leçons du vernaculaire au service d’une architecture soutenable Yohann Hoang Tho ensag / mai 2014 master Architecture & Cultures Constructives
école nationale supérieure d’architecture de grenoble / master Architecture & Cultures Constructives
mémoire M1 / mai 2014 / Yohann Hoang Tho
leçons du vernaculaire au service d’une architecture soutenable
directeur de mémoire Hubert Guillaud membres du jury Hubert Guillaud Anne-Monique Bardagot Stéphane Sadoux note obtenue :
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Remerciements Je tiens à remercier Hubert Guillaud pour son suivi et la qualité de ses conseils, mon père artisan-maçon qui m’a initié très tôt aux valeurs des savoirs-faire traditionnels, l’architecte engagé en faveur d’une architecture éco-responsable Bertrand Bonnier pour avoir pris le temps de correspondre avec moi avec enthousiasme, mes camarades et amis du master pour leur aide et leur soutien.
Photo de couverture : village Sar Agh Syed, Iran © Mohammad reza Momeni
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/ sommaire.................................................5
/ introduction............................................7
I/ à la recherche d’un nouvel équilibre, les leçons du vernaculaire................................10
i/
la fin d’un modèle..........................................................11
ii/
le modèle vernaculaire.................................................23
iii/
du quantitatif au qualitatif............................................33
iv/
le projet VerSus...........................................................47
II/ études de cas.................................................54
i/ Boris Bouchet / espace rural de service de proximité Marsac-en-Livradois............................................55 ii/ Gilles Perraudin / chai du monastère de Solan Bastide d’Engras..................................................67 iii/ Joly&Loiret / maison du parc naturel régional du Gâtinais, Milly-la-Forêt........................................79 iv/
construire ailleurs........................................................91
/ conclusion..........................................101
/ bibliographie.........................................105
/ table des illustrations...........................108
sommaire
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introduction
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Le secteur du bâtiment est le plus énergivore en Europe, son adaptation aux nouveaux impératifs environnementaux est donc déterminante vis-à-vis du défi écologique que l’on rencontre aujourd’hui. Le luxe énergétique auquel nous nous sommes habitués a conduit l’homme moderne à construire et à vivre en faisant abstraction de son environnement climatique et des ressources locales en matériaux, au profit du chauffage-climatisation et du transport de marchandises et de matériaux. Ce luxe ne nous est plus permis. 1 Cf. «Objectif 7» des Objectifs du Millénaire pour le Développement et l’après-2015 (OMD) de l’ONU, http://www.un.org/fr/millenniumgoals/environ.shtml
introduction
Notre époque est marquée par l’éveil d’une conscience environnementale liée aux problématiques d’accroissement de la population mondiale, de multiplication des crises écologiques, d’intensification des catastrophes naturelles et de raréfaction des ressources1. Depuis la révolution industrielle et l’accès à une énergie à fort pouvoir calorifique et très bon marché, nos prédécesseurs ont connu une croissance économique et démographique sans précédent et vu leurs modes de vie se transformer radicalement. Aujourd’hui l’humanité prend la mesure de l’impact de cette croissance sur notre planète et des conséquences de l’exploitation irraisonnée des énergies fossiles.
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La problématique énergétique n’est pas la seule menace qui pèse sur nos sociétés modernes. La mondialisation porte atteinte à l’identité des individus, des communautés et des lieux ; l’hégémonisme capitaliste uniformise les marchés, nuit à la créativité de chacun et avorte les solutions innovantes et alternatives ; les systèmes monétaires et bancaires favorisent la ségrégation sociale et accentuent le fossé des inégalités. Face à la transition énergétique nécessaire et à la complexité des problématiques sociales et culturelles, de quelles ressources l’architecte dispose-t-il pour agir intelligemment et efficacement en quête d’un nouvel équilibre ? L’architecture vernaculaire peut représenter cet équilibre entre l’homme et son environnement. Par la force de la tradition et le lent processus d’évolution, chaque architecture vernaculaire est une réponse adaptée précisément à un milieu particulier, naturel et humain. Faisant partie de notre patrimoine, il est important que cette architecture soit valorisée car elle « offre un stock merveilleux de dispositifs ingénieux »2. Il est alors nécessaire de l’étudier pour tenter d’en dégager des principes utiles à la bonne conduite de projets contemporains, dans le contexte qui est le nôtre. Enfin elle doit être confrontée, afin de poursuivre son processus d’évolution, et surtout confrontée auprès de champs disciplinaires variés car elle manifeste une éthique humaine de la modestie et de la sobriété profitable à tous et indispensable dans une perspective holistique.
introduction
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« La tradition véritable n’est pas le témoignage d’un passé révolu, c’est une force vivante qui anime et informe le présent. Bien loin d’impliquer la répétition de ce qui fut, la tradition suppose la réalité de ce qui dure. »
Igor Stravinsky (1882-1971), compositeur et chef d’orchestre russe.
2 Pierre Frey, Learning from vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire, Arles, Actes Sud, 2010, p38.
monastère tibétain © Marine Guis
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à la conquête d’un nouvel équiliibre, les leçons du vernaculaire
Mur bois et pierre sèche, Manali, Himachal Pradesh, Inde © Cécile Flahaux
I/ la fin d’un modèle
Déclin de l’or noir En matière d’éco-construction et d’engagement dans la voie de la transition écologique certains pays européens jouent aujourd’hui un rôle moteur et font figure de référence à l’échelle mondiale. L’exemple du Voralberg en Autriche est emblématique, les cas suisse, allemand et scandinave le sont également. Toutefois le cas des Etats-Unis nous semble une excellente entrée en matière compte tenu du rayonnement culturel international qu’ils génèrent et du fait que leur politique énergétique n’est justement pas engagée dans la voie de la transition énergétique. « L’optimisme est une bonne chose, mais s’il est poussé à l’extrême il devient sottise. Nous pensons que les ressources de notre pays sont inépuisables ; ce n’est pas le cas. Nos richesses minières, le charbon, le fer, le pétrole, le gaz et les autres matières premières ne sont pas renouvelables. Il est donc certain qu’elles seront à terme épuisées. Et vu la manière dont nous les gaspillons aujourd’hui, nos descendants connaîtront leur épuisement une génération ou deux plus tôt que prévu. »1 Théodore Roosevelt (1858-1919), 26e président des Etats-Unis
la fin d’un modèle
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Il semble difficile d’imaginer que ces paroles ont déjà plus d’un siècle et qu’il faudra attendre le mandat de l’actuel président des Etats-Unis, Barack Obama, pour que la préoccupation écologique refasse surface dans le discours politique de la première puissance mondiale. Il y a bien eu des mesures prises (entre autre dans le domaine de l’architecture et la construction) suite aux crises pétrolières des années 70, notamment par les présidents Nixon et Carter, mais dont la portée a été rapidement annihilée lorsque la situation économique s’est rétablie. Leur successeur, Reagan, « va convaincre l’opinion publique que la crise énergétique résulte non pas d’un épuisement des ressources pétrolières et gazières – celles-ci seraient abondantes –, mais plutôt d’interventions 1 Théodore Roosevelt (1858-1919), 26e président des Etats-Unis (1901-1909), Conférence sur la conservation des ressources naturelles, message annuel au Congrès, 3 décembre 1907.
bureaucratiques entravant l’offre et la demande dans le secteur énergétique. Il fera démonter, en 1986, les panneaux solaires installés par son prédécesseur à la Maison Blanche »2. Certes de nombreuses crises et deux guerres mondiales ont pu justifier de reléguer la prospective écologique et énergétique en arrière-plan, pourtant force est de constater aujourd’hui combien la gestion de nos ressources s’avère déterminante dans la géopolitique mondiale et pour l’équilibre naturel. Combien de conflits sont-ils déjà nés de la course au pétrole ? Combien sont-ils encore à craindre ? Comment ferons-nous face au bouleversement écologique de notre planète ? Sous l’administration Bush, père et fils, la quête d’un pétrole bon marché aura causé deux guerres honteuses au Proche-Orient et provoqué plus de suicides de soldats américains au retour de celles-ci que de morts sur le terrain, symptôme malheureux d’horreurs perpétrées sous des prétextes fallacieux. Et face à l’épuisement annoncé des ressources mondiales d’or noir le discours officiel consistait à parier sur le développement providentiel de nouvelles technologies de substitution tout en maximisant la production et la consommation d’énergies fossiles, en forant toujours plus loin, toujours plus profondément. « Drill, baby, drill ! » En français : « Fore, chérie, fore ! », slogan de campagne du parti répu« La « crise » que nous affrontons en 2007 présente toutes les caractéristiques de celle de 1973. Toutefois, aujourd’hui, le problème de l’énergie s’accompagne d’une crise environnementale à l’évidence beaucoup plus aigüe. […] On ne parle plus seulement de la raréfaction des ressources ou des limites à imposer au développement, mais du fait que notre monde se détériore. »3 Mirko Zardini, architecte italien 2 BORASI Giovanna, ZARDINI Mirko, Désolé, plus d’essence, l’innovation architecturale en réponse à la crise de 1973, Montréal, Corraini Edizioni, 2007, p107. 3 BORASI Giovanna, ZARDINI Mirko, op. cit., p47-48.
la fin d’un modèle
blicain pendant l’élection présidentielle de 2008 aux Etats-Unis.
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Au delà des guerres en lien avec l’économie des ressources énergétiques, il faut tenir compte de dizaines de marées noires, desplate-formes pétrolières incendiées dans le désert ou en fuite des mois durant en eaux profondes, les catastrophes écologiques se multiplient à mesure que l’exploitation s’intensifie et que les réserves s’amenuisent. Cet état de fait conduit aujourd’hui à un sentiment de détresse écologique et participe à la prise de conscience environnementale collective. Catastrophe écologique dans le Golfe du Mexique, « Deepwater Horizon », 20 avril 2010, fuite d’une plateforme BP de forrage en eaux profondes
la fin d’un modèle
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Côté français les efforts se sont concentrés sur l’alternative nucléaire. Si celle-ci offre une quasi-autonomie énergétique c’est au prix d’une gestion non maîtrisée des déchets radioactifs et de la menace que fait peser un hypothétique nouvel accident nucléaire. La France s’enorgueillit de n’avoir jamais failli dans le domaine, mais les tristes expériences russe et très récemment japonaise ne manquent pas d’ébranler notre confiance insolente dans l’énergie de fission atomique. D’autant que les premières centrales françaises arrivent au terme de leurs trente ans de durée d’exploitation initialement prévue alors que la production peine à répondre à une demande croissante. Jusqu’où sommes nous prêts à aller pour entretenir le luxe énergétique auquel nous sommes habitués et compenser les gaspillages quotidiens dont nous sommes tous responsables ?
Le mythe de la croissance La croissance est une mesure quantitative de l’évolution économique d’une société et de ses facteurs de production, fondamentale dans nos économies contemporaines, elle est à distinguer des notions qualitatives de progrès et de développement. La découverte et l’exploitation des ressources naturelles est l’un des piliers de la croissance, au même titre que le progrès technique, or le modèle de croissance que nous connaissons depuis la révolution industrielle repose sur l’exploitation de ressources minérales et énergétiques non renouvelables (gaz, pétrole, charbon, énergie nucléaire...). Sauf en cas de basculement vers un modèle basé sur des ressources renouvelables, de colonisation de l’espace ou de progrès technologique-technique tel qu’il nous affranchirait de notre dépendance énergétique, il est impossible d’entretenir notre modèle de croissance indéfiniment.
« Au stade avancé de la production de masse, une société produit sa propre destruction. »4
Ivan Illich (1926-2002), penseur de l’écologie politique et critique de la
société industrielle 4
ILLICH Ivan, La convivialité, Paris, Seuil, 1973.
la fin d’un modèle
Quant bien même nous y parvenions, les effets de la croissance démographique (induite) et de la surexploitation des ressources naturelles (énergies, eau, terres arables, ressources végétales et halieutiques...) conduisent inévitablement à la catastrophe écologique et la ségrégation sociale. Nous prenons peu de risques à affirmer qu’une croissance illimitée est impossible. Nous renvoyons ici à une bibliographie riche et aux conclusions de l’écrasante majorité des analyses et prospectives scientifiques, voir notamment Demain la décroissance, de Nicholas Georgescu-Roegen, le rapport de scientifiques internationaux réunis sous le nom de Club de Rome, Halte à la croissance, le rapport Brundtland, etc.
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Queue pour la soupe populaire à Boston en 1937 devant une affiche faisant la promotion de l’« American Way Of Life »
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La croissance est déterminée par la production, celle-ci dépend de la demande et donc de la consommation. En dépit des limites inhérentes à toute forme d’exploitation, notre économie consumériste exacerbe les rapports d’offre et de demande pour stimuler la production. Nos sociétés de consommation s’auto-alimentent et sont en proie à des dérives extrêmes pour créer et entretenir le désir de posséder et de consommer. Dans la tradition de Ivan Illich et autres penseurs critiques des sociétés modernes de consommation, Pierre Frey identifie alors le design comme étant « la substance centrale » de l’industrie du marketing. Il s’agirait bien d’un outil-objet de culte destiné à entretenir et stimuler la fascination pour la marchandise dans une logique économique. Lorsque la valeur intrinsèque d’un « bien », sa « valeur d’usage » autrement dit, n’est pas assez rentable, le design est appelé en renfort pour créer une « valeur prétendument ajoutée » qui stimule le consommateur par des ressorts socio-psychologiques tels que l’effet de groupe, les mécanismes publicitaires, etc. « La machine se nourrit de son propre discours et continue de séduire. »5 Pierre Frey, docteur en sciences techniques et professeur à l’EPFL
Penons un exemple : Christophe André est « designer militant », après des études d’ingénieur il se tourne vers l’art pour développer 5 Pierre Frey, Learning from vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire, Arles, Actes Sud, 2010, p29.
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Moins subtilement que le design mais plus extrême dans sa logique d’auto-alimentation, la société de consommation a vu naître le principe d’ « obsolescence programmée ». Celui-ci consiste à fabriquer des objets dont nous connaissons de manière précise la date de péremption. De cette façon, on peut réduire la durée de vie des objets afin de pousser l’utilisateur à l’achat d’un nouvel objet plus rapidement.
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de nouveaux modes de production, il nous raconte : « Dans mon cursus, j’avais une matière intitulée « analyse de la valeur » qui nous apprenait à concevoir des objets tout en maîtrisant leur durée de vie. Par exemple, il nous était proposé comme exercice de concevoir une lampe de chevet et, dans le cahier des charges de celle-ci, il était stipulé que si l’utilisateur voulait changer l’abat-jour, la douille qui le maintenait devait se casser lors de la manipulation pour forcer l’utilisateur à changer l’ensemble. »6 Face à de telles dérives il est manifeste que ce mode de production n’est pas viable à long terme, la logique économique qui caractérise nos sociétés modernes est profondément non-éthique et non-durable, le sens du développement doit être réinterprété.
« Le fait d’accoler les mots « développement » et « durable » a suscité des attaques : ce serait un oxymore, l’alliance de deux termes antinomiques, incompatibles, destinée en fait à tromper l’opinion au bénéfice des grands de ce monde. Si, par développement, l’on entend croissance économique, la critique est parfaitement fondée. […] C’est pourquoi les discours de certains politiciens sur la croissance durable relèvent tout simplement de la mystification, quel que soit le degré de leur bonne foi. »7 Alain Farel, architecte et docteur en mathématiques français
la fin d’un modèle
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6 Conférence « Vers un design libre » de Christophe André, « designer militant », à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, janvier 2011, invité par l’association culturelle Tréto. 7 FAREL Alain, « Développement ? Durable ? », Bâtir éthique et responsable, Paris, Ed. Du Moniteur, 2007, p24.
« Crise », danger et opportunité
Idéogramme chinois de crise
L’idéogramme chinois mandarin de « crise », weiji, est formé par l’association des idéogrammes « wei », danger, et « ji », opportunité. Ce détour par la Chine est l’occasion de méditer sur le sens que l’on attribue à ces situations de crise et l’attitude que l’on adopte face à elles. En effet, dans la philosophie orientale la vie est pensée de manière cyclique, l’ombre n’existe que grâce à la lumière, le danger crée l’opportunité, une épreuve est l’occasion de s’élever.
Dans cet esprit, la situation de crise que nous traversons est une opportunité de rebondir, de repartir sur des bases plus saines, de requestionner notre rapport aux choses et aux êtres. A la lumière des considérations précédentes sur les notions de croissance et de développement, l’occasion nous est offerte de penser le développement autrement que comme accroissement de richesses matérielles, cumul de biens privés et de privilèges ou comme accès 8
BORASI Giovanna, ZARDINI Mirko, op. cit., p46.
la fin d’un modèle
« Dans son analyse de la valeur symbolique de la crise énergétique, Jean Baudrillard insiste sur le rôle stratégique qu’elle joue dans la transformation du système de production. Elle se révèle un catalyseur essentiel, puisque d’autres facteurs comme l’écologie, la qualité de vie ou la lutte contre la pollution sont trop lents à agir pour provoquer cette restructuration. »8 Mirko Zardini, architecte italien
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au luxe. Le «niveau de vie» des habitants des pays développés est inimaginable à l’échelle de la population mondiale, or c’est ce mode de vie «occidental» (et ses représentations matérialistes de la richesse et du confort) qui fait office de modèle pour la majorité des pays en développement, il est donc urgent d’agir, des solutions doivent être trouvées, d’autres modèles doivent être proposés. « La crise qui marque pour les pays industrialisés le déclin d’une période d’abondance et de gaspillage est donc aussi l’opportunité d’inventer ensemble une société plus solidaire, fondée sur la sobriété, le pragmatisme et la convivialité. »9 Dominique Gauzin-Müller, architecte, enseignante, rédactrice en chef du magazine Ecologik
Il ne s’agit pas d’un retour en arrière, pas de nostalgie d’un âge d’or à jamais évanoui, bien au contraire il faut croire à la bonne intelligence des hommes, au potentiel des nombreuses démarches déjà initiées et à notre propre capacité en tant qu’architectes à montrer l’exemple et influer significativement sur le cours des choses. « Le secteur du bâtiment est au cœur des enjeux du développement durable : selon l’Ademe, il est responsable en France de 25% des émissions de CO2 et consomme 42% de l’énergie finale. »10
la fin d’un modèle
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Le rôle des architectes est crucial, outre notre responsabilité visà-vis de l’environnement et notre implication dans la transition énergétique, nous avons le potentiel et le devoir de redéfinir une éthique professionnelle vectrice de valeurs culturelles et sociales afin de proposer une architecture qui réunit les hommes, mutualise leurs compétences et leurs ressources, encourage les initiatives de chacun, favorise l’entraide et la transmission des savoirs et savoirs-faire ; l’architecture d’aujourd’hui doit accompagner l’éveil des consciences. 9 GAUZIN-MÜLLER Dominique, Habiter écologique, quelles architectures pour une ville durable ? Arles, Actes Sud / Cité de l’architecture et du patrimoine, 2009, p17. 10 id.
la fin d’un modèle
à Détroit, plus grande ville américaine en faillite, l’agriculture urbaine se développe comme outil de revitalisation urbaine, en réponse à la misère sociale et économique
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Vallée de la Verzasca, Suisse © Nicolas Brendlé
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le modèle vernaculaire
ii/ le modèle vernaculaire
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De la nécessité à la vertu « Si, dans la maison japonaise, l’auvent du toit avance si loin, cela est dû au climat, aux matériaux de construction et à divers autres facteurs sans doute. A défaut par exemple de briques, de verre et de ciment, il aura fallu, afin de protéger les parois contre les rafales de pluie latérales, projeter le toit en avant, si bien que le Japonais, qui eût certainement préféré lui aussi une pièce claire à une pièce obscure, a été de la sorte amené à faire de nécessité vertu. Mais ce que l’on appelle le beau n’est d’ordinaire qu’une sublimation des réalités de la vie, et c’est ainsi que nos ancêtres, contraints à demeurer bon gré mal gré dans des chambres obscures, découvrirent un jour le beau au sein de l’ombre, et bientôt ils vinrent à se servir de l’ombre en vue d’obtenir des effets esthétiques. »1 Junichirô Tanizaki (1886-1965), écrivain japonais
L’architecture moderne s’était affranchie d’un certain nombre de contraintes matérielles. Avec la mondialisation et le transport de marchandises de grande ampleur il est possible aujourd’hui de construire quelque soit l’endroit avec presque n’importe quel matériau. Cet état de fait est devenu la norme pour nous autres, architectes modernes et contemporains, nous n’avons pour ainsi dire que l’embarras du choix. le modèle vernaculaire
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Le style international et ses bâtiments de béton, d’acier et de verre, en rupture totale avec les traditions du passé, ont produit des paysages urbains sensiblement uniformes sur toute la surface du globe. Or il s’agit là d’une situation tout-à-fait nouvelle, résultant d’une profusion énergétique qui rend viable économiquement le 1
Junichirô Tanizaki, Éloge de l’ombre, Ed. Verdier, pour l’éd. française, 2011 (1933), p43-44.
transports de matériaux et de marchandises sur de très longues distances. Avant cela un certain nombre de facteurs et de contraintes aujourd’hui oubliés ou négligés par les architectes œuvraient de concours à déterminer les formes, dispositions et la signification des constructions. Le romancier japonais Junichirô Tanizaki identifie dans l’extrait ci-dessus le processus à l’œuvre de la contrainte à l’esthétique, de la nécessité à la vertu, de l’environnement à la culture. Des contraintes naissent des types de réponses et des formes d’adaptations différents, développés dans le temps long ces particularismes locaux s’inscrivent dans la tradition et la culture des hommes qui y vivent, l’identité des constructions de chaque région se précise et évolue lentement et c’est ainsi que l’architecture peut être si intimement liée à « l’esprit d’un lieu ». « L’homme moderne a longtemps cru que la science et la technique l’avaient libéré d’une dépendance directe du lieu. Cette certitude s’est révélée être une illusion ; la pollution et le chaos de l’environnement sont soudainement apparus comme une effrayante némésis qui eut pour effet de remettre à sa juste place le problème du lieu. »2 Christian Norberg-Schulz (1926-2000), architecte, historien et théoricien A l’instar de Christian Norberg-Schulz, nous pensons qu’une attention accrue au lieu constitue une voie salvatrice pour l’architecture et son impact environnemental. Nous nous penchons donc sur l’architecture vernaculaire pour ses qualités logiques et son interdépendance avec son environnement proche, dans la perspective d’en dégager des principes et des valeurs conduisant à plus d’harmonie entre bâti et environnement, à une décentralisation des pouvoirs et des décisions dans la construction, à des alternatives énergétiques et des pratiques moins énergivores. 2 NORBERG-SCHULZ Christian, Genius loci : paysage, ambiance, architecture, Liège, Mardaga, 1997 (1981), p19.
le modèle vernaculaire
de l’architecture norvégien
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Définition(s) C’est cette façon de concevoir la production architecturale, comme ancrée dans la tradition, attentive au lieu et déterminée par les ressources locales que l’on appelle architecture vernaculaire. Une manière plus large peut-être de la définir serait de parler d’« architecture sans architecte » ou d’« architecture non conventionnelle et non classée »3, définition pertinente car très claire mais considérée d’un point de vue moderne, par exclusion, donc insuffisante. Pour Ivan Illich le vernaculaire désigne l’inverse d’une marchandise : « tout ce qui était confectionné, tissé, élevé à la maison et destiné non à la vente mais à l’usage domestique »4. Reprenant la définition du penseur croate, Pierre Frey écrit : « Il en découle pour moi l’idée que, dans le monde global du XXIe siècle, sont vernaculaires toutes les démarchent qui tendent à agencer de manière optimale les ressources et les matériaux disponibles en abondance, gratuitement ou à très bas prix, y compris la plus importante d’entre elles : la force de travail. Est vernaculaire, en somme, tout ce qui demeure périphérique ou extérieur aux flux mondiaux du capital et tout ce qui, de gré ou de force, se dérobe à son contrôle. »5 Pierre Frey
le modèle vernaculaire
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Si Ivan Illich et Pierre Frey mettent l’accent sur l’espace (ressources, réseaux, acteurs locaux), en croisant les écrits de Bernard Rudofsky et Amos Rapoport il apparaît également une caractéristique temporelle essentielle de l’architecture vernaculaire, son inscription à la fois dans la permanence et le changement :
3 RUDOFSKY Bernard, Architectures sans architectes : brève introduction à l’architecture spontanée, Paris, Ed. du Chêne, 1977 (1964), p3. 4 ILLICH Ivan, Le genre vernaculaire, Paris, Seuil, 1983, traduit de l’anglais (1982). 5 FREY Pierre, Learning from vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire, Arles, Actes Sud, 2010, p45.
« La permanence et la pluralité d’utilisations sont les caractéristiques de l’architecture vernaculaire. »6 Bernard Rudofsky (1905-1988), architecte, designer et critique tchèqueaméricain
« J’ai déjà mentionné la nature non spécialisée des bâtiments vernaculaires, et le triomphe sur le temps qui en découle. Voici peutêtre la plus grande leçon que nous donne cette construction – la valeur des contraintes afin de créer des cadres répandus et « souples » où le jeu des aspects persistants et des aspects changeants de l’homme puisse trouver son expansion. »7 Amos, Rapoport, professeur d’architecture et écrivain polonais C’est donc la notion d’évolution qui est mise en avant par les auteurs. A l’exception de cas précis tels que l’habitat nomade, l’architecture vernaculaire produit généralement un habitat pérenne, robuste, dont la maintenance est prévue et maîtrisée ; mais également très souple et adaptable, les espaces peuvent changer de fonctions, se dilater et se rétracter selon les besoins, les matériaux sont la plupart du temps réemployés, les extensions se greffent à l’existant ; la « tabula rasa » des modernes lui est étrangère.
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RUDOFSKY Bernard, op. cit., p14. RAPOPORT Amos, Pour une anthropologie de la maison, Paris, Dunod, 1972 (1969), p187.
le modèle vernaculaire
De par les moyens qui contraignent et déterminent ses réalisations, l’architecture vernaculaire est ouverte à l’évolution, ni dogme ni de codification stricte, elle s’adapte parce qu’elle répond à des nécessités, parce qu’elle se passe d’intermédiaire et parce qu’elle est toute entière inscrite dans la tradition.
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L’inspiration vernaculaire n’est pas un pastiche Une mise en garde préalable s’impose. « Proposons-nous de grands exemples à imiter, plutôt que de vains systèmes à suivre », clamait Jean-Jacques Rousseau. Nous ne nous intéressons pas à l’architecture vernaculaire dans le but d’en reproduire les formes ou de copier des « styles », au contraire nous cherchons à identifier des principes, s’inspirer de sa relation au milieu et aux hommes pour mieux adapter l’architecture contemporaine aux défis de notre temps. La démarche d’inspiration vernaculaire ne doit pas être fondée sur une nostalgie passéiste, nier le contexte qui est le nôtre est le meilleur moyen de tomber dans le pastiche architectural. « Mon hypothèse de base est donc que la forme de la maison n’est pas simplement le résultat de forces physiques ou de tout autre facteur causal unique, mais que c’est la conséquence de toute une série de facteurs socioculturels considérés dans leur extension la plus large. La forme, à son tour, est modifiée par les conditions climatiques (l’environnement physique qui rend certaines choses impossibles et qui en favorise d’autres), par les méthodes de construction, les matériaux disponibles et la technologie (les outils nécessaires pour réaliser l’environnement désiré). J’appellerai primaires les forces socioculturelles et secondaires ou modifiantes les autres. »8 Amos Rapoport
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Amos Rapoport a mis en évidence le primat des facteurs socioculturels sur toute autre forme de déterminisme dans la production architecturale. La copie d’architectures vernaculaires sans prêter attention à leurs conditions d’émergence ou leurs déterminants socioculturels ne peut pas être pertinente. Ainsi certaines architectures vernaculaires pourraient sembler inadaptées en certains lieux, par exemple la tradition japonaise a conduit à reproduire au nord du pays des habitations suivant les mêmes codes et les mêmes systèmes constructifs que celles plus au sud, malgré des condi8
RAPOPORT Amos, op. cit., p65.
tions climatiques plus rudes, les murs de ces maisons sont les mêmes légers voiles de papier qu’ailleurs dans le pays. Le confort de ces maisons est moindre mais révèle l’importance des codes et du mode de vie traditionnel japonais.
le modèle vernaculaire
Le régionalisme en tant que mimétisme de l’architecture vernaculaire à des fins purement esthétiques, comme tendance architecturale consistant à donner un « look ethno », une fausse authenticité à une construction, n’est pas seulement vide de sens mais est surtout contre-productif pour le développement d’une architecture véritablement durable. Sous des apparences d’appartenance à une tradition locale, d’intégration aux paysages régionaux, ces architectures et pastiches architecturaux participent pleinement à l’« écobusiness » en vogue dans le milieu du bâtiment, elles ont la couleur de leur modèles mais ont égaré en chemin le goût de l’authentique, de la vérité constructive, de l’architecture porteuse d’un message original.
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La complexité du réel Face à la dégradation de l’environnement et aux défis écologiques et énergétiques qui se présentent à nous, deux tendances opposent les partisans du high-tech d’un côté à ceux du low-tech, voire du no-tech, de l’autre. « Une dichotomie est apparue dans le domaine de l’architecture durable, écologique ou « verte » […] Elle oppose ceux qui croient que seule la science peut remédier à la dégradation accélérée de la nature à laquelle nous assistons aujourd’hui à ceux qui pensent que, pour agir, nous ne devons recourir qu’à des moyens passifs et non-technologiques. »9 James Steele, docteur en architecture, professeur américain Une véritable durabilité suppose une approche holistique de la question, c’est-à-dire qu’il est nécessaire d’intégrer le plus largement possible les rapports de causalité entre les actions de l’homme et son impact environnemental, il ne suffit pas de considérer l’ « objet » bâti et son rapport immédiat au site, il est nécessaire d’inclure dans l’équation l’intégralité du cycle de vie du bâtiment en question ainsi que celui de tous ses composants et d’anticiper les effets qu’il produira sur son environnement et ses usagers. Une telle approche se heurte de plein fouet à toute la complexité du réel.
le modèle vernaculaire
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Ajoutons à cela notre adhésion à une conception philosophique phénoménologique : dans la tradition de Husserl, Lévinas, Ricoeur, Merleau-Ponty, Patočka ou encore Heidegger, nous doutons de l’objectivité scientifique au sens où le sujet pourrait occuper une position neutre face à l’objet de l’expérience. L’homme appartient au monde, il ne peut s’en extraire pour atteindre un point de vue extérieur et objectif. Contrairement à la conception philosophique moderne (au risque de simplification abusive, disons cartésienne) 9 STEELE James, in CONTAL Marie-Hélène, GAUZIN-MÜLLER Dominique, LECOEUR Christelle, MENARD Jean-Pierre, Habiter écologique, quelles architectures pour une ville durable ? Arles, Actes Sud / Cité de l’architecture et du patrimoine, 2009, p34.
qui postule une dualité sujet-objet et la pré-existence du monde, l’intentionnalité phénoménologique quant à elle fonde l’existence du monde à partir de notre rapport avec celui-ci : dans l’expérience vécue de nos perceptions de phénomènes - toute conscience est conscience de quelque chose. Cela constitue le point de départ de nombreux courants philosophiques parfois divergents : existentialisme, asubjectivisme, phénoménologie de l’Altérité, de la perception, etc. mais qui s’accordent sur l’impossibilité d’objectiver et de rationaliser les phénomènes et le monde naturels et dont découle une prise de conscience de notre interdépendance avec celui-ci, sur un plan ontologique.
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Démarche Négawatt10 : il est plus simple d’économiser l’énergie que l’on ne dépense pas
Association Négawatt, www.negawatt.org
le modèle vernaculaire
La réalité est complexe, l’idée de contrôler scientifiquement les conséquences de l’action humaine et de remédier à ses dérives par un surcroît de science est un fantasme. L’équilibre naturel est quelque chose d’infiniment plus complexe que ce que l’on peut en maîtriser, d’où la nécessité d’adopter une attitude respectueuse, humble et sobre vis-à-vis de notre environnement. C’est pourquoi nous avons recours au modèle vernaculaire pour guider notre action, il nous fournit un exemple de symbiose entre l’homme et la nature, d’économie de moyens, d’impact minimal, de préservation de la biodiversité, de gestion passive des ressources, d’autonomie, il s’adapte aux conditions naturelles plutôt que de lutter contre elles et d’instrumentaliser la nature.
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Mandalay, Myanmar Š Marine Guis
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iii/ Du quantitatif au qualitatif
Paroi ventilée, grande mosquée de Jama Masjid, Ahmedabad, Inde © Cécile Flahaux
du quantitatif au qualitatif
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La démarche d’inspiration vernaculaire est résolument qualitative. Les modèles qu’elle propose sont issus de tous les lieux et toutes les époques et correspondent à autant de traditions et de cultures différentes, ces modèles sont à réinterpréter par chaque architecte et pour chaque situation particulière, nous sommes loin d’une démarche normative, quantitative ; le comportement du bâtiment (gestion des fluides, chauffage et climatisation, renouvellement de l’air, entretien, etc.) intègre autant les systèmes passifs et autonomes que les gestes des usagers.
Du luxe au confort La notion de confort se résume en général à une valeur idéale de la température de l’air (à quelques degrés de variation près), parfois l’ambiance acoustique est également prise en compte – on recherchera le moins de bruit possible. Ce que l’on nous présente comme un must en matière de confort est typiquement une « boite » close à température stable et hermétique aux nuisances sonores de l’extérieur, or l’étude attentive des modes de vie vernaculaires révèle une richesse insoupçonnée autour de la question, une multiplicité des critères de confort et surtout un bien-être supérieur lorsque l’on ne s’isole pas si radicalement de l’extérieur.
Nous dépensons beaucoup d’énergie pour stabiliser la température intérieure à un niveau jugé idéal, nous fabriquons volontairement des espaces isolés que l’on vient chauffer ou climatiser artificiellement à notre convenance, ce luxe ne nous sera probablement bientôt plus permis, et c’est tant mieux, car non seulement le confort réel s’en trouvera amélioré mais notre santé aussi : « choc métabolique » décrit plus haut, poussières, grains de pollens et irritations induits par nos systèmes de chauffages actuels ou au contraire aseptisation de nos intérieurs. 1
WRIGHT David, Soleil, nature, architecture. Marseille, Parenthèses, 1979, p22.
du quantitatif au qualitatif
« Faire preuve d’une attitude passive à propos du chauffage des locaux consiste à situer les niveaux de confort en relation étroite avec l’équilibre température/humidité le plus naturel pour un climat et une saison déterminés. Maintenir un niveau artificiel de confort sans rapport avec les conditions extérieures est néfaste à la santé ; pensez au choc métabolique qu’on ressent lorsqu’on quitte un lieu trop bien régulé pour affronter au dehors une atmosphère tout à fait différente. Notre corps doit alors lutter pour s’adapter, et nous éprouvons une tension exagérée, qui conduit parfois à la maladie et au dérèglement de l’organisme. »1 David Wright, architecte américain
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«Boite hermétique», l’ambiance intérieure est artificielle et sans rapport avec les conditions extérieures
« Si la masse d’une construction renferme assez de chaleur pour indiquer 24°C, alors la température de l’air peut s’abaisser à 14°C sans que vous éprouviez un quelconque désagrément. Inversement, vous pouvez vous geler avec des murs et des planchers froids et une température d’air de 24°C. Le bilan de ces échanges radiatifs entre un individu et les parois qui l’entourent est le principal facteur déterminant du confort. »2 David Wright du quantitatif au qualitatif
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WRIGHT David, op. cit., p21
Un autre aspect à considérer dans la maîtrise du confort thermique est la relativité culturelle dont elle fait l’objet et les facteurs psychologiques qui influent sur la sensation de confort thermique : « La notion de confort thermique […] est donc un acquis transmis par habitude à l’intérieur d’un groupe, national par exemple : ainsi peut-on noter que les zones confortables de température sont situées, en Angleterre, entre 18,8°C pour le « travail lourd » et 18,3°C pour le travail sédentaire ; aux Etats-Unis, entre 18,3°C et 21,1°C ; en Australie, les différentes catégories de travailleurs donnent des zones de confort diverses : 30,6°C pour les travailleurs manuels, et 26,7°C pour les employés de bureaux. […] La température considérée comme tolérable et même convenable par des paysans du Massif central au début du siècle était de 12°C dans la chambre à coucher »3. 3 ALEXANDROFF Georges & Jeanne-Marie, Architectures et climats : soleil et énergies naturelles dans l’habitat, Paris, Berger-Levrault, 1982, p12.
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Le paramètre de chaleur radiante (par rayonnement, l’air n’est pas le vecteur de diffusion de la chaleur) est prépondérant dans la compréhension du confort thermique : nous sommes tous familiers de la sensation de douceur, voire de chaleur, ressentie même dehors dans le froid de l’hiver lorsque l’on se tient debout face au soleil. La chaleur radiante est un facteur bien plus significatif de confort que ne l’est la température de l’air. De même, l’hygrométrie (taux d’humidité dans l’air) et les mouvements d’air participent à la sensation de confort ou d’inconfort. La construction contemporaine est étanche à l’air et à l’eau, ce faisant elle se prive du facteur de confort par régulation hygrométrique, en effet des parois perspirantes augmentent la sensation de confort et préviennent des risques de condensation à l’intérieur des murs qui provoquent des pathologies structurelles. Les enduits à la chaux, le plâtre, la terre ou encore le bois sont des matériaux perméables à la vapeur d’eau et qui assurent une régulation hygrométrique naturelle.
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Quant aux facteurs psychoculturels, pensons par exemple aux « couleurs chaudes » et « couleurs froides », au caractère rassurant de la vue du feu dans un poêle ou d’un radiateur dans une pièce, indépendamment de leurs propriétés de chauffage effectives, à la « chaleur » des matériaux (le bois ou la terre sont souvent considérés plus chaleureux que la pierre, le béton ou l’acier par exemple), à la luminosité naturelle ou encore à l’habillage des murs et des plafonds (présence ou non de draperies, de tapis, de mobilier, etc.). Tous ces facteurs seront appréciés différemment selon les individus, les groupes ou les cultures, et l’étude de l’architecture vernaculaire peut aider à mieux assimiler et anticiper ces préférences psychoculturelles pour les mettre en valeur dans les projets d’aujourd’hui. De même on rencontrera souvent dans l’architecture vernaculaire des qualités diverses qui participeront au confort au sens large, un traitement plus subtil non seulement du confort thermique mais également acoustique, tactile, visuel, olfactif ou de facilitation des usages, à travers par exemple la variation des hauteurs de planchers et de plafonds dans les différentes pièces de la maison traditionnelle algérienne, André Ravereau identifie une richesse de situations visuelles, acoustiques ou de disposition du corps dans l’espace ; ou encore les entrées en chicane qui viennent moduler les sons de l’extérieur et la lumière naturelle.
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Coupe, André Ravereau, Siddi Bel Abbas, Algérie
Les fondamentaux du bioclimatisme L’attention à la topographie et la géologie du site, l’orientation par rapport aux apports solaires et aux vents dominants, l’adaptation au climat, microclimat, aux sources d’eau et à la végétation sur place comptent parmi les caractéristiques fréquemment valorisées de l’architecture vernaculaire. On parlera de caractéristiques bioclimatiques du site, il s’agit de tirer le meilleur parti des conditions du site et de son environnement ; de manière passive pour réduire les besoins énergétiques et favoriser l’autonomie du bâtiment. « Le bioclimatisme consiste à trouver le point d’équilibre entre une construction, le comportement de ses occupants et le contexte géographique, pour réduire au maximum l’emploi de ressources énergétiques. »4 Thomas Jusselme, ingénieur français en génie de l’environnement et enseignant à l’ENSAG
topographie Le relief du site crée des micro-climats, agit sur la direction des vents et l’ensoleillement
4
JUSSELME Thomas, exNdo studio, « Les fondamentaux du bioclimatisme », diaporama 4.
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Nous présentons ici les principes majeurs de la conception bioclimatique :
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végétation Elle influence les flux d’air par des phénomènes de pression/dépression. Elle peut servir de masque solaire en été et laisser passer les rayons du soleil pour les arbres à feuilles caduques.
orientation / plan masse Les apports solaires dépendent de l’orientation, l’orientation nord/sud est idéale en conception bioclimatique. Le plan masse peut créer des ombres portées et des couloirs de vent.
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volumétrie Pour limiter les surfaces de contact avec l’extérieur on privilégie la compacité des volumes.
inertie Les matériaux à forte inertie sont capables de stocker la chaleur selon les saisons et les besoins et de la restituer avec un déphasage de quelques heures.
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ouvertures Le positionnement et la taille des ouvertures module les mouvements d’air dans les pièces.
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finitions / revêtements La nature et la couleur des matériaux influe sur leur capacité d’absorption, de stockage et de réflexion.
stratégie du chaud Consiste à capter un maximum d’énergie solaire à l’intérieur le jour, la stocker dans la masse inertielle de la maison, conserver cette chaleur grâce à une bonne isolation et la distribuer dans toutes les pièces.
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stratégie du froid Consiste à se protéger au mieux des rayons solaires directs le jour, minimiser les sources internes de chaleur, refroidir l’air par évaporation (plan d’eau, plantes), dissiper la chaleur du jour en créant des mouvements d’air / rafraîchir la nuit et éviter les contacts avec l’extérieur de la masse ayant accumulé la fraîcheur nocturne.
« Maître d’usage », homme de l’art et architecte-médiateur Le modèle vernaculaire inspire un autre rapport entre les divers acteurs de la construction et le projet architectural, revalorisant le travail des ouvriers et artisans, désacralisant la place de l’architecte « au sommet de la pyramide décisionnaire », impliquant davantage l’habitant dans la gestion et l’entretien de sa maison, voire dès la conception. Il substitue au processus de conception et de mise en œuvre de la construction par le haut, dite « top-down », une dynamique plus participative, ouverte au suggestions et initiatives de chacun, « bottom-up ».
« Les réalisations durables diffèrent des précédentes. Elles réagissent aux jours et aux nuits, comme aux saisons. Et leur adaptation pertinente à ces conditions extérieures nécessite des actions de l’usager. Une parfaite connaissance de leur fonctionnement s’impose, garantie d’un bon usage. Si l’usager n’est pas impliqué, on risque une vraie contre-performance, réduisant à néant l’investissement important de la communauté. »5 Philippe Madec, architecte, urbaniste et écrivain français Aujourd’hui dans le secteur du bâtiment il est fréquent de trouver sur le chantier une main d’œuvre ouvrière très peu qualifiée et intérimaire, les méthodes constructives les plus répandues ne 5 MADEC Philippe, in FAREL Alain (coordinateur), Bâtir éthique et responsable, Paris, Ed. Du Moniteur, 2007, p52-53.
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La place de chacun doit être repensée : l’architecte renoncera à sa position à la fois autoritaire de savant et « romantique d’artiste », l’ingénieur devra accepter de perturber ses simulations en intégrant une dimension plus culturelle et sociale de l’acte de bâtir, le commanditaire (lorsqu’il n’est pas l’usager même) ne pourra se contenter de rentabilité économique, les ouvriers regagneront leur statut d’hommes de l’art, enfin l’habitant ou l’usager retrouvera sa place au cœur du projet architectural et une responsabilité dans le bon fonctionnement des espaces.
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nécessitant que peu de savoir-faire et beaucoup de mécanisation (montage d’agglos, gros œuvre en béton banché, standardisation des éléments, etc.), cette situation creuse davantage le fossé qui sépare les constructeurs de la finalité de leur ouvrage. Sous prétexte de rentabilité économique la construction tend vers toujours plus de préfabrication, plus d’industrialisation des matériaux et des procédés et une mécanisation accrue sur chantier, malgré tout l’acte de bâtir demeure très coûteux et parfaitement inaccessible aux tranches les moins favorisées de la population, et ce aussi bien dans les sociétés « riches » que « pauvres ». Il existe des méthodes constructives abordables et peu coûteuses en procédés et matériaux, la contre-partie est généralement un surcoût de main d’œuvre et des temps de construction plus longs, mais dans un système dominé par l’hégémonisme capitaliste (par exemple la filière béton pour la construction) et la lourdeur des montages financiers pour le développement de projets, imposant des prêts bancaires et nécessitant le recours à une multitude d’experts et de contrôles, les chances de voir se concrétiser des entreprises alternatives sont minces. Pourtant la main d’œuvre potentielle est là et le chantier pourrait être une opportunité pour de nombreuses personnes de se réapproprier des savoirs-faire et susciter chez elles des vocations.
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« La force de travail s’incarne alors autrement qu’en une cohorte de personnes prélevées dans l’immense armée de réservistes en situation de chômage consacrant leurs efforts uniformes à réaliser l’image produite par des building designers habillés de noir, plongés dans la ‘’dévotio postmoderna, qui éprouvent un ravissement religieux à l’idée de leur propre existence’’. Au contraire : cette production du bâti est riche en émotions et libère les énergies créatrices de ses auteurs. »6 Pierre Frey 6 FREY Pierre, Learning from vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire, Arles, Actes Sud, 2010, p52.
L’objectif est donc de replacer la force de travail au cœur de l’acte social de bâtir, ce faisant les acteurs à l’œuvre se réapproprieront la finalité de l’ouvrage et regagneront leur dignité, la production architecturale s’enrichira des efforts de chacun et gagnera en autonomie, des cultures constructives en voie de disparition trouveront un second souffle et la dimension « sensuelle » de l’architecture s’affirmera de nouveau. Dans la redistribution des rôles, au détriment de son statut de décideur et d’artiste, l’architecte quant à lui s’ouvrira à une éthique de la sobriété et de la modestie, il endossera le rôle de médiateur et d’inventeur de solutions durables dans un rapport équitable avec les usagers et leurs aspirations culturelles et personnelles.
A travers les travaux et recherches de certains précurseurs d’une architecture contemporaine inspirée du modèle vernaculaire et grâce à la publication et la diffusion du travail des pionniers d’une « nouvelle architecture vernaculaire », pour reprendre les mots de Pierre Frey, peu à peu l’architecture vernaculaire regagne les faveurs de la profession. Des réseaux internationaux se développent pour identifier, étudier et promouvoir les enseignements des habitats traditionnels. C’est le cas du projet « VerSus ». 7
FREY Pierre, op. cit., p51.
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« En restituant sa place à une production manuelle, artisanale, tactile et sensuelle du bâti, en plaçant au cœur de ses préoccupations une force de travail abondante et généralement pauvre, [la « nouvelle architecture vernaculaire »] réinstalle sur le devant de la scène architecturale des matériaux oubliés : maçonneries de terre ou de chaux, tabby (chaux de coquillages, côte sud-ouest des Etats-Unis) et beaucoup d’autres, qui stimulent tous des mises en œuvre littéralement amoureuses. »7 Pierre Frey
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iv/ Le projet versus
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« VerSus » pour « Vernacular » et « Sustainable » (en anglais Vernaculaire et Soutenable) est un projet de collaboration inter-universitaire européen qui réunit des enseignants et des chercheurs de cinq universités et écoles françaises, espagnoles, portugaises et italiennes : * l’École Supérieure de Galice (ESG) au Portugal, * l’Université de Valence (UPV) en Espagne, * l’Université de Florence (UNIFI) en Italie, * l’Université de Cagliari (UNICA) en Italie, * le laboratoire CRATerre à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble (ENSAG) pour la France. A partir de l’étude d’habitats vernaculaires dans toute l’Europe, le projet VerSus a pour objectifs d’identifier des leçons et des principes fondamentaux de durabilité intégrables dans la conception de projets contemporains éco-responsables. Et de développer un réseau d’experts et d’institutions en Europe pour la valorisation du patrimoine vernaculaire et l’établissement d’un dialogue interculturel sur les questions que soulèvent l’architecture vernaculaire et le développement durable. « Les habitats vernaculaires sont fait à base d’évolution, tandis que les habitats contemporains sont faits à base d’innovation » Nuria Sánchez Muñoz, architecte étudiante du DSA Architecture de Terre (ENSAG – CRATerre), chercheuse associée dans le projet VerSus
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L’approche conceptuelle du projet se situe dans une perspective holistique, transversale et pluridisciplinaire, conformément à la démarche vernaculaire qui ne saurait être affiliée à une discipline particulière et qui trouve son origine dans un ensemble de données et de contraintes croisées.
Méthodologiquement un large éventail d’habitats vernaculaires ont été étudiés pour dégager des principes et stratégies de soutenabilité au prisme des trois piliers de la durabilité. Ces derniers ont été remaniés pour y inclure la dimension culturelle, à l’origine il s’agissait de l’environnemental, du social et de l’économique, au sens d’économiquement viable, socialement équitable et écologiquement soutenable. Mais l’évolution des thèses sur le développement durable ces dernières années tend à identifier un manque à penser, celui du culturel. « L’homme est le seul être vivant dont le rapport à la nature et les rapports sociaux sont médiatisés par la culture. […] C’est pourquoi de nombreuses personnes ou institutions estiment nécessaire d’approfondir la question du développement durable en ajoutant aux trois piliers d’origine une quatrième problématique, culturelle. »1 Alain Farel, architecte et docteur en mathématiques français
Il faut noter ici que la notion d’effort se substitue à celle de coût et d’investissement financier, en effet dans la tradition vernaculaire l’acte de construire implique davantage de bras que de prêts bancaires et privilégie souvent l’autonomie et l’acte social à la performance et au design architectural. 1 FAREL ALAIN, « Développement ? Durable ? », Bâtir éthique et responsable, Paris, Ed. Du Moniteur, 2007, p23.
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Les trois piliers deviennent ainsi l’environnemental, la capacité d’une construction à ne pas perturber l’écosystème et à tirer le meilleur parti des ressources naturelles ; le socio-culturel, la valorisation des impacts sociaux et culturels, le sens d’appartenance, d’identité, de développement personnel et communautaire ; le socio-économique, l’aspect réaliste et bénéfique pour la communauté, la qualité de la construction en rapport proportionné aux efforts investis.
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Quinze principes incluant au moins cent vingt stratégies ont été identifiés et sont classés dans les trois domaines de soutenabilité, constituant ainsi une grille d’analyse méthodologique et opérationnelle. Dans un premier temps cet outil a été employé pour investir et analyser des architectures vernaculaires, puis il est appliqué à des projets contemporains, permettant de juger de leur pertinence en matière d’éco-responsabilité. Aucun projet n’est irréprochable, mais pour répondre aux objectifs généraux fixés par VerSus, un projet doit être équilibré, c’est-à-dire pertinent suivant plusieurs principes dans chacun des trois pôles. Fort de cet outil critique et opérationnel, et surtout pour confronter ses analyses et améliorer sa pédagogie, l’équipe du projet VerSus organise des ateliers de travail dans les universités partenaires auprès d’étudiants architectes. Nous avons eu la chance de participer, début avril, à l’un de ces workshops et pu constater la pertinence de cette démarche et son outil d’analyse, la grille stratégique que nous présentons ici.
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Principes ENVIRONNEMENTAUX
L’habitat est issu de son milieu naturel et s’y intègre 1. RESPECTER LA NATURE : L’habitat s’intègre sans nuire aux autres éléments de l’écosystème local 2. BIEN S’IMPLANTER : L’habitat profite avantageusement des caractéristiques bioclimatiques du site 3. DIMINUER LA POLLUTION ET LES DECHETS : L’habitat optimise les ressources pour ne pas polluer l’endroit qui l’accueille 4. PRESERVER LA SANTE : L’habitat permet aux habitants de se développer dans des ambiances saines 5. ATTENUER LES EFFETS DES ALEAS NATURELS : L’habitat offre sécurité et sûreté aux habitants du lieu
Principes SOCIO-CULTURELS
6. PROTEGER LE PAYSAGE CULTUREL : L’habitat sait conserver les paysages façonnés au cours du temps 7. TRANSMETTRE LES CULTURES CONSTRUCTIVES : L’habitat réutilise les savoirs et savoirs-faire observés sur les habitats traditionnels 8. SUSCITER LA CREATIVITE : L’habitat encourage l’apport de solutions innovantes et d’expressions créatives 9. RECONNAITRE LES VALEURS IMMATERIELLES : L’habitat valorise l’identité du territoire issue d’une expérience cumulée 10. FAVORISER LA COHESION SOCIALE : L’habitat facilite l’échange entre les habitants pour nourrir l’intelligence collective d’un vivre ensemble
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L’habitat contribue à préserver et transmettre les valeurs reçues en héritage
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Outils opérationnels du projet VerSus, roue de la soutenabilité et grille d’analyse
Principes SOCIO-ECONOMIQUES
L’habitat favorise l’autonomie des communautés et optimise les ressources locales
Suivant la méthode présentée lors des workshops étudiants, appliquons les outils d’analyse du projet VerSus à une sélection de projets contemporains attentifs aux problématiques de soutenabilité et d’équilibre. Les points forts et les manques sont révélés au prisme de la grille des principes et stratégies identifiés suivant les trois piliers de la soutenabilité. Un projet est vertueux s’il présente des qualités réparties de manière équilibrée entre les dimensions environnementale, socio-culturelle et socio-économique. Les trois projets sélectionnés sont français, récents et résolument engagés dans une démarche de valorisation du vernaculaire et vers une architecture contemporaine éco-responsable et expressive.
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11. ENCOURAGER L’AUTONOMIE : L’habitat renforce l’autosuffisance de la communauté 12. STIMULER L’ACTIVITE LOCALE : L’habitat favorise les productions, les transformations et les échanges au niveau local 13. OPTIMISER LES EFFORTS DE CONSTRUCTION : L’habitat gère au mieux les énergies déployées pour construire 14. PROLONGER LA VIE UTILE DES BATIMENTS : L’habitat garantit sa bonne tenue dans le temps et s’inscrit dans la durée 15. EPARGNER LES RESSOURCES : L’habitat utilise avec mesure les ressources locales et évite les pertes et les gaspillages
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etudes de cas
Mur en pisÊ, Marsac-en Livradois, Boris Bouchet architecte Š Benoit Alazard
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I/ Boris Bouchet espace rural de proximitĂŠ
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Façade ouest, parking, commerce (Casino) au RdC et maison de santé à l’étage
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Nom du projet : Espace rural de service de proximité Programme : Equipement public - maison de santé, épicerie Lieu : Marsac-en-Livradois (63), Parc naturel régional du Livradois-Forez Maîtrise d’œuvre : Boris Bouchet architectes, collectif milieux Maîtrise d’ouvrage : Commune de Marsac-en-Livradois et communauté de communes Livradois Porte d’Auvergne Surface : 405 m² Calendrier : 2011-2012 Distinctions : Lauréat du Premier Prix national des architectures en terre crue 2013 Prix de la première œuvre 2013, décerné par le Groupe Moniteur
Alors que le programme prévoyait deux bâtiments séparés et de plain-pied, l’architecte jugera plus pertinent de superposer les fonctions à la fois pour s’accorder avec la hauteur des constructions de la rue principale (R+1/R+2) et par soucis d’efficacité économique et thermique. Le projet prend la forme d’un « L » en plan et se compose d’un niveau simple de RdC commercial en pisé, surmonté d’un étage de bois regroupant les cabinets médicaux, seule une partie du volume au nord est surmonté d’une grande fenêtre de toiture pour capter la lumière naturelle et l’énergie du soleil. Le retrait partiel du bâti par rapport à l’alignement de la rue crée un espace semi-public avec deux arbres plantés et des places de stationnement ; de l’autre côté de la parcelle, à nouveau des places de stationnement et un petit jardin. L’étage de la façade côté grande rue s’inscrit dans un registre de filtre en bois, afin de procurer plus d’intimité à l’espace médical, à l’est la façade orienté sur le cœur du village appartient quant à elle au registre de cadres épais en bois avec un jeu de projections et de retraits, qui rythment la façade, intimisent les salles d’oscultation et matérialisent les cadrages des bureaux des médecins sur l’église du village et les monts du Forez. Outre ses qualités de régulation thermiques et hygrométriques, le choix du pisé s’inscrit dans la tradition locale. De plus il manifeste
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A l’initiative de la commune de Marsac-en-Livradois et après concertation auprès des professionnels de santé, celle-ci souhaite se doter d’un équipement public regroupant les services de santé, afin d’encourager l’attractivité du village. Le programme prévoit également un espace commercial pour l’épicerie Casino à l’étroit et mal située dans ses locaux précédents. Le projet vient s’implanter dans une dent creuse le long de la route départementale qui traverse le village et la vallée de la Dore et devra faire le lien entre la rue principale du village, très passante, et le cœur du bourg comprenant les autres commerces et équipements.
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Façade est, registre des cadres en bois
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Coupe - mur «trombe» de la façade nord
l’intention de valoriser cette technique typique de l’architecture vernaculaire de la région, en montrant son caractère et sa beauté afin d’inciter les propriétaires alentours à préserver et entretenir leur patrimoine de terre crue. Confronté aux réglementations actuelles, Boris Bouchet a développé plusieurs typologies de murs en pisé selon les besoins en termes d’isolation, d’inertie et équilibre hygrométrique et de représentativité. Ainsi les murs entre extérieur et espaces non chauffés sont simples, ceux entre extérieur et locaux techniques sont isolés de l’intérieur, ceux entre l’extérieur et les pièces de vie sont doubles avec une isolation en liège (qui ne perturbe pas l’équilibre hygrométrique de la terre) et enfin le mur accolé au bâti au nord est isolé par l’extérieur. La construction a fait appel aux savoirs-faire d’artisans locaux et à des filières également locales pour les matériaux. L’architecte explique que le travail en lien direct avec les entreprises qui produisent, transforment et mettent en œuvre les matériaux de construction présente l’avantage de pouvoir personnaliser la production, de ne pas limiter ses choix à des catalogues de produits et de formes et de pouvoir ajuster ou modifier la commande en cas d’évolution tardive du projet, d’imprévu ou d’erreur, sans entraîner de surfacturation du fait qu’il n’y a pas d’intermédiaires.
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Couloir / espace salle d’attente commune du centre de santé à l’étage
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Analyse du projet d’après la méthode VerSus Principes ENVIRONNEMENTAUX L’habitat est issu de son milieu naturel et s’y intègre 1. RESPECTER LA NATURE Matériaux écologiques (bois, terre, liège) et filière courte – Empreinte réduite Présence d’un petit jardin et d’arbres plantés – Biodiversité 2. BIEN S’IMPLANTER Compacité, superposition des programmes (commerce en RdC, cabinets médicaux en R+1), espace vert sur la parcelle – Occupation réduite du sol Profite des apports solaires (lumière, chauffage) – Orientation Services en milieu rural, proximité – Diminution des transports pour les usagers 3. DIMINUER LA POLLUTION ET LES DECHETS Matériaux peu transformés – Réduction de l’énergie grise Chantier propre – Moins d’emploi de machines Filière courte pour les matériaux – Moins de transports Terre « neuve » et terre de réemploi - Réutilisation 4. PRESERVER LA SANTE Matériaux sains Lumière naturelle Forte présence de terre crue – Régulation hygrothermique Isolation et inertie du bâtiment – Confort thermique
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5. ATTENUER LES EFFETS DES ALEAS NATURELS Pas de données mais région faiblement sismique et sans risques majeurs
Principes SOCIO-CULTURELS L’habitat contribue à préserver et transmettre les valeurs reçues en héritage 6. PROTEGER LE PAYSAGE CULTUREL Intégration et valorisation des bâtiments et murets en terre crue non enduite du village et de la région 7. TRANSMETTRE LES CULTURES CONSTRUCTIVES Technique du pisé typique dans la région – Identité, expression du métier Mise en œuvre par un maçon local – Savoir-faire, mémoire constructive Terre et bois local, transformé et mise-en-oeuvre par des entreprises locales – Adaptation aux ressources locales Adaptation de la technique du pisé pour répondre aux réglementation en vigueur (double-mur + isolation en liège) – Evolution 8. SUSCITER LA CREATIVITE Plusieurs typologies de murs en pisé – Solutions diverses Lecture simple des volumes et fonctions, ordre (RdC terre, R+1 bois, répétition du bardage vertical) – Joliesse et singularité
10. FAVORISER LA COHESION SOCIALE Implantation en dent creuse, continuité de la rue, mitoyen au nord – Intégration au voisinage Regroupement de programmes (cabinets médicaux, parking, jardin et commerce) – Mixité Pas de salle d’attente mais un couloir de distribution large et des renforcements meublés et chaleureux (parquet de bois, lumière naturelle filtrée) – Espaces de convivialité
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9. RECONNAITRE LES VALEURS IMMATERIELLES Technique du pisé – Identité culturelle
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Principes SOCIO-ECONOMIQUES L’habitat favorise l’autonomie des communautés et optimise les ressources locales 11. ENCOURAGER L’AUTONOMIE Bon fonctionnement thermique – Besoins en énergie réduits 12. STIMULER L’ACTIVITE LOCALE Réunion de plusieurs professionnels de la santé – Dynamisation et pérennité du service RdC commercial, étage santé – Mixité et attractivité accrues Matériaux, entreprises et artisans locaux – Construction locale 13. OPTIMISER LES EFFORTS DE CONSTRUCTION Matériaux peu transformés Deux cabinets médicaux supplémentaires ont été prévus en vue d’installations futures – Évolutivité 14. PROLONGER LA VIE UTILE DES BATIMENTS Matériaux résistants 15. EPARGNER LES RESSOURCES Regroupement de tous les programmes dans un seul bâtiment – Compacité Matériaux bruts – Sobriété, moins d’énergie grise Forte isolation et inertie – Réduction des pertes d’énergie Grande fenêtre de toiture et mur en pisé, effet « trombe » - Dispositifs passifs
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Membre du collectif Milieux, l’architecte et enseignant à l’ENSA de Clermont-Ferrand se positionne dans la continuité des concepts de Genius Loci1, de régionalisme critique2, dans une approche phénoménologique. Le concept de milieu se veut plus large, à l’image d’un milieu naturel chez l’animal, qui englobe tous les potentiels d’interaction et de détermination pour lui. Le milieu suggère plus 1 Cf. NORBERG-SCHULZ Christian, Genius loci : paysage, ambiance, architecture, Liège, Mardaga, 1997 (1981). 2 Cf. FRAMPTON Kenneth, L’architecture moderne - Une histoire critique, 1980, Paris, Thames & Hudson, 2006.
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D’après cette analyse, dans une perspective de soutenabilité, nous constatons beaucoup de points forts du projet mais également quelques faiblesses, notamment peu de possibilités d’évolution du projet, peu de végétal (bien qu’il y ait un petit jardin et deux arbres plantés). Certaines malfaçons en partie dues à un coût sous-évalué pour la construction des murs de terre et quelques détails de conception compromettent la bonne tenue dans le temps de points sensibles du bâtiment, notamment au niveau de l’articulation entre les cadres de bois en avant de la façade-est et les petites terrasses en retrait. Mais ces erreurs mineures peuvent être attribuées au caractère exceptionnel de l’emploi de la terre dans l’architecture contemporaine et aucun projet ne répond à tous les critères appliqués, l’essentiel étant de remplir un certain nombre d’objectifs dans chacun des trois domaines de la soutenabilité, de produire une réponse équilibrée, c’est le cas avec ce projet exemplaire du jeune architecte Boris Bouchet.
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Matérialité et ambiance lumineuse intérieure riche Intérieur d’un cabinet médical, cadrage sur l’église du village
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que le lieu, qui évoque principalement la dimension physique. Il est une acception plus contemporaine du sens du lieu, incluant davantage la dimension culturelle au sens large et la culture architecturale du XXe siècle. Il est « fractal » au sens d’un entrelacement d’échelle : « Nous pensons qu’un détail, l’orientation d’une fenêtre, le choix d’un matériau, la forme d’un soubassement, peut avoir un sens à la grande échelle. Et inversement, la grande échelle peut avoir une influence sur le détail ».3 Parce que le milieu intègre les réalisations du XXe siècle, incluant par exemple le Style International comme influence culturelle, et parce que l’objet architectonique est un outil de l’architecture au même titre que le plan ou la coupe, Boris Bouchet accorde une grande importance à l’esthétique, à la forme de l’architecture qu’il dessine. « C’est important de ne pas renier la dimension esthétique, c’està-dire que l’on fabrique de beaux objets. Ce n’est pas un problème, ce n’est pas parce que c’est un bel objet qu’il ne s’inscrira pas dans son territoire. »4 Boris Bouchet, architecte, enseignant à l’ENSA de Clermont-Ferrand
3 Conférence « Milieux », BOUCHET Boris, le 8 novembre 2012 à l’ENSAG, http://www. grenoble.archi.fr/servideo/spip.php?article91, 9’30’’ 4 Id. 16’00’’
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L’architecture de ce projet s’appuie sur une matérialité, des proportions et une symbolique en accord avec le caractère et la tradition du territoire, tout en s’inscrivant pleinement dans notre temps grâce à une position attentive et engagée face aux défis du développement du milieu rural actuel et grâce à une écriture architecturale résolument contemporaine.
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Angle de porte, monastère de Solan, Perraudin architectes Š Valentin Mojeikissoff
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ii/ GIlles Perraudin chai du monastère de Solan
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Nom du projet : Chai du monastère de Solan Programme : Bâtiment d’activité agricole - chai à barriques, bureaux, atelier, stockage Lieu : Domaine agricole monastique de Solan, Bastide d’Engras (30) Maîtrise d’œuvre : Perraudin architectes : Gilles Perraudin et Elisabeth Polzella Maîtrise d’ouvrage : Communauté monastique de Solan, mère Hypandia Surface : 1000 m² SHON Calendrier : 2002 – 2007
« Je suis à l’origine de l’option écologique du Monastère. J’ai proposé aux Sœurs de valoriser leurs terres dans un respect de l’environnement, de faire de Solan une sorte d’écosite expérimental d’intérêt général. L’impact est désormais visible : des monastères orthodoxes roumains m’ont dernièrement demandé conseils pour suivre la même démarche. Solan va devenir un exemple d’agroécologie. Je ne suis d’aucune religion, mais il faut reconnaître que c’est dans le monde orthodoxe que l’engagement écologique est le plus affirmé. L’écologie ne peut pas être un paramètre parmi d’autres. C’est le fondement même de la vie et la vie transcende tout. Si la biosphère est détruite, quelle vie pourrait-on encore y entretenir ? C’est pourquoi il existe une urgence écologique. »1 Pierre Rabhi, , agriculteur, philosophe et essayiste
Compte tenu de la modestie des moyens de la communauté religieuse, le chantier se fera en auto-construction. Les efforts de construction et le temps disponible de la douzaine de sœurs pallieront le manque de moyens financiers, grâce à des frères religieux d’autres communautés venus en renfort, dont certains de Roumanie. C’est donc un projet de pierre massive en provenance d’une carrière locale que conçoivent les architectes Gilles Perraudin et 1
Pierre Rabhi, http://www.monasteredesolan.com/association.php
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Les religieuses orthodoxes du monastère de Solan dans le Gard pratiquent l’agro-écologie suivant les principes de Pierre Rabhi, conquises par le chai viticole de Vauvert de Gilles Perraudin, elles font appel à lui pour concevoir un bâtiment d’activités agricoles comprenant un chai à barriques, une cuverie, des espaces de stockage, des bureaux et des ateliers, pour développer leur production artisanale de vins, thés, confitures, encens, sauces, tapenades, savons, etc.
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Un chantier en auto-construction facilitÊ par la simplicitÊ du système constructif de la pierre massive
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Elisabeth Polzella. Ils dimensionnent le calepinage des pierres à partir des dimensions exactes d’extraction en carrière, ainsi le système constructif d’empilement de blocs bruts présente une grande simplicité de mise en œuvre, il ne nécessitera que la location de scies adaptées pour en redécouper certains et d’une grue avec une pince pour les mettre en place. Leur mission se limitait à la conception, ensuite les religieux ont assuré intégralement la mise en œuvre et toutes les finitions eux-mêmes, les architectes ont tout de même suivi bénévolement l’avancé des travaux, se rendant sur place à plusieurs occasions pour conseiller les auto-constructeurs lors d’étapes-clefs.
Le résultat, d’une grande simplicité et d’une grande élégance, s’intègre parfaitement au monastère malgré une écriture architecturale très différente. Le lien entre les deux est établi par l’harmonie de couleur et de texture de la pierre. 2 Jacques Anglade, cité par Dominique Gauzin-Müller dans « En images : le chai du monastère de Solan dans le Gard », Ecologik, n°06, décembre 2008 - janvier 2009.
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Le projet se présente comme un volume parallélépipédique rectangle d’une grande unité, renforcée par la répétition et le rythme des fentes verticales, sur tout son périmètre, hautes de deux niveaux et qui matérialisent le caractère sacré du lieu. Seules une distribution transversale traversant le volume au milieu et une petite extension faisant le lien avec le monastère rompent la régularité des fentes. A l’intérieur les hauteurs sous plafond varient de 2m30 à une double-hauteur de plus de 6m suivant la fonction des espaces et la topographie du site (une extrémité du bâtiment est semienterrée). Les planchers en bois ont été calculés par l’ingénieur Jacques Anglade qui, ému par le projet, déclare : « La légèreté que la lumière filtrée, réfléchie, diffractée confère à la pierre inverse les rôles : au bois, la massivité ; à la pierre, l’envol. La pesanteur et la grâce ! »2 Jacques Anglade
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Analyse du projet d’après la méthode VerSus Principes ENVIRONNEMENTAUX L’habitat est issu de son milieu naturel et s’y intègre 1. RESPECTER LA NATURE Matériaux écologiques (pierre du Gard, bois) et filière courte – Empreinte réduite Intégration harmonieuse Agro-écologie 2. BIEN S’IMPLANTER En accord avec la topographie du site et le monastère attenant – Topographie Semi-enterré – Inertie thermique du sol 3. DIMINUER LA POLLUTION ET LES DECHETS Matériaux bruts – Réduction de l’énergie grise Recyclage complet Empilement des blocs de pierre à sec – Chantier propre Filière courte pour les matériaux – Moins de transports 4. PRESERVER LA SANTE Matériaux sains Lumière naturelle Ventilation naturelle Forte inertie et matériaux sains pour l’affinage et la conservation du vin – Production saine
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5. ATTENUER LES EFFETS DES ALEAS NATURELS Forte inertie (semi-enterré et pierre) – protection contre les canicules
Principes SOCIO-CULTURELS L’habitat contribue à préserver et transmettre les valeurs reçues en héritage 6. PROTEGER LE PAYSAGE CULTUREL Pierre locale – Harmonie de couleur et de ton avec le paysage Territoire de vignobles – Vallées cultivées 7. TRANSMETTRE LES CULTURES CONSTRUCTIVES Auto-construction / Auto-finition Carrière proche – Adaptation aux ressources locales Religieux roumains venus participer à la construction – Diffusion des savoirs-faire 8. SUSCITER LA CREATIVITE Reconversion d’un espace de séchage de raisin en bureau – Évolution d’usage Utilisation des pierres restantes et des chutes pour aménagement extérieur – Recyclage Auto-construction et auto-finition – Expérimentation, dextérité, singularité
10. FAVORISER LA COHESION SOCIALE Circulation centrale – Rencontres Espaces de travail en commun (ateliers) – Espaces de convivialité, entraide Entretien co-responsable
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9. RECONNAITRE LES VALEURS IMMATERIELLES Intégration au monastère – Attachement au lieu Verticalité de la lumière et rythme des fentes lumineuses – Représentation symbolique, sacralité Intimité et présence de la pierre et du bois bruts – Paix et bienêtre
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Principes SOCIO-ECONOMIQUES L’habitat favorise l’autonomie des communautés et optimise les ressources locales 11. ENCOURAGER L’AUTONOMIE Auto-construction Production artisanale – Production intégrée, espaces de conservation 12. STIMULER L’ACTIVITE LOCALE Charpentiers locaux – Construction locale Circuits courts Transformation locale 13. OPTIMISER LES EFFORTS DE CONSTRUCTION Empilement de blocs de pierre taillés – Simplicité technique Construction basée sur les capacités des différents acteurs – Utilisation optimisée, planification en étapes Matériaux bruts Nombre de matériaux réduit Espaces évolutifs 14. PROLONGER LA VIE UTILE DES BATIMENTS Pierre « inaltérable », essence de bois Douglas – Matériaux résistants Auto-construction – Entretien
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15. EPARGNER LES RESSOURCES Inertie du sol et de la pierre, pas de chauffage – Autonomie énergétique Sobriété
Menuiseries, protections solaires, portes, éclairages, rangements... Toutes les finitions ont été réalisées artisanalement par les religieux
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D’après les résultats de cette analyse, le projet est une grande réussite d’un point de vue soutenable. En effet il répond avec pertinence à la quasi-totalité des critères considérés dans chacun des trois pôles de la soutenabilité. Cette efficacité revient autant à la qualité de la démarche des architectes et de la conception de ce projet qu’à la situation unique d’un chantier en auto-construction d’une communauté religieuse activement engagée dans la voie de la responsabilité écologique et garante de son autonomie.
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MatĂŠrialitĂŠ brute, prĂŠsence forte de la pierre et du bois
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Gilles Perraudin a réalisé ses études d’architecture dans les années 1970, à une époque de première prise de conscience des destructions des ressources naturelles et des déséquilibres fondamentaux sur la terre qu’engendrait le monde consumériste. Sa formation d’architecte s’accompagne dès le début d’une démarche de rejet de la consommation et de préoccupation environnementale. Immédiatement alerté et séduit par les architectures vernaculaires, il comprend que l’utilisation de matériaux naturels est indispensable pour faire une architecture respectueuse de l’environnement, mais pas seulement, une telle architecture suppose aussi une intelligence dans les dispositifs spatiaux. Ses échanges avec l’architecte André Ravereau ont été déterminants. L’expérience de ce dernier en Algérie lorsqu’il découvre l’architecture et l’urbanisme des cités du M’zab, le conduisent à transposer ses réflexions à partir du climat et de l’architecture vernaculaire dans une attitude, une technologie et une manière de produire qui soit actuelle.
3 Conférence «Construire en pierre», Gilles Perraudin, le 7 janvier 2013 à la Cité de l’Architecture, Paris, http://www.perraudinarchitectes.com/actualite/actualite.html, 1’30’’
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Lors d’une conférence sur l’architecture de pierre, l’architecte lyonnais commente une citation de Rolland Barthès : « Tout à coup, je me suis aperçu qu’il m’était indifférent d’être moderne ».3 Cette phrase illustre assez bien, selon lui, le fond de sa démarche, celle d’être dans l’intemporalité, de se refuser à construire une sorte de préoccupation individuelle, formelle, de dépasser une certaine « attitude à la mode » pour inscrire son travail dans une véritable recherche contemporaine. Construire avec des matériaux naturels et dans une cohérence des dispositifs spatiaux vis-à-vis du climat et du sens de l’espace constituent pour Gilles Perraudin la voie fondatrice d’une démarche environnementale.
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Façade, Maison du parc naturel, Joly&Loiret architectes © Michel Denancé
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iii/ joly&loiret maison du parc naturel rÊgional du Gâtinais
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Le bâtiment principal depuis l’entrée de la parcelle
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Nom du projet : Maison du parc naturel régional du Gâtinais - « De grès et de pin » Programme : Bâtiment d’activité – bureaux, locaux, espace événementiel Lieu : Milly-la-Forêt (91) Maîtrise d’œuvre : Joly&Loiret Maîtrise d’ouvrage : Conseil général de l’Essonne Surface : 1000 m² SHON Calendrier : 2009 – 2013 Distinctions : Lauréat du Prix national des architectures en terre crue 2013 (aménagement intérieur) Lauréat du Prix de l’architecture de l’Essonne 2013 Laurier de la construction Bois 2014
En tant que Maison du parc naturel régional du Gâtinais, les architectes Joly&Loiret ont naturellement cherché à représenter l’identité du territoire dans ce projet et à l’inscrire dans la continuité typo-morphologique du patrimoine et des paysages de la région. Sur le site deux granges ont été conservées et réhabilitées, le nouveaux bâtiment vient s’adosser à un muret de pierre existant, en limite de parcelle. Il dégage ainsi un grand espace au milieu du terrain, transformé en jardin pédagogique avec une mare au centre et une cour pavée à l’entrée du projet au nord.
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Plans du RdC et R+1
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Vue sur le jardin pĂŠdagogique et vue intĂŠrieure depuis le hall en double-hauteur
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Les éléments singuliers et caractéristiques du projet sont un grand mur en briques de terre crue recouvert d’un enduit monocouche en terre au coeur du bâtiment principal, sur deux niveaux, également des ouvertures zénithales sur la pente de toiture à l’ouest, un hall d’entrée en double hauteur, une trame dans la longueur accueillant les espaces servis (espaces de travail cloisonnés et flexibles) ouverts sur le jardin, à l’est, et les espaces servants (archives, copies, sanitaires...), à l’ouest, séparés par un large couloir baigné de lumière naturelle. Enfin le projet se présente comme deux couches superposées : un RdC paré de pierre de grès, en provenance d’une carrière locale (Moigny) et enduit à la chaux, et un étage et toiture à deux pans bardé de bois locaux (Douglas des Vosges et Douglas de la Loire pour les volets). Le projet répond à des critères de conception bioclimatique et les matériaux employés sont écologiques et issus de filières courtes de production et d’approvisionnement.
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Coupe transversale
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Analyse du projet d’après la méthode VerSus Principes ENVIRONNEMENTAUX L’habitat est issu de son milieu naturel et s’y intègre 1. RESPECTER LA NATURE Matériaux écologiques (pierre, bois, terre, laine de bois et laine de chanvre) et filières courtes – Empreinte réduite Grand jardin pédagogique et mare ; Façade accueillant des nichoirs (mésanges, chauves-souris...) ; Fourniture locale et espèces endogènes pour les plantations ; Zones de retrait dans le mur en pierre pour favoriser la colonisation par la faune - Biodiversité Récupération des eaux pluviales 2. BIEN S’IMPLANTER Ventilation naturelle traversante – Adaptation climat et vents Profite des apports solaires (lumière, chauffage) – Orientation 3. DIMINUER LA POLLUTION ET LES DECHETS Matériaux peu transformés ; Etanchéité de la mare en argile – Réduction de l’énergie grise Préfabrication, filière sèche – Chantier propre Filière courte pour les matériaux – Moins de transports Réhabilitation des granges Récupération des eaux pluviales 4. PRESERVER LA SANTE Matériaux sains Lumière naturelle Mur intérieur en briques de terre crue et enduit monocouche en terre – Régulation hygrothermique Isolation et inertie du bâtiment – Confort thermique Ventilation naturelle et CTA – Qualité de l’air joly&loiret
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5. ATTENUER LES EFFETS DES ALEAS NATURELS Pas de données
Principes SOCIO-CULTURELS L’habitat contribue à préserver et transmettre les valeurs reçues en héritage 6. PROTEGER LE PAYSAGE CULTUREL Continuité typologique urbaine Symbolique du séchoir 7. TRANSMETTRE LES CULTURES CONSTRUCTIVES Mur de pierre et mur de terre – Mémoire constructive Sessions de formation des entreprises sur la question de l’étanchéité à l’air – Formation, évolution 8. SUSCITER LA CREATIVITE Nichoirs en façade est – Singularité 9. RECONNAITRE LES VALEURS IMMATERIELLES Réinterprétation formelle de la grange – Identité culturelle Préservation du muret et réhabilitation des granges – Identité historique
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10. FAVORISER LA COHESION SOCIALE Couloirs de circulation élargis et baignés de lumière naturelle – Espaces de convivialité Hall d’entrée double-hauteur et continuité avec la cour pavée donnant sur l’accueil – Aménagement d’espace « public »
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Principes SOCIO-ECONOMIQUES L’habitat favorise l’autonomie des communautés et optimise les ressources locales 11. ENCOURAGER L’AUTONOMIE Récupération des eaux pluviales pour arrosage et sanitaires – Collecte et stockage 12. STIMULER L’ACTIVITE LOCALE Essences de bois, carrière et entreprises locales – Construction locale Chaudière bois, fourniture de plaquette de filière locale – Énergie locale Bâtiment d’activité, espaces événementiels créés – Potentiel de dynamisation de l’activité locale 13. OPTIMISER LES EFFORTS DE CONSTRUCTION Réhabilitation des granges Préfabrication – Mise en œuvre rapide 14. PROLONGER LA VIE UTILE DES BATIMENTS Prolongement de la vie des bâtiments existants Pierre, huile de lin avec pigments naturels pour assurer une homogénéité dans le vieillissement des bardages extérieurs – Matériaux résistants
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15. EPARGNER LES RESSOURCES Limitation des surfaces déperditives de l’enveloppe – Compacité Excellente isolation et forte inertie – Réduction des pertes d’énergie Mur intérieur en terre et ouvertures zénithales – Système passif Lumière naturelle même au RdC grâce à une « passerelle » ajourée – Diminution des besoin en éclairage artificiel Recours au minimum de systèmes actifs
« Le vernaculaire n’est pas une architecture de paysan, elle est véritablement savante. »1 Paul-Emmanuel Loiret, architecte et enseignant à l’ENSAG
Il se dégage une réelle authenticité et une chaleur de ce projet. Les matériaux locaux, l’implantation du bâti qui préserve le caractère fermé du site tout en libérant un large espace pour la cour et le jardin, le végétal, la réhabilitation des granges, l’adossement au muret en pierre existant sont autant de caractéristiques qui l’inscrivent dans son contexte et évoquent les paysages du Gâtinais. 1
Extrait d’un entretien avec Paul-Emmanuel Loiret, le 15 avril 2014.
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L’analyse par la méthode VerSus confirme le bon équilibre du projet. Sa plus grande force est son rapport à la nature à travers l’utilisation de matériaux écologiques, l’attention portée à la réduction d’énergie grise et d’énergie finale, la mise en place d’un grand jardin pédagogique, d’une mare et de nichoirs pour animaux, une sélection d’essences végétales locales et la récupération des eaux pluviales. En revanche le chantier a été extrêmement rapide, de nombreux éléments étaient préfabriqués et la mise en œuvre sur place s’est faite très rapidement à l’aide de nombreuses machines, d’un point de vue vernaculaire il n’y a pas eu de véritable événement social autour de l’acte de bâtir. Compte tenu de la rapidité d’édification le chantier n’a pas pu être un lieu d’expérimentation, d’échange de savoirs-faire ou de participation et de responsabilisation des futurs usagers par exemple. La rapidité d’exécution et la propreté du chantier contrebalancent positivement cette critique.
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MaĂŽtrise des ambiances : visuelle, lumineuse, olfactive, chaleureuse, etc.
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La volumétrie épurée, le traitement fin des détails (chéneaux, encadrement des ouvertures...), la justesse des proportions, le rythme, la stratification du bâtiment et la qualité des ambiances créées (visuelle, lumineuse, acoustique, thermique et même olfactive) donnent à cet élégant projet de Joly&Loiret ses lettres de noblesse.
Dans le projet de Milly-la-Forêt, avant la pertinence programmatique, avant la forme du bâtiment, avant tout autre aspect c’est bien la qualité des ambiances qui sublime son architecture. Il faut relever l’efficacité avec laquelle la sobriété blanche de l’aménagement intérieur met en valeur le mur de terre au centre de l’espace ; il faut constater la douceur et l’apaisement que produit la lumière zénithale dans ces volumes épurés ; il faut se projeter au cœur d’un jardin de plantes aromatiques, tinctoriales et médicinales avec une mare et de vieilles pierres, et ressentir le parfum du lieu. C’est une réalisation en harmonie avec la tradition du territoire, avec la flore et la faune locales et avec nos sens.
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La méthode des architectes trouve son fondement dans la théorie de la complexité. Attentifs à un large éventail de paramètres déterminants pour la conception, ils prônent une approche déductive, le contexte et diverses « données de projet » (nature, culture, histoire, état des lieux actuel, avenir) vont orienter son évolution. Cette méthode « bottom up » s’oppose à la logique inductive du projet au sens classique. Paul-Emmanuel Loiret décrit le processus de conception de la manière suivante : en premier lieu se situe le langage, c’est-à-dire la parole, la discussion, les idées qui font naître le projet ; puis c’est au tour de la géométrie, c’est-à-dire la formalisation de ces idées, la géométrie est la grammaire de l’architecture ; enfin la dernière étape est celle de la phénoménologie, c’est-à-dire les ambiances, les données sensibles, le rapport aux êtres et aux usages. Mais c’est cette dernière composante qui figure au centre de l’Architecture, qui lui donne sa force et son authenticité.
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Mandalay, Myanmar Š Marine Guis
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iv/ Construire ailleurs
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MusÊe d’histoire de Ningbo, recyclage de vieilles tuiles et pierres
construire ailleurs
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WANG SHU / MODERNITE ET TRADITION CHINOISE
Ce qui intéresse Wang Shu dans l’étude de la tradition chinoise est son potentiel à fournir une orientation, elle permet de prendre position de manière critique face à l’évolution de la Chine, la tradition est une inspiration. Le développement de la Chine est au cœur de toutes les attentions depuis quelques années maintenant, l’explosion de sa croissance et sa transformation en profondeur sont presque irréels. L’architecte témoigne de la perte d’identité d’une civilisation plusieurs fois millénaire et de la métamorphose en trente ans de la ville d’Hangzhou, considérée par les chinois comme le cœur de la culture chinoise : « Dans cette phase de développement fulgurant, Hangzhou a perdu quatre-vingt-dix pour cent de son habitat traditionnel. […] Il en va de même à peu près partout en Chine ; je dis souvent que, dans les événements les plus importants de ces dernières décennies, avant même le 11 septembre, il faut compter le fait que la Chine, pays à l’histoire plusieurs fois millénaire, a décidé de détruire les neuf dixièmes de son patrimoine bâti. »1 Wang Shu œuvre pour la quête d’une identité moderne de la Chine respectueuse de sa propre histoire. Lorsqu’il construit le musée d’histoire de Ningbo, il récupère et réutilise les pierres et les belles tuiles des vieux quartiers que la ville démolit au même 1 SHU Wang, Construire un monde différent conforme aux principes de la nature, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2013, p18.
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Au cœur de la réflexion de Wang Shu se situe le rapport à la nature et à la tradition. C’est avec beaucoup de sensibilité et de philosophie que l’architecte lauréat du Global Award for Sustainable Architecture 2007 et prix Pritzker 2012 mène une réflexion sur les liens entre l’homme, ses réalisations, la nature et les conditions d’une osmose entre eux, puisant son inspiration dans la poésie, l’histoire, la calligraphie et la peinture chinoise du début du millénaire dernier. Cette réflexion poétique et philosophique s’accompagne fondamentalement d’observations pointues sur la technique, les savoirs-faire et les modes de vie des artisans.
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moment, recourant ainsi à une technique traditionnelle de maçonnerie sèche qui utilise les débris de démolition (après le passage d’un typhon par exemple), appelée wapan.
« Les réalisations humaines peuvent être extrêmement proches de la nature, coexister en parfaite osmose. C’est la pensée fondamentale, mais cela ne signifie pas que les procédés mis au point soient utilisables une fois pour toutes. Parce qu’il s’agit de choses profondément reliées à l’expérience quotidienne de chacun, chaque génération a sa propre réflexion à mener, ses propres questionnements à formuler, en suivant toujours la même voie. Beaucoup de choses évoluent à l’intérieur de ces principes, mais l’esprit, lui, ne change pas. »3 Wang Shu
2 3
SHU Wang, op. cité, p49. Id., p26.
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Le nom de son agence, Amateur Architecture Studio, provient de son positionnement par rapport aux pratiques généralisée de l’architecture, en particulier dans le contexte difficile de la Chine qui continue de pratiquer méthodiquement la tabula rasa. Surtout il symbolise l’humilité de sa position de chercheur vis-à-vis des savoirs-faire traditionnels et des artisans. Le contact auprès de ces derniers est « le seul moyen de faire revivre la tradition et de reprendre le fil »2 Ainsi il a passé les années 1990 sur les chantiers auprès d’artisans pour apprendre les techniques traditionnelles qu’il appliquera ensuite dans ses projets, de manière sensible et poétique, tout en s’appuyant sur un vocabulaire architectural très contemporain. Toujours soucieux des relations édifice/paysage/nature, il réinterprète les formes et les usages traditionnels pour rétablir une continuité entre tradition et modernité en Chine.
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BASEhabitat : B pour basique et beau ; A pour architecture et ‘’aestetics’’ ; S pour social et soutenable ; E pour énergie et éducation.
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METI School, Rudrapur, Bangladesh
ANNA HERINGER / L’ESTHETIQUE DU SOUTENABLE « La vision qui sous-tend et motive mon travail est d’explorer l’architecture et de l’utiliser comme moyen de renforcer la confiance culturelle et individuelle, de soutenir l’économie locale et de mettre en place un équilibre écologique. »4 C’est dans la plus petite école d’architecture d’Autriche, à Linz, au sein du laboratoire BASEhabitat, qu’Anna Heringer a obtenu son diplôme et trouvé la possibilité de conduire ses premières réalisations en tant qu’étudiante puis architecte au Bangladesh. De premières missions humanitaires dans la région avaient fait naître chez elle une réflexion et un désir d’agir dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres au monde, ainsi elle finalise ses études en 2006 en concevant le projet METI School, une école artisanale dans une zone rurale à forte densité et très pauvre, au nord du pays. Ce projet a été récompensé par le prix de l’Aga Khan 2007 pour sa beauté, sa simplicité et son humanité.
« Notre but n’est pas de remplacer la culture architecturale locale, mais de l’ennoblir, pour que cette culture et cette beauté restent en vie, et nous maintiennent en vie. »5 Elle s’approprie les cultures constructives traditionnelles de la région et les réinterprète pour adapter l’architecture à l’évolution des 4 Anna Heringer, citée par Marie-Hélène Contal, dans Habiter écologique, p 161 5 Anna Heringer, citée par Dominique Gauzin-Müller, dans « La beauté n’est pas un luxe, mais une nécessité », Ecologik, n°1, Février 2008, p72
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La jeune architecte conçoit une architecture pour et par les populations. Elle voit dans la conception et la réalisation d’un projet l’occasion de partager des savoirs, d’établir des échanges directs avec les apprentis architectes, les futurs usagers et les artisans locaux. Dans une perspective de développement soutenable, elle adhère à une recherche de solutions locales face à des enjeux globaux. En renforçant un réseau d’architectes et d’artisans, la possibilité d’un développement local autonome est créée.
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DESI Trainingcenter, centre de formation pour électriciens
« La soutenabilité est un synonyme de beauté : un immeuble qui est harmonieux dans son dessin, sa structure, sa technique et l’usage des matériaux, et en même temps harmonieux avec l’endroit, l’environnement, l’usager, le contexte socio-culturel. Cela, pour moi, est ce qui le rend soutenable et lui donne une valeur esthétique. »6 Anna Heringer
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L’energie pour la construction provient des hommes et des buffles d’eau 6 Anna Heringer, citée par Florence Sarano, dans « Anna Heringer, itinéraire engagé d’une architecte d’aujourd’hui », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°381, janvier 2011, p48.
modes de vie. Dans ses premiers projets au Bangladesh, la METI School, les Home made Houses et le DESI Building, le matériau terre est privilégié, associé au bambou, à la paille... La terre est préférée dans une perspective économique à échelle humaine où l’argent est destiné aux ouvriers plutôt qu’à l’importation de matériaux sans qualités spécifiques au contexte. Outre son coût très avantageux, ce matériau est disponible sur place, écologique, entièrement recyclable et présente d’excellente qualités propres pour le confort, particulièrement dans ces régions chaudes et humides. De plus il permet à l’architecte d’explorer différentes manières de le mettre en œuvre correspondant à différentes ambiances recherchée et différents usages de l’espace, en jouant sur les épaisseurs, les percements, les positions du corps, etc.
Du choix des matériaux et systèmes constructifs à la participation des habitants pour la construction, en passant par l’étude des cultures constructives ou le partage des connaissances, ces différents aspects que Anna Heringer intègre dans sa manière de conduire son architecture définisse une esthétique du soutenable pour elle.
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Les savoirs-faire des artisans locaux sont privilégiés, afin de valoriser et transmettre les cultures constructives locales, par exemple les ouvriers bangladais ont fait évoluer certaines mises en œuvre de la terre : en partageant leur technique de façonnage de la bauge, les ouvertures à angle droit initialement taillées à la pelle plate évolueront vers un mouvement courbe dans le projet METI School. La moitié des quelques centaines de tonnes de terre nécessaires au projet a été acheminée par tracteur depuis un site éloigné de seulement 4km, tout le reste de l’énergie employée pour la construction provient des hommes et de huit buffles d’eau. L’importante main d’œuvre nécessaire réunit enfants, familles, professeurs et artisans et créent les conditions d’un véritable événement social autour du chantier.
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conclusion
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Pour toutes ces raisons l’architecture vernaculaire répond aux problématiques du « développement durable » compris comme décroissance conviviale, éthique de la sobriété et dans une approche holistique. Il faut prendre soin de ne pas faire l’apologie d’une épo-
conclusion
Après avoir mis en évidence certains dangers et limites du modèle de développement économique et sociétal de l’époque moderne, en terme de ressources naturelles et énergétiques, d’auto-alimentation de besoins artificiels et dérives contre-productives, de perte d’identité culturelle et individuelle, etc. nous nous sommes intéressé aux leçons que nous pouvons apprendre de l’architecture vernaculaire. Par définition cette dernière appartient à un contexte, ou milieu, à une tradition, à une culture donnée. Elle ne peut se suffire à elle-même au sens d’une discipline architecturale autonome, qui répondrait à ses propres enjeux, dans un jeu purement formel, théorique, gratuit. Au contraire elle recouvre de multiples champs disciplinaires, elle se nourrit de contraintes et d’opportunités aussi bien physiques, économiques et matérielles qu’humaines, spirituelles ou culturelles. Dans ce mode de production vernaculaire, l’« objet architectural » n’est jamais une fin en soi mais il est compris dans toute sa temporalité : de la nécessité de répondre à un besoin par une architecture jusqu’à sa fin de vie – son recyclage, son réemploi ou sa reconversion – en passant par sa construction, son entretien et les diverses modifications et évolutions qu’il peut subir.
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que révolue, de ne pas se laisser entraîner dans une nostalgie passéiste. La portée d’une architecture vernaculaire considérée pour elle-même n’excède pas celle d’un exemple d’adaptation à une situation particulière, c’est par l’analyse des conditions d’émergence des architectures vernaculaires et par la synthèse d’une multitude de formes d’adaptation en quelques principes et stratégies identifiés que l’architecture vernaculaire peut agir comme modèle.
conclusion
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Le projet inter-universitaire européen VerSus œuvre dans ce sens. Après avoir préalablement remanié les trois piliers de la soutenabilité (environnemental, social, économique) pour y inclure la dimension culturelle, il nous offre un outil d’analyse sous forme de principes et stratégies, pour juger de la pertinence d’un projet dans une perspective de soutenabilité. Appliquée à une sélection de projets contemporains, cette grille d’analyse permet d’identifier leurs forces et leurs faiblesses et surtout de juger de l’équilibre des projets suivant les différentes dimensions de la soutenabilité. Les projets étudiés répondent effectivement bien à ces critères, ils apportent la preuve qu’aujourd’hui en France il est possible de produire une architecture contemporaine conforme aux principes d’équilibre, de sobriété et d’harmonie recherchés sans sacrifier au confort, à l’esthétique et à l’expression architecturale, tout en respectant les diverses réglementations en vigueur. Il s’agit bien là de l’un des enjeux essentiels du développement d’une architecture éco-responsable : « Prouver par l’exemple qu’écologie rime avec création architecturale ».1 Au delà des enjeux environnementaux, socio-culturels et socioéconomiques auxquels l’architecture écologique tente de répondre, l’architecture vernaculaire offre une leçon essentielle, celle de l’authenticité. Cette leçon touche au caractère de vérité et de légitimité de la démarche architecturale et permet de se positionner 1 GAUZIN-MÜLLER Dominique, Habiter écologique, quelles architectures pour une ville durable ? Arles, Actes Sud / Cité de l’architecture et du patrimoine, 2009, p18.
« C’est dans l’hybridation entre low-tech et high-tech que se cachent sans doute les solutions à la fois économiques et écologiques dont nous avons besoinLa redécouverte de pratiques ancestrales réduira notre dépendance vis-à-vis de machines sophistiquées, faillibles et imparfaites, dont bien peu d’entreprises maîtrisent la mise en œuvre. »2 2 Dominique Gauzin-Müller, « Confort d’été et ventilation naturelle », dans Ecologik n°38, avril-mai 2014, p58.
conclusion
d’un point de vue éthique en tant qu’architecte. Considérer seulement l’impact environnemental d’un projet, son efficacité économique, sa réponse à une problématique sociale, son implication dans une démarche culturelle au détriment de sa dimension purement esthétique peut conduire à la perte du caractère insondable de l’émotion architecturale, à ne plus savoir distinguer l’Architecture avec un grand « A » de la banale construction et en fin de compte à décrédibiliser le rôle de l’architecte. Naturellement l’excès inverse conduit à la production stérile d’objets tout juste susceptibles d’attiser la curiosité d’amateurs d’art en quête de « nouveauté ». Si l’architecture vernaculaire semble échapper aux modes, aux courants stylistiques et autres dogmes esthétiques cela tient à la nécessité qui la caractérise et à la force de la tradition, toutefois dans le contexte qui est le nôtre, il n’est pas possible de nier plus d’un siècle de culture architecturale ancrée dans la modernité. Ainsi une architecture authentique doit savoir apporter des réponses face aux défis de notre temps (transition énergétique, péril écologique, diversité culturelle menacée, etc.) en redécouvrant le sens du lieu auquel elle appartient, ses ressources, ses savoirs-faire, son identité, tout en démontrant une maîtrise de l’écriture architecturale contemporaine et des ambiances créées, une capacité à combiner différentes solutions constructives entre elles, à optimiser des savoirs-faire et dégager de nouveaux possibles à partir des réseaux modernes existants.
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L’architecture vernaculaire offre une voie vers une situation d’équilibre entre les hommes et leur environnement et entre les hommes entre eux. En apprenant à identifier des valeurs communes, à mutualiser les efforts, à protéger les savoirs-faire et l’intelligence collective, toutes les conditions sont réunies pour agir positivement et efficacement. « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » disait Gandhi, en tant qu’architectes nous avons le pouvoir et probablement aussi le devoir d’agir et influer sur le cours des choses. D’une part parce que le secteur du bâtiment est responsable d’une proportion importante de la consommation d’énergie finale et des émissions de CO23 et d’autre part parce que l’architecture constitue l’essentiel du cadre de vie de tous les hommes, bénéficiant ainsi d’un pouvoir inouï de suggestion, d’exemple et d’accompagnement de l’évolution des consciences. L’architecture vernaculaire enseigne l’adaptation aux contextes, aux ressources et aux réseaux, le plus puissant d’entre eux aujourd’hui n’est autre qu’internet. Nous ne sommes qu’aux balbutiements de cette nouvelle ère de mise en relation virtuelle mais nous constatons déjà son immense potentiel de communication et de relais d’information. La toile se présente comme le média idéal pour sensibiliser les esprits, encourager les démarches d’acteurs impliqués et pour que chaque pas vers l’équilibre trouve son écho partout à travers le monde.
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104
3
Cf. p20
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