fait face) de telle sorte qu’ils ne puissent y voir que les images d’objets virtuels qui ´étaient projetées (les ombres des objets confectionnés). »40
3.5.1. Définition Dans Memory Trade, les auteurs citent Heim et expliquent que la différence entre le monde réel et le monde virtuel nous permet d’expérimenter ce qu’est la réalité artificielle, de sentir comme si nous étions en train de faire face à ce monde physique. De plus, il ajoute : « un monde ne peut être virtuel que si on le contraste avec le monde réel. » 41 Pierre Lévy ajoute que « le virtuel rigoureusement défini, n’a que peu d’affinité avec le faux, l’illusoire ou l’imaginaire. Le virtuel n’est pas du tout l’opposé du réel. C’est au contraire un mode d’être fécond et puissant qui donne du jeu aux processus de création, ouvre des avenirs, creuse des puits de sens sous la platitude de la présence physique immédiate » 42.
Lauverjat, G., Objet de représentation et représentation d’objet : principe et dépassement de la mimésis, Musée des Beaux art de Tours, 2009 40 Tisseau, J., Réalité Virtuelle - autonomie in virtuo, 2001, Université Rennes 1 41 McKeich, M., Tofts, D., Memory trade : a prehistory of Cyberculture, Interface,1997, p.66 42 Lévy, P. (1998). Qu'est ce que la réalité virtuelle? La Découverte 39
38
Le virtuel possède plusieurs définitions selon les domaines et Alain Milon les développent dans son livre la réalité virtuelle : avec ou sans le corps 43: 1.
En optique, par exemple, le virtuel correspond à une image miroir ;
2.
En philosophie, elle signifie la possibilité ;
3.
En numérique, virtuel correspond à un algorithme.
Mais il est également intéressant de se demander la place de l’écran qui nous entoure de plus en plus. Serge Salat le décrit ainsi : « L’écran vidéo n’est ni une vitre transparente, ni une surface opaque, mais une vitre voilée, à demi transparente à travers laquelle les choses matérielles s’imprègnent de lumière. (…) L’écran vidéo ou informatique n’est pas transparent au sens de la Renaissance. L’écran vidéo ou informatique est une interface sur laquelle le virtuel vient s’inscrire, devient matériellement sensible. » 44
3.5.2. Architecture virtuelle Pour comprendre les enjeux de la réalité virtuelle, nous devons définir et délimiter ce qu’est le virtuel ; et plus particulièrement, ce qu’est le virtuel en architecture. Dans son mémoire45 Virtus, David Noël questionne l’architecture et son caractère réel ou virtuel. Il explique que, lorsqu’un projet est en cours de réalisations, les documents qui le constituent ne sont que des documents graphiques. L’architecture qui n’est que matérielle à partir du début de sa construction. Noël cite également Bruno Latour pour illustrer la présence du virtuel et de ces possibilités. « Le virtuel est ce qui est plein de vertus et ne demande par conséquent qu’à s’actualiser. Le virtuel ne se contente pas d’imprégner la réalité ; il la travaille comme une sorte de levain. Il y a toujours eu du virtuel à l’œuvre au sein de la réalité. Ce qui est neuf, c’est la volonté de donner à voir son travail et de faire de ce dévoilement un principe de création. » 46
43
Milon, A., la réalité virtuelle : avec ou sans le corps ?, Autrement, Paris, 2005, p.24 SALAT Serge, La relève du réel - Les arts du chaos et du virtuel, Paris, éd. Hermann, 1997, 112. 45 Noël, D., Virtus, Institut Victor Vorta, 2007 46 B. Latour, E. Hermant, Paris ville invisible, Paris, Les Empêcheurs de tourner en rond, La Découverte, 1998. 44
39
4. L’évolution de la réalité virtuelle 4.1. L’ancêtre de la réalité virtuelle Pour comprendre l’origine de la réalité virtuelle, remontons plusieurs siècles. En effet, le principe utilisé des nos casques de RV actuels est l’agencement de deux flux vidéos couplés pour chaque œil et donnant cette perception en relief ; phénomène que l’on appelle stéréoscopie. L’étymologie du mot stéréoscope vient du grec (stéréo - solide et — scope : vision) et est défini comme « un instrument permettant l’examen des couples stéréoscopiques en donnant une image en relief. » 47 1838 Charles Wheatstone
Figure 31. 1838 Charles Wheatstone : Stéréoscope à réflexion
Au III ° siècle, Euclide avait déjà émis un théorème dans il explique que : « si nous croyons voir avec nos deux yeux un objet unique, cela tient à la rapidité extrême avec laquelle nos
47
Stéréoscopie. (s. d.). Dans Dictionnaire Larousse en ligne. Repéré à http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/st%C3%A9r%C3%A9oscope/74644
40
deux yeux en parcourent toutes les parties »48. (Figuier, 1867) Par la suite, il y eut à maintes reprises plusieurs réflexions et précisions par Léonard de Vinci ou G.B. Della Porta mais sans avoir réalisé un instrument concret.
Ce système a physiquement vu le jour en 1838 et fut découvert par Charles Wheatstone une année avant la date conventionnelle de l’invention de la photographie en 1839. Wheatstone démontré dans son « Mémoire sur la physiologie de la vision » son stéréoscope à réflexion dans lequel les images sont réfléchies sur des miroirs, mais ce dispositif était encore assez lourd et encombrant.
1844 David Brewster
Figure 32. 1844 David Brewster : Stéréoscope lenticulaire
Quelques années plus tard, c’est en 1844 que le stéréoscope se perfectionne et est devenu plus compacte grâce à autre physicien anglais appelé David Brewster qui est d’ailleurs aussi à l’origine de l’invention du Kaléidoscope. À l’opposé du stéréoscope à réflexion, celui de Brewster est un stéréoscope à réfraction dans lequel il remplace les miroirs par des prismes qui sont placés dans devant les deux tuyaux de lorgnette et qui permettent donc de rendre l’appareil beaucoup plus portable. Ayant créé une boîte opaque, il dut ajouter une paroi
48
Figuier, L., Les Merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes, Jouvet et Cie, Paris, 1867, p. 189-190
41
amovible supérieure afin de laisser la lumière entrer et illuminer les images posées à l’intérieur. 1849 Holmes
Figure 33. 1849 Holmes : Stéréoscope à main
Lors de l’Exposition universelle en 1951 à Londres, il y eut un tel engouement après que la reine Victoria ait organisé un marché que les stéréoscopes furent à la mode et le journaliste américain Oliver Wendell Holmes créa un stéréoscope moins volumineux et bon marché. Une paroi verticale permet de séparer le champ de vision de chaque œil et le front pouvait se poser sur le contour évitant à la lumière de s’infiltrer. Le cadre qui soutient les cartes peut glisser sur l’axe afin d’ajuster la focale. Holmes introduit également, à travers son invention, le voyage stéréoscopique. Dans un article intitulé « de l’autre côté de l’Atlantique », il présente à ces lecteurs son voyage en forme de carte stéréographique afin de fournir une expérience qu’il qualifie « d’une trans, d’une hypnose »49 ou par exemple, de voyager sans avoir de bouger.
49
Holmes, O., « Un voyage stéréoscopique », Études photographiques, 9 | Mai 2001, [En ligne], mis en ligne le 10 septembre 2008. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/245. consulté le 19 juillet 2017.
42
1929 Edward Link
Edward Link a probablement été le premier à commercialiser entièrement
un
simulateur
mécanisé
qui
de
vol
simulait
les
turbulences. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, plus de 500 000 pilotes se sont entraînés sur ces machines. Les pilotes pouvaient surtout s’entrainent sur terre
peu
importe
les
conditions
météorologiques. Les pilotes pouvaient la définir dans le simulateur l’altitude et la Figure 34. 1929 Edward Link: Link Trainer
vitesse à laquelle ils voulaient voler avec la force du vent choisie. La sensation, proche
de la réalité, est similaire à celle en plein vol et la session est suivie par microphone avec un instructeur.
4.2. Les premiers essais 1930-39 Sawyer’s View Master Ces
dispositifs
étaient
notamment utilisés dans le but d’un tourisme virtuel ou éducatif pour les enfants. Ces lunettes étaient vendues avec différents disques Figure 35. 1930-39 Sawyer’s View Master
disposées
sur en
lesquels
sont
cercle
des
diapositives. Une gâchette sur le flanc des lunettes faisait défiler les diapositives, qui étaient d’ailleurs transparentes afin de laisser la lumière les traverser.
43
1956 — 1962 Sensorama Simulator
Figure 37. 1956 - 1962 Heilig : sensorama
Figure 36. Caméra 35mm
Le premier système de réalité virtuelle a été créé en 1962 par Morton Heilig, nommé le Sensorama50.Heilig était un cinéaste, philosophe et inventeur qui voulut donner une nouvelle expérience au spectateur grâce à un dispositif de mouvement 3D, du son stéréo, des vibrations du siège, de l’odeur et du vent actionné par des ventilateurs. Le terme réalité virtuelle fut breveté pour la première fois en 1962 et Morton Heilig est d’ailleurs considéré comme le père de cette technologie bien en avance sur son temps. Le Sensorama était une sorte de grande et lourde station d’arcade qui permettait notamment de rouler en moto dans les rues de Brooklyn avec la sensation du vent dans ses cheveux, le son du moteur, l’odeur des rues, mais aussi les vibrations du siège. Le tout étant filmé par une caméra 35mm portée par le cameraman. Malheureusement, la firme n’a pas su trouver les fonds nécessaires afin de réaliser plusieurs films expérience 3 D.
50
Heilig, M., The Cinema of the Future, 1955
44
1960 Télésphère
Figure 39. Masque Télesphère, Heilig, 1960
Figure 38. Experience Theatre, Heilig, 1969
Durant la même période, le masque Télesphère51 de Heilig était le premier casque de télévision stéréoscopique 3D avec une vue grand-angle et un son stéréo pour un usage personnel.
Jean-Noël Lafargue présente la salle immersive de Heilig de 1969 : « Experience Theatre (US Patent 3469837). Face à un écran hémisphérique concave, le public voit tous ses sens stimulés, tout comme avec le Sensorama. De nombreux cinémas de parcs d’attraction ou de musées scientifiques proposent à leur public des expériences cinématographiques similaires. Cette dernière invention de Morton Heilig n’est pas la plus visionnaire : la première projection publique réalisée avec le procédé Omnimax s’est déroulée quelques années seulement après le dépôt du brevet de l’Expérience Theatre. Néanmoins ce procédé allait un peu plus loin (souffle, odeurs). » 52
1961 The Headsight – PHILCo Corporation Le Head Light est l’ancêtre le plus proche du casque que l’on connait aujourd’hui. Il est composé d’un écran pour chaque œil et d’un suivi de mouvement magnétique qui est connecté à une caméra. Lorsque la tête bougeait, elle enclenchait une caméra à distance, ce qui servait notamment aux militaires à visionner un environnement dans des situations
51
Heilig, M., Stereoscopic-Television Apparatus for individual use, New York, 4 octobre 1960, [en ligne] http://www.mortonheilig.com/TelesphereMask.pdf 52 Lafargue, J-N., Sensorama, 30 septembre 2008 [en ligne] http://hyperbate.fr/dernier/?p=1544
45
dangereuses. Ce qu’il manquait dans ce cas-ci était la connexion à un ordinateur et de la projection d’images ou flux vidéos.
Figure 40. 1961 The Headsight (PHILCo Corporation) (Corneau & Bryan)
1968 Ivan Sutherland & Bob Sproull : Epée de Damoclès
Figure 41. Épée de Damoclès, Ivan sutherland & Bob Sproull : 1968
46
En 1963, Ivan Sutherland est un ingénieur et informaticien qui développera l’une des premières interfaces de CAO qui permettait de dessiner graphiquement et cinq années plus tard, il crée l’un des dispositifs les plus importants de la réalité virtuelle : l’épée de Damoclès.
Dans son article, T. Gregorian nous décrit le fonctionnement de la machine : « L’Ultimate Display fonctionne à l’aide d’un logiciel de retraitement d’images affichant alors quelque chose de différent en fonction de la position du sujet. Un simple mouvement de tête et les alentours se modifient en conséquence. Le casque était si lourd qu’il devait être accroché au plafond ce qui limitait les déplacements du testeur, il était en outre destiné à l’entraînement des pilotes de l’air. Ce prototype marqua la naissance des visiocasques. »53 1971 Premier microprocesseur
Pendant que la technologie battait son plein, il y eut un pic d’engouement pour la
réalité
Virtuelle grâce à la miniaturisation des processeurs Intel en 1971 contenant 2300 transistors sur à peine 2 cm — et permettant ainsi de rivaliser avec des machines de plus de 150 m². Les microprocesseurs ont pu dès lors Figure 42. Intel C4004
révolutionner
l’industrie,
la
communication, l’écriture avec les traitements de textes, mais surtout de développer les interfaces de réalité virtuelle. 1985 NASA: Virtual Visual Environment Display 54 La NASA a commencé à travailler sur des systèmes d’environnement virtuel afin d’effectuer, par exemple, de la téléopération de robot à distance. À l’instar de Sutherland, leur appareil 53 54
https://realityadept.wordpress.com/le-passe-de-la-realite-virtuelle/, 10/2016 NASA VIVED - Retro VR [video] https://www.youtube.com/watch?v=q5wtumKRAz0
47
Figure 43. Virtual Visual Environment Display, NASA, 1985
est composé d’écrans LCD, de lentilles grand-angles et d’un capteur de position magnétique55. Assemblée, l’entièreté est intégrée à un casque de moto. L’interface commence à naître et l’accent est surtout mis sur l’interaction. Les gants permettent en effet d’interagir avec le monde virtuel en déplaçant des objets grâce aux capteurs positionnés sur chacun de nos doigts.
4.3. Les premiers échecs 1987 Jaron Lanier
Figure 44. VPL et Dataglove, Jaron Lanier, 1987
Même si le terme réalité virtuelle n’était pas encore reconnu dans ce domaine, Jaron Lanier lança sa société VPL, un laboratoire de programmation visuelle, dans le but de vendre des
55
Segura, J., JARON LANIER ET SCOTT FISHER, INVENTEURS DE LA RÉALITÉ VIRTUELLE (1986-1989), 1998 [en ligne] http://www.jeansegura.fr/lanier_fisher.html
48
produits au grand public. Ils créèrent l’Eyephone et le Dataglove. Cependant, le succès ne fut pas au rendez-vous dû aux prix élevés de 9 400 $ et 49 000 $. 1987 Virtuality Arcade Pods Dr John Waldern a fondé sa compagnie « Virtuality » et ils créaient un système d’interaction de réalité virtuelle pour les jeux d’arcade. Les joueurs étaient assis dans des stations d’arcade possédant chacun des casques stéréoscopiques 3D en temps réel (latence de 50 ms) et ces bornes d’arcade pouvaient m’être reliées permettant une session multijoueurs. Le prix était entre 5 et 10 $ pour quelques minutes d’essai.
Figure 45. Virtuality arcade pods – W industry
EVA NASA LAB 1991 Avec l’aide de Jaron Lanier, la Nasa a pu utiliser les technologies des DataGlove afin de permettre aux astronautes de préparer leurs missions, de s’entrainer et de mieux appréhender leur combinaison et mouvement dans l’espace. Ce casque-ci possède une résolution plus élevée que les précédentes (1280x1024) et ainsi, les stations de travail (Virtual Environment Workstation ou View) vont voir le jour. EVA ou Extra-Vehicular Activity Suit
Figure 46. Extra-Vehicular, Activity Suit, NASA LAB, 1991
56
NASA, Extravehicular Activity (EVA): Astronauts Walk In Space, 2017[en ligne} https://www.nasa.gov/audience/foreducators/topnav/materials/listbytype/Extravehicular_Activity.html
49
56
est la combinaison qui leur permet de marcher dans l’espace, de se déplacer afin de réparer des satellites en orbites ou tester de nouveaux équipements.
Sega VR 1991
En 1991, Sega a pu sortir un casque incluant un gyroscope, un son stéréo et des écrans pour chaque œil vendu à 200 $. Malheureusement, le produit ne resta qu’au stade de prototype, car seulement
quatre
jeux avaient
été
développés. Figure 47. Sega VR, 1991
1993 PBS series Newton’s Apple Sur une chaine de télévision américaine Newton’s Apple, plusieurs technologies sont présentées dont le stéréoscope de Holmes, la prévisualisation d’un modèle 3D, les lunettes polarisantes 3D et le casque de réalité virtuelle accompagné d’un gyroscope humain.
Figure 48. 1993 PBS series Newton’s Apple
La première image montre les lunettes d’obturation de 3D active. Le fonctionnement est similaire à celle utilisée par les lunettes polarisantes actuelles. L’ordinateur affiche des images à des fréquences très rapides et les lunettes vont obturer chacun de nos yeux à la même vitesse en alternance, résultant en un flux de stéréoscopie. De plus, le déplacement de
50
l’utilisateur est suivi par le dispositif en forme de triangle qui permet d’interagir et d’avoir différents points de vue du modèle 3D en se déplaçant dans l’espace. Ensuite, le présentateur pointe que l’immersion avec les lunettes n’est pas encore totale, puisque nous regardons le modèle à travers un écran. Dans l’émission 57, il montrera alors comment fonctionne le casque de réalité virtuelle qui relié à l’ordinateur et le présentateur attaché à un gyroscope humain. Non seulement les mouvements de sa tête sont retranscrits dans le système, mais aussi les mouvements de son corps.
Figure 50. Virtual Boy, Nintendo, 1995
Figure 49. Jaguar VR, 1995
1995 Nintendo VR Virtual Boy58 Le Virtual Boy fut l’un des premiers appareils qui promettaient des graphiques en 3 dimensions. Vendus initialement aux alentours de 180 $, la plateforme ne connut peu de succès, car elle ne présentait qu’un faible catalogue de jeux, le casque n’était pas agréable à porter et surtout, les couleurs n’étaient limitées qu’au noir et au rouge. Ils ont également essayé de développer le PowerGlove, un contrôleur muni de capteurs de mouvement, qui avait pour but de révolutionner la manette de jeu vidéo.
57
Virtual Reality on Newtons Apple [video] https://www.youtube.com/watch?v=u1A3SmtLW_0 Flights of Fantasy - E3 1995 Virtual Boy retrospective [video] https://www.youtube.com/watch?v=lTNqNYJ_J44 58
51
1995 Jaguar VR En collaboration avec Virtuality, Atari, l’initiateur de l’ère du jeu vidéo et l’inventeur de Pong, décide de lancer quelques prototypes de casques VR. Cependant, même sort que ses confrères, le casque a encore une trop faible résolution d’écran provoquant des malaises et de l’inconfort.
Figure 51. Virtual I-O Glasses, 1995
1995 Virtual I-O i-Glasses Dans leur vidéo de présentation59 du produit, Virtual I-O présente leur I-glasses comme un casque de réalité virtuelle destiné à un usage personnel dans la maison des consommateurs. Lorsque les lunettes sont connectées à une télévision, elles permettent de visionner également leurs programmes favoris. Les créateurs pensaient déjà à un usage dans une dentisterie où le patient pourrait se relaxer pendant que le dentiste effectue son travail. Nous pouvons voir pour la première fois que les besoins des clients ont été pris en compte et que le produit est accompagné de multitude applications. 1995 VFX 1 HMD 60 La société américaine Forte Technologies sortit en 1995 son casque VFX1 Virtual Reality Headgear qui est aussi un casque spécifiquement conçu pour un usage dans le jeu vidéo.
59
1995 Virtual IO I-Glasses [video] https://www.youtube.com/watch?v=YbNUIwi5F6g Forte VFX1 Virtual Reality Headgear - Silicon Classics #5, [video] https://www.youtube.com/watch?v=J0n5B3fl-bU 60
52
Forte était à la base une compagnie qui créait des cartes son haut de gamme pour des studios et stations de radios. Au prix de 695 $, le casque intègre, en plus d’un gyroscope 3 axes, un magnétomètre qui permet de calibrer par rapport au champ magnétique de la terre et devait donc se calibrer selon la location du client.
Figure 53. 1995 VFX 1 HMD
Figure 53. Elysium: 1995 architectural and construction with mouse v-flexor
1995 Elysium Elysium61 est l’un des premiers systèmes de réalité virtuelle destinés à des usages professionnels en architecture, en construction, en médecine ou en éducation. Étant initialement lancé par IBM, le système est composé de l’ordinateur avec le logiciel préinstallé, le casque et d’un pointeur, appelé V-flexor, qui permet de contrôler la vitesse des mouvements, activer et toucher des objets. Le logiciel donne la possibilité de modéliser en 3 dimensions et de créer des images et animations avec des textures. Le niveau de détail d’un objet peut également être ajusté en fonction de la distance de l’utilisateur.
61
Câmara A., Raper J.,Spatial Multimedia and Virtual Reality, Taylor & Francis, Philadelphia, 1999 p.133
53
4.4. Revalorisation soudaine
Figure 54. D. Voshart,
Daniel Voshart explique dans son mémoire que l’engouement a été à son maximum durant les années 90, mais malheureusement, le progrès technologiquement ne fut pas encore assez développé afin d’engendrer le succès de la réalité virtuelle. Entrant la seconde phase, dans les années 2000, il explique une période de « désillusion »62 où la technologie et son engouement disparaissent. Par la suite avec l’avancée technologique des processeurs qui se miniaturisent et les machines qui deviennent de plus en plus puissantes. Avec le développement de cette ère, nous entrons dans la phase « pente de l’illumination » dans laquelle a été créé un projet prometteur : « The Cave Environnement ».
62
Daniel Voshart, 2015
54
1996 CAVE (Computer Assisted Virtual Environment)
Ce système consiste en une pièce dans laquelle sont placées des projecteurs pointant vers des miroirs qui redirigent elles-mêmes les images vers les murs de la pièce. La position de l’utilisateur est suivie grâce aux capteurs situés sur lunettes 3D et la manette qu’ils ont en main permet d’interagir avec le monde virtuel. L’avantage de ce dispositif réside surtout dans l’utilisation de ce système à plusieurs personnes afin de pouvoir collaborer, discuter et travailler ensemble. En ingénierie, Cave est utilisé afin de faire comprendre des modèles ou engins complexes à des néophytes. Des chercheurs dans les fluides géologiques peuvent aussi explorer des endroits difficilement accessibles en fond de mer, afin d’analyser les algues et le monde marins sans devoir retourner sur place à maintes reprises.
Figure 56. CAVE
Figure 55. Schéma de National Supercomputing Research Center (NSRC)
Dans leur usine à Cologne, Ford utilise d’ailleurs cette technique de projection afin de concevoir et essayer les prototypes tout en réduisant les coûts de production d’un prototype complet. Les manettes modélisées par les mains, il est possible de conduire la voiture dans un monde virtuel, ouvrir la boite à gants, regarder à travers les rétroviseurs ou mettre des boissons dans les compartiments centrales. Dans un article, le superviseur de Ford, Michael Wolf explique que la phase de prototypage maquettes et de dessins aurait prise 3 ans alors qu’avec CAVE et son logiciel CAT (Computer Aide Setting), il est possible aux ingénieurs de scanner le moteur, charger les textures à l’intérieur du modèle et la voiture est prête virtuellement à être utilisé après 2 semaines. Ford affirme que CAVE permet de tester et
55
Figure 57. Ford 3D-Cave, 2013
d’affiner plus de 1000 détails d’une nouvelle voiture. Wolf ajoute : « pour modifier et trouver les problèmes après que le prototype ait été construit, il faudrait 8 semaines avant de pouvoir recevoir la nouvelle itération, ce qui compte du temps et de l’argent. Avec CAVE, vous pouvez comparer les différents designs et comment elles affectent l’expérience de conduite ». 63 Oculus Rift 2012 En 2012, L’oculus est le premier casque qui connut un succès après la période des échecs des années 90. En effet, la firme américaine aura récolté plus de deux millions de dollars sur Kickstarter, la plateforme de financement participatif en août 2012. Palmer Luckey, le fondateur d’Oculus, décida de créer donc le premier Developer Kit (DK1), destiné aux développeurs, qui sera beaucoup plus fonctionnel comparé aux casques conçus auparavant. Les processeurs et cartes graphiques pouvant apporter beaucoup plus de puissance que dans les années 70 et les écrans intégrant beaucoup plus de pixels, l’apparition de l’Oculus de Palmer Luckey sera considérée comme la Renaissance de la réalité virtuelle.
Figure 59. Oculus Rift (DK1, DK2, CV1)
63
Figure 59. HTC Vive
Bell, L., Ford shows off its 3D Cave automatic virtual environment, 2013 [en ligne]
56
Par la suite, un deuxième Developer Kit (DK2) apparut en octobre 2013 comme une mise à jour du matériel utilisé et enfin, le premier casque, appelé Oculus rift Consumer Version (CV1) est commercialisé et vendu au grand public mars 2016. 2016 HTC Vive En avril 2016, HTC, la compagnie taiwanaise qui est plutôt spécialisée dans la téléphonie, commercialisera le HTC Vive. Il sera considéré, avec l’oculus rift, comme les références des casques de réalité virtuelle et qui sont d’ailleurs comparable en termes de caractéristiques techniques.
Figure 61. Playstation VR, 2016
Figure 60. OSVR, 2016
2016 OSVR HDK 2 En janvier 2015, OSVR, Open Source Virtual Reality, apparaît comme le premier casque open source, ce qui signifie que le code informatique est sous une licence permettant la lecture, la modification ou la redistribution. Leur objectif est de pouvoir donner la possibilité à l’utilisateur de combiner plusieurs technologies (manettes, cameras…) d’autres marques ou développé par soi-même. 2016 Sony Playstation VR En octobre 2016, Sony entre dans la concurrence en proposant un casque de réalité virtuelle, Playstation VR (PSVR), pour les joueurs de consoles PlayStation 4. La technologie utilisée pour le suivi des manettes est différente de celle de ces concurrents puisqu’elles se basent sur des LED de couleurs différentes. L’expérience reste assez comparable à l’HTC Vive et l’Oculus, mais ce qui diffère est la plateforme exclusive qu’est la console.
57
2014-2016 Google Cardboard, et Gear VR À partir de 2014, un nouveau type de casques de réalité virtuelle voit le jour : la réalité virtuelle en carton. Effectivement, la miniaturisation des processeurs à l’intérieur de nos téléphones (smartphones) nous donne la possibilité de lancer des applications en réalité virtuelle. Le principe est simple : l’écran du téléphone nous servira d’affichage en stéréoscopie et une boite en carton qui intègre des lentilles. Le marché s’est ensuite développé et il est commun de trouver des casques en plastiques permettant d’insérer notre téléphone à l’intérieur et dont la qualité est meilleure que celle du Cardboard.
Figure 62. Google Cardboard
Figure 63. Homido Mini
Figure 64. Gear VR
2016 Microsoft Hololens Microsoft lance en 2015 une première version de Hololens, l’un des premiers dispositifs de réalité augmentée, mais qui s’apparente plus à de la réalité mixte. Hololens est le premier casque qui ne nécessite pas de manettes et est totalement autonome comparé à l’Oculus rift et HTC vive qui nécessite d’être connecté à un ordinateur. Cependant, cette technologie est la plus prometteuse et les marchés tendent à se diriger vers celle-ci, mais malheureusement la production est encore assez coûteuse, vendue à plus de 3000 €. La particularité de ce casque est l’affichage du contenu sur des vitres transparentes, ce qui permet naturellement de toujours voir le monde réel, à l’opposé de la réalité virtuelle. L’appareil possède des caméras frontales qui scannent l’environnement de la pièce afin d’afficher par la suite des hologrammes et informations virtuelles. Le rôle des caméras est également de détecter le mouvement de nos mains afin de pouvoir interagir avec l’interface.
58
Figure 65. Microsoft Hololens
L’environnement que l’on retrouve avec l’Hololens est l’interface que nous connaissons de Windows. Il est donc possible de travailler et d’utiliser les applications comme le navigateur internet, Skype, Mail…
5. L’interface homme-machine 5.1. L’impact de la technologie L’informatique a déjà commencé à émerger dans les années 60 avec les premières recherches sur les interfaces et sur la manière dont nous allions interagir avec celles-ci. Un des précurseurs du numérique, Nicholas Negroponte, informaticien, professeur, chercheur et fondateur du Media Lab, mais également diplômé en architecture au MIT, a écrit L’homme numérique dans lequel il relate de cette ère technologique qui influence et révolutionne notre façon de vivre. Negroponte est un visionnaire et il l’affirmait dans ces conférences : « ce que je pensais se produire dans 10 ans, se produisit » 64. Il avait entre autres déjà pensé à l’utilisation du doigt comme moyen d’interaction même si la presse de l’époque lui reprochait le manque de précision, sa faible résolution et le fait que le doigt occultait l’information affichée au-dessous. Actuellement, quasiment la totalité de nos appareils tend à devenir tactile et l’utilisation importante, presque addictive, du smartphone ou de la tablette tactile en est la preuve.
64
Negroponte, N. (2014, March). A 30-year history of the future [Vidéo]. Récupéré de https://www.ted.com/talks/nicholas_negroponte_a_30_year_history_of_the_future
59
Figure 66. Seek, Negroponte, 1969-70
Figure 67. Urban 5, Negroponte
Cela questionne tout de même la relation entre l’humain et la machine. Est-ce que la machine est au service de l’humain ou est-ce l’inverse ? Negroponte se pose la question « Nous réfléchissons seulement à la manière dont on pourrait faciliter l’utilisation d’un ordinateur à l’être humain. Peut-être serait-il temps de se demander ce qui faciliterait la tâche des ordinateurs dans leur rapport avec l’homme. »
65
En 1968, Negroponte se spécialise dans la
conception assistée par ordinateur, influencé par ses études d’architecture, et à l’aide de sa première interface de dessin par ordinateur, il développe son projet Seek 66 qui est une plateforme dans laquelle des gerbilles vivent dans une structure de blocs en métal. Le bras mécanique analyse et déplace les blocs en fonction des mouvements causés par les gerbilles. Encore une fois, il parle déjà de l’intelligence artificielle, de la reconnaissance vocale et notamment des voitures autonomes en 1976 qui prennent en compte leur environnement, qui est actuellement la technologie utilisée par les voitures électriques Tesla (2014). Dans le magazine Newsweek, Clifford Stoll qui était sceptique du marché digital écrit en 1995 : « Nicholas Negroponte, directeur du MediaLab au MIT, prédit que nous achèterons bientôt nos livres et nos journaux directement sur Internet ! » 67 En 2017, la grande majorité des lignes d’édition de journaux papier proposent leur contenu en ligne et aujourd’hui, il est commun d’acheter et de consulter des livres numériques.
Negroponte, N., L’homme numérique, Paris, 1995, Laffont, p.161 Wardrip-Fruin N., The NewMediaReader, Volume 1 67 Kelly K., The Inevitable: Understanding the 12 Technological Forces That Will Shape, Peguin Books, New York, 2017 65 66
60
Figure 68. One Laptop per Child (OLPC), Negroponte
Après les années 2000, Negroponte s’intéressa plus à la relation de l’éducation et de l’information. Il voulait penser l’informatique en tant que connecteur et lien entre les personnes, un monde dans lequel la machine aurait un rôle social et humain, ce qui nous rappelle la « machine empathique » décrite par Chris Milk dans les chapitres précédents. Negroponte développera un projet en Éthiopie, au Cambodge ou encore au Népal où il tentera de connecter le dernier « the Last Billion » de personne sur terre qui n’ont pas accès à cette technologie. La principale question était de savoir s’il pouvait y avoir une éducation sans école au travers de la technologie. C’est donc dans ce cadre qu’il développe le projet à but non lucratif « One Laptop Per child » en 2007. Il fut surpris des premiers résultats où les enfants n’ayant jamais été en contact avec un ordinateur ont su l’appréhender en l’espace de quelques jours au terme desquels ces enfants ont appris à lire.68
5.2. La culture cybernétique Avec le développement important de la technologie et de l’informatique, de nombreuses possibilités sont apparues dans le domaine de l’art numérique. Mais pour comprendre d’où vient cette culture, nous devons remonter à l’un des courants qui se sont particulièrement développés dans les années 90 : le cyberpunk. Elle est composée du mot « cyber » qui est associé aux nouvelles technologies et du mot « punk » qui est en fait un mouvement contestataire et anarchiste né avec la musique punk.
68
Warschauer, M., One Laptop per Child Birmingham: Case Study of a Radical Experiment, Massachusetts Institute of Technology, 2012
61
Le courant cyberpunk n’a pas de définition précise, mais semble être régi par des codes qui la caractérisent. Il semble vouloir représenter un monde inévitable vers lequel notre civilisation se dirige. Les thèmes abordés parlent entre autres d’une urbanisation oppressante dans laquelle la technologie est omniprésente et qui va aliéner la population jusqu’au transhumanisme, c’est-à-dire l’amélioration des capacités physiques et mentales de l’humain par la génétique, la biologie et la cybernétique. De plus en plus de romans, de récits et de scénario s’inspirent de ce mouvement exposant des architectures de métropole tentaculaires, de mondes assez sombres, futuristes, postapocalyptiques et couvents agressifs. Les écrivains imaginaient des mondes où la technologie remplace et règne sur l’humain, des univers froids où la technologie y est essentielle. Les styles cinématographiques d’aujourd’hui semblent difficilement se détacher de ce courant cyberpunk et nous allons dans ce chapitre parcourir les œuvres principales qui ont influencé les dispositifs de réalité virtuelle et d’observer comment le virtuel y est représenté.
Figure 69. Pygmalion’s Spectacles, Stanley G. Weinbaym, 1935
Bien en avance sur son temps, Pygmalion’s Spectacles est une nouvelle écrite par l’américain Stanley G. Weinbaum en 1935 dans lequel il développe pour la première fois l’idée de pouvoir voyager dans un monde fictif à travers des hologrammes et d’activer les 5 sens : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et goût.
62
Même si le terme réalité virtuelle n’existait pas encore, nous retrouvons dans les passages de son livre la description du professeur Albert Ludwig qui fait faire l’expérience d’un voyage à travers des lunettes et d’une substance liquide chimique. Il représente les corps virtuels tels des ombres qui nous parlent et de concrétiser un rêve en le rendant réel : ‘But listen – a movie that gives one sight and sound. Suppose now I add taste, smell, even touch, if your interest is taken by the story. Suppose I make it so that you are in the story, you speak to the shadows, and the shadows reply, and instead of being on a screen, the story is all about you, and you are in it. Would that be to make real a dream? (…) In his room Ludwig fumbled in a bag, producing a device vaguely reminiscent of a gas mask. There were goggles and a rubber mouthpiece; Dan examined it curiously, while the little bearded professor brandished a bottle of watery liquid.”69
Figure 70. Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution, Philippe Godart, 1965
Alphaville 70 est un film réalisé par Jean-Luc Godard en 1965 et est décrit comme un film de science-fiction se déroulant dans une ville qui a perdu son caractère humain, car la population y est contrôlée par un ordinateur dont on n’entend seulement la voix rauque et robotique. L’amour et la liberté d’expression y étaient interdits. La plupart des femmes étaient réduites à des objets sexuels et la population fortement endoctrinée était encouragée à se suicider.
69 70
Weinbaum S., Pygmalion’s Spectacles, A public book, 1935, p.2-3 Nelson D., Discussion Guide for ALPHAVILLE Jean-Luc Godard, The Great Books Foundation, 2015
63
La mission du personnage principal de l’histoire, Lemmy Caution, était de détruire cet ordinateur et ce système. En tant qu’agent secret, il se dissimule en tant que journaliste et commence à chercher le professeur Braun, le créateur de l’ordinateur dominant sur la ville, appelé Alpha 60. Durant son enquête, l’ordinateur interrogea Caution : « Quel est le privilège des morts ? Ne plus mourir. Quelle est votre religion ? Je crois aux données immédiates de la conscience » (Alphaville, 1965).
Figure 71. Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution, Philippe Godart, 1965
L’originalité du film est qu’il a été réalisé sans effet spécial en filmant plus particulièrement dans les quartiers d’architecture moderne de Paris ou en cadrant certaines parties afin de donner cette impression. Les scènes sont surtout filmées la nuit afin de faire ressortir ce contraste de lumière des bâtiments représentant l’information et donner cet effet angoissant. Godard aborde ainsi les sujets de la conscience et de l’intelligence artificielle qui ont été des thèmes fondateurs du courant cyberpunk.
Plus tard, Alvin Toffler est un sociologue, écrivain et futurologue qui a joué un rôle important dans la science-fiction et la littérature et a également prédit, plusieurs facteurs notre société actuelle. Richard Gagnon fait notamment remarquer que le livre de Toffler, intitulé La 3e Vague (Toffler, 1980), « précise les structures d’une nouvelle civilisation qui sera plus équilibrée, plus décentralisée et plus démocratique. Pour y parvenir, Toffler analyse les forces de changement à l’œuvre dans la “technosphère” (système de production et de distribution),
64
“l’infosphère” (production et diffusion d’informations), la “sociosphère” (organisation sociale) et la “sphère de pouvoir »71. En résumé, Toffler avait déjà prédit que notre économie se baserait sur la production en masse, mais aussi sur l’évolution affolante de l’information et de la technologie qui seront des sujets au cœur des œuvres réalisées durant les années suivantes. Dans son livre ‘Future Shock’ (Toffler, 1970), il écrira d’ailleurs un chapitre ‘The Cyborg Among Us’ dédié au cyborg où le cerveau et le corps seraient 2 entités tout en ayant une interaction avec les machines. 72
1982 Tron
Figure 72. Tron, Steven Lisberger, 1982
Tron est l’un des premiers films digitalement conçus réalisés en 1982. Le film raconte l’histoire d’un informaticien Flynn qui tenta d’infiltrer le programme d’un ordinateur intégrant une intelligence artificielle, mais fut, par la suite, aspiré à l’intérieur même d’un ordinateur et devra se battre pour sa vie dans un jeu de course au côté de Tron, un programme indépendant, qui l’aidera à retourner dans son monde. Il fut l’un des premiers films à faire référence à une existence de la conscience humaine dans un environnement virtuel, d’une intelligence artificielle et l’apparition de cette grille que nous retrouvons dans de nombreuses œuvres et architectures.
71
Gagnon, Richard. « Toffler, Alvin, La 3e Vague, Paris, Éditions Denoël, 1980, 773 p.. » Études internationales, volume 12, numéro 1, 1981, p. 212–213. 72 J. Hamelink, C., The Ethics of Cyberspace, Sage Publications, 2000, p. 30. Disponible en ligne :
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1984 Neuromancer Pourtant ce n’est qu’en 1984 que le terme « cyberpunk » sera évoqué pour la première fois pour désigner la nouvelle « Neuromancer » de William Gibson où il développe la notion d’un espace de données qui est représentée comme la structure de la lumière et introduite pour la première fois le terme « matrice ». L’histoire se déroule dans une ville dystopique, l’inverse d’une utopie, caractérisée par le héros principal, Case, un pirate informatique que l’on suit dans la Conurb japonaise qui est un terme qui désigne un ensemble de villes dont les banlieues (Tokyo, Yokohama, Chiba,…) finissent par se rejoindre. Figure 73. 1984 Neuromancer, W. Gibson, 1984
À cette époque-là, au lieu d’utiliser des écrans comme interface avec le monde virtuel, Gibson décrit des électrodes
qui sont reliées au système nerveux afin de pouvoir se connecter à la matrice. Case était donc un talentueux « hackeur » qui pouvait pirater n’importe quels réseaux en connectant son cerveau continuellement à la matrice malheureusement, il vola à ses employés et ceux-ci lui injectèrent une substance qui l’endommagera le système nerveux, ce qui l’empêcha de pouvoir se connecter à quelconques réseaux. N’ayant plus de travail et de raison de vivre, il sombra dans la drogue jusqu’au jour où il rencontra alors Armitage et Molly, une mercenaire cybernétiquement modifiée, qui lui proposèrent une façon de retourner dans la matrice en échange de services.
1992 : Lawnmowner Man
Figure 74. Lawnmowner Man, Brett Leonard, 1992
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Lawnmowner Man était basé sur le livre de Stephen King. Le scénariste s’est inspiré plus particulièrement de Jaron Lanier et de son laboratoire VPL. Ce personnage est représenté par un scientifique qui tenta d’utiliser la réalité virtuelle sur un patient avec des troubles mentaux et par ses expériences, le patient entre dans le virtuel et possèdera des pouvoirs psychiques. Il tentera ensuite de contrôler le système mondial en introduisant son esprit dans un ordinateur.
1995 Johnny Mnemonic
Figure 75. Johnny Mnemonic, Robert Longo, 1995
Dans une période où l’on craignait l’espionnage industriel, les industries avaient recours à des messagers pour transporter des données implantées directement dans leur crâne. Johnny Mnemonic, joué par Keanu Reeves, possèdera les données les plus importantes et se fera poursuivre par les Yakuza, la mafia japonaise. C’est encore dans une ville chaotique où la violence et l’information règnent que se déroule ce film qui est en fait inspiré d’une autre nouvelle de William Gibson, Burning Chrome (1987). Nous retrouvons ici la grille de la matrice, mais surtout nous découvrons ces casques qui s’apparent beaucoup avec ceux que nous connaissons aujourd’hui, à savoir l’Oculus Rift ou HTC vive.
1999 Matrix Matrix est le film qui s’est inspiré le plus fortement de la nouvelle « Neuromancien » de Gibson. Les Wachowski ont réalisé ce film en 1999 et raconte l’histoire encore une fois d’un pirate informatique, Thomas Anderson ou Néo, qui est contacté afin de libérer les humains emprisonnés et sous le contrôle de la matrice.
67
Nous retrouvons la matrice dans laquelle Néo se plonge ainsi que la connexion via des câbles insérés dans la nuque, le personnage principal, est tout à fait la description de Case. De plus, les personnages de Armitage et Molly de Gibson sont représentés par Morpheus et Trinity. Avant d’entrer dans la matrice, Morpheus lui tendit les pilules et dit : « N’as-tu jamais fait ces rêves, Néo, qui ont l’air plus vrais que la réalité ? Si tu étais incapable de sortir d’un de ses rêves, comment ferais-tu la différence entre le monde du rêve et le monde réel. » (Matrix, 1999)
Figure 76. Matrix, Wochowski, 1999
5.3. La culture numérique
Figure 77. Musée Guggenheim, Bilbao, Frank Gehry, 1991-1997
68
Dans les années 90, l’ordinateur commence à s’immiscer dans les bureaux d’architecture et Frank Gehry l’utilisera notamment l’informatique pour créer le Musée Guggenheim à Bilbao en 1993-1997. Pour pouvoir créer l’édifice, il dut utiliser un logiciel chez Dassault Systemes, nommé CATIA, Computer-Aided Threedimensional Interactive Application, et qui est à la base un logiciel à l’industrie aéronautique. L’ordinateur lui fut indispensable afin de calculer la faisabilité financière et technique de son architecture.
Figure 78. Archizoom, No-Stop, 1970
Figure 79. Actes Fondamentaux, Superstudio, 1973
Depuis lors, l’architecture a été influencée et a trouvé différent médium. A l’ère de l’informatique, les avant-gardes italiennes Superstudio et Archizoom mettent l’accent sur la circulation de l’information et de données sur une grille, rappelant la représentation de la matrice dans plusieurs œuvres du cyberpunk. Ces architectures semblent s’inspirer de ces circuits électroniques où l’architecture est en fait organisée par cette grille et en chacun des points, l’architecture et l’espace sont identiques. L’impérialisme de cette grille traversée par l’information décrite par Superstudio fait également penser à la ville d’alphaville et les énormes métropoles vide de personnalités régi par la technologie. Superstudio dit également : «The grid would form a “single continuous environment, the world rendered uniform by technology, culture, and all the other inevitable forms of imperialism.” This would allow for a truly democratic human experience: because every point on the grid is identical, no place is better than any other. »73
73
SUPERSTUDIO's Radical Architecture, General Modern at Beinecke, 2013 [en ligne] http://beinecke.library.yale.edu/about/blogs/2013/02/04/superstudios-radical-architecture
69
Ces architectures sont notamment représentées dans « La ville cybernétique » de Nicolas Schoffer où la géométrie est toujours aussi présente et où la ville est traversée par l’information.
Figure 81. Variable Data Forms, Novak, 1999
Figure 80. 2000 - 2004 Marcos Novak, AlloBioExo, 2001.
E. Rubio émet l’hypothèse suivante : « cet espace n’apparait jamais dans la littérature des sciences humaines, l’espace du roman en dehors de cette tension entre l’extrêmement ouvert, fermé, l’appui en lumière, l’organique, l’intersidéral. Toute l’architecture numérique à partir des années 90 suit exactement cette tension-là entre ces deux types d’espace : l’espace ouvert et fermé ».74
Dans les années 90, Marcos Novak commence à produire des images produites par des algorithmes dans lequel on ne perçoit ni espace fermé ni ouvert ni horizon. Dans Liquid architecture in cyberspace, il introduit la notion d’architecture liquide qu’il explique être « une architecture dont la forme est contingente aux intérêts de celui qui l’habite ; c’est une architecture qui s’ouvre pour m’accueillir et se ferme pour me défendre ; c’est une architecture sans porte ni couloir. »75
74
Rubio, E., Octobre (2016) L'espace informatique, de la science-fiction cyberpunk à l'art de construire: pour une approche de l'architecture par le medium, Communication présentée à la Cité de l'architecture et du patrimoine, Paris 75 Novak, M., “Liquid architecture in cyberspace”, MIT Press, Juillet 1992
70
Pour représenter les espaces fermés, Novak créé ces projets sont plutôt des espaces clos, mais dans lesquels nous retrouvons des formes assez inquiétantes et agressives, sans doute toujours imprégnées de cette culture cybernétique Marcos Novak et Michael Benedikt, tous deux professeurs d’architecture, considèrent l’espace virtuel comme un habitat d’imagination avec des coordonnées physiques et une matérialité réelle. Il pense que le cyberespace est architecturé : « Le cyberespace est une visualisation entièrement spatialisée de tout information dans les systèmes mondiaux de traitement des données, le long des voies fournies par les réseaux de communication présent et futur, permettant la présence et l’interaction complète de multiples utilisateurs, permettant l‟input et l‟output de tout le sensorium humain, permettant la simulation de réalités réelles et virtuelles, la collecte de données à distance et le contrôle par téléprésence […]. »76 (Novak, 1991)
Embryological house 1997, Greg Lynn
Figure 82. Embryological house, Greg Lynn, 1997
Figure 83. Blob Architecture, 1995
Par la suite, Greg Lynn en 1995 développe la fonction blob caractérisée par des formes courbes et organiques dont la découverte ne fut possible qu’avec l’avènement de l’ordinateur. Ces espaces créés tendent à englober, à protéger comme son nom l’indique, tel un embryon à l’intérieur du ventre de sa mère.
Marcos Novak, “Liquid architectures in cyberspace”, in Michael Benedikt (ed.), Cyberspace: first steps, MIT Press, Juillet 1992, p.225 76
71
Figure 85 Galerie Miran, Goulthorpe, 2004
Figure 84. Fresh H2O, Pavillon de l’Eau douce, NOX, 1997
Mark Goulthorpe a, lui, théorisé également de Digital Nesting en créant des refuges à l’instar de Lynn, et en démontrant les possibilités outils numériques de l’époque. Ces formes d’œufs s’apparentent au travail de Bachelard sur le nid et le refuge. Encore une fois, en utilisant les outils numériques, Nox et Oosterhuis construisent le pavillon des eaux dans lequel il y a un système de projection d’une grille au sol qui se déplace à la vitesse du visiteur. Nous en retenons ici plus spécialement une première tentative d’expérience interactive dans une architecture organique de refuge propre à celle de l’époque. Le space station module d’Oosterhuis rejoint les principes du cyberpunk, à savoir l’espace, la matrice, mais aussi l’architecture organique, protectrice, englobante qui jusque-là en a découlé. D’après les exemples exposés ci-dessus, Rubio approche l’architecture d’une façon culturelle et se demande si l’architecture que l’on voit se développer depuis les années 90 jusqu’à Figure 86. Space station Module, Kas Oosterhuiis, 1998
aujourd’hui
n’était
pas
que
la
réalisation des fantasmes et les rêves qui s’est développé autour de la culture cybernétique.
72
En poussant la théorie un peu plus loin, la culture architecturale d’aujourd’hui en fait s’inspire directement et indirectement d’autres disciplines, notamment le cinéma, la littérature ou la musique. Une dizaine d’années environ séparent les œuvres littéraires du Neuromancer des fonctions « blob » de Greg Lynn. La noirceur et le côté anarchiste, chaotique des œuvres cyberpunk ont certainement alimenté les réflexions de la maison embryologique qui fut une réponse afin de se protéger du monde extérieur. Merve Kurt ajoute plus particulièrement dans son mémoire : « Traditionnellement, l’idée de réalité virtuelle peut définir une action rituelle, un paradis artificiel ou une sphère publique évoquant un pouvoir politique. En bref, cette notion s’inscrit dans l’histoire du visuel ; elle est liée à l’idée de placer les spectateurs dans un espace visuel, clos et illusoire. Idée qui est ranimée avec le développement de la technologie dans le domaine de l’art depuis les années 1960. »77 En fait, nous pouvons considérer que les ordinateurs n’ont été qu’un catalyseur de ces espaces virtuels, de ces rêves, de ces fantasmes dans lesquels les architectes comme Lynn ont baigné pour enfin les matérialiser dans la réalité. Nous comprenons que la dimension du virtuel et du rêve est importante dans l’architecture qui permet au final de la nourrir et de permettre l’émergence de nouvelles découvertes, de nouveaux concepts et de nouvelles géométries. La réalité virtuelle pourrait être le nouveau terrain d’expérience et peut avoir l’impact qu’a généré l’informatique sur notre architecture actuelle.
5.4. Les dangers du virtuel Après avoir abordé les questions de cette constante présence du virtuel, il est naturel de parler du sujet de l’addiction à la technologie. Bien que nous avons découvert les études bénéfiques dans le secteur médical, mentionné dans l’introduction, la réalité virtuelle peut
77
Kurt, M., l’Expérience du temps, de l’espace et du corps dans les arts numériques, 2010, Mémoire. [en ligne] https://www.academia.edu/15390928/L_Exp%C3%A9rience_du_temps_de_l_espace_et_du_corps_dans_les_arts_nu m%C3%A9riques
73
causer à certaines personnes de maux de tête, des vertiges et des tournis qui sont liés au mal pendant les transports. De plus, les écrans des casques de RV émettant de la lumière bleue, comme la majorité des écrans d’ailleurs, et ceux-ci peuvent provoquer la fatigue visuelle. La compagnie Oculus recommande d’ailleurs sur la notice d’éviter de le porter plus d’une heure en continu.
Les jeux vidéo et internet engendrent plusieurs débats sur le virtuel qui pourrait devenir à l’image que décrit Godard dans Alphaville où nous n’avons plus de libre arbitre. Matrix parle de ce monde virtuel où nous ne saurons plus distingué le réel du virtuel et certaines personnes pourraient être aliénées par cette dimension. Un projet, appelé Blood Sport78, aura même été lancé sur Kickstarter, la plateforme de financement participatif et qui consiste en un appareil qui prélèvera au fur et à mesure du sang du joueur lorsque le personnage virtuel sera touché dans un jeu de guerre. Le but premier de la société sera de récupérer ces doses de sang dans le cadre d’une donation, mais il inquiétant de voir jusqu’où les joueurs sont prêts à aller pour épicer leur expérience de jeu.
En ce qui concerne la santé sexuelle au XXIe siècle, le Dr Dan Velea parle notamment de cybersexualité un terme utilisé par Virilio « on invente une perspective nouvelle, la perspective du toucher, qui permet une sexualité à distance, la télécopulation. L’événement est inouï : jusqu’alors on n’avait jamais pu toucher à distance. Or aujourd’hui, à des milliers de kilomètres je peux non seulement toucher avec des gants de données, mais avec une combinaison spéciale je peux faire l’amour à une fille à Tokyo, ses impulsions m’étant transmises par des capteurs me permettant de faire jouir et de jouir moi-même ».79
Fingas J. 2014. “Game controller takes your real blood whenever you lose.“ En ligne sur < https://www.engadget.com/2014/11/24/blood-sport/>. (Consulté le 2 août 2017) 79 D. Véléa, Toxicomanie et conduites addictives, heures de France, 2005 78
74
6. L’architecture 6.1. Introduction L’architecture ne cesse d’évoluer, tant dans sa profession que dans sa pratique. Elle évolue avec la technologie et s’adapte. Les ordinateurs ont permis des créés des architectures et des géométries nouvelles, mais qu’en est-il du futur de ces outils ? Comment vont-ils évoluer ? Le premier outil utilisé par l’architecte a toujours été le crayon, mais nous observons de plus en plus que celui-ci est davantage substitué par le clavier et la souris. Dans quelques années, il ne sera pas étonnant de voir des architectes concevoir qu’avec le pouvoir de leur doigt ou même de leur cerveau. Nicholas Negroponte cite Neil Gershenfeld, son successeur en tant que directeur du Media Lab, qui compare : « une souris à 30 dollars, dont on apprend à se servir en quelques minutes, à un archet de violoncelle de 30 000 dollars, dont la parfaite maîtrise demande une vie entière. (...) Une souris est un accessoire simple, mais peu maniable en graphisme (...) Là où les souris et les boules de pointage sont carrément inutilisables, c’est pour le dessin. Essayez de signer avec un boule de pointage »80. L’évolution vers la souris et le clavier est un paradoxe assez intéressant, car nous créons et manipulons des objets en trois dimensions (3D) à partir d’écran plat et du pointeur de la souris qui sont des objets en deux dimensions (2D). La réalité virtuelle au contraire pourrait permettre aux utilisateurs de s’immerger dans un environnement 3D, dans le salon de leur appartement par exemple tout en leur donner la possibilité de pouvoir modifier, déplacer et créer leurs espaces en temps réel.
La communication est un médium important en architecture et comprend les outils traditionnels de la visualisation 2D et 3D à travers de plans, maquettes, animations ou encore photomontages. Il y a en effet deux situations où la réalité virtuelle se révèle particulièrement pertinente : la première réside dans la communication avec le/les client(s) et la deuxième dans la communication avec les collaborateurs et partenaires.
80
Negroponte, N., L’homme numérique, Paris, 1995, Laffont, p.161
75
Malgré l’utilisation de ces moyens de représentations, aucune d’entre elles ne présente aux clients une façon naturelle et intuitive d’expérimenter un espace ou un lieu. Dans cette même optique, la réalité virtuelle permet aux clients de prévisualiser le travail de l’architecte avant même que le bâtiment ne soit construit. Cela est bien évidemment un gain de temps et d’argent, mais aussi dans la relation de confiance où le client investit à l’aveugle jusqu’à la réalisation de leur projet. La communication entre architecte et entrepreneur est primordiale pour le bon déroulement d’un projet. Les problèmes sur chantier arrivant fréquemment, il est assurément plus facile de modifier le projet sur l’ordinateur qu’une brique ou un mur sur un chantier. De même, il sera intéressant d’éviter de réaliser des études de cas et de plutôt vérifier ces paramètres avec la réalité virtuelle où cela peut faciliter les décisions urbanistiques ou en architecture de paysage. Il y a donc une synergie plus évidente entre l’architecture, les attentes du client et la technologie.
Outre les changements sociétaux, anthropologiques et politiques, selon Antoine Picon, architecte, ingénieur et historien, la révolution numérique s’accompagne de trois conséquences majeures en Architecture : une géométrie nouvelle, finalité des aspects du métier et pratique professionnelle transcontinentale. Antoine Picon met en évidence la modification conséquente de l’architecture lors de l’utilisation de l’électricité et de l’ascenseur qui change considérablement la circulation verticale et la manière dont les architectes conçoivent les bâtiments.
76
6.2. L’espace virtuel 6.2.1. Maquette Virtuelle À l’université de Caen Basse-Normandie, Philippe Fleury présente dans son travail81 de la restitution virtuelle de la Rome antique en 2007 leurs démarches et comment la réalité virtuelle s’est intégrée à leur processus de modélisation.
Figure 87. Maquette de Rome, Paul Bigot, 1900
L’école possède déjà une grande maquette en plâtre de 70 m — représentant la Rome du IVe siècle qui a été construite par Paul Bigot82 en 1900. L’objectif du projet n’était pas de reconstituer une maquette virtuelle identique à celle de la maquette physique, mais bien de s’inspirer de la rigueur et de la précision fournie par l’architecte. Lors des conférences « Les nocturnes du Plan de Rome » où il expose l’avancement de ce travail, P. Fleury explique que le projet comporte 2 objectifs : « le premier est scientifique afin de pouvoir mettre à jour le modèle, de vérifier les hypothèses architecturales et topographiques (vélums des édifices de spectacle, rideau de scène, systèmes de levage, élévation d’eau, etc.), de les modéliser et de les tester ; le deuxième étant pédagogique dans le but d’utiliser la réalité virtuelle afin de proposer une illustration vivante de la Rome ancienne aux élèves, étudiants et personnes intéressées. »83
81
Fleury, P., « La réalité virtuelle et son intégration dans un projet », Les nouvelles de l'archéologie, 122 | 2010, 29-33. 82 Royo, M., Rome et l’architecte : conception et esthétique du plan-relief de Paul Bigot, Caen, PUC, 2006 83 CIREVE, De la maquette de P. Bigot à la maquette virtuelle [3D] - Les Nocturnes du Plan de Rome, [Video en ligne]. https://youtu.be/mZJNzwOgrwo, consulté le 15 août 2017
77
En plus de ces objectifs, il explique que la réalité virtuelle permet principalement une immersion et une interaction. Selon lui, l’immersion consiste « à passer de l’autre côté du “miroir”, c’est-à-dire à entrer dans l’image » et la compare à la visite réelle qu’il trouve complémentaire. « La visite réelle permet de mesurer l’état actuel de conservation, de s’imprégner d’une ambiance. La visite virtuelle permet une lecture plus facile et directe de ce qu’était la Rome ancienne. »(Fleury, 2017)
Figure 88. Maquette virtuelle de Rome, Fleury, 2010
Fleury relève aussi un problème sur le degré de fiabilité et pour y répondre d’une démarche scientifique, le modèle virtuel affichera les données et documents relatifs correspondants lorsque les visiteurs souhaiteront connaître la source qui a permis la modélisation. Enfin, il considère que la maquette en plâtre de Bigot et leur maquette virtuelle ne devraient pas s’opposer, mais à l’instar des visites se compléter. Leur équipe compte d’ailleurs mélanger les visites guidées traditionnelles avec le support virtuel et physique. Selon lui, la réalité virtuelle permettrait 4 possibilités : 1.
la quasi-immatérialité du support pour des modifications relativement aisées et un stockage pratiquement infini des différentes versions ;
2.
la réalité virtuelle grâce à laquelle nous nous immergeons à « échelle humaine » dans le modèle et nous interagissons avec lui ;
3.
le multimédia qui associe l’image (animée ou fixe), le texte (par exemple les sources anciennes sur lesquelles s’appuie la restitution) et le son ;
4.
l’accès à distance via l’Internet. Mais, en aucun cas, la maquette virtuelle ne rend obsolète la maquette physique qui reste un objet d’art classé « monument
78
historique » et un témoin des connaissances sur Rome de la première moitié du XXe siècle.84
6.2.2. CALVIN En 1996, Jason Leigh, travaille sur une interface prototype dans laquelle la collaboration architecturale est possible et le but était d’explorer les possibilités du design collaboratif. CALVIN85 signifie Collaborative Architectural Layout Via Immersive Navigation86 et le principe se base sur le système CAVE présenté précédemment. Ce projet d’étude a été développé par Jason Leigh, Andrew E. Johnson et Thomas A. DeFanti dans le département Electronic Visualisation Laboratory (EVL) de l’université de l’Illinois à Chicago. Selon leur étude, la réalité virtuelle n’est utilisée seulement pendant la dernière phase de conception en tant que rendu 3D architecturale et n’occupent que 20 % du processus de conception entière. Le reste de l’occupation serait dédié à de l’expérimentation maquette, dessins, croquis pendant laquelle l’ordinateur est peu utilisé. Dans le cadre de leur étude, ils ont réalisé un sondage d’architectes et d’étudiants en architecture dans lequel les résultats montrent qu’ils font d’abord plusieurs essais en croquis et maquette, pour ensuite passer dans un logiciel CAD. Cette phase serait considérée comme la moins créative et la plus fastidieuse, mais nécessaire pour pouvoir créer le modèle de réalité virtuelle pour impressionner les clients.
Leigh pense vraiment que la collaboration est un moment essentiel dans la conception, car il a remarqué que les architectes passent autant de temps lors de réunions informelles avec leurs collègues que formelles avec des ingénieurs, clients… Pendant les réunions informelles, l’importance devrait être mise sur l’exploration d’idée plutôt que de la simple confirmation de concept lors des réunions formelles.
84
Fleury, P., « La réalité virtuelle et son intégration dans un projet », Les nouvelles de l'archéologie, 122 | 2010, 19. 85 CALVIN: an Immersimedia Design Environment Utilizing Heterogeneous Perspectives, Jason Leigh, University of Illinois at Chicago, 1996 86 CALVIN: Collaborative Architectural Layout Via Immersive Nav. [Video en ligne] www.youtube.com/watch?v=ZYY8JdFgCAc, consulté le 15 juillet 2017
79
L’une des observations que font les chercheurs dans la production de rendu 3D est le point
Figure 89. World in Miniture, Conway et Pausch, 1996, Vue intérieure et maquette virtuelle
de vue égocentrique de la personne qui crée l’image. Selon Leigh, la réalité virtuelle permet : « 1) paramétrage de plusieurs points de vue (extérieurs et intérieurs) ; 2) filtre sur plusieurs types d’informations (structurelles, esthétiques…) ; 3) plusieurs collaborateurs de différentes disciplines (architectes, ingénieurs, intervenants à distance…) ; 4) expérimenter plusieurs concepts ; 5) concevoir des idées matures au fil du temps. »87
En parlant de la perspective du concepteur, le point de vue égocentrique est utile lorsque le projet a déjà été esquissé. La maquette, par exemple, permet d’avoir un meilleur point de vue global de l’espace. Leigh explique que cela a été démontré dans l’étude « Virtual reality on a WIM: Interactive worlds in miniature »88 où la personne portant le casque de réalité virtuelle possède un plateau qui est retranscrit en maquette par l’ordinateur. Dans cette vidéo
89
Interactive Worlds in Miniature (WIM), le concepteur a un point de vue extérieur (maquette) et intérieur (vue d’homme).
En ce qui concerne la collaboration, le système par défaut utilisé est celui où tous les participants perçoivent un monde homogène, les mêmes informations, les mêmes
87
CALVIN: an Immersimedia Design Environment Utilizing Heterogeneous Perspectives, Jason Leigh, University of Illinois at Chicago, 1996 88 R. Stoakley, M. J. Conway, and R. Pausch, ``Virtual reality on a WIM: Interactive worlds in miniature,'' in SIGCHI '95 Proceedings, pp. 265-272, May 1995. 89 Alice Team, Virtual Reality on a WIM : Interactive Worlds in Miniature.[Video en ligne] https://vimeo.com/2208493, consulté le 15 juillet 2017
80
représentations. Cependant, en intégrant un monde hétérogène avec des informations et représentations différentes pour chaque collaborateur, cela permettrait à tout un chacun de poser leur expertise, d’interpréter le projet sous un autre angle et de propos différents plus pertinents. Plus tard dans le développement de l’interface, la notion de temps leur est importante et les développeurs souhaiteraient pouvoir donner au concepteur la possibilité de partir et de revenir dans l’espace de travail quand ils le veulent. Comme la créativité n’a pas d’horaire et que ce sont des collaborations informelles, les participants devraient pouvoir s’y rendre sans planning précis. Leigh trouve dommage que la réalité virtuelle ne soit utilisée que dans la phase la moins créative, car elle permet de résoudre plusieurs problèmes architecturaux. La RV permettrait notamment d’esquisser directement en 3D et d’importer des objets, meubles, etc.
CALVIN est conçu dans un cube de 3 m de côté dont les murs translucides sont illuminés par des projecteurs avec des images stéréoscopiques. Les participants portent des lunettes afin de suivre leurs mouvements et orientations, mais possèdent également une manette qui permet d’interagir avec le modèle. Les participants possèdent également un avatar qui représenté dans le monde virtuel afin de faciliter la communication et la position de chaque participant. Le système a été codé en C++ et possède deux types d’interfaces : à travers un menu virtuel et une reconnaissance vocale. Lors de l’évènement Supercomputing 95 à San Diego, CALVIN a permis de concevoir le rez-dechaussée
accueillant
200
places
et
les
architectes de Chicago ont pu aussi faire part de leurs idées et concepts. Les architectes ont pu collaborer depuis leurs laboratoires séparés de plus de 3000 km. Après ce premier essai de collaboration à Figure 90. Interface CALVIN, SuperComputing, Chicago, 1995
81
distance réussi, Leigh et son équipe voient d’autres opportunités et utilisations dans les
domaines de l’ingénierie ou d’autres domaines scientifiques qui impliquent des représentations multidimensionnelles.
6.2.3. Réalité mixte Mis à part, l’énorme marché du jeu vidéo qui s’est développé grâce à la réalité virtuelle, il existe, au-delà des expériences virtuelles individuelles dans son salon, des applications mélangeant le virtuel et le monde physique. Can You See Me Now
90
a été développé par Blast Theory et est l’un des premiers jeux se
déroulant dans une ville réelle dans lesquels des joueurs en ligne sont chassés par des runners ou street performers équipés de GPS.
Figure 92. Can You See Me Now, Tokyo, 2005, Runner
Uncle Roy All Around You
91
Figure 91. Uncle Roy All Around You, Londres, 2003, Interface
est une autre expérience créée par Blast Theory dans lequel
une personne physique est lancée dans les rues de Londres et est guidée à l’aide d’un simple appareil qui est en communication vocale ou textuelle avec une « personne guide » à distance. À la manière d’un jeu de piste, le but est de trouver le bureau de Uncle Roy et à la fin de l’expérience, un agent dans une limousine les accueille et il leur est demandé s’ils s’engagent à aider un futur joueur dans les 12 mois qui suivent. L’auteur de l’expérience explique qu’il est surtout intéressant de développer ces espaces virtuels et de comprendre comment les joueurs perçoivent ces derniers afin de pouvoir concevoir de meilleurs espaces hybrides (p.47) dans le futur.
90
Benford, S., Giannachi, G., Performing Mixed Reality, Massachussets, MIT Press, 2011, p.27-47
82
Figure 93. Mixed Reality Architecture, Schnädelbach, 2011,
Sur cette même base de réalité mixte, l’architecte Holger Schnädelbach, chercheur à l’Université de Nottingham à la section Mixed Reality Laboratory (MRL), décrit comment les espaces hybrides influent sur son travail d’architecture. Dans son interview dans le livre Performing Mixed Reality (p.47), il explique : « Mes recherches portent sur l’architecture qui s’adapte à son environnement et aux habitants dans de nombreux cas différents (...) J’ai deux buts principaux. Premièrement, je me préoccupe de la question des espaces éloignés dans des configurations architecturales. Par “éloignés”, je veux parler des espaces qui sont situés dans différentes villes, même si les espaces au sein d’un bureau entre différents étages sont tout aussi intéressants. Seules les interactions sociales semblent éloignées. Deuxièmement, je voudrais créer un bâtiment architectural encore plus dynamique de sorte qu’il réponde mieux à un changement d’organisation selon les besoins des occupants. Cela est particulièrement pertinent dans un environnement où l’espace devient flexible et où plusieurs
Figure 94. Mixed Reality Architecture, Schnädelbach, 2011,
83
personnes qui travaillent sur différents projets ; ces personnes sont également dispersées à différents emplacements et travaillent donc en téléconférence. (...) L’objectif concret de cette recherche est de créer une architecture de réalité mixte ou mixed reality architecture (MRA), une typologie d’architecture qui lie le virtuel et les espaces physiques d’une manière dynamique. »92
Schnädelbach définit l’architecture de réalité mixte 93 comme une extension du bureau ordinaire. Dans le bureau, un des murs est dédié à la projection de l’environnement virtuel partagé et des caméras, microphones et haut-parleurs sont placés dans plusieurs coins de la pièce. L’interface MRA fonctionne comme une porte ouverte en arrière-plan qui permet une interaction sociale spontanée entre collaborateurs qui peuvent être dans une autre ville.
i.
SketSha, la Tablette virtuelle
Figure 95. Sketsha, LuciD, 2008
SketSha
94,
Sketch Sharing System, est une interface qui permet à plusieurs personnes de
collaborer à distance et qui synchronise les esquisses et annotations effectuées sur un même document en temps réel. Le projet a été développé par LuciD à l’Université de Liège en 2008 dont l’équipe est composée d’architectes, ingénieurs, informaticiens et infographistes. Le système fonctionne avec un ordinateur qui affiche la visioconférence avec le collaborateur et de l’affichage des documents partagés en temps réel par un projecteur. Cela permet
92
Benford, S., Giannachi, G., Performing Mixed Reality, Massachussets, MIT Press, 2011, p.27 Schnädelbach, H., MIXED REALITY ARCHITECTURE: a dynamic architectural topology, 2007 C. Elsen , P. Leclercq,“SketSha” - the Sketch Power to Support Collaborative Design., University of Liège, Lucid Group, Belgium, 2008 [en ligne] https://www.ulg.ac.be/cms/c_1775092/fr/sketsha-la-table-virtuelle 93 94
84
notamment de travailler sur des documents 120cm sur 60 cm. Afin de pouvoir annoter ou dessiner, un stylo électronique est mis à disposition et il est possible ainsi d’importer des fichiers vectoriels ou non (dwg, dxf, jpg, png,…) et projet commencé sur un logiciel CAD.
6.3. Médium de communication 6.3.1. Visualisation architecturale
Le médium que l’on peut imaginer facilement est la communication entre l’architecte et le client. Permettre au client de prévisualiser le projet facilement et efficacement en l’immergeant dans le projet à l’aide d’un casque de réalité virtuelle est un atout. Le client n’a pas forcément de formation particulière afin de comprendre des plans techniques et ne comprend pas forcément les notions de dimensionnement ou ne possède pas le vocabulaire requis. À Ottawa, un bureau d’architecture nommé Linebox utilise actuellement activement la réalité virtuelle dans leur méthode de travail. Andrew Reeves, l’architecte et partenaire principal, explique dans un article que l’interaction client-architecte-collaborateur concernant plusieurs de leurs projets à travers la réalité virtuelle a permis d’éviter plusieurs erreurs ou mauvaises communications. Il dit par exemple : « Nous avons littéralement amené l’encadreur et il a fait le tour du modèle du projet ; nous avons amené le fabricant d’escaliers qui était un grand avantage, car ce dernier disant “c’est ce que vous vouliez dire”. »
95
Reeves a travaillé le domaine des modèles et rendu 3D depuis les années 80. Il raconte que « la possibilité dès à présent de projeter un individu dans des plans à travers la RV a tout changé ; maintenant, l’outil de présentation devient un outil de conception. »(Reeves, 2016)
95
LEBLANC, D., Virtual reality is already disrupting the architectural design industry, The Globe and Mail, Dec. 02, 2016
85
6.3.2. Apprentissage
Figure 96 Etudiant de Ryerson University et Yulio, The Globe and Mail, 2016
La réalité virtuelle pourrait apporter un réel avantage dans l’enseignement de l’architecture tant pour les étudiants que pour les enseignants. Il sera certainement commun de voir dans quelques années des jurys de fin d’année ou des corrections en atelier où on intègre l’environnement virtuel à l’environnement de la classe. À Toronto (Canada), par exemple, les étudiants de l’université Ryerson déclarent être la première université du Canada à intégrer la réalité virtuelle dans leurs travaux. En effet, l’université s’est associée avec une jeune société new-yorkaise, Yulio spécialisé dans la conversion « 3D to VR » qui permet de convertir un projet réalisé sous Sketchup ou Rhino en monde virtuel. Les étudiants aux alentours de 17-18 ans ont pu par exemple vérifier leur projet en s’autocritiquant. L’un des professeurs, prof. Hui, rappelle tout de même que le dessin à la main ait toujours la priorité, mais que tous les professeurs d’architecture devraient inclure cette technologie dans leur programme de cours.96
Cependant, il est important de rester critique par rapport à cette technologie et nous devons en comprendre les enjeux. Xavier Liekens écrit déjà en 2003 un mémoire intitulé « Université ouverte assistée par la réalité virtuelle : Un environnement numérique de travail tridimensionnel pour Horta » dans lequel il tente de redéfinir l’université à l’aide des outils technologiques comme l’université à
96
D. LEBLANC, Virtual reality is already disrupting the architectural design industry, The Globe and Mail, Dec. 02, 2016
86
distance et la réalité virtuelle. Il explique les facteurs qui lui semblent les plus importants dans l’utilisation de la réalité virtuelle et de l’université virtuelle par des étudiants. Nous retiendrons notamment les points suivants97 : l’expérience, la visualisation de concept, l’autonomie des étudiants, entraînement à des situations difficiles, accès à la connaissance et la relation enseignant-étudiant.
En effet, Xavier Liekens relève que la réalité virtuelle permettra surtout la visualisation et la compréhension de concepts ou objets abstraits, d’interagir en modifiant un paramètre et d’en observer les conséquences. L’expérimentation peut être répété autant de fois que voulue et dans le cas, d’étude d’un site en particulier, si celui est difficilement accessible, avoir accès une représentation virtuelle permet de s’y rendre sans danger ou coût supplémentaire. L’autre facteur intéressant est l’autonomie des étudiants et leur relation avec l’enseignant. La possibilité de l’étudiant de pouvoir prévisualiser leur projet avant correction, comme mentionné par les étudiants de l’université Ryerson, leur permet de devenir plus autonomes et la conséquence sur le rôle de l’enseignement est qu’il deviendra plus un « guide, un tuteur, un accompagnateur », comme le définit Xavier Liekens. Les étudiants apprenant souvent plus rapidement et les technologies évoluant, le savoir ne résidera plus uniquement chez le professeur, mais il s’effectuera donc un échange continuel entre l’étudiant et l’enseignant.
Figure 97. Heidi Milia Anderson, Dale’s Cone of Experience, University of Kentucky, 19,999
97
Liekens, X., « Université ouverte assistée par la réalité virtuelle : Un environnement numérique de travail tridimensionnel pour Horta », 2003, ULB, Belgique, p.70-73
87
À L’université de Strathclyde à Glosgow (Écosse), Rodrigo Garcia Alvardo et Tom Maver, deux professeurs d’architecture venant du Chili en visite à Glosgow, ont écrit un article 98 sur les possibilités de la réalité virtuelle dans l’apprentissage de l’architecture et explique qu’il est possible, avec la réalité virtuelle, de vérifier les problèmes et détails liés au projet et ce procédé peut ainsi peut mener à des décisions architecturales différentes selon le point de vue. L’université de Strathclyde possède ce qu’ils appellent un « Virtual Environment Laboratory » (VEL) dans lequel se déroulent les des conférences, des corrections de projets, mais aussi de la visualisation de modélisation de ville en 3D afin d’étudier le contexte de projet. Ils notent également qu’il serait intéressant de collaborer par vidéoconférence afin d’ouvrir les discussions entre étudiants et professeurs de pays différents afin de développer leur créativité et leur raisonnement. Ces professeurs reprennent une citation intéressante d’Edgar Dale : « Les personnes ne se souviennent que de 10 % de ce qu’elles lisent, 20 % de ce qu’elles entendent, 30 % de ce qu’elles voient et 90 % des expériences qu’elles vivent »99
6.4.
Méthode et interface de conception.
Avec l’utilisation régulière des technologies comme la Conception assistée par ordinateur (CAD), il est intéressant de se poser des questions sur leur utilisation et de la manière dont ces systèmes nous aident à créer et concevoir l’architecture. Dans son mémoire Virtus, David Noël note que « la question est de savoir si la méthode de conception d’un ordinateur peut répondre à un programme d’architecture. Pour un programme logique basé sur des données mathématiques, oui. Mais pour un programme sensible et à l’échelle de l’homme, certains ont encore des doutes... L’ordinateur doit permettre de concevoir des architectures ludiques, interactives, liquides. Il faut éviter l’architecture binaire, froide et aléatoire. C’est là où l’architecte doit intervenir par ses aptitudes en assistant la conception assistée. » 100
98
Alvarado R., Maver T., Virtual reality in architectural education : defining possibilities, Acadia Quaterly, 1999 99 Anderson, H., Dale’s Cone of Experience, University of Kentucky, 1969 100 Noël D., Virtus, Institut Victor Vorta, 2007
88
En effet, il est important de rappeler que l’informatique est avant tout un outil qui nous aide à expérimenter, à apprendre, à corriger, mais qui n’est pas la solution à tous les problèmes inhérents au projet. La réalité virtuelle ainsi que ces futures applications devrait être pensée ainsi. L’une des questions que nous pouvons nous poser est jusqu’à quel niveau de réalisme il est nécessaire d’atteindre afin de concevoir de l’architecture. Pendant les premières semaines d’un projet, il n’est pas nécessaire d’avoir un affichage constant hyperréaliste pour commencer à travailler sur un projet. La visualisation finale que l’on montre à un client, par contre, nécessite ce niveau de réalisme important. Cependant, cette notion de réalisme peut être trompeuse, car les plans, coupes ou rendus d’un projet sont avant tout l’expression synthétique du travail de l’architecte. Le rôle de l’architecte, selon les phases du projet, est de représenter avec plus ou moins de détails un projet ; cela est aussi ce qui définit la personnalité d’un architecte ou ce qui le rend différent d’un autre bureau d’architecture.
Même si en 2017 la technologie nous permet de réaliser des rendus photo-réalistes et que les ordinateurs se miniaturisent davantage, les logiciels de conception de réalité virtuelle pour l’architecture ne sont jusqu’à présent pas suffisamment développés pour pouvoir donner un réel avantage à l’utiliser dans les processus de création. Cela peut s’expliquer d’une part par le fait que les principaux programmes sont destinés premièrement aux concepteurs de jeux vidéo ou infographistes et d’autre part que les appareils de réalité virtuelle actuelle ne sont pas encore assez autonomes et doivent être absolument connectés à un ordinateur puissant avec de nombreux câbles. Néanmoins, il existe plusieurs sociétés qui s’intéressent à intégrer la réalité virtuelle dans les logiciels CAD et BIM avec lesquels nous sommes déjà familiers ainsi que des applications de conception architecturale qui pourraient bientôt se lancer sur de simples téléphones.
89
6.4.1. Iris VR
Figure 98. Scope et Prospect, IrisVR, 2016
IrisVR est une startup new-yorkaise ouverte en 2014 et a lancé son premier produit en 2016 qui convertit les projets créés dans des logiciels CAD ou BIM et permet non seulement de visionner, mais aussi d’interagir avec le projet modélisé. Shane Scranton, fondateur d’IrisVR s’exclame et explique que « Jusqu’à présent, la VR a été victime de stigmatisation : simple gimmick, science-fiction... Ces visions vont être invalidées. Il y a une véritable industrie qui s’emploie à changer l’utilisation de la VR. IrisVR est l’une de ces entreprises visionnaires. »101
Les personnes ciblées sont donc les professionnels dans les domaines de la construction, de l’architecture et du design. Il est donc possible par exemple de commencer à modéliser un projet sur Revit (Autodesk), Archicad (Graphisoft) ou Sketchup (Google) et de pouvoir se promener à l’intérieur de son projet avec tous les éléments initiaux. À présent, IrisVR est composé de deux services : l’un est destiné à la modification architecturale à l’aide de casque VR (oculus rift, htc vive) et l’autre est destiné au simple visionnage qui peut être lancé sur de simples téléphones (Google cardboard) par exemple.
Khedri F., IrisVR lève 8 millions pour moderniser l’architecture et le design, article [en ligne] : http://www.realite-virtuelle.com/irisvr-8-millions-0212, consulté le 9 août 2017 101
90
6.4.2. Unreal Engine
Figure 99. Unreal Engine et VRtisan, 2016
Pendant des décennies, les jeux vidéo ont intégré dans plusieurs de leur projet des villes totalement modélisées ou des architectures virtuelles et il est intéressant de se tourner vers ces programmes afin de voir comment ils pourraient être utilisés en architecture. Unreal Engine (UE) est à la base un logiciel de conception de jeux vidéo qui permet de modéliser, d’animer et de coder. Sa particularité se trouve dans le niveau de réalisme que le moteur peut afficher en temps réel, c’est-à-dire, que nous pouvons nous déplacer dans l’environnement du projet tout en ayant cet hyperréalisme des textures et des objets. Comparé à d’autres logiciels de modélisation (3DS max, Cinema 4D, blender), le rendu d’une seule image peut prendre plusieurs journées.
Jusque 2016, il était impossible de visionner des projets en réalité virtuelle pour des raisons d’incompatibilité informatique. À l’heure actuelle, il est possible donc avec unreal engine d’afficher des images en stéréoscopie et de modifier, déplacer, ajouter, créer des objets en temps réel. VRtisan (fig.) fera la démonstration en vidéo 102 de la création et redimensionnement d’un mur, d’un fauteuil, d’une table de cuisine et du changement de texture des surfaces. Il est possible par la suite d’exporter le modèle 3D vers d’autres logiciels.
102
Vrtisan, Architectural Design in Virtual Reality - Full Process, video en ligne, https://www.youtube.com/watch?v=X7h_JOPHoxk, consulté le 5 juillet 2017
91
6.4.3. Autodesk VR
Figure 100. Autodesk Virtual Reality Center et Autodesk Stingray
Autodesk est une société, bien connue des infographistes, ingénieur et architecte, qui développe des logiciels depuis déjà plus de 30 ans. Afin de garder l’écosystème et les utilisateurs d’Autocad, 3 DS max ou Maya et de faciliter la communication entre ces logiciels, Autodesk décide de créer Stingray qui sera le seul logiciel de leur collection compatible avec la réalité virtuelle. Le développement de StingRay est toujours en cours, mais la société cherche à intégrer des outils pour la conception et la visualisation architecturale ainsi que la cinématographie en réalité virtuelle. À l’instar de la technologie CAVE (1999) présentée précédemment, Autodesk a ouvert un centre dédié à la réalité virtuelle, Autodesk Virtual Reality Center 103, à Munich en Allemagne afin de créer des outils de collaboration en réalité virtuelle, augmentée et mixte. En temps réel, il leur est possible de naviguer à l’intérieur d’un modèle à l’aide d’un simple objet, l’écran affiche en suite les mouvements simultanément.
103
Vrtisan, Autodesk VR Center of Excellence in Munich, https://www.youtube.com/watch?v=E5H3c1euX9o, consulté le 24 juillet 2017
video
en
ligne,
92
6.4.4. Hololens et Greg Lynn
Figure 101. Figure 103. Center for Fulfillment, Knowledge and Innovation, Greg Lynn, Biennale de Venise 2016
Dans le cadre de la Biennale de Venise de 2016, il a été demandé à Greg Lynn et à 12 autres architectes de travailler sur une grande parcelle d’environ 1 km de long dans laquelle se trouvent des bâtiments abandonnés depuis 50 ans dans la ville de Detroit. L’ambition des organisatrices, Cynthia Davidson et Monica Ponce de Leon, pour le pavillon américain est de proposer de nouvelles possibilités et de nouveaux scénarios d’architecture en étudiant les questions politiques, sociales et urbaines pour la ville de Détroit qui était autrefois l’une des villes des inventions des États-Unis. Les projets sélectionnés ont été choisis pour montrer la diversité des styles et réflexions architecturaux des architectes des États-Unis.
Greg Lynn voulait réfléchir à la façon dont les voitures autonomes et les transports intelligents vont modifier la structure d’une ville et des bâtiments en essayant d’inventer une nouvelle typologie d’architecture. Afin de connecter les bâtiments entre elles, il va garder les deux premiers étages des bâtiments abandonnés de Detroit et ajouter cette infrastructure comparable à une autoroute par-dessus. Au vu de l’énorme surface du projet, Lynn trouvait que le programme devait être industriel et non résidentiel dans lequel les produits sont transportés dans d’une manufacture à une autre. Dans la recherche de la forme, on y retrouve son architecture de blob où il a étudié le mouvement et le flux de véhicules pour définir les paramètres qui dirigent la forme.
93
Dans la vidéo104 de partenariat avec Microsoft, Lynn présentera comment il a intégré le casque de réalité mixte, Hololens, dans la conception de ce projet à Détroit. Il explique qu’au début, il ne savait pas de quel ordre de grandeur le site de Detroit s’apparentait et avec le logiciel Trimble, il a pu comparer virtuellement rapidement combien de fois un musée, par exemple, correspondait à la surface totale du site. Mais le plus important était de pouvoir visionner le volume qu’il avait conçu et prendre des décisions en temps réel sur la forme des éléments de toiture ou de simuler la dynamique à l’intérieur de son projet. Les visiteurs de la biennale ont pu porter le casque de réalité mixte et visualiser l’animation de la maquette virtuelle avec des simples gestes de la main pour interagir avec le modèle. Dans son interview avec Dezeen, il dit notamment que l’Hololens « est un excellent outil de conception. (...) Nous construisons une énorme quantité de maquettes et la possibilité que nous ayons de les animer avec la simulation de flux des véhicules et des personnes, ainsi que d’ajouter des hologrammes virtuels supplémentaires sur la maquette actuelle, est incroyable. (...) Cela changera-t-il le langage, le vocabulaire et la complexité, comme l’ont fait les outils numériques dans les années 90 ? Non. Est-ce que cela changera les méthodes de communication de la conception à la construction ? Absolument. (...) La réalité augmentée sur les chantiers et dans les usines modifiera, avec une certitude absolue, la façon dont les bâtiments seront construits. Par conséquent, cela changera la façon dont les architectes fonctionneront et changeront leur rôle. Il reste à savoir comment et ce que cela va changer. (...) C’est un outil trop puissant pour ne pas être utilisé pour économiser du temps, de l’argent et d’éviter les oublis et les erreurs. »105
104
Lynn, G., Microsoft HoloLens: Partner Spotlight Greg Lynn. [video] https://www.youtube.com/watch?v=1gmkJqW0WFQ, consulté le 14 juillet 2017 105
Frearson, A., Augmented reality "will change the way architects work" says Greg Lynn [en ligne] https://www.dezeen.com/2016/08/03/microsoft-hololens-greg-lynn-augmented-realityarchitectureus-pavilion-venice-architecture-biennale-2016/, consulté le 26 août 2017
94
7. Conlusion La réalité virtuelle étant souvent connotée négativement comme étant exclusivement destiné aux jeux vidéo, l’environnement virtuel est également considéré comme une plateforme de divertissement. Cependant, la dimension virtuelle a toujours été présente dans l’histoire de l’Homme et s’est développée au travers de plusieurs moments importants. D’après les recherches exposées dans ce mémoire, il est possible de définir 4 lignes du temps qui ont permis l’évolution de la réalité virtuelle telle que nous la connaissons aujourd’hui :
1.
Représentation
2.
Technologique
3.
Culturel
4.
Architecture
Figure 102. Evolution de la Représentation (NGU T.).
Représentation Nous pouvons considérer la perspective comme la dimension virtuelle de la Renaissance durant laquelle l’objectif des artistes était de représenter le monde le plus réaliste possible. La perspective était l’outil du virtuel, celle qui permettait de créer le lien entre le monde réel et le monde virtuel. De plus, la représentation du sacré étant très présente, il y eut toujours cette quête vers le monde spirituel et virtuel.
La représentation a notamment évolué à travers le trompe-l’œil. Le format est donc passé du simple tableau à la peinture de grandes fresques murales et sur des voutes dans les années 1500. Par la suite, restant dans cette recherche de l’immersion, des peintures sur de longues toiles apparaissent avec les panoramas de Robert Barker en 1797. La représentation
95
tend donc à s’étendre vers un environnement de plus en plus réel qui se manifestera dans la réalité virtuelle.
Figure 103. Tableau 1. Evolution de la Technologie (NGU T.).
Technologique Néanmoins, la réalité virtuelle n’a pas pu se développer sans la découverte de l’optique, car elle a permis le développement des premiers projecteurs et donc de la cinématographie. Nous retiendrons notamment la lanterne magique et la camera obscura (1671) d’Athanasius Kircher, le stéréoscope de Wheatstone (1838) et le Sensorama de Heilig (1956). Mais ce n’est seulement à partir de la miniaturisation des processeurs (1971), que nous retrouvons aujourd’hui dans nos ordinateurs, qui ont permis la création des technologies de projections et du système CAVE (1996). Par la suite, l’évolution exponentielle de la puissance calculatoire de l’informatique a favorisé la création des casques actuels comme l’Oculus Rift (2012).
Figure 104. Evolution Culturelle (NGU T.)
Culturel En 1935, une première description de la réalité virtuelle est écrite par Stanley Weinbaum dans Pygmalion’s Spectacles, mais ce n’est qu’avec les écrits de Toffler sur l’avenir dans Futur Shock (1970) que la culture numérique a pu se développer. En effet, les œuvres de Gibson ont été les piliers du courant cyberpunk et ces livres ont fortement inspiré le film Matrix ou
96
Johnny Mnemonic dans lequel on retrouve également une première représentation d’un casque de réalité virtuelle.
Figure 105. Evolution de l'Architecture (NGU T.)
Architecture Influencés par ces livres et films cyberpunk, nous pouvons soulever deux facteurs qui ont mené vers les architectures des années 90 : la première est la possibilité de créer de l’architecture paramétrique basée sur des algorithmes et la deuxième est une réponse culturelle et émotionnelle plus profonde lié au chaos des villes cybernétiques. Mais à l’instar des logiciels de conception assistée par ordinateur (CAD) qui ont su s’intégrer dans les processus de conception architecturale des années 90, les programmes actuels de réalité virtuelle devront s’en inspirer pour avoir un réel impact dans la discipline de l’architecture.
Même si certains bureaux et architectes comme Greg Lynn commence déjà à utiliser le Microsoft Hololens ou l’oculus rift à des fins professionnels, afin que la réalité virtuelle atteigne son réel potentiel, il me semble important de relever six composantes inhérentes à tout logiciel de conception : l’interface, l’ergonomie, l’affichage, les ressources, la collaboration et les simulations. Tout d’abord, l’interface devra être intuitive, simple et efficace : dans un premier temps, les casques devront devenir autonomes, ils n’auront donc pas besoin de se connecter à un ordinateur. Cette avancée va notamment permettre de se déplacer plus librement avec moins de contraintes. De même, l’interface devra éviter l’utilisation de manettes afin de rendre l’expérience la plus intuitive.
97
Une fois que les casques s’affranchiront de ces contraintes, il sera aisément possible de se déplacer, de dessiner ou d’esquisser en trois dimensions et l’utilisateur pourra balancer entre plusieurs points de vue du projet, une intérieure et une extérieure, comme présenté dans le système CALVIN. Ensuite, le programme devra pouvoir afficher différentes informations (structurelle, technique, économique, formelle) selon les besoins et selon l’interlocuteur, architecte-client, architecteingénieur ou encore professeur étudiant. Afin de faciliter la transition entre les logiciels, il est également important que les ressources soient compatibles entre-elles et intègrent la compatibilité des fichiers, mais aussi des librairies d’éléments et d’objets qui devront pouvoir s’intégrer facilement en réalité virtuelle. Puis, il faudra se concentrer sur l’aspect collaboratif, proche ou éloigné. L’environnement commun devra être un endroit libre dans lequel les différents corps de métier se rejoignent afin de laisser part à la discussion et à la créativité. Enfin, l’interface devra permettre de multiples simulations de scénarios et d’études de cas, comme par exemple, une étude des flux de circulations, des flux du vent, de lumière et d’ombres. Illustrée par les exemples de l’Introduction, la réalité virtuelle a permis l’apparition de recherches intéressantes dans les domaines de la médecine, de l’apprentissage, du militaire, du social et de l’industriel. Elle continuera d’évoluer proportionnellement au développement de la technologie, mais aussi à l’aide de la créativité des chercheurs et des développeurs.
Les questions à se poser ne concernent pas tant les fonctionnalités, mais sont plutôt de considérer cette technologie comme un ensemble, une étape qui agira sur d’autres aspects de notre société. La réalité virtuelle n’est pas qu’un simple casque, elle représente un environnement, un système qui a des origines technologiques, culturelles, artistiques et architecturales. La réalité virtuelle pourrait bien être la prochaine révolution après celle de l’informatique.
98
8. Glossaire106 Head Mounted Display (HMD) ou casque de réalité virtuelle Le HMD, anagramme de Head Mounted Display, est le nom que donnent les anglophones au casque de réalité virtuelle. Concrètement, le HMD est l’appareil qui permet d’expérimenter la réalité virtuelle. En règle générale, il s’agit effectivement d’un casque, mais il peut aussi se présenter sous la forme d’une paire de lunettes. Une fois enfilé devant les yeux ou sur la tête, cet appareil va permettre à l’utilisateur de voir la réalité virtuelle et de s’immerger dans différentes expériences. Head Tracking Le head tracking désigne la technologie permettant de suivre les mouvements de tête d’un utilisateur de casque de réalité virtuelle grâce à des capteurs. En fonction des mouvements de tête, les images affichées à l’écran s’adaptent pour correspondre à ces mouvements de façon réaliste. Ainsi, si l’utilisateur regarde à droite dans le monde réel, sa tête tourne à droite dans la réalité virtuelle grâce au head tracking. Cette technologie est indispensable pour l’immersion dans la réalité virtuelle. CAVE Ce système consiste en une pièce dans laquelle sont placées des projecteurs pointant vers des miroirs qui redirigent elles-mêmes les images vers les murs de la pièce. La position de l’utilisateur est suivie grâce aux capteurs situés sur lunettes 3D et la manette qu’ils ont en main permet d’interagir avec le monde virtuel. Field of View (FOV) ou champ de vision Le champ de vision d’un casque de réalité virtuelle détermine l’angle de degrés couvert par son écran. Il s’agit d’une caractéristique technique très importante, car elle contribue fortement à l’immersion dans la réalité virtuelle. Le champ de vision humain est de 200 degrés. Plus le FOV est élevé, plus la sensation d’immersion est intense.
106
Lexique VR : le dictionnaire des termes techniques de la réalité virtuelle [en ligne], http://www.realite-virtuelle.com/definition-realite-virtuelle
99
Latence Certains casques VR présentent un problème de latence. Par exemple, lorsque l’utilisateur tourne sa tête, il est possible que l’image suive son mouvement plus lentement. Ce phénomène est très déplaisant, car il brise totalement le réalisme de l’expérience. Il s’agit de l’un des principaux problèmes de la réalité virtuelle à l’heure actuelle, mais les casques haut de gamme ne sont pas concernés.
Motion sickness Le motion sickness, que l’on puisse traduire en français par cinétose, ou tout simplement mal des transports, peut survenir dans la réalité virtuelle. En l’occurrence, on parlera plutôt de simulator sickness. Pour faire simple, ce phénomène provient d’un conflit entre le corps et le cerveau. Lorsque les yeux perçoivent un mouvement, mais que le cerveau considère qu’il n’y pas de mouvement réel, l’utilisateur a de fortes chances de ressentir une sensation de nausée. On ignore les causes exactes de cette réaction, mais le motion sickness limite fortement les possibilités de créations d’expériences en réalité virtuelle. En effet, la plupart des expériences proposant de voler, de sauter ou même de courir risquent de rendre l’utilisateur malade. Pour remédier à cette contrainte, la plupart des développeurs de jeux VR optent pour un système de téléportation, permettant à l’utilisateur de se déplacer dans la réalité virtuelle sans tomber malade. Taux de rafraîchissement Comme les films à la télévision ou au cinéma, les expériences en réalité virtuelle sont en réalité des séries d’images. Le taux de rafraîchissement désigne la vitesse à laquelle ces images se succèdent. Un taux de rafraîchissement élevé réduit les risques de latence, et donc le risque de tomber malade. De plus, les expériences s’en trouvent plus réactives. Le strict minimum pour la réalité virtuelle est de 60 images par seconde.
Retour haptique Le retour haptique est un retour tactile permettant de ressentir la sensation de toucher dans la réalité virtuelle. Par exemple, en cas de choc dans la réalité virtuelle, le contrôleur Oculus Touch va vibrer et permettre à l’utilisateur de ressentir l’impact du choc. Ceci permet une meilleure immersion dans la réalité virtuelle.
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Présence La réalité virtuelle a pour but d’immerger les utilisateurs dans des environnements virtuels. Quand elle y parvient, on peut parler de présence. Les utilisateurs ont l’impression d’être réellement présents dans la VR.
Vidéo 360 Il y a une différence importante entre la réalité virtuelle et les vidéos à 360 degrés. Ces dernières sont généralement moins immersives, et se contentent de laisser l’utilisateur visionner des images à 360 degrés depuis un point fixe. La plupart des vidéos mises en ligne sur YouTube 360 ou Google Cardboard proposent ce type d’expérience. Il ne faut donc pas confondre vidéo à 360 degrés et cinematic VR. Réalité augmentée La réalité augmentée est une technologie différente de la réalité virtuelle. Plutôt que d’utiliser un casque occultant, l’utilisateur revêt une paire de lunettes transparentes. Sur les verres de ces lunettes, un écran affiche des données ou des images qui se superposent aux images du monde réel. Ainsi, la réalité augmentée ajoute le virtuel au réel.
Avatar Le mot avatar est dérivé d’un terme Sanskrit désignant un voyageur mental dans le folklore indien. Dans la réalité virtuelle, l’avatar est l’incarnation de l’utilisateur au sein de l’environnement virtuel. Room Scale Tracking Le tracking Room Scale est un suivi de l’utilisateur de casque de réalité virtuelle à l’échelle d’une pièce. Cette technologie permet à l’usager de se déplacer physiquement dans une pièce, tandis que ses mouvements sont restitués dans la réalité virtuelle.
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Tableau des Illustrations
FIGURE 1. FREEMAN, D., HEIGHT, SOCIAL COMPARISON, AND PARANOIA, 2016. FIGURE 2. ESIGHT 3 VUE FRONTAL (CAMERA 21,5 MEGAPIXELS) ET TELECOMMANDE FIGURE 3. HOFFMAN, H., SOINS AVEC LE PATIENT IMMERGE DANS LA SIMULATION ET L’INTERFACE, SNOWWORLD
9 10 11 FIGURE 4. DATAGLOVE ET SON BREVET, US 4414537 A, 1981. EN LIGNE : HTTP://WWW.GOOGLE.CD/PATENTS/US4414537 12 FIGURE 5. V/STATION, CLARTE, 2017 ET VENTURI, UN TUBE DE VENTURI MODELISE FAISANT TRAVAILLER LES NOTIONS DE CONSERVATION DE L’ENERGIE ET DE REVERSIBILITE DE LA PRESSION DYNAMIQUE, EN LIGNE , HTTPS://TERMINAL.REVUES.ORG/1093 13 FIGURE 6. MODULATION DU TEMPLE ANGKOR WAT, MONASH UNIVERSITY, 2017 14 FIGURE 7. FIGURE 7. SIMULATION D’ENTRAINEMENT AU LABORATOIRE MOUVEMENT, SPORT, SANTE (M2S) 16 FIGURE 8. FIGURE 8. ENTRAINEMENT DES MEDECINS MILITAIRE EN SOINS D’URGENCE, BIRMINGHAM UNIVERSITY, 2016 17 FIGURE 9. TABLE INTERACTIVE EN REALITE MIXTE, BIRMINGHAM UNIVERSITY, 2015 18 FIGURE 10. DISMOUNTED SOLDIER TRAINING SYSTEM, INTELLIGENCE DECISIONS, 2012. 19 FIGURE 11. BASHIR’S DREAM, RYOT (2017) 20 FIGURE 12. IÑARRITU, A., CARNE Y ARENA, FESTIVAL DE CANNES (2017) 21 FIGURE 13. VILLA DES MYSTERES A POMPEI, 70-60 AV. J.-C.. 25 FIGURE 15. MOSAÏQUE DE SAINT VITALE, 526 A RAVENNE, ITALIE 26 FIGURE 15. FRESQUE DE SANT CLIMENT DE TAÜLL, CATALOGNE, ESPAGNE, 1180 26 FIGURE 16. DESSIN DE FONTANA APPARENTIA NOCTURNA 27 FIGURE 17. KIRCHER, A., CASTELLUM UMBRARUM, 1420 27 FIGURE 18. MAGIC LANTERN, KIRCHER ATHASNASIUS, 1671 28 FIGURE 19. CAMERA OBSCURA, KIRCHER ATHASNASIUS, 1646 28 FIGURE 20. PERSPECTIVE ARTIFICIELLE, ALBERTI 29 FIGURE 21. PERSPECTIVE LINEAIRE, BRUNELLESCHI 29 FIGURE 22. CADUTA DEI GIGANTI G. ROMANO THE PALAZZO TE A MANTOUE, 1530–1532 31 FIGURE 23. SALA DELLE PROSPETTIVE, B. PERUZZI, VILLA FARNESINA A ROME (1510) 31 FIGURE 24. CHAPELLE SIXTINE, MICHELANGELO, 1508 32 FIGURE 25. CHAPELLE SOUS SIXTE IV, GRAVURE DE G. TOGNETTI 32 FIGURE 26. CAMERA DEGLI SPOSI, ANDREA MANTEGNA, PALAZZO DUCALE DE MANTOUE, 1440 33 FIGURE 27. PANORAMA D’EDINBURGH DEPUIS CALTON HILL, ROBERT BARKER, EDINBURGH, 1787. 34 FIGURE 28. HE PANORAMA, ROBERT BARKER, LEICESTER SQUARE, LONDON, 1794 35 FIGURE 29. PANORAMA MESDAG DE HENDRIK WILLEM MESDAG AVEC FAUX-TERRAIN, LA HAYE, PAYS-BAS, 1881 36 FIGURE 30. PANORAMA DE LA BATAILLE DE WATERLOO, BRAINE-L’ALLEUD, BELGIQUE, 1911 37 FIGURE 31. CHARLES WHEATSTONE : STEREOSCOPE A REFLEXION, 1838 40 FIGURE 32. DAVID BREWSTER : STEREOSCOPE LENTICULAIRE, 1844 41 FIGURE 33. HOLMES : STEREOSCOPE A MAIN, 1849 42 FIGURE 34. EDWARD LINK: LINK TRAINER, 1929 43 FIGURE 35. SAWYER’S VIEW MASTER, 1930-39 43 FIGURE 36. CAMERA 35MM 44 FIGURE 37. HEILIG : SENSORAMA, 1956 - 1962 44 FIGURE 38. EXPERIENCE THEATRE, HEILIG, 1969 45 FIGURE 39. MASQUE TELESPHERE, HEILIG, 1960 45 FIGURE 40. THE HEADSIGHT (PHILCO CORPORATION) (CORNEAU & BRYAN), 1961 46 FIGURE 41. ÉPEE DE DAMOCLES, IVAN SUTHERLAND & BOB SPROULL : 1968 46
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FIGURE 42. INTEL C4004 FIGURE 43. VIRTUAL VISUAL ENVIRONMENT DISPLAY, NASA, 1985 FIGURE 44. VPL ET DATAGLOVE, JARON LANIER, 1987 FIGURE 45. VIRTUALITY ARCADE PODS – W INDUSTRY FIGURE 46. EXTRA-VEHICULAR, ACTIVITY SUIT, NASA LAB, 1991 FIGURE 47. SEGA VR, 1991 FIGURE 48. 1993 PBS SERIES NEWTON’S APPLE FIGURE 49. JAGUAR VR, 1995 FIGURE 50. VIRTUAL BOY, NINTENDO, 1995 FIGURE 51. VIRTUAL I-O GLASSES, 1995 FIGURE 53. VFX 1 HMD, 1995 FIGURE 53. ELYSIUM: 1995 ARCHITECTURAL AND CONSTRUCTION WITH MOUSE V-FLEXOR FIGURE 54. D. VOSHART, FIGURE 55. SCHEMA DE NATIONAL SUPERCOMPUTING RESEARCH CENTER (NSRC) FIGURE 56. CAVE FIGURE 57. FORD 3D-CAVE, 2013 FIGURE 59. OCULUS RIFT (DK1, DK2, CV1) FIGURE 59. HTC VIVE FIGURE 60. OSVR, 2016 FIGURE 61. PLAYSTATION VR, 2016 FIGURE 62. GOOGLE CARDBOARD FIGURE 63. HOMIDO MINI FIGURE 64. GEAR VR FIGURE 65. MICROSOFT HOLOLENS FIGURE 66. SEEK, NEGROPONTE, 1969-70 FIGURE 67. URBAN 5, NEGROPONTE FIGURE 68. ONE LAPTOP PER CHILD (OLPC), NEGROPONTE FIGURE 69. PYGMALION’S SPECTACLES, STANLEY G. WEINBAYM, 1935 FIGURE 70. ALPHAVILLE, UNE ETRANGE AVENTURE DE LEMMY CAUTION, PHILIPPE GODART, 1965 FIGURE 71. ALPHAVILLE, UNE ETRANGE AVENTURE DE LEMMY CAUTION, PHILIPPE GODART, 1965 FIGURE 72. TRON, STEVEN LISBERGER, 1982 FIGURE 73. NEUROMANCER, W. GIBSON, 1984 FIGURE 74. LAWNMOWNER MAN, BRETT LEONARD, 1992 FIGURE 75. JOHNNY MNEMONIC, ROBERT LONGO, 1995 FIGURE 76. MATRIX, WOCHOWSKI, 1999 FIGURE 77. MUSEE GUGGENHEIM, BILBAO, FRANK GEHRY, 1991-1997 FIGURE 78. ARCHIZOOM, NO-STOP, 1970 FIGURE 79. ACTES FONDAMENTAUX, SUPERSTUDIO, 1973 FIGURE 80. MARCOS NOVAK, ALLOBIOEXO, 2001. FIGURE 81. VARIABLE DATA FORMS, NOVAK, 1999 FIGURE 82. EMBRYOLOGICAL HOUSE, GREG LYNN, 1997 FIGURE 83. BLOB ARCHITECTURE, 1995 FIGURE 84. FRESH H2O, PAVILLON DE L’EAU DOUCE, NOX, 1997 FIGURE 85 GALERIE MIRAN, GOULTHORPE, 2004 FIGURE 86. SPACE STATION MODULE, KAS OOSTERHUIIS, 1998 FIGURE 87. MAQUETTE DE ROME, PAUL BIGOT, 1900
47 48 48 49 49 50 50 51 51 52 53 53 54 55 55 56 56 56 57 57 58 58 58 59 60 60 61 62 63 64 65 66 66 67 68 68 69 69 70 70 71 71 72 72 72 77
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FIGURE 88. MAQUETTE VIRTUELLE DE ROME, FLEURY, 2010 FIGURE 89. WORLD IN MINITURE, CONWAY ET PAUSCH, 1996, VUE INTERIEURE ET MAQUETTE VIRTUELLE FIGURE 90. INTERFACE CALVIN, SUPERCOMPUTING, CHICAGO, 1995 FIGURE 91. UNCLE ROY ALL AROUND YOU, LONDRES, 2003, INTERFACE FIGURE 92. CAN YOU SEE ME NOW, TOKYO, 2005, RUNNER FIGURE 93. MIXED REALITY ARCHITECTURE, SCHNÄDELBACH, 2011, FIGURE 94. MIXED REALITY ARCHITECTURE, SCHNÄDELBACH, 2011, FIGURE 95. SKETSHA, LUCID, 2008 FIGURE 96 ETUDIANT DE RYERSON UNIVERSITY ET YULIO, THE GLOBE AND MAIL, 2016 FIGURE 97. HEIDI MILIA ANDERSON, DALE’S CONE OF EXPERIENCE, UNIVERSITY OF KENTUCKY, 19,999 FIGURE 98. SCOPE ET PROSPECT, IRISVR, 2016 FIGURE 99. UNREAL ENGINE ET VRTISAN, 2016 FIGURE 100. AUTODESK VIRTUAL REALITY CENTER ET AUTODESK STINGRAY FIGURE 101. FIGURE 103. CENTER FOR FULFILLMENT, KNOWLEDGE AND INNOVATION, GREG LYNN, BIENNALE DE VENISE 2016 FIGURE 102. EVOLUTION DE LA REPRESENTATION (NGU T.). FIGURE 103. TABLEAU 1. EVOLUTION DE LA TECHNOLOGIE (NGU T.). FIGURE 104. EVOLUTION CULTURELLE (NGU T.) FIGURE 105. EVOLUTION DE L'ARCHITECTURE (NGU T.)
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