La masculinité du journaliste dans le cinéma occidental

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UNIVERSITE GRENOBLE ALPES Institut d’Etudes Politiques

Philippe Girardet

La figure du journaliste dans le cinéma occidental Une étude de sa masculinité

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2017/2018 Séminaire Média et Société Sous la direction de Roselyne Ringoot

Photo o tage alis pa Philippe Gi a det à pa ti de aptu es d’ men ; Salvador ; State of Play

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a des fil s suiva t : Fear and Loathing in Las Vegas ; All p eside t’s


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UNIVERSITE GRENOBLE ALPES

Institut d’Etudes Politiques

Philippe Girardet

La figure du journaliste dans le cinéma occidental Une étude de sa masculinité

2017/2018

Séminaire Média et Société Sous la direction de Roselyne Ringoot

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En hommage aux réalisateurs de génie qui bercèrent mes nuits tout au long de ce long chemin qu'est la rédaction d'un mémoire.

Photo o tage alis pa Philippe Gi a det via des aptu es d’ P eside t’s e , A se e of Mali e

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a des fil s suiva t : State of Play, Rum Express, Citizen Kane, All

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“To be a good journalist, I think you have to forget that those are real people” Robin s’adressant à Greg durant une mission en Afrique du Sud ; Bang Bang Club

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Je voudrais tout d’abord remercier Roselyne Ringoot pour son aide, sa patience et ses idées qui m’inspirèrent énormément tout au long de l’année.

Par ailleurs, je souhaiterais remercier ma famille pour son aide précieuse et son soutien sans faille qu’importent les aléas de la vie. Un grand merci à mon père pour sa présence salvatrice tout au long du processus de création, ce dernier ayant réussi à m’aiguiller sur le bon chemin à chaque péril rencontré.

De plus, ce mémoire ne serait pas le même sans l’aide nécessaire que Marta Lučić sut m’apporter, de par son sérieux, sa créativité débordante et son style indéniable.

Enfin, je voudrais aussi émettre une pensée émue pour mes grands-parents qui surent m’enseigner l’amour du travail bien fait et l’humilité.

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SOMMAIRE Introduction

I / Masculinité et stéréotypes : Le journaliste comme figure du bien Le courage et la force physique : le journaliste, un héros La détermination, ou le refus des compromis L’ambition du journaliste de fiction : entre humilité et mégalomanie

II / La masculinité du journaliste de fiction : L’anti-héros, ou le journaliste désabusé De la solitude comme constituant du journaliste retranscrit sur le grand écran Le journaliste de fiction perdu entre vice et vertu La déception amoureuse ou les affres du cœur

III / Du renouveau dans les Newspaper Movies : Masculin/Féminin Les femmes dans le journalisme au cinéma : rencontre avec le sexe opposé et découverte d’une masculinité Un renouvellement des caractéristiques de masculinité dans les œuvres contemporaines

Conclusion ANNEXES BIBLIOGRAPHIE TABLE DES ILLUSTRATIONS TABLE DES MATIERES RESUME 6


INTRODUCTION

Le concept de masculinité s’inscrit dans le vaste débat sur ce qui, entre la nature et la culture, détermine les comportements humains. Le débat date au moins du XVIIIe siècle. Ainsi, le médecin Itard essaya de montrer que l’enfant sauvage Victor qu’on trouva en Aveyron dans un état plus proche de l’animal que de l’être humain pouvait progresser grâce à l’éducation. L’enfant fit quelques des progrès ce qui montre l’importance de l’apprentissage dans le développement. Mais il ne parvint jamais au niveau de langage de son âge, ce qui montre que l’efficacité de l’éducation dépend du niveau de développement physique et neurologique. Ainsi, à la question : « Qu’est-ce qu’une femme ? » Madame d’Épinay répondait que c’était un être de culture entièrement façonnée par son éducation, alors que Diderot affirmait que les comportements féminins s’expliquent par la nature de la femme (anatomie, physiologie). Le débat est toujours actuel. D'un côté, les travaux de la psychologie évolutionniste soutiennent que ce sont les différences biologiques qui induisent la spécificité des comportements des femmes et des hommes. De l'autre, l'anthropologie et la sociologie la voient comme le produit de constructions sociales reposant sur des stéréotypes et une domination masculine qui aurait organisé une partition des rôles sociaux. C’est dans les années 1970, en liaison avec les mouvements féministes qu’est né aux USA le champ « Women’s studies » qui cherche à cerner l’identité féminine dans la société, en politique et à travers l’histoire. Puis, dans la décennie suivante, en partie en réaction contre les opposants aux théories féministes sont apparues les « Men’s studies » Ces différentes recherches sont à l’origine de la théorie du genre qui distingue le sexe, vu comme une donnée physique, et le genre qui se voit alors comme une construction culturelle. La féminité comme la masculinité sont des concepts de genre à considérer indépendamment de notre sexe. Féminité et masculinité sont le résultat d’un apprentissage social. Ce sont des rôles joués par les individus en fonction de leur éducation. La masculinité se présente comme un modèle comportemental propre à l’individu de sexe masculin. L’homme comme la femme intériorisent ce modèle. Ainsi, pendant longtemps un homme devait montrer des qualités de courage physique. Son éducation lui avait appris qu’il devait se battre en cas de conflit (bagarres, duels, etc.). Une femme trouvait alors naturel que l’homme se comporte ainsi. 7


Ce modèle social varie selon les cultures. Il varie dans l’espace. Déjà, dans les années 1930, la sociologue Margaret Mead avait montré que les hommes des tribus de Nouvelle-Guinée ont des comportements très différents de ceux des sociétés occidentales. Chez les Arapeshs, ils s’occupent des enfants autant que les femmes. Chez les Chambulis, ils se livrent à des activités artistiques et n’ont aucun pouvoir économique. Ce modèle varie aussi dans le temps. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’évolution des rapports entre les femmes et les hommes, depuis le début du XXe siècle, en particulier dans le domaine du droit. Enfin, il varie selon ce que Bourdieu nomme l’habitus des individus. Dans certains milieux, pour « être un homme », il faut être tatoué, boire de l’alcool, consommer de la drogue, faire de la moto, agresser les homosexuels, etc. Il y a donc plusieurs formes de masculinité. La recherche de la sociologue australienne Raewyn Connell 3 semble, pour le moment, le document majeur, quasi fondateur, des ouvrages sur la théorie du genre et la recherche sur la masculinité. Son ouvrage reste, pour le moment, l’étude la plus complète et la plus poussée sur le sujet. Nous allons à présent en détailler d’autres pour approfondir la question. La recherche sur la masculinité a pris différentes formes et différentes expressions que nous allons maintenant lister. Exprimer le genre et les modèles de masculinité leur donne de la force et de la reconnaissance comme le disait Picou en 2014. En effet, selon ce dernier, la notion de genre vue comme une performance permet d’étendre le domaine de compréhension du genre sexuel et d’effacer les différences principalement binaires qui furent imposer à partir du 18ème siècle. La performance et l’expression du genre, et surtout de la masculinité dans notre cas, définissent l’identité et la position des individus dans la société. Cette pensée, issue de celle de Picou, peut être aisément connectée à celle que Judith Butler expliqua dans son ouvrage fondateur publié en 19884. Dans sa théorie du théâtre du genre, elle expique que les individus performent dans la société des actes de genre, telles les Drag Queens comme précurseures et instigatrices de ce mouvement de libération genré. Judith Butler s’est, par ailleurs, largement inspiré de la métaphore du théâtre social qu’Erving Goffman développa longuement dans son ouvrage sur les institutions totales publié en 1961 et nommé « Asylums ». De ce fait, pour reprendre la pensée de Butler, le corps de l’individu n’est qu’un 3

Mas uli it s. E jeu so iau de l’h g o ie. T adu tio : Clai e Ri ha d, Cl e e Ga ot, Flo ia Vo os, Marion Duval, Maxime Cervulle. Édition établie par Meoïn Hagège et Arthur Vuattoux, Paris, Amsterdam, 2014. 4 Butler, J. (1988.) Performative Acts and Gender Constitution: An Essay in Phenomenology and Feminist Theory, Theatre Journal, 40 (4),519-531.

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construit social et historique qui fut développé dans toutes les sociétés et de tous temps. En effet, ceci rejoint la pensée développée par l’anthropologue Margaret Mead dans son étude de trois sociétés primitives en Océanie, qu’elle publia en 1935 aux Etats-Unis5. Selon cette dernière, les tempéraments que la société pense être purement masculins se retrouvent dans d’autres sociétés comme étant des traits féminins et inversement. Le point important de cette démonstration reste tout de même la réputation masculine, « the male reputation » pour reprendre les termes exacts utilisés par Murray6. Ce dernier met en évidence l’importance d’une identité masculine développée au travers de la réputation que l’individu acquiert et construit. Il rajoute qu’en plus de la construction de cette réputation, l’expression de la masculinité de l’individu passe souvent par un comportement qualifié d’hypersexuel. Cependant, il y a d’autres perspectives pour appréhender la masculinité et lui donner des explications sérieuses. En 2012, Hanlon7 affirmait qu’il n’était pas possible de comprendre le concept de masculinité sans s’intéresser en profondeur aux relations de dominance et de pouvoir qui en découlaient, sans oublier l’importance que revêt l’aspect émotionnel de la vie des hommes8. Il est donc important de mettre en lumière la partie émotionnelle de la création d’une identité de genre, et surtout de la formation de l’identité masculine. En opposition au modèle classique et bien connu de la masculinité hégémonique, aussi appelée la masculinité dominante9, il existe donc le modèle de la masculinité attentionnée, ou caring masculinity en anglais10. Ce modèle de la masculinité attentionnée fut développée plus longuement dans un ouvrage récent de Karen Elliot11. Il est donc évident de constater que, de nos jours et selon la littérature scientifique récente, les masculinités sont multiples et différentes selon chaque individu. Néanmoins, il est possible d’identifier des points communs qui permettent de dresser des portraits stéréotypés et caricaturaux des différents types de masculinité. Ceci fut chose faite, dans l’univers du héros masculin dans le cinéma, par de nombreux auteurs, surtout après le changement de siècle et nous pouvons observer que cette littérature ne fait que grossir de plus en plus. Le médium du 5

Margaret Mead., (1935.), Sex and Temperament in Three Primitive Societies Murray-Swank, N. A., Pargament, K. I., Mahoney, A. (2005). At the Crossroads of Sexuality and Spirituality: The Sanctification of Sex by College Students. International Journal for the Psychology of Religion, 15(3), 199-219 7 N. Hanlon., (2012.), Masculinities, Care and Equality, Palgrave Macmillan UK 8 Karla Elliott, (March 12, 2015)., Caring Masculinities: Theorizing an Emerging Concept, Vol 19, Issue 3, pp. 240 - 259 6

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Connell, 1995, Masculinités :E jeu so iau de l’h g o ie, Editio s A ste da Núria Araüna, Iolanda Tortajada, Cilia Margareta Willem, (2015) Portrayals of Caring Masculinities in Fiction Film: The Male Caregiver in Still Mine, Intouchables and Nebraska., Hipatia Press 11 Elliot, K. (2015.), Caring Masculinities: Theorizing an Emerging Concept, Sage Publications. 10

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cinéma se présente donc comme un excellent moyen d’étudier la masculinité, de par sa popularité et la richesse des documents disponibles. Dans le film mythique The man who shot Liberty Valence réalisé par John Ford, nous pouvons y apercevoir une vision réaliste de la masculinité du journaliste, thème qui occupera une place centrale dans ce mémoire de recherche. En effet, le directeur du journal de la ville où se déroule l’action, « le Shinborne Star », prononce une phrase devenue légendaire : « Nous sommes dans l’Ouest ici. Quand la légende dépasse la vérité, on publie la légende. ». De cette vision attristée d’un rêve américain déjà en déliquescence dans les années 1960, le film ayant été sorti en 1962, nous pouvons aussi en tirer d’autres conclusions qui alimenteront nos hypothèses. Tout d’abord, le journaliste de fiction est un individu véritablement masculin en son essence, possédant de nombreux attributs et caractéristiques stéréotypées. De ce fait, le cinéma américain va tenter de faire passer plusieurs messages aux citoyens regardant les films en question, avec une visée performative et un effet de cadrage. Le film de John Ford en question aborde la question d’une frontière qui serait floutée entre la réalité et le mythe, entre les faits réels et la légende. De par sa force de frappe, son exposition et ses nombreux héros, le cinéma américain a influencé de nombreuses générations de réalisateurs de par le monde, et surtout en occident au niveau des films de journaliste. Le journaliste au cinéma, héros de fiction masculin et viril, prend donc le pas sur celui de la vie courante, celle où on le voit courber l’échine pour joindre les deux bouts et gagner son pain. En définitive, dans l’Ouest et en occident, ici aussi on filme la légende plutôt que la réalité. L’immense succès du cinéma américain populaire ne s’explique pas uniquement par la force de vente des producteurs et des distributeurs. Ce cinéma propose des histoires conçues sur des mythes universels et surtout des personnages héros qui suscitent une adhésion forte chez le spectateur. Cette adhésion tient au fait que le héros positif, qui est une construction de l’imaginaire, a plusieurs fonctions : - une fonction de représentation. Il est l’image d’un idéal social (celui de la société américaine) - une fonction de compensation. A travers le personnage on vit par procuration ce que l’on ne peut pas vivre dans la vie réelle. L’engouement pour le héros désigne donc en creux les manques de notre société. - une fonction de modélisation de nos comportements. Le héros est la représentation de ce que nous sommes supposés être. Il a donc une fonction prescriptive.

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Selon le Bob Mondello, critique d’art sur la National Public Radio, le cinéma possédait une fonction bien particulière qu’il qualifie de manuel d’instructions sur écran géant12. En effet, les films hollywoodiens qui dominèrent le cinéma mondial durant une longue période et lui donnèrent sa forme actuelle furent conçus comme des moyens de façonner la société américaine selon les désirs des producteurs, bien connectés avec la mouvance politique en place. Effectivement, les films possédaient une certaine visée performative visant à modeler les comportements et esprits des nouveaux arrivants sur le territoire américain pour ainsi leur faire abandonner les réflexes qu’ils apportaient de l’Ancien Monde, donc d’Europe. Mondello prend pour exemple à ce sujet la manière dont les américains se serraient la main pour se saluer, au contraire de la bise sur les joues traditionnellement associées à des habitudes européennes. Les films américains furent donc réalisés selon des stéréotypes bien précis pour ainsi modifier la société et les comportements. Mondello rajoute que les femmes possédaient, pour la plupart, des rôles domestiques et passifs tandis que les hommes se voyaient comme des individus forts et actifs. De ce fait, l’industrie américaine du film décida de mettre en place un code nommé le code Hays, ou en anglais « the motion Picture Producers and Distributors Association Code »13, dans le but de promouvoir une certaine manière de vivre et de représenter la société américaine dans les différents films produits jusqu’en 1968. Le code bannissait l’ivresse, le sexe, les scénarios violents ou de vengeance pure, etc. Hollywood agissait donc en faveur de la formation d’un certain habitus en montrant à la société américaine comment se comporter avec ses semblables. Les films de journalistes font de bonnes histoires dans la mesure où la situation du journaliste au sein de la société est fondamentalement dramatique. Cependant, la réalité du travail de journaliste au quotidien est beaucoup moins excitante qu’elle ne le parait dans les productions cinématographiques. Les films ne représentent en effet pas la réalité mais une version raccourcie et moins détaillée de cette dernière, ne se concentrant que sur quelques détails intéressants pour le spectateur. L’industrie du cinéma dépend de ces derniers et se doit de les accrocher avec des histoires extraordinaires et des héros auxquels il est possible de s’identifier, délaissant ainsi l’aspect plus rigoureux et désagréable de la collecte

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https://www.npr.org/2014/07/30/336575116/whos-the-man-hollywood-heroes-defined-masculinity-formillions 13 https://www.asu.edu/courses/fms200s/total-readings/MotionPictureProductionCode.pdf The motion Pi tu e Code o e il fut pu li le a s 9 , lista t ai si l’e se le des i te dits da s le i a américain produit à Hollywood. Le but était de limiter les réalisateurs de manière autogérée pour ainsi éviter ue l’Etat f d al a i ai e vie e s’o upe des affai es des so i t s alifo ie es.

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d’informations journalistiques. Le cinéma a réussi à créer une mythologie autour des journalistes de fiction, devenant une véritable fabrique à rêves. De ce fait, les films qui sortent de cette industrie ont beaucoup plus de chance de présenter des stéréotypes, des clichés ou même des caricatures de la fonction de journaliste.

L’analyse d’un type de héros positif, sa déconstruction, sa démystification peut donc permettre de connaître les manques et les désirs de la société, de mettre en garde le spectateur (surtout l’enfant et l’adolescent) sur l’écart qui existe entre l’imaginaire et le réel. Le cinéma choisit ses héros positifs dans plusieurs catégories socioprofessionnelles : le policier, le médecin, le juge, le journaliste, etc. Nous pouvons donc nous poser une simple question. Pourquoi nous être penché uniquement sur le personnage du journaliste ? Tout simplement parce que la profession est beaucoup moins codifiée que celles des policiers ou des médecins malgré plusieurs découvertes qui nous prouveront le contraire. Le journaliste possède une démarche universelle, il s’informe et s’engage comme la plupart des individus. Il est comme un œil pour la société dans laquelle il opère, ce dernier étant le témoin de l’ensemble des faits et des problèmes. Ceci creuse donc une différence avec le policier ou le médecin, ces derniers ne s’occupant que des délinquants ou des malades. La recherche actuellement menée sur la masculinité du journaliste de fiction s'explique par l'actualité des études sur la masculinité dans le cadre de l'évolution des rôles entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, le cinéma porte en lui cette fonction d'être le reflet des rôles imposés par la société et d'être le facteur de la modélisation des comportements et tempéraments masculins et féminins. De plus, il nous sera nécessaire de déconstruire le rôle des héros positifs auxquels les individus regardant les films ont tendance à s'identifier. Nous pouvons donc nous poser la question essentielle qui sera vue comme la problématique fondamentale de ce mémoire : Quelles visions du journaliste et de sa masculinité observe-t-on et semblent retransmises dans ce corpus de films à dominante américaine ? Nous allons maintenant exposer notre plan de manière détaillée. Dans une première partie, nous tenterons de répondre à la problématique générale en analysant le rôle des journalistes dans les films portant sur ce sujet tout en listant les grands thèmes récurrents de leurs comportements et manière d’agir, ceci en lien avec la masculinité du héros. Par la suite, une 12


deuxième partie se focalisera sur les attributs négatifs de leur masculinité. Par ailleurs, la troisième partie se concentrera sur le renouveau dans les comportements des journalistes au travers du nouveau cinéma contemporain à partir des années 1980 et 1990. Nous allons voir que les caractéristiques des personnages furent grandement modifiées et évoluèrent selon les modifications de la société tout en conservant un certain aspect traditionnel et stéréotypé. Par ailleurs, nous étendrons la recherche sur le sujet aux personnages féminins, décision qui est expliquée dans la méthodologie. En ce qui concerne la méthodologie, nous nous sommes avant tout basés sur un corpus comprenant exactement vingt films comme montré dans la première annexe. La liste fut ensuite étendue à une trentaine pour mieux agrémenter les exemples et notre démonstration. Ces différents films soigneusement choisis ont tous un point commun. Ils prennent effectivement tous pour héros un journaliste dans le rôle principal mais ont aussi une intrigue, un background, se déroulant dans l’univers journalistique, ou tout du moins tournant autour et s’en approchant. La liste fut établie d’une manière simple et concise via plusieurs recherches sur internet mais le choix définitif prit part au sein de la liste établie par Richard R. Ness comprenant plus de 2166 films anglo-saxons ayant pour thème le journalisme ou étant relié à ce dernier. Nous nous sommes donc servis au sein de ce document exhaustif détaillant une riche filmographie s’étendant des premières années du cinéma comme nous le connaissons jusqu’en 1996. La liste s’arrêtant au milieu des années 1990, il nous fallut nous rediriger vers d’autres sources pour trouver les films plus récents qui complèteraient les sections contemporaines du corpus. Ceci fut chose faite en me renseignant via différents sites internet listant les films de journaliste contemporains.14 Le but recherché était d’obtenir au final une liste de films couvrant l’ensemble des décennies du 20ème siècle mais aussi les deux premières du 21ème pour ainsi élargir le spectre de recherche. Il est possible de constater une dominante américaine au sein de la liste de Newspapers Movies se trouvant en annexes de ce document. Cela est due à la l’immersion production de films de ce genre provenant des Etats-Unis, qui s’est ensuite dispersée en Europe, influençant les réalisateurs et l’industrie locale du cinéma. Le soft power américain et son influence permettent l’adoption progressive d’un journalisme à l’américaine au niveau politique et éthique15. La diffusion du modèle américain de

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https://www.vanityfair.fr/culture/ecrans/diaporama/meilleurs-films-sur-le-journalisme/22583 https://www.thecinemaholic.com/investigative-journalism-movies/ Ces deu lie s h pe te te edi ige t ve s les listes de fil s a a t t utilis es da s l’ la o atio du corpus. 15 le journalisme au cinéma, Sonia Dayan-Herzbrun, Seuil, 18/03/2010, 128 pages : voir bibliographie

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journalisme a donc eu une influence sur la manière de filmer les journalistes, la réalisation des Newspapers Movies répondant à des spécificités nationales et historiques16. Chaque film fut visionné suivant une logique simple visant à analyser uniquement le comportement des différents personnages à l’écran, ces derniers ne pouvant être que des journalistes. Il nous fallut donc répertorier et annoter l’ensemble de leurs actions à l’écran pour ainsi découvrir et développer de grands thèmes dans lesquels nous pourrions insérer les différentes découvertes réalisées. L’analyse se basa donc sur l’ensemble des stéréotypes, des récurrences de comportements, presque des caricatures que nous amassions au fil des films visionnés. Cependant, une étude de la masculinité ne pouvait se faire sans aborder la question des femmes, de l’autre genre dans une vision binaire et dichotomique de l’opposition Homme/Femme, masculin et féminin. Cette méthode se base sur la pensée de Pierre Bourdieu et ce qu’il développa sur les questions du genre17. Selon ce dernier, la masculinité et la féminité ne peuvent être pensées de manière séparée. Le masculin se construit et s’exprime dans l’opposition avec le féminin, ceci justifiant ainsi l’insertion des femmes journalistes dans l’analyse. Dans la mesure du possible nous examinerons les caractéristiques des personnages de journalistes hommes par opposition aux caractéristiques des femmes faisant partie de son environnement. Nous faisons donc l’hypothèse que les journalistes dans le cinéma occidental sont des individus représentés, avant tout, comme masculins. Ils possèdent des caractéristiques propres, ces dernières étant visibles grâce aux nombreuses récurrences observées dans les films portant sur le métier de journaliste. Une autre hypothèse se porte sur l’évolution de cette représentation au travers du cinéma contemporain. En effet, les long-métrages sortis récemment sur le métier de journaliste nous font part d’une masculinité remodelée, qui se verrait être plus en phase avec la société occidentale actuelle. Les femmes mises en scène dans le milieu du journalisme au cinéma vont aussi jouer un rôle important, malgré leur absence

dans

les

premiers

temps

du

cinéma.

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Ibid.p.14 Perrot Michelle, « Autour du livre de Pierre Bourdieu La domination masculine », Travail, genre et sociétés, 1999/1 (N° 1), p. 202-207. DOI : 10.3917/tgs.001.0202. URL : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-etsocietes-1999-1-page-202.htm 17

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I / Masculinité et stéréotypes : Le journaliste comme figure du bien

Dans cette première partie, nous tenterons d’analyser les traits positifs de la masculinité du journaliste que nous avons pu recenser au travers de l’ensemble des films visionnés. Dans le genre populaire aux usa des Newspaper Movie, le journaliste est un héros. La presse papier, la télévision et la radio sont au centre de la narration, prenant de plus en plus d’ampleur dans les années 1980. Le cœur de l’intrigue se déroule dans la newsroom, sur les plateaux de tournage ou les terrains d’enquêtes. Le journaliste, vu comme un véritable héros et une figure du bien, y développe une large palette de qualités qu’il met au service de la bonne cause et de la morale. Le journaliste de fiction est tour à tour ambitieux, courageux, fort, déterminé ou encore intelligent. Ces traits de caractère recensés au fur et à mesure des visionnages de films de journalistes sont constitutifs de sa masculinité, faisant devenir ces derniers des modèles pour plusieurs générations de spectateurs.

Le courage et la force physique : le journaliste, un héros Le courage et la force sont les deux caractéristiques principales du journaliste de fiction, héros masculin par excellence que nous allons étudier dans les parties suivantes. Les deux attributs cités plus haut sont à analyser en lien avec les différentes évolutions du newspaper movie à travers l’histoire. Dans les années 1930, les spectateurs avides de cinéma ont pu voir l’arrivée dans les salles du cinéma parlant. Les journalistes y sont montrés comme des hommes énergiques et cyniques devant raconter des histoires passionantes. Dans ces films-là, les dialogues présents y sont fortement érotisés tout en montrant l’aspect brillant des reporters. Malheureusement, les journalistes sont vus comme des personnages marginaux et alcooliques malgré le fait qu’ils parlent souvent de corruption, de scandales et des tensions sociales et raciales de la société américaine de l’époque. Par la suite, dans les années 1940 et d’avantguerre, le journalisme au cinéma part en guerre contre le fascisme et le contrôle de l’opinion publique comme dans les œuvres d’Orson Welles, notamment Citizen Kane sorti en 1941, ou dans celles de Frank Capra, avec Mr Smith goes to Washington sorti en 1939. Les journalistes de fiction sont issus des justiciers, ardents défenseurs de la liberté mais aussi des couches les plus pauvres de la société américaine très inégalitaire alors. L’ennemi devient donc politique, avec les Newspapermen entrant en combat contre les puissants et les hommes politiques corrompus au péril de leur vie. Sonia Dayan notait par ailleurs que les films de journaliste des 15


années 1940 dénotaient d’une certaine nostalgie de la presse américaine d’antan, cette dernière n’hésitant pas à défendre la vérité et les causes perdues comme dans le film Meet John Doe dans lequel le premier plan nous dit qu’une presse libre équivaut à un peuple libre. Après la seconde guerre mondiale et dans les années 1950 et 1960, les journalistes prennent une autre dimension au travers des films noirs dans lesquels ils affrontent les forces du mal et les ténèbres d’un monde sombre et obscur. Les films de journalistes se voient donc combinés avec les thèmes de la guerre ou des thrillers policiers comme dans les œuvres d’Alfred Hitckock ou de Brooks, dans son film mythique Deadline USA. Les films hollywoodiens cherchent alors à faire respecter les valeurs morales et à montrer une version objective de la réalité en rejetant les personnages mauvais ou malhonnêtes comme le journaliste Chuck Tatum dans Ace in the hole sorti en 1951 sous la direction de Billy Wilder. Dans le film Aliker de Guy Deslauriers sorti en 2009 sur les écrans français tout d’abord, le réalisateur cherche à montrer la force morale d’un journaliste. Ce dernier, prenant le nom d’André Aliker, est un militant communiste des Antilles dans les années 1930 qui va transformer le journal du parti en une véritable arme contre la puissance en place. Le journaliste n’hésitera pas à déployer tout son courage pour se dresser contre les planteurs et les directeurs d’usines, comparés à des tyrans. De plus, ce , récit adapté d’une histoire vraie, utilise une fois de plus la métaphore de David contre Goliath, ce dernier point pouvant se voir comme une récurrence dans les films de journalistes. En effet, le héros se retrouve aux prises avec des personnes ou des entités plus puissantes que lui et son journal, le journaliste devant alors défendre sa structure et la liberté de la presse envers et contre tous. Hélène Puiseux 18 rajoute d’ailleurs à ce sujet que le cinéma peut se voir comme une fabrique à mythes dans la mesure où les films sont des « créateurs de récits et de mondes ». Les mythes, ainsi que les films, ont en commun de mettre sur le devant de la scène de nombreux héros partageant les mêmes caractéristiques, comme ici où nous nous penchons sur la masculinité du journaliste. Le journaliste André Aliker ira donc défendre sa liberté et celle de la presse contre les grands de ce monde qui ne cherche qu’à étouffer sa liberté d’expression. La presse et ses héros s’attaquent une fois encore à l’économie et la finance, thème revenant souvent dans les films de journalistes contemporains. Le journaliste peut se voir comme un ardent défenseur de la justice et des individus opprimés. Guy Deslauriers montre donc à l’écran un journaliste qui meurt pour son métier, incarnant ainsi la figure du journalisme moderne qui va au de ses idées

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Hélène Puiseux. Petits déra ge e ts du

o de. Le i é a et l’i solu le. Le Félin. 2004.

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pour ses idéaux peu importe le prix. Pour Sonia Dayan, le héros est filmé comme champion de la vérité qui dépasse les engagements partisans et meurt de façon christique pour ses idées. Il est possible de retrouver un autre héros journalistique en la personne de Joe Frady, journaliste américain du film The parallax view dirigé par Alan Pakula et sorti en 1975. Dans ce film comportant de nombreuses cascades et scènes d’action, le journaliste possède toutes les caractéristiques du héros masculin hollywoodien typique. En effet, Joe Frady est le personnage central du film autour duquel toute l’action et les évènements tournent. Il y a en lui du cow-boy, du Starsky et Hutch, du Belmondo pour ne citer que ses figures de la masculinité ci. Joe Frady est définitivement un homme fort, viril et courageux qui étend ces attributs masculins à leur summum. On le voit se battre à de nombreuses, défaisant ses adversaires à chaque combat. Dans Parallax View, le journaliste va une fois de plus se retrouver à lutter contre une organisation et des adversaires qui le dépassent, en découle la nécessité du journaliste de fiction d’affronter sans cesse les criminels et les individus mal intentionnés. Le héros du film va donc tenter, au péril de sa vie, de démanteler l’organisation Parallax qui emploie des tueurs à gage pour assassiner les divers candidats démocrates au poste de sénateur. Pour se faire, il se rend dans la petite ville de campagne où l’un des témoins est mort dans des conditions bizarres, noyé au cours d’une partie de pêche quand le déversoir d’un barrage situé en amont s’est ouvert. Il va au bar où se trouvent le sheriff et son adjoint. Joe Frady commande alors un verre de lait dans la mesure où il ne boit plus une goutte, étant un alcoolique repenti. Il est alors provoqué par l’adjoint du shérif, ce dernier ayant vociféré dans le bar que ceux qui boivent du lait ne sont pas vraiment des hommes. Piqué au vif, Joe Frady se jette sur l’adjoint et le met hors d’état de nuire après un long duel, démolissant l’ensemble du bar au passage. Plus tard, alors qu’il pêche à l’endroit de la rivière où a eu lieu la noyade pour observer les lieux, il est rejoint par le shérif qui cherche à le tuer pour le faire taire. S’ensuit alors une nouvelle bagarre et c’est le shérif qui finit tué. Les aventures de Joe Frady, journaliste intrépide et immortel, ne sont toutefois pas encore terminées. Il se rend par la suite au siège de l’organisation incriminée dans les différentes histoires de meurtre. Il s’agit d’un centre de recrutement pour personnes en difficulté psychologique qui promet, après sélection, de leur donner des emplois. Joe y retrouve un autre témoin de l’attentat, Austin, ce dernier se cachant sur un bateau. Austin montre à Joe une photo des serveurs lors de l’attentat et Joe reconnaît une des personnes de la Parallax organisation. Peu après le bateau explose. Joe s’en tire en plongeant mais Austin meurt. Joe est engagé par l’organisation pour une mission. Il s’agit de l’assassinat d’un autre candidat au poste de sénateur. Joe essaie de se 17


désengager sans se rendre compte que ce désengagement est prévu par l’organisation. Il se rend au lieu de l’assassinat, dans une salle où le candidat prépare un meeting. L’assassinat a lieu mais l’organisation le piège pour laisser croire que Joe en est l’auteur. Il meurt sous les balles du service de sécurité tout en tentant désespérément de s’échapper. Cette fois encore, le journaliste décède en héros, victime d’un système plus puissant que lui, rajoutant ainsi à la vision christique du martyr pour ses idées. Par conséquent, il nous est possible d’affirmer que Joe Frady incorpore une dimension tragique dans Parallax View. En effet, dans les westerns et les films policiers, le héros finit par s’en sortir tandis qu’il meurt dans ce film. Cet aspect tragique apparaît aussi dans les images, dans la mesure où Pakula aime à alterner les gros plans sur le visage de Joe et ceux où on le voit perdu dans un univers urbain et architectural. Nous pouvons y distinguer d’immenses immeubles et des places vides, des escalators et couloirs interminable ainsi qu’une immense salle de meeting politique. Cela fait un contrepoint aux aspects analysés précédemment. Cela n’est pas aussi sans rappeler l’art cinétique de Vasarely, que l’on peut retrouver dans l’esthétique des places vides et les immeubles. Le héros possède ici de nombreuses qualités qui augmentent son aspect masculin, quasiment viriliste. Fort, viril et courageux, voilà comment nous pourrions caractériser notre journaliste de fiction ici présent, correspondant parfaitement au modèle du héros masculin voulu par les studios d’Hollywood. L’homme est en effet beau, séducteur et charmant, à la limite du cliché du Don Juan, dans la mesure où son ex-femme est toujours amoureuse de lui. Quand elle vient lui rendre visite, elle le découvre au lit avec une autre jeune femme tandis que la bagarre du bar éclate aussi du fait que les différentes femmes accoudées s’étaient intéressées à lui directement. En plus d’être calme et pondéré dans le sens où il mène son enquête avec la logique d’un fin limier, Joe Frady se révèle être chanceux, échappant à deux attentats de justesse et en la jouant solitaire sans en avertir ni la police, ni son rédacteur en chef. La caricature extrême du travail de journaliste et de sa masculinité peut se voir dans le premier film mettant en scène le principal héros du studio Marvel, Superman. Dans le tout premier film de la série, sorti en 1978 et tourné par Richard Donner, on peut y voir un journaliste timide travaillant dans un journal fictif, le Daily Planet. Le journaliste, possédant une force physique incommensurable et des superpouvoirs fantastiques, se bat avant tout pour faire triompher la vérité et la justice tout en servant d’exemple pour la société américaine. Le héros entretient une relation timide avec Lois Lane, sa collègue au journal, qui veut à tout prix recevoir le Pulitzer Price, montrant que l’ambition peut aussi se trouver du côté féminin de la 18


profession journalistique.

La détermination, ou le refus des compromis La détermination et la volonté font parties des grandes forces de caractère du journaliste de fiction, accentuant sa masculinité et les stéréotypes issus de cette dernière. Ces attributs font partie de la quête intemporelle de la vérité et de son exposition au grand jour. La volonté, l’obstination, la pureté morale sont donc des qualités mémorables du journaliste de fiction au cinéma. Dans le film français Mille Milliards de Dollars dirigé par Henri Verneuil et sorti dans les salles obscures en 1982, le réalisateur nous montre un journaliste vraiment déterminé et sûr de lui aux prises avec une affaire qui le dépasse largement. Le journaliste est tenace, il ne lâche rien dans la mesure où certains le considèrent même comme jusqu’au-boutiste19. Ce dernier terme montre une personne qui va jusqu’au bout de ses idées et de son action, notamment en politique20. Et c’est bien là où nous désirons en venir dans le sens où Paul Kervan, le journaliste héros du film, se retrouve mené à enquêter sur une sordide affaire de meurtre commis après la parution d’un de ses articles à scandale. Tout comme dans son précédent long-métrage paru en 1979 et nommé I comme Icare21, Henri Verneuil nous montre un héros qui affronte les grands de ce monde, aux puissants, tout en voulant faire résonner la vérité quoi qu’il en coûte. Il nous dévoile un combat manichéen entre le bien, ici le journaliste ou dans celui de 1979 un procureur, et les différentes figures du mal, souvent cachées et invisibles. Paul Kervan mène ici une enquête sur JBL, riche homme d’affaire trempant dans des affaires de corruption, tout cela étant placé au cœur d’une machination économique internationale. Le héros présente parfois, malgré un sens de la courtoisie innée qui le fait différer des autres journalistiques typiques, des comportements et attitudes que nous pourrions qualifier de macho. Un macho est un homme qui prétend faire sentir aux femmes sa supériorité de mâle, de par son comportement irrespectueux et misogyne. Cependant, sous cette façade de mâle dominant se cache un homme qui ne cherche qu’à trouver des éléments pour son papier, ce comportement faisant partie de sa tactique pour récolter des informations. Le journaliste peut donc se voir comme un caméléon social qui saurait s’adapter à toutes les

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Justin Kwedi, 30 janvier 2012, critique du film Mille Milia ds de Dolla s d’He i Ve euil, pu li e su so personnel : Chronique du cinéphile stakhanoviste 20 Définition issue du dictionnaire Larousse 21 I comme Icare, Henri Verneuil, 1979, AMLF, avec Yves Montand dans le rôle du procureur

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situations et interactions entre individus pour les faire avancer dans son intérêt, ce dernier étant ici celui de la vérité et du combat pour la justice. Paul Kervan représente ici le journaliste idéal à l’américaine comme nous avons pu le voir dans les Newspaper Movies des années 1930 jusqu’aux années 1960. C’est un homme avec du bagout et de la confiance en soi, toujours propre sur lui de par ses beaux costumes et sa classe silencieuse. Pour en revenir à notre sujet principal, Paul Kervan peut se voir comme le prototype du journaliste obstiné et opiniâtre. En effet, même après avoir survécu à un attentat préparé à son encontre, il continue l’enquête, en creusant plus loin qu’il ne le faudrait, dans des zones dangereuses. Le journaliste, dans Mille Milliards de Dollars, entre en combat contre la finance et ses requins car il n’a pas peur de nager en eaux troubles. Ce film est à rapprocher du renouveau du genre dans les années 1970, prenant désormais en compte la dimension sociale du journalisme et le développement d’un autre type de presse plus engagé. Cela se remarque surtout dans le cinéma européen avec, par exemple, le film de Volker Schlöndorff, L’honneur perdu de Katharina Blum sorti en 1974. Ce dernier critique l’avilissement de la presse face aux grands groupes industriels, en l’occurrence la multinationale Springer. Par ailleurs, Jean Yanne, dans son œuvre tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil sorti en deux ans plus en 1972, émet une critique virulente de la presse, cette dernière étant de plus en plus soumise aux impératifs économiques et publicitaires des multinationales. Ce film met en scène un journaliste radio qui, après avoir été licencié d’une radio, entre en lutte contre les nouveaux dictateurs de l’audiovisuel de la fin des trente glorieuses22, en s’opposant seul à la dictature de l’argent dans un affrontement irréel à la manière de David contre le géant Goliath. La détermination se retrouve aussi dans le cinéma américain, avec de nombreux exemples à travers l’histoire. Le plus marquant et le plus culte n’est autre que le chef d’œuvre d’Alan Pakula, All the president’s men (Les hommes du président) sorti en 1976. Le film se charge de retranscrire à l’écran le scandale du Watergate ayant éclaté aux Etats-Unis en 1972 et révélant une affaire d’espionnage politique aboutissant au final à la démission du président des EtatsUnis, Richard Nixon. Le film présente la détermination des deux journalistes qui vont tout faire pour lutter contre le mensonge de Nixon et faire triompher la vérité. Ici, les deux journalistes sont libres et responsables dans la mesure où ils participent, de par leurs actions et leur opiniâtreté, à la préservation de la démocratie contre les mauvais médias. Ces derniers ne 22

Alain Constant, TV – « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », publié le 13 avril 2018 sur lemonde.fr

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se gênent, en effet, pas pour vendre leur pouvoir démocratique aux plus offrants, généralement les hommes politiques véreux. En faisant éclater le scandale du Watergate pour le compte du Washington Post, Bob Woordward et Carl Bernstein, incarnés par respectivement Robert Redford et Dustin Hoffman dans le film, sont montrés comme des reporters infatigables, déjouant toutes les épreuves pour faire triompher la justice L’enquête journalistique amène donc ici à la révélation d’une vérité cachée, permettant ainsi à la démocratie de fonctionner. Le film Network : main basse sur la télévision sorti en 1976 et dirigé par Sydney Lumet aborde lui aussi ce thème cher à Alan Pakula. Dans cette œuvre, une équipe éditoriale se bat pour préserver son indépendance ainsi que son audience face aux besoins changeants du public mais aussi des actionnaires de la chaîne télévisée dans laquelle ils travaillent. La détermination peut donc se voir comme un des attributs principaux de la masculinité du journaliste de fiction. Un autre exemple probant en ce domaine réside dans le héros du film américain Manhattan Night de Brian Decubelis sorti en 2016. Le célèbre acteur du pianiste dans le film éponyme de Roman Polanski, y incarne ici une espèce de journaliste en perdition, un vieux briscard des colonnes d’un journal papier New-Yorkais. Ayant été confronté à tout ce qui peut exister de plus triste ou sombre dans les rues de la Grosse Pomme, le journaliste reste néanmoins un séduisant homme d’âge mur, toujours propre sur lui et qui n’hésite pas à se lancer à l’assaut du danger. Nous pouvons ici voir que le rôle de Porter Wren, le héros journaliste du film Manhattan Night, possède énormément de points communs avec les journalistes de cinéma d’antan, notamment ceux des années 1930 et 1940. Un homme avec du bagout, du courage et portant le « tuxedo » à merveille tout en ne pouvant résister au plaisir d’un verre de whisky accompagné d’une cigarette, le journaliste moderne n’a rien à envier à son collègue d’il y a plusieurs décennies, la machine Hollywoodienne aimant à user les personnages stéréotypés jusqu’à la corde. Le spectateur peut ainsi s’identifier aux différents personnages à l’écran en fonction de leurs comportements « clichés » et de leurs attitudes qui se retrouvent de film en film, permettant de faciliter la lecture de l’œuvre. En effet, Porter Wren va, tout au long des 113 minutes qui composent la trame narrative, se retrouver aux prises avec des adversaires plus puissants et mieux organisés que lui, le journaliste se retrouvant souvent seul face à des ennemis en grand nombre. Ce dernier point permet de participer à l’élaboration d’une légende dorée autour du journaliste de fiction, accentuant ainsi ses traits de masculinité. Le journaliste New-Yorkais reste donc déterminé à creuser là où il ne devrait pas, fouiner là où cela est interdit pour découvrir de cette manière les secrets les 21


plus sombres des individus. Comme le titre du film le suggère, la plupart des scènes se déroulent durant la nuit, donnant ainsi une atmosphère angoissante et presque terrifiante aux diverses scènes qui se déroulent sous nos yeux. De ce fait, Porter Wren doit montrer toute sa volonté et sa détermination pour échapper au danger qui le menace, de par un patron empêtré dans une affaire de prostitution et de par des inconnus qui souhaiteraient que l’affaire du meurtre sur lequel il enquête soit étouffée. Par conséquent, nous avons pu observer le héros courir à toutes jambes après un homme qui le prenait en filature, se faire passer à tabac dans une ruelle sombre, attaquer un homme de main de son patron qui le faisait chanter tout en continuant son enquête journalistique, déterminé à faire éclater la vérité au grand jour. En plus de l’aspect énergique, il est possible de rajouter d’autres angles d’éclairage sur les critères de masculinité du journaliste de fiction. En effet, le héros journaliste du film Parallax View décrit un peu plus haut dans l’analyse se montre comme un homme sûr de lui, persuadé que ce qu’il fait est bien et qu’il le fait au nom de la vérité et de la justice. Il y a en Joe Frady une volonté inébranlable qui l’amène à se transformer en marginal qui se permet de transgresser le droit au nom de la recherche de la vérité. Ainsi, il s’introduit dans la maison du shérif, vole sa voiture et défonce la vitrine d’une boutique avec cette dernière. Il est à mi-chemin entre le détective privé et le délinquant dans la mesure où il possède ses propres méthodes d’enquête. Son chef le lui reproche un peu plus tard dans le film, avant d’être terriblement assassiné par l’organisation : « Vous allez au-devant de ce que vous attendez et naturellement, ça arrive ». Cependant, le côté sombre du héros est aussi visible dans sa tendance à mentir et simuler pour arriver à ses fins, tel un comédien. La recherche de la vérité et de la justice lui autorisent cependant ces digressions avec le droit dans la mesure où il ne fait que servir le bien. Au début du film, Joe enquête sur un trafic de drogue. Pour s’introduire chez des supposés receleurs, il se fait passer pour un voisin dont le perroquet s’est enfui et s’est réfugié sur leur balcon. De ce fait, il change sans cesse d’identité. Joe peut se faire passer pour un homosexuel tout comme il réussit à se faire passer pour un asocial agressif dans l’organisation Parallax. Le journaliste peut donc mentir pour arriver à ses fins, cela étant justifié par la détermination à faire le bien, comme tout héros positif et masculin qui se respecte. Good night and Good luck, film sorti en 2008 et dirigé par George Clooney montre le combat acharné d’un présentateur et journaliste de télévision contre le sénateur McCarthy durant les années 1950. Le présentateur de CBS Edward R. Murrow peut se décrire comme le journaliste vedette de la chaîne américaine CBS, un individu déterminé voulant à tout prix faire tomber le sénateur responsable de la chasse aux sorcières lancées contre le communisme aux Etats-Unis 22


et les présupposés communistes infiltrés. L’action se déroule dans les années 1950 comme nous le montre l’atmosphère en noir et blanc d’une réunion enfumée entre les journalistes et le rédacteur en chef de la chaîne. Nous sommes aux premiers temps de la télévision aux EtatsUnis sur CBS News, les prémisses d’un média proche de l’explosion populaire avec notamment les programmes diffusés en direct comme celui de Murrow. Les problématiques soulevées par ce film concernent surtout la protection des droits des citoyens face à un État fédéral à la puissance inégalée. Pour en revenir à la scène de la multiplication des cigarettes et du brainstorming journalistique, nous nous rendons compte que le rédacteur en chef est inquiet vis- à-vis du prochain gros programme de la chaîne. En effet, ce dernier demande aux personnes présentes dans la salle de faire de l’information, d’en produire comme nous le montre cette citation extraite du film : « please make some news, do something, Rob a bank or kill a mom 23». Même si présenté sous le ton de l’humoristique grinçant, on observe encore la volonté de produire toujours plus d’informations, choquantes si possible, même dans les années 1950 où les médias de masse ne commençaient que leur lente éclosion. Dans cette environnement uniquement composé de personnages principaux masculins, les journalistes sont pris aux griffes d’une administration américaine toute puissance, notamment l’armée, qui inspire la peur, coupant toute velléité de répandre la vérité via l’encre des journaux. Ils nous sont tout aussi bien montrés comme des hommes classes, portant des costumes de bon goût et de bon ton. Il est possible de retrouver une fois de plus la métaphore cinématographique de la légende de David contre Goliath. Le combat mené par les journalistes de CBS news, mais surtout celui de Murrow, pourrait y être aisément relié tant les pressions gouvernementales sont fortes et les attentes sociétales hautes.

L’ambition du journaliste de fiction : entre humilité et mégalomanie Dans la majorité des films mettant en scène des journalistes, il est clairement visible que la volonté affichée par ces derniers ne peut être justifiée que par la simple envie de faire le bien et de répandre la vérité, ou la bonne parole, parmi les populations opprimées. Les journalistes ne sont au final que des Hommes ayant, pour la plupart, une certaine ambition conduite par des intérêts divers, mais assez peu divergents. Sous le masque de la vérité se cache souvent la simple recherche de l’information juteuse qui les rendra célèbre ou les fera gagner le fameux Prix Pulitzer, érigé comme le Saint Graal au sein de la profession. Bien que cela puisse 23

Traduit en français = « S’il vous plaît, faites- oi de l’i fo, faites uel ue hose. B a uez u e a une maman. »

ue ou tuez

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paraître comme un défaut majeur, il n’est point à douter de la bonne foi des journalistes de fiction qui, sous couvert d’ambition, mettent souvent en défaut les forces du mal. Le cinéma nous montre donc une ambivalence certaine dans la masculinité du héros des Newspaper Movies, ce dernier hésitant entre une aspiration bienfaisante et une ambition dévorante. Dans le film Citizen Kane dirigé par Orson Welles, Charles Foster Kane, le journaliste et magnat de la presse à la tête d’un immense empire, possède des traits de masculinité assez divergents, soufflant ainsi le chaud et le froid aux spectateurs. Il possède ainsi un certain courage quand il faut dénoncer les oubliés du rêve américain et les pauvres, se faisant passer pour le nouveau champion des droits de l’homme américain. Il a le courage d’être sincère. Par exemple, il critique l’action du président des USA qui est l’oncle de sa première femme. Il la perdra à cause de cela. Mais à la différence d’autres héros journalistes qui sont des purs de leur cause, Kane est versatile, prêt au mensonge, à l’intimidation, à la calomnie pour arriver à ses fins. Il veut servir la cause des travailleurs mais en même temps, il garde ses privilèges. Il pourrait mettre son argent au service des syndicats naissants mais il ne le fait pas. Ses actions charitables, sa générosité, son courage sont mus par son égo surdimensionné, lui-même né de son immense fortune. D’ailleurs, Kane dit souvent que ses actions courageuses sont motivées par le désir de s’amuser. Il y a donc une forme d’irresponsabilité propre d’ailleurs à certains journalistes. Protégés par leur carte de presse et par leur journal, ils n’hésitent pas à ternir des réputations en diffusant des informations insuffisamment vérifiées. La volonté de puissance, qui est un trait fort de masculinité, éclate pleinement dans ce film. Volonté de changer le monde, de modeler les opinions quelles que soient les oppositions. « Il faut s’imposer » dit-il à Susan Alexander quand elle lui dit qu’elle n’a pas les capacités d’une grande chanteuse lyrique. La folie de puissance et de grandeur culmine dans les scènes finales où Kane et Susan se retirent dans un immense château, le palais de Xanadu. Ce sentiment de puissance inhérent au rôle du journaliste peut aussi se voir dans le film de Rolland Joffré sorti en 1985 et contant les aventures d’un reporter pris en pleine victoire des Khmers rouges au Cambodge, The killing Fields24. Le journaliste en question, Sydney Schanberg, montre un fort sentiment de puissance. En effet, défie ceux qui refusent de lui parler. Il met en avant « l’amendement Cooper Church » qui autorise un journaliste à se déplacer là où il veut. Ce sentiment de puissance confine quelquefois à l’arrogance dans le sens où le journaliste a une haute idée de sa mission d’information. Il va mettre du temps à comprendre qu’en situation de guerre, il n’y a plus de loi sauf celle du plus fort. À plus forte 24

La Déchirure en français

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raison quand il va se trouver face aux Khmers rouges. Là, on se moque qu’il soit journaliste ou pas. Il est Américain, donc ennemi. Toutefois ce sentiment de puissance se transformera en sentiment d’impuissance désespérée devant les réalités de la guerre et du régime khmer, le point culminant étant le moment où il devra abandonner son ami cambodgien à son triste sort : la déchirure d’une amitié et d’un pays. Néanmoins, le héros journaliste contrebalance cet orgueil avec une humanité quasiment sans faille. En effet, cette caractéristique de la masculinité est plus présente dans ce film que dans les autres. Sydney Schamberg fera preuve tout au long de leur épreuve dans l’enfer cambodgien d’une forte amitié et de solidarité pour Dith, son ami local, ainsi que de fraternité et de compassion pour les victimes et les autres journalistes. De ce fait, nous pouvons le qualifier comme un héros de la vérité, rejoignant ainsi une des caractéristiques de sa masculinité décrit un peu plus haut. Il dénonce le camouflage par les Américains de la gravité de leurs bombardements en se rendant sur le lieu des combats. Il ne part pas quand tous les Américains sont rapatriés, que l’ambassade ferme et qu’on annonce un bain de sang. Idem pour les autres journalistes ainsi que pour Dith qui laisse partir sa famille mais qui reste avec Sidney. Le journaliste a donc le sens du sacrifice pour sa cause. . Dith a toutes les ruses pour obtenir des informations. Les journalistes essaient de fabriquer un faux passeport américain pour Dith (malheureusement sans succès). Le journaliste est, par définition mais aussi dans l’imaginaire collectif, un individu instruit et cultivé, appartenant à une catégorie socio-professionnelle classée comme cadre et profession intellectuelle supérieure25. Il présente en définitive une intelligence certaine que l’on peut voir sous toutes ses formes dans l’ensemble des films de journaliste, ce critère faisant totalement partie de sa masculinité.

Le réalisateur Samuel Fuller montre bien cette ambivalence de la personnalité du journaliste dans son film Shock Corridor sorti en 1963 aux Etats-Unis. Il nous montre un journaliste très ambitieux se faisant passer pour un malade mental dans le but d’intégrer un hôpital psychiatrique et ainsi découvrir le meurtrier qui s’y cache. Johnny Barrett, le journaliste en question, travaille au journal Téléglobe et va rapidement mettre la main sur quatre suspects au sein de l’institution totale, là où la police n’a pas réussi à en dénicher un seul. Pour se faire, il fait croire aux autorités qu’il est amoureux de sa sœur, qui n’est autre que sa femme. Cependant, au contact quotidien des déments, il devient vite fou lui-même et sera pris pour tel 25

D’ap s la NOMENCLATURE DES PROFESSIONS ET CATEGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES (CSP). Source : Ministère des affaires sociales du travail et de la solidarité – République Française – INSEE

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lorsqu’il dénoncera le véritable coupable. Le film est une métaphore de l’Amérique du début des années 1960. Chacun des « fous » est représentatif d’un aspect de la « folie » américaine comme nous le montre l’exemple de l’ancien militaire de la guerre de Corée, celui de l’artiste raté, celui de l’afro-américain se prenant pour un membre du Ku-Klux-Klan, etc. Les personnalités folles de cette œuvre sont toutes présentes pour dénoncer un penchant sombre de la société américaine et son action militaire dans le monde. Malgré le fait que le monde du journalisme n’apparaît qu’en filigrane dans le film, il est possible d’y déceler de nombreux aspects de la masculinité du journaliste. L’ambition de Johnny Barrett y est immense, ce dernier voulant faire partie des grandes figures du journalisme mondial et gagner le fameux et très convoité prix Pulitzer. Il prend des risques aux dépens de sa santé mentale. En ce sens, il est opposé à son épouse Cathy comme nous le montre la citation d’Euripide au début du film et qui n’est autre que la suivante, « Celui qui veut détruire, Dieu le rend fou ». En effet, le journaliste obtient la récompense tant rêvée au prix de sa propre vie, Barrett se demandant si cela vaut le coup de le décerner à un fou. Son obsession et son désir ultime d’ambition l’ont conduit aux portes de la démence d’où il ne ressortira jamais. C’est un égoïste qui est prêt à tout sacrifier au nom de son ambition. Il y est poussé par son rédacteur en chef et par le psychiatre qui, au début du film, lui apprend à simuler la folie. Pour arriver à ses fins, il transgresse les règles, il simule et trompe les autres internés. Il se voit donc au-dessus des autres, dans un véritable processus de deus ex-machina. Néanmoins, nous retrouvons dans Johnny Barrett les traits de la masculinité que nous avons pu déceler dans d’autres personnages de journaliste au cinéma. Effectivement, il a une haute idée du métier de journaliste. Ce qu’il fait, il le fait au nom d’un idéal, celui de rendre la justice et de faire ce que la police n’a pas été capable de faire. Le journaliste ne se contente pas d’alerter, d’informer, il se substitue aux autres institutions en charge de faire respecter la justice dans la société, même celle cloisonnée des déments. Sa femme le lui reproche par ailleurs, comme il est possible de le voir dans cette citation : « Tu n’es pas Moïse conduisant les foules vers la Terre promise ». Au contraire de sa femme qui incarne la raison et la peur du danger, Johnny Barrett est téméraire, jusqu’au-boutiste, anormal et prêt à perdre la femme qu’il aime pour réaliser son ambition. L’ambivalence, ici presque schizophrénique, hésite entre la face positive et celle plus sombre de la masculinité du journaliste de fiction sur laquelle nous allons nous pencher dans la seconde sous-partie qui suit.

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II / La masculinité du journaliste de fiction : L’anti-héros, ou le journaliste désabusé Malgré des traits de masculinité positifs en grand nombre du côté du journaliste de fiction, il est aussi possible de déceler des attributs que l’on pourrait qualifier de négatif, faisant ainsi passer notre héros authentique vers un aspect plus sombre et humain de sa personne. Chaque héros de bien possède en lui une part sombre, un côté anti-héros qui se cache au plus profond de son être. Les journalistes de fiction ont toujours montré cette ambivalence que nous allons étudier ici. De la solitude comme constituant du journaliste retranscrit sur le grand écran Il est en effet aisé de se rendre compte avec le visionnage de nombreux films du genre que les personnages impliqués en tant que héros principaux sont le plus souvent seuls. L'exemple le plus probant réside dans « Profession Reporter » dirigé par le cinéaste italien de la nouvelle vague européenne Michelangelo Antonioni. Plus qu’un simple thriller basé sur une aventure journalistique, « profession reporter » nous plonge dans l’enfer intérieur de la solitude. A la manière de Jean-Luc Godard dans « Pierrot le Fou » ou même « A bout de souffle », Antonioni nous amène, par la force de ses plans travaillés, dans un voyage au bout de l’ennui à l’encontre du mal intérieur qui ronge un homme, l’anti-héros moderne aspiré par son travail et l'abattement causé par celui-ci. De la solitude découlerait donc une certaine aliénation du personnage décrit à l'écran, la question peut d’ores et déjà être posée et s'annonce vitale dans l'étude de cette composante du journaliste de fiction. Pour en revenir au film dont nous dissertions peu avant, David Locke, célèbre reporter de guerre en mission en Afrique Subsaharienne, se retrouve seul face à l’adversité, perdu dans ses doutes en plein milieu du

David Locke face à l'adversité et l'étrangeté d'un monde qu'il ne comprend pas comme montré ci-contre au travers de 3 captures d'écran extraites durant les premières minutes du film Profession Reporter dirigé par Michelangelo Antonioni (Source : Capture d’é ra réalisées par Philippe Girardet) 27


Tchad. La solitude du héros se dévoile dès les prémisses du film, durant la scène du désert où le héros est désespéré car il n'arrive pas à approcher les individus qu’il veut filmer. Le cadre appelle la solitude qui envahit petit à petit le héros malheureux de l'ouvrage d'Antonioni, comme nous le montre l'aridité, les dunes de sable sans fin et l'immensité du désert où l'écho désespéré des cris du journaliste ne s'entend plus. Le désert se voit plus ici comme un vecteur et un déclencheur de la solitude du héros que comme un simple élément décoratif permettant de situer l'action. Toute la dimension symbolique que revêt le désert dans l'imaginaire collectif est mobilisé par Antonioni pour David Locke est censé couvrir un conflit qu’il ne trouve pas, qu'il ne comprend pas et qui l'aliène progressivement, à tel point qu'il finit par voler l'identité de son voisin de chambre décédé pour mieux parvenir à ses fins. Le film décrit en quelque sorte une longue quête de la liberté, celle qui est pure et parfaite, le héros s'abandonnant aux plaisirs de la perte d'identité pour mieux s'en recréer une. A l'image de l'œuvre récente des frères Cohen « A simple man », le héros d'Antonioni, ou plutôt l'antihéros et alter-égo du réalisateur en l'occurrence, reste avant tout un homme moyen en proie au désarroi d'une vie morne et terne, faite de multiples ratés et de nombreuses déceptions. Le personnage, écrasé par le désert étouffant, ne trouve comme échappatoire à sa solitude que d'impersonner un inconnu pour mieux relancer sa vie. Le désert et ses habitants hostiles finissent par déshumaniser totalement le journaliste qui commet l'irréparable, entraînant sa vie dans sa chute inexorable à la manière du héros aliéné et à bout de « Chute Libre » paru en 1993 et réalisé par Joel Schumacher. Peut-être pourra-t-on rajouter que la solitude du héros David Locke, n'est pas celle d'un misanthrope mais plutôt d'un homme usé se sentant seul au milieu des autres, dans l'incapacité de communiquer avec les différents éléments humains qui l'entourent. La solitude se discerne dans le rapport à autrui. Tandis que le héros désabusé de « Chute Libre » (« Falling Down » pour le titre original) se lance dans une course violente et effrénée contre les stupides codes sociaux et interdits de la société de consommation de masse, David Locke de « Profession Reporter » fuit son isolement et la société où il ne se sent pas à sa place, comme perdu dans un univers étrange qui refuse pertinemment de l'intégrer en son sein. Le héros d'Antonioni se rapproche donc, comme nous le disions un peu plus haut dans l'analyse, du personnage de Ferdinand dans Pierrot Le Fou de Jean-Luc Godard. Ce dernier refuse les mœurs et les codes d'une société qui l'étouffe et décide de prendre la route avec une femme qu'il a rencontré peu avant, fuyant ainsi les affres de la communauté d'humain qu'il abhorre au plus haut point et les obligations de travail imposée par la société de consommation. La fuite en avant se retrouve dans « Profession Reporter » lorsque le journaliste prend un téléphérique et sent la pesanteur s'envoler lorsqu'il ouvre les bras tel un 28


oiseau, l'air lui caressant la peau et la liberté revenant à lui. Le téléphérique peut s'interpréter comme le passage dans un monde nouveau, loin des craintes et de l'isolement ressenti dans le désert saharien. La notion de mouvement est ainsi mobilisée par Antonioni pour démontrer l'échappatoire du héros, libre de voler de ses propres ailes dans son nouveau soi, sa nouvelle identité volée qui l'entraînera vers l'instant final de tout être vivant, la libération trouvée dans la mort après une renaissance volée au destin. Par ailleurs, la cause de cette solitude généralisée présente des causes plus profondes que la non-réussite professionnelle du film d’Antonioni. Dans le « biopic » consacré à la journaliste Christine Chubbuck paru en 2016 sur les écrans du monde entier, le réalisateur Antonio Campos montre de façon crue et sans ambages le suicide programmé en direct live de ladite journaliste sur le plateau d’une chaîne de télévision populaire de Floride aux Etats-Unis26. Dans cette libre adaptation de la vie de la journaliste ayant commis l’acte ultime devant des centaines de téléspectateurs, la solitude et la dépression qui en découle sont montrés comme étant les deux principaux facteurs du suicide de Christine Chubbuck. Comme l’indique le consensus critique du film sur le site web de référence Rotten Tomatoes27, ce sont les aléas de la vie, les difficultés rencontrées au quotidien qui eurent raison de la jeune journaliste de 29 ans s’étant offerte une fin de vie surmédiatisée. Les considérations de genre ne sont pas non plus à oublier, et le film le montre bien en décrivant le patron de Christine, Michael, comme un éditeur en chef brutal et misogyne. Le contexte des newsrooms et de la cohabitation entre les sexes dans ces espaces fermés ainsi qu’opaques aux regards de l’extérieur est aussi à prendre en compte dans la formation du sentiment de solitude et dans la création d’un désespoir intense chez la journaliste. Ce dernier point fut décrit par Guy Lodge dans sa critique du film sorti en salles en l’an 201628. Si l’on s’amusait à détourner la célèbre citation de la réalisatrice Agnès Varda qui disait alors que le bonheur est une accumulation de petits plaisirs dans son film éponyme paru en 196529, nous pourrions presque affirmer que l’accumulation de mauvais chemins empruntés et de déviations incertaines donnent naissance au désespoir et à la solitude, ces éléments constituant un pan spécial de l’aspect négatif de la personnalité du journaliste de fiction. Les journalistes sont présentés comme des victimes d’un système qui les écrasent mais qu’ils tentent souvent de combattre au péril de leur vie quand ils n’essayent pas de le contrôler eux26

David Morrison, 9 février 2017, Taxi Driver et 9 autres films sur la solitude, sur le site web bfi.org.uk http://www.bfi.org.uk/news-opinion/news-bfi/lists/10-great-films-about-loneliness 27 https://www.rottentomatoes.com/m/christine_2016/ 28 Lodge, Guy (January 24, 2016). "Sundance Film Review: 'Christine'". Variety. Retrieved September 25, 2016. 29 Le Bonheur, Agnès Varda, 1965, Parc Film, sorti en France le 01/07/1965

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mêmes par la force de leur plume, ou de leur chéquier. Charles Foster Kane, le héros du film Citizen Kane sorti en 1941, nous le montre si bien dans la mesure où ce dernier se retrouve dans la plus pitoyable solitude à l’article de la mort, oublié et abandonné par son harem social qui l’entourait quand tout allait tout au long de sa riche carrière au New York Inquirer. Le palais de Xanadu, du nom de celui érigé par Kubla Khan dans le poème mythique de Samuel Taylor Coleridge, paraît alors bien vide, l’ensemble des possessions matérielles de Kane brûlant dans un grand feu expiatoire, ce dernier n’emportant rien d’autre dans la tombe que la signification tant recherchée par le journaliste en charge de l’enquête du mot « Rosebud ». Fondamentalement, Charles Foster Kane se sent seul et, sans s’en rendre compte, il éloigne l’ensemble de ses proches loin de lui. Cela est du à sa volonté de tout contrôler, d’avoir une emprise psychologique sur les corps. Nous pouvons prendre l’exemple de la scène de la rupture avec sa seconde femme où une violente dispute éclate. Sa femme, Susan Alexander, s’apprête à le quitter lorsqu’il lui rétorque qu’elle n’en est pas capable. Tout en s’en allant d’un pas décidé, elle lui répondra que « oui, j’en suis capable ». Le vide de la vie de Kane se retrouve dans sa manière compulsive de collectionner les objets de toute sorte, comme nous le montre le travelling arrière à la toute fin du film laissant découvrir l’ampleur de la collection amassée par Kane au fil des ans dans l’enceinte du palais de Xanadu. Le palace peut donc se voir comme une forteresse, une dernière tentative désespérée du héros de conserver le peu de choses qu’il lui reste après avoir tout perdu. Kane est totalement isolé après le départ de Susan, tout comme il le fut dans son enfance d’après un travail cinématographique montrant le jeune Charles assis au milieu d’hommes vêtus de noir ouvrant un cadeau de l’assistante sociale se chargeant de lui. Qu’importe la situation, Kane se retrouve toujours isolé du monde qui l’entoure, la solitude étant son destin inévitable, le fatum d’une tragédie grecque au sein du rêve américain en décrépitude croissante. La solitude colle donc au corps des journalistes, comme une bête noire qu’ils tenteraient de chasser en remplissant la page blanche. Le journaliste de fiction perdu entre vice et vertu Plus qu’un solitaire acharné, le journaliste de fiction aime à s’adonner aux différents plaisirs coupables qui l’entourent sans cesse, comme faisant partie de son ethos particulier. L’ethos du journaliste de fiction se verrait donc comme une culture à part entière, hésitant entre vices et vertus tel le bateau ivre de Rimbaud s’apprêtant à plonger en eaux troubles. Nous avons pu voir ce dernier point dans la première partie de cette analyse consacrée au bon journaliste, le modèle bien éloigné de son frère cadet, le mouton noir dans la famille journalistique du grand 30


écran. Les journalistes à l’écran ont donc de très mauvaises habitudes que la société dénonce souvent, ces derniers allant d’une consommation exacerbée de cigarettes jusqu’à l’abus d’alcool en grande quantité tout en passant, parfois, par la prise de substances illicites et hallucinogènes. Bien souvent, le journaliste de fiction tombe dans le vice et les turpitudes durant sa quête de la vérité, qui sous-tend l’ensemble des aventures des Newspapers Movies. Comme le dit le serment des témoins en France quand ils jurent de ne dire que la vérité et toute la vérité, les journalistes se mettent en recherche de cette dernière mais doivent pour cela passer par des chemins semés d’embûches qui les font souvent tomber dans le stupre et les excès. Le film d’Orson Wells nous le montre bien avec le personnage de Leland qui, à la manière de son ancien ami et personnage principal Charles Foster Kane, entame une descente aux enfers progressive tout au long des deux heures de Citizen Kane. Leland est un ami de longue date de Kane avec qui il a créé le journal l’Inquirer à New-York et participé à sa montée en puissance. Néanmoins, face au désir ardent de pouvoir et la folie des grandeurs de Kane, Leland sent son amitié avec ce dernier faiblir et s’effacer progressivement. Celle-ci sera actée quand Kane déchirera la déclaration des principes éthiques du journal, rejetant l’ensemble des fondements qui avaient fait la force du journal qui porta Kane au sommet de sa gloire. Leland, à la manière du héros éponyme30 dans la série Twin Peaks réalisée par David Lynch, devient un personnage torturé fuyant ses obligations et ses malheurs dans la boisson. L’alcool devient son principal outil dans la fuite qu’il entame vers un journal de Chicago après la douloureuse défaite de Kane aux élections gouvernoriales. La catabase de Leland atteindra son apogée à la suite de l’atroce concert donné par la seconde femme de Kane à l’opéra de Chicago et pour lequel il devait en faire la critique. Ayant peur du magnat de la presse et de sa possible mauvaise réaction, Leland noie son désarroi et son épouvante dans l’alcool et finit par s’endormir devant sa machine à écrire, ne pouvant pas écrire l’article élogieux qui en était attendu. Kane lui paiera alors une visite, finira l’article à sa place en le rendant encore plus critique qu’il ne devait être et retrouvera, pour un instant, le souffle éthique journalistique qu’il avait perdu depuis longtemps. Ici se solde le point final de l’amitié qui existait auparavant entre Leland et Kane, le premier étant renvoyé du journal et le second reprenant son travail narcissique de construction d’une tour de Babel moderne nommée le palace de Xanadu. 30

Twin Peaks, David Lynch, 1990-1991, 2 saisons, 30 épisodes Da s ette s ie t l vis e a a t a uis le statut d’œuv e ulte, le pe so age de Lela d est u ho ee plei e d p essio su issa t le o t ôle d’u e e tit al fi ue l’e t aî a t da s u e des e te au e fe s meurtrière.

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Nombreux sont les journalistes de fiction à être tombé dans le cercle débauché que Leland du film Citizen Kane. Les cas les plus emblématiques se retrouvent dans les films de journaliste adaptés des livres de Hunter S.Thompson. Ce dernier devint un journaliste reconnu dans le milieu grâce à la création novatrice d’un type de pratique journalistique prenant le nom de « Gonzo Journalism »31, ou journalisme gonzo en langue de Molière. Les deux films issus de ces aventures font bien entendu parties de notre corpus de films. Le premier à être étudié n’est autre que The Rum Diary, sorti en salles en 2011 sous la direction de Bruce Robinson et mettant en scène Johnny Depp dans le rôle principal. Le film présente l’histoire d’un journaliste désabusé, Paul Kemp, ayant raté son début de carrière qui cherche à rebondir dans le petit journal local de San Juan à Puerto. Commence alors une collision entre ses idéaux et les nécessités du journal local avec le refus d’un article par son éditeur en chef. Ce dernier pourrait heurter la sensibilité des lecteurs mais aussi causer des dégâts sociaux importants sur l’île. L’éditeur en chef sous-estime ses lecteurs et les considère comme stupides et incapables d’apprécier le vrai journalisme. Au fil de ses rencontres, il fait la malencontreuse connaissance de Paul, un homme d’affaire du coin traînant dans les milieux mafieux et impliqué dans une sombre affaire immobilière locale. Ce dernier demande alors à notre antihéros journaliste d’écrire pour lui et ses camarades dans l'unique d’appuyer son projet immobilier véreux. Peu à peu, Paul Kemp, qui s’était réfugié à Porto Rico pour fuir le train de vie New-Yorkais, se retrouve pris dans une spirale alcoolique infernale, perdu entre ses désirs de reconnaissance et d’argent et ses volontés éthiques de journaliste véritable. L’alcool est présent durant l’ensemble du film, faisant une apparition dans la plupart des scènes. Paul Kemp et ses acolytes sont présentés comme des alcooliques notoires fuyant la triste réalité du monde les entourant dans une quête infinie du plaisir. Cette dernière sera par la suite accentuée avec une scène montrant la prise d’une drogue hallucinogène par les deux journalistes désespérés de la situation sociale sur l’île, ne pouvant rien faire pour aider les habitants à sortir de la misère. Comme dans Fear and Loathing in Las Vegas qui n’est autre que le second film issu des ouvrages de Thompson, le journaliste est montré comme un aventurier des temps modernes pénétrant dans des terrains acidulés inconnus auparavant. La prise de drogue telle que le LSD reste marginale dans les newspapers movies même si on observe une certaine ces dernières années dues à l’émergence des nouveaux médias.

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Le journalisme gonzo est u st le de jou alis e it sa s au u e e he he d’o je tivit , i lua t souve t le epo te au sei du it et à la p e i e pe so e. D fi itio issue de l’a ti le Wikip dia elatif au journalisme gonzo.

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Les journalistes distillent leur propre breuvage pour répondre à leurs besoins alcooliques grandissants. (Source : Capture d’é ra par Philippe Girardet issue du film The Rum Diary)

Elle se retrouve surtout dans les œuvres inspirées des années 1970, en lien avec les mouvements sociaux de libération sexuelle et sociale, libéralisant la société américaine au travers des mouvements hippies ou des communautés artistiques autonomes. Fear and Loathing in Las Vegas est un film américain sorti en salles en l’an 1998 et qui fut dirigié par Terry Gilliam avec cette fois encore, Johnny Depp dans le rôle principal. Cette œuvre hallucinée présente en moins de deux heures l’essence même du journaliste gonzo, la quête subjective de montrer la vérité pure de chaque individu et de chaque fait sans altération aucune. Le seul moyen pour le journaliste de se libérer du lourd fardeau de l’objectivité ne pouvait alors passer que par l’abus d’alcool et la consommation excessive de drogues hallucinogènes et récréatives.

Le film se voit comme un road-trip sous hallucinogènes

entrepris par le journaliste Raoul Duke, Hunter S.Thompson ayant utilisé un pseudonyme pour publier son article, accompagné de son acolyte avocat Dr.Gonzo. Ces derniers ont pour but de couvrir un évènement automobile à Las Vegas, qui deviendra bientôt un long voyage apocalyptique au bout de l’enfer des psychédéliques comme nous le montre l’extrait suivant: “The trunk of the car looked like a mobile police narcotics lab. We had two bags of grass, 75 pellets of mescaline, five sheets of high-powered blotter acid, a salt shaker half full of cocaine, and a whole galaxy of multi-coloured uppers, downers, screamers, laughers … and also a quart of tequila, a quart of rum, a case of Budweiser, a pint of raw ether and two dozen amyls.”32 Le coffre la voiture de Duke et Gonzo était rempli à ras bord de toutes les drogues possibles et imaginables tandis qu’ils roulaient à fond de train en direction de la course de rallie à Las

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Texte lu par le narrateur du film Fear and Loathing in Las Vegas durant la première scène présentant les deux protagonistes

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Vegas, ville du vice décrite comme un enfer sur terre engendré par le capitalisme galopant des années 1970. De cette descente aux enfers, Raoul Duke, Thompson en l’occurrence, accouchera d’un article dénonçant la fin du rêve américain, d’un monde en décadence bien montré par les nuances de rouge utilisées dans l’étalonnage colorimétrique du film33. Les différents angles de prise de vue, comme l’utilisation ingénieuse de l’angle néerlandais34 cherchant à montrer l’effondrement d’un pays rêvé et la fuite en avant via la prise de drogues floutant la réalité. Enfin, nous finirons par aborder un dernier journaliste torturé par les vices pour clore cette partie. Dans le film Zodiac, tourné par David Fincher et sorti en 2007, le journaliste incarné par Robert Downey Junior possède un fort penchant pour la bouteille. Ce dernier, nommé Paul Avery, abuse déjà de la consommation bien avant le début de l’enquête portant sur un tueur en série agissant dans la baie de San Fransisco et utilisant le San Fransisco Chronicle comme une plateforme médiatique pour se faire connaître. Paul Avery est un journaliste reconnu et respecté dans le milieu journalistique qui va perdre petit à petit pied avec la réalité, au fur et à mesure que l’enquête patine. Son obsession pour le zodiac, le serial killer en question, devient une véritable obsession qui va le pousser au bord de la dépression et de l’autodestruction. Il se noie donc dans l’alcool et la drogue, se laissant aller à la dérive, reclus sur un bateau lui servant désormais de lieu de vie où le héros autrefois valeureux et prêt à défendre la vérité a disparu, englouti et obsédé par un meurtrier jamais retrouvé.

La déception amoureuse ou les affres du cœur Les journalistes de fiction, dans la plupart des films de journaliste, ont de nombreux problèmes pour mener une vie sentimentale que nous pourrions qualifier de « normale et stable ». Cette dernière est bien souvent vide et l’amour entre journalistes brille bien souvent par son absence. Sonia Dayan-Herzbrun dit d’ailleurs à ce sujet35 que les seules relations fortement érotisées dans les films de journaliste sont les relations d’ordre professionnel. Ces dernières conduisent pour la plupart à un rapport sexuel sans lendemain où le côté amoureux de la question est totalement effacé derrière la recherche ambitieuse d’une information importante ou d’un scoop qui fera trembler les gros titres. Les seules relations que les 33

Dans le cinéma, la couleur rouge, totalement paradoxale, sert à montrer la violence, la passion, la sexualité ai si ue la se sualit , l’ e gie ou la ol e. C’est la ouleu de la lu u e et de l’e fe pa e elle e. 34 L’a gle e la dais, ou Ca ted A gle e a glais, o siste à i li e la a a pou aug e te la te sio d a ati ue d’u e s e. U o e e ple d’utilisatio de e t pe est à etrouver dans le film Natural Born Kille s d’Olive Sto e so ti e 99 . 35 Le journalisme au cinéma, Sonia Dayan, Seuil, 18/03/2010, 128 pages

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journalistes tissent avec des individus du sexe opposé en des termes amoureux ne sont que, pour la plupart, des relations professionnelles. En effet, les relations amoureuses n’apparaissent qu’au sein des enquêtes menées avec des enquêtés ou entre journalistes, justifiant en partie la théorie de l’homogamie du couple. Un exemple majeur réside dans l’histoire de Charles Foster Kane et ses deux femmes successives qui menèrent l’homme à qui tout réussit à une fin de vie solitaire, perdu dans les angoisse de l’agonie. Le héros du film culte Citizen Kane eut deux femmes durant sa longue carrière de Tycoon américain et magnat de la presse, possédant plusieurs dizaines de journaux à travers le continent. A la manière de Rastignac se lançant à l’assaut de Paris du haut de Montmartre à la toute fin du Père Goriot, Kane est un personnage plein d’ambition et de volonté de puissance, prenant ainsi une revanche sur la vie dans la mesure où il est né pauvre. Sa première femme, ayant le nom d’Emily Monroe, n’était autre que la nièce de l’actuel président des Etats-Unis de l’époque. Il eut un enfant avec elle, puis s’ensuivit un divorce Le couple Kane déjeunant tout en lisant chacun son propre journal : L'inquirer du côté de Kane, et le Chronicle pour Emily, ce dernier étant l'adversaire du premier journal de Kane. (Source : Capture d'écran réalisée par Philippe Girardet et issue du film Citizen Kane.)

douloureux pour Kane dans le sens où Emily partit avec son fils puis ces deux derniers décèdent tragiquement dans un accident de voiture. Néanmoins, il nous est impossible d’affirmer que le journaliste Kane fut amoureux de sa première femme, trop absorbé par son ambition dévorante et son désir immuable de grandeur. L’absence d’amour et l’éloignement progressif à mesure que la fortune du héros grandit nous est montré au travers de cette scène iconique où les deux personnages prennent plusieurs petits déjeuners successifs, les plans passant les uns après les autres en fondu ou en simple coupure. Le réalisateur Orson Wells 35


montre ingénieusement la distance grandissante entre les deux individus du couple en les faisant s’éloigner l’un et l’autre de part et d’autre de la table où ils déjeunent, comme il est possible de le voir dans l’illustration suivante. Le couple en péril éclatera par la suite après une affaire que Charles Foster Kane entretenu avec « the singer ». The singer fut le nom donné à la chanteuse de cabaret Susan Alexander par les différents journaux qui révélèrent l’affaire au grand jour, faisant ainsi chuter Kane dans sa course à l’élection gouvernoriale de l’Etat de New-York. Kane la prit ensuite pour seconde épouse et, ne l’aimant toujours pas, entreprit de la faire devenir une grande chanteuse d’opéra, affirmant même à la presse qu’il serait prêt à lui construire un opéra si le Metropolitan ne souhaitait pas la faire chanter sur sa scène. Néanmoins, Susan Alexander n’est pas douée pour l’exercice du chant à un niveau aussi haut et provoquera les critiques et la haine de la foule étant venue l’acclamer, tout cela bien caché derrière des applaudissements polis dus à la servitude des spectateurs face à la force de Kane. La volonté de puissance, qui est un trait fort de masculinité, éclate pleinement dans ce film. La volonté de changer le monde, de modeler les opinions quelles que soient les oppositions se fait sentir tout au long du récit. « Il faut s’imposer » dit-il à Susan Alexander quand elle lui dit qu’elle n’a pas les capacités d’une grande chanteuse lyrique. La folie de puissance et de grandeur culmine par la suite dans les scènes finales où Kane et Susan se retirent dans un immense château. Cette dernière finira par le quitter, lassée d’être le jouet d’un homme ennuyeux et peu intéressé par sa personne. La descente aux enfers du héros commence alors, l’entraînant lentement vers une mort solitaire, abandonné par l’ensemble des personnes qui l’ayant un jour aimé. Les deux scènes où ses deux femmes le quittent sont révélatrices. Il est abattu mais pas violent. Comme s’il n’arrivait pas à comprendre que les choses ne se déroulent pas selon ses décisions. À la différence de certains héros journalistes forts, Kane révèle des failles. En ce sens, il est humain et inspire la pitié. Sa vie est jalonnée d’échecs autant que de succès : divorce, échec aux élections sénatoriales, séparation… Les peines de cœur sont un sujet récurrent du cinéma, et notamment des films de journaliste comme dans la célèbre œuvre de Federico Fellini, La Dolce Vita, sortie dans les salles obscures en 1960. Le film, qui dure 2h 50, se présente comme une succession de tableaux. À Rome, le journaliste célèbre spécialisé dans la presse people, Marcello Rubini incarné par Marcello Mastroianni se trouve, au hasard des évènements qu’il doit couvrir et de ses rencontres, dans différents milieux et dans différentes situations. Il apparaît, non pas conduire 36


sa vie, mais balloté par les évènements que le hasard met sur sa route. On sent tout de même en lui une recherche toujours insatisfaite du bonheur. C’est un séducteur. Les femmes ne lui résistent pas. Elles font même souvent le premier pas. Mais il reste insatisfait, les voulant toutes à la fois, incapable de se fixer et d’être heureux avec l’une d’entre elles. C’est donc un Don Juan des temps modernes. Il y a quelque chose de tragique dans cette errance quotidienne et amoureuse. Lors d’une soirée arrosée et endiablée dans un château près de Rome, Marcello retrouve Maddalena, la grande bourgeoise désœuvrée avec qui il avait eu une aventure dans une chambre de prostituée peu avant. Elle s’ennuie dans Rome et cherche de nouvelles sensations. Face à elle, Marcello est passif. C’est elle qui conduit la voiture par exemple. Par ailleurs, elle tutoie Marcello alors qu’il la vouvoie. Au final, nous pouvons en conclure que c’est cette dernière qui porte les traits canoniques de la masculinité. Quand Marcello lui dit qu’il est amoureux après leur rencontre importune dans le château, elle se dérobe pour garder sa liberté et s’en va embrasser un autre homme. Quelques secondes auparavant, elle avait demandé le héros en mariage. Une fois de plus, le journaliste, ou le paparazzi dans La Dolce Vita en l’occurrence, se retrouve seul, abandonné par son amour. Par la suite, dans un autre tableau, Marcello fait la rencontre d’une icône du cinéma portant le nom de Sylvia. Véritable star et créature artificielle, elle ne cesse de prendre la pose à la demande des photographes, se plie à leur demande de sourire et à leurs questions. C’est une femme objet mais Marcello est fasciné par elle. C’est face à elle qu’il est le plus actif, entreprenant, devançant ses désirs et ses caprices. Lorsqu’ils sont tous les deux dans la fontaine de Trévi et que Marcello s’apprête à lui donner un baiser de cinéma, les eaux de la fontaine s’arrêtent brusquement comme les projecteurs dans un théâtre. Ceci représente tout ce que Marcello aime, rappelant l’illusion, le rêve et la construction personnelle des désirs. La femme érotisée et rêvée atteint dans cette scène son apogée comme nous le rappelle cette phrase de Marcello décrivant la star de cinéma : « You’re everything, Sylvia. You’re the first woman of creation. You’re the mother, the sister, the lover, the friend… the angel, the devil, the home. That’s what you are, the home. »36. L’illusion est totale au travers de la caméra de Fellini montrant les rues de Rome totalement déserte dans une nuit calme, comme si elle fut créée pour accueillir les deux amants d’un soir. Au retour à sa chambre d’hôtel, lorsque le matin vient pour briser le rêve de Marcello, le mari de Sylvia les attend de pied ferme, giflant cette dernière et donnant une correction au paparazzi. Une fois encore, Marcello 36

« Tu sais, tu es tout, sylvia, tout ce qu'un homme peut désirer. Tu es la première femme du premier jour de la cr atio du o de. Tu es la e, la sœu , l'a a te, tu es le dia le et tu es l'a ge. Tu es la halte, le efuge da s la tempête, tu es si belle. » Citation extraite de la scène du baiser dans la fontaine de Trévi incluant Sylvia et Marcello dans le film La Dolce Vita de Federico Fellini.

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finit par être abandonné par son amante et son amour se retrouve meurtri par une femme. Il est possible de voir au travers de Sylvia le personnage de Eve dans l’ancien Testament de la Bible Chrétienne, la femme ayant croqué la pomme du jardin d’Eden condamnant les Hommes à une vie d’errance sur la Terre. Cette affirmation nous est montrée grâce à l’éloge poétique que lui fait Marcello peu avant le baiser cinématographique dans la fontaine, comme nous l’avons retranscrit ci-dessus. Elle l’oint par la suite avec l’eau de la fontaine, rajoutant à la dimension religieuse du film chère au réalisateur, Fellini. Pour reprendre la métaphore religieuse, il nous faut aborder le personnage de Paola, une jeune serveuse que Marcello rencontre dans un restaurant où il est attablé avec sa machine à écrire. Nous la retrouvons par la suite, dans la scène finale du film où elle prend alors toute son importance. Au bord de la mer, elle et Marcello sont de part et d’autre d’un canal. Elle lui parle par gestes et lui rappelle sa promesse de l’aider. Il ne comprend pas et s’en va. Ceci représente le symbole de l’incommunicabilité entre deux mondes et l’indifférence de Marcello au monde de la réalité. Marcello est l’archétype de l’hédoniste qui peuplait les rues de la Via Veneto dans la Rome de l’après-guerre. Il circule dans les bas-fonds de la débauche, à la recherche d’un amour idéalisé qu’il projette sur l’ensemble des femmes qu’il rencontre. Le journaliste est ici en plein dans les affres de l’amour, ne pouvant que rencontrer la déception et la désillusion dans ses relations. La scène où il tente de communiquer avec Paola à travers la rivière nous montre bien la recherche éperdue et perpétuelle de l’absolu et du parfait par Marcello. Paola représente tout ce qu’il n’est pas, un ange religieux bien éloigné du serpent et du diable qui pourrait caractériser le paparazzi. La Dolce Vita peut se voit comme une version renversée de la divine Comédie de Dante où Marcello partirait du paradis pour trouver l’enfer37, ici symbolisé par la décadence de Rome. Paola apparaît pour la seconde et dernière fois le septième jour, symbole du septième et dernier jour de la création de l’univers par Dieu dans l’Ancien Testament, dans le but de sauver Marcello et le sortir de l’Enfer symbolisé par l’orgie et la fête qui dura toute la nuit. Marcello refuse pertinemment son appel, se sachant condamner à errer en enfer, à la recherche de la femme idéale et d’un amour perdu. Dans le film Manhattan Night mettant en scène un journaliste New-Yorkais incarné par l’acteur Adrien Brody, les critères de masculinité du journaliste de fiction se perçoivent aussi du côté sombre de la personnalité, laissant deviner un personnage torturé. Porter Wren a, de ce fait, du mal à communiquer avec sa femme et ses enfants qu’il ne voit que très peu, rajoutant un autre journaliste solitaire à la longue liste déjà présente. Qui plus est, ce dernier n’hésite

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A Short Chronology of World Cinema, Dennis Grunes, 1er septembre 2010, Paperback

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pas à la tromper plusieurs fois avec une autre femme plus jeune et séduisante, avant que sa femme bernée ne se rende compte de la duperie et ne le quitte avec ses enfants. Journaliste séducteur mais journaliste abandonné, ces deux critères vont souvent de pair lorsque l’on se penche sur la masculinité de l’homme de presse dans le cinéma. Ce dernier cache pour le plus souvent ses émotions, se protégeant derrière une armure de silence qui participe à l’élaboration de sa virilité. Comme montré dans la sous-partie précédente, le journaliste de fiction tangue et hésite souvent entre vice et vertus, entre faire le bien et se laisser aller aux vieux démons du plaisir et de la luxure. Porter Wren, le héros mais aussi anti-héros du film en question, ne refuse jamais un verre, même si l’horloge tourne trop vite et que ses enfants l’attendent impatiemment à la maison familiale. Nous pouvons le voir revenir au foyer complètement ivre, son corps butant avec fracas aux murs de part et d’autres de l’infime couloir de son immeuble. Il ressemble de ce fait aux différents journalistes désabusés que nous avons pu observer tout au long de ce chapitre, tentant de se sortir de cette spirale infernale qu’est la consommation de substances ou l’attrait du corps féminin fortement érotisé dans les Newspaper Movies de la seconde moitié du 20ème siècle et du début du 21ème. Héros mythiques et mystifiés par les producteurs et les réalisateurs, les journalistes de fiction portent en eux cette ambivalence propre à la masculinité en général, la dichotomie entre le bien et le mal possédant une surface poreuse. Les attributs masculins se retrouvent souvent confrontés à des univers manichéens, qui tendent néanmoins à s’effacer de plus en plus de nos jours. En effet, les journalistes de fiction voient leur masculinité être remodelé, le héros typique se voyant être abandonné au profit d’un personnage plus humain et plus torturé. C’est ainsi que le héros du film Manhattan Night, un des derniers films récemment sortis en salles à présenter un journaliste comme personnage principal, se voit attribuer des caractéristiques de masculinité positives mais aussi négatives, accentuant l’aspect tourmenté du héros qui se décrit comme une espèce en voie de disparition. Vivant à temps plein le « struggle for life » digne des plus grands films hollywoodiens, le héros expérimente les conséquences désastreuses de la fin du rêve américain et son effondrement progressif dans les esprits et les corps.

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III / Du renouveau dans les Newspapers Movies : Masculin/Féminin Les femmes dans le journalisme au cinéma : rencontre avec le sexe opposé et découverte d’une masculinité Selon Pierre Bourdieu dans son ouvrage La domination masculine38, la pensée sur la masculinité ne peut se faire sans évoquer la féminité, les deux étant totalement interdépendants. L’opposition entre les deux concepts leur permet de se construire et de se développer, facilitant ainsi l’expression de l’un ou de l’autre. Le corps masculin se voit de ce fait masculinisé tandis que nous pouvons observer l’inverse pour les corps féminins. Jean-Luc Godard évoque ce point éminemment important de l’étude sur la, ou les, masculinité(s) dans son film Masculin/Féminin sorti en 196639. Pour Bourdieu, la vision du monde que nous possédons est inscrite dans notre habitus sexuant et nous montre une société sexuée40. Dans notre recherche sur la masculinité du journaliste dans le cinéma occidental, il nous semble nécessaire et important d’étendre notre analyse aux femmes journalistes et leurs différentes relations avec les individus masculins qui composent cet univers. Pour ce faire, nous allons analyser le rôle des journalistes de sexe féminin dans l’environnement du héros masculin. D’après Ralph Linton41 dans son ouvrage sociologique De l’homme, les individus occupent une place, que l’on nommera statut, dans un système donné. Le statut peut prendre différentes formes comme l’âge, le sexe, les relations familiales ou encore le prestige. François Flahaut, dans son étude La Parole intermédiaire publiée en 1978 étend ce concept de statut dans les rapports de places42. Ces derniers se forment lors d’une interaction verbale entre les individus. Par le biais de la discussion et de la conversation, les individus vont occuper une place déterminée en fonction du rapport établi. Flahaut rajoute même que chaque individu forme son identité en fonction d’un certain système de places qu’il ne peut contrôler, ce dernier le dépassant totalement. La place des journalistes féminins s’établirait donc selon une hiérarchie préexistante aux individus du monde du journalisme. Il est en effet possible de discerner une chronologie (Timeline) dans les films de journaliste au 38

Bourdieu, La domination masculine, 1998, p.59 Masculin/Féminin, Jean-Luc Godard, 1966, Argos Films, France 40 Krais, B. (1999). Autour du livre de Pierre Bourdieu La domination masculine. Travail, genre et sociétés, 1,(1), 214-221. doi:10.3917/tgs.001.0214. 41 LINTON, Ralph (1967) : De l'homme, chapitre 8 : Le rôle et le statut, Éditions de Minuit, Collection Le sens commun. 39

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FLAHAULT, François (1978) : La Parole intermédiaire, Le Seuil

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niveau du rôle des femmes. Au début du cinéma parlant et des Newspaper Movies d’Hollywood, nous constatons une absence totale de personnage féminin. Peu après, des personnages féminins apparaissent ensuite mais ne font pas partie du monde des journalistes, se contentant d’être les femmes de ces derniers avec des rôles mineurs. Les personnages féminins apparaissent dans les années 1940 et font totalement partie du monde du journalisme par la suite. Ce dernier point ne trouve son affirmation qu’au sein des films de journaliste contemporains, ces derniers présentant une version en phase avec les changements sociaux arrivés dans les deux dernières années. Il existe donc dans le cinéma contemporain, notamment celui se déroulant après les années 2000, l’émergence d’une journaliste de sexe féminin se voyant comme une véritable héroïne de fiction, volant la vedette au traditionnel journaliste masculin. Néanmoins, il est aussi nécessaire de constater l’adoption par ces dernières des tempéraments et des caractéristiques généralement associées à la masculinité, que ce soit dans le cinéma de journaliste européen ou son homologue américain. Nous avons pu voir précédemment que le journaliste de fiction hésitait la plupart du temps entre le vice et la vertu, s’adonnant bien souvent aux plaisirs de la cigarette, de l’alcool et de tout autre luxure. De nombreux films contemporains mettant en scène des journalistes de sexe féminin nous amènent à montrer que ces dernières adoptent les attributs de masculinité généralement associés aux hommes journalistes. Un exemple probant se situe dans le film 28 days, ou 28 jours en sursis en langue française, réalisé par Betty Thomas et sorti en l’an 2000 sur les écrans. Le film nous laisse à voir une journaliste nommée Gwen Cummings rongée par les vices, Sandra Bullock y incarnant une reporter alcoolique et dépendante aux différentes drogues de synthèse, comme les médicaments, les calmants, les antidouleurs, etc). Par la suite, elle doit se rendre en centre de désintoxication (« Rehab ») pour se faire soigner contre son gré après une série d’incidents dus à sa trop forte consommation de substances en tout genre. Même si le film ne présente pas vraiment son travail de journaliste, nous avons pu y déceler une phrase qui résumait bien la vision qu’elle avait du journalisme, une vision fortement romantique et pleine de spleen/autodestruction : « Yeah, I know I drink a lot, I know I do because I'm a writer and that's what I do, I drink. I'm not like those people out there, I can control myself! I can, if that - if I wanted to, I could, if I wanted. I can! I can! »43. Dans cette citation que la journaliste 43

En français : « Oui je sais je ois eau oup, je le fais pa e ue je suis u e jou aliste et ’est e ue je fais, je bois. »

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internée prononce à l’encontre du président de l’institution, nous pouvons y déceler les détails d’une forte volonté de s’en sortir et de mettre fin à son train de vie nocif d’antan, ainsi que des indications sur ses mauvaises habitudes de journaliste. En effet, Gwen Cummings présente des attitudes que l’on pourrait associer à celles d’un journaliste masculin, tant les attributs de la masculinité sont visibles dans son comportement. Effectivement, en plus d’une forte consommation d’alcool et de cigarettes, la journaliste possède la confiance en elle, l’ambition de s’en sortir et d’écrire quelque chose de grand mais aussi Ce renouveau contemporain de la femme journaliste trouve aussi ses sources dans le personnage mythifié, tout du moins en Irlande, de la journaliste Veronica Guerin. Un film éponyme lui fut consacré en 2004, tourné par le réalisateur Joel Schumacher et produit par le fameux Jerry Bruckeimer à qui l’on doit notamment la série Pirates des Caraïbes ou CSI. Veronica Guerin fut une journaliste irlandaise connue pour avoir fait tomber les plus importants barons de la drogue qui sévissait alors dans la misérable ville de Dublin au milieu des années 1990. Dans ce film qui porte le même nom que la journaliste en question, Cate Blanchett y tient le rôle principal, incarnant à la perfection une femme ardente, vaillante et intrépide, se rendant toujours là où on ne la veut pas pour y déceler les atrocités et la corruption d’une ville en décrépitude. Elle n’est autre qu’une journaliste de fiction possédant tous les attributs stéréotypés de la masculinité dans la mesure où elle est une femme qui s’assume et vit sa vie pleinement. Nous pouvons la voir à plusieurs reprises conduire vite et dangereusement une voiture sportive très chère, défiant la justice et retournant de nombreuses fois au tribunal. Par ailleurs, elle dénote une confiance en elle et une certaine assurance, au contraire des femmes journalistes montrées dans les films du genre dans les premières années. En définitive, Veronica Guerin est une journaliste respectée et connue dans toute l’Irlande qui peut se voir comme une femme possédant les caractéristiques de la virilité tout en conservant une certaine féminité assumée. En effet, elle n’hésite pas à faire du rentre-dedans à son informateur de la police pour lui soutirer des informations. Ceci est une caractéristique que nous pouvons retrouver dans de nombreux films mettant en scène des journalistes féminins, affirmant ainsi le statut de femme fortement indépendante. La mort christique est ici aussi présente comme nous avons pu le voir dans des films comme Aliker ou encore Parallax View. Veronica Guerin décède donc à la toute du fin du biopic sur sa vie, au volant de sa voiture sportive, plusieurs balles plantées dans le corps par des bandits impliqués dans le trafic de drogues. Par le biais de cette mort en martyr, Veronica Guerin accède au statut de héros et de justicier 42


du peuple, s’étant battu avec sa plume plutôt qu’avec ses poings. Plus qu’une icône, Veronica est une héroïne moderne et romantique, ayant combattu toute sa vie les oppresseurs en tout genre et ayant remodelé la justice irlandaise via un fort impact posthume. Néanmoins, le personnage n’est pas exempt de défauts, à la manière de ses homologues masculins qui eux aussi brillèrent de ce côté-ci de la personnalité. Effectivement, la journaliste n’hésite pas à risquer et celle de sa famille, dont son enfant, pour s’en aller guerroyer contre les toutpuissants barons de la drogue. Veronica Guerin est un personnage profondément solitaire, pour qui seul son travail de journaliste importe vraiment. Nous pouvons y découvrir une forte ambition personnelle, un certain égoïsme aussi. Le prototype de la journaliste indépendante et courageuse peut aussi se retrouver dans le film No Man’s Land de Denis Tanović sorti en 2001, à la suite de la guerre serbo-bosniaque qui frappa les balkans avant les accords de Dayton signés en 1995. Ničija zemlja, le titre en serbe, nous montre un conflit où les frontières entre le bien et le mal sont floutés, les deux protagonistes devant s’allier pour se sortir d’une situation inextricable alors qu’ils combattent chacun pour un camp différent. La seconde partie de l’œuvre fait intervenir une journaliste anglaise, Jane Livingston, qui va permettre de par son action et son charme, l’intervention de sauvetage des deux soldats. Ces derniers sont en effet coincés dans une tranchée, abandonnés à leur triste sort avec un camarade blessé allongé sur une mine piégée prête à exploser au moindre mouvement. Jane Livingston possède les attributs des journalistes masculins comme décrits dans les films du genre, à la manière de Veronica Guerrin que nous avons étudié un peu plus haut dans la recherche. C’est grâce à son action que les Nations-Unies se voient dans l’obligation d’intervenir, de peur de se voir confronté à un problème médiatique de grande ampleur. « The whole world is watching »44 est la citation qui pourrait, à elle seule, résumer la manière de penser et le schème d’interprétation de la réalité de la journaliste en question, se sentant investie d’une quête de vérité à la manière des « newspapermen » des films de journalistes américains comme Les hommes du président ou Good night and good luck. Pour les journalistes de fiction, cette vocation peut se comparer à un véritable sacerdoce, sans vacances ni repos comme nous le montre le personnage de Walter dans His girl Friday d’Howard Hawks.

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Le monde entier est en train de regarder/ Le monde entier a les yeux rivés sur les évènements que Jane Livingston va montrer via sa caméra

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Poussée par ses supérieurs attendant sagement dans le studio télévisé de recevoir des footages qui feront la une, Jane Livingston va au-devant du combat, par-delà la ligne de front, pour capturer des images « chocs » et collecter des paroles de soldats dans le feu de l’action. Courageuse, confiante, sûre d’elle et ambitieuse, telles sont les caractéristiques de la journaliste montrée par Denis Tanović. Nous pouvons donc affirmer qu’elle adopte les caractéristiques du journaliste de fiction masculin, sa féminité n’étant que peu montré sauf quand elle pourrait servir sa mission de correspondante de guerre. Elle tente en effet de séduire le sergent français en charge de l’opération de sauvetage des soldats, dans le sens où une histoire d’amour se tisse en filigranes tout au long de la seconde partie du film. Le réalisateur, se concentrant plutôt sur sa démonstration d’une guerre absurde rappelant la pièce de théâtre de Samuel Beckett En attendant Godot45, se montre assez subtil à ce niveau-là, ne cherchant pas à ressembler aux canons du film hollywoodien. Néanmoins, cette percée des femmes dans les films de journalistes n’est qu’un phénomène assez récent, remontant aux années 1980 mais prenant véritablement de l’ampleur qu’à partir des années 2000. Auparavant, les femmes ne devaient se cantonner qu’à des rôles mineurs, se trouvant la plupart du temps dans une situation de soumission hiérarchique ou de subordination par rapport aux hommes46. Les journalistes femmes étaient montrées comme étant plus jeunes, moins expérimentées et hésitant entre le dilemme cornélien de la vie professionnelle ou familiale. Pour illustrer ces propos, prenons l’exemple du film d’Howard Hawks His girl Friday sorti en 1940 que nous avons cité précédemment dans l’analyse. Le cinéma est une fabrique à rêves, un outil de propagation des normes et valeurs dans une société donnée, celle de l’occident en général depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les rôles entre les sexes dans les films sur le journalisme sont répartis selon la pensée dominante agissant dans la société. Howard Hawks rompt cependant ce fait en mettant en scène une femme journaliste, Hildy Johnson, en tant que personnage principal de son long-métrage. Hildy est une femme indépendante qui désire quitter le journalisme, cette dernière trouvant le milieu trop étouffant tout en souhaitant ressembler à la femme américaine canonique en fondant un foyer. En effet, pendant toute la première partie du film, elle veut quitter le monde du journalisme pour être une femme normale, faire correspondre ses aspirations avec sa vie réelle. Cependant, une fois qu’elle se retrouve retrempée dans une affaire, Hildy se voit prise 45 46

NoMa ’s La d re ie , Roger Ebert, 21 décembre 2004, rogerebert.com le journalisme au cinéma, Sonia Dayan-Herzbrun, Seuil, 18/03/2010, 128 pages : voir bibliographie

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au piège de la griserie du journalisme, celle de la mission de justicier dans un monde profondément injuste et corrompu. Elle veut dénoncer les malhonnêtes, sauver une vie, réparer une injustice et avoir prise sur l’évènement. Hildy doit aussi composer avec son exmari journaliste, Walter Burns ici incarné par Cary Grant, qui souhaite la reconquérir après l’avoir perdu suite à son travail d’éditeur trop prenant. C’est à son contact que la personnalité d’Hildy s’exprime pleinement, cette dernière acquérant les attributs de la masculinité observés dans les films contemporains. Cette dernière possède en effet sa propre vision du journalisme, considérant les reporters comme des « fouille-merde » qui « passent leur temps à scruter le trou des serrures », « à suivre les pompiers » et « qui sont prêts à tout pour faire un papier ». Walter y oppose la noblesse d’un métier de justicier, redresseur de tort, dévoilant les vérités. Il s’estime supérieur à tous ceux qui ne sont pas journalistes comme Bruce, petit assureur sans envergure et amant d’Hildy, le sheriff servile, à la botte du maire et ce dernier, pourri et uniquement intéressé par sa réélection. Par ailleurs, et c’est ici que la masculinité de la journaliste de fiction prend tout son sens, Walter Burns n’apprécie son ex-femme que lorsque cette dernière présente certaines caractéristiques de la masculinité. Il veut briser certaines conventions qui impliquent un rapport de domination entre l’homme et la femme. Il se refuse, par exemple, à lui tenir la porte, à lui offrir une cigarette, à l’aider à mettre son manteau. Il la considère comme une semblable, son point de vue sur les femmes étant toutefois particulier. Le cinéma d’Hollywood a toujours cherché à faire respecter la différenciation entre les sexes. Malgré l’adoption par les journalistes femmes de certains tempéraments et attributs propres à la masculinité, la division entre les sexes reste continuellement présente à travers les films produits. Les femmes, lorsqu’elles ne sont pas absentes, ne disent presque aucun mot, ou doivent se contenter de maigres rôles peu visibles. Le cinéma contemporain, dans sa tentative de représenter la société d’antan, reproduit ce mécanisme malgré les quelques avancées en terme de représentation observées. Un exemple probant se trouve dans le film de Michael Mann sorti en l’an 2000, The insider. Le film met en scène deux journalistes, Jeffrey et Lowell, qui vont entrer en lutte contre le lobby du tabac, ce dernier cachant une sombre vérité difficile à faire éclater au grand jour. Encore une fois, les femmes sont pratiquement absentes de l’univers des journalistes. Il y en a une tout de même qui participe aux réunions mais qui ne dit quasiment rien. Les seules femmes du film sont les épouses des deux personnages principaux. Celle de Jeffrey Wigand est femme au foyer. Elle le quitte quand elle comprend l’ampleur des difficultés dans lesquelles son mari s’est mis. Elle s’avoue trop faible pour arriver à le soutenir. Celle de Lowell Bergman, en revanche, travaille et cherche à épauler son 45


mari. On retrouve néanmoins cette opposition archétypale : les femmes sont réalistes, raisonnables, attachées à la vie matérielle ; les hommes sont idéalistes, engagés pour le bien ou pour le mal, prêts à tout perdre au nom de leurs idées. Par ailleurs, cette vision de la division sexuée du monde du journalisme se retrouve dans la toute dernière production de Steven Spielberg, Pentagon Papers, sorti sur les écrans mondiaux en 2017. L’action se situe dans les années 1970, en pleine guerre du Vietnam avec la guerre médiatique entre le gouvernement américain et le journal Washington Post au sujet d’un dossier sensible. En effet, Robert McNamara avait commandé à des experts un document portant sur l’utilité de la guerre du Vietnam. Ce dernier concluait à une inutilité de la guerre et à son enlisement inéluctable. Le Washington Post va alors braver l’interdiction de publication dudit document et faire tourner les rotatives pour faire éclater la vérité. Le film présente deux univers étanches l’un de l’autre, le féminin et le masculin. Il démontre de manière archétypale, comme dans The Insider, la division genrée du journalisme, avec deux mondes qui se côtoient et où chacun tient sa place. Il reste que ce film qui décrit les univers masculins des années 60 a été fait en 2018. Il est difficile de savoir quelle est la part de reconstruction de la réalité psychologique des personnages. L’histoire est toujours interprétée selon le regard du narrateur. L’univers des hommes correspond aux canons de la masculinité définie par Hollywood, avec des journalistes sérieux, déterminés, ambitieux et avec une conscience aigüe de la justice. L’univers des femmes, quant à lui, est beaucoup plus faible mais présente tout de même une des héroïnes du film, avec un développement du personnage intéressant au long du film. Kay est la directrice du Washington Post tout en étant une grande bourgeoise qui sait recevoir et vit dans les univers qui agissent au sein du long-métrage, la presse la politique et la banque. Elle est certes directrice du journal mais on ne la consulte que pour la forme. Quand elle préside le conseil d’administration, soit les décisions sont déjà prises, soit les débats ont lieu au-dessus de sa tête. Nous pouvons observer cela avec les nombreuses scènes où son visage exprime tantôt un sentiment intéressé et hésitant à s’exprimer, tantôt une expression totalement dépassée. Cependant, Kay Graham possède le pouvoir possède le véritable pouvoir au sein du journal, les hommes ne pouvant rien faire sans sa signature. Elle suit les problèmes qui pavent le chemin du Washington Post vers la conquête de la vérité en décidant de l’orientation éditoriale, en gérant la concurrence, en se mettant en relation avec les banques qui financent le journal et en réglant les problèmes juridiques posés par certaines publications.

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Dans un monde journalistique presque uniquement composé d’hommes, les femmes arrivent désormais à tirer leur épingle du jeu en adoptant les codes de la masculinité du journaliste de fiction. Ici, nous voyons la journaliste Meg Greenfield en état de grâce prête à annoncer la publication tant attendue. Source : capture d’écran réalisée par Philippe Girardet et issue du film Pentagon Papers (The post) réalisé par Steven Spielberg et produit par 20th Century Fox.

Dans le film français « Potiche », de François Auzon, 2010, Catherine Deneuve prend la direction de l’entreprise familiale suite à l’infarctus de son mari. Elle va très vite prendre toutes les décisions qui s’imposent avec un art de la négociation bien supérieur à son mari. Ce film montre que des qualités considérées comme féminines, avec le calme, l’empathie, la patience, la douceur, peuvent être efficaces dans la direction d’une entreprise. Pour en revenir à Pentagon Papers, Kay est une femme d’une autre époque. Pendant tout le film, on la sent dominée par les hommes et n’osant pas s’exprimer. C’est grâce à l’affaire des Pentagon Papers qu’elle va se révéler et qu’elle va oser prendre une décision. Elle la en désaccord avec quasiment tout le monde, notamment les juristes qui estiment qu’on n’a pas le droit d’utiliser un document provenant d’une même source que celle du New York Times mais aussi les journalistes de la rédaction qui ne veulent pas outrepasser l’interdiction du juge fédéral de publication du document. Ils ont tous peur pour le journal donc pour leur emploi. La décision de Kay est un acte de courage, fruit d’une lente maturation. Kay était très heureuse dans son habitus, laissant les affaires et le pouvoir aux hommes. Elle prend cette décision parce que les hommes ne sont pas à la hauteur de la situation. Ils baissent les bras quand il s’agit de défendre la liberté de la presse face au pouvoir politique. Kay Graham, incarnée par Meryl Streep, adopte au final certains attributs de la masculinité du journaliste de fiction, en affichant une détermination sans faille et un sens éthique profond. De plus, Pentagon Papers, ou The post en version originale ne présente qu’une seule journaliste femme, Meg Greenfield, qui semble dévolue aux articles people. Cependant, les cercles politiques la rejettent car ils la trouvent trop agressive et trop critique, cette dernière ayant totalement adoptée les attributs de masculinité dévolus au journaliste de sexe masculin pour se faire intégrer. En définitive, ce 47


film combat la vision patriarcale du monde du journalisme en mettant en scène deux femmes qui vont prendre les décisions importantes, tandis que les hommes hésitent et n’arrivent pas à se décider. Les murs d’une Amérique fermée, comme le répète inlassablement Tom Hanks dans Le Terminal de Steven Spielberg, sont alors écrasés et démolis par le sursaut des femmes journalistes dans le cinéma occidental. La journaliste représentée au cinéma a donc évolué, passant d’un statut de personnage annexe et peu important à celui de véritable héroïne ayant un rôle central dans la trame narrative. Pour ce faire, les journalistes de sexe féminin ont adopté les codes de la masculinité propre au journaliste homme du cinéma, à la manière des femmes dirigeantes qui calquent leur comportement sur celui des hommes. Les femmes journalistes se retrouvent alors en train de fumer, d’utiliser un langage grossier, d’avoir des comportements agressifs et autoritaires tout en affichant les qualités intrinsèques à l’habitus journalistique masculin comme la détermination, l’éthique ou l’ambition. Les spectateurs gardent en mémoire l’amante traîtresse de Belmondo dans A bout de souffle, symbole de la Nouvelle Vague par Michel Godard sorti en 1960. Patricia, la coupable, y vendait le New-York Herald Tribune sur les Champs-Elysées tout s’imaginant de devenir journaliste, rêve presque impossible pour une jeune femme dans les années 1960. Ce temps-là est désormais révolu, laissant place à l’émergence d’une véritable journaliste dans le cinéma occidental.

Un renouvellement des caractéristiques de masculinité dans les œuvres contemporaines D’après le Docteur Caroline Herman, éducatrice et professeure de sciences politiques à l’université Occidental College à Los Angeles, l’archétype actuel du héros masculin dans les films et les séries télévisés n’est autre que l’homme fort et silencieux, « the strong silent guy ». Il est décrit comme étant toujours en contrôle et ne présentant jamais ses émotions face à la caméra. Tout comme le modèle du super-héros qui s’en rapproche, les caractéristiques de ce type de héros nous font part d’un penchant vers l’hyper-masculinité, domaine où la violence règne en maître dans les productions audiovisuelles. Ces différentes caractéristiques, autrefois reliées au personnage du journaliste de fiction dans les Newspaper Movie, subissent néanmoins un renouvellement dans le cinéma occidental des deux dernières décennies. Le héros masculin façonné par Hollywood dès les débuts du cinéma parlant montrait une virilité presque exacerbée, comme il nous fut possible de le constater dans la partie antérieure de notre recherche. Le journaliste au cinéma était décrit comme un individu masculin ayant une personnalité ambivalente, hésitant entre faire le bien et pencher vers un aspect plus sombre de 48


son être. De ce fait, sa masculinité était dépeinte positivement avec des attributs tels que la force, l’intelligence, la détermination et l’ambition. Ce dernier point nous amenait cependant à étudier les caractéristiques négatives de sa masculinité, qui n’était autre que la solitude, les amours impossibles ou un fort penchant pour les vices divers et variés. Cependant, les films contemporains portant sur le journalisme nous apportent une nouvelle vision de la masculinité du héros rédacteur. Elle se voit comme étant remodelée, modifiée non pas en son essence mais sur des détails. Le journaliste au cinéma reste un individu masculin, mais présente de nouveaux attributs qui différent de ceux des héros des premiers temps. Ce renouveau de masculinité se retrouve parfois au contact du sexe opposé, durant la rencontre souvent éphémère entre un journaliste de sexe masculin et une femme. Nous pouvons par ailleurs prendre l'exemple de David Locke, dans Profession Reporter d'Antonioni qui va faire une rencontre durant la seconde moitié du film qui le marquera à jamais, et pour toujours. En effet, le réalisateur a réussi à rendre à l'écran la transformation radicale qui peut émerger chez l'homme seul lorsque ce dernier rencontre l'être cher et aimé qui va venir compléter sa vie. David Locke, auparavant perdu et en pleine crise existentielle, parvient à se retrouver en menant une relation intime avec une fille dont on ne connait pas le nom. Cet exemple se trouve tout aussi bien dans le film canadien/suédois de Niels Arden Opley sorti en 2009, Millenium, dans lequel un journaliste réputé mais en disgrâce est chargé de mener une enquête rocambolesque. Mikael sera aidé par une jeune femme, Lisbeth, être torturé dans tous les sens du terme mais doté d’une force physique égale à celle d’un homme, informaticienne douée, pourvue d’une mémoire photographique étonnante. L’enquête tient plus de l’enquête policière que journalistique car Mikael et Lisbeth opèrent seuls, sans contacter la presse quand ils découvrent l’horrible passé de certains membres de la famille Vanger : anciens nazis toujours convaincus de cette idéologie, meurtres rituels de juifs, tueur en série, viols et violences…Les caractéristiques de la masculinité de Mikael se perçoivent surtout en contraste avec ceux de Lisbeth. Mikael a beau être attirant et charmant, il est le contraire absolu du « «macho » caractéristique des journalistes au cinéma. En effet, A aucun moment, il n’a cherché à commencer une relation amoureuse avec elle. Il semble même étonné qu’elle vienne le voir. Pourtant, à la fin, on sent bien qu’il est plus amoureux de Lisbeth qu’elle ne l’est de lui, indiquant l’émotivité certaine du héros masculin. Les journalistes au cinéma ont donc tendance à davantage montrer leurs émotions qu’aux premiers temps du Newspaper Movie. Cette affirmation se verra confirmer un peu après dans la recherche via l’étude d’autres films contemporains. Mikael, le héros journaliste, possède de ce 49


fait un côté sensible et humain, corroboré par son attitude empathique vis-à-vis des cadavres mutilés ou sa tristesse lorsque Lisbeth laisse mourir un homme dans les flammes. On le voit, dans Millenium, c’est une femme qui capte toutes les qualités du héros masculin : l’intelligence, les compétences technologiques, la mémoire, la force, la bravoure. C’est une femme qui prend l’initiative de la relation amoureuse. D’ailleurs, elle entretient des relations intimes avec des femmes. Lisbeth a donc tous les traits de la masculinité, y compris les traits physiques avec une allure androgyne et très musclée, une taille mince, peu de seins, les cheveux coupés courts, etc. On pourrait dire que les rôles traditionnels sont inversés. Pas tout à fait, néanmoins, car on sent en elle une grande fragilité. On sait qu’elle traîne un passé de délinquante et de séjours en hôpital psychiatrique. Elle peut être d’une méchanceté et d’une insensibilité étonnante. Elle apparaît donc comme une marginale. Il reste qu’on a dans Millenium un couple masculin/féminin antithétique peu conventionnel. Ce renouvellement de la masculinité du journaliste de fiction se présente une nouvelle fois dans les œuvres contemporaines au travers d’une vision différente de la masculinité. Prenons un exemple récent et doublement oscarisé, c’est à dire la dernière production en date de Tom McCarthy, Spotlight. Le film met en scène une équipe de quatre journalistes d’investigation du Boston Globe dirigée par le rédacteur Walter Robinson qui sont chargés d’enquêter sur l’affaire d’un prêtre pédophile. Le film est l’histoire de cette enquête. Les journalistes découvrent progressivement l’ampleur du phénomène de la pédophilie chez les prêtres de la région de Boston. Tout au long du film, nous pouvons suivre l’enquête pas à pas, les journalistes allant de découvertes en vérité. Le point important ici n’est cependant pas le scénario en lui-même mais plus l’absence flagrante de division entre la masculinité et la féminité au sein de l’équipe de rédacteurs. Cette notion va à l’encontre et à l’opposé des canons du genre, mettant en place des rapports de domination entre les sexes comme dans un film de 1978 réalisé par Jean-Luc Godard, Comment ça va. La rédaction du journal communiste que l’on peut apercevoir dans le long-métrage subit un rapport hiérarchique puissant, les femmes se contentant d’écrire ce le journaliste homme leur dicte. Au contraire, dans Spotlight, la seule femme présente dans l’équipe de quatre travaille exactement comme les autres, sans relation de subordination se mettant en place. Certes, on la voit à un moment, chez elle, mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle mais on voit aussi un des journalistes se préparer un repas sommaire, un autre mettre en garde ses enfants. On ne peut pas dire qu’il y ait un partage des rôles féminins et masculins. De même, c’est un homme avocat qui va parler aux jeunes enfants victimes alors qu’on pourrait s’attendre à ce que ce soit une femme dans la 50


mesure où ces dernières sont traditionnellement réputées plus proches des enfants. Les caractéristiques traditionnelles de la masculinité comme l’agressivité, la solitude, le goût du pouvoir, l’ambition et la domination surtout envers les femmes, sont donc absentes. On voit même la femme de l’équipe aider son collège à quitter son manteau et le suspendre au cintre, ceci étant un rôle considéré traditionnellement comme faisant partie de la galanterie masculine. La personnalité des personnages de ce film, qu’il s’agisse des hommes ou de la femme relève de l’idéal professionnel. Ils sont tous courageux, disponibles, tenaces, passionnés par leur sujet, incorruptibles, insensibles aux pressions de certaines relations qu’ils ont dans les milieux catholiques, méthodiques et rigoureux dans leur enquête ainsi qu’acharnés au travail. Nous retrouvons donc certains attributs de la masculinité du journaliste de fiction, ces derniers faisant partie de leur ethos profond. La masculinité ne subit pas ici une révolution mais est remodelée d’une manière positive, laissant découvrir une nouvelle facette de la personnalité des héros. Face au milieu bourgeois et religieux de la société bostonienne, le réalisateur a voulu montrer un monde journalistique sérieux, quasi parfait. Ses membres ne sont pas traités en tant que femme ou homme. À aucun moment, la seule femme de l’équipe ne reçoit de compliment galant. Elle est traitée exactement comme ses collègues. On pourrait s’attendre à la voir, à certains moments, prendre un rôle masculin (s’opposer, être agressive, etc.) mais ce n’est pas le cas. La journaliste ici n’est ni masculine, ni féminine tout comme l’ensemble de son équipe qui ne correspond pas aux clichés de la masculinité étudiés dans les premières parties de la recherche. Peut-on dès lors parler de masculinité ? Le journaliste de fiction contemporain est aussi un individu qui a des problèmes d’argent, qui sont dans des situations pénibles et précaires, ceci étant du à la conjoncture économique actuelle mais aussi aux difficultés inhérentes au monde du journalisme avec le déclin du format papier. Dans le film de Steven Silver, The Bang Bang Club, sorti en 2010, cette nouvelle caractéristique de la masculinité prend tout son sens, le long-métrage montrant les désagréments et autres délicatesses du métier de journaliste aujourd’hui. Le personnage principal, un photojournaliste nommé Gregg Marinovich, tente de se faire un nom dans le milieu en plein conflit ethnique en Afrique du Sud. Marinovich, incarné par l’acteur Ryan Philippe, tente de se faire un nom dans le milieu en plein conflit ethnique en Afrique du Sud. Travaillant surtout en freelance et en indépendant, les journalistes, ou pigistes, actuels ne vivent qu’en sautant d’opportunités en opportunités, cet aspect étant bien démontré dans le 51


film avec le héros courant sans cesse de droite à gauche pour capturer la photo qui lui amènerait enfin la stabilité financière. The Bang Bang Club nous apporte une vision sur le « struggle for life » et les peines du journaliste à tirer son épingle du jeu dans un milieu ultraconcurrentiel, brisant ainsi le mythe d’un homme ambitieux et jouissant d’une réussite sans faille. Cette impression est par ailleurs corroborée par un autre film contemporain dirigé par Kevin MacDonald, State of Play, ou Jeux de pouvoir en langue française. Cette production américaine, basée sur une mini-série anglaise de six épisodes, met en scène l’acteur Russel Crowe dans le rôle d’un vieux briscard désabusé et triste du journalisme, Cal McAffrey. Il est chargé par son journal, le Washington Globe, d’enquêter sur le meurtre de la maîtresse d’un membre du congrès incarné par Ben Affleck. McAffrey se retrouve à devoir mener ses recherches avec une journaliste débutante et débrouillarde, Della Frye. Blogueuse émérite et adepte des nouvelles technologies, il n’y pas une seconde qui passe sans qu’elle se fasse railler par son collègue et mentor, ce dernier n’acceptant pas la prise de pouvoir d’internet et des nouvelles technologies de la communication dans le monde du journalisme. Symbole d’une masculinité en désuétude et d’un monde qui s’effondre progressivement, Cal McAffrey représente tout ce qui n’existe plus et qui possède désormais une vie éphémère dans le journalisme. Au contraire, son acolyte et alter-égo féminin Della Frye, même si elle possède certains attributs de masculinité comme l’ambition ou la détermination, représente quant à elle, le futur du journalisme et une vision beaucoup plus contemporaine de cette profession. La masculinité du journaliste dans les films contemporains trouve aussi un nouveau sens en explorant les nouveaux aspects de son existence. En effet, en accord avec les avancées sociales en occident, les réalisateurs ont mis à jour leurs personnages et leurs héros, leur donnant de nouvelles caractéristiques qui colleraient plus avec la réalité, le cinéma se devant d’offrir une expérience réaliste à ses spectateurs. En effet, il est désormais possible de voir au travers de l’écran des journalistes différant totalement des canons de la masculinité des Newspaper Movies traditionnels. Le journaliste a toujours été montré comme étant hétérosexuel, séduisant les femmes qui composaient son entourage et menant parfois des affaires avec ces dernières avant que le travail ne les rappelle à l’ordre et à la salle de rédaction. Toutefois, deux exemples de films récents portant sur le journalisme nous montrent le contraire. Dans Dear White People sorti en 2014 aux Etats-Unis, le réalisateur Justin Simien a décidé de mettre en scène un jeune afro-américain aspirant journaliste, qui le deviendra par la suite dans le film. Ce dernier est par ailleurs ouvertement homosexuel, le film traitant de ce sujet avec attention. Par ailleurs, dans le film Capote sorti en 2006, nous 52


pouvons y voir le célèbre journaliste Truman Capote mettre en avant son homosexualité tout en correspondant aux canons de la masculinité du journaliste de fiction. Par ailleurs, dans le film de 2015 True Story mettant en scène l’acteur Jonah Hill dans le rôle d’un grand reporter du New-York, la masculinité est ici aussi présentée d’une manière différente de celle des films plus anciens. Le long-métrage dirigé par Ruppert Goold nous montre la rencontre et l’amitié improbable entre un meurtrier psychopathe et un journaliste dont l’identité a été usurpée par ce dernier. Ce film prend le contre-pied du journaliste héros d’autrefois en prenant le parti-pris d’afficher les émotions d’un journaliste qui souffre après s’être fait renvoyer du grand journal où il travaillait. Nous pouvons donc l’observer pleurer à de nombreuses reprises, montrant ses faiblesses et son côté humain. Souvent malade et souffrant d’obésité, le personnage principal Mike Finkel semble en difficulté tout au long des 130 minutes qui composent l’œuvre. Néanmoins, il reste très ambitieux et travailleur, produisant un livre en l’espace de quelques mois après sa disgrâce. Vu comme un être naïf et subissant l’influence d’un tueur en série, le héros ne contrôle pas ses émotions et les laisse souvent déborder à l’écran dans des scènes prenantes comme lorsqu’il frappe le mur des toilettes de rage après l’annonce du verdict d’un procès qu’il suivait. La masculinité du journaliste est ici encore remodelée et reformée car ne correspond pas aux standards du genre journalistique que nous avons vu précédemment. De plus, la scène d’introduction nous offre un large panorama sur la salle de rédaction contemporaine du New-York Times, grâce à des plans larges et d’autres plus resserrés en Close-Up. Nous pouvons y observer un journaliste afro-américain totalement intégré dans l’équipe éditoriale, chose rarement observable dans les films portant sur le journalisme. Autre élément rare mais précieux, la présence d’un très jeune journaliste dans un film portant sur ce domaine. Ceci fut chose faite avec le long-métrage Almost Famous de Cameron Crowe, le film s’intéressant ici à la masculinité d’un jeune critique musical dans l’univers ultra-viril du rock’n roll. Le jeune héros, passant de l’adolescence à l’âge adulte durant les trois heures de film, laisse entrevoir un nouvel aspect de la masculinité, cette fois-ci en formation. Le journaliste de fiction n’est plus comme l’était son aîné dans le sens où sa masculinité s’est vu remodelée, non pas en son essence mais en surface. Le héros masculin d’aujourd’hui présente des caractéristiques différentes, tout en conservant une base d’attributs solide. A la manière du héros journaliste dans le premier grand succès du réalisateur allemand Wim Wenders, Alice in the cities, le journaliste contemporain semble avoir trouvé qui il était 53


vraiment dans un monde changeant. Philip Winter, le héros reporter du film, mène une quête existentielle à travers les Etats-Unis puis l’Allemagne de l’Ouest accompagné d’une jeune enfant perdue. Ce road-trip atypique les mènera vers ceux qu’ils sont vraiment, vers une identité enfouie qui ne cherchait qu’à s’épanouir. Les journalistes de fiction semblaient être en décalage avec leur masculinité d’antan. Ils l’ont désormais adopté et remodelé de manière plus juste.

54


CONCLUSION Tout au long de ce travail de recherche, nous nous sommes demandé quelle était la masculinité du journaliste de fiction dans le cinéma occidental. Pour ce faire, nous avons rassemblé un corpus de films portant sur le milieu du journalisme, avec une dominante de films venant des Etats-Unis et d’Hollywood malgré quelques films européens. Le rôle du journaliste dans les films analysés et visionnés fut donc déconstruit dans le but d’en extraire une idée de sa masculinité. Effectivement, le but vers lequel nous tendions était d’en ressortir une image de la masculinité du journaliste dans le cinéma occidental, de par l’étude des récurrences dans son comportement affiché à l’écran. Des stéréotypes et des itérations sont alors apparues, que nous avons par la suite classé en ensembles de données puis triés. Le plan de notre recherche fut donc basé sur ce tri, en classant les récurrences types de masculinité selon qu’elles étaient positives ou négatives. Les deux premières parties de l’analyse furent, de ce fait, consacrées à l’étude des stéréotypes positifs puis de ceux étant négatifs tout en joignant l’étude à des exemples tirés des films étudiés. Dans notre première partie, nous nous sommes concentrés sur les stéréotypes positifs de la masculinité du journaliste dans le cinéma. Nous avons pu observer que ce dernier se révélait bien souvent comme un individu courageux et démontrant une force physique ainsi qu’une intelligence indéniable. Le journaliste de fiction peut donc être considéré comme un héros au même titre que les policiers ou les militaires, tout du moins dans le cinéma hollywoodien. Par la suite, nous nous sommes focalisés sur une autre caractéristique récurrente, la détermination. Le journaliste refuse les compromis, est presque entêté et se voit investi d’une mission quasidivine de recherche de la vérité à tout prix. Enfin, nous avons mis en lumière une autre caractéristique importante, qui n’était autre que l’ambition. En effet, le journaliste possède en lui cet appétit de reconnaissance, de montrer au monde sa véritable face, une ambition certaine qui peut parfois tourner à la mégalomanie dans un désir excessif de puissance et de gloire. Le saint-graal du journaliste n’est autre que le prix Pulitzer. Notre seconde partie s’est ensuite vue utiliser pour décrire les aspects négatifs de la masculinité du journaliste de fiction. Ici, il est un anti-héros, un reporter fatigué et désabusé. Trois grands thèmes sont venus divisés notre discours avec en premier, la solitude. En effet, cette dernière constitue la base, le socle commun à l’ensemble des journalistes observés sur le grand écran. De plus, les journalistes sont visibles comme des individus perdus entre vice et vertu, en perpétuelle recherche d’eux-mêmes et de leur véritable identité. Soumis à de fortes 55


tensions et une anxiété permanente imbibant les murs de la salle de rédaction, ils fument beaucoup, boivent trop, parlent fort et font preuve d’un manque affiché d’émotions. Comme si ici, la masculinité se trouvait transformer en quête d’une virilité exacerbé. Néanmoins, en plus d’être seuls, les journalistes dans le cinéma sont aussi tristes, du fait d’un manque affectif important. Ils vont de déceptions amoureuses en divorces, avec des problèmes sentimentaux importants que nous avions appelé les affres du cœur. Enfin, dans notre troisième et dernière partie, nous avons décidé d’ouvrir le sujet, d’étendre l’étude de la masculinité du journaliste de fiction aux femmes journalistes mais aussi aux nouveaux héros du cinéma contemporain. En ce qui concerne les premières, elles ne furent véritablement présentes qu’à partir de l’époque contemporaine, donc des années 1980 puis 1990. Longtemps cantonnées à des rôles mineurs, les femmes sont ensuite devenues des journalistes à part entière, occupant des postes à responsabilité au sein de la hiérarchie des systèmes médiatiques. Il est nous est alors apparu que les femmes journalistes ressemblaient en tout point à leurs pairs masculins dans le sens où elles faisaient, et font toujours, l’usage de la masculinité comme un vecteur d’intégration dans le monde fermé du journalisme. C’est donc dans la rencontre avec le sexe opposé que les femmes du milieu journalistique font la découverte de la masculinité, celle du journaliste de fiction qui se confond entre les genres. De plus, nous avons cherché à en savoir plus sur cette masculinité, comme l’indiquait l’une de nos hypothèses de départ. Nous avions pensé qu’il existait bel et bien un renouvellement des caractéristiques de masculinité dans les films contemporains. Cela fit donc l’objet d’une souspartie dédiée qui parvint à la conclusion que notre hypothèse s’avérait juste, tout du moins restait-elle dans le vrai. Après le visionnage et l’analyse de plusieurs films ayant un journaliste comme héros dans le panorama cinématographique contemporain, nous parvînmes à la conclusion que la masculinité des journalistes à l’écran avait été remodelée et transformée par les différents réalisateurs et scénaristes. Nous avons pu observer plusieurs journalistes affichant leur homosexualité, sans avoir peur de se faire railler par leurs collègues hétérosexuels. Le rôle en progression des femmes dans le journaliste au cinéma n’est pas en reste, apportant un vent de changement dans la masculinité dudit journaliste. La première hypothèse de notre recherches s’avère donc être juste, cette dernière affirmait alors que les journalistes dans le cinéma occidental présentaient des caractéristiques communes de masculinité. Néanmoins, le cinéma contemporain en terme de Newspaper Movies l’a fait se diriger dans le faux, sachant que la masculinité et sa conception par la société a changé à l’écran. 56


En définitive, nous tenons à dire que le journaliste représenté par le cinéma occidental possède de nombreuses caractéristiques que nous pouvons retrouver dans l’ensemble des films étudiés. Evidemment, cette affirmation ne doit pas être prise pour acquise, surtout au vu des conclusions réalisées au niveau du renouvellement des caractéristiques de la masculinité du journaliste dans le cinéma contemporain. Une étude plus longue, se concentrant sur l’ensemble des films et même ceux n’ayant pas un journaliste dans le rôle principal, devrait être menée pour parvenir à des résultats plus solides, en termes scientifiques nous entendons. Il serait tout aussi intéressant d’étendre le corpus à des œuvres non-occidentales, au cinéma du monde, pour y étudier les caractéristiques de la masculinité dans d’autres cultures. Notre corpus possédait en effet une dominante américaine, ce qui aurait pu causer des biais certains. Cependant, dans la mesure où le journalisme moderne fut influencé par celui venant d’outreAtlantique, il n’est point à douter que ce détail important fut retranscrit à l’écran par les réalisateurs éclairés cherchant à représenter avant tout une version améliorée de la réalité dans laquelle nous vivons. Cette ouverture vers un cinéma extérieur aux Etats-Unis et à l’Europe serait la bienvenue, ceci se voyant par la lecture d’un ouvrage du journaliste américain Jake Edelstein, Tokyo Vice47. Dans cet ouvrage paru en 2009, l’auteur nous offre un point de vue intéressant et rarement abordé sur le journalisme japonais, comme il est pratiqué intensément dans les salles de rédaction tokyoïtes du fameux et respecté Yomiuri Shinbun. Jake Adelstein fut le seul journaliste occidental à avoir eu l’opportunité d’y travailler durant une quinzaine d’années, avant de devoir quitter le pays du fait de démêlés dangereux avec la mafia locale, les yakuzas du Yamaguchi-Gumi. Le journalisme comme présenté dans cet ouvrage se révèle bien différent de celui pratiqué dans les contrées occidentales, et sa représentation au cinéma doit être dans la même veine. De ce fait, il serait judicieux d’étendre la recherche aux autres pays, régions et cultures du monde pour en apprendre plus sur la masculinité du journaliste dans le cinéma.

47

Adelstein, Jake (October 13, 2009). Tokyo Vice: An American Reporter on the Police Beat in Japan. Pantheon Books. ISBN 978-0-307-37879-8.

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ANNEXES Liste des films du corpus de recherche. (Les noms des réalisateurs sont entre parenthèses) FILMS Années 1940

LIEUX

Citizen Kane (Orson USA

ANNEE 1941

Welles) La Dame du Vendredi USA

1947

(Hawkes) Années 1950

Ace

in

the

hole USA

1951

romaine USA

1953

(William Wyler) Vacances

(William Wyler) Années 1960

La

Dolce

Vita ITALIE

1960

(Fellini) Shock

corridor USA

1963

(Fuller) Années 1970

The

Parallax

view USA

1974

reporter ITALIE

1975

(Pakula) Profession (The

passenger)

(Antonioni) All President’s Men USA

1976

(Pakula) Années 1980

Mille

milliards

de FRANCE

1982

dollars (Verneuil) Blow Out (de Palma)

USA

1981

The killing field (la USA

1984

Déchirure) (Joffré) Années 1990

Mad

City

(Costa USA

1997

Fear and loathing in USA

1998

Gavras)

58


Las

Vegas

(Terry

Gilliam) Années 2000

Good night and good USA

2005

luck (Clooney) Veronica

Guerrin IRLANDE

2003

(Schumacher) The

insider USA

2000

(Révélation) (Mann) Années 2010

Spotlight

(Mac USA

2016

Diary USA

2011

Carthy) The

Rum

(Bruce Robinson) Pentagon

Papers USA

2017

(Spielberg)

Liste des films sélectionnés et cités dans la recherche. (Les noms des réalisateurs sont entre parenthèses) Films

Lieux

Année

Années

Citizen Kane (Orson Welles)

USA

1941

1940

La Dame du Vendredi (Hawkes)

USA

1947

The Front Page (Millestone)

1931

Mr Smith goes to Washington (Mr Smith au Sénat) USA

1939

(Capra) Années

Deadline USA (Bas les masques) (Brooks)

USA

1952

1950

Ace in the hole (William Wyler)

USA

1951

Vacances romaine (William Wyler)

USA

1953

Années

La Dolce Vita (Fellini)

ITALIE

1960

1960

A bout de souffle (Godard)

FRANCE

1960

Shock corridor (Fuller)

USA

1963

Masculin/Féminin (Godard)

FRANCE

1966

The man who shot Liberty Valence (John Ford)

USA

1962

All President’s Men (Pakula)

USA

1976

Années

59


1970

The Parallax view (Pakula)

USA

1974

Alice in the cities (Wim Wenders)

ALL

1974

Profession reporter (Antonioni)

ITALIE

1975

Comment ça va (Godard)

FRANCE

1978

Années

Salvador (Stone)

USA

1986

1980

The killing field (la Déchirure) (Joffré)

USA

1984

Blow Out (de Palma)

USA

1981

Mille milliards de dollars (Verneuil)

FRANCE

1982

Absence of malice (Pollack)

USA

1882

Années

C’est arrivé près de chez vous (Poelvoorde, Bonzel, FRANCE

1990

Belvaux)

1992

Mad City (Costa Gavras)

USA

1997

Welcome to Sarajevo (Winterbottom)

UK

1997

Fear and loathing in Las Vegas (Terry Gilliam)

USA

1998

Années

The insider (Révélation) (Michael Mann)

USA

2000

2000

No man’sland (Denis Tanovic)

SERBIA

2001

Almost famous (Presque célèbre)

USA

2001

Zodiac (David Fincher)

USA

2007

Veronica Guerrin (Schumacher)

IRLANDE 2003

Good night and good luck (George Clooney)

USA

2005

Capote (Bennet Miller)

USA

2006

Millenium, the movie (Arden Oplev)

USA

2009

Années

Nightcrawler (Nightcall) (Gilroy)

USA

2014

2010

The Rum Diary (Bruce Robinson)

USA

2011

Spotlight (Mac Carthy)

USA

2016

Bangbang Club (Steven Silver)

UK

2010

The Eyes of War (Tanovic)

USA

2010

State of Play (Kevin MacDonald)

USA

2009

Dear White People (Justin Simien)

USA

2014

True Story (Ruppert Goold)

USA

2015

Pentagon Papers (Spielberg)

USA

2017

60


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Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Raewyn Connell, Traduction : Claire Richard, Clémence Garrot, Florian Voros, Marion Duval, Maxime Cervulle. Édition établie par Meoïn Hagège et Arthur Vuattoux, Paris, Amsterdam, 2014.

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Journalism Ethics Goes to the Movies, howard good - contributions by berrin a. beasley; sandra l. borden; robert brown; john carvalho; michael dillon; matthew c. ehrlich; joseph c. harry; lee anne peck; bill reader; joe saltzman and s holly stocking, rowman & littlefield publishers, octobre 2007, 202 pages

Men, Masculinity and the Media, Steve Craig, 26 février 1992, 271 pages, Editions SAGE

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Table des images utilisées : -

Page de garde : Photomontage réalisé par Philippe Girardet à partir de captures d’écran des films suivant : Fear and Loathing in Las Vegas ; All president’s men ; Salvador ; State of Play

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-

Page 4 : Photomontage réalisé par Philippe Girardet via des captures d’écran des films suivant : State of Play, Rum Express, Citizen Kane, All President’s men, Absence of Malice

-

Page 27 : Source : Capture d’écran réalisées par Philippe Girardet extraites durant les premières minutes du film Profession Reporter dirigé par Michelangelo Antonioni

-

Page 32 : Source : Capture d’écran par Philippe Girardet issue du film The Rum Diary

-

Page 35 : Source : Capture d'écran réalisée par Philippe Girardet et issue du film Citizen Kane

-

Page 47 : Source : capture d’écran réalisée par Philippe Girardet et issue du film Pentagon Papers (The post) réalisé par Steven Spielberget produit par 20th Century Fox

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SOMMAIRE Introduction

I / Masculinité et stéréotypes : Le journaliste comme figure du bien Le courage et la force physique : le journaliste, un héros La détermination, ou le refus des compromis L’ambition du journaliste de fiction : entre humilité et mégalomanie

II / La masculinité du journaliste de fiction : L’anti-héros, ou le journaliste désabusé De la solitude comme constituant du journaliste retranscrit sur le grand écran Le journaliste de fiction perdu entre vice et vertu La déception amoureuse ou les affres du cœur

III / Du renouveau dans les Newspaper Movies : Masculin/Féminin Les femmes dans le journalisme au cinéma : rencontre avec le sexe opposé et découverte d’une masculinité Un renouvellement des caractéristiques de masculinité dans les œuvres contemporaines

Conclusion ANNEXES BIBLIOGRAPHIE TABLE DES ILLUSTRATIONS TABLE DES MATIERES RESUME 69


RESUME Le cinéma est une fabrique à rêve qui cherche à produire des mythes en s’inspirant des faits réels dans la société. En découle une véritable héroïsation du métier de journaliste au travers des écrans, ce métier se prêtant parfaitement au travail cinématographique de modification de la réalité. Le journaliste au cinéma est un être masculin, presque viril, avec des caractéristiques propres que nous percevons autant chez les hommes que chez les femmes du milieu. Le journaliste de fiction, comme représenté dans le cinéma occidental et surtout américain, peut se voir comme un individu véritablement masculin. Des stéréotypes sont couramment utilisés dans les films de journalistes pour mettre en scène des reporters et rédacteurs hiératiques, immuables et tombant profondément dans le cliché. De nombreuses récurrences surviennent au niveau de l’étude de sa masculinité, tant du côté positif que du côté négatif. Les attributs de la masculinité du journaliste qui le voient à son avantage sont, le plus souvent dans les Newspapers Movies, la force physique, le courage et l’intelligence. Le journaliste de fiction se conçoit donc, selon les canons hollywoodiens, comme un héros. Il refuse les compromis du fait d’une détermination sans faille, pouvant l’amener à une mort christique. Les journalistes au cinéma possèdent une ambition hésitant entre humilité et mégalomanie, cette dernière étant conduite par un profond désir de justice. Les journalistes veulent changer le monde, y poser une empreinte indélébile dans la mesure où ils s’apprécient comme des faiseurs de bien et des figures aimés des spectateurs. A l’opposé, nous pouvons retrouver une vision plus pessimiste de la masculinité du journaliste à l’écran, les attributs voulus par les réalisateurs pour leurs héros rédacteurs étant négatifs. En effet, le journaliste de fiction souffre de la solitude, véritable constituant de sa masculinité retranscrite à l’écran. Par ailleurs, il sombre souvent dans le vice, commettant des actes irréparables et des actions mauvaises qui sèment le mal sur leur passage. De plus, la masculinité du journaliste au cinéma ne peut se faire sans une certaine difficulté dans les relations amoureuses, dans les interactions difficiles entre les hommes et les femmes de ce milieu prenant. De ce fait, les femmes dans le journalisme au cinéma présentent des attributs de la masculinité qui vont venir compléter leur féminité. Les journalistes de sexe féminin représentées à l’écran sont des êtres ambivalents, hésitant entre masculin et féminin. Néanmoins, le métier les rappelle souvent à la réalité, en découle alors une plongée de leurs caractéristiques dans une masculinité exacerbée. De nos jours, la masculinité du journaliste au cinéma se remodèle et ne se retrouve plus dans les canons imposés par les premiers temps d’Hollywood. Les journalistes de fiction contemporains ont des attributs et des caractéristiques différentes de leurs aînés, entraînant un renouveau dans la masculinité du journaliste comme vu dans le cinéma occidental. MOTS-CLES JOURNALISME ; CINEMA ; MYTHE ; MASCULINITE ; FICTION ; VIRILITE

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