New York Fedora Parkmann
dans l’œil du reporter photographe viewed by the photo-reporter
New york, dans l’œil du reporter photographe « Photographier New York signifie chercher à saisir dans l’émulsion photographique sensible et délicate l’esprit de la métropole tout en restant fidèle à sa réalité essentielle : son rythme trépidant, ses rues surpeuplées, le présent qui bouscule le passé 1. » Ces mots de la photographe Berenice Abbott, écrits en 1935, expriment la fascinante réalité de cette ville, véritable laboratoire où, depuis la fin du XIXe siècle, s’invente un nouveau mode de vie métropolitain tandis que s’érige une architecture géante à la pointe du progrès. Entre 1890 et 1940, New York, en perpétuelle mutation, offre un tableau architectural contrasté dont l’aspect fragmentaire évoque à l’architecte Rem Koolhaas « une pierre de Rosette du XXe siècle 2». Les vestiges du passé y alternent avec des édifices modernes ; les gratte-ciel rivalisent de hauteur tandis que des attractions commerciales spectaculaires se disputent les faveurs de la foule. Comment capter l’esprit de cette cité en constante évolution ? Le reportage photographique, qui se développe alors à une vitesse vertigineuse, semble le meilleur moyen de rendre compte de cette suite d’instants voués à disparaître. Profitant de nouveaux moyens techniques, mobilisant l’audace des photographes et participant d’une esthétique résolument moderne, le reportage photographique oppose la minéralité implacable de l’architecture au fourmillement humain, restituant par là même toute la versatilité de la métropole américaine.
La photographie de presse au service de l’instant Au tournant du XXe siècle, la photographie de presse est déjà solidement implantée à New York. Des ateliers de photographes proposent aux journaux des photographies d’illustration : portraits de personnalités, vues d’architectures et d’intérieurs cossus. Mais il faudra attendre le développement de nouvelles techniques de reproduction photomécanique pour que, dans le courant des années 1920, se généralisent les revues entièrement illustrées suscitant un accroissement exponentiel de la demande d’images photographiques. Des agences se créent pour y répondre. Elles commandent et achètent autant de clichés que possible auprès de photographes indépendants, les stockent dans leurs locaux où elles les tiennent à la disposition de la presse. Le nom des auteurs, sans importance alors, disparaît, remplacé par la seule mention du nom de l’agence accompagné de l’identification des lieux, des personnalités, des événements représentés et de la date de prise de vue. Berenice Abbott, « Photographic Record of New York City », projet soumis au Federal Art Project, 1935, MCNY-CNYA, cité dans Gaëlle Morel (dir.), Berenice Abbott, Paris, Hazan/Éditions du Jeu de Paume, 2012, p. 53. 2 Rem Koolhaas, New York délire, un manifeste rétroactif pour Manhattan, Marseille, Parenthèses, 2002, p. 9.
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New york, viewed by the photo-reporter “Photographing New York means trying to capture in sensitive, delicate photographic emulsion the spirit of the metropolis, while remaining faithful to its essential reality: its frenetic rhythm, its teeming streets, the present which elbows out the past” 1. These words written by the photographer Berenice Abbott in 1935 convey the fascinating reality of this city, a real laboratory in which, from the end of the 19th century, a new metropolitan lifestyle was invented while gigantic avant-garde architecture was erected. Between 1890 and 1940, a constantly-mutating New York presented a contrasted architectural picture, whose fragmentary character evoked for the architect Rem Koolhaas “a 20th century Rosetta Stone” 2. Remnants of the past alternate with modern buildings; skyscrapers compete in height while spectacular commercial attractions fight for the favour of the masses. How is it possible to capture the spirit of this constantly-changing city? The photo report, which developed at a dizzying pace, seemed best suited to recording this series of transient instants. Exploiting new technologies, deploying the audacity of the photographers and drawing on a resolutely modern esthetic, the photo report contrasted the implacably mineral quality of the architecture with the teeming masses, thereby reconstituting the varied spectrum of the American metropolis.
Press photography capturing the moment At the turn of the century, press photography was already firmly established in New York. Photographic studios kept illustrative photographs available for newspapers: portraits of personalities, views of architecture and luxurious interiors. But it was not before the development of new photo-mechanical reproduction technology that completely illustrated magazines became commonplace, leading to exponential growth in demand for photographic images. To satisfy this demand, agencies were set up. They ordered and bought as many pictures as possible from independent photographers, and stocked them on their premises where they were kept available for the press. The names of the authors, insignificant at that time, disappeared to be replaced by the sole mention of the name of the agency, together with identification of the places, personalities and events depicted, the date and the shot. At this time the name of the Keystone agency became synonymous in the world press with Berenice Abbott, Photographic Record of New York City, project submitted to the federal Art Project, 1935, MCNY-CNYA. 2 Rem Koolhaas, Delirious New York, a retroactive manifesto for Manhattan, Oxford University Press, 1978. 1
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« Broadway, c’est la vitesse, le vertige, l’éblouissement, et nulle part où s’asseoir. » Henry Miller, Jours tranquilles à Clichy, 1956, trad. Brice Matthieussent, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 1991. “Broadway is speed, dizziness and dazzle, with nowhere to sit down.” Henry Miller, Quiet Days in Clichy, 1956.
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Sur la Cinquième Avenue à hauteur de la New York Public Library, hommes d’affaires et badauds vont et viennent. Cette affluence s’explique par le nombre de magasins et de lieux culturels qui jalonnent l’avenue. On Fifth Avenue near New York Public Library, businessmen and passers-by come and go. The crowds are due to the number of shops and cultural sites lining the avenue.
Quelques automobiles en 1932, sur l’une des avenues de Central Park. Du fait de l’afflux croissant de promeneurs, de coureurs et de cyclistes, cette voie est aujourd’hui en partie désertée par les voitures. Automobiles on a Central Park avenue in 1932. Today, increasing numbers of pedestrians, runners and cyclists have led to this thoroughfare being partly abandoned by cars.
Lorsque le cinéma détrône la comédie musicale durant les années 1920, Times Square voit ses nombreux théâtres transformés en salles de projection, et ses façades se tapisser de gigantesques affiches peintes. When films dethroned musical comedies in the 1920s, the numerous theatres of Times Square were turned into movie houses, their facades covered with painted posters.
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Les façades des immeubles de Times Square furent, dès les premiers temps, dédiées à la publicité, mais derrière ces panneaux géants se cachent le plus souvent des bureaux déserts et des salles obscures. The fronts of the buildings on Times Square were from the outset used for advertising, but the enormous billboards often hid deserted offices and darkened rooms.
À l’affiche de cette salle de spectacle sur Times Square, en 1947, Calcutta, film qui fit fureur, mais surtout, en concert, l’un des plus célèbres musiciens de jazz, Duke Ellington, alors à l’apogée de sa carrière. On the bill of a theatre in Times Square in 1947, Calcutta, a popular film, and especially a concert by the acclaimed jazz musician Duke Ellington, then at the height of his career.
À Harlem, devant un kiosque à journaux, en 1956. À la une du journal afro-américain New York Amsterdam News, les dernières nouvelles d’une brûlante actualité : la lutte pour les droits civiques des Noirs. In Harlem, a news stand in 1956. On the front page of the Afro-American New York Amsterdam News, the latest hot story: the struggle for the civil rights of Blacks.
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Après de fortes chutes de neige, New York vit au ralenti. Durant l’hiver 1954, seuls les véhicules de service – bus et camions de livraison – roulent sur la chaussée, juste déblayée, de la Quarante-deuxième Rue. After heavy snowfalls New York has always slowed down. During the winter of 1954, only service vehicles – buses and delivery trucks – used the just-cleared surface of 42nd Street.
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L’Empire State Building, au croisement de la Trente-quatrième Rue et de Madison Avenue, vers 1960. Cette image saisie en contre-plongée accentue la silhouette en pyramide à degrés de ce gratte-ciel. The Empire State Building, on 34th Street and Madison Avenue, c.1960. This skyscraper, whose outline resembles a step pyramid, was for a long time the tallest in the world.
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...p. 142-143
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Ces policiers viennent de condamner l’entrée d’une maison de Chelsea où un meurtre a été découvert le 3 mars 1961. L’intégrité des scènes de crime comptait déjà parmi les exigences de la police scientifique. To keep intact the scene of a crime committed on 3rd March 1961 in this house in the Chelsea district, the police have just sealed the entrance. Integrity was already a must for scientific police.
Ces policiers qui posent fièrement avec leurs motocyclettes sont les dignes successeurs de la première patrouille motorisée introduite à New York en 1911 afin de faire face à l’intensification de la circulation. These policemen proudly posing with their motorcycles are worthy successors of the first motorized patrol created in New York in 1911 to cope with increasingly heavy traffic.
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Seuls les reporters ont eu l’autorisation de franchir la ligne de police pour photographier le paquebot France à son arrivée dans le port de New York, au terme de sa première traversée, le 10 février 1962. Only reporters were authorized to cross the police line to photograph the liner France on its arrival in New York harbor after its first crossing on 10th February 1962.