Tracés fonciers et patrimoine Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand
Yoann MARIE 2014
En quoi l’étude de la morphologie des tracés participe à la protection du patrimoine urbain ? Décryptage au travers de l’étude de Riom.
Avant-Propos
Ce travail de mémoire s’inscrit dans le prolongement de celui présenté l’année précédente. Dans le prolongement car le sujet d’étude, les tracés, est resté identique ainsi que la ville support de l’étude de cas : Riom. Mais il s’inscrit surtout en rupture en termes de méthode et d’approfondissement : des sources d’archives ont été ajoutées et des compléments de bibliographie ont fait progresser la pensée et m’ont permis de préciser l’analyse. Le questionnement relatif aux traces et aux tracés est un sujet qui m’est cher depuis longtemps, que je mobilise régulièrement en exercice de projet architectural ou urbain. Ce travail s’inscrit dans une réflexion à long terme sur la démarche de l’architecte et son appréhension du contexte, c’est pourquoi il se veut prospectif.
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Sommaire
I- L a forme, révélatrice de la constitution urbaine? . La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline . Riom : croissance et organisation
II- De l’héritage au patrimoine, le travail de mémoire . La protection du patrimoine à Riom . Le tissu urbain, quel héritage ?
III- Conclusion
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Introduction Etudier dans une école d’architecture amène à se poser des questions sur les méthodes contemporaines de production de l’architecture. Dans le cadre du master Métaphaur, nous nous concentrons sur la prise en compte du lieu et du patrimoine. Ce mémoire a pour but d’interroger l’interprétation de l’histoire d’un site d’intervention que peut avoir un architecte, lorsqu’il doit concevoir un projet sur une parcelle donnée.
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Introduction
Au travers d’un exemple concret sur une fraction de la ville de Riom, l’objectif a été de rechercher des moyens simples d’alerter décideurs, concepteurs, voire grand public, sur la richesse et les potentiels patrimoniaux d’un site urbanisé. L’objectif n’est pas de guider les maîtrises d’oeuvre ou les maîtrises d’ouvrage dans leurs choix, mais de mettre à disposition un outil de lecture d’un territoire axé sur le patrimoine que représentent certains tracés urbains. Cet outil pourrait participer à la qualité du projet / servir le projet face aux impératifs économiques et aux délais souvent restreints. En effet, face à certains défauts de planification urbaine que l’on retrouve de manière récurrente sur l’ensemble du territoire (lotissements autistes, macrolots et îlots construits comme des entités homogènes empêchant toute mutabilité1, zones commerciales avec exclusion des piétons), la détection de certaines traces et formes urbaines peut avoir son importance pour faire évoluer la morphologie d’une ville de manière logique, en rapport avec son patrimoine. Nous sommes à une période de la fabrique des villes où les préoccupations pour le patrimoine prennent de l’ampleur, mais où les délais de conception très courts et les montages financiers actuels ne permettent pas aux équipes de maîtrise d’œuvre de se documenter suffisamment sur les contextes dans lesquels ils interviennent. Il semble possible d’affirmer, au vu de l’augmentation récente du nombre de candidatures sur les concours d’architecture, que la mobilité des architectes ait en outre augmentée depuis la crise financière de 2008 (qui a naturellement touchée le secteur du bâtiment). L’époque où un architecte pouvait obtenir une bonne partie des commandes locales, dans l’aire d’influence où il exerçait, semble révolue. La concurrence vient aujourd’hui d’équipes issues de toute la France, voire d’Europe. Cela peut avoir pour conséquence que les concepteurs n’ont pas forcément une connaissance ou une expérience suffisante de l’histoire des sites sur lesquels ils sont amenés à intervenir. Ce constat initial a appelé deux questions principales, qui ont été des préalables aux recherches à proprement parler. La première interrogation est le rapport qu’entretien l’architecte avec le site sur lequel il doit concevoir un projet : quelle en est sa connaissance, quelles sont les limites de son investigation ? La seconde, dans la continuité de la première, interroge plus largement quel a été, et quel peut-être le rôle de l’architecte dans une société ? 10
Introduction
Quels rapports entre l’architecte et son projet, en réaction au contexte, à la parcelle et au patrimoine ?
Dans le cadre des exercices de projet, dans le master patrimoine, il nous est demandé de prendre position par rapport à la valeur patrimoniale du bâti et du site. Cette position qui découle de l’analyse est nécessairement subjective alors que le site a une présence matérielle et une histoire manifeste, invariable. L’architecte est donc en présence d’éléments physiques que sont les constructions, les ruines, la végétation : les traces. Il se trouve également en présence de limites parfois invisibles qui expriment le découpage des propriétés : les tracés fonciers. Ces éléments, ensemble, racontent l’histoire du lieu, à condition de savoir les analyser. La manière dont ces traces sont transmises, interprétées ou ignorées dans le projet d’architecture raconte un rapport à l’existant, au déjà-là. Mais à quel moment cet existant peut-il être considéré comme un patrimoine ? Pour y répondre l’étudiant, comme l’architecte, ressent la nécessité de procéder à une analyse poussée du contexte, d’en extraire la substance, d’en identifier les enjeux. Or il y a une contradiction entre la volonté intellectuelle d’étudier un contexte complexe, et la nécessité opérationnelle de ne pouvoir bien souvent intervenir que sur une seule parcelle, périmètre réduit spatialement par sa géométrie et socialement car il est l’expression d’une propriété privée. Bien que l’espace donné à un architecte pour construire soit une donnée imposée, peut-il se dispenser de questionner le contexte ? S’il semble logique d’affirmer qu’une parcelle doive être adaptée à son utilisation future et donc parfois transformée ou remembrée pour réaliser un nouveau projet, peut-on faire abstraction de son usage passé ? Comment tel usage ou telle fonction a modelée sa forme ? Au cœur de cette préoccupation se trouve la question du découpage foncier, selon qu’il a été effectué dans une logique de rentabilité ou hérité du parcellaire préexistant. La question du découpage rejoint enfin celle des acteurs de la programmation urbaine : qui initie, décide et réalise un découpage ? La tâche s’annonce ardue tant aujourd’hui certains opérateurs immobiliers qui interviennent sur le foncier ignorent que les tracés sont potentiellement porteur d’histoire, de mémoire, et d’une forme de patrimoine urbain, et tant les pouvoirs publics semblent désarmés face à ce questionnement.
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Introduction
La multiplication des décideurs et des intervenants sur un projet d’intérêt public peut en outre amener des conflits sur les enjeux et noyer la responsabilité vis-à-vis du respect du patrimoine ; par exemple entre une mairie et des intérêts régionaux ou nationaux, ou lorsqu’une équipe de maitrise d’œuvre qui réalise l’étude de faisabilité n’est pas la même que celle qui va faire réellement concevoir l’avant-projet. Sans prétendre pouvoir donner des réponses à toutes ces questions, ce travail a pour but de définir comment révéler l’histoire d’un lieu au travers de l’étude de sa forme. Il défend l’importance de la logique du découpage foncier dans le projet urbain, vecteur de continuité historique et porteuse de sens. Le défi est d’arriver à rendre stimulant une contrainte immuable comme celle de la limite parcellaire. Mais pour arriver à transposer certaines contraintes en potentiels, encore faut-il que leur découpage redevienne un vrai sujet d’étude et un vrai outil de projet urbain. Les architectes et urbanistes ne se sont pas toujours embarrassés de la question des tracés, parcellaires ou viaires existants, en particulier avec des théories utopistes qui s’affranchissent par définition du contexte réel. L’architecte se préoccupe alors du processus théorique de création de la ville et ambitionne de le révolutionner en transposant un idéal social en idéal spatial, accompagné d’un fort développement technologique et industriel. Il semblait donc important de se documenter sur les fondements utopistes et hygiénistes du mouvement moderne, et sur l’étude de la morphologie urbaine qui est apparu en réaction.
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Introduction
Comment évolue le rôle de l’architecte dans la société ?
Le second questionnement à l’origine de ce travail interroge le rôle de l’architecte dans la société et son degré d’implication dans la conception des espaces habités, de la planification du grand territoire jusqu’à la construction des bâtiments. Les métiers que peuvent exercer les architectes sont multiples et dépendent plus de l’implication et l’engagement de chaque individu qu’à une règle générale. Néanmoins avec l’avènement du mouvement moderne à partir des années 1920 et l’appropriation par les architectes des domaines comme la sociologie, la philosophie, la santé et la politique, les architectes débordent du cadre esthétique pour défendre leur vision de la société idéale, « moderne ». Emerge alors la figure de l’architecte-démiurge tel qu’incarné par le Corbusier, qui a profondément et durablement imposé l’image de l’homme qui veux concevoir une ville idéale, de la place publique jusqu’au meuble de salle de bain. Le mouvement moderne va de pair avec un renouveau de la conception urbaine, en pensant la ville de manière globale, depuis la répartition des fonctions et des flux1 (dans un idéal d’efficacité, de praticité, d’hygiène) l’orientation des bâtiments, les systèmes constructifs, et jusqu’à l’aménagement intérieur des logements. L’attention des détracteurs de l’architecture et de l’urbanisme moderne s’est focalisé sur la pauvreté formelle érigée en principe universel, pauvreté renforcée par la dimension industrielle de la production de logements à partir des années 1950. Devant le malaise que pouvait créer la doctrine de la « tabula rasa », deux visions se sont affrontées au travers des propositions pour la reconstruction des villes détruites lors de la seconde guerre mondiale. La reconstruction à l’identique s’oppose au remplacement par une ville moderne, qui provoquerait l’effacement des voies et des parcelles existantes, et donc l’oubli d’une relation de longue date entre des hommes et un site.
1.
« Les plans détermineront la structure de chacun des secteurs attribués aux quatre fonctions clés et ils fixeront leur emplacement respectif dans l’ensemble » Le Corbusier, La Charte d’Athènes, Paris, Editions de Minuit, 1942. Page 101.
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Introduction
Dessin, Le Corbusier, Plan Voisin, 1925
En réaction et en opposition au mouvement moderne, nous nous intéresserons également à l’étude de la morphologie urbaine, qui serait une manière de « s’approprier le retour à la forme » selon Françoise Choay1. En opérant un retour à la forme, les architectes garderaient leurs prérogatives d’urbanistes. L’attitude de l’architecte démiurge influence encore le rôle contemporain de l’architecte. Il a touché plusieurs générations de professionnels et se diffuse encore dans les écoles d’architecture, où elle se retrouve dans l’enseignement. Après le mouvement moderne, qu’il s’inscrive dans cette veine ou au contraire qu’il soit en opposition avec cette doctrine, l’architecte ne sait plus aujourd’hui se contenter de dessiner son bâtiment. Il se questionne par réflex sur les enjeux en termes urbains, sociaux, sociétaux, écologiques de son intervention. Aujourd’hui l’architecte maître d’œuvre répond généralement à une commande ou à un concours dans laquelle le cahier des charges est déjà établi et où le périmètre de l’intervention déjà défini. On peut alors se demander s’il est pertinent de continuer à croire en ce rôle critique, qui n’existe manifestement plus dans la pratique actuelle du métier d’architecte. Ceci notamment à cause du cloisonnement des compétences instauré par le système de commande publique. Prenons le cas d’un concours en marché public par exemple: en réinterrogeant le cahier des charges, l’architecte risque d’être disqualifié et par conséquent privé de la commande et de sa rémunération. 1. Merlin Pierre, Choay Françoise, Morphologie urbaine et parcellaire, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 1988.
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Introduction
Problématique
Le patrimoine urbain et architectural semble être un enjeu bien pris en compte aujourd’hui par les différents acteurs d’un projet d’architecture. C’est une notion inscrite dans la conscience collective française, mais qui peut cristalliser des tensions, entre les décideurs de la politique urbaine, les concepteurs et les citoyens. La pression des habitants pour la préservation de leur cadre de vie a parfois des effets contradictoires, instaurant des zones protégées, valorisées, et délaissant certaines autres. L’opposition aux nouvelles constructions2 ou la lutte pour la préservation d’un état existant est a priori un phénomène récurrent dans l’histoire des villes. Le patrimoine que peuvent représenter les axes de circulation et le parcellaire est en revanche moins bien pris en compte et moins reconnu. Nous constaterons, dans le développement de ce travail, que l’héritage et la permanence des formes nous amènent à réfléchir sur l’origine de l’organisation de la ville. Nous nous demanderons si cette forme peut être porteuse de sens et vecteur de développement, avec la question suivante:
En quoi l’étude de la morphologie des tracés participe à la protection du patrimoine urbain ?
L a morphologie permet de comprendre
La morphologie urbaine, apparue suite au Mouvement Moderne, la stratification de la ville propose de passer outre les aspects trop fonctionnalistes de la conception d’une ville, pour se concentrer sur les traces du passé comme préalable au projet d’architecture. A ce sujet nous reconstituerons une histoire détaillée du concept de transmission des formes, sujet traité par de nombreux auteurs, architectes et géographes. De là est fait le postulat qu’analyser la forme des tracés permettrait de comprendre leur constitution, comme l’explique Bernard Gautiez, qui est 2. Citons en exemple le syndrome NIMBY, qui a été analysé entre autre par Arthur Jobert dans L’aménagement en politique, ou ce que le syndrome Nimby nous dit de l’intérêt général, Politix, n° 42, 1998. NIMBY est l’acronyme de « Not In My Back Yard », littéralement « pas dans mon jardin », et qui sous-entend implicitement « mais dans celui du voisin si vous voulez ».
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Introduction
architecte-urbaniste de l’Etat et docteur en histoire : « En effet, dans la mesure où le matériel topographique comprend des éléments survivants de formes résultant de processus passés, il est logique que de tels processus puissent être déduits de ces éléments quand l’analyse est correctement menée1. »
Illustrer l’étude théorique par un exemple précis sur la ville de Riom.
Riom est une ville de 18 000 habitants, distante d’une quinzaine de kilomètres de la capitale régionale, ClermontFerrand, qui compte environ 150 000 habitants (sans comptabiliser les villes satellites de l’agglomération). Cet éloignement est suffisant pour lui garantir une attractivité propre : La ville a en effet créé une communauté d’agglomération, regroupant onze communes sous le nom de « Riom Communauté » qui jouxte la communauté urbaine de Clermont-Ferrand. Cette attractivité est due, malgré une quantité de population limitée, à sa fonction historique : Riom était en effet jusqu’en 1801 la capitale de la « Généralité de Riom », soit la principale ville d’Auvergne. Elle a conservé malgré son changement de rang le tribunal de grande instance, principal pouvoir judiciaire d’Auvergne. La recherche a consisté à retrouver les réseaux existants à plusieurs périodes données. Les dates de tracé des voies de circulation au cours de l’histoire, les usages auxquels elles étaient destinées ou ont été adaptées, vont nous informer sur l’importance et l’éventuel caractère patrimonial de ces traces. L’analyse porte également sur les raisons de leur création, de leur permanence ou leur disparition, et si possible les causes et motifs qui expliquent qu’on les retrouve - ou non - aujourd’hui. Afin de donner un cadre précis et de pouvoir fournir un travail d’analyse aussi complet que possible, ce travail de recherche s’appuie sur l’analyse d’un quart Sud-Est de la superficie de la ville de Riom. Cet extrait a été choisi car les transformations y sont identifiables et documentées.
1.
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Gauthiez Bernard. Approche morphologique des plans de ville, archéologie et sources écrites. Revue archéologique de Picardie. 1999. Page 17.
Introduction
Riom a subit les mêmes types de grandes mutations que des villes similaires en taille et en nombre d’habitants : l’ouverture des remparts et l’urbanisation des terres agricoles à partir du XVIIIème siècle, puis l’impact de la révolution industrielle, l’implantation du chemin de fer, des zones industrielles, la démocratisation de l’automobile puis des voies de contournement rapide, l’apparition récente des zones commerciales et lotissements pavillonnaires ont durablement transformé son organisation et son fonctionnement. Ces repères caractéristiques et généraux dans la croissance des villes en Europe vont permettre d’élargir les conclusions de cette étude. Travailler sur un extrait permet d’être précis, tout en couvrant efficacement la transition entre le centre historique dense et la périphérie encore agricole. C’est dans cette transition que se trouvent les clefs de lecture de l’urbanisation et de l’appropriation des tracés existants. Le développement à grande échelle de « l’entre-deux villes »2 au cours des dernières décennies - avec l’idéal toujours d’actualité de l’urbanisme pavillonnaire - pose la question du gaspillage d’espace, qui semble inévitable lorsqu’une ville se développe et s’accroit spatialement. Mais ce qui va particulièrement nous intéresser est la gestion de l’héritage et du sens patrimonial des tracés sur ce territoire.
2. Sieverts Thomas, Entre-ville, une lecture de la Zwischenstadt, Marseille, Editions Parenthèses, 2004.
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Introduction
La période observée est également volontairement restreinte. Après un rappel historique décrivant l’implantation de Riom dans son territoire, l’analyse commencera en 1739 avec le début de la destruction des remparts. C’est le moment où la ville s’ouvre sur une périphérie restée non urbanisée, hormis les faubourgs, et confronte ses aménagements successifs avec un réseau viaire et parcellaire rural déjà en place. Cette analyse se clôturera sur le remplacement de la ZPPAUP1 par l’AVAP2 en Septembre 2013.
Plan
Dans une première partie du développement, nous verrons comment la forme peut-être révélatrice de la constitution urbaine, à l’aide de l’histoire du concept de morphologie urbaine et de la description de l’aire d’étude à Riom. En fonction de la société et de l’époque, des lieux importants ou des équipements structurants peuvent apparaitre, disparaitre, ou changer de nature (marché, lieux de pouvoirs religieux, administratifs). Cependant la structure créée initialement pour organiser et distribuer ces espaces, voire leur forme elle-même peut persister même lorsque l’architecture et la fonction disparaissent. Une mémoire des usages passés peut être ainsi être conservée par des tracés. La seconde moitié du mémoire est une analyse, suite au constat qui a été fait, de l’intérêt historique des différentes traces observées. Nous verrons comment et quels types de tracés peuvent être considérés comme patrimoine, et ce que cela implique en terme de protection du patrimoine urbain dans son ensemble, par rapport aux protocoles actuels de patrimonialisation de la ville. Nous verrons donc comment influer – sans faire de projet - sur la conciliation entre les besoins d’évolution de la ville et le respect de sa structure historique, gage d’un développement stable et durable. Le questionnement portera enfin sur la manière de transmettre des enseignements de l’étude du patrimoine que représentent les tracés auprès des différents acteurs des futurs projets sur la ville de Riom.
1. Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager. 2. Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine.
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Première partie :
L a forme, révélatrice de la constitution urbaine ? Nous allons étudier dans cette première partie comment la forme des tracés peut révéler la manière dont la ville s’est constituée. La première séquence sera consacrée à une historiographie du sujet, afin que le lecteur puisse percevoir le contexte et les enjeux théoriques posés par une étude de la morphologie urbaine. Dans un second temps nous appliquerons une 19
1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
méthode d’analyse urbaine à un quart sud-est de la ville de Riom, que nous qualifierons d’exemple « typique ». L’étude est essentiellement basée sur l’observation des tracés viaires, et traitera des trames parcellaires et bâties uniquement ponctuellement pour enrichir le propos.
2.1 L a morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline Le rôle des outils En cherchant à dater les voies anciennes sur un territoire, lorsqu’on remonte le temps on se trouve nécessairement confronté à la pénurie de sources documentaires. Il n’y a que très peu d’écrits datant d’avant le moyen-âge qui soient parvenus jusqu’à nous. La matière nécessaire à des analyses historiques peut alors être produite par des fouilles archéologiques et des datations chimiques. Mais dans le cas de l’étude du développement d’une ville, cette méthode ne permettra pas forcément de comprendre la logique des aménagements et omettrai l’analyse des projets potentiels qui n’ont pas aboutis, qui ont aussi leur intérêt dans cette étude. De la transmission des formes à la logique des réseaux, nous ferons dans un premier temps l’hypothèse que le tissu urbain est une matière, qui porte en elle-même les marques de sa fabrication. Le terme « tissu » employé en urbanisme n’est-il pas d’ailleurs une métaphore du tissage textile, inspirée par la forme des parcelles en plan? Philippe Panerai définit le tissu urbain comme étant : « la superposition ou l’imbrication de trois ensembles : le réseau des voies, les découpages fonciers, les constructions » 1. Aujourd’hui le tissu urbain est directement lisible sur les plans de cadastre, sur lesquels figurent les ensembles précités. Le plan cadastral est un document administratif servant à déterminer les propriétés foncières d’un territoire, c’est un outil qui permet d’établir l’impôt de manière équitable2. 1.
Panerai Philippe, Depaule Jean-Charles, Demorgon Marcelle, Analyse urbaine, Marseille, Editions Parenthèses, 2002. Page 75. 2. Au départ pour calculer les revenus agricoles : à partir de la surface d’une parcelle et d’un rendement théorique on établissait le revenu imposable des individus.
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1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
On trouve des plans de cadastre dès l’antiquité grecque et romaine. Si le principe est ancien, les plans parcellaires étaient levés par des autorités locales, avec de fortes disparités de précision et d’échelles. Lors des états généraux suivant la révolution française, la demande d’une division parcellaire fiable a émanée des citoyens. La base juridique qui instaure la création d’un cadastre général est produite en 1791, deux ans après la révolution. Mais dans les archives, il faut attendre l’arrivée de Napoléon Bonaparte au pouvoir pour trouver des véritables relevés du territoire français. Les villes et leurs campagnes sont arpentées par des ingénieurs et des topographes. Le cadastre napoléonien apparait en 1807, il comporte pour les communes référencées des plans précis des parcelles et le nom des voies qui forment la maille du territoire, et un plan de recoupement à une échelle plus large, qui permet d’apprécier le relief et autres informations de l’environnement grâce aux dessins habiles. La méthode d’établissement du cadastre est un relevé des aires cultivées, des masses des haies et bosquets (souvent de bons témoins des limites de propriétés). La structure du paysage est transférée sur des plans administratifs. Le cadastre permet la perception d’un coup d’œil de la forme du tissu urbain, du centre-ville jusque dans l’espace rural. Cette figuration en plan est le préalable à l’étude du territoire comme la géographie ou l’urbanisme. Nous verrons par la suite comment les avancées techniques ont permis la naissance de nouveaux domaines d’étude. L’analyse urbaine a pour objet de comprendre les dynamiques qui ont eu lieu au cours du temps pour que la ville se développe et atteigne l’état actuel. Le but poursuivit peut-être d’avoir une idée de quelles sont les modifications qui pourraient se produire à l’avenir. Il s’agit donc de se documenter pour comprendre son histoire. Les archéologues, historiens, géographes et architectes ont fournis des méthodes à chaque fois partielles, mais complémentaires : les besoins intrinsèques à chaque discipline orientent les recherches et donc les découvertes. De manière générale, on peut remarquer que les historiens cherchent surtout des évènements, les géographes les fonctions et les typologies, les architectes et paysagistes le rapport à l’espace.
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1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
Dans l’histoire de l’étude de l’urbanisme, il semble que les recherches sont allées de l’étude des centres urbanisés vers l’étude de la périphérie des cités, reprenant le schéma qu’a suivi l’urbanisation en Europe. En effet, les recherches menées sur les aires peu denses des villes, les banlieues, les délaissés urbains, voire l’espace rural sont plus récentes. Le Mouvement Moderne Le Mouvement Moderne peut sans doute être considéré comme celui qui a eu le plus d’impact sur les architectes européens au XXe siècle. Si la doctrine de ce courant de pensée n’est pas le sujet de la présente étude, il est cependant intéressant de s’attarder sur la vision du patrimoine qu’avaient ses protagonistes. Cela permettra de comprendre dans quel contexte ont émergées, en réaction, les premières idées et considérations pour l’étude de la morphologie urbaine. Si la construction d’une ville nouvelle ouvre le débat sur la manière de s’inscrire dans un site. La reconstruction, le développement ou la modernisation d’une ville pose également celui de la relation aux structures existantes, dans des villes européennes qui ont dues se renouveler sur elles-mêmes. A cette problématique, le Mouvement Moderne répond par l’hygiénisme, qui consiste à faire entrer un maximum de lumière et d’air dans les logements. Cela justifie alors de démolir les bâtiments mal conçus ou mal construits de la ville dense ou des faubourgs héritées du moyen-âge, qui étaient considérés comme insalubres. Dans certaines villes, les programmes de rénovation urbaine ont donc consistés à partir des années 1930 en la destruction de grands îlots en centre ancien. L’habitat n’y était pas suffisamment éclairé et aéré, donc vecteur de maladies infectieuses. Au nom de cet hygiénisme (qui ne date pas du mouvement moderne), des architectes et des urbanistes ont justifié de faire abstraction de l’existant et parfois même du contexte, pour amener la ville vers un idéal fonctionnel, ordonné et propre. Peu de sens d’opposer qualité de vie et protection du patrimoine, comme l’on fait les modernes. Aujourd’hui que l’on redécouvre notre patrimoine, les bâtiments anciens qui étaient bien construits deviennent attractifs, on n’hésite pas à y insérer des boutiques ou des logements luxueux.
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1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
Dans l’utopie de la ville moderne, le patrimoine est réduit à des ensembles bâti « remarquables » ou des édifices exceptionnels dégagés de leur contexte, qui pourraient être mis en valeur comme dans un musée à ciel ouvert. L’un des principaux chefs de file de ce mouvement, Le Corbusier, explique dans le Verset 69 de la charte d’Athènes : «Il se peut, dans certains cas, que la démolition de maisons insalubres et de taudis autour de quelque monument de valeur historique détruise une ambiance séculaire. On profitera de la situation pour y introduire des surfaces vertes. Les vestiges du passé y baigneront dans une ambiance nouvelle, inattendue peut-être, mais certainement tolérable et dont, en tout cas, les quartiers avoisinant bénéficieront largement »1 On peut se poser la question du sens porté par une telle intervention, voire parler d’instrumentalisation du patrimoine : le bâtiment sauvegardé est réduit à un monument érigé en mémoire d’une architecture passée. Le mouvement moderne a su saisir dans l’après-guerre l’opportunité d’une Europe à reconstruire. L’exemple de Nürnberg en Allemagne est une bonne illustration de cette confrontation des idées, dans une ville particulièrement marquée par les destructions de la seconde guerre mondiale2. Des différentes possibilités pour la reconstruction, il a été choisi de produire une ville neuve, conforme à l’architecture ancienne qui a été détruite par les raids alliés. Mais, tirant les enseignements de l’hygiénisme, les rues sont souvent 1. Le Corbusier, La Charte d’Athènes, Paris, Editions de Minuit, 1942. Verset 69, page 90. 2. L’intégralité du centre-ville de Nurnberg, berceau du Nazisme, a été bombardée et détruite par les forces alliées le 5 Janvier 1945. Aujourd’hui le centre historique a été rebâti à « l’identique »
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1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
Nuremberg détruite, en 1945.
Nuremberg reconstruite «à l’identique» de nos jours.
élargies et les immeubles sont agrandis, plus ouverts pour laisser entrer plus de lumière. Mais les architectes modernes ont eu l’occasion de reconstruire des villes entières, les planifiant comme des villes nouvelles, par exemple au Havre (sur un plan conçu par Perret) ou à Brest. 24
1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
Quelques précisions lexicales Nous parlerons tout au long du mémoire de termes techniques traitant de morphologie urbaine. Il convient donc de les préciser. Trace : évoque un élément présent physiquement, visible dans le paysage. Une trace ne laisse pas forcément un tracé. Une trace peut être par exemple un vestige enfouis ou une haie plantée. Tracé : le tracé est un dessin visible en plan. Un tracé foncier est par exemple une limite de parcelle ou de voirie. Le « tracé d’une voie » signifie son emprise au sol, en faisant abstraction de son traitement, de son gabarit. Modelé : correspond à un volume (bâti ou autre). Le modelé possède nécessairement une emprise au sol, qui donne une forme en plan. La forme en plan peut être transmise alors que le modelé est susceptible d’évoluer plus facilement. Forme en plan : emprise au sol d’une voie, d’un bâtiment. En morphologie on compare essentiellement les formes en plan. Le constat de la permanence des formes On peut dire que l’évolution des sources documentaires a accéléré les connaissances des villes, et étendu le champ des disciplines associées. La cartographie et le relevé étaient les seuls outils à disposition du scientifique et de l’urbaniste jusqu’au XIXème siècle. Les travaux d’archéologie puis de cartographie de plus en plus poussés ont permis de créer une masse de documents, notamment des plans antiques, qui ont permis aux chercheurs de s’intéresser à la transmission des formes entre les tracés antiques et les traces actives. La prise de vue aérienne a également permis vers la moitié du XXème siècle d’accroître considérablement le nombre et la qualité des données. Les géographes et les historiens furent les premiers à remarquer la persistance des structures parcellaire, en comparant des cartes anciennes avec les traces existante dans le paysage, notamment des structures agraires. L’historien
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1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
Pierre Lavedan fait le constat de la persistance des formes en plan dès 19261. Il explique cette permanence par la reproduction incessante d’un modelé au même endroit dans le temps, le lien matériel existant suffisant à justifier la continuité de la même implantation. Premiers travaux sur la morphologie La morphologie s’appuie sur l’étude des formes en plan pour produire des données historiques d’un lieu. Les « formes » considérées sont la somme des tracés fonciers, des structures géologiques et fossiles, actives au moment de l’étude. L’originalité de la démarche consiste à rapprocher et à établir des liens entre des éléments qui constituent le paysage, les vestiges enfouis, les réseaux et la structure foncière sans autre indice que leur correspondance formelle. La forme devient un objet d’étude autonome. L’architecte Saverio Muratori est l’un des fondateurs de l’étude de la morphologie des formes urbaines. Il défend l’idée d’une histoire active capable d’orienter les choix du présent, à travers notamment la décomposition des types de tissus urbains. Il engendre une génération d’architectes, dont Aldo Rossi. Aldo Rossi appartient au mouvement italien de La Tendenza, entre 1965 et 1985, qui donne naissance à l’étude «typo-morphologique». La Tendenza trouve naissance dans la critique des théories modernes, et rejette la notion canonique de « la forme suit la fonction », en faisant appel à la raison pour avancer des propositions différentes sur le caractère du projet et sur l’étude de la forme. Critique de la ville-objet Françoise Choay, historienne des théories et des formes urbaines et architecturales, récuse l’idée de la ville objet2. Elle remarque cependant des problématiques communes à tous les architectes : après le mouvement moderne qui s’approchait du réel grâce aux sciences sociales, mais évoluait 1. Pierre Lavedan. «Histoire de l'urbanisme, Antiquité, Moyen-Age.» Paris, 1926. 2. Choay Françoise. Morphologie urbaine et parcellaire. Article dans l’ouvrage coédité par Pierre Merlin et Françoise Choay. Saint-Denis : Presses Universitaires de Vincennes, 1988
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1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
dans une géométrie déconnectée du contexte, les architectes se focaliseraient plutôt en réaction sur la forme. L’étude de la morphologie urbaine serait une manière de s’approprier le retour à la forme, dont « le postulat de base ontoligise la ville et en fait un objet en soi » (p.150). La prise en compte de la forme urbaine, grâce à la morphologie érigée en méthode opérationnelle, permet selon elle de conserver les prérogatives d’urbanistes des architectes tout en prenant en compte et en réagissant aux critiques des constructions modernes. Si la ville est une forme, et que le passé de cette forme est pris en compte pour proposer des modèles, on justifie donc l’étude de l’histoire de la forme : La forme devient l’objet d’étude, non plus la ville elle-même. Françoise Choay oppose entre elles deux démarches qui approchent l’histoire de la morphologie urbaine : celle des historiens d’une part qui à partir des années 1960-1970 qui s’intéressent à la dimension spatiale de la ville, et cherchent à élargir un savoir et le rendre disponible au plus grand nombre. D’autre part, elle critique la position des architectes-morphologues qui cherchent à établir une histoire de la forme des villes, pour en faire un outil prospectif en établissant des élément-types formels : leurs études ne sont destinées qu’à un groupe réduit, et elles promeuvent une esthétique orientée (pas d’objectivité scientifique). Françoise Choay soutient enfin que la vraie discipline de l’architecture est l’esthétique : les architectes doivent renouer avec une échelle à laquelle ils ont un effet spatial notamment, et donc se poser la question de leur légitimité pour intervenir au niveau urbain. Elle récuse toute idée de ville-objet, arguant que la ville ne peut pas exister en soi car il en existe d’infinies variations quant à leur fonction, leur rôle dans le territoire. Elle ouvre en revanche la conclusion sur la possibilité que l’étude des parcelles, de manière plus modeste que l’étude de la forme des villes, permettre aux architectes de se recentrer sur l’échelle de l’architecture, et ainsi opérer un retour formel et esthétique. Evolution du concept de la transmission, travaux récents Bernard Gauthiez reprend et complète les travaux menées par Pierre Pinon, et propose une nouvelle hypothèse pour expliquer la transmission des formes urbaines, en soutenant l’importance jouée par le foncier dans la transmission des formes médiévales jusqu’à nos jours. Il explique
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1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
notamment cette persistance par une continuité dans le temps du contrôle public depuis le XIIème siècle. Sandrine Robert, spécialiste en archéogéographie, formule récemment une nouvelle hypothèse à propos de la transmission des formes, qui compléterait les précédentes explications que sont la permanence physique ou la continuité juridique: La forme peut durer dans le temps de manière potentielle, et être réactivée par le réseau après une phase de hiatus. La nécessité de rétablir un itinéraire et la logique topologique peuvent faire ressurgir une forme disparue. Elle appelle cette thèse «l’auto-organisation» dans laquelle «la dynamique réside dans l’interaction entre un potentiel de formes et les transformations de la société».
L’étude morphologique a pour objet de détecter les permanences, entre des tracés anciens et le paysage ou les plans actuels. Les diverses théories disponibles qui expliquent la transmission des formes vont nous servir pour pouvoir faire des hypothèses sur l’origine des tracés que l’on observe, et essayer de dater leur création ou leur disparition. Pour illustrer le propos, nous étudierons l’exemple de Riom, avec un contexte localisé, un site restreint (Quart sud-est de Riom) et une période que nous avons identifié comme riche en transformations urbaines. Cette analyse souhaite dépasser le constat de la forme urbaine en y intégrant des données historiques. La question est de savoir comment sont réfléchies les transformations urbaines, que l’on peut lire dans l’évolution des tracés, et quel héritage laissent-elles ? Ce qui nous intéresse ici est l’analyse de la constitution des tracés, notamment ceux qui deviennent support de l’urbanisation et des flux : les voiries.
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1.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
29
1.2 Riom: croissance et organisation
La zone ĂŠtudiĂŠe correspond au quart Sud-Est de Riom.
30
1.2 Riom: croissance et organisation
1.2 Riom : croissance et organisation Afin d’appliquer sur une étude concrète les enseignements de la morphologie urbaine, nous allons ici essayer de comprendre le processus de développement de la ville de Riom à l’aide de cette méthode d’analyse. L’étude s’appuie dans un premier temps sur le constat de la correspondance entre les formes visibles actuellement dans le tissu urbain (ou dans le paysage) et des tracés anciens. Le but est de comprendre comment ont évolué les logiques des réseaux et des voies de circulation au cours du temps, et comment ces logiques ont joué sur la forme urbaine. Tout en étant ciblé, ce travail se veut prospectif et propose d’élargir ses conclusions : en tant que ville-type, certaines constatations dans la situation riomoise feront intentionnellement écho à d’autres cas. Cela ne signifie pas pour autant que l’étude de cette ville puisse avoir un caractère universel. Ce travail défend malgré tout l’idée d’un regard territorialisé spécifique, inspiré par l’ouvrage Analyse urbaine1 (dirigé par l’architecte, urbaniste et enseignant Philippe Panerai) : la zone étudiée s’inscrit dans un site, la ville de Riom a une fonction propre, la combinaison de ces facteurs rend le cas unique. Le tissu urbain est composé d’une superposition des réseaux de voies, de la trame parcellaire, et du bâti. Nous avons vu que les parcelles d’une part et le bâti d’autre part sont plus sujets aux fluctuations que les réseaux. Les parcelles sont l’expression de la propriété privée du sol, de l’intérêt individuel. Elles peuvent changer de main relativement simplement et chaque propriétaire, sous condition de respecter les règlements d’urbanisme en vigueur, peut décider de la destination ou de la fonction de la parcelle dont il est le propriétaire. En revanche, lorsque l’on s’intéresse aux réseaux d’une ville, on touche au bien commun, qui concerne les intérêts collectifs avant tout. Exception faite de certains tracés viaires internes à des lotissements de maisons individuelles (qui dans certains cas sont privés et entretenus aux frais des riverains, ce phénomène sera analysé dans la seconde partie de ce mémoire), la quasi-totalité des voies sont à la charge des pouvoirs publics, qui en sont propriétaires. Un nouveau tracé ou la modification d’un tracé va impacter sur les parcelles limitrophes, pouvant aller jusqu’à des solutions
1.
Panerai Philippe, Depaule Jean-Charles, Demorgon Marcelle, Analyse urbaine, Marseille, Editions Parenthèses, 2002.
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1.2 Riom: croissance et organisation
d’expropriation dédommagées, ce qui est d’autant plus vrai lorsque le réseau à un intérêt régional ou national. Cela explique que les tracés soient moins sujets aux transformations que le parcellaire, qui subit plus facilement des découpages ou des assemblages au cours de l’histoire. Il semble donc cohérent de s’intéresser principalement à ces voies et aux traces qu’elles apposent dans le paysage, à comprendre leur histoire et leurs rapports entre eux. L’étude de la jonction entre chaque époque met en évidence les éléments clefs, ce qui a été conservé ou perdu, les continuités et les ruptures. L’analyse de plusieurs séquences temporelles fait apparaître l’importance des projets urbains et d’architecture, et des voies nouvelles pour les desservir, qui ont contribué à structurer la zone. Pour chaque phase, une carte présentera les tracés qui sont transmis aujourd’hui, ainsi que les évènements structurants. Il sera ainsi possible de se faire une idée précise de l’évolution de la ville de Riom et des grands changements qui s’y sont produits. NB : Les cartes d’analyse par séquences doivent être lues en ayant à côté la frise chronologique dépliée. Cette frise est repliée en dernière de couverture. C’est une aide pour préciser le contexte historique. Elle met en rapport de manière détaillée les transformations urbaines et l’implantation des bâtiments structurants qui ont contribué à former la zone étudiée depuis 1739, avec la situation politique, ainsi que le nombre d’habitants à Riom. A partir de 1810, on observe des modifications importantes des réseaux : ces modifications sont mises en valeur en rouge sur chaque carte, et apparaissent sur la frise chronologique.
Des documents historiques provenant des archives comme des cartes anciennes, des plans de recoupements des cadastres anciens, des gravures, des peintures, des photographies et des textes ont été utilisés pour déterminer précisément la date du tracé de chaque voie. Ces tracés ont ensuite été regroupés en séquences. Ces séquences montrent un positionnement. On formule l’hypothèse que chaque phase correspond à un mouvement sociologique large, qui produit la ville et l’architecture différemment de la séquence précédente ou suivante. Chaque séquence fera donc l’objet d’une cartographie1 répertoriant les transformations urbaines qui la caractérisent. Cette cartographie mettra en évidence les tracés viaires de chaque époque
1. Ces cartes ont étés conçues et dessinées spécifiquement pour ce travail de recherche, à partir de sources multiples selon les époques, référencées en annexe.
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1.2 Riom: croissance et organisation
transmis jusqu’à aujourd’hui, ceux qui ont été effacés, ainsi que leur transformations successives. L’étude chronologique met en perspective l’espace et le temps, fait prendre conscience que l’état actuel n’est qu’une étape. La mise en évidence des étapes successives permet de détecter une dynamique, un processus. Le découpage temporel est aussi étroitement lié à la quantité de connaissances disponibles. Par exemple nous n’avons aucun document de l’état de la périphérie de Riom avant la carte de Cassini (environ 1765-1780). Dans la zone étudiée, nous avons détecté quatre grandes phases entre le début de l’ouverture des remparts et aujourd’hui. Les projets structurants pour chaque séquence seront également documentés et décrits de manière détaillés grâce à des sources d’archive. L’objectif est de contextualiser au mieux chaque projet, afin de comprendre son implantation, son rapport à l’existant, son influence sur le futur. Nous cherchons à comprendre la stratification, l’accumulation des formes. La correspondance formelle et l’emplacement des tracés viaires peut être analysé objectivement et comparé avec la situation actuelle, afin de détecter les permanences. Certaines portions ont également pu disparaître ou se sont transformées. L’exemple le plus évident est la transformation de l’enceinte fortifiée du XIIIème siècle et ses fossés en un boulevard périphérique. On peut dire que le tracé est conservé, bien que l’espace soit complètement transformé. On passe d’une barrière à un espace de circulation et de promenade. En revanche l’usage, le gabarit et l’état de ces voies ont pu évoluer : par exemple un chemin rural a pu être transformé en voie de circulation pour les véhicules motorisés. L’aménagement d’une voie change la perception qu’on en a, et son importance stratégique. Cette analyse plus subjective sera développée dans la seconde moitié de ce mémoire.
Riom avant 1739
Riom, un point dans un réseau
Avant de se concentrer sur la zone étudiée, le quart sud-est de Riom, il est important de replacer la ville dans son contexte naturel d’origine. 33
1.2 Riom: croissance et organisation
Schéma théorique des liaisons territoriales
Adaptations au site des liaisons territoriales
Paris
Mozac (Abbaye)
8 00m
Vichy Ennezat (Abbaye)
700m
600m
500 m
Clermont Montferrand
Cours d’eau
Bâti du XIVe siècle
Agglomération actuelle
34
0 10 0m
Courbe de niveau (tous les 50 m)
1.2 Riom: croissance et organisation
Vers Paris
Vers Vichy
l’Am bène
m 400
Mozac
Riom Vers Ennezat Thiers
Vers Clermont Montferrand
35
1.2 Riom: croissance et organisation
Les rares cartes, les iconographies, les gravures de l’époque nous renseignent sur la forme de la ville. Riom a été fondée sur une petite butte de la plaine de la Limagne, à proximité immédiate de la chaine des Puys et de la faille de la Limagne. Cette situation en surplomb lui permet de dominer la campagne alentour et de se protéger naturellement. Les premières traces d’une urbanisation datent du VIème siècle, des maisons ont été établies autour d’une Abbaye fortifiée. Un château et des faubourgs sont construits. Des fortifications nouvelles, édifiées vers le XIIIème siècle, englobent le château, les faubourgs et le quartier des tanneries au sud. Ce bourg protégé est alors traversé par deux axes majeurs qui déterminent son organisation, et donnent au niveau des remparts sur quatre portes aux quatre points cardinaux de la ville. Avant 1739, Riom est une ville médiévale, fermée par son enceinte de protection. Elle est entourée d’une plaine fertile, bien exploitée et organisée par un réseau de chemins ruraux. Quatre faubourgs se trouvent à chacune des quatre entrées de la ville. Les deux voies principales traversent la ville et se croisent en son centre. La grande route qui relie Paris à Clermont via Montferrand connecte Riom vers le Nord et vers le Sud. Un axe secondaire permet de se rendre à l’Abbaye Saint-Pierre de Mozac à l’Ouest et vers Thiers à l’Est, par la route d’Ennezat. Les voies sont tracées de manière à relier des points le plus directement possible, mais sont forcément déformées pour s’adapter au site, de manière topologique. Les reliefs influent et modifient les tracés théoriques, à la fois dans la ville et sur les grands axes de circulation qui relient différents lieux du territoire : « Les anciens cheminements secondaires au tracé caractéristique qui vont rejoindre comme par raccourci, les grandes routes »1. On constate aussi que les tracés s’adaptent aux franchissements difficiles. Les différents cours d’eau à proximité de Riom imposent de construire des ponts . Cela demande des ressources, et on limite donc leur nombre. Les tracés s’adaptent et convergent souvent vers les points de franchissement.
1. Rouleau Bernard, Le tracé des rues de Paris, Paris, Editions du CNRS, 1988. Les rues anciennes rejoignent les points d’intérêt comme par raccourci.
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1.2 Riom: croissance et organisation
1725-1810 Ouverture des remparts Prémices de l’hygiénisme.
Le manque d’espace disponible intra-muros et l’avènement d’un mode de pensée hygiéniste dans la planification urbaine a conduit la ville a progressivement s’affranchir de ses limites, à partir du début du XVIIIème siècle. On peut considérer que ce mouvement s’amorce en 1725, lorsque l’hôpital général de Riom est construit dans le Faubourg de Clermont. C’est la première fois qu’un grand équipement public est édifié hors les murs, hors des limites historiques de l’agglomération. Un centre de charité occupait certes cette parcelle depuis 1658, mais il ne disposait pas d’un bâtiment configuré à cet usage et n’avait pas vertu à toucher tous les riomois. Le nouvel hôpital est construit en prenant compte de la voirie existante, il n’est pas nécessaire de tracer ou de percer de nouveaux réseaux pour le relier à la ville.
Plan du projet d’hôpital général pour Riom.
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1.2 Riom: croissance et organisation
I
1
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1.2 Riom: croissance et organisation
1725-1810 Ouverture des remparts Transformations urbaines pendant la période étudiée Bâtiments structurants Réseau viaire Tracés ayant disparu Portes de la ville
Tissu urbain existant Bâti Réseau viaire Tracés ayant disparu Réseau hydrographique 0
100m
500m
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1.2 Riom: croissance et organisation
L’ouverture physique de la ville sur son territoire s’officialise avec la déconstruction des remparts à partir de 1739. Le phénomène se retrouve dans beaucoup de villes en Europe à cette époque. Cette importante opération d’aménagement urbain correspond aux exigences du XVIIIème siècle et à un besoin d’espace d’une ville qui doit se développer. Elle a lieu progressivement à partir de l’édit du conseil d’état de 1739, qui autorise le bureau des finances à démolir les remparts1. Il est difficile de dater précisément la date d’achèvement, mais elle se situe aux environs de 1780. Cette démolition semble avoir été très polémique, car les habitants payaient jusque-là pour financer l’entretien du rempart et n’ont pas compris pourquoi il devait être détruit. Les remparts n’ont alors plus vraiment d’intérêt défensif car il n’y a plus de danger proche et les armes ont évoluées. La ville qui s’ouvre sur l’espace ainsi libéré donne lieu à d’importants aménagements urbains, destinés à la circulation. Les remparts étant épais, ils libèrent un vide d’une largeur permettant l’établissement d’un boulevard planté. Etant à proximité immédiate du centre-ville, c’est l’occasion idéale pour aménager une promenade. La période est marquée par l’hygiénisme, par des considérations sanitaires et un besoin d’aérer des centres villes et des faubourgs considérés comme trop dense, donc lieux de développement de maladies en l’absence d’air et de lumière directe. L’emprise des remparts, fossés et autres dispositifs de protection offre une grande surface disponible pour que les bâtiments et les rues s’ouvrent. Des arbres sont progressivement plantés, et on assiste au développement de l’art de la promenade, très à la mode à ce moment. La gravure de Legay, datée de 1745 (fig.), laisse entendre que la déconstruction a été progressive, puisque l’on y distingue la promenade plantée qui prend place le long d’un fin mur de fortification. La disparition des murs extérieurs ne va pas transformer l’importance des deux axes Nord-Sud et Est-Ouest de la ville. A mesure que la ville s’ouvre, les décideurs politiques se préoccupent du visage à offrir aux visiteurs. Les quatre portes de la ville sont remises en état, sous la forme simple de deux piliers. Pour donner une apparence accueillante à la porte de Layat au Nord, où entrent les voyageurs venus de Paris, l’architecte et urbaniste de la ville
1. Renaud Bénédicte, Riom, une ville à l’oeuvre, enquête sur un centre ancien -XIIIeXXe siècle, Lyon, Editions Lieux Dits, 2007. Page 39.
40
1.2 Riom: croissance et organisation
« Vue et perspective à l’aspect méridional de la ville de Riom dédiée à Monsieur le Sénéchal et à Mrs les Officiers de la Sénéchaussée d’Auvergne par leur très humble serviteur Le Gay ». Gravure colorisée, 71 x 49 cm, par Cosmant, d’après un dessin de Legay. Riom, musée Mandet. Ajout manuscrit : «1745». Certains détails laissent supposer que la vue serait plus récente que la date apposée de manière manuscrite sur le document. La porte de Clermont est figurée sous forme de deux piliers, comme elle avait été construite en 1747. La façade de l’église Saint-Amable correspond à une rénovation achevée seulement en 1756.1 Sur cette gravure, on remarquera la présence et l’importance de l’environnement dans lequel se situe la ville. Au premier plan, les champs et les vergers bien délimités figurent la fertilité de la plaine de la Limagne. En arrière plan sont représentés les volcans de la chaine des Puys.
1. Renaud, Bénédicte. Riom, une ville à l’oeuvre, enquête sur un centre ancien -XIIIe-XXe siècle. s.l. : Lieux Dits éditions, 2007. Page 37.
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1.2 Riom: croissance et organisation
de Riom Attiret de Mannevil1 dessine des portes et des doubles pentes pour monumentaliser l’entrée et permettre la venue des carrosses. Elévation de la porte de Layat (porte Nord) Dessin, 17 x 103 cm, M. Attiret, 1781. Les quatre portes de la ville sont reconstruites à partir de 1747 sous la forme de deux piliers. La porte Nord, celle qui accueille les voyageurs arrivant de Paris, reprise en 1781, fait l’objet d’un programme plus ambitieux, avec rampes d’accès et fontaine. Source: Renaud Bénédicte, Riom, une ville à l’oeuvre, enquête sur un centre ancien -XIIIe-XXe siècle, Lyon, Lieux Dits éditions, 2007.
A part les faubourgs et l’installation de l’hôpital général, la périphérie de Riom reste alors agricole et n’est pas urbanisée. Le territoire est couvert d’un réseau de routes et chemins qui relient les centres d’intérêt locaux (villes, moulins, parcelles cultivées) en suivant la logique du lieu : topographie, franchissement des cours d’eau. La révolution française de 1789 va faire perdre à Riom ses privilèges royaux. L’impact de cette rupture historique va mettre plusieurs années à se ressentir dans l’urbanisme et le secteur de la construction. Mais en choisissant Clermont comme chef-lieu du département, Riom va subir une décroissance de sa population en dépit des efforts consentis pour renforcer son rôle judiciaire. Pourtant, la municipalité continue d’avoir de grands projets, comme la halle au blé, construite cette fois-ci dans le centre-ville à partir de 17932. Le projet d’avant la révolution prévoyait une implantation 1. Pascal Piéra, auteur de Riom, ville d’art, d’histoire et de secrets (Brioude, Editions Créer, 2007), a également consacré un mémoire (cahiers de l’inventaire, 1990) à l’étude des travaux de Claude-François-Maris Attiret de Mannevil (1750-1823). 2. Renaud Bénédicte, Riom, une ville à l’oeuvre, enquête sur un centre ancien -XIIIeXXe siècle, Lyon, Editions Lieux Dits, 2007. Page 43.
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1.2 Riom: croissance et organisation
en bordure extérieure du boulevard, mais les habitants s’étant rassemblés ont obtenus une installation intra-muros, qui permettait de disposer d’une place élargissant le tracé de liaison entre l’intérieur du centre-ville et le boulevard.
Plan du projet de la Halle au blé, Attiret, 1783.
1810-1870 Appropriation du territoire et développement ferroviaire
Dans la continuité du mouvement hygiéniste, la ville essaie d’évacuer autant que possible toutes les sources de nuisance. Par exemple en 1830, la décision est prise d’aménager un abattoir à l’extérieur de la ville, en bordure du ruisseau de l’Ambène (permettant le nettoyage des carcasses en se débarrassant facilement des déchets). Cet abattoir se situe au Sud-Est du centre historique, au bout de la place du foirail, proche et bien connecté au boulevard.
Plan de masse du projet d’abattoir sur la rive Sud de l’Ambène
Page suivante : cadastre napoléonien, 1811.
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1.2 Riom: croissance et organisation
4 III 3
2
II
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1.2 Riom: croissance et organisation
1810-1870 Appropriation
du territoire
et développement ferroviaire
Transformations urbaines pendant la période étudiée Bâtiments structurants Réseau viaire Tracés ayant disparu Portes de la ville
Tissu urbain existant Bâti Réseau viaire Tracés ayant disparu Réseau hydrographique 0
100m
500m
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1.2 Riom: croissance et organisation
Développement technologique et nouveaux réseaux. L’arrivée du Chemin de fer à Riom en 1854 superpose un nouveau réseau, ferré et exclusif, au réseau viaire partagé entre différents modes de déplacement (piétons, chevaux, carrosses, etc). La continuité des circulations est assurée par deux ouvrages d’art, mais le réseau préexistant perd de sa cohérence en butant contre cette nouvelle limite. Certaines portions sont coupées, d’autres sont déviées : on peut parler d’une rupture du tissu viaire entre la ville et la zone agraire située à l’Est, au-delà de la voie ferrée, en direction d’Ennezat. Les dénivelés et remblais qui permettent d’encaisser les vallonnements du parcours empêchent de traverser cette voie ferrée. Il faut passer par-dessus (ou par-dessous) un peu à la manière des problèmes de franchissement que pose un cours d’eau, où le nombre de passages limités fait converger plusieurs tracés vers les ponts. Le chemin de fer est un réseau exigeant techniquement, en termes de rayon de courbure et de dénivelé, qui impose aux réseaux des trajets spécifiques, difficilement compatibles avec la reprise d’une trace existante. De plus, la construction des voies ferrées et des gares nécessitent de vastes superficies de terre vierge. Ces contraintes amènent à faire passer le tracé des voies ferrées en dehors de la ville constituée. Toutefois, à l’époque le véhicule individuel n’existant pas, les gares sont placées le plus près possible du centre-ville, proche des habitants. Ce nouvel équipement de la gare SNCF, qui est en projet à partir de 1853, devait être accessible à pied depuis Riom, sans trop d’efforts. Ce questionnement se pose à peu près partout en France entre 1850 et 1860, période pendant laquelle le réseau ferré connaît un très fort développement. Percement et échec du nouveau tracé vers la gare. La gare a fait l’objet d’un grand aménagement urbain, avec le percement d’une nouvelle rue censée lui donner un accès direct et privilégié au boulevard et au centre-ville. Des débats ont eu lieu entre les ingénieurs de la Société Nationale de Chemins de Fer et les ingénieurs des ponts et chaussées pour décider quel emplacement serait le plus judicieux pour la gare et quel tracé cela implique. Les débats sont menés entre des professionnels de l’aménagement territorial, ce qui semble déjà nouveau en soit. Ils ne portent pas uniquement sur des questions pratiques, techniques et de droit commun 48
1.2 Riom: croissance et organisation
Plan de projet pour le tracé entre la gare et le boulevard. Dessin, ponts et chaussées, env. 1853.
(acheter facilement le foncier, éviter les expropriations), mais aussi sur l’aspect visuel que va procurer cette allée lorsqu’on l’emprunte. Une fois d’accords sur l’emplacement de la gare, le projet des ingénieurs de la SNCF est de la connecter à la porte Est de la ville, en passant à travers le faubourg et en détruisant un certain nombre de logements. Mais cette connexion permet d’entrer en ville par une porte déjà mise en valeur. Le projet des ponts et chaussées est d’aller au plus court et sans destruction en direction du boulevard. Cette allée plantée aurait l’inconvénient de ne pas se continuer par une rue pénétrant dans le centre-ville, elle butte sur le boulevard. C’est ce dernier projet qui est retenu et devient l’avenue Archon-Despérouses. Mais aujourd’hui on constate que la gare n’est pas là, à l’emplacement où il était prévu qu’elle soit. Il n’y a pas de bâtiment, ou plus de bâtiment à cet emplacement, pas même de fret. La voirie a donc été tracée en anticipation de la gare, mais il y a eu un couac et la gare n’a finalement pas été construite là. La décision sans doute mauvaise d’un tracé sans lien évident vers le centre-ville a pu faire échouer le fonctionnement et l’esthétique de ce projet important pour la ville. 49
1.2 Riom: croissance et organisation
A la suite de ce débat sur le tracé entre la gare et le centre historique, le projet des ingénieurs de la SNCF ayant été sans doute fortement envisagé, les réserves foncières prévues dans un premier temps pour recevoir le percement de cette rue ont été achetés et ont donné lieu à des expropriations. L’échec du projet a mené à l’installation de la prison sur ce site. Cette décision politique correspond également à des mesures d’hygiénisme, au souhait de se débarrasser des logements petits et parfois insalubres des faubourgs. La prison est ainsi placée proche du tribunal. Le bâtiment carcéral est à l’image des nouveaux standards sanitaires en vigueur. Le plan en peigne est fait pour laisser entrer l’air et la lumière naturelle dans les cellules. Cet équipement assoie définitivement Riom dans son statut de capitale juridique régionale (les régions s’appellent alors des Généralités, on parle donc de la Généralité de Riom). Cette décision relève aussi de l’Etat, la ville se spécialise dans un rôle qui lui est propre à l’échelle de son territoire. Riom devient dès le début du second Empire une ville de garnison qui comptera jusqu’à 1200 soldats. Dans la zone étudiée, les abattoirs récents sont transformés en caserne, et trois nouvelles sont construites, dont une qui prend place le long du nouveau tracé entre la voie ferrée et la ville.
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1.2 Riom: croissance et organisation
1870-1960 Industrialisation La voie ferrée devient un vecteur de développement industriel et économique, qui va diversifier les fonctions juridiques et militaires de Riom. L’implantation d’usines s’explique par les nouvelles facilités dans le transport des marchandises à grande échelle, la connexion au réseau ferroviaire étant indispensable pour acheminer les matières premières et les produits manufacturés. Il y a de nombreux terrains agricoles disponibles à proximité de la gare, en connexion avec ce réseau qui permet des échanges rapides et nationalisés. Deux entreprises d’envergure s’implantent à Riom dans la zone étudiée : la manufacture des tabacs et la câblerie. Les usines s’inscrivent en lien avec le chemin de fer, mais en rupture avec le reste du tissu urbain, elles ne tiennent pas compte des tracés viaires et de la trame parcellaire préexistante. Les voies sont donc adaptées aux projets et non l’inverse. Une avenue et une place sont créées pour monumentaliser l’accès à l’édifice de la manufacture. La nouvelle rue Pierre de Nolhac, qui relie la ville, où résident les ouvriers, et l’usine, est tracée bien droite. Au-delà du côté pratique, on peut faire l’hypothèse qu’une certaine idée du respect de l’ordre était ainsi implicitement dictée aux travailleurs. Au Nord, elle n’est pas en connexion directe avec le boulevard du centre-ville. Au Sud, elle bute sur le tacot des Batignolles, déjà tracé à l’époque. Ce tracé se termine donc sur un angle qui le ramène à la route de Clermont. Le tacot des Batignolles est la branche de la voie ferrée qui permettait de relier Volvic à Riom, et ainsi donner un accès au réseau national pour les marchandises. Ce petit chemin de fer a servi à acheminer les pierres de Volvic jusqu’à la gare de fret riomoise pendant 46 ans, entre 1890 et 1936. Son tracé est resté, et il se retrouve dans la voirie actuelle. Ce n’est plus une voie de chemin de fer mais une rue de desserte locale. De nombreuses maisons se sont construites le long de cet axe ancien, qui conserve son tracé doux, avec des courbes tendues, jamais parfaitement rectiligne et sans angles prononcés.
51
1.2 Riom: croissance et organisation
5 I
1
6
7
IV
9
V 8
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1.2 Riom: croissance et organisation
1870-1960 Industrialisation Transformations urbaines pendant la période étudiée Bâtiments structurants Réseau viaire Tracés ayant disparu Portes de la ville
Tissu urbain existant Bâti Réseau viaire Tracés ayant disparu Réseau hydrographique 0
100m
500m
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1.2 Riom: croissance et organisation
1960-2013 Démocratisation de l’automobile et désindustrialisation
L’après-guerre et le début des trente glorieuses marque un tournant dans l’urbanisation de Riom. La ville a été épargnée par les démolitions de la seconde guerre mondiale. C’est alors l’avènement de l’automobile reine, la démocratisation de ce moyen de transport individuel qui ici comme partout va profondément modifier l’urbanisation de la ville. Les déplacements se font de plus en plus nombreux, notamment les flux pendulaires entre le domicile et le lieu de travail, qui peut être plus éloigné qu’avant car la voiture raccourcie les distances. Ces réseaux sont destinés à un moyen de transport individualisé, à l’inverse de la logique de transports en communs qui prévalaient jusque-là sur les trajets vers d’autres villes. Les réseaux ont dû s’adapter et se multiplier. Deux voies express de contournement bousculent totalement la logique des flux, et rendent caduques les anciennes voies principales, les transformant en simples voies de dessertes. La route nationale 09 contourne Riom à l’Est et la route nationale 29 rentre dans la ville, réutilisant un petit tronçon du boulevard. Ces voies ne tiennent pas compte des anciens tracés, l’époque étant plutôt optimiste dans le progrès, tournée vers le futur et peu regardante du patrimoine passé que représentent les anciens réseaux de circulation. La logique de grande vitesse de ces voies express et leur caractère d’intérêt public à l’échelle du territoire étant aux antipodes de la marche à pied et de la desserte de parcelles agricoles, on peut cela dit comprendre l’abstraction qui a été faite. A l’intérieur du maillage préexistant, des aires de lotissements pavillonnaires multiplient des voies d’accès privées, qui ont chacune une logique propre et ne participent pas au fonctionnement du réseau. Les voies dédiées permettent ne pas subir les nuisances d’une véritable voie de circulation depuis son logement (bruit, pollution de l’air, pollution visuelle). L’idéal de la maison pavillonnaire, beaucoup moins dense que la ville ancienne, implique nécessairement plus de linéaire de réseaux de circulation par habitant. Cet avènement d’une réflexion plus individualiste de la ville amène aussi une augmentation de la surface de voirie à entretenir pour la commune. 54
1.2 Riom: croissance et organisation
Voitures sur la place de la Fédération à Riom. L’impact de l’automobile transforme le paysage urbain. Carte postale, années 1980.
Avec la vitesse de la voiture augmente aussi le risque d’accident avec des piétons ou des cycles. L’aménagement du schéma de circulation a donc tendu vers un principe hiérarchisation et de sségrégation des flux, dans la lignée des idées défendues par les modernes, comme on pouvait déjà le lire en 1942 dans La charte d’Athènes de Le Corbusier : « Le principe de la circulation urbaine et suburbaine doit être révisé. Un classement des vitesses disponibles doit être fait. La réforme du zonage mettant en harmonie les fonctions clés de la ville créera entre celles-ci des liens naturels à l’affermissement desquels sera prévu un réseau rationnel de grandes artères. »1
1. Le Corbusier, La Charte d’Athènes, Paris, Editions de Minuit, 1942. Verset 81, Page 104.
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1.2 Riom: croissance et organisation
11
12
56
1.2 Riom: croissance et organisation
1960-2013 Démocratisation de l’automobile et désindustrialisation Transformations urbaines pendant la période étudiée Bâtiments structurants Réseau viaire Tracés ayant disparu Portes de la ville
Tissu urbain existant Bâti Réseau viaire
VI
Tracés ayant disparu Réseau hydrographique 0
100m
500m
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1.2 Riom: croissance et organisation
Synthèse La figuration en plan par séquences de la date des tracés, de leur permanence et leurs effacement a permis de comprendre la manière dont s’est constituée la partie sud-est de la ville de Riom. Cette étude fait apparaître le rôle prépondérant de l’implantation de bâtiments et d’équipements structurants dans la fabrication de la forme des tracés, et ce depuis de XVIème siècle avec l’implantation de l’hopital général hors les murs d’enceinte. Cet espace est donc avant tout le résultat d’une série de politiques urbaines. La carte de Synthèse dépasse la hiérarchie chronologique pour proposer une vision par «systèmes» de voies. Cette représentation permet de percevoir la hiérarchie du réseau en place selon si les voies sont mono ou plurifonctionelles.
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1.2 Riom: croissance et organisation
Vue de Riom en 1740 Gravure coloriée, 32 x 22 cm, édité par Chéreau, BnF
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1.2 Riom: croissance et organisation
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1.2 Riom: croissance et organisation
Carte de Synthèse Tracés plurifonctionnels Voie de circulation et de desserte Voie de circulation assurant aussi l’accès aux bâtiments structurants
Tracés monofonctionnels Contournements - Voies rapides Réseau ferré Voie de desserte Bâtiments sutrcturants Réseau hydrographique 0
100m
500m
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Partie 2
De l’héritage au patrimoine, le travail de mémoire Nous avons vu dans la première partie que la zone étudiée, au Sud-Est de Riom, s’était constituée autour de grands projets d'aménagements de bâtiments et de voiries. Le fait que cette partie de la ville se soit organisée autour de projets d’envergure liée à des politiques urbaines ou d’aménagement, plutôt que grâce à des opérations plus spontanées ou spéculatives, invite à se demander comment ces aménagements répondent à une prise en compte –ou non- des tracés existants ?
2.1 La protection du patrimoine à Riom
Le mélange des typologies de voies, ainsi que la diversité de typologies bâties dans cette zone créent une impression de désordre, pose la question de la cohérence entre ces aménagements. Ce manque de cohésion est mis en évidence par la structure lacunaire visible aujourd’hui entre les anciens remparts et la voie ferrée, alors que l’urbanisation s’étend dans le même temps jusqu’à la route de contournement, montrant le besoin de surface constructible. L’étude de la morphologie des tracés viaires fait apparaître deux logiques : - d’une part un effet d’accumulation créé par des projets, qui tendent à compléter le tissu existant, pour y insérer un nouvel équipement, à l’image de la rue Pierre de Nolhac pour la Manufacture des Tabacs1 - d’autre part on a constaté un effet de superposition des voies : une nouvelle voie cherche à s’émanciper du réseau et des formes existantes devenues obsolètes, créant ainsi un nouveau registre formel
Nous verrons comment la superposition des différents réseaux contribue à créer un espace difficile, théorisé par la notion de « zwischenstadt » de Thomas Sieverts Cette partie présentera dans un premier temps les processus patrimoniaux en cours sur la ville de Riom, et ceux qui concernent plus particulièrement notre zone d’étude. En effet, la prise en compte du patrimoine apparaît aujourd’hui comme une préoccupation centrale de la politique urbaine. Mais ces interventions portées sur le patrimoine s’arrêtent souvent au niveau du bâti, avec une très faible considération pour l’histoire portée par le tissu urbain environnant. Cela peut s’avérer contradictoire, par exemple lorsqu’un tracé viaire et un bâtiment ont fait partie du même projet d’aménagement. Il s’agit de fournir ici une vision critique du patrimoine urbain d’aujourd’hui. Il s’agira dans un second temps de considérer le tissu urbain comme un héritage, avec un potentiel patrimonial pour l’instant délaissé. En effet, la première partie du mémoire a montré la relation entre le site, les centres d’intérêts et la forme des réseaux. Il a également été démontré que la typologie des voies diffère selon l’époque à laquelle elle a été tracée. Le lien entre la morphologie des réseaux et l’urbanisation sera détaillé, et permettra 1. Voir Carte 1870-1960
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2.1 La protection du patrimoine à Riom
de montrer le caractère indissociable entre le tracé des voies de circulation, les parcelles et les bâtiments. C’est donc la nature de l’héritage que constitue le tissu urbain qui sera étudié.
2.1 L a protection du patrimoine à Riom Le patrimoine bâti de Riom fait l’objet de mesures de protection au travers du système de classification des monuments historiques. Le patrimoine urbain est pris en compte dans un Plan de Sauvegarde et de Mise en valeur, limité au centre historique et à l’emprise des anciens remparts et leurs fossés, aujourd’hui boulevard périphérique de la ville.
Le patrimoine bâti Nous l’avons vu dans la première partie avec l’analyse séquentielle : la zone étudiée au Sud-Est de Riom concentre deux grands bâtiments industriels qui ont été transformés, deux casernes désaffectées puis transformées, et un abattoir déjà transformé en caserne aujourd’hui désaffecté et vide. Bien que cet héritage bâti soit imposant, relativement concentré et a priori pas forcément remarquable, aucun de ces bâtiments n’a été détruit. On peut expliquer cette permanence de d’une part par simple besoin de « recyclage » : un bâtiment est conservé parce que l’on peut facilement le réemployer pour un nouvel usage comme par exemple la Caserne Dombrowski, devenue mairie annexe de la ville de Riom. D’autre part dans la zone étudiée, deux bâtiments structurants sont inscrits à l’inventaire des monuments historiques : l’ancien abattoir public devenu caserne Vercingétorix, et la Manufacture des Tabacs, dont une partie a été transformée récemment en Résidence haut de gamme. La Reconversion des friches On constate en effet en France et en Europe, depuis les débuts de la désindustrialisation, un mouvement de reconquête des bâtiments industriels ou des grands bâtiments publics laissés en friche. Qu’ils soient devenus obsolètes ou simplement vidés de leur activité industrielle, 65
2.1 La protection du patrimoine à Riom
la collectivité cherche à se les réapproprier en leur reconnaissant des qualités architecturales ou symboliques, ce qui aboutit à un programme de conservation et de réhabilitation, que le bâtiment soit inscrit ou non comme patrimoine historique. Sauvés de la destruction, ils sont réinvestis par des grands programmes publics, le plus souvent à vocation culturelle, à l’image du projet de reconversion de la Sucrière à Lyon en centre d’art contemporain, ou de la Belle de Mai à Marseille en salle de spectacle. En effet, dans une logique d’économie et de rationalité, les bâtiments qui sont conservés doivent trouver un usage, afin de justifier l’investissement, de ne pas entretenir un bâtiment vide, et également de profiter au quotidien d’un bâtiment emblématique. La nature même des bâtiments industriels, vastes, évolutifs, résistants, parfois très bien éclairés, en fait des bâtiments adaptés pour recevoir des programmes culturels ou de logements, tout en respectant une structure et un volume d’origine. Le résultat produit par la rencontre d’une coquille vide (bâtiment industriel dénué de ses fonctions) et d’un programme contemporain (culturel, habitat …etc) peut donner lieu à des projets architecturaux caractéristiques et révélateurs d’identité. En effet le programme peut servir le lieu inhabité, et vice versa : d’un côté les éléments caractéristiques de l’époque industrielle (dimensions, portées, détails, matières … etc.) peuvent être magnifiés et révélés au public par le projet de transformation du lieu pour l’accueil du nouveau programme, d’un autre côté le programme voit son caractère affirmé par le lieu. Ce mélange est toutefois à manipuler avec précaution, afin que l’identité première du bâtiment soit mise en valeur avec justesse et non dénaturation. On peut noter la contradiction entre la volonté de conserver l’image d’un bâtiment et celle de changer son usage. Au-delà des considérations techniques de faisabilité d’une telle transformation, cela implique deux choses. La première est d’ordre architectural : quelles sont les modifications à apporter, comment changer le système distributif sans travestir l’identité du bâtiment ? La seconde est d’ordre symbolique : un bâtiment industriel est un bâtiment fonctionnel, un outil de production et un symbole pour les travailleurs : comment en faire un lieu de divertissement ou d’habitation sans le dénaturer ?
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2.1 La protection du patrimoine à Riom
Exemple de la Manufacture des Tabacs de Riom
La manufacture des tabacs de Riom, dont la construction a été achevée en 1883, est un bâtiment industriel destiné à la manufacture des cigarettes. Ce bâtiment a été construit par les ingénieurs du Service Central des Constructions et Appareils Mécaniques de la Direction générale des manufactures de l’état, ce qui explique son aspect industrialisé : le même plan type avec les mêmes décors ont été repris sur plusieurs manufactures des tabacs en France, comme par exemple celles de Nantes ou Strasbourg, avec d’infimes variations régionales de modénatures. L’activité de production a déménagé dans une nouvelle usine à Riom à proximité, laissant celle-ci en friche. Ce bâtiment est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 2004, et a fait l’objet depuis d’un projet de reconversion, en bureaux et en logements. Le caractère industrialisé et répétitif de ce bâtiment, avec 14 autres exemples de conservation en bon état dans d’autres villes de France, n’en fait pas un bâtiment à l’architecture remarquable. Ses qualités architecturales ne sont donc pas déterminantes pour le considérer comme un monument historique. Il est en revanche pour la population et pour l’image de la ville un symbole de l’ère industrielle, cette mesure de protection vise donc à monumentaliser l’édifice afin de glorifier une époque, en faire un lieu de commémoration. La commémoration sera même active, puisqu’un « Musée de la Manufacture » est programmé dans le bâtiment rénové.
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2.1 La protection du patrimoine à Riom
Le paradoxe de la reconversion. Aujourd’hui la société privée Sogimm, maître d’ouvrage de l’opération, vend à ses clients un produit haut de gamme, grâce au label monument historique. La pertinence économique du projet repose sur la vente de produit haut de gamme, afin de compenser les surcoûts dus à la conservation du patrimoine. Cette valorisation a entraîné des aménagements luxueux autour de ce projet privé. Ainsi la ville de Riom a financé la requalification de la place publique jouxtant la Manufacture. Celle-ci a été repensée avec un dallage de pierres au sol. Les cheminements ponctués par des bancs sont dessinés par des bordures et séparés par des pelouses d’ornement dont l’entretien est impeccable. La comparaison des deux photographies d’époque et actuelle du parvis montre le glissement d’un espace simple et fonctionnel vers un parvis précieux. La ville également a la volonté de faire de ce lieu un pôle d’attraction, au travers notamment d’un lieu de mémoire (Musée de la Manufacture), d’une brasserie et de cette place publique requalifiée. On peut souligner le paradoxe qui existe entre la réhabilitation de la manufacture pour en faire un lieu de mémoire du passé industriel, et cette reconversion qui tend à effacer son identité industrielle, fonctionnelle. Rapport entre l’édifice protégé et l’espace public La Manufacture, dont le bâtiment date de 1883, a fait l’objet d’un aménagement de voiries important lors de son implantation.1 Ces voies ont été conçues en même temps, spécifiquement pour la manufacture, et permettent d’y accéder depuis l’entrée de Riom vers Clermont, ou depuis l’avenue Virlogeux près du centre. On peut donc s’interroger sur le rapport entre leurs tracés et le bâti pour lesquelles elles ont été construites : le tracé de la rue Pierre de Nolhac participe-t-il à l’identité de la Manufacture des Tabacs ? En effet, sa forme est rectiligne et ne débouche d’aucun côté sur un point d’intérêt particulier, de plus elle est parallèle au pavillon d’entrée de la Manufacture. Ce tracé, lié à une époque, ne tient pas compte des précédents2. Cette rue est également bordée de maisons typiques de la fin du XIXème siècle, ayant probablement appartenu aux cadres ou ingénieurs employés par la manufacture. Ensemble, le tracé et ces architectures participent à 1. Se référer à la carte « Industrialisation » dans la première partie, page. 2. Voir la comparaison entre le Cadastre Napoléonien de 1810 et le plan actuel.
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2.1 La protection du patrimoine à Riom
une ambiance datée. Pourquoi, dans ce cas, l’ensemble ne fait-t-il pas l’objet d’une mesure de protection ? Le patrimoine, une nouvelle politique urbaine ? L’exemple du projet de reconversion de la Manufacture initialement simple opération immobilière privée3, et la manière dont la ville s’est emparée du projet pour en faire un nouveau « pôle de développement » avec un musée, une brasserie et une place publique repensée, montre l’importance qu’accordent les élus à la mise en valeur de leur patrimoine. Cette préoccupation très forte et l’investissement financier qui l’accompagne tranche avec la faiblesse des propositions d’aménagement du territoire à l’échelle de l’agglomération. 4 En effet les préoccupations ont été concentrées sur la manufacture ellemême et sur ses abords immédiats (comme la place) sans considération de l’ensemble cohérent formé (à plus grande échelle) par l’axe, les maisons, la manufacture et son environnement. En résultent des transformations onéreuses dont la qualité et la pertinence d’un point de vue patrimonial sont facilement discutables. Si ces préoccupations ont été concentrées sur cet « échantillon » de ville c’est sans doute car la valeur patrimoniale du secteur n’a pas été protégée dans son ensemble et ne fait pas état des tracés de ce tissu. La protection patrimoniale (qui semble pourtant chère aux décideurs de la ville) n’a pas ici participé à la qualité du résultat. La protection du patrimoine est pourtant un levier de politique urbaine, potentiellement moteur de renouvellement urbain. Cet exemple soulève une question plus générale et d’ordre politique sur l’attitude à adopter par les acteurs du paysage urbain : est-il pertinent de 3.
Le directeur de la société Sogimm évoque dialogue avec la collectivité pour l’établissement du programme de réhabilitation. 4. Le PADD (Plan d’Aménagement et de Développement Durable) qui date de 2004, évoque une coulée verte et des cheminements doux (piétons et cycles) le long des cours d’eau, qui deviendraient alors support de liaison entre les quartiers. Cette proposition ne s’appuie pas sur les tracés viaires existants/disparus, pourtant liens historiques et évidents entre les quartiers. De plus, ne pas considérer les liaisons automobiles entérine le phénomène de séparation des flux.
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2.1 La protection du patrimoine à Riom
concentrer les efforts et les ressources sur un lieu unique et restreint sans initier en amont ou de manière concomitante une réflexion et un programme à plus grande échelle ? Le patrimoine dépend de la perception de la société Vincent Veschambre, chercheur en géographie, formule ainsi l’hypothèse que « le patrimoine est un processus social d’appropriation de l’espace au profit de groupes déterminés, fondé sur la conservation de traces et/ou l’apposition d’éléments de remémoration » 1. Le choix de considérer un héritage comme un patrimoine dépendrait de la perception qu’en a une société a un moment donné. Vincent Veschambre explique notamment le rôle joué par les associations qui s’emparent du rôle de protecteurs d’un bâtiment, généralement menacé de destruction imminente. On peut, afin d’illustrer le propos, comparer le choix de convertir la manufacture des tabacs avec un autre type de construction, ayant contribué à structurer l’espace rural au sud de Riom : les moulins hydrauliques. Le long de L’Ambène et de ses ramifications, on trouvait en effet de nombreux moulins, lieux de production des farines, alimentés par les cultures alentour. A leur époque et à leur échelle on peut penser que ces équipements ont été des repères sociaux d’une population agricole. Or la plupart sont aujourd’hui détruits. N’est-il pas surprenant qu’aujourd’hui aucun de ces bâtiments ne fasse l’objet de mesure de protection à Riom ? La trame agraire étant par ailleurs toujours visible dans le parcellaire actuel, un tel projet aurait pu avoir du sens. Certains sont malgré tout rénovés et donnent lieu à des projets de conversion grâce à des initiatives privées, comme par exemple le Moulin du Chassaing à Mozac transformé en chambres d’hôtes. Ceci montre tout de même l’intérêt d’une catégorie de la population pour ces constructions. La prise de conscience que la valeur d’un bâtiment dépend également de son contexte, et donc qu’il est essentiel de le valoriser, fait évoluer la notion de protection. Au départ d’une simple zone de protection automatique autour
1.
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Veschambre Vincent, Traces et mémoires urbaines, enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.
2.1 La protection du patrimoine à Riom
d’un monument classé, des outils spécifiques ont été créées pour permettre la protection du patrimoine urbain.
Le patrimoine urbain La prise de conscience de la nécessité de protéger le patrimoine urbain s’est faite progressivement. On peut dire qu’elle a débuté avec la décision d’étendre la protection des monuments historiques à « leurs abords » par une loi en février 1943. Cette décision est prise en réaction aux destructions dues à la seconde guerre mondiale : on s’aperçoit que la destruction à grande échelle de bâtiments, due aux bombardements, menace la perte d’une histoire collective, d’une identité. Evolution de la notion de patrimoine urbain La protection de l’espace urbain est alors encore directement liée à un celle d’un monument historique. Mais la loi dite « Malraux » d’août 1962 instaure la notion de « secteur sauvegardé ». Cette notion s’affranchit de la notion de monument pour parler « d’ensemble bâti » : La valeur historique d’un ensemble caractéristique est mise devant la valeur d’œuvre architecturale de chaque bâtiment. Le secteur sauvegardé s’accompagne d’un volet de « mise en valeur », qui se matérialise par un PSMV (Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur), document qui remplace localement le plan local d’urbanisme. Le PSMV est composé d’un plan détaillé en couleur qui classe les bâtiments en fonction de leur valeur patrimoniale, plan établit au préalable par des Architectes des Bâtiments de France. Ce document a une valeur juridique, et tout projet dans le périmètre d’un PSMV doit être accepté par l’architecte des bâtiments de France en charge du secteur. La mise en place des ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) existe depuis 1983. Ces zones s’ajoutent aux prescriptions du PLU. Elles sont destinées à Ces zones peuvent être bâties ou non, et inclure ou non des monuments historiques. Dans le cas où elles entourent un monument historique, elles sont utilisées pour remplacer le périmètre de 500 mètres de protection autour du bâtiment, ainsi que le critère de co-visibilité, par un ajustement plus fin au contexte. Dans le cas contraire, elles servent à préserver la cohérence d’un espace. Ces outils administratifs montrent une nouvelle fois la prise de conscience de la valeur de notre héritage, et la nécessité de l’élargir au des ensembles 71
2.1 La protection du patrimoine à Riom
urbains. La ville de Riom n’est pas dotée de ZPPAUP. Les services d’urbanismes que j’ai questionnés à ce sujet s’en sont défendu en disant que la plupart des zones de faubourgs étaient « de toute manière inscrite dans des zones de protection de monuments historiques » (se référer au schéma). Or cette affirmation est évidemment absurde, étant donné qu’un outil comme le PSMV fait passer une idée et un projet de conservation, le cercle d’autorisation n’est qu’une décision administrative à laquelle on doit se conformer. L’héritage bâti et urbain à l’extérieur de la zone inscrite dans le PSMV est donc bien négligée. La protection du patrimoine à Riom Le schéma présenté a pour objet de montrer la dynamique de protection à l’œuvre à Riom. Afin de réagir à la mise en danger du patrimoine urbain, une politique de protection du patrimoine architectural et urbain a été mise en place à Riom. Elle est synthétisée dans un Plan de sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV). Le secteur sauvegardé a été créé en 1967, et le PSMV approuvé en 2000. Le système du PSMV permet de faire un diagnostic très précis, bâtiment par bâtiment, dont la valeur est appréciée par des spécialistes (architectes des bâtiments de France) qui émettent des recommandations pour la sauvegarde, la réhabilitation ou la destruction de chacun. Seul le périmètre correspondant à celui des remparts du XIVème siècle est inclus dans le secteur sauvegardé, à l’exclusion notable des quatre faubourgs situés aux quatre entrées de Riom et dont la présence date au moins du XVème siècle comme attestée par la gravure de Guillaume de Revel en 1450. On y décèle pas moins de deux enceintes fortifiées inclues dans la dernière de XIIIème siècle. Le caractère homogène et régulier peut néanmoins être attribué à la qualité du plan tramé « en bastide » dit de Jean de Berry, qui rassemble efficacement sur une même grille les ensembles préexistants (presbytère, faubourg, château, marché). Cet outil de protection est efficace dans l’espace protégé, mais critiquable par nature, car une zone est nécessairement réductrice et oppose un intérieur, protégé, et un extérieur. Considérer le centre historique comme un ensemble à protéger sous-tendrait l’idée qu’il est composé de manière homogène. Cette idée est malheureusement reprise dans certains documents officiels1 qui vantent « la régularité et l’homogénéité » du centre-ville. Le centre ancien a l’intérieur des remparts est au contraire constitué de plusieurs ensembles distincts depuis le noyau primitifs, jusqu’au palais en passant par les anciens faubourgs. 1. Citation extraite rapport de présentation du PLU, page 20 : «(le centre historique) est très homogène et constitue l’image-référence de la ville. Située sur un léger relief qui lui offre sa majesté, elle expose sa régularité et sa richesse architecturale ».
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vers Paris
I
vers Ennezat
vers Mozac
II
St-Amable
1 IV
2 III
Bourg originel autour de Saint-Amable Emprise du château et de la Sainte Chapelle Quadrillage de3J.de Berry Faubourgs I II III IV
Bourg originel autour de Saint-Amable Emprise du château et de la Sainte Chapelle Quadrillage de J.de Berry Faubourgs I II III IV
Faubourg de Layat Faubourg de Mozac Faubourg de Clermont Faubourg de la Bade
Périmètre du secteur PSMV
Faubourg de Layat Faubourg de Mozac Faubourg de Clermont Faubourg de la Bade
Périmètre du secteur PSMV 1
Pavillon Dumesnil
vers 2 Caserne Vercingétorix Clermont-Ferrand 3 Manufacture des tabacs
Périmètre de protection des monuments classés.
Périmètre de protection des monuments inscrits.
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2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
2.2 Le tissu urbain, quel héritage ? L’étude séquentielle de la croissance du sud de Riom révèle une stratification des tracés viaires. Dans un premier temps, nous allons voir en quoi les tracés ont un intérêt historique. L’étude de leurs formes permet en effet de détecter l’importance des réseaux et leur stratification dans le temps. Nous verrons que ces formes dépendent des moyens techniques existant à chaque époque, des flux à faire transiter, et de la manière dont ils s’adaptent à leur contexte physique. Dans un second temps, en interrogeant le rapport entre les tracés viaires et les tracés parcellaires, nous verrons comment s’imbriquent les échelles et comment l’inscription dans le territoire et dans une société régit l’urbanisation des voies.
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2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
Rapport entre l’époque et le système de tracé viaire L’étude des formes des tracés viaires dans la première partie nous a permis de faire un rapprochement entre l’époque d’un tracé, sa morphologie et son gabarit. Cette observation avait été formulée également par Bernard Rouleau1. Il convient de détailler ici l’intérêt d’une telle observation, et ses implications. Tracé des nouvelles voies et développement technologique Après l’analyse séquentielle menée en première partie, nous pouvons formuler plusieurs hypothèses quant à la création de voies. Avant 1739, on ne distingue que deux types de tracé. D’une part les voies de communication entre des points d’intérêt : elles sont le support de tous les moyens de déplacement connus à l’époque. Comme on peut le voir sur le plan de Riom de l’atlas de Trudaine, levé vers 1750, les voies d’entrée de ville en provenance de Clermont et Paris sont symbolisées plus larges que les chemins ruraux et sont agrémentées d’arbres. Ces dernières adoptent également un tracé plus rectiligne, destiné à souligner l’importance de la voie. D’autre part les voies de « desserte », qui irriguent le bâti essentiellement à l’intérieur des remparts. On peut qualifier l’itinéraire des voies de liaisons de rationnel, dans le sens où il relie de manière efficace (le plus directement possible) deux points d’intérêt. A partir du tracé du chemin de fer, le rapport au territoire évolue. La politique d’aménagement dépasse les intérêts particuliers pour implanter les voies de chemin de fer. Le tracé de ces voies obéit à de nouveaux principes. Les parcelles cadastrales et les voies anciennes sont purement ignorées2. Le réseau ferré s’inscrit également à une échelle nationale, reliant les grandes villes entre elles. Le chemin de fer est également un réseau dédié à un seul mode de transport, et ce phénomène est nouveau. On peut donc lier l’apparition d‘un moyen de déplacement (technologie) avec une nouvelle échelle de connexion (le grand territoire) et une nouvelle typologie de forme (le réseau ferré).
1. ROULEAU Bernard, Le tracé des rues de Paris, Paris, Editions du CNRS, 1988. 2. Les nombreuses coupures du réseau préexistant qui surviennent alors ne sont que faiblement compensées par les ponts, qui négligent leur importance.
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2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
La seconde « révolution » dans les systèmes de tracés est due à la démocratisation de l’automobile qui connaît un fort essor dans la période d’après la seconde guerre mondiale, vers 1950. Les voies existantes se révèlent alors inadaptées, notamment en termes de gabarits. Apparaissent alors de nouveaux paramètres qui vont jouer dans l’implantation des nouveaux tracés : Le gabarit des anciennes voies est trop étroit pour permettre le croisement des véhicules. De plus, la vitesse de déplacement, crée un danger et des nuisances. Des réseaux dédiés à la circulation automobile rapide voient le jour. Leur tracé dans le territoire suit à la manière des voies de chemin de fer une logique qui leur est propre, et ne s’appuie donc pas sur des traces existantes. Ces différents types de voies ont leur logique, et devraient avoir une certaine autonomie. Or, on peut le constater sur les cartes de la première partie, les nouvelles voies sont non seulement tracé indépendamment des voies précédentes, mais à leur détriment. En effet, les voies de chemin de fer comme les routes nationales forment des obstacles infranchissables sans ouvrage de franchissement (pont ou tunnel) spécifique. La coupure d’un tracé existant peut entraîner soit un retournement de l’usage : une voie de communication devient une voie de desserte, cela peut également accélérer son urbanisation, soit sa disparition. Les voies actuelles ont une hiérarchie propre qui ne tient pas forcément compte de leur fonction historique : deux rues de dessertes peuvent êtres équivalentes aujourd’hui alors qu’elles ont des origines et des fonctions diverses, mais elles gardent dans la forme de leur tracé, et portent donc en elles les conditions topologiques, sociales et économiques (contexte au sens large) qui ont contribuées à les créer.
Rapport entre tracés viaires et urbanisation Philippe Panerai, dans son essai Analyse urbaine, affirme que : « La parcelle et le tracé ne peuvent se définir l’un par rapport à l’autre, c’est leur totalité qui doit être considéré. Il n’y a ni support ni supporté, mais des interactions
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2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
multiples qui ne sont en fait dissociées que lors d’interventions d’ordre spéculatif. »1 Déphasage entre tracé et urbanisation ? On observe nécessairement un décalage entre la date d’un tracé et date à laquelle il a été urbanisé. Ce déphasage est-il intéressant, signifiant ? On peut faire l’hypothèse qu’une voie ne s’urbanise que si un opérateur public ou privé le décide et propose à la vente des espaces à bâtir, avec un découpage en lots, et une viabilisation. Au XVème siècle, les faubourgs de Riom s’organisent le long de voies de circulation, contraints par le manque de place à l’intérieur des remparts. Cette urbanisation est progressive, le long d’une voie de circulation, et s’approprie vraisemblablement des parcelles agricoles. Les tracés anciens entre les lieux étaient destinés à la circulation, on trouve en effet 3 types d’urbanisation : dense dans les murs, dense en faubourg le long des axes à proximité des villes, diffuse en hameau ou construction isolée au cœur des exploitations agricoles. A part dans le cas d’exploitations agricoles où l’exploitant bâti son habitation sur ses terres cultivables, les zones d’habitats ont des parcelles proportionnées avec l’usage (habitation, avec cour ou jardin d’agrément)2 Comme nous l’avons vu, la spécialisation des réseaux a logiquement débouché sur le tracé de voies de quartiers résidentiels. Bien que, contrairement au mouvement des Cités Jardins dont ils ont pu s’inspirer, les lotissements pavillonnaires français n’ont pas réinterprété le système de distribution et de mise en réseau qui liait ces projets. Dans le cas de lotissements, la réalisation de la voie, le dessin des parcelles attenantes et la construction des bâtiments est quasiment simultanée. Le tracé de la voie est uniquement destiné à desservir les logements : cela se retrouve dans la forme des voies qui serpentent, et dans la relation des voies entre elles : elles ne forment pas un réseau, mais agissent au contraire en poches, qu’une ou deux entrées 1.
Panerai Philippe, Depaule Jean-Charles, Demorgon Marcelle, Analyse urbaine, Marseille, Editions Parenthèses, 2002. 2. Les parcelles de chaque opération comme par exemple un lotissement sont sensiblement équivalentes.
77
2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
seulement connectent au réseau viaire environnant. Ce parti pris est assumé car il a pour effet de privatiser les rues concernées : on est amené à les parcourir seulement si l’on y est invité. A la manière de résidences, certains lotissements souhaitent conserver cet aspect privatif.
Exemple du tacot des Batignolles, (Se référer également à la carte « Industrialisation » dans la première partie) L’exemple de ce tracé est significatif dans la zone étudié car c’est le seul tracé dont il existe l’état avant tracé sur le cadastre Napoléonien, le tracé actif, et ses traces qui ont persisté jusqu’à aujourd’hui après qu’il ait perdu son usage initial : une voie ferrée pour transporter les pierres des carrières de Volvic jusqu’à Riom. On peut voir en comparant le cadastre Napoléonien avec la vue aérienne de 1945 que le tracé de cette voie ferrée a été effectué sans prendre en compte les tracés fonciers existants. Par contre, contrairement aux autres voies ferrées à Riom, celle-ci est au niveau du sol. Ce niveau identique a permis de transformer la voie ferrée désaffectée en route de distribution. Ce tracé est séparé en 5 sections distinctes qui ont évolués différemment : Sur les sections 1 et 2, réaffectation en route a eu pour effet de permettre l’urbanisation. Dans la partie 1, on remarque la permanence des parcelles depuis le cadastre Napoléonien, alors que dans la 2ème des parcelles sont créés perpendiculairement à la voie. Dans la section 3 le tracé est toujours utilisé comme desserte pour des immeubles, tandis que dans la 4 le tracé a peu à peu été effacé sous des constructions. La section 5 a fait l’objet d’un aménagement piéton. Ce tracé a notamment été coupé par la route nationale de contournement de Riom vers 1975. Ayant perdue leur cohérence et leur usage, et la possibilité de recevoir un flux, les différentes parties ont évolué différemment. Du Tacot des Batignolles, il ne reste que le tracé en plan, dont la courbe tendue distingue des autres tracés. Tantôt route, tantôt chemin, on peut suivre sa progression jusqu’aux carrières de pierre à Volvic. L’histoire de ce train reste pourtant dans la mémoire collective, d’une part grâce à des éléments comment les pompes à eau le long du chemin, ou une gare qui datent de l’exploitation de ce train (à vapeur). D’autre part grâce à un travail sur le nom des rues de long du tracé. On trouve ainsi une Impasse des Batignolles, une rue et un chemin des Batignolles qui évoquent la mémoire du train.
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Cadastre NapolĂŠonien.
Photographie aĂŠrienne de 1972.
Photographie satellite de 2013.
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2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
Un palimpseste. Source Wikipédia.
Superposition et accumulation des tracés : un plan palimpseste ? Olivier Mongin, urbaniste, parle de ville palimpseste1 pour décrire la superposition des couches visibles dans les traces et les tracés. Cette expression est utilisée pour exprimer l’effet de superposition des tracés de différentes époques, en faisant allusion au palimpseste ancien, document sur lequel se trouvent plusieurs couches d’écriture : le même support était utilisé plusieurs fois, a priori pour économiser de la matière. Chaque couche écrite devenue obsolète est effacée puis recouverte par une nouvelle. Les techniques de radiographie moderne permettent aujourd’hui de déceler les traces effacées, à la façon de fouilles archéologiques. 1. Mongin Olivier, La condition urbaine, la ville à l’heure de la mondialisation. Paris, Editions du Seuil, 2005 . Rééd. coll. poche Points Seuil, 2007
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2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
Or il faut distinguer deux phénomènes : la superposition et l’accumulation. On peut parler de superposition lorsqu’un réseau ou un système en recouvre un autre, plus ancien (soit en doublement d’un réseau existant, soit une séparation des flux dus à un écart technologique : train, voies rapides). On peut en revanche parler d’accumulation lorsqu’un tracé vient compléter le réseau existant. Cette image apparaît finalement peu appropriée au tissu urbain : elle est valable lorsqu’une couche en remplace une autre (urbanisme romain recouvert par un tissu médiéval) mais le rapprochement s’arrête là : en effet, dans le territoire les tracés évoluent en fonction des premiers, il y a interaction entre le support, les couches précédentes, et le tracé actif, ce qui n’est pas le cas dans le parchemin palimpseste (recyclage de matière).
Tracé effacé et mémoire Devenir des voies abandonnées ou déclassées Lorsqu’une voie est interrompue et n’est plus support d’un flux, le tracé demeure tant qu’il n’y a pas de décisions fortes spécifiques (la trace subsiste) comme dans le cas des anciennes voies ferrées. Cette permanence est expliquée par Bernard Gauthiez : « Le facteur déterminant leur persistance tient seulement à l'exercice du contrôle de la puissance publique »2 Cet espace peut ensuite faire l’objet de réemploi, d’abandon, ou de transformation. Néanmoins, l’histoire du tracé demeure dans la mémoire collective, comme la fonction pour laquelle il a été créé. A l’image du tracé du Tacot des Batignolles, qui reste aujourd’hui dans la mémoire collective sous forme de panneaux de rue, l’ancienne rue de Riom à Chappes a été partiellement effacée.
2. Gauthiez Bernard, Approche morphologique des plans de ville, archéologie et sources écrites. Revue archéologique de Picardie, 1999.
2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
Exemple de la route de Riom à Chappes. L’exemple de la route de Riom à Chappes est pris pour illustrer la manière dont un tracé ancien, a priori de faible importance, a été coupé successivement par la voie de chemin de fer, puis par la route nationale de contournement. Lorsque ce tracé ancien est coupé par la voie de contournement en 1973, la partie située à l’est est effacée. On constate dans la zone un important remembrement des parcelles agricoles qui a effacé quasiment toutes les voies anciennes. La partie du côté de Riom, à l’ouest et déjà urbanisée, est pérennisée. Il est transformé en voie e desserte, et est aménagé en impasse avec de nombreuses ramifications pour desservir des nouveaux quartiers pavillonnaires. Le tracé n’existe plus que d’un côté, mais l’architecte a voulu signifier le fait qu’il était continu. Contrairement à l’implantation des lotissements qui datent de la même période (1984), cet immeuble prend en compte –autant que possible- le tracé ancien. Il marque l’axe grâce à un effet de symétrie dans l’implantation, et crée des marquages au sol au gabarit de l’ancien tracé. Ce marquage traverse tout l’ensemble pour se poursuivre jusqu’au jardin, avec une forme de flèche toujours dans le sens de l’axe. Au-delà de la qualité architecturale du bâtiment, éphémère, l’intention de l’architecte est bien de signifier une possible continuité, voire laisser la possibilité un jour de franchir à nouveau la route nationale dans le prolongement de l’axe qu’il suggère pour y implanter un nouveau quartier.
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Cadastre NapolĂŠonien.
Photographie aĂŠrienne de 1972.
Photographie satellite de 2013.
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2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
Ensemble d’immeubles implantés en symétrie par rapport à l’axe de l’ancien tracé.
Mise en scène et témoignage d’un tracé par l’architecture L’exemple du projet de la rue de Riom à Chappes est emblématique du rôle que peut jouer l’architecte. Modestement, à son échelle, avec des moyens vraisemblablement limités (c’est un immeuble de logements sociaux), l’architecte livre un bâtiment contextualisé malgré un contexte difficile. Ce bâtiment offre un témoignage du passé, et suggère une intervention future.
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2.2 Le tissu urbain, quel héritage?
Nous avons montré dans cette partie que la conception de la protection du patrimoine actuelle, par sa conception en zones et périmètres ne répond pas à la prise en compte de l’héritage laissé par les tracés viaires. La morphologie des tracés viaires nous a intéressé car elle contient une synthèse des différents paramètres tels que l’inscription topologique, les connexions vitales entre les points d’intérêt, et les technologies de chaque époque. Cet héritage est l’expression de la prise de possession des milieux par les sociétés. Nous avons également montré comment ces tracés ont structuré le tissu urbain, bien que la permanence parcellaire ne soit nécessairement que partielle tant qu’elle n’est pas bâtie.
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Conclusion
Conclusion
Nous avons démontré que le tissu urbain, à travers la permanence des réseaux, contient un héritage riche de sens quant à la constitution de la ville. Ce travail propose modestement de considérer cet héritage comme un patrimoine qui régit l’organisation des ensembles bâtis et paysagers. L’étude de la morphologie des tracés viaires a permis de distinguer les lignes de forces et les potentiels au milieu de cet héritage difficilement lisible. L’hypothèse que nous pouvons formuler est que le tissu urbain serait composé de plusieurs systèmes, significatif de différentes périodes et agissant chacun à leur échelle. Ces différents systèmes seraient difficilement « compatibles », et voudraient se substituer l’un à l’autre, alors qu’il serait possible, voire nécessaire, de les faire coexister. Ainsi pourrait demeurer la force historique du maillage territorial des routes anciennes, et la logique des voies rapides transeuropéennes. Beaucoup de villes aujourd’hui sont dans le cas de Riom, confrontée à l’urbanisation des terres sous formes de lotissements pavillonnaires en même temps qu’une stagnation de la population. Cela traduit un mitage des terres cultivables et l’abandon progressif du centre-ville. Cette urbanisation est basée sur des opérations purement spéculatives, face auxquelles les pouvoirs publics ont du mal à réagir. L’urbanisation sous forme de « poches » est problématique car elles s’inscrivent en rupture de la trame viaire existante, garante de connexion et de hiérarchisation avec le reste de la ville. Avec ce travail, j’ai voulu montrer qu’il est possible de s’appuyer sur un système, se l’approprier, le prolonger, pour bâtir la ville. Que tirer parti du déjà là, c’est anticiper l’avenir. Dans ce sens, les prescriptions du PLU de Riom sont inquiétantes : le constat du déficit de liaison entre les quartiers est posé, mais la formule pour résoudre les problèmes consiste à proposer des « cheminements doux » à la mode, en parallèle de nouvelles voies de liaison ou de contournement pour les automobiles. Je tiens à citer un dernier exemple avant de conclure ce travail de recherche. Il s’agit d’un projet qui m’a ouvert les yeux sur le potentiel esthétique et la source d’inspiration que peut contenir le tissu urbain, et surtout ce qu’il est possible d’en faire. En effet, considérer le tissu urbain comme un potentiel patrimonial, c’est avant tout le considérer comme une matière vivante, et donc savoir proposer des évolutions. C’est ce que propose l’équipe de BabledNouvet-Reynaud lorsqu’ils remportent le concours Europan en 1994, avec un projet de réhabilitation de l’îlot de l’Arc de Triomphe à Saintes, en 88
Conclusion
Charente. Le projet proposé interprète un système de venelles traversant le cœur d’îlot existant sur le site. Les architectes multiplient ce système pour desservir des nouvelles habitations disposées en lanières qui tirent parti de la trame parcellaire agricole existante, tout en proposant une typologie inédite en Charente avec une distribution autour d’un patio. Le foncier est acheté parcelles par parcelles par la mairie, puis est légèrement modifié pour permettre d’insérer au mieux le projet. L’intérêt est également de densifier un cœur d’îlot jusque-là inoccupé, à cause justement du parcellaire en longues lanières.
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Annexes
Iconographies
Atlas des routes de France, dit atlas de Trudaine: « généralité de Riom : route de Parie en Languedoc depuis Aubiat (Puy de Dôme) jusqu’au-delà de FixVilleneuve (Haute-Loire) par Riom, Clermont, Brioude » Dessin, env. 85 x 58,8 cm, 1745-1780, archives nationales. Le but était de cartographier le réseau des routes royales. La route venant de Paris se distingue par la rangée d’arbres qui souligne son tracé rectiligne.
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« Plan de la ville de Riom dont la ceinture forme des grandes routes ornées de chaque côté dans toute la circonvallation (sic) d’une belle contre-allée en ormeaux » Gravure, par François Bernard, géomètre, 1787. Le centre-ville est idéalisé avec une forme géométrique parfaite, qui ne tient pas vraiment compte de l’existant. Dans ce projet, on trouve une place à chaque carrefour entre le boulevard et les quatre grands axes, elles sont marquées par l’absence d’arbres, qui crée une rupture avec le boulevard, et par la mise en scène de portes monumentales. Dans la réalité, ces places vont rester de simples carrefours de circulation.
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« La ville et le palais de Riom ». Dessin, 29 x 35 cm, tiré de Armorial de Guillaume Revel, milieu XVe siècle, BnF.
Vue de Riom en 1740 Gravure coloriée, 32 x 22 cm, édité par Chéreau, BnF
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Carte des aménagements urbains et des édifices publics. Renaud, Bénédicte. Riom, une ville à l’oeuvre, enquête sur un centre ancien -XIIIe-XXe siècle. s.l. : Lieux Dits éditions, 2007. Page 21.
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Carte de Cassini (carte de l’académie) Dessin, échelle d’origine 1/86 400e, 1748-1790. Sur cette carte est représenté le relief, la butte sur laquelle est installée Riom est lisible. L’Ambène est représentée, traversant la ville. Les principales routes sont également représentées. On constate qu’à cette période Riom et Clermont sont à peu près de dimensions équivalentes.
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Plan d’alignement, tableau d’assemblage de 1872. Dessin, 103 x 71 cm, échelle d’origine 1/2000e. Par Faurèle, A.D. Puy de Dôme.
Plan général de Riom en 1928. Dessin, échelle d’origine 1/2500e.
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Bibliographie
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Bibliographie
Ouvrages principaux Afin de présenter le contexte scientifique de ce travail de recherche sur les apports de la morphologie à la protection du patrimoine urbain, les principaux auteurs et ouvrages traitant de la morphologie urbaine et de la typo-morphologie sont introduits dans cette bibliographie commentée. Ils seront présentés par ordre chronologique pour mieux mettre en évidence la progression de la pensée.
Lavedan Pierre. Histoire de l’urbanisme, Antiquité, Moyen-Age. Paris : H. Laurens, 1926.
—. Loi de persistance du plan. Paris : s.n., 1926. Pierre Lavedan est un historien de l’art et un personnage considéré comme fondateur de l’urbanisme en France. Il remarque la permanence des plans d’origine antique ou médiévale dans le tracé des rues et la trame parcellaire, découvertes dues alors au développement des fouilles archéologiques. Pierre Lavedan soutient que la transmission des traces entre les époques résulte d’une action mécanique : «le geste spontané du propriétaire est de rebâtir sa demeure ou elle était […], laissées à elles-mêmes, les villes se reconstruisent naturellement sur leur ancien plan» [1926 b : 92-93]. Il introduit la notion de ville sédimentaire.
Muratori Saverio. Studi per una operante storia urbana di Venezia. Rome: 1959. Saverio Muratori est architecte et professeur à l’Institut Universitaire d’Architecture de Venise. Il donne naissance à «l’école italienne muratorienne» qui porte sur la morphologie de la ville. Il consacre son travail à l’analyse de la forme de cette ville afin d’en retracer son histoire dans une optique opératoire, c’est-à-dire en liaison avec le projet urbain et architectural. Il défend l’idée d’une histoire active capable d’orienter les choix du présent, à travers notamment la décomposition des types de tissus urbains. Ainsi, pour eux, la ville nouvelle s’inscrit en continuité avec la ville ancienne, les permanences structurales étant l’expression de l’inertie du tissu urbain.
Rossi Aldo. L’architettura della città.1966. (trad. fr. L’Architecture de la ville, Infolio, 2001) Aldo Rossi est un architecte et théoricien de l’architecture Italien, étudiant puis enseignant au Politecnico di Milano. Il appartient au mouvement italien de La Tendenza(1965-1985) qui donne naissance à l’étude «typomorphologique» La Tendenza trouve naissance dans la critique des théories
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Bibliographie
modernes, et rejette la notion canonique de « la forme suit la fonction », en faisant appel à la raison pour avancer des propositions différentes sur le caractère du projet et sur l’étude de la forme. La Tendenza développe l’idée qu’il existe une spécificité de l’architecture qui lui permettrait d’être considérée comme une discipline autonome. Elle se tourne vers la complexité du phénomène urbain et tente de comprendre la manière dont les formes architecturales ont répondu aux changements à l’intérieur d’ événements historiques. Ce traité théorique invite à considérer la ville comme une œuvre d’art, un artefact chargé de valeurs symboliques, le lieu d’une mémoire collective.
Pinon Pierre. Le Passage des structures architecturales antiques dans les tissus urbains médiévaux. 1977 Pierre Pinon est un architecte et historien de l’architecture français. Il a notamment étudié le phénomène de permanence des édifices de spectacles antiques dans les formes urbaines. Il explique en partie le phénomène par le rôle que joue le foncier : les parcelles enregistrent la forme des traces à un moment donné, et la reproduisent en plan malgré l’enfouissement (montée du sol ) ou la disparition des dites traces.
Rouleau Bernard. Villages et faubourgs de l’ancien Paris : histoire d’un espace urbain. Paris: Edition du Seuil, 1985. Bernard Rouleau est un géographe français. Au cours de ses recherches notamment sur l’agglomération parisienne, il apporte des éléments d’explication concernant la transmission du parcellaire rural dans les formes urbaines. Il explique la permanence des formes et des limites foncières par un «durcissement» des limites par le bâti: l’implantation d ‘un bâtiment détermine une limite physique pour plusieurs siècles. Il montre également comment l’urbanisation des quartiers périphériques s’effectue la plupart du temps sur une trame agricole.
Choay Françoise. Morphologie urbaine et parcellaire. Article dans l’ouvrage co-édité par Pierre Merlin et Françoise Choay. Saint-Denis : Presses Universitaires de Vincennes, 1988. Françoise Choay fait des études de philosophie, puis devient critique d’art pour plusieurs magazines. Elle s’est fait connaître notamment pour ses nombreux écrits théoriques sur les formes urbaines et architecturales. Françoise Choay dresse dans cet article un constat assez sévère des travaux des architectesmorphologues, en critiquant notamment le manque de rigueur scientifique. Elle reconnait les potentiels apports de l’étude morphologique en ce qui concerne la protection du patrimoine urbain ancien, mais dénonce le fait de
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Bibliographie
vouloir en faire un outil prospectif général. Elle récuse toute idée de villeobjet, arguant que la ville ne peut pas exister en soi car il en existe d’infinies variations quant à leur fonction et leur rôle dans le territoire. Elle ouvre en revanche la conclusion sur la possibilité que l’étude des parcelles, de manière plus modeste que l’étude de la forme des villes, permette aux architectes de se recentrer sur l’échelle de l’architecture, et ainsi opérer un retour formel et esthétique.
Gauthiez Bernard. Approche morphologique des plans de ville, archéologie et sources écrites. Revue archéologique de Picardie. 1999.
—. Les mécanismes de la mémoire du parcellaire. 1999. Bernard Gauthiez est un architecte DPLG français. Il est également docteur en histoire et architecte-urbaniste de l’état. Dans la continuité de Pierre Pinon, Bernard Gauthiez soutient l’importance jouée par le foncier dans la transmission des formes médiévales jusqu’à nos jours. Il explique notamment cette persistance par une continuité dans le temps du contrôle public depuis le XIIème siècle. Il interprète les exemples de constructions qui empiètent sur la voirie dans l’Antiquité tardive comme le signe de l’effondrement des structures administratives chargées du contrôle de l’espace public. Selon lui, le tracé des rues antiques ne se serait alors conservé que «dans de rares cas jusqu’à nos jours, ce qui rend d’ailleurs toujours périlleux l’exercice visant à les retrouver à partir de plans cadastraux».
Robert Sandrine. Archéologie préventive et morphologie: deux points de vues scientifiques différents. Saint-Ouen-L’Aumône : Service départemental d’archéologie du Val-d’Oise, 2000.
—. Comment les formes se transmettent-elles? (L’évolution de la conception de transmission en morphologie). Saint-Ouen-l’Aumône : Service départemental d’archéologie du Val-d’Oise, 2003. Sandrine Robert est une spécialiste en archéogéographie, également maîtresse de conférences à l’université de la Sorbonne à Paris. Elle formule une nouvelle hypothèse à propos de la transmission des formes, qui compléterait les précédentes explications comme la permanence physique ou la continuité juridique: La forme peut durer dans le temps de manière potentielle, et être réactivée par le réseau après une phase de hiatus. La nécessité de rétablir un itinéraire et la logique topologique peuvent faire ressurgir une forme disparue. Elle appelle cette thèse «l’auto-organisation» dans laquelle «la dynamique réside dans l’interaction entre un potentiel de formes et les transformations de la société».
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Bibliographie
Références théoriques Ouvrages
Benevolo Leonardo. La ville dans l’histoire européenne. Paris : Editions du Seuil, 1993.
Blanc Jean-Noel. La politique des grands ensembles après 1958: le temps des ruptures; Les grands ensembles, une histoire qui continue. Saint-Etienne : Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2003.
Borie Alain, Micheloni Pierre, Pinon Pierre. Forme et déformation des objets architecturaux et urbains. Marseille : Editions Parenthèses, 2006.
Chouquer Gérard. L’étude des paysages, essai sur leur forme et leur histoire. Paris : Edition Errance, 2000.
Gaudin Henri. La Cabane et de labyrinthe. Bruxelles : Edition Mardaga, 2000.
Hillier Bill. La morphologie de l’espace urbain: l’évolution de l’approche syntaxique. Architecture behaviour. 1987.
Jaouen A, Checcaglini F, Hanning G. La trame foncière comme structure organisatrice de la mise en forme du paysage. Paris : Secrétariat d’Etat à la Culture, Direction de l’Architecture, IAURIF, 1975-1976.
Le Corbusier. La Charte d’Athènes. Paris : Editions de Minuit, 1942. Lucan Jacques. Où va la ville aujourd’hui? Formes urbaines et mixités. Paris : Editions de la Villette, 2012.
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Bibliographie
Merlin Pierre, Choay Françoise. Morphologie urbaine et parcellaire. Saint-Denis : Presses Universitaires de Vincennes, 1988.
Merlin Pierre, Choay Françoise. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Paris : Presses Universitaires de France, 2010.
Mongin Olivier. La condition urbaine, la ville à l’heure de la mondialisation. Paris : Editions du Seuil, 2005 . Rééd. coll. poche Points Seuil, 2007
Panerai Philippe, Depaule Jean-Charles, Demorgon Marcelle. Analyse urbaine. Marseille : Editions Parenthèses, 2002.
Panerai Philippe, Mangin David. Projet urbain. Marseille : Editions Parenthèses, 2005.
Panerai Philippe, Depaule Jean-Charles, Castex Jean. Formes urbaines, de l’îlot à la barre. Marseille : Editions Parenthèses, 2009.
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Rouleau Bernard. Méthode de la cartographie. Paris : Editions du CNRS, 1991.
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Veschambre Vincent. Traces et mémoires urbaines, enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2008.
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Sites internet http://geocarrefour.revues.org/7888. http://www.espaces-publics-places.fr/approfondissement-théoriquel’analyse-typo-morphologique. http://temporalites.wordpress.com/tag/palimpseste/ http://etudesrurales.revues.org/3
Ressource documentaire sur Riom Ouvrages
Commission d’histoire de Riom. Promenades dans Riom. Clermont-Ferrand : Editions Un, Deux...Quatre, 2009.
Pierra Pascal. Riom, ville d’art, d’histoire et de secrets. Brioude: Editions Créer, 2007.
Renaud Bénédicte. Riom, une ville à l’oeuvre, enquête sur un centre ancien -XIIIe-XXe siècle. Lyon : Editions Lieux Dits, 2007. Travaux d’étudiants (TPFE)
Yves Lesmes. Croissance de Riom et espaces péri-urbains. Clermont-Ferrand : Ministère de l’urbanisme et du Logement, 1983. Sites internet http://www.riom.net http://www.ville-riom.fr/IMG/pdf/part1.pdf
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Remerciements
Je voudrais remercier tous les enseignants du master Metaphaur pour leur implication personnelle de qualité, qui m’ont aidé à redéfinir mon sujet et à orienter mon étude dans les moments de doutes, notamment Mathilde Lavenu et Gwen Gayet. Je les remercie également pour leur conseils de méthodologie. Je remercie plus particulièrement mes enseignants directeurs de mémoire Yvon Cottier et Loïs De Dinechin qui ont su prendre le temps de corriger mon travail, et m’ont apportés de précieuses références bibliographiques, et des conseils avisés. Je voudrais enfin remercier les amis qui m’ont soutenu et qui m’ont permis de faire aboutir ce travail. Je pense à Simon pour son enthousiasme communicatif. Je pense surtout à Marion, Sophie, et Maxime pour leurs soutient, leur conseils et leurs relectures éclairées.
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Table des Matières
5..
Avant-Propos
7..
Sommaire
9.. Introduction 19..
1- L a forme, révélatrice de la constitution urbaine ?
20.. 2.1 La morphologie urbaine, origine et enjeux de la discipline
Le rôle des outils Le Mouvement Moderne Quelques précisions lexicales Le constat de la permanence des formes Premiers travaux sur la morphologie Critique de la ville-objet Evolution du concept de la transmission, travaux récents
31.. 1.2 Riom : croissance et organisation Développement technologique et nouveaux réseaux. Percement et échec du nouveau tracé vers la gare.
58.. Synthèse
108
63..
2- De l’héritage au patrimoine, le travail de
mémoire 65.. 2.1 La protection du patrimoine à Riom La Reconversion des friches Le paradoxe de la reconversion. Rapport entre l’édifice protégé et l’espace public Le patrimoine, une nouvelle politique urbaine ? Le patrimoine dépend de la perception de la société
74.. 2.2 Le tissu urbain, quel héritage ? Tracé des nouvelles voies et développement technologique Déphasage entre tracé et urbanisation ? Superposition et accumulation des tracés : un plan palimpseste ? Devenir des voies abandonnées ou déclassées Mise en scène et témoignage d’un tracé par l’architecture
87..
Conclusion
91..
Annexes
92.. Iconographies 99..
Bibliographie
107..Remerciements 109
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