A Stone Left Unturned

A STONE LEFT UNTURNED

William Anastasi, Harold Ancart, Carl Andre, Keith Arnatt, Richard Artschwager, Nairy Baghramian, Robert Barry, Daniel Buren, AndrÊ Cadere, Detanico Lain, Jan Dibbets, Jason Dodge, Shilpa Gupta, Hans Haacke, Julieta Hanono, Jenny Holzer, Benjamin Horns, Bill Jenkins, Koo Jeong-A, Scott Keightley, Robert Kinmont, Esther Kläs, Gary B. Kuehn, Sol LeWitt, John McCracken, Jonathan Monk, Bruce Nauman, Dennis Oppenheim, Charlotte Posenenske, Charles Ray, Fred Sandback, Gabriel Sierra, Keith Sonnier, Haim Steinbach, Sergei Tcherepnin, Richard Tuttle, Franz Erhard Walther, Lawrence Weiner Yvon Lambert, Paris

A STONE LEFT UNTURNED

Interviews by Simon Castets with a preface by Lucy R. Lippard

Yvon Lambert Paris

Sommaire 4

Contents

Note d’intention du commissaire

Curator’s Statement Simon Castets

6

Minicon, ou, hors de la boîte et dans l'éther

Minicon, or, Out of the Box and into the Ether Lucy R. Lippard

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Une Conversation avec Lawrence Weiner

A Conversation with Lawrence Weiner Simon Castets

24

Une Conversation avec Robert Barry

A Conversation with Robert Barry Simon Castets

42

Une Conversation avec Harold Ancart

A Conversation with Harold Ancart Simon Castets

Empruntant son titre à une pièce éponyme de Lawrence Weiner exposée en 1970 à la galerie Yvon Lambert, A Stone Left Unturned propose une sélection d’oeuvres témoignant de nombreuses correspondances entre art minimal et art conceptuel.

L’exposition présente un ensemble de pièces majeures des années 1960, ainsi que des oeuvres récentes d’artistes contemporains. Elles expriment des interrogations parallèles liées à la notion d’oeuvre d’art, à la subversion de son intégrité supposée et à l’héritage du canon géométrique.

Art minimal et art conceptuel paraissent diamétralement opposés tant le passage de l’un à l’autre semble être, sinon une réaction, du moins le résultat d’une inéluctable progression de l’histoire de l’art. Tandis que le premier insiste sur la matérialité de l’objet d’art, le second affirme l’ascendance de l’idée sur la forme, son exécution étant « une chose superficielle » (« Paragraphs on Conceptual Art », Sol LeWitt, Artforum, juin 1967.) L’historicisation des mouvements artistiques tend ainsi à présenter l’art minimal comme fermé à toute signification extrinsèque et l’art conceptuel comme refusant les préoccupations formelles.

Les oeuvres présentées à l’occasion de A Stone Left Unturned témoignent d’une réalité plus nuancée des pratiques artistiques de l’époque et de la poursuite à ce

jour de leurs interrogations fondamentales. La sémiotique y rejoint la géométrie, la rigueur formelle accompagne des questionnements singuliers. Des idées y habitent des formes apparemment autosuffisantes tandis que l’exécution de concepts abstraits emprunte l’esthétique du minimalisme.

Dans l’introduction à son ouvrage précurseur Six Years : The Dematerialization of the Art Object from 1966 to 1972 (Berkeley: University of California Press, 1973), Lucy Lippard cite Dennis Oppenheim, pour qui « le déplacement des pressions sensorielles depuis l’objet vers l’espace qui l’entoure se révélera être la contribution majeure de l’art minimal ». La phrase d’Oppenheim pourrait s’appliquer à son oeuvre présentée dans A Stone Left Unturned. Bien qu’éminemment conceptuelle (la reproduction dans la neige, sur la frontière americano-canadienne, du schéma de croissance d’un arbre), Annual Rings (1968) suit l’inflexion centrifuge de l’esthétique minimale et signale l’art conceptuel comme évolution plutôt que révolution. Loin d’être mutuellement exclusives, satisfactions formelles et considérations intellectuelles animent ainsi à la fois l’art minimal et l’art conceptuel. Leur enchevêtrement complexe continue d’influencer l’art d’aujourd’hui, où l’ambiguïté féconde des notions d’objet et d’idée demeure.

FOREWORD

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Note d’intention du commissaire

SIMON CASTETS

Curator’s Statement Borrowing its title from an eponymous piece by Lawrence Weiner, which was first presented at Yvon Lambert in 1970, A Stone Left Unturned presents a selection of works signaling the many overlaps between minimalism and conceptualism.

The exhibition includes major historical pieces from the mid-to-late 1960s as well as recent works by contemporary artists channeling parallel questionings of the art object, the subversion of its supposed integrity and the geometrical canon’s legacy.

Minimalism and conceptualism appear to be polar opposites, with the passage from one to the other being, if not a reaction, the result of art history’s ineluctable progression. While the former insists on the physicality of the art object, the latter asserts the ascendency of idea over form, its execution being “a perfunctory affair.” (Paragraphs on Conceptual Art, Sol LeWitt, Artforum, June 1967.) The art historical narrative presents minimalism as content-averse and conceptualism as refusing formal concerns.

The works in A Stone Left Unturned testify to both the more nuanced reality of artistic practices at the time and the continuation of similar interrogations to this day. They connect semiotics to geometry and formal rigor to unique ideas. They bring life to self-contained, dry objects, and give minimal shapes to conceptual enterprises.

In the introduction of her seminal volume Six Years: The Dematerialization of the Art Object from 1966 to 1972 (Berkeley: University of California Press, 1973), Lucy Lippard quotes Dennis Oppenheim, to whom the “displacement of sensory pressures from object to space will prove to be the major contribution of minimalist art.” Oppenheim’s statement could apply to his own work exhibited in A Stone Left Unturned. While eminently conceptual – a reproduction of tree growth patterns across the USA-Canada border, Annual Rings (1968) continues the minimal trajectory toward art’s openendedness and signals conceptualism as evolution rather than revolution. Far from being mutually exclusive, formal gratifications and intellectual considerations imbue the history of both minimalism and conceptualism. Their complex intertwinement continues to inform the art of today, where object and idea remain gyrating touchstones.

Le terme « Minicon » n’a fort heureusement jamais vu le jour. Ce mot-valise idiot m’est venu à l’esprit car je ne me rappelle d’aucune division temporelle ou formelle stricte entre le Minimalisme et le Conceptualisme au milieu des années 1960. Peu enthousiasmés par ces termes et par le fait d’être ainsi catalogués, les artistes à l’origine de ces deux « courants » se connaissaient tous, se rassemblaient souvent et abordaient tous les sujets ensemble, y compris les oeuvres des uns et des autres. Être inscrit dans le spectre de l’art minimal ou conceptuel n’avait aucune espèce d’importance pour eux, ce qui n’empêchait pas ces artistes d’avoir par ailleurs des avis tranchés sur leur propres créations et sur la manière dont elles les distinguaient de tous les autres. D’une certaine manière, ils pensaient tous en dehors des cadres, même s’il leur arrivait d’en fabriquer. Ces artistes, dont beaucoup font partie de l’exposition, étaient sans cesse associés les uns aux autres tant leurs oeuvres se ressemblaient, sans pour autant être similaires.

Au milieu des années 1960, alors que je travaillais sur l’exposition Primary Structures organisée par Kynaston McShine au Jewish Museum, (Fig. 1) je me mis à utiliser le terme « structures » plutôt que « sculptures » pour faire référence aux oeuvres de Judd, LeWitt, Andre, Morris et les autres parce qu’elles étaient « nonrelationnelles » comme le déclara Judd. La composition

était prédéterminée, mais pas nécessairement pourvue de logique. (Je qualifiai aussi le proto-Minimalisme d’ « excluant » alors que Barbara Rose utilisait l’expression « ABC Art ».) Je vivais à l’époque avec le peintre Robert Ryman, dont les toiles blanches se rapprochaient d’avantage d’une forme extrême d’expressionisme plutôt que du Minimalisme, mais quand il « encadrait » une des ces toiles de papier sulfurisé, puis la punaisait (ou peut-être la scotchait) au mur, j’étais tout simplement fascinée. D’autres exemples prenaient forme dans certains aspects du Process Art et du Anti-form, qui étaient clairement anti-structurels comme souvent avec l’art conceptuel. Ces deux directions menaient vers plusieurs branches de l’art conceptuel.

Lorsque des absences matérielles bien plus radicales commencèrent à se manifester de toutes parts, John Chandler et moi-même nous mirent à les surnommer « art ultra conceptuel », prenant ainsi de l’envol par rapport au bien trop plat « conceptuel » de LeWitt (« avec un c minuscule »). Cette formule intronisée en 1967 dans Paragraphs on Conceptual Art se concrétisa ensuite au début de l’année 1969 dans Sentences on Conceptual Art où il la décrivit comme un « diagramme opérationnel pour générer de l’art. » (Auparavant, certains artistes du mouvement Fluxus avaient surnommé leur travail, bien qu’il fut très différent, « Concept Art », et plus tard, Jo-

PREFACE

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Minicon, ou, hors de la boîte et dans l'éther

LUCY R. LIPPARD

Minicon, or, Out of the Box and into the Ether Thankfully, this term (Minicon) was never coined. But the silly hybrid occurred to me because I recall no strict temporal or formal division between Minimalism and Conceptualism in the mid1960s. The artists creating these two “movements” (none of them particularly liked the terms or even being grouped together) knew each other, often got together, and discussed everything including one another’s work. Where any one of them fell on the Minimalism-Conceptualism spectrum was not an issue, although each artist certainly had strong opinions about what he or she was doing and how it differed from everyone else. One way or another, they were all thinking “outside of the box,” even if they were making boxes. These artists (many of whom are in this exhibition) were lumped together because their work looked alike, not because it was alike.

In the mid-1960s, working on what eventually became the Primary Structures exhibition curated by Kynaston McShine at the Jewish Museum, (Fig. 1) I arrived at the word “structures” for work by Judd, LeWitt, Andre, Morris et al. rather than “sculptures” because they were “nonrelational,” as Judd declared; composition was predetermined, but not necessarily logical. (I also called proto-Minimalism “rejective”; Barbara Rose called It “ABC Art.”) I was living with a painter (Robert Ryman) whose white paintings were more like an extreme abstract expressionism than Minimalism, but when he “framed” one of his canvases in waxed paper, pinned (or perhaps taped) on the wall, I was fascinated. Other examples were appearing in aspects of Process Art and Anti-form, which were clearly anti-structural, like much conceptualism. Both of these directions led into various branches of conceptualism.

When far more radical material absences began to show themselves from different directions, John Chandler and I dubbed them “ultra conceptual art,” taking off from LeWitt’s plain old “conceptual” (“with a small c”) which he had coined in 1967 in “Paragraphs on Conceptual Art,” and was to concretize in early 1969 in “Sentences on Conceptual Art” — which he described as “an operational diagram to generate art. (Some Fluxus artists had previously dubbed their dissimilar

seph Kosuth s’attribua le mérite de la création du terme «art conceptuel. ») Chandler et moi percevions l’« idea art » comme un mouvement vers une « dématérialisation » assez utopique qui cesserait de transformer l’oeuvre d’art en objet et l’enverrait planer dans l’univers. Ceci faillit se produire.

Tout comme LeWitt, je considérais l’art conceptuel comme une « colossale réévaluation du contenu » s’opposant au formalisme Greenbergien qui prédominait, bien que le contenu de LeWitt ne fut pas lié à l’humanisme. Il faisait la distinction entre s’approprier un contenu trouvé et fabriquer le sien, entre les trajectoires duchampiennes et anti-duchampiennes. Il appartenait clairement à la seconde persuasion, bien que cela ne soit certainement pas le cas de tous ses pairs.

LeWitt, et à moindre échelle, Carl Andre et Robert Smithson, incarnaient les ponts entre le prétendu minimalisme et le prétendu art conceptuel. Les structures non-visuelles de Sol (Fig. 2) étaient fortement visibles, mais les systèmes conceptuels originels établissant les règles de leur construction les distinguaient des sculptures précédentes, même de celles de Judd, Morris et André qui furent les premiers à définir le Minimalisme.

Ses dessins muraux aussi éphémères que pré-déterminés poussaient l’idea art vers la platitude et encore plus proche de l’absence matérielle, tout comme sa défense

des livres d’artistes. De l’autre côté, Andre, inflexiblement matérialiste (dans le sens Marxiste aussi bien que littéral), niait avoir quoique ce soit en commun avec l’art conceptuel, bien que ses concrete poems aient été inclus dans sa vue d’ensemble. La contribution d’Andre à la « dématérialisation » représentait une épiphanie de la sculpture pouvant enfin être lisse, horizontale, tout comme une route, parallèle à des oeuvres non-objectales telles les walking pieces de Richard Long, ou encore des formes plus tardives à peine inscrites sur des murs ou des sols par des artistes comme Ian Wilson ou Lawrence Weiner. « L’artiste peut construire l’oeuvre ; l’oeuvre peut être fabriquée ; l’oeuvre peut ne pas être réalisée » est une célèbre déclaration de Weiner datant de 1969 permettant un aboutissement dématérialisé comme alternative à l’aboutissement matériel. Quant à Robert Barry, il parvint à la dématérialisation totale avec ses Inert Gas (Fig. 3) et ses Telepathic pieces, bien que les titres de ses oeuvres restèrent tangibles. Pendant ce temps, Bruce Nauman finissait ses études et lançait sa propre voie excentrique, plus proche de Morris mais unique de par son monde de calembours verbaux et matériels, unissant un esprit à la Duchamp à de la nonchalance minimaliste. C’est probablement son travail qui suscita l’émerveillement de nombreux jeunes artistes de cette exposition.

Weiner, Barry et Douglas Huebler débutèrent tous en tant que sculpteurs minimalistes, ou structuristes. Ils firent partie de ceux qui s’interrogeaient sur une énigme qui préoccupait également certains artistes conceptuels en herbe et land artists : était-il nécessaire de continuer à rajouter des objets dans ce monde ? J’étais très habitée par cette question car je commençais déjà à avoir des doutes sur le fait d’être un faire-valoir dans un monde de l’art que je trouvais incestueux et commercial. Si les objets n’existaient plus en tant que tels, le commerce de l’art pourrait éventuellement s’écrouler ? Et les artistes pourraient peut-être prendre la place des critiques d’art et parler en leur nom ? J’ignorais bien évidemment à l’époque que de simples photocopies, des instantanés flous, des textes mal orthographiés ou encore des photos prises dans le noir ou des pierres laissées intactes, pourraient être un jour commercialisés au même titre que toutes les autres formes artistiques.

Bien que certains critiques aient tenté de prendre leurs distances avec le Minimalisme autour des années 1970 avec l’arrivée du terme Post-Minimalisme, il existe à mes yeux un bon nombre d’oeuvres qui corresponde aux notions originales. Et j’abhorre la notion de « post- » quoique ce soit (c’est ce que c’est, ou bien c’est autre chose). Peu importe ce que fut vraiment l’art conceptuel, j’ai souvent dit qu’il avait eu une influence majeure sur ma

vie et mon travail, comme ce fut le cas avec le féminisme.

Cela étant, je préfère restreindre le terme art Conceptuel avec un C majuscule à son âge d’or, aux alentours de 1966 à 1972, le laps de temps auquel se réfère le livre Six Years... Cette période inclut l’explosion de la vidéo, de la performance, de l’art basé sur le texte, de l’art invisible ou portable, et bien d’autres encore qui changèrent pour toujours la manière dont l’art est conçu et perçu. De nos jours, le terme « conceptuel » (ou « Post-Conceptuel ») est devenu un fourre-tout pour quoi que ce soit de vaguement cérébral ou innovant sur un plan matériel – pratiquement tout ce que comprend l’avant-garde. Je préfère tout simplement voir l’art conceptuel comme faisant partie de l’ADN de tant d’oeuvres plus récentes, qui demeurent subversivement rétives aux étiquettes.

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work “Concept Art,” and Joseph Kosuth later took credit for the term conceptualism.) Chandler and I saw “idea art” as a movement toward a relatively utopian “dematerialization,” which would de-commodify the art object and float it out into the world. It almost happened.

Like LeWitt, I saw conceptualism as a “massive reassertion of content” opposing the prevailing Greenbergian formalism, but LeWitt’s content was unrelated to humanism. He distinguished between “bottling up” found content and making your own, between Duchampian and antiDuchampian trajectories. He was clearly of the latter persuasion, but that certainly did not apply to all his peers.

LeWitt and to a lesser extent Carl Andre and Robert Smithson were the bridges between socalled minimalism and so-called conceptualism. Sol’s “non-visual” structures (Fig. 2) were highly visible, but the conceptual systems that preceded them, laying out the rules for their construction, separated them from previous sculptures, even those by Judd, Morris and Andre which first defined Minimalism. His wall drawings, temporary and also pre-planned, took “idea art” toward flatness and closer to material absence, as did his fostering of artists’ books. Andre, on the other hand, adamantly materialist (in the Marxist as well as the literal sense) denied having anything to do with conceptualism, although his “concrete poems” have been included in broad surveys.

Andre’s contribution to “dematerialization” was his epiphany that sculpture could be flat, horizontal, like a road, paralleling non-object works like Richard Long’s walking pieces, and later forms merely outlined on floors or walls by artists like Ian Wilson or Lawrence Weiner, whose famous 1969 statement (“The artist may construct the piece; the piece may be fabricated; the piece need not be built”) offered a dematerialized outcome as an alternative to a material one.

Robert Barry ultimately achieved total dematerialization with his Inert Gas (Fig. 3) and Telepathic pieces (though the titles remained tangible). In the meantime, Bruce Nauman was coming out of graduate school and launching his own eccentric path, more akin to Morris’, but unique in its

Fig. 2

Fig. 3: Robert Barry Inert Gas Series, 5 March 1969

element of verbal/material puns, combining a Duchampian wit with minimalist nonchalance. It is probably his work that sparked that of many of the younger artists in this exhibition.

Weiner, Barry and Douglas Huebler all started out as relatively Minimal sculptors, or structurists. They were among those pondering a conundrum that preoccupied several soon-to-beconceptualists and land artists – was it important to keep adding objects to the world? I was much taken with this idea, because I was already having second thoughts about being a foil in an art world I felt was incestuous and commercial. If there were no objects as such, perhaps art commerce would crumble? And maybe artists would take the place of critics, speaking for themselves? Little did I know at the time that Xeroxed sheets, blurry snapshots, misspelled texts and other shots in the dark (or stones unturned) would eventually be as merchandisable as any other art.

While some critics tried to cut off Minimalism around 1970 with the term Post-Minimalist, I still see a good deal of work that fits the original notions. And I abhor the notion of post-anything.

(It’s either what it is or it’s something else…) Whatever Conceptualism was, I have often said that along with feminism, it has been a major influence on my work and my life. Yet I prefer to keep the term (with a capital C) limited to its heyday– roughly 1966–72, the span covered by the book Six Years… which included the burst of video, performance, “text-based” art, invisible or portable art, and so forth that did indeed change the way art has been made and seen ever since. Today the word “conceptual” (or Post-Conceptual) has become a catchall for anything even vaguely cerebral or materially innovative – practically anything included in the avant-garde.

I prefer to see conceptualism as merely part of the DNA of so much impressive newer work, subversively unnameable.

PREFACE

PREFACE

Fig. 1: Installation view of the exhibition 'Primary Structures', The Jewish Museum, NY, April 27 - June 12, 1966.

Comment décririez-vous le moment de la transition entre l’art minimal et ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’art conceptuel ?

SC

LW Ce qui s’est passé culturellement à New-York c’est qu’il existait un grand nombre de très bons artistes se positionnant quasiment tous du même côté de la barricade. Ils allaient tous vers la même direction, mais sans pour autant avoir grand-chose en commun.

Heureusement, les artistes minimalistes reçurent plus d’attention car ils étaient les plus doués pour évoluer dans la structure. La plupart d’entre eux étaient des universitaires. On les qualifiait de « conceptual people », mais je ne me considère pas comme l’un d’entre eux – je suis un vrai matérialiste. Ils étaient invités à participer à des expositions et d’autres artistes les regardaient et se disaient « Oh ! Il n’est pas mauvais, elle n’est pas mauvaise, je veux être exposé avec eux ! ».

Plus tard, ils commencèrent à dire qu’ils n’étaient pas des artistes conceptuels car personne ne souhaitait être associé avec ce mouvement certes intéressant, mais qui n’avait potentiellement rien en commun avec l’art, et était avant tout lié à une manière d’envisager la liberté individuelle. En réalité, il s’agissait de comprendre en quoi consiste un artiste et non en quoi

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consiste l’art. Ceci est d’autant plus intéressant que le mouvement prônait un certain style de vie. Et pour la même raison, la plupart des œuvres qui se créent aujourd’hui font preuves d’une grande assurance mais ne sont pas de l’art. Elles ne questionnent rien, n’engendrent rien, et sont juste bonnes à rentrer dans le rang.

Parfois on dirait que l’art a juste été conçu pour ressembler à de l’art, ou encore qu’il existe une présomption que nous devrions tous savoir ce à quoi l’art est censé ressembler.

SC

Je suis peut-être un artiste très vieux jeu, mais je n’ai sincèrement aucune idée de ce à quoi l’art ressemble. L’art minimal, c’est d’ailleurs un objet spécifique détenant une forme spécifique. Ce qui m’intéresse ce sont les objets spécifiques qui n’ont pas de forme spécifique. Ici réside toute la différence entre moi-même et quelqu’un comme Carl Andre, mais cela étant, d’un point de vue plus large, d’un point de vue de la conscience et de l’esthétique, il n’existe pas de vraie différence entre ce que Carl Andre fait émerger dans ce monde, et ce que je fais émerger dans ce monde. En revanche, il existe une grande difLW

Une Conversation avec Lawrence Weiner

SIMON CASTETS

A Conversation with Lawrence Weiner How would you describe the moment when a transition happened between minimal art and what is now called conceptual art?

SC

What happened in the New York culture is that there was an enormous quantity of very good artists, all basically going on the same side of the barricade and in the same direction, but not quite having very much to do with each other. The minimal artists, by luck, got a little bit of a play, they moved through the structure better than anyone else. Most of them were academics. They were what one called the “conceptual people” – and I don’t consider myself one of them, I am a real materialist. They were invited to shows and some other artists looked at them and thought: “ Oh! He isn´t bad, she isn’t bad, I´ll show with them!” Later on, they said “we are not conceptual artists” because no one wanted to be only associated with what was an interesting movement but maybe had nothing to do with art and more to do with a sense of personal liberty. In fact, it was about what constitutes being an artist but not what constitutes art.

LW

Which is interesting because the lifestyle was part of the movement. For the same reason, most of the work we have now coming out is all very confident but is not art. It doesn’t question anything, it doesn’t do anything, it simply fits in.

Sometimes art looks just as if it had been made to look like art, meaning that there is an assumption that one should know what art is meant to look like.

SC

I am perhaps a very old-fashioned artist, though I honestly have no idea what art looks like. Minimal art is in fact a specific object with a specific form; I am interested in specific objects that don’t have a specific form.

And that would be the difference between myself and someone like Carl Andre and yet, from a larger standpoint, from an awareness standpoint and from an aesthetic standpoint, there is not that big of a difference between what Carl Andre places in the world and what I place in the world. But there is a big difference about how it is put together to be placed

LW

férence dans la manière dont nous assemblons ce qui va émerger dans ce monde. Voici la différence entre l’art minimal, et le soi-disant art conceptuel.

SC Où se trouve la limite de l’art minimaliste, et où commence l’art conceptuel ?

L’art conceptuel ignore là où il commence et ce à quoi il va finir par ressembler dans la société. Il sait seulement ce qu’il espère produire comme effet. L’art minimal sait toujours ce à quoi il va ressembler. Il ignore cependant en quoi va consister sa fonction une fois exposé, mais il a conscience de ce à quoi il ressemble.

LW

À quel moment savez-vous ce à quoi ça va ressembler ?

SC

fait conformes à l’esthétique minimale.

Je ne suis pas certain qu’elles se conformaient car elles prenaient quelque peu leur distance par rapport à tout cela. Elles s’inscrivaient dans le débat. Le problème là c’est que tout le monde semble vouloir se voiler la face. Vous êtes en train de regarder des œuvres faites dans les années 1960, dans les années 1970. Le vrai débat serait de se demander si elles fonctionnent toujours de nos jours.

LW

L’exposition à la Galerie Yvon Lambert est composée d’oeuvres de cette époque, mais aussi d’autres beaucoup plus récentes, cependant elles abordent toutes les mêmes sujets. D’une certaine manière, les années 1960 ne semblent pas si lointaines.

SC

Depuis les années 1960, notre concept global a essentiellement changé. Chomsky n’a plus grand sens aujourd’hui. Les structuralistes ont tenté une superbe expérience, mais tout comme l’expérience soviétique, elle n’a pas marché, et elle ne peut pas marcher car ce n’est pas ainsi qu’on peut comprendre le monde. Aujourd’hui, nous en savons d’avantage sur le monde qu’à l’époque. Que ce soit en matière de LW

Uniquement à partir du moment où vous l’exposez.

Vous ignorez ce à quoi ça va ressembler jusqu’à ce que vous arriviez au stade de l’exposition.

LW

J’ai regardé certaines de vos œuvres datant des années 1960, et plus précisément la forme qu’elles prenaient. Certaines d’entre elles semblaient tout à

SC

sciences, de logique, ou de théorie digitale, tout cela a changé la façon même dont nous nous rendons au travail chaque jour. Il n’y a donc aucune raison logique pour que je ne considère pas que mon travail d’aujourd’hui est tout aussi spécifique et au point que dans les années 1960 et 1970. Je m’inscris juste dans un monde différent, en visant un autre débat, et avec d’autres outils à ma disposition. Je suis désormais parfaitement conscient qu’il n’existe pas de réalité parallèle. J’ai d’ailleurs participé à une émission radio en France à ce sujet. A la fin des années 1960, nous n’en étions toujours pas conscients. Il existe juste des réalités parallèles spécifiques au coeur de cercles concentriques, mais je ne suis pas assez intelligent pour les comprendre. La philosophie d’Aristote ne fonctionne pas, et nous avons seulement commencé à en prendre conscience à la fin des années 1970. La théorie de la relativité est devenue une moralité, et non une explication ou une rationalisation des choses physiques. Il s’est passé exactement la même chose avec l’art. Avant, tout objet spécifique se devait de contenir un certain nombre d’éléments, alors que maintenant ces éléments en question contiennent plus d’informations, sont d’avantage développés, donc c’est différent. Ce que vous voyez donc

aujourd’hui n’a pas l’air aussi spécifique que ce que vous voyiez auparavant. C’est ainsi, et dans trois ou quatre ans, cela vous semblera spécifique, quand tous ces éléments seront entrés dans la pensée collective et que nous les aurons tous acceptés.

C’est comme l’art minimal et l’art conceptuel qui étaient révolutionnaires à l’époque, formellement pour l’un et intellectuellement pour l’autre, et qui sont inoffensifs aujourd’hui.

SC

L’art conceptuel a fait ce qu’il était censé faire : il a changé la logique structurelle, et les gens voient le monde différemment aujourd’hui. Ça a fonctionné. C’est comme un souvenir, le terme que Daniel Buren utilise pour qualifier ses photographies. C’est quelque chose qui a vraiment eu une existence, et qui existe de manière très différente aujourd’hui. On ne peut plus utiliser le mot « révolutionnaire » car la révolution a déjà eu lieu.

LW

SC

Quelle révolution avez-vous menée ?

En tant qu’artiste, j’ai décidé de changer la forme des choses. Il ne s’agit pas d’art ; il s’agissait de LW

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Fig. 1: Weiner constructing the work for When Attitudes Become Form: Works-ConceptsProcesses-Situations-Information, 1969

Where does minimal art end and conceptual art begin?

SC

Conceptual art doesn’t know when it begins, neither what it is going to end up looking like in the society. It knows what it hopes it will do. Minimal art always knows what it is going to look like. It doesn’t know what its function is going to be when it is out there, but it knows what it looks like.

A CONVERSATION WITH LAWRENCE WEINER

LW

When do you know what it is going to look like?

SC

Only when you show it. Not until you get to the point of showing it, do you know what it is going to look like.

LW

I was looking at work that you did in the 1960s and at the form they took. Some pieces were very much in line with the minimal aesthetics.

SC

I don’t know if it was in line, it broke a little bit with all of that. It fit into the conversation.

The problem here is that there’s something that everyone wants to forget. You are looking at works that were done in the 1960s , in the 1970s. Whether they still function today, that’s another conversation.

LW

The exhibition at Yvon Lambert’s gallery shows works that were made then, but also works that were just created, yet they address similar issues. In a way, the 1960s weren’t that long ago.

SC

Since the 1960s, our concept of everything has essentially changed. Chomsky is no longer making a lot of sense. The structuralists did a great experiment, but like the Soviet experiment it didn’t work, and it doesn’t work, it’s not a way to understand the world. Today we know more about the world than we did then.

Science-wise, logic-wise, digital theory, this all changed the way you go to work every morning. So there is no logical reason that I don’t think what I am doing now is just as specific LW

and just as au point as what I did in the 1960s and 1970s but I am doing it in a different world, for a different conversation and I have different tools at my hands. Now, I do know that there is no parallel reality. I did a radio broadcast in France about that. We just didn’t know that in the late 1960s. There are specific, parallel realities in concentric circles, which I am not smart enough to understand. Aristotle doesn’t work. We only began to make sense of it in the late 1970s. The theory of relativity becomes a moral. It doesn’t become an explanation or a rationalisation of physical things. That is what happened with art. What was a specific object and had to have a certain amount of stuff, but the stuff is a little more informed, it is a little more developed, it is different. So therefore, what you see now looks not as specific as what you saw then. It is, and you will see it as specific in three or four years, when all of these things become more and more entered into the popular thought and we just accept it.

Like minimal and conceptual art, which at the time were ground breaking, formally for

SC

the former, intellectually for the latter, yet, now it is harmless.

It did what it was supposed to, it changed the logical structure, people now see the world differently. It functioned. It is a souvenir, like Daniel Buren calls his photographs. It is something that really was, but what it does now is very different. It is no longer what you call groundbreaking because it broke ground already.

LW

SC

What ground did you break?

LW I, as an artist, decided I would change the form of things. It is not about art, it was about changing the form, changing the structure, making it more open. It worked!

It is interesting how some of your work departed from, and expanded the minimal aesthetic to welcome participation from the viewer. (Fig. 1)

SC

A CONVERSATION WITH LAWRENCE WEINER

in the world. That is the difference between minimal art and the so-called conceptual art.

changer la forme, de changer la structure, de la rendre plus ouverte. Et ça a marché !

C’est intéressant d’observer comment certaines de vos œuvres ont pour point d’origine l’esthétique minimale tout en l’élargissant pour accueillir la participation du spectateur. (Fig. 1) SC

C’est vrai, mais ce n’était pas dans un élan démocratique. C’est littéralement juste pour faire preuve de logique. J’étais là à me rendre compte que si un arbre s’abat dans la forêt et que personne ne l’entend, à quoi bon le couper ? On n’offre pas aux gens ce qu’ils veulent vraiment car ce n’est pas notre rôle ; notre rôle c’est de leur offrir quelque chose qu’ils peuvent accepter ou rejeter. En tant qu’artiste, voilà l’essence même de ce qu’on essaye de faire. On essaye à tous prix de trouver quelque chose qui sera utile à un autre pour qu’il change sa manière de faire sans pour autant vous imiter. Et j’ai été très chanceux à cet égard. J’entretiens des relations cordiales avec d’autres artistes. J’ai appris certaines chose d’eux, et eux de moi. L’art minimal consistait à essayer d’établir un moyen de faire. Cependant, certains artistes essayent toujours de créer quelque chose qui a l’air fait à LW

la main car c’est censé être plus attrayant ainsi. Pourquoi cet effort pour que ça ait l’air fait à la main? Les premières œuvres de Sol Lewitt étaient toutes faites à la main et avaient l’air merdique ! Dès qu’il en eut les moyens, il arrêta de procéder de la sorte et trouva quelqu’un pour souder ses pièces. A partir de là, elles furent toutes fabriquées et la plupart des gens n’ont vu que celles-ci, et pas son travail antérieur, sauf peutêtre dans des catalogues. (Fig. 2) Au sujet de Sol Lewitt, l’exposition présente la documentation liée à son œuvre Buried Cube Containing an Object of Importance but Little Value. (Fig. 3) On trouve un vrai sens du second degré dans son travail, ce qui est formidable venant d’une personne à la posture si tutélaire. On dirait presque qu’il s’en moque.

L’exposition porte le nom de votre œuvre A Stone Left Unturned. Quel est son lien avec cette autre œuvre de vos débuts, datant de 1962-63, What Is Set Upon the Table Sits Upon the Table (Stone on Table) ? (Fig. 5) SC

Il existe en effet une relation entre les deux bien qu’il ne me semble pas qu’elles aient grand-chose en commun. Stone Upon Stone Fallen Stone s’en rapproche peut-être d’avantage.

LW

SC

Je ne sais pas s’il se moque car il existe une vérité derrière. Regardez cette œuvre de Nauman provenant de Belgique, où des catacombes furent construites et la caméra continue à filmer jusqu’au jour où elle cesse de fonctionner. (Fig. 4) C’est le même genre de choses : si une chose vous est familière, est-ce aussi jouissif que si vous la découvriez ? Est-ce dans l’anecdote que l’œuvre se présente ?

LW

Dans votre livre Specific and General Works, la traduction française de A Stone Left Unturned lui fait perdre beaucoup de son sens (Une pierre non retournée).

SC

Elle perd en effet son sens idiomatique, mais pas son sens pure. Si une personne ignore ce que A Stone Left Unturned signifie, au moins elle sait ce qu’est une « stone left unturned » (une pierre laissée nonretournée). Hourra! C’est tout le propos de l’oeuvre.

LW

Qualifieriez-vous Stone on Table de sculpture traditionnelle ?

SC

Elle a certainement l’air d’une sculpture traditionnelle ; elle date de 1962. C’était ainsi à l’époque. Vous savez, parfois le sens est tout autant relié au monde que la forme.

LW

On ne s’interroge jamais sur l’existence d’une faute dans une œuvre. L’art ne s’est pas suffisamment interrogé ; il ne s’est pas encore prémuni de lui-même.

Et ce n’est pas en changeant de genre ou en roulant des tambours qu’il se prémunira de lui-même. Il se prémunira de lui-même en disant : « Ceci était vrai, et maintenant ça l’est encore d’avantage. » L’art n’a pas encore fait cela. La culture est peut-être devenue paresseuse depuis l’invention de la vapeur et de l’électricité. Peu d’inventions virent le jour juste après. Les gens vivaient dans un monde imaginaire; ils vivaient dans l’univers de Blade Runner. Peut-être que l’art peut nous permettre d’aller au-delà, d’inventer un nouveau modèle de relation d’homme à objet plus logique. Dans notre culture, les gens qui décident de se confronter à l’art, aux sciences physiques ou aux mathématiques, évoluent à un rythme différent de ceux qui ne se confrontent qu’à l’usage des choses.

Cependant, dans le monde de l’art d’aujourd’hui, et surtout lorsqu’il s’agit des foires, le rôle de l’art n’est

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Fig. 2

True, but that wasn’t democratic, that was literally being logical. I stood there and realized that if the tree falls in the forest and no one hears it, why the fuck chop it down? You don’t give people what they really ask for because that´s not your job, your job is to give them something that they can accept or reject. That is essentially what you are trying to do as an artist. You are trying very much to find something that somebody can use to change their pattern without having to copy you. And I have been really lucky. I have a reasonable relationship with other artists. There are things that I learnt from them and things that they learnt from me. Minimal art was about trying to set up a means. Yet, sometimes, some artist will try to make something look like it is hand-made because it is supposed to look better that way.

Why do you have to make it look like it is hand made? The Sol Lewitts were all hand-made in the beginning and they looked like shit! The minute he had money he stopped that. He got somebody to weld them. Then they were all fabricated and that is what most people have seen, most haven’t seen the earlier work, or

A CONVERSATION WITH LAWRENCE WEINER

LW

just in catalogues. (Fig. 2) Speaking of Sol Lewitt, the exhibition includes the documentation of his 1968 piece “Buried Cube Containing an Object of Importance But Little Value.” (Fig. 3) There is a sense of second degree in the work, which is great to see in something that comes from someone who is such a tutelary figure. Almost like he is making fun of it.

SC

Fig. 4: Bruce Nauman Wall with Two Fans, 1970

There is a relationship but I don’t see them having that much to do with each other. Stone Upon Stone Upon Fallen Stone is maybe more related to that.

LW

In your Specific and General Works book, the way A Stone Left Unturned is translated into French makes it lose a lot of its meaning (Une pierre non retournée).

SC

What you lose is the idiomatic meaning but you don’t lose the meaning. If someone doesn’t know what “A Stone Left Unturned” means, at least they know what a stone left unturned is.

Hurray! That is the point of the work.

LW

I don’t know if he is making fun, because there is a reality to that. Look at the Nauman piece form Belgium, where they built the catacombs and the camera is going and then one day the camera stops working. (Fig. 4) That is the same kind of thing: if you know about something, is it as good as if you see something? Is the anecdote the presentation of the work?

LW

Would you call Stone on Table a traditional sculpture?

SC

It certainly looks like a traditional sculpture; it was 1962. That´s what it was. You know, sometimes, meaning has as much to do with the world as form does.

LW

The show is titled after your work A Stone Left Unturned. How does it relate to this other early work, What Is Set Upon the Table Sits Upon the Table (Stone on Table) (1962-3)?

SC

(Fig. 5)

The question is never “Is there a fault in the

Fig. 5: Backyard of Weiner's Bleecker Street studio, 1963

work?”Art has not questioned itself enough; it has not obviated itself yet. And it will obviate itself, not by changing style, not by banging on a drum. It will obviate itself by saying: “This was true, now this is truer.” It hasn’t done that yet.

Maybe the cultures have gotten lazy, as it was just after steam and electricity were discovered. There were few inventions immediately after that. People were living the fantasy life; they were living in Blade Runner. Perhaps in art we can come up with something that moves a little bit further. Like a new logic pattern of relationships between human beings and objects. People in this culture who choose to deal with art and physics and mathematics move at a different pace than the people in the culture who deal with the use of things. However, in today’s art world, when it revolves around art fairs, art has to essentially fit into the souk. But sometimes, things just don’t fit into the souks.

SC Did you see the show based on Lucy Lippard’s

Six Years… book at the Brooklyn Museum?

LW

I have been running around since I last saw

A CONVERSATION WITH LAWRENCE WEINER

Fig. 3: Sol Lewitt Buried Cube Containing an Object of Importance But Little Value, 1968

plus que de s’accorder au souk ambiant. Or parfois, il est juste impossible de s’accorder au souk.

Avez-vous vu l’exposition du Brooklyn Museum inspiré du livre Six Years de Lucy Lippard ?

mystique chrétien. Tout tourne autour du mysticisme.

SC

C’est de cette manière que vous voyez les choses ?

SC

Je n’arrête pas de courir dans tous les sens depuis notre dernier entretien, mais j’ai réussi à regarder le catalogue de l’exposition. Je trouve cela étrange de voir une exposition historique traitée sous un angle féministe. Beaucoup d’artistes qui n’avaient pas une place si importante dans le livre de Lucy se trouvent dans cette exposition au Brooklyn Museum. Cela étant, leur travail est de qualité, mais je me suis demandé où était tout le reste. Où est-ce que ça a disparu ?

Absolument, tout tourne autour du mysticisme.

Une forme de catholicisme assez rigolote.

LW

LW

Je trouve qu’ils ont plutôt brillamment réussi à encapsuler un moment précis dans une même pièce.

Une de vos pour pieces de la collection de Robert Barry était exposée.

SC

LW Oh, Robert est un ange. C’est un homme d’une grande gentillesse. Je suis resté proche de lui. Il est très dévoué. C’est étrange que nous soyons amis, après tout, pourquoi serais-je proche de Robert ? C’est un

On peut effectivement faire une telle interprétation de son travail. Qu’en est-il alors de ses œuvres faites de pièces de métal qui pendent du plafond et touchent presque le sol ?

SC

Oui, j’en possède une qui date des années 1960, de Bleecker Street. C’est quelque part dans un carton, c’est une esquisse d’une de ces oeuvres. Des instructions. Ça date de l’époque de notre exposition ensemble au Windham College.

LW

Not Ducks on a Pond n’est certainement pas une œuvre. Réfléchissez-y. Je fais des sculptures. Je suis un être humain. Je mène une réflexion sur la manière dont le monde fonctionne. J’utilise le langage pour construire des sculptures, mais je pourrais également l’utiliser pour dessiner. La couverture du magazine Annual est un aphorisme ; ce n’est pas une œuvre.

SC

Et qu’en est-il de la couverture de ArtForum? (Fig. 6)

Ça c’est une œuvre et c’est la raison pour laquelle dans les remerciements on peut lire « Langage + Materials referred to ».

LW

L’exposition porte le nom d’une de vos œuvres. Je me souviens qu’un jour vous avez dit au sujet d’une autre œuvre, que ce n’était justement pas une œuvre, mais une affirmation.

SC

J’hésite toujours à dire quoique ce soit à se ce sujet car dans vingt minutes, je pourrais très bien penser à quelqu’un d’autre qui me semblerait évident. Beaucoup d’artistes ont eu une influence sur moi, mais j’ignore quel genre d’influence. Vu ce que j’ai fini par créer, je pense que des gens comme [John] Chamberlain ont eu une influence sur moi.

C’était incroyable. J’en fus vraiment enchanté.

C’était aussi tellement étonnant de voir ma dernière œuvre sur la couverture de ArtForum pour leur 50ème anniversaire. Ça c’est excentrique.

SC

C’est effectivement assez excentrique, surtout sur le panneau d’affichage. Dans quelle mesure appréciezvous que vos œuvres prennent de telles dimensions ?

SC

LW Un aphorisme. Cependant A Stone Left Unturned est une œuvre sur la matérialité. We Are Ships at Sea

Quels artistes vous influencent ?

LW

J’ai adoré la voir sur le panneau d’affichage de la Highline.

SC

LW

SC

Ça m’est arrivé plusieurs fois. Une de mes œuvres est sur un immense immeuble à Vienne. Ça me va.

L’échelle n’est pas le problème, ce qui importe c’est le sens et la manière dont c’est exposé. Je me suis retrouvé sur la façade à la Documenta. Cette fois-ci, j’ai essayé d’être le plus discret possible, de faire quelque chose de petit, qu’on pouvait aisément ne pas remarquer en entrant sans prêter attention. J’ai aussi exposé quelque chose qui ressemblait au signe « No Parking » sur le pan d’un immeuble. (Fig. 7) LW

Je ne l’aurais jamais deviné.

Chamberlain et [Willem] de Kooning. À peu près au même moment, les deux ont dit : « Alors mon LW

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Fig. 7: The Middle Of The Middle Of The Middle Of, 2012

Fig. 6: Cake As Pie Pending Resolve, 2012

Well, they tried to encapsulate a moment in a room, which I think they were pretty successful at. They had one of your “pour” pieces from Robert Barry’s collection.

A CONVERSATION WITH LAWRENCE WEINER

SC

Oh, Robert is a sweetheart. He is a very nice man. I have stayed close with him. He is very dedicated; it is so strange that we are friends, because why would I be that close to Robert?

He is a Christian mystic. It’s all about mysticism.

LW

SC

You see it that way?

Oh completely, it is all about mysticism. A funny kind of Catholicism.

LW

You could do that type of reading of the work. How about his works with metal pieces hanging from the ceiling almost touching the floor?

SC

Yes, I have one from the 1960s, from Bleecker Street. It is somewhere in a cardboard box, it is a drawing for it. Instructions.

From the time we did that show together at the Windham College.

SC

SC

LW

The show is titled after a work of yours. I remember you once said, about a different work, that it was not a work, but a statement.

SC

An aphorism. But A Stone Left Unturned is a work about materiality. We Are Ships At Sea Not Ducks On A Pond is certainly not a work. Think about it. I make sculptures. I am a human being. I have thoughts about the way the world works. I use language to build sculptures, I could also use it to draw. The cover of Annual magazine is an aphorism; it’s not a work.

LW

How about the cover of ArtForum? (Fig. 6)

That’s a work, that is why the credit says “Language + Materials referred to.”

thing on the side of a building that looked like “No Parking”. (Fig. 7)

LW

I loved to see it on the billboard by the Highline.

That was amazing. I was very pleased. It was also so strange to have the last work I had done be on the cover of the 50th anniversary issue of ArtForum. That is kinky.

LW

It is quite kinky. Especially on the billboard.

How do you like it when it takes those proportions?

Which artists would you consider to be influences?

SC

I am always reluctant to say anything because twenty minutes later I remember somebody else and think: of course! Many have had an influence on me, what kind of influence I don’t know. As far as what I ended up making, I think people like [John] Chamberlain have been influential to me.

LW

SC

I have done it a few times. A work of mine is on a huge building in Vienna. It is fine for me. The scale is not the problem it is about what it says and how it is laid out. I had been on the façade at Documenta. This time I chose to be as discreet as possible and do a little thing that you would have missed if you walked in without looking down. Also someLW

SC

I would never have guessed.

Chamberlain and [Willem] de Kooning.

Both of them at about the same time said: “Hey kid, everybody says you are crazy. You are not crazy, but how on earth are you going to make a living?” As far as the art thing, [Piet] Mondrian, and Kaspar David Friedrich. Anybody who was able to do something that had the aspiration to find a place in the world without a metaphore. That is what I aspire to do. To LW

A CONVERSATION WITH LAWRENCE WEINER

you, but I did see the catalogue. It is a weird thing for me to see a historical show done through a feminist angle. In this show at the Brooklyn Museum there are lots of people who weren’t that prominent in Lucy’s book. The work is good, though, but I was left wondering where the rest of it was. Where did it disappear?

gars, tout le monde dit que tu es fou. Tu n’es pas fou, mais comment vas-tu réussir à vivre de ton art ? ».

En ce qui concerne l’art en tant que tel, [Piet] Mondrian et Kaspar David Friedrich. N’importe qui capable de faire quelque chose ayant l’aspiration de trouver une place dans ce monde sans créer de métaphore. Voilà ce que j’aspire à faire. Faire de l’art qui peut être utilisé par n’importe qui. Personne n’a besoin de croire en moi, ou d’avoir affaire à moi. C’est là. Vous en faites usage ou non.

SC Quel type d’ œuvre de Chamberlain vous inspire le plus ?

J’ai aimé son travail dès les toutes premières œuvres que j’ai vues. Ses collages papiep.

LW

Les petits formats des années 1960 ? Celles du Guggenheim étaient incroyables. Les sculptures en mousse de ses débuts étaient formidables aussi. (Fig. SC

8)

Oh, c’était une exposition superbe. Je possède d’ailleurs une pièce en mousse là-haut. Vous savez elles se délabrent. Je laisse la mienne se délabrer.

LW

SC

C’est ainsi que ça doit être. Qu’en est-il du délabrement de vos œuvres ?

Qu’en est-il des mots sur une façade lorsqu’ils se décomposent ?

Les dessins ne tiennent jamais. Reiner Speck, un collectionneur de Cologne, m’achète des dessins depuis longtemps. Lorsque j’ai eu cinquante ans et Gerhard Richter en a eu soixante – nos anniversaires sont à un jour d’écart – j’ai créé un ensemble dessins.

Nous avons fait une grande exposition à la Anthony d’Offay Gallery de Londres en 1992 et nous avons invité Richard Long à se joindre à nous. J’ai fait ces dessins avec des baies du jardin derrière. J’ignorais s’ils allaient tenir et Speck a fourni la réponse. Il les a regardés et a dit : « Si je peux en tirer dix ans de tes dessins alors j’en aurais eu pour mon argent ». Je me suis dit : « Pas mal ! ».

Ça c’est juste une installation ; ils n’ont rien en commun avec le travail en lui-même. Rien du tout. Je m’implique avec ces mots, mais ça ne fait pas partie de mon travail. C’est juste une manière de l’exprimer.

La raison pour laquelle on a commencé à les peindre sur un mur c’est parce qu’un jour, [Giuseppe] Panza m’a envoyé une lettre et m’a dit : « Mon architecte est d’accord pour qu’on peigne ton œuvre sur une façade, peut-on le faire ? ». J’ai répondu : « D’accord, tentons le coup ! ». Ils ont embauché un très bon peintre d’enseignes à Milan et le résultat était superbe. Auparavant, je me satisfaisais tout à fait que ce soit sur des posters, ou tapé à la machine sur l’entête du courrier de la galerie ou écrit à la craie sur le mur.

LW

Si vous divisez par le nombre de jours, ce n’est pas si coûteux finalement.

SC

LW Tout à fait, c’est même carrément pas cher !

Pendant un moment, Speck était le président de la « Proust Society » donc il donnait un tout autre sens à la vie.

SC

LW

SC

Était-ce la seule fois ?

Oui, je n’aime pas l’odeur des produits de beauté. Ça avait l’air splendide mais ça puait comme dans un bordel.

LW

SC Vous avez cette blague sur le rouge à lèvres étant aussi une option.

Oui, j’ai fait ça pour Clarissa Darlymple à l’époque où elle avait une galerie avec Nicole Klagsburn dans le Cable Building sur Houston Street. J’ai posé mon œuvre avec du rouge à lèvres.

LW

18 / 19

Fig. 8: John Chamberlain Untitled, 1966

What kind of work by Chamberlain are you most attracted to?

SC

I liked it very much from the very first ones I saw. His paper collages.

A CONVERSATION WITH LAWRENCE WEINER

LW

The small ones from the 1960s? The ones at the Guggenheim were incredible. The early foam sculptures were great too. (Fig. 8)

Richter turned sixty – we have birthdays that are one day apart. We did a big show at Anthony d’Offay Gallery in London in 1992 and invited Richard Long to join us. I did these drawings with some berries from the backyard.

I had no idea whether they were going to last.

Speck had the answer; he looked at them and said “If I get ten years out of your drawing, I’ve got my money’s worth.” I thought: “That’s not bad!”

SC

If you divide it by the number of days it’s not that expensive, after all.

SC

Exactly, it’s pretty damn cheap! Speck was the President of the Proust Society for a while so he had another idea of life.

LW

Oh, it was beautiful show. I actually have a foam piece upstairs. You know they decay. I let mine decay.

LW

It is meant to be. How about the decay of your work?

SC

The drawings are never fixed. Reiner Speck, a collector from Cologne, has been buying drawings of mine for a long time. I did a set of drawings when I turned fifty and Gerhard

LW

SC

LW

How about words on a façade, when they decay?

That’s just an installation; they have nothing to do with the work. Nothing whatsoever.

I engage with them, but it’s not the work. It is a way for it to be told. The reason why they

started being painted on the wall is because one day, [Giuseppe] Panza sent me a letter saying: “My architect says we can paint your work on the wall, can we?” I said: “OK, give it a shot!” They hired a very good sign painter in Milan and it looked great. Before that, I was quite content to have it on posters or typewritten on the letterhead of the gallery or chalked on the wall.

You have this joke about lipstick being an option as well.

SC

Yes, I did it for Clarissa Dalrymple when she had a gallery with Nicole Klagsburn in the Cable Building on Houston Street. I installed the work in lipstick.

LW

SC

Was it the only time?

Yes, I don’t like the way cosmetics smell. It looked beautiful but it stank like a whorehouse.

LW

A CONVERSATION WITH LAWRENCE WEINER

make art that can be used by anybody. Nobody has to believe in me or have anything to do with me. It’s there. You use it or you don’t use it.

L’exposition interroge où l’art minimal et l’art conceptuel se recoupent, en une lente transition.

SC

C’est tout moi, je suis en transition entre l’art minimal et conceptuel !

RB

SC

Êtes-vous toujours dans la transition ?

Oui, entre l’art conceptuel et autre chose, mais je ne sais pas trop quoi (rires).

RB

L’exposition montrera un ensemble d’œuvres des années 1960 et 1970, mais aussi des œuvres de ces deux dernières années, et d’autres datant d’entre les deux. On dirait que les questions posées à l’époque restent entières.

SC

RB

Mon œuvre a cinquante ans cette année.

SC

Vraiment?

Oui ! Ma première pièce est la toile en forme de carré rouge, datant de 1962. (Fig. 1) J’étais étudiant quand je l’ai faite, mais il s’agissait déjà de sortir de la peinture et de parler de l’espace alentour, de suggérer RB

24 / 25

une relation avec le mur. J’utilisais déjà la stratégie de l’art minimal tout en allant au-delà, dans une autre direction. La réponse à l’espace et la relation au public – toutes ces choses-là. Comment la peinture devient une situation très compliquée.

SC

Compliquée de quelle manière ?

L’œuvre d’art était vraiment un objet dynamique, le début de quelque chose, une interaction avec le public. Vraiment juste une simple halte sur la voie d’un système très intriqué : on entre dans un monde esthétique et on en devient partie prenante. Il faut intégrer les objets dans ce qui va leur arriver. On perd légèrement le contrôle lorsqu’on déploie l’objet dans le monde, lorsqu’il commence à fonctionner de différentes manières et avec différents récepteurs. J’ai toujours considéré ces œuvres comme faisant partie d’un continuum, comme restant liées au sein du monde.

RB

SC Pouvez-vous m’en dire plus sur ces relations ?

Vous avez utilisé le mot « récepteur ».

C’est ainsi que l’on nommait le spectateur à l’époque, mais je n’ai jamais tellement aimé ce terme.

RB

Une Conversation avec Robert Barry

SIMON CASTETS

A Conversation with Robert Barry The exhibition looks at where minimal art and conceptual art overlap, in a slow transition.

SC

That’s me, I’m in transition between minimal and conceptual art!

RB

SC

Are you still transitioning?

Yes – between conceptual and something else, I don’t know what (laughter).

around it, suggesting a relationship with the wall. I was already using a minimal art strategy while moving in another direction beyond that.

An answer to space and the relation to the public – all of those things. How is it that painting becomes a very complicated situation.

SC

Complicated in what way?

RB

The show will have a group of works from the 1960s and 1970s as well as works from the last two years and some in between. It seems as if the questions that were asked then remain to be answered.

SC

RB

This is the 50th year of my work.

SC

Is it?

RB It is. The first piece is the red square painting from 1962. (Fig.1) I did it when I was a student. But it was already about getting away from the painting and talking about the space

The work of art was really a dynamic object, the beginning of something, an interaction with the public. Really just a stop along the way of a very intricate system – you enter into an aesthetic world and become part of it. You have to incorporate these objects into what happens to them. You sort of lose a little bit of control when you put it out into the world and they begin to function in different ways, with different receivers. I always thought about these works as being part of a continuum, about how they relate in the world.

RB

Tell me more about that relationship. You used the word “receiver”.

SC

Être spectateur implique une pensée, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on est récepteur. On ne peut pas voir sans penser. Regarder est un processus très compliqué. Nous ne sommes pas exactement des caméras juste faites pour enregistrer. Voir est un processus compliqué. Les gens qui regardent l’art devraient s’exercer un peu. Ce n’est pas comme regarder un truc stupide à la télévision. En quelque sorte, l’art indique une direction. À propos de l’inscription des œuvres d’art dans le monde, est-ce que vous voyez une différence entre la façon dont s’affranchit une peinture, par rapport à une sculpture ou une vidéo ?

SC

Pas vraiment. Mon œuvre actuelle reste fondée sur des idées que j’ai eues il y a des années. Évidemment, je continue de réfléchir à l’utilisation du temps.

Si vous regardez mes dernières vidéos, vous verrez qu’elles portent toutes sur le temps, sur l’éclatement de l’espace relié aux mots. J’introduis une note personnelle, une certaine indépendance par rapport à l’imagerie traditionnelle de l’art minimal. De façon générale, les images dans mon travail n’ont cessé de rétrécir. De plus en plus d’espace s’est inscrit autour

RB

des quatre carrés, ou c’est même devenu juste un petit carré au milieu d’un mur entièrement nu. Réduire de plus en plus, jusqu’à ce que je devienne complètement invisible. J’essaie différentes choses. Je vais simplement là où je veux aller. C’est là où l’œuvre vous mène.

SC

Parlez-moi d’une de vos œuvres récentes.

J’ai fait ces vidéos très courtes intitulées 13 pieces. (Fig. 2) Elles sont à regarder l’une après l’autre et ne sont composées que de mots. Le texte est éclaté donc il faut le suivre de très près pour voir quelle tournure il prend à la fin. Comme des haïkus. Elles commencent toutes par le mot « quelque chose ». Ce sont des objets conceptuels mais qui existent seulement dans l’esprit. Je pense que je vais simplement les projeter. Que des projections. Je n’aime pas les téléviseurs. Quand j’ai commencé à faire ces vidéos, il ne s’agissait que d’obscurité, de lumière, des ombres et du passage du temps. J’aime la projection vidéo : les mots qui changent, disparaissent et sortent de l’obscurité.

RB

SC

Comme votre œuvre avec le cercle bleu. (Words

with Blue Circle) (Fig. 3) Son sujet m’a particulièrement intéressée, la forme minimale qui reste alors que les mots changent sans cesse.

Je crois qu’il existe trois versions de cette œuvre.

Elles sont légèrement différentes les unes des autres.

L’une est dans la collection de Marcel Broodthaers.

J’étais très en colère contre le galeriste qui la lui a vendue alors qu’il n’avait pas besoin d’argent. Quel était l’intérêt de la vendre ? Il est vrai que j’étais très content de recevoir cet argent comme je n’en avais pas beaucoup à cette époque, mais j’avais quand même des revenus en tant qu’enseignant. Ce que je voulais à tout prix c’était une œuvre de Marcel car j’ai moi-même une collection. J’échange des œuvres.

C’est une série de polaroïds avec une déclaration en-dessous.

RB

SC

La série directionnelle ?

RB

SC

De qui possédez-vous des œuvres ?

Lawrence (Weiner), So Lewitt, Jenny Holzer, (Claes) Oldenburg. J’étais très ami avec Coosje (Van Bruggen) qui était aussi commissaire d’exposition.

Elle était assez proche de John Baldessari et a écrit un livre sur lui. J’ai une œuvre de John.

RB

SC

Laquelle ?

Je crois que c’est ça, quatre ou cinq petits polaroïds fixés sur un support gris.

RB

Avez-vous aussi des œuvres d’artistes que vous ne connaissez pas personnellement ?

SC

Pas vraiment. Toutes les œuvres que je possède, je les ai moi-même échangées.

RB

Les collections d’artistes sont toujours si intéressantes. Non seulement en raison des œuvres en elles-mêmes, mais aussi de la manière dont elles sont présentées. Lawrence Weiner a un petit Daniel Buren tout simplement punaisé au mur, ce qui semble fidèle à l’œuvre.

SC

Daniel a créé deux œuvres différentes dans notre maison. L’une est dans notre cuisine, l’autre dehors, sur un mur de briques rouges. Elle s’est usée de plus en plus, à cause du mauvais temps. Personne ne com-

RB

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That’s what they called viewers in these days; I never really liked this term very much though. Viewer implies thinking, whereas receiving does not. You can’t view without thinking. Looking is a very complicated process. We are not really cameras that just record. Viewing is a complicated process. People who look at art should work at it a little bit. It’s not like just watching some stupid thing on television. Art is sort of directed.

RB

Speaking of artworks entering the world, do you see a difference in the way a painting takes a life of its own and a sculpture or video piece does?

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

SC

Not a lot. My current work is still based on ideas that I had years ago. Obviously, the use of time is something that I still think of. If you look at my new videos, they are all about time, about breaking up the space in relation to the words. It is getting more personal and a little less reliant on the traditional minimal art imagery. In general, the images kept getting smaller and smaller. There was more and RB

Fig. 2: 13 pieces, 2012

more space around the four squares, or it even became a little square in the middle of an empty wall. Less and less, until I went completely invisible. I’m trying different things out. So I just go wherever I want to go. It is where the work takes you.

SC

Tell me about a recent work.

I made these very short videos called 13 pieces. (Fig. 2) They are shown one after the other – just words. The text is broken up, so you have to follow it very closely to see how it turns out in the end. Like haiku poems. They all start with the word “something.” They are all conceptual objects but they exist in the mind only. I am thinking I will just project them. All projections. I don’t like TV sets. When I started making these it was all about darkness, lightness, shadows and the passing of time. I like video projections: words that change and disappear into the darkness and come out of the darkness.

RB

SC

Like with the work you did with the blue cir-

Fig. 3: Words with Blue Circle, 1974

cle. (Words with Blue Circle) (Fig. 3) It was especially interesting to me because of the subject matter, this minimal form that would remain while the words are changing all the time.

I think there are three different versions of that work. They are all a little bit different from each other. One is in the collection of Marcel Broodthaers. I was very upset with the gallerist who sold it to him as he didn’t need money.

What was the point of selling it? I mean I was very happy to get the money as I didn’t have a lot of it in those days, but I was also teaching so I had an income, but most importantly I wanted a work by Marcel because I also have a collection. I trade works.

RB

SC

What is it?

It is a series of Polaroids with a statement underneath.

RB

SC

The directional series?

RB: I think so. Four or five small Polaroids and a statement underneath, mounted on gray.

Do you also have works by artists you don’t personally know?

SC

Not really. All of the works I’ve traded personally.

RB

Artist collections are always so interesting.

Not only about the works in themselves but also for the way they are presented. Lawrence Weiner has a small Daniel Buren simply pinned to the wall. It feels true to the work.

SC SC

Which artists do you own work by?

Lawrence (Weiner), So Lewitt, Jenny Holzer, (Claes) Oldenburg. Coosje (Van Bruggen) and I were very friendly. She was also a curator, she was very friendly with John Baldessari and wrote a book about him. I have a work of John’s.

RB

RB Daniel did two different works in our house.

One work in our kitchen. One on a red brick wall outside. The weather just kept getting it

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

Fig. 1: Untitled (black and red checkerboard), 1962

prenait ce que c’était. La première fois que je suis venu à Paris, en 1969, Daniel a voulu me rencontrer et m’a présenté à la galerie d’Yvon. C’était une toute petite pièce avec une fenêtre. Yvon ne parlait pas du tout l’anglais et je n’avais rien à lui montrer. J’ai expliqué qu’au lieu de produire de nouvelles œuvres, j’utiliserais simplement l’espace et la situation comme sujet. Je lui ai dit que si j’étais invité à participer à une exposition collective, ma pièce serait d’inviter un autre artiste, et que je leur donnerais le nom de l’artiste.

Quelqu’un de peu connu qui exposerait quelque chose de bien. Je suis ensuite devenu très ami avec Lucy (Lippard). Comme elle exposait souvent les autres, j’ai choisi de montrer son travail en échange.

Yvon a adoré l’idée.

Vous avez fait une série d’œuvres qui consistait à fermer les galeries dans lesquelles vous étiez censé exposer. (Fig. 4) Diriez-vous que cela rejoignait l’idée de s’échapper du contexte artistique traditionnel et de faire une œuvre qui existerai en dehors de celui-ci ?

SC

Oui. Une pièce que j’ai faite à Belmont en 1967 en est le meilleur exemple. Au lieu de mettre des boîtes carrées sur le mur, je les ai mises dans un champ. Joel

RB

Shapiro et moi avons été invités à Belmont pendant six semaines. C’était une ferme d’élevage de chevaux à l’origine. J’ai fait une pièce avec un fil là-bas, et quelques autres sculptures. Il y avait un immense champ. Du gazon où les chevaux allaient paître toute la journée. Un immense gazon vide avec une clôture.

Je me suis dit que ça n’embêterait personne que je place des cubes blancs dans les coins. Nous avons fait ces cubes blancs d’environ un mètre de haut et nous les avons mis dans les coins du champ.

SC Quand avez-vous commencé à montrer votre travail ?

Quand j’étais très jeune, encore étudiant, je faisais le tour des galeries de New-York avec mes diapositives. Il fallait leur laisser puis revenir les chercher.

Il y avait cette femme, Cynthia Park, qui tenait une petite galerie nommée Westerly sur la 58ème rue.

Quelqu’un m’a dit : « Tu devrais essayer de parler à Cynthia, elle est très intelligente. Elle n’a pas d’argent, mais elle est très intelligente. » J’ai suivi ce conseil et j’ai eu ma première exposition.

Des peintures de pois. Weiner rentrait juste de Paris et m’a dit : « Tu sais, il y a un gars qui s’appelle Niele Toroni et qui fait des peintures très similaires aux tiennes. »

RB

Est-ce que d’autres artistes ont utilisé vos propres stratégies ?

SC

Oui, c’est souvent arrivé, mais je n’y peux rien.

C’est à la fois perturbant et flatteur. Je m’efforce de ne pas trop penser à l’histoire de l’art, mais je suis très pointilleux quand il s’agit de prendre les idées de quelqu’un d’autre. Si elles sont absorbées et si c’est fait de façon inconsciente, j’imagine que ça va.

RB

RB

SC

Qu’avez-vous fait pour votre première exposition?

Dans le communiqué de presse de l’exposition, j’ai cité Lucy Lippard citant elle-même Dennis Oppenheim disant que « le déplacement des pressions sensorielles de l’objet vers l’espace s’avèrera être la contribution majeure de l’art minimal ». À quel stade du mouvement de déplacement de l’objet au contexte pensez-vous que l’art est arrivé après cinquante ans ?

SC

sculptures. La physicalité a quelque chose de vraiment merveilleux dont il est difficile de tout à fait s’éloigner. La visibilité et l’invisibilité sont deux aspects qui interagissent ; on n’y échappe pas. Les choses sont ainsi, tout simplement.

Lippard à également cité Beuys : « Si une œuvre n’est pas visible, les gens supposent immédiatement qu’elle est strictement conceptuelle. C’est une façon très matérialiste de penser que de prendre une pensée et de l’inverser intrinsèquement. C’est incroyablement primaire car, évidemment, il s’agit de la même pensée seulement inversée. Rien n’a changé du tout. » C’est une idée très intéressante. La recherche de l’invisible peut être bornée.

SC

Je pense que Lucy a été un peu déçue au début quand les artistes ont commencé à aller vers des choses un peu colorées. Je pense qu’elle s’est sentie trahie. Cependant, je ne pense pas qu’il faille enfermer les artistes dans une idéologie.

RB

SC

Cela dépend de la manière dont vous définissez le terme « objet ». Weiner nomme toutes ses œuvres des

RB

RB

Est-ce que vous vous identifiez à un mouvement ?

Les premiers temps, l’organisation de toutes les

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more and more worn away. People didn’t understand what it was. The first time I came to Paris, in 1969, Daniel came to meet me and introduced me to Yvon’s Gallery. It was a very small room with a window. Yvon didn’t speak any English and I didn’t have anything to show him. I explained that instead of making new works, I would just use the space and the situation as the subject. If I was invited to a group show, I would say that my piece was to invite another artist – and I would give them the artist’s name. Someone who was showing something that I thought was good but not well-known. I then got very friendly with Lucy (Lippard). She was always showing people, so in return I thought I should show her own work. Yvon loved the idea.

Yes. The best example of that is a piece I did in Belmont in 1967. Instead of putting square boxes on the wall, I put square boxes in a field.

Joel Schapiro and I were invited to Belmont for six weeks. It was originally a farm where they raised horses. I did a wire piece there. And some other sculptures. There was this huge field. Flat grass where the horses would come and graze during the day. An empty, huge, flat grass, with a fence around it. I thought that putting white cubes in the corners wouldn’t bother anybody.

We made these white cubes about a meter high.

We put these white cubes in the corners of the field.

RB

SC

When I was very young, still a student, I would take my slides around New York to different galleries. You would leave them there and then you would go back and pick them up.

And there was this one woman, Cynthia Park, who ran a small gallery called Westerly on 58th Street. Someone said “you should try talking with Cynthia, she’s very smart. She has no RB

You did a series of works that consisted in closing the galleries in which you were meant to show. (Fig. 4) Would you say it was part of a discourse about escaping the traditional art context and making work that would function outside of it?

SC

When did you start showing your work?

money but very smart.” And so I did, and that was my first show.

SC

What did you do for your first show?

Spot paintings. Weiner came back from Paris and said: “You know, there is a guy named Niele Toroni who makes paintings just like yours”.

RB

SC

Have other artists used your strategies?

Yes, it has happened a lot but there is nothing I can do about it. It is both weird and complimentary. I try not to really think about art history very much, but I am very sensitive about taking ideas from someone else. If it’s absorbed and done in an unconscious way, it is fine, I guess.

malist art.” At what stage of the displacement movement from object to context do you think art has arrived after fifty years?

It depends on how you define the word “object.” Weiner calls all his works sculptures.

There is something clearly wonderful about physicality that you can’t really get away from.

Visibility and invisibility are two aspects that interact; it is somehow unescapable. It’s just the way things are.

RB

Lippard also quoted Beuys: “People assume immediately, if a work is not visible, it is particularly conceptual. That is a very materialistic way of thinking if one takes any thought and reverses it in itself. That is incredibly primitive because it is evidently the same thought only in reverse. Nothing has changed at all.” This is a very interesting thought, the search for invisibility can be limiting.

RB

SC

In the press release for the exhibition, I quoted Lucy Lippard who herself quoted Dennis Oppenheim saying that “the displacement of sensory pressures from object to space will prove to be the major contribution of mini-

I think Lucy was a little disappointed in the beginning when artists started moving towards things that had a little bit of color in it.

SC

RB

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

Fig. 4 (all three): Closed Gallery Invitation.

expositions auxquelles j’ai participé tournait autour du cercle de Siegelaub. Il m’était indifférent d’y être associé. Il y avait des artistes fantastiques. À l’origine, Seth était vendeur de tapis. Quand on entrait dans la galerie, il y avait de superbes tapis d’Orient. Ce que je ne voulais pas, c’est que mon œuvre ait un « air Siegelaub ». Il s’intéressait à l’esthétique de la documentation et de l’impression. Comme le Xerox book (Fig. 5), qui fut en réalité plus ou moins mon idée.

SC

C’est vrai ?

À cette période, j’étais professeur à Hunter et je faisais des photocopies de mes dessins que je donnais ensuite à Seth. L’un ou l’autre a alors eu l’idée de faire ce Xerox Book. J’utilisais alors les machines Xerox à l’école, donc nous sommes donc allés directement chez Xerox pour le fabriquer. Cependant, à l’époque, il était impossible de faire cela chez Xerox car les machines étaient trop lentes. On aurait mis mille ans pour sortir ces milliers de pages. On a donc dû utiliser une imprimerie traditionnelle, même si les œuvres originales ont été faites sur une photocopieuse Xerox.

RB

Vous avez été associé au mouvement minimaliste au début des années 1960, avant même qu’il y ait quoi que ce soit qu’on puisse appeler « art conceptuel ».

SC

Le minimalisme existait déjà à mes débuts. Beaucoup de gens faisaient de l’art minimal quand j’étais encore étudiant. J’ai juste essayé d’aller plus loin.

J’adorais Mondrian et l’art minimal me paraissait être le genre d’art le plus intéressant, celui que je voulais investir. Je connaissais Ad Reinhardt, Donlad Judd, etc. Motherwell était mon mentor pour ma Licence d’Arts Plastiques, mais quand je suis rentré pour passer mon master après mon retour de l’armée, il était parti. J’ai alors commencé à m’intéresser de près à Tony Smith, qui était très minimal, tout comme Agnès Martin. Il ne faut pas oublier que c’était juste après la crise des missiles. L’ambiance était très « préparez vos armes, on va faire la guerre à la Russie. » Quand j’ai obtenu mon diplôme, l’université de Hunter m’a proposé de venir enseigner. J’ai commencé comme éducateur pour le cours d’ « introduction au dessin » pour lequel j’enseignais le dessin de nu avec des modèles. J’ai aussi donné des cours à l’université d’été. J’ai d’ailleurs pu obtenir un poste de prof pour

John Baldessari à l’université d’été de Hunter. Ça doit être assez particulier d’occuper un poste d’enseignant alors qu’on sape dans son propre travail les principes mêmes de ce qu’on est censé enseigner.

SC

RB

Absolument. J’ai eu un problème similaire avec ma première exposition chez Leo Castelli en 1971. Il se souvenait de ma période de peintre minimal. Il aimait les peintures de pois parce qu’elles étaient très minimales. Les grands héros de l’époque étaient Barnett Newman, Elsworth Kelly, etc. Mais tout doit trouver sa place, d’une manière ou d’une autre.

RB

Quelles furent les premières expositions importantes auxquelles vous avez participé ?

SC

Eugene Goosen a monté une exposition intitulée « Eight Young Artists » au Hudson River Museum, dans laquelle Carl Andre et moi-même étions inclus.

C’est comme ça que je l’ai rencontré. Goosen a inclus mon travail dans une autre exposition à la Stable Gallery à New-York, en 1966.

RB

Il faut garder à l’esprit qu’à cette époque le monde de

l’art était un assez petit milieu et que tout le monde se connaissait. On allait tous au même endroit, au Max Kansas City. Weiner y était tous les soirs. J’allais au Max au moins une ou deux fois par semaine, le plus souvent avec Seth, qui trouvait cela judicieux d’aller là-bas pour rencontrer du monde. Bien sûr, le lendemain j’avais cours à 9h donc je ne pouvais pas sortir jusqu’à 3h du matin. On voyait tout le monde là-bas.

En 1966, mon travail fut également inclus dans « Systemic Painting » au Guggenheim. L’exposition était montée par un commissaire très connu. Il est venu dans mon studio qui était en réalité l’entrée de mon appartement. J’avais une femme et deux enfants en bas âge. À cette époque, on pouvait louer un appartement à Manhattan pour 90 dollars par mois. Au début, j’avais un studio sur Grand Street juste à côté de Bowery. Ce n’était pas chauffé, il y avait seulement un poële à bois au milieu. Ensuite, j’ai eu mon propre studio sur la 14ème rue, à côté d’un cinéma porno.

C’était une espèce d’ancienne salle de prière, et il restait encore des proverbes de la bible dans le studio.

SC

Ça vous inspirait ?

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Fig. 5: The Xerox Book, Seth Siegelaub And John W. Wendler. First Edition, 1968.

Edition Of 1000.

SC

Did you identify with any movement?

In the early days, all of the shows that I participated in were organized around the group associated with Siegelaub. I didn’t mind being associated. They were fantastic artists. Seth was originally a rug dealer. When you walked into the gallery there were the most beautiful Oriental rugs there. What I didn’t want was for the work to get a “Siegelaub look.” He was into the aesthetics of documentation and printing. Like the Xerox book (Fig. 5), which was more or less my idea in fact.

to do it at Xerox in those days – the machines were too slow. To do thousands of pages would take ages. We therefore had to use a regular printer, even though the works were made on a Xerox machine first.

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

RB

SC

Was it?

I was a teacher at Hunter at the time and made Xerox copies of my drawings, which I would give to Seth. Then he or I had this idea of doing this Xerox book. I used to use the Xerox machines at the school all the time. So we went to Xerox to do it but it was impossible RB

In the early 1960s, you were associated with the minimal movement before there was anything called conceptual art.

Russia.” After I got my degree, Hunter invited me to teach. I started as an instructor for an “introduction to drawing” class, teaching life drawing with nude models. And I taught summer school. I got John Baldessari a job teaching at Hunter in the summer.

SC

The minimal movement was around when I started being an artist. There were plenty of people doing it when I was still a student. I just tried to go further. I loved Mondrian and just felt like minimal art was the most interesting type of art, the kind I wanted to do. I knew Ad Reinhardt, Donald Judd, etc. Motherwell was my advisor for my Bachelor’s in Fine Arts but when I returned to get my Master’s after I came back from the army, he was gone. I became very interested in Tony Smith, who was very minimal, as well as Agnes Martin. You have to keep in mind that it was just after the time of the missiles crisis. The mood was very “get your guns ready we are going to war with RB

It must be quite special to be in a teaching position while at the same time, in your personal work, you are undermining the very tenets of what you are expected to be teaching.

SC

Absolutely. I had a similar problem with my first show at Leo Castelli in 1971 because he remembered me from the minimal painting period. He liked the spot paintings because they were very minimal. The big heroes then were Barnett Newman, Elsworth Kelly, etc. But everything has to fit in, one way or the other.

RB

What were the first notable exhibitions you participated in?

SC

Eugene Goossen curated a show called “Eight Young Artists” artists at the Hudson RB

River Museum, including Carl Andre and myself. That’s how I met him. Goossen included my work in another show, at the Stable Gallery in New York in 1966.

You have to keep in mind that the art world in those days was quite small and everybody knew everybody. Everyone went to the same place, Max’s Kansas City. Weiner was there every night. I went to Max’s at least once or twice a week, usually with Seth, who thought it was a good idea to go there and meet with people. Of course the next day, I would have class at 9 am so I couldn’t stay out till 3 am. When you were there, you would see everyone.

Also, in 1966, my work was included in “Systemic Painting” at the Guggenheim. The guy who curated it was a very well-known curator and he came to my studio, which was essentially the front room of my apartment. I had two young children and a wife. In those days, you could actually rent an apartment in Manhattan for 90 dollars a month. I had a studio originally on Grand Street right by the Bowery. There

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

I think the she felt betrayed. But I think artists shouldn’t be locked into ideology.

Non, mais c’était génial et très drôle. Le soir, par la fenêtre de derrière, je pouvais voir des nonnes sortir du couvent et jouer aux cartes. Elles se disputaient avec véhémence: « Oh ma Sœur, mais vous ne pouvez pas faire ça ! ». Je les épiais plus ou moins. C’était une période marrante et je ne peignais pas tant que ça.

Une fois, il y a eu un ouragan et beaucoup d’œuvres furent terriblement endommagées, dont une qui avait été reproduite dans Artforum et qui fut complètement détruite. J’étais très déprimé.

RB

SC

Êtes-vous resté là après cela ?

Non, j’ai foutu le camp. J’ai dit à mes étudiants : « J’ai beaucoup de toiles amochées, si vous les voulez, elles vous appartiennent. » Le lendemain matin à la première heure, Rosemarie Castero, qui vivait avec Carl Andre à l’époque, est venue avec un camion pour tout emporter.

RB

SC Cela

a-t-il accéléré votre abandon de la peinture ?

Oui, j’ai plus ou moins arrêté de peindre. C’était une période de transition. J’ai réalisé que je n’avais plus vraiment besoin d’un studio. Paula Cooper m’a

RB

rendu visite comme elle venait juste d’ouvrir sa galerie. Lucy (Lippard), qui vivait avec Seth (Siegelaub), organisait une exposition contre la guerre du Vietnam et elle me demanda d’y participer. C’était au moment où Sol Lewitt faisait ses premiers dessins muraux. Il s’asseyait tout simplement dans la galerie et se mettait à dessiner.

Et vous avez fait une pièce avec de la ficelle, n’estce pas ?

SC

Oui. Je suis venu le premier jour de l’installation et j’ai regardé ce que tout le monde faisait. Bill Bolinger faisait quelque chose avec un bout de corde. Je me suis alors demandé ce que je pouvais vais faire qui soit différent du travail des autres. Bob Ryman faisait quelque chose avec des panneaux peints en blanc. Sol (Lewitt) faisait un dessin. J’ai donc eu l’idée de faire une œuvre avec de la ficelle. J’ai mesuré la longueur de la pièce. Il y avait un espace vide juste à côté des fenêtres donc j’ai simplement tendu la ficelle tout le long de la fenêtre et du mur. La hauteur correspondait au quart de la longueur de la salle et elle était censée être positionnée par rapport au visage des gens (Fig. 6).

RB

Avez-vous fait d’autres pièces avec de la ficelle à cette époque ?

SC

Oui, j’ai aussi créé une pièce avec du câble en plastique noir dans le studio de Weiner mais il n’arrêtait pas de rentrer dans ce foutu truc, j’ai donc dû le changer et le surélever. Mais il l’a à nouveau cassé. Il s’est battu avec quelqu’un, a jeté sa veste qui a cassé le fil.

RB

Est-ce que cela produisait l’illusion d’être un élément sculptural ? Ou est-ce que cela le signifiait ?

SC

C’était un élément sculptural. Il était déterminé par la longueur du mur au-dessus de l’emplacement de l’œuvre. J’ai une photo quelque part de Lawrence à son bureau. Si on regarde de très près, on peut voir la pièce.

RB

SC

Vous vous êtes ensuite détourné de l’objet.

Absolument. Je me suis mis à réfléchir à ces phénomènes d’ondes électriques. Seth montait une exposition et il voulait que toutes les œuvres soient vendues avant le vernissage. Il connaissait ce gars,

RB

Roland Topol, une espèce de collectionneur. Je ne sais pas où il a trouvé ce type. Il avait une maison à Wentchester County. Je pense qu’il avait des tonnes d’argent. J’ignore comment Seth a réussi à le faire mordre à l’hameçon. Un dimanche donc, Lawrence, Seth et moi sommes allés dans sa maison en voiture.

Lawrence a creusé un sillon dans l’allée du gars. Il a simplement sorti un burin et a attaqué l’allée (Fig. 7).

Je me suis mis à escalader la fenêtre et à tendre ce monofilament en nylon de l’arbre à la maison. C’était très bizarre. Je pense qu’on n’avait pas la moindre idée de ce qu’on foutait. Ensuite, on est entré chez lui et on a découvert sa collection. C’était censé être un collectionneur sérieux, mais tout était très kitsch, vraiment rien d’intéressant. Sa femme n’arrivait pas à comprendre ce qu’on foutait. Il est possible que le gars ait vendu l’œuvre. J’ai longtemps eu du mal à croire que mon travail était vendable.

Est-ce que des gens ont acheté la pièce Closed Gallery (1969), par exemple ?

SC

Les Vogels, ouais. Elle est maintenant à la National Gallery à Washington. Ils ont acheté les plis postaux et je les ai signés au dos. Je les considérais comme

RB

32 / 33

Fig. 7: Lawrence Weiner A 2" Wide 1" Deep Trench Cut Across A Standard One Car Driveway, 1968

Fig. 6: 4 to 1 (Nylon Monofilament Piece), 1968

SC

Did that inspire you in anyway?

was living with Carl Andre at the time, came first thing in the morning with a truck and took everything.

Did it somehow speed up your departure from painting?

SC

Yes, I sort of stopped painting, it was a transitional time. I realized I didn’t need a studio that much. Paula Cooper came as she had just opened her gallery. Lucy (Lippard), who was living with Seth (Siegelaub) at the time, organized an anti-Vietnam war show and asked me to participate. It was when Sol LeWitt did his first wall drawing. He just sat down in the gallery and started drawing.

RB

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

RB No, but it was great and very funny. Through

the windows in the back, I could see nuns who would come out of the convent in the evening and play cards. They would have terrible fights: “Oh sister you can’t do that!” I would sort of listen to them. It was a funny time and I wasn’t painting that much. There was a hurricane once and many works were badly damaged, including one that had been reproduced in Artforum and was totally destroyed. I was very depressed.

SC

Yes. I went in the first day of installation and I looked at what everybody was doing. Bill Bollinger was doing something with a piece of rope. And I thought: “What am I going to do that is different from everyone else’s work?”

Bob Ryman did something with white paint RB

SC

Did you stay there after it happened?

No, I got out of there. I told my students: “I have a lot of soiled canvases, if you want them you can have them.” Rosemarie Castero, who RB

You did a string piece, right?

panels. Sol (Lewitt) was making this drawing.

So I just came up with the idea of a string piece.

I measured the length of the room. There was an empty space right by the windows so I just ran the string up the window and the wall. The height was a quarter of the length of the room and it was supposed to be well placed in regard to people’s faces (Fig. 6).

Did you make other string pieces at the same time?

SC

I did, I also created a black plastic wire piece at Weiner’s studio but he kept walking into the damn thing, so I had to change it and made it higher. But then he broke that too. He had a fight with someone, threw his jacket and it broke the string.

RB

Did it give the illusion of a sculptural element? Signified one?

SC

It was a sculptural element. It was determined by the length of the wall above the work area. I have a picture of it somewhere with RB

Lawrence at his desk. If you look at it very closely, you can see the piece.

From this moment onward, you became much less centered on the object.

SC

Absolutely. I started thinking about these electric wave things. For an exhibition I did with Seth, he wanted all the works sold before the show opened. He knew this guy Robert Topol. He was some kind of collector. I don’t know where he found this guy. He had a house in Westchester County. I think he had tons of money. I don’t know how Seth conned him.

So one Sunday, Lawrence and Seth and I drive over to his house. Lawrence cut a groove in the guy’s driveway. He just took out a chisel and started on his driveway (Fig. 7). And I just started climbing up the window and stringing this nylon monofilament from the tree to the house. It was very weird. I don’t think we had any idea what the hell we were doing. And we went into his house and saw his collection. He was supposed to be a serious collector but it was all very kitschy stuff, nothing interesting RB

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

was no heat, just a potbelly stove in the middle.

Then I got my own studio on 14th street, next to a porn movie theatre. The studio was like an old religious revival hall, with sayings from the bible in the studio still.

des ephemera mais ils sont maintenant dans la collection d’un musée.

Que vous inspire la quasi-fétichisation des ephemera conceptuels? À l’époque, rien de tout cela n’était censé être précieux, mais aujourd’hui, c’est souvent tout ce qui reste.

SC

J’y étais très opposé, mais j’ai très vite appris.

J’avais une conception des choses assez naïve, mais le monde fonctionne de manière bien plus complexe.

Vivre de son œuvre est une très bonne chose.

RB

Quand avez-vous commencé à vous considérer comme un artiste conceptuel ?

à lui donner une signification très spécifique. Joseph (Kosuth) s’est engagé à leurs côtés. Leur travail ne m’intéressait pas vraiment. Ils publiaient ce magazine très critique, et cela me semblait quelque peu stupide.

SC

Vous le trouviez condescendant ?

Je m’endormais toutes les deux secondes dès que je me mettais à en lire un paragraphe.

RB

Pendant longtemps, je ne me suis pas considéré comme un artiste conceptuel parce que mon art conservait des aspects matériels. Et le terme ne me plaisait pas. Je trouvais qu’il était trop restrictif. Je me disais qu’il passerait de mode et qu’on serait considéré comme ringard. Comme avec le pop art. Même Sol Lewitt l’a regretté plus tard. Soudainement, des gens ont commencé à organiser des expositions sur l’art conceptuel. Puis Art & Language a commencé

La galerie d’Isabella Bortolozzi à Berlin est voisine d’une association historique de magiciens. Il est arrivé qu’elle collabore avec eux pour une exposition collective.

SC

Vous affirmez qu’il y a toujours un aspect matériel dans votre travail. Qu’en est-il des ondes électromagnétiques ?

RB

Les ondes électromagnétiques sont tangibles ; elles existent réellement. Elles font partie du spectre électromagnétique, on ne peut pas les voir, mais elles ont une forme visuelle qu’on pourrait voir si avions des yeux spéciaux.

Est-ce que quelqu’un a entendu vos pensées ? A quoi pensiez-vous ?

SC

SC

RB

amassées, il y avait une sorte de société de télékinésie.

L’idée était de déplacer les objets avec la seule force de l’esprit. Ils avaient une bibliothèque, on pouvait emprunter des livres, etc.

RB

Et la Psychic Series (1969) (Fig. 8). Et qu’en est-il de la télépathie ?

SC

C’était vraiment une sorte de performance. Vous savez, sur la 57ème rue, là où toutes les galeries sont

RB

Ah ! Je pensais que la forme ultime de l’art conceptuel serait de transmettre des idées. J’ai fait une performance là-bas où je transmettais des pensées.

ment d’études artistique. Je me suis efforcé de transmettre mes pensées à ces étudiants à des milliers de kilomètres (rires).

SC Diriez-vous que cette œuvre ne comporte aucun élément matériel ?

Eh bien, il n’y a rien de matériel, excepté peut-être les ondes des pensées, si elles existent.

RB

SC

C’est donc votre œuvre la moins matérielle ?

Oui, c’est probablement l’œuvre la moins matérielle !

RB

SC

Comme je le disais aux gens, l’idée était de transmettre une pensée impossible à verbaliser. Et les gens y ont cru. Qui sait ? Je l’ai refait avec Seth. Ma pièce consistait à transmettre mes pensées à un certain lycée de Vancouver au Canada, peu importe importe son nom. J’étais assis avec des étudiants dans l’appartement de Seth. Au Canada, il y avait un auditorium rempli de gens, avec le directeur du départe-

RB

SC Prenons vos premières œuvres, qui sont si profondément enracinées dans l’esthétique de l’art minimal qu’elles pourraient être tenues pour strictement minimales. En êtes-vous venu à les considérer comme conceptuelles en raison de ce que vous avez produit ensuite ?

J’essaie d’y penser de façon objective. Je pense qu’elles tiennent magnifiquement bien. J’aimerais être toujours aussi jeune et dingue. Je pense que c’était

RB

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Fig. 8: A Great Concern Transmitted Telepathically 1969-2009

Did people actually buy the Closed Gallery piece (1969), for example?

SC

Yeah, the Vogels did. It is now at the National Gallery in Washington, D.C. They bought the mailers and I signed the back. I thought they would be ephemera but they’re now in a museum collection.

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

RB

How do feel about the quasi-fetishization of conceptual art ephemera? At the time none of this was meant to be precious, but today it is often all that remains.

SC

I used to be very anti that. But I learned very quickly. I used to have a rather naïve way of thinking about things, but the way the world really works is a lot more complicated than that. The idea of being able to live off of your work is a very good thing.

RB

At what point did you start identifying as a conceptual artist?

SC

For a while, I didn’t really consider myself a conceptual artist because there were always material aspects to my art. I didn’t care for the term at all. I thought it was very limiting. And I thought it would pass and you would be considered old-fashioned. Like Pop art. Even Sol leWitt regretted it later. All of a sudden people wanted to start organizing shows about conceptual art. Then, Art & Language started giving a very specific kind of meaning to it. Joseph (Kosuth) got involved with them. I didn’t really care for their work. They published this very critical magazine, and it felt kind of stupid.

RB

SC

Because it was patronizing?

I would read a paragraph and every other second, I would fall asleep.

RB

You claim there always is a material aspect to your work. What about the electromagnetic waves?

SC

Electrometric waves are tangible; they really exist. They are part of the electromagnetic wave spectrum, you cannot see them, but they have a visual form, which you could see if you had special eyes.

RB

How about the Psychic Series (1969)? (Fig.8) And how about telepathy?

SC

That was a kind of performance really. You know on 57th street, where all galleries were bunched together, there was this kind of telekinetic society. It was all about using your mind to move objects. They had a library, you could borrow books etc.

RB

Isabella Bortolozzi’s gallery in Berlin is neighbors with a historical association of magicians. She actually collaborated with them for a group exhibition.

SC

Ah! I thought the ultimate conceptual art would be to transmit ideas. I did a performance there where I transmitted by thoughts.

Did anyone hear your thoughts? What were you thinking?

SC

The point was, as I would tell people, I was transmitting a thought that one could not put into words. And people believed it. Who the hell knows? I did this again with Seth. My piece was to transmit these thoughts to a college in Vancouver, Canada, whatever the hell the school was. These students and I all sat in Seth’s apartment. In Canada, there was an auditorium full of people, with the director of the art department. I very seriously tried to transmit my thoughts to these students 1000 miles away (laughs) .

RB

Would you consider this work as having no material components?

SC

Well, there is nothing apart from maybe the thought waves – if they exist.

RB

RB

SC

So this is your least material work?

RB

That is probably the least material work yes!

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

at all. His wife couldn’t figure out what the hell we were doing. I think that eventually the guy sold the work. For a while I had a hard time believing my work could be sellable.

assez fou de ma part de faire ces choses, même si j’opérais sur le mode minimal. Ces œuvres étaient très différentes de ce qui se faisait alors. Peu de personnes les considéraient comme différentes. Enfin, peu de personnes les virent tout court. Seulement un minuscule groupe de gens s’y intéressait. Et la plupart du temps, il s’agissait juste d’autres artistes.

monde fait plus ou moins son propre truc, et c’est parfois très intéressant. Cependant je veux voir un travail qui me mette si chaos que je doive m’arrêter net. Aujourd’hui on a l’impression de contempler un vaste océan.

Comment les gens ont-ils commencé à percevoir la différence ?

SC

À ce moment-là, je n’avais pas besoin de fournir la moindre explication. Daniel (Buren) a tout de suite compris. Très peu d’artistes y étaient sensibles ou avaient la moindre idée de ce que je faisais. Il était rare que quelqu’un qui ne soit pas un pas artiste réussisse à comprendre. À part des gens comme Siegelaub, Sperone et Yvon.

RB

SC Quels sont les artistes auxquels vous vous intéressez aujourd’hui ?

Il y a tellement d’artistes de nos jours. Et il n’y a plus rien pour rallier tout le monde, plus de mouvement comme l’art conceptuel par exemple. Tout le

RB

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Considering your early work, which is so deeply rooted in the aesthetic of minimal art that it could be seen as strictly minimal, do you come to consider it as conceptual work because of what you have produced afterwards?

SC

understood. Except for people like Siegelaub, Sperone, and Yvon.

SC

There are so many artists nowadays. And there is no longer a thing that everyone follows, such as a movement like conceptual art. Everyone sort of does their own thing, and some of them are very interesting. But I want to see work that totally knocks me out to the point where I have to stop. Now it feels like looking out over a vast ocean.

RB

I try to think of them objectively. I think they hold up beautifully. I wish I were still as young and crazy. I think it was pretty crazy for me to do those things even though I was operating in the minimal mode. They were very different from what was going on. Very few people saw them as different. I mean very few people saw them altogether. There was a very tiny group of people who even cared about it. And usually it was just other artists.

A CONVERSATION WITH ROBERT BARRY

RB

How did people start to understand the difference?

SC

In those days I didn’t have to explain anything. Daniel (Buren) got it right away. There were very few artists who were sympathetic or even had a clue about what I was doing. Rarely was there someone who wasn’t an artist and RB

Which artists do you look at now?

Comment vois-tu tes pièces murales in situ (Fig. 1) s’articuler avec les œuvres d’autres séries ?

SC

Elles s’articulent autour de leur rapport très fort au dessin. J’ai toujours dessiné. Je dessine depuis que je suis gamin. Ensuite, j’ai été amené à m’intéresser aux questions que pose le dessin, en termes d’exploitation d’une mine, d’un crayon, et éventuellement d’une représentation, d›une fenêtre sur quelque chose. Historiquement, un dessin, c’est toujours quelque chose de transitionnel. Ça se comprend comme un plan, une chose qui vient avant une autre chose. La première phase de la matérialisation d’une idée. Je voulais trouver un champ intermédiaire, trouver une extension du dessin dans l’espace, le rendre présent physiquement. À cette échelle cela devient évident, avec le pigment.

En réalité, c’est de la poudre de charbon de bois, du fusain. Il est en poudre et il n’y a pas de rapport de touche, pas de tracé. Mais l’unification de la pensée et de la main demeure. Si tu penses carré et que tu dessines un carré, la pensée du carré est plus précise que la réalisation du carré sur la feuille de papier. Le champ poétique intervient. La précision de la pensée, dans ces pièces à la poudre de fusain, apparaît par la délimitation du territoire.

HA

42 / 43

SC

Comment le délimites-tu ?

Intuitivement. Seul un rectangle reste non protégé.

Et ensuite, je jette. Je ne contrôle pas la manière dont le pigment va se déposer.

HA

SC

Il y a de la colle au préalable sur le mur ?

HA : Non. Le fusain a la bonne consistance. Si tu mets ta main dans un sac de pigments, tu ne ressors pas de la poudre, c’est plutôt une sorte de suie qui colle sur la main, à cause de l’humidité de la peau.

Le fusain est suffisamment collant pour s’accrocher au mur, mais reste suffisamment poudreux pour être jeté.

SC

Que peux tu dire de cette pièce-là ? (Fig. 2)

C’est la première sculpture. Ce n’est pas vraiment une sculpture, mais ce n’est plus vraiment non plus un dessin. Si on la voit en photo, la documentation de la pièce, on pense qu’il s’agit d’un dessin isométrique au mur. En réalité, la pièce est dans l’espace, elle ouvre un champ sculptural sans vraiment devenir un objet. Umberto Eco a eu une remarque assez

HA

Une Conversation avec Harold Ancart

SIMON CASTETS

A Conversation with Harold Ancart How do you see your mural pieces in situ (Fig. 1) linking up with works from your other series?

SC

They link up around their very strong connection to drawing. I’ve always been drawing.

I’ve been drawing since I was a kid. Later on, I became interested in the questions raised by drawing: How to make the most out of the lead, the pencil, and eventually of a representation, a window on something. Drawings have always historically been part of the transitional.

You understand them like an outline, something that surfaces before something else. The first materialization phase of an idea. I wanted to find an intermediary ground, to find an extension in space for the drawing, to make it present physically. And at this scale, thanks to pigments, it becomes obvious. In reality, it’s powder coming from charcoal. It’s powder so there’s no relation of touch, no line, however, the intertwinement between hand and thought remains. If you think of a square and you draw a square, the thought of the square is more precise than the creation of the square on a

sheet of paper. The poetic scope intervenes.

In these charcoal pieces, the precision of the thought appears through the territory’s delimitation.

HA

SC

How do you delimit it?

Intuitively. Only one rectangle stays protected, end then, I throw it away. I don’t control the way the pigment will settle itself.

HA

SC

Is there glue put on the wall beforehand?

No, the charcoal has a good consistency.

When you put your hand inside a bag of pigments, it’s not powder that you pull out but rather a sort of soot that sticks to your hand because of the humidity of the skin. The charcoal is sticky enough to hang onto the wall, but remains powdery enough to be thrown out.

HA

SC

What can you tell me about this piece? (Fig. 2)

It’s the first sculpture. It’s not really a sculpture, but it’s no longer really a drawing HA

intéressante à ce sujet. Il explique que si on dessine, par exemple, un cheval sur une feuille de papier, ce qui va permettre de l’identifier est son contour, qui est pourtant la seule propriété qui n’appartient pas au cheval. Les choses n’ont pas de contour. Les choses fonctionnent par rapport de masses. Alors là, avec cette pièce, on pourrait presque dire que le dessin est en opposition avec sa fonction. Parce qu’on ne s’assied pas sur une image de chaise, on s’assied pas sur un dessin de chaise. Là, il garde toute la propriété du dessin, c’est une ligne.

SC

D’où est née cette série?

réfléchir ». Et j’ai fait cette espèce de dessin, j’ai eu l’idée par hasard en me disant qu’il existait peut-être une solution pour faire quelque chose de très fin et de très subtil, avec très peu de moyens, tout en créant quelque chose d’assez volumineux. Le champ des possibles est infini avec ce type de pièce. J’ai fait un cube ouvert, j’ai fait des chambranles de porte, des pièces avec les cristaux, et des sortes de décrochement d’encre sur les murs.

Pourquoi as-tu décidé de suggérer les lignes plutôt que de les tracer entièrement ?

Oui, ça a retenu mon attention. Je l’ai relue plusieurs fois. J’aime penser les expositions, non en tant qu’une succession d’objets qui seraient à regarder en tant que tels, mais en tant que tensions créés entre les vides. Parce que je pense que c’est ça, installer. C’est créer une tension.

HA

Tu n’as pas souhaité poursuivre par une série d’œuvres qui ont ces formes géométriques?

Parfois l’œuvre elle-même repose sur le vide.

L’exposition inclut une très belle œuvre de Fred Sandback. (Fig. 4)

SC

SC

SC

Parce que tracée entièrement, la forme se referme sur elle-même. Si elle reste ouverte, elle est là, mais en même temps, elle peut être virtuellement partout.

C’est une stratégie de déploiement. Parce qu’en réalité le fil continue. On pourrait très bien avoir l’inverse, uniquement des ouvertures, et non l’intérieur du cube. Mais on sentirait quand même une similarité, à cause des verticales. Je n’ai pas encore essayé.

HA

Du fait que j’avais été invité à participer à une exposition de groupe, dans le Lower East Side. C’était en 2008, je crois. La personne avait vu un petit dossier de moi, mais très tard. Il avait donc déjà tout organisé, mais il voulait absolument me rajouter. Quand je suis entré dans la galerie, il m’a dit: “Sur ce murlà, il y a ça. Sur ce mur du fond, il y a ça. Sur l’autre mur, il y a ça. Et au milieu, il y aura ça.” Il ne restait plus en réalité que… le vide. Donc il fallait activer quelque chose dans le vide. Et j’ai dit, « Bon écoute, je ne sais pas, je vais revenir dans une semaine, je vais

HA

Oui, avec très peu de moyen et très simplement.

C’était très important, à l’époque, de pouvoir faire des choses sans argent. C’est le cas de beaucoup d’artistes, quand ils sont jeunes. Ça ne demande aucun moyen, ça coûte rien du tout et c’est un truc qui permet, virtuellement, d’installer des trucs très très lourds. Mais en même temps, ce n’est rien.

HA

Cela pourrait presque être démultiplié, remplir une pièce en entier, voire davantage.

SC

Si, j’aime beaucoup cet aspect, mais à chaque fois, j’ai essayé de développer la même idée de manière différente. La dernière de la série est juste une ligne droite, comme une fissure dans l’espace (Fig. 3).

L’intérêt du dessin c’est aussi un rapport de limite. La limite, c’est là où la chose s’arrête, mais c’est aussi, en même temps, là où la chose commence.

HA

Je ne sais pas si tu as vu, dans le texte d’introduction de l’exposition, il y a avait cette citation d’Oppenheim, qui disait plus ou moins que la grande réussite de l’art minimal était d’avoir déplacé l’attention depuis l’œuvre vers l’espace environnant.

SC

J’adore le travail de Fred Sandback. Celle-là est très belle, surtout parce qu’elle permet cet espèce d’angle impossible. En général, la plupart de ses pièces qui sont montrées sont des fils qui se rejoignent toujours en une ligne droite d’un point à un autre point. Ce n’est pas le cas ici.

HA

Comment procèdes-tu pour tes choix d’installation dans l’espace? Quelle doit être la distance par rapport au visiteur?

SC

J’ai toujours un problème de hauteur. Les fils qui traversent l’espace horizontalement doivent être audessus de la tête des gens. Je suis grand, et je prends

HA

44 / 45

either. If you see a picture of it, a documentation of the piece, you actually think that it’s an isometric drawing on a wall. In reality, this piece exists in the space so it opens a sculptural field without really becoming an object. Umberto Eco made quite an interesting comment on this. He explains that if you draw a horse on a sheet of paper for example, it’s the outline that will unable you to identify it, yet it’s the only element that doesn’t belong to the horse. Things don’t have outlines. Things function according to their density. So here, with this piece, we could almost say that the drawing is in opposition with its function. Because you don’t sit down on the image of a chair, you don’t sit down on the drawing of a chair. Here it keeps all the propriety of a drawing, it is a line.

to include me. When I walked into his gallery, he told me: “So on this wall, there’s this; on this wall in the back, there’s that; on this other wall, there’s this; and in the middle there will be that.”

What was only really left was... emptiness. So I had to activate something in this emptiness. So I told him: “Look, I don’t know. I’ll come back in one week. I need to think.” And I did this sort of drawing. I just got the idea randomly, thinking that there was probably a way of creating something very thin and subtile with very little means, while nonetheless creating something rather voluminous. The field of possibilities is infinite with this type of pieces. I made an open cube, I made door frames, pieces with crystals, and some sort of ink recess on the walls.

How did you come up with this series?

very well have the reverse – only openings, and not the interior of the cube. However, we’d still find it somewhat similar because of the vertical lines. I haven’t tried this out yet.

In fact, it could very well be multiplied and almost fill up one entire room, or even more.

SC

Yes, very easily and with very little means. It was very important at the time to be able to make things without any money. It’s the case of many artists when they’re young. It requires no means, costs nothing at all, it’s a thing that enables you to virtually set up some very very heavy things.

But at the same time, it’s nothing.

HA

Why did you decide to suggest the lines rather than draw them entirely?

Didn’t you want to follow up with a series of works that would have such geometric shapes?

Yes I did as I really like this aspect, but each time I tried to develop the same idea in a different way. The last one in the series is just straight line, like a fissure in space (Fig. 3). What’s interesting in drawing is the relationship to boundaries.

The boundary is where the thing stops, but at the HA

It all started when I got invited to join a group show in the Lower East Side. I think it was in 2008. The person in charge had seen my little file, but very late in the game. So he had already organized everything but he absolutely wanted HA

Because when the shape is drawn entirely, it shuts down on itself. If it stays open, it is here but at the same time it can potentially or virtually be anywhere. It’s an strategy of deployment because in reality, the string goes on. We could HA

Fig. 4: Fred Sandback Untitled (Nr. 4), 1968 / 1983

same time, it’s also when it starts.

I don’t know if you noticed the Oppenheim quote in the exhibit’s introduction text. It more or less said that the minimal art’s main achievement is to have shifted the attention from the artwork to the space surrounding it.

SC

Yes, I noticed it. I read it over several times.

I like to envision exhibits not so much as a succession of objects to be looked at, but as tensions created between the various zones of emptiness.

This to me is setting up an exhibit, it’s creating a tension.

HA

Sometimes the piece itself rests on emptiness.

The exhibit includes a beautiful piece by Fred Sandback.

SC SC

SC SC

Fig. 3: Untitled, 2011

Fig. 2: Untitled, 2009

I love Fred Sandback’s work (Fig. 4). This piece is really beautiful, especially since it allows this kind of impossible angle. Most of the time, the works that he exhibits are strings that always link up from one point to another in a straight line.

It’s not the case with this one.

HA

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

Fig. 1: Untitled (Challenger Deep), 2012

un point de référence à 30 cm au-dessus de ma tête.

On arrive à 2m10, quelque chose comme ça. Ça veut dire que si un père de famille entre dedans avec son gamin sur les épaules, il déboise tout. Il y a des contraintes également en ce qui concerne les lignes verticales. On ne voit pas ces choses-là directement. La première chose qu’on remarque, c’est le vide.

SC

Oui, ça prend beaucoup de temps.

C’est compliqué, parce que si les gens passent et cassent les fils, je ne peux même pas vraiment leur en vouloir parce que c›est très subtil. Un jeu qui s’établit.

Il faut parfois trouver une signalétique ou quelque chose qui signifie que là, il y a quelque chose de fragile sur lequel on ne peut pas marcher, ou quelque chose à contourner. Et dans l’exposition à Bruxelles avec le cristal au-dessus du palmier, le palmier s’est retrouvé là parce qu’il fallait un socle. Le palmier sert de socle au cristal (Fig. 5). Cela créait un rapport intéressant entre le palmier et le cristal, d’ailleurs, parce que, la géométrie étant éminemment de l’ordre de la culture tandis que la forme organique est simplement la nature, quelque chose de quasi préhistorique.

HA

Une progression verticale de la nature vers la culture ?

SC

Oui, quelque chose comme ça. Mais en réalité, non. Parce que si on réfléchit, les cristaux et les diamants sont des choses qui sortent du cœur de la terre, bien avant l’homme. Et ce sont des choses qui ont des formes d’octaèdre, de dodécaèdre parfaits, ou même des cubes parfaits. C’est donc de la géométrie avant même la géométrie comme on peut la concevoir aujourd’hui. Donc c’est presque comme si c’était de la pensée avant de la pensée.

HA

Au large d’une île au Japon, Yonaguni-jima, qui est l’île la plus occidentale du Japon, tout près de Taiwan, il y a des pyramides sous-marines tellement parfaitement géométriques, qu’il y a eu beaucoup de rumeurs à un moment sur le fait que ce serait des constructions extra-terrestres, parce que c’est des choses qui ont été datées à des milliers d’années.

SC

Idem pour les pyramides en Egypte. Leur construction a nécessité une technologie telle qu’on se demande comment elles peuvent exister. Il y a maintenant de nouvelles théories d’après lesquelles les py-

HA

ramides seraient faites d’une sorte de ciment et non pas de gros blocs de pierre taillée montés les uns sur les autres. Pareil pour l’île de Pâques. On ne sait pas d’où vient la pierre. On ne comprend pas très bien comment c’est possible. Et puis t’as les pistes à Nazca aussi. Ça c’est hallucinant. Des trucs qui sont faits pour être vus du ciel seulement.

Est-ce que le palmier avait quelque chose à voir avec les pièces dans lesquelles des paysages de plages de cartes postales sont brûlés ? (Fig. 6) SC

Il y avait une petite plage. L’exposition s’intitulait Sous les palmiers, la plage. C’était une exposition très physique, je voulais peut être essayer de développer une idée d’érudition par les pieds, de retourner l’affaire. Le diamant flottait au-dessus du palmier. Le palmier était posé sur un sol en miroir, de l’autocollant miroir en rouleau qu’on utilise pour la publicité.

HA

Je pensais que le sol était déjà comme ça initialement.

SC

HA

Non, c’était mon idée. Et en fin de compte c’est as-

sez génial, parce que quand tu colles cet autocollant miroir sur le sol en bois, il prend évidemment toute la fibre du bois et toutes les nervures et qui s’incrustent parfaitement. On voit mieux la texture du bois que si c’était juste le bois, alors qu’en même temps, et c’est ça qui est paradoxal, ça te renvoie une image de toimême, tout en te permettant de faire une sorte de fouille archéologique sur le sol. C’est assez étrange.

Mais ça a aussi la caractéristique de faire remonter la lumière par le bas, le long des murs. Donc tout se reflétait par le bas vers le haut. La lumière venait donc du bas et au-dessus de ça, il y avait ces grandes lignes en pigment noir. L’obscurité se retrouvait en haut, et la lumière en bas. Alors que la lumière, l’érudition, le divin, sont toujours en haut, et les ténèbres, la stupidité et l’ignorance, sont toujours en-dessous. Là, tout était retourné.

SC C’est un peu comme lorsque tu mets du pigment sur les fils, parce que sans le pigment, tu ne verrais pas le fil. Cela révèle le matériau.

De la même façon, les grandes pièces en pigments, au-delà d’être des espèces de cadres virtuels, ont la propriété de révéler le monde du mur. De même fa-

HA

46 / 47

Fig. 6: Untitled, 2011

How do you proceed when you chose to set up works in a certain space ? What should the distance be with the visitor ?

SC

I’ve always had issues with height. Strings that cross a space horizontally need to be above people’s heads. I’m tall so I use a landmark of 30 centimeters above my head. You therefore reach something like right above two meters.

This means that if a dad shows up with his kid on his shoulders, he destroys it all. There are also constraints when it comes to vertical lines as you don’t see them immediately. The first thing you notice is the emptiness.

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

HA

SC

Yes, it requires a lot of time.

It’s not easy because if people pass by and break the strings, I can’t even really blame them because it’s all so subtle. A sort of game starts.

Sometimes, you need to come up with signs, or something that signifies that there is a fragile piece there on which you can’t walk, or that you need to skirt around. In the exhibit in Brussels, with the crystal above the palm tree, the palm tree HA

was actually there to function as a pedestal for the crystal (Fig. 5). This actually created an interesting correlation between the palm tree and the crystal, with the geometrical aspect being so intrinsic to culture whereas the organic shape is simply nature, something almost prehistorical.

Could we speak of a vertical progress from nature to culture ?

SC

Yes, something of the sort. But actually, in reality, no. If you think about it, crystals and diamonds originate from the earth’s heart, well before humanity. And they come out with the shape of octahedrons, of perfect dodecahedrons, or even of perfect cubes. So it’s actually geometry even prior to geometry as we perceive it today.

It’s almost like thought prior to thought.

HA

Close to the most western Japanese island of Yonaguni-jima, right near Taiwan, there are underwater pyramids that are so geometrically perfect that there have been may rumors saying that they are in fact extraterrestrial constructions since they date from thousands of years ago.

SC

It’s the same for the pyramids in Egypt. Building them required such an incredible technology that we wonder how they can exist. There are new theories now saying that in fact pyramids would be made of some kind of cement, and not massive blocks of carved stone set one above the other. It’s also the case with Easter Island. We don’t know where the stones come from. We don’t really understand how it’s humanly possible. And you also have the Nazca Lines. That’s astonishing. Things only made to be seen from the sky.

HA

Was the palm tree connected in any way to the pieces with burnt postcards of beaches ? (Fig. 6)

SC

There was a small beach. The exhibit was titled Under the palm trees lies the beach. It was a very physical show and I wanted to maybe try developing the idea of erudition through the feet, to turn it all upside down. The diamond was floating above the palm tree. The palm tree was standing on a floor covered in mirrors, actually a roll of mirror tape as often used in ads.

HA

SC

I thought the floor was like this originally.

No, it’s my idea. And in the end it was rather awesome because when you stick this mirror tape on a wooden floor, it becomes perfectly incrusted with all the veins of the wood and its fiber. You can see the texture of the wood better than if it were just wood, though at the same time, paradoxically, it reflects an image of you, while enabling you a sort of archeological search on the floor. It’s quite strange. It’s other characteristic is to allow the light to emanate from the ground, along the walls. So everything was getting reflected from the ground and all the way up. The light was coming from the ground and above that, there were these long lines of black pigments. The obscurity was to be found high up, and the light down there. Whereas light, erudition, the divine are always high up, and the darkness, stupidity and ignorance, are always below that. Everything was lopsided there.

HA

It is somewhat like when you put pigment on the string.Without the pigment you wouldn’t see the string. The pigment reveals the material.

SC

HA

Similarly, the large pieces in pigment, above

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

Fig. 5: Untitled, 2011

çon que, par exemple, un inspecteur de la criminelle, pour relever des empreintes, va utiliser une poudre afin d’activer et de révéler tout ce qui a été en contact avec l’objet en question. Sur le mur, toutes les imperfections, toutes les griffes, tous les gondolements, tous les gaufrages, tout ce qu’il peut y avoir comme petits détails sur le mur va être révélé par la poussière qui tombe. C’est presque une radiographie, à l’inverse de ce qui se passerait derrière le mur, ou dans le mur. C’est une fenêtre sur le mur.

Pourquoi ne pas travailler à quelque chose dans une grotte ? Ce que tu dis me fait penser aux peintures rupestres.

SC

Oui, j’aimerais beaucoup, il y a un vrai rapport qui m’intéresse énormément. Un rapport à la projection, aux mains négatives. Mais évidemment, je ne suis pas un homme des cavernes. Cela me fait penser à ce très beau film de Duras, Les Mains négatives. Elle fait un travelling dans Paris où elle raconte le premier homme, la caverne, les mains. Il laisse une trace pour quelqu’un, mais lui est seul, face à la mer, face à l’océan. Et il crie. Et il dit : « J’aimerais quiconque entendra que je crie. » C’est beau !

HA

Oui ! Tu parlais tout à l’heure du mur révélé dans l’exposition à CLEARING, n›est-ce pas ? (Fig. 7) SC

Oui. J’étais très fier de faire une exposition de dessins, sur papier, parce que j’en fais depuis toujours et je n’en montre quasiment jamais. Là, c’était la première fois. Quand on m’a posé la question de savoir ce que c’était, je me suis amusé à faire planer le mystère. J’ai dit simplement que c’était une sculpture. On ne m’a pas demandé davantage. Je n’ai pas expliqué qu’en réalité, il y avait un évier, que j’avais arraché. Au début, je ne pouvais pas avoir la moindre idée de ce qu’il y avait derrière cet évier. L’exposition précédente s’appelait Les Biches, et il y avait un papier peint avec des petits anges et des huîtres qui entourait l’évier. Cet évier a vraiment eu son moment de gloire. Et là, j’ai dit, on va arracher l’évier. Et là, Olivier me dit : « Ouais, enfin, on n’a pas beaucoup de temps. Si on arrache l’évier, il y va y avoir des trous, tout ça ». Et j’ai dit : « Ce n’est pas grave, on va l’arracher quand même. On va voir ce qu’il va y avoir derrière ». Et derrière, c’était un miracle, parce que formellement, ça connectait absolument parfaitement au reste.

HA

SC

Les lignes étaient déjà derrière ?

Tout était là. On pourrait croire que je les ai rajoutées, parce qu’il est vrai que j’ai eu tendance à avoir une sorte de fascination pour la crasse, que je ne peux pas nier, parce que je trouve qu’il y a souvent beaucoup, beaucoup d’élégance dans le détritus, ou dans ce qu’on jette, ou dans les flaques d’eau. J’adore le quartier dans lequel je vis à Brooklyn pour cette raison aussi. Tout y est ravagé par le temps.

HA

Aux Etats-Unis, c’est beaucoup comme ça. On ne peut pas dire qu›à New-York les infrastructures publiques soient très entretenues.

SC

Oui, comme dans le métro et que tu vois la manière dont les mecs peignent, par exemple. Normalement, quand tu vas repeindre une colonne en métal, tu la sables, ou tu enlèves la couche de peinture qu’il y a eu avant. Ici, ils ne font pas ça. Ils repeignent pardessus. Et parfois, tu vois un centimètre de peinture qui se décolle, et sur la tranche, tu vois toutes les couleurs différentes qui ont été utilisées ! C’est super beau ! C’est comme cette très belle pièce de Pierre Huyghe, qui s’appelle Timekeeper, faite avec une

HA

ponceuse, sur un mur, et on voit toutes les couches.

C’est vraiment une très belle œuvre, que j’aime beaucoup. (Fig. 8) SC Peux-tu m’en dire davantage sur la sculpture en béton ?

À la fin de l’été, j’ai eu envie de réaliser des éléments concrets dans l’espace, sans en savoir spécialement plus. Je ne savais pas non plus que ce serait du béton. La sculpture est posée sur un plancher qui traînait dans un coin, dans la cour arrière de la galerie CLEARING (Fig. 9). Ce plancher a toujours été là, il était censé être installé pour faire une terrasse, mais on ne l’a jamais utilisé. C’est un plancher en fauxbois.

HA

SC

C’est vraiment du faux-bois ?

C’est du plastique qui ressemble à du bois. C’est une résine qui résiste très bien.

HA

SC HA

Tu as fait un moulage en béton avec le faux-bois ?

Oui, le faux-bois laisse une empreinte, c’est un

48 / 49

Fig. 9: Pierre Huyghe Timekeeper, 1999

and beyond being virtual frames, reveal the world of the wall. Just like a criminal investigator reveals fingerprints by applying a powder that unveils everything that has been in contact with the object in question. The falling dust reveals each imperfection, scratch, warp, embossing, and detail of the wall. It is almost an x-ray, the opposite of what is going on behind the wall or in the wall.

It is a window onto the wall.

Why not work on something in a cave? What you’re saying reminds me of rock art.

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

SC

That is something that I would really like to do. There is a real relationship there that I’m very interested in, a relationship to projection, to negative hand stencils, but obviously, I’m not a caveman. That makes me think of a beautiful Marguerite Duras film Les Mains negatives (Negative Hands). In the film, she travels through Paris telling the story of the first man, the cave, the hands.

He leaves a trace for someone, but he is alone in the face of the sea, in the face of the ocean. And he screams and says : “I’d like someone/anyone to hear my cry.” It’s beautiful!

HA

Yes! Earlier you were speaking of the wall revealed in the exhibit CLEARING, weren’t you?

(Fig. 7)

SC

Yes. I was very proud to do an exhibit of my drawings, on paper, because I’ve been drawing forever, and I almost never show them. It was the first time. When asked what they were, I played around with propagating mystery. I answered that it was a sculpture. I was asked for more information. I didn’t explain that in reality there had been a sink on the wall that I had ripped out.

At the outset, I had no idea what was behind the sink. The previous exhibit there had been called Les Biches (The Does) and there was wallpaper with little angels and oysters on it all around the sink. The sink really had its moment of glory.

So I said: “We’re going to tear that sink out of the wall.” And Olivier said: “Well, you know we don’t have a lot of time. If we take the sink out, then we’ll have holes in the wall.” I said: “That’s okay, we’ll do it anyway. We’ll see what’s behind it.” And there was a miracle behind it because, formally, it connected to the rest perfectly.

HA

SC

The lines were already there?

Everything was there. One could believe that I added them, because I can’t deny that I’ve always had a fascination with filth. It’s because I believe that there is a lot of elegance in litter, in our trash, and in puddles. That is why I love my neighborhood in Brooklyn. Everything has been ravaged by the elements.

HA

It’s often like that in the United States. You can’t really say that the infrastructure in New York is well maintained.

SC

Yes. Like in the subway, the way the men paint for example. Usually when it comes time to repaint a metal column, you sand it, you take off the layer of paint before painting over it. Here they don’t do that – they just paint right over it.

And sometimes you see an inch of paint coming off, and under it, you can see all of the different colors that have been used ! It’s really beautiful!

It’s like this beautiful piece by Pierre Huyghe, entitled Timekeeper, done with a sander, on a wall, and all the layers are visible. It’s really a beautiful HA

Fig. 8: Untitled (sink removal), 2011

piece of work that I like very much. (Fig. 8) Could you tell me more about your sculpture in concrete?

SC

At the end of the summer, I got the desire to create some tangible elements in the space, without really knowing more specifically what that meant. I didn’t know that I would use concrete. The sculpture is set on a piece of flooring that was in a corner in the back courtyard of the CLEARING gallery (Fig. 9). The piece of flooring had always been there. It was supposed to be used for a terrace, but it never had been used. It’s a piece of fake wood flooring.

HA

SC HA SC

Is it really fake wood?

It’s in plastic. It’s a very sturdy resin.

You made a concrete mold in fake wood?

Yes, the fake wood leaves an imprint, it’s positive-negative. It’s full of gravel with little bits of chewing gum. I was walking in Manhattan, near HA

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

Fig. 7: Untitled, 2011

positif-négatif. C’est rempli de graviers, avec des petits chewing-gums. Je me baladais à Manhattan, près de City Hall, et évidemment là-bas, personne ne fume à l’entrée des buildings, mais à la place, il y a ces bacs à fleurs qui sont remplis de chewing-gums et de mégots. C’est très beau mais vraiment très simple. Tu ne le vois pas si tu n’as pas envie de le voir. C’est comme une espèce de fêlure de la modernité. C’est du béton qui craque. C’est fait de la manière la plus attardée qui soit. Dans cette sculpture rien n’est droit. Tout est coulé comme ça, sans trop réfléchir.

SC

Et qu’est-ce que c’est la marque verte ? (Fig. 10)

C’est une empreinte qui était sur le moule, mais je l’ai reproduite sur le béton. Ces ronds, ces soleils verts, c’est quelque chose qui revient souvent dans mes dessins. La pièce a parfaitement sa place dans le jardin car elle ressemble étrangement à un bac à fleurs, mais avec des dimensions de frigos à viande.

J’ai d’ailleurs vraiment regardé les frigos à viande sur internet pour réaliser la sculpture. De la même façon que les fils sont extrêmement fins et qu’on ne les voit pas, ici, personne n’a demandé à savoir ce que c’était que cette pièce, si c’était une sculpture ou pas, parce

qu’elle paraît tout à fait normal dans l’immeuble.

SC HA SC

C’est dans la cour de l’immeuble ?

Oui, dans l’arrière-cour.

Aucun commentaire ?

Il y a une plante empoisonnée, sur le côté, aucun commentaire… C’est un datura. Les daturas sont des très belles plantes, qui sentent très bons, mais qui sont hautement toxiques. Et puis il y a cet agent secret de 600 kilos. C’est comme un éléphant qui porte un imperméable et des lunettes de soleil.

HA

HA

SC

Tu pensais en faire une autre version ?

Oui, avec un très grand papier peint d’images de plages qui brûlent. Et sur ce papier peint, il y a une autre image de plage qui brûle, plus petite. C’est donc une sorte de mise en abyme, une version plus ou moins moderne du jardin d’Eden. Après la division entre lumière et de l’obscurité, la Terre est un jardin, certes, mais une profusion fantastiquement dégueulasse de végétations en tous genres, et

HA

d’espèces qui sont en développement. Aujourd’hui, la définition d’un jardin correspond à quelque chose de délimité, d’organisé, soi l’exact l’opposé. Un jardin d’Eden aujourd’hui, au sens où je l’entends, c’est du béton, des chewing-gums, du verre pilé, des mégots de cigarettes, du faux plancher en faux-bois, et puis éventuellement, une plante.

Le postulat minimal, repose sur quelque chose de sublime, d’inhumain. Et finalement, un peu comme dans l’histoire du jardin d’Eden, on se rend compte que chacune des formes du minimalisme est foncièrement humaine et liée aux proportions du corps.

SC

J’ai toujours eu un rapport assez spécial à l’art minimal, surtout quand j’étais étudiant car mes professeurs me disaient que ce que je faisais se rattachait systématiquement à une esthétique des années 1960. Ça n’a rien à voir, mais je ne savais pas comment l’expliquer. Ce n’était pas le fruit d’une pensée prédéterminée, qui allait accoucher de l’objet, c’était l’inverse. D’abord l’objet, et ensuite la réflexion.

HA

SC

C’est un rapport quasiment expressionniste.

HA

Complètement. C’est un rapport héroïque.

Mais qui était quand même tributaire de cette esthétique-là, parce qu’elle existait auparavant ?

SC

Oui, mon premier rapport à l’abstraction est lié aux tissus coubas. Mon père était antiquaire donc il y avait beaucoup de catalogues de ventes à la maison.

Lui s’intéressait aux arts primitifs, vendait des sculptures et statuaires africaines. Chez moi, à la maison, il n’y avait pas de peinture, sauf des trucs japonais du 18ème siècle. Le fait que les choses aient pris une tournure qui se rattache à l’esthétique minimale, c’est un dommage collatéral positif. Le travail se crée un monde propre, dont on est presque exclu, dont on est spectateur. Il y a toujours une sorte de trou noir entre l’idée préconçue et la réalisation de l’objet. Et puis il y a les erreurs, ou ce qu’on peut appeler des erreurs, ce à quoi je ne crois pas vraiment, parce que pour moi, l’erreur c’est le pendant de la réussite. Il n’y a pas l’une sans l’autre. Pour moi, une erreur, ça n’existe pas. Si quelque chose arrive, c’est que ça doit arriver.

Et puis après, il y a les restes, c’est-à-dire ce qui fait partie du dispositif, mais qu’on n’utilise pas, et qui a quand même servi à fabriquer la chose en question.

HA

50 / 51

Fig. 10: Untitled, 2012

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

SC

And what is the green mark? (Fig. 10)

It’s a mark that was on the mold, but I reproduced it on the concrete. These circles, these green suns are recurring in my drawings. The piece has a perfect place in the garden because it strangely resembles a flowerpot the size of a meat cooler. I actually looked at meat coolers online when preparing the sculpture. In the same way that the strings are so thin that you can’t see them, no one asked me what this piece was, if it was a sculpture or not, because it made perfect sense in the building.

HA

SC

It’s in the courtyard of the building ?

HA SC

Yes, in the back courtyard.

Any comment?

There is a poisonous plant on the side, no comment…It’s a datura. Daturas are beautiful plants that smell very good but are highly toxic.

And then there is the 600 kilo secret agent. It’s like an elephant with a raincoat and sunglasses.

HA

Have you considered creating another version?

SC

Yes, with very large wallpaper with images of burning beaches. And on the wallpaper, there is another image of a burning beach, but smaller.

So it is like creating an abyss, a modern-day Garden of Eden. After light has been separated from dark, the Earth might indeed be a garden, but it’s a fantastically disgusting profusion of all sorts of vegetation and species in development. Today, a garden is defined as a delimited place, an organized place, so in essence, the exact opposite. A Garden of Eden today, in the way that I understand it, is a garden of concrete, chewing gum, HA

piled glass, cigarette butts, fake flooring in fake wood, and perhaps, a plant.

The minimalist postulate is based on something sublime, inhuman. And in the end, a bit like with the Garden of Eden, we realize that each of the minimalist forms is fundamentally human and linked to the body’s proportions.

SC

I’ve always had a special relationship with minimal art, especially when I was a student because my professors were always telling me that what I was doing systematically had an 1960’s aesthetic.

Nothing to do with that, but I didn’t know how to explain it. It wasn’t the result of predetermined thinking that would result in the object. It was the other way around: First the object, then the thinking behind it.

HA

SC HA

It is almost an expressionistic relationship.

Precisely. It’s a heroic relationship.

But to whom is that aesthetic attributed, because it existed before ?

SC

Yes. My first connection to abstraction was linked to Couba textiles. My father was an antiques dealer and so we had a lot of catalogues from antique sales around the house. He was very interested in primitive art, and sold African sculptures and statues. At home there were no paintings, except for a few Japanese works from the 18th century. The fact that things took a turn for the minimal aesthetic is a bit of positive collateral damage. Work creates a world of its own and we are almost excluded from it, we are almost spectators. There remains almost a black hole between the preconceived notion and the creation of the object. And then there are mistakes, or what could be called mistakes. I don’t really believe in mistakes because, in my opinion, mistakes are the key to success. One cannot exist without the other. If something happens it is because it is supposed to happen. And then, there is the rest, i.e. everything that is a part of the provisions, but that we do not use and that can still be used to create the thing in question.

HA

The creation of this piece is relatively straightforward compared to the other pieces that we

SC

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

City Hall, and since no one smokes at the entrance to the building anymore, there are flowerpots instead but full of chewing gum and cigarette butts. It’s really beautiful and really simple.

You wouldn’t see it if you didn’t want to. It’s a sort of rift with modernity. It’s cracking concrete.

It’s done in the most belated way possible. In this sculpture, nothing is straight. Everything is flowed haphazardly, without overthinking it.

La fabrication de cette pièce-là est assez lisible, contrairement aux autres pièces qu’on regardait juste avant, et pour lesquelles le processus est bien plus mystérieux.

SC

C’est plus mystérieux, mais ça dépend de l’environnement et du contexte. Les sculptures en fil sont en rapport avec des éléments que l’on retrouve dans les dessins, souvent parce que pour créer une masse ou pour délimiter une forme, j’utilise un carton. Et ce carton est sale et laisse exactement ce type d’empreinte sur le dessin ou alors sur le mur à côté du dessin. Et éventuellement, tu as fait des trous, tu as vissé, dévissé, tu as brûlé. J’ai des murs de studio absolument magnifiques, qui ont deux ans de travail derrière eux. Ça me fait penser aussi à Urs Fischer, quand il reprend la couleur des murs, ou qu’il fait des papiers peints des murs des expositions précédentes, qu’il ramène dans l’exposition actuelle. Et l’idée de ramener le studio dans l’espace d’exposition, ça arrive assez souvent pour moi.

HA

Comment appelles-tu les pièces qui sont en bas du mur ? Sont-elles réalisées de la même manière ?

SC

(Fig. 11)

Non, c’est de la suie. J’ai fait une exposition chez Ibid, à Londres, qui s’appelait Matériel perdu . C’était la première exposition dans le nouvel espace d’Ibid, à Hoxton Square. C’est une ancienne usine, un bâtiment complètement délabré, avec une esthétique très forte. Et nous avons travaillé là-dedans pendant cinq, six jours, une semaine, simplement en ré-encadrant, ou en recadrant les détails qui étaient déjà là, en déplaçant des objets, de sorte que tu retrouvais dans une sorte de structure labyrinthique, où tu ne pouvais pas vraiment dire ce qui était une intervention de notre part, ou ce qui était déjà là. Et ça changeait tout le temps. On a fabriqué une espèce de bar au fond de la galerie, on a arraché les murs puis trouvé derrière de la vieille végétation, toute séchée. On a installé tous les livres qui étaient dans la bibliothèque d’Ibid. Et on a trouvé des bouteilles de vin dans la cave. On a demandé à Magnus d’inviter des gens qui seraient susceptibles d’être intéressés, d’organiser des discussions. Et ces gens revenaient, éventuellement, trois jours plus tard, mais alors, on avait continué à travailler, et ce n’était plus la même chose, et on continuait à discuter. C’est là que j’ai commencé à brûler des trucs. J’ai commencé à brûler du verre et à avoir ces empreintes de suie sur le verre, avec de

HA

la térébenthine, parce que la térébenthine, c’est très gras. Je suis tombé sur ces fils que les fleuristes utilisent pour emballer les bouquets de fleurs. C’est de la corde en raphia, mais à l’intérieur de cette corde en raphia, il y a un fil de fer. Si tu trempes la corde en raphia dans de la térébenthine, et qu’une fois trempé, tu tends ce fil avec des agrafes sur un mur et que tu y mets le feu, ça brûle, mais ça brûle en ligne droite, parce que le fil ne casse pas. Cela crée des empreintes de flammes, comme si j’avais voulu peindre une flamme; mais la flamme peint sa propre empreinte.

En étant un peu cavalier, on peut voir un rapport au Saint-Suaire ou aux images acheiropoïètes, d’origine miraculeuse.

Ce n’était pas la première fois que tu utilisais cette technique-là ?

l’idée pour une pièce me tombe dessus, je ne sais pas bien pourquoi. J’ai surtout un rapport au faire, avant d’avoir un rapport à la pensée. Je suis davantage un artiste d’atelier. Je travaille avec mes mains. Ça ne veut pas dire que je ne réfléchis pas, ou que je n’ai pas une connaissance globale de l’histoire de l’art. Je n’ai pas un fond de connaissance restreint, mais je ne suis pas un expert.

En ce qui concerne ta pièce pour l’exposition, j’aime beaucoup l’idée d’introduire un élément complètement étranger à l’œuvre d’art, ou en tout cas, à son image sacrée. Nous n’avons pas encore parlé de tes dessins. D’ailleurs, s’agit-il de dessins ou de peintures ? (Fig. 12) SC

SC

Non, mais c’était la première fois que je l’utilisais pour un environnement comme ça, directement sur le mur. Ça pouvait rappeler une espèce de plinthe. Ça peut se retrouver très haut, près des plafonds, comme les frises dans les appartements bourgeois. Ça prend des dimensions presque mobilières, ça crée des environnements qui cultivent les ambiguïtés. Parfois,

HA

Ce sont des dessins à l’huile extra-fine solide. Ce sont des gros sticks d’huile. L’huile est déjà mélangée avec un liant qui fait que ça sèche en réalité assez vite.

Donc, l’idée c’est qu’au lieu d’utiliser un pinceau, tu l’utilises comme si c’était un gros pastel gras que tu passes directement. C’est assez physique car ces sticks sont très larges. Il y a aussi les dessins noirs.

Pour moi c’est quelque chose qui doit avoir affaire avec la nuit. La nuit dans la jungle.

HA

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Fig. 12: Untitled (Rise, rose, risen), 2011

looked at previously and whose creation process seemed much more mysterious.

It’s more mysterious, but it all depends on the environment and context. The string sculptures relate to elements that we find in drawings, often because to create a mass or to outline a shape, I use a piece of cardboard. And this piece of cardboard becomes dirty and leaves precisely this type of mark on the drawing or on the wall next to the drawing. Also, perhaps you’ve made holes, or screwed something in, or unscrewed something, or burned something. I have some walls in my studio that are just magnificent, that have two years of work behind them. This makes me think of Urs Fischer, when he picks up on the color of the walls from previous exhibits that is then integrated into the current exhibit. And the idea of bringing the exhibit space into the work is something that I often do.

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

HA

What do you call the works at the bottom of the wall ? Are they done in the same way? (Fig. 11)

SC

HA

No, it’s soot. I did an exhibit at Ibid in Lon-

don called Matériel Perdu (Lost Material). It was the first show in the new Ibid space in Hoxton Square. It’s an old factory, a completely dilapidated building with a very distinct aesthetic. We worked for five, six, seven days in that space just re-framing and restructuring the details by moving objects to turn it into a maze so that the viewer couldn’t tell the difference between what we had brought in and what was already there. And it changed all the time. We made a sort of makeshift bar at the back of the gallery. We stripped the walls and found some old dry vegetation. We set up all of the books that we found in the Ibid library. We found some wine in the cellar and asked Magnus to invite some people who might be interested in organizing debates. These people would come back three days later, but in the meantime we’d have worked, and it was no longer the same and we continued to discuss. That’s when I began burning things. I started burning glass and was obtaining soot prints on the glass with turpentine, which is very greasy. I found the string that florists use to tie up bouquets of flowers. The string is made out of raphia, but inside the raphia, there is metal cord. If you dip the

whole thing in turpentine and then you staple it to the wall and light it on fire, it burns but it burns in a straight line because the string doesn’t break. It creates flame prints just as if I’d wanted to paint a flame, but the flame paints its own print. At the risk of sounding a bit cavalier, similarities can be seen with the Shroud of Turin and miraculous acheiropoieta.

is not limited, but I’m not an expert.

That wasn’t the first time that you used this technique, was it?

HA

SC

No, but it was the first time that I used it for an environment like that, directly on the wall.

It could conjure up a sort of plinth. It could be found very high up, close to the ceilings, like friezes in bourgeois apartments. It takes on almost movable dimensions; it creates environments that cultivate ambiguity. At times, the idea for a work just falls in my lap. I don’t quite know why as I mainly have a relationship with doing, which dominates the thinking part. I’m more of a studio artist. I work with my hands. That is not to say that I don’t think or that I don’t have comprehensive knowledge of art history. My knowledge HA

Turning to your work for the exhibit, I very much like the idea of introducing a completely foreign object into the artistic work or at least into its sacred image. We haven’t spoken of your drawings yet, and by the way, do you consider them to be drawings or paintings? (Fig. 12)

SC

They’re drawings with an extra-fine solid oil.

I used fat oil sticks. The oil is already mixed with a binder, so it dries relatively quickly. The idea is that instead of using a brush, you can use this as if it were a big fat pastel that you apply directly.

It gets pretty physical because the sticks are very wide. There are also the black drawings. Those relate to the night, the night in the jungle. Then there are the lighter drawings.

SC

It makes me think of Richard Serra.

It’s the same material. I’ve been using it since I was about nine years old to draw. I’ve always liked it because it creates a direct link between material and paper. I’ve always used paper, beHA

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

Fig. 11: Untitled, 2012

SC

Ils font penser à certaines pièces de Richard Serra.

C’est le même matériau. J’utilise ça depuis que j’ai neuf ans pour dessiner. J’ai toujours aimé, car ça crée un rapport direct du matériau au papier. L’avantage du papier c’est que quand tu le mets au mur, tu peux vraiment appuyer, frapper, cogner, maltraiter. Si c’est tendu sur châssis, tu ne peux pas. Si tu travailles sur toile directement sur le mur puis étends la toile de nouveau sur le châssis, les lignes ne sont plus droites, à cause de la tension.

HA

Justement, ces lignes-là introduisent un élément géométrique dans un dessin qui finalement, dans l’écologie de l’ensemble, semble assez expressionniste.

abordé avec beaucoup de liberté. C’est le cas avec les lignes que tu traces parce que ta manière de travailler génère des irrégularités, des accidents.

Il y a un équilibre qui arrive de la pensée prédéterminée et une sorte de poétique d’accomplissement des choses. Il y a toujours une ligne. La ligne c’est la limite du territoire. Mais, ce qui se passe en-dessous ce n’est pas quelque chose qu’on contrôle forcement.

HA

SC

Cette sculpture fait quasiment office de mobilier.

(Fig. 13)

SC

Je crois qu’il y a rapport. C’est juste que cela s’équilibre bien. C’est un truc auquel

HA

je ne peux pas vraiment répondre. C’est là mais peutêtre qu’un jour ce ne sera plus là.

Oui. On est presque dans le mobilier. En tout cas, ça fait très clairement penser à une table à côté d’un dessin. Ça n’était pas du tout prévu comme ça. Les tables devaient venir avec des plaques de verre et les dessins était sensés arriver encadrés. Ça risquait de devenir très bourgeois donc à un certain moment,il a fallu que j’affine. Il vaut mieux arriver avec trop et enlever qu’arriver avec trop peu.

HA

Tu as vu l’expo de John Armleder, Fine Furniture au Swiss Institute l’année dernière ?

SC

Cet aspect assez libre fait penser au travail de Jo Baer dans lequel il y a un élément géométrique mais SC

Oui, c’était magnifique. C’est cette idée aussi : si une peinture va à coté d’un meuble, autant produire aussi le meuble. Comme ça on est sûr d’être à coté du bon meuble. Quand on était à la FIAC, Michel François n’était pas trop content parce qu’il trouvait que sa sculpture n’était pas très bien installée parce qu’elle était à coté d’une porte. Je ne sais plus qui a dit : « Enfin, de toutes les façons, le travail, ça termine toujours entre une porte et une autre porte ou entre une commode et un lit. » Il faut choisir quelle porte, quelle distance, quel lit. C’est comme une extension du travail.

HA

La première fois que j’ai vu cette pièce , il y avait une cravate dessus, donc ça m’évoquait un portemanteau. (Fig. 14) SC

Oui, ça ressemble à une espèce de porte-manteau fonctionnel ou dysfonctionnel. Quelque chose qui semble soutenir quelque chose mais qui ne soutient rien du tout. Certaines pièces sont éventuellement prêtes à servir à quelque chose sans savoir encore très bien à quoi. Ma toute première pièce était comme ça.

Elle s’appelait Jurassic Technology et était composée de deux antennes vissées au mur. Ça ressemblait à

HA

quelque chose avec une fonctionnalité précise, mais au final ça ne sert absolument à rien. Comme cette pièce avec le plateau (Fig. 15). J’ai trouvé ce plateau dans l’atelier, ou dans le couloir. Je crois que c’est un plateau pour faire de la pâtisserie. Ce serait probablement une très belle structure pour un parc. Si tu t’arranges pour toujours avoir des miettes de pain dessus, il pourrait toujours y avoir des oiseaux.

SC 16)

Dans cette sculpture, ce sont tes chaussures ? (Fig.

Oui, ce sont mes chaussures. Je ne suis pas prêt à les donner. Je les aime beaucoup. Je me dis ce serait bien que la personne qui achète cette sculpture lui donne sa plus belle paire de chaussures, qu’elle sacrifie sa plus belle paire de chaussures à cet objet. Là, ce sont des très belles Church’s Consul, achetées sur e-Bay. Pointure 10,5, 44 pour être précis.

HA

SC

Tu travailles beaucoup en série.

Oui, souvent. Souvent je consacre un mois ou deux à ne faire que des dessins. Les plages prennent généralement plus de temps parce qu’elle trainent

HA

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cause the advantage of paper is that when you put it on the wall, you can really push it, hit it, smack it and abuse it. With the paper on an easel you can’t do that. If you put canvas on the wall and then you stretch it out on the easel, the lines are no longer straight, because of the tension.

Indeed, these lines introduce an element of geometry in a drawing that among all the others is rather expressionistic, no?

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

SC

I think the two go together. The two really balance each other. I can’t really answer this question. They’re there, but maybe one day they won’t be there anymore.

HA

That really makes me think of Richard Serra and a whole other group of artists. It is rather interesting because the spacing between the lines gets gradually wider the higher up you go, doesn’t it?

SC

Here again this makes me think of Jo Baer’s work in which there is a geometrical element that is dealt with in a very free way. That’s the case

SC

with these lines because the way that you draw them creates a lot of accidents.

SC

A kind of balance is struck between the predetermined thought and a poetical accomplishment of things that happens naturally because the work is the work. There is always a line. The line sets the boundary of the territory. But what happens underneath it is not necessarily within our control.

HA

HA

This sculpture almost passes for furniture (Fig. 13).

SC

Yes, we’re almost dealing with furniture here.

In any case, this really makes us think of a table next to a drawing. It wasn’t planned that way at all. In fact the tables were planned to come with the glass slabs and the drawings were supposed to arrive framed. The risk was that it could end up looking very bourgeois. So at a certain point I started fine-tuning things. It’s always better to come with too much and take out some things than not to have enough.

HA

Did you see the John Armleder Fine Furniture show last year at the Swiss Institute’?

Yes. It was beautiful. I really liked it. That’s the idea here too. If a painting is going to go next to a piece of furniture you might as well make the piece of furniture too. At least that way you know you’ve got the right piece of furniture ?

During the show at FIAC, Michel François wasn’t too pleased because he didn’t like the way that his sculpture was placed next to a door. I can’t remember who it was but someone said, “Well, in any case, our work always winds up next to one door or another, next to a bedside table or a bed.” That’s truly interesting. You have to choose which door, which distance, which bed. It’s like an extension of our work.

Fig. 16: Us, 2012

thing but doesn’t support anything at all. Certain things resemble something and can be used for something, or would potentially be ready to be used for something, without really knowing yet for which purpose. My very first work was like that. It was called Jurassic Technology and was composed of two antennas screwed to the wall. It resembled something with a precise function but it was actually useless. It’s like this piece with the tray (Fig. 15). I found this tray in the studio or in the hallway. I think it’s a tray for making pastries.

It would probably make a beautiful sculpture for a park. You could find a way to always have bread crumbs on it and birds would always flock to it.

SC

Yes, these are my shoes. I’m not ready to give them up. I like them too much. So, I was thinking that the person who buys this sculpture should offer it their best pair of shoes, they could sacrifice their best pair to this object – it would make sense. Mine are Church’s Consul that I purchased on e-Bay. They’re very nice and size 10,5, or 44, to be precise.

HA

If I remember correctly the first time that I saw this one work there was a tie on it. It made me think of a coatrack (Fig. 14).

SC

Yes, it looks like a sort of functional or dysfunctional coatrack. It is a part of an interior between walls, it’s something that supports someHA

Are these your shoes in this sculpture? (Fig. 16)

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

Fig. 13: Untitled, 2012

Fig. 15: Dial 9 - Personal Concierge & Lifestyle Management, 2012

Fig. 14: Monsieur et Madame, 2012

dans l’atelier. Les sculptures, je ne les produis pas directement. Je les dessine, puis je calcule les dimensions de manière intuitive. Ensuite, je reçois l’objet.

C’est toujours une surprise de recevoir un objet qu’on n’a pas façonné de ses mains. Ça peut se faire à distance. C’est intéressant de travailler comme ça, et c›est aussi c’est très nouveau pour moi.

SC

me immontrables ou impossibles, et ensuite je les ressors et je me rends compte qu’il y a une chose à rajouter ou une chose à enlever pour arriver à quelque chose d’incroyable et que ça répond à une problématique pour une autre exposition et c’est comme une surprise, comme un cadeau.

Tu n›interviens pas du tout après ?

Pas immédiatement. Les gens qui les produisent ne savent pas du tout à quoi ça sert, dans quel sens ça va ou quelle est la finalité de l’objet. Parfois je ne sais pas moi-même. Cette sculpture est restée dans l’atelier pendant presque deux ans et demi. Et elle sort maintenant, avec le plateau. Pour moi c’est un objet de perplexité. Je pensais que c’était une très mauvaise idée d’avoir dépensé de l’argent là-dedans.

Et je me retrouve deux ans après avec quelque chose que j’estime être plus ou moins parfait.

HA

SC

Ça arrive souvent ?

Tout le temps. Il y a des dessins qui trainent trois ou quatre ans dans l’atelier et que je considère com-

HA

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SC

You often work in series, right ?

Often, yes. Often I take, for example, a month or two, and I do nothing but drawings. The beaches generally take longer because they hang around the studio. The sculptures I don’t actually make myself. I design them, and then I calculate the dimensions in the most instinctive way possible. Then I receive the object. It’s always a surprise to receive an object that you haven’t actually crafted with your hands. It can be done at a distance. It’s an interesting way to work, and a very new one to me.

A CONVERSATION WITH HAROLD ANCART

HA

SC

And you don’t change anything afterwards?

Not immediately. The people who produce them have no idea what it’s for, which way it goes, or what the object’s final purpose is. Sometimes I don’t even know myself. This sculpture sat for almost two and a half years in the studio.

And now it’s come out, with the tray. To me it’s an object of perplexity. I thought that it was a terrible idea to have thrown money into it. And here I am, two years down the road, with something HA

that I consider to be more or less perfect.

SC

Does that often happen ?

All the time. Sometimes, I have drawings hanging around the studio for three or four years and I consider them to be un-showable or impossible. Then, I pull them out again and I realize that I just need to add one thing, or take one thing out to get something incredible. That it responds to an issue for another exhibit that I would never have thought of, and it’s like a surprise, like a gift.

HA

HANS HAACKE

60

Grass Grows, 1969

Soil and grass Variable dimensions Edition 1/5

Courtesy FRAC Nord Pas de Calais. Š Adagp, Paris.

61

HAROLD ANCART

62

(The Whale), 2013

Concrete, steel, water 135 x 167 x 67 cm

Courtesy of the artist and Clearing, New York.

63

CARL ANDRE

Left to right:

64

1. M N E D I A D, 1972

POPE BYRON ANDRE, 1963

Signed Xerox copy 27.9 x 21.6 cm

M N E D I A D, 1972

Signed Xerox copy 27.9 x 21.6 cm

MRWIRTWPENDEFASTTHELAWYERA NDAGREATFRIENDOFSENATORLELA NDSTANFORDM, 1972

Signed Xerox copy 27.9 x 21.6 cm

MMMMMMMMMMMMMMMMMM YYYYYYYYYYYYYYYYYY OOOOOOOOOOOOOOOOOO, 1972

Signed Xerox copy 27.9 x 21.6 cm

Signed Xerox copy 27.9 x 21.6 cm

Courtesy Carl Andre, Yvon Lambert.

65

RICHARD ARTSCHWAGER

66

Table / Table, 2008

Laminate on wood 78.7 x 94 x 94 cm

Copyright Adagp, Paris 2013. Courtesy Gagosian Gallery.

67

KEITH ARNATT

68

Earth Plug 2, 1967

Black and white photos 10.2 x 10.2 cm each

Copyright Keith Arnett Estate. Courtesy Maureen Paley, London.

69

NAIRY BAGHRAMIAN

70

Spanner (Stretcher-Loiterer), 2008

Chromed brass pipe, stretcher, rubber wire rope, painted meral rings Variable dimensions Editions of 3 + 1 AP

Courtesy Galerie Buchloz.

71

WILLIAM ANASTASI

72

Sink, 1963–2012

Carbon, steel, water 50.8 x 50.8 cm Edition 2/3

Photo Francois Doury. Courtesy Galerie Jocelyn Wolff.

73

ROBERT BARRY

74

A Great Concern Transmitted Telepathically, 1969-2009

Vinyl letters on wall Dimensions variable

Courtesy Yvon Lambert.

75

DANIEL BUREN

76

Wallpaper, 1972—2013

Papiers collés, white ink serigraph on white paper in situ work Variable dimensions

Photo-souvenir: Exhibition of an exhibition, a piece in 7 works, work in situ Documenta V, Kassel, 1972. Detail © DB-ADAGP Paris.

77

ANDRE CADERE

78

Barre de bois rond, 1975

Laquered wood 42.5 x 3 cm

Courtesy Private collection, Switzerland.

79

JASON DODGE

80

Above the weather "in Talin, Margot Mark wove woolen yarn the color of night and the length between the earth and above the weather", 2012

Mixed media Variable dimensions

Courtesy Jason Dodge, Yvon Lambert.

81

JAN DIBBETS

82

Perspective Correction, 1969

Printed on photographic cotton 125 x 125 cm

Copyright Jan Dibbets. Courtesy Private collection Amsterdam. Š Adagp, Paris 2013

83

JENNY HOLZER

84

Survival: You are caught thinking..., 1989

Indian Red granite bench 43.2 x 106.7 x 45.7 cm

Installation Jenny Holzer, Solomon R. Guggenheim Museum, New York, 1989. Copyright 1989 Jenny Holzer, member Artists Rights Society (ARS).

Photo Larry Lame.

85

SHILPA GUPTA

86

Stars on Flags of the World, 2012

55 stars in the vitrine and an etched brass plate 64 x 64 x 97 cm Edition 1/3

Courtesy Shilpa Gupta, Yvon Lambert.

87

BENJAMIN HORNS

Left to right:

88

16 Paintings (excerpt), 2012

I'm Sorry I Forgot Your Name You Know When You Go To A Movie In A Theater, How Do You Pick A Seat Out? It Just Feels Right. If You Think About It, You Get Fucked Up. Kiss Sneezing Yes Yes Yes Yes What Time Is It There?

Out of Nowhere Bleach Monochrome No No No No No Do Three Left Turns Really Make A Right?

Various on cotton 41.9 x 59.4 cm each

Courtesy Benjamin Horns.

Bleach and latex on cotton Latex on cotton

Latex on cotton Bleach on cotton Bleach on cotton Latex on cotton Latex on cotton Bleach on cotton Cotton Bleach and latex on cotton

89

BILL JENKINS

90

Untitled, 2012

Filter 86.36 x 30.48 x 2.54 cm

Photo Cathy Carver. Courtesy Lauren Gitlen, NY.

91

BILL JENKINS

92

Untitled, 2012

Mirror with vase and ball 44.45 x 63.5 cm

Photo Cathy Carver. Courtesy Lauren Gitlen, NY.

93

KOO JEONG-A

94

Today / color test, 2013

Wood and phosphorescent paint 310 cm heigh, 150 cm diameter

Courtesy of the artist and Yvon Lambert, Paris.

95

ROBERT KINMONT

96

Just about the right size, 1970/2008

9 silver gelatin prints 35 x 28 cm each Edition 6/10

Courtesy Alexander and Bonin, New York / RaebervonStenglin, Z端rich.

97

ESTHER KLĂ„S

98

Untitled (come away with me), 2009

Aquaresin, pigments, wood, concrete 126.37 x 134.62 x 71.12 cm

Courtesy Peter Blum, NY.

99

SOL LEWITT

100

Buried Cube Containing an Object of Importance But Little Value, 1968

Black and white photographs mounted on board (paste-up for a book page) 32.2 x 26.7 cm

Courtesy LeWitt Collection, Chester, CT, USA.

101

JOHN MCCRACKEN

102

Link, 2000

Polyester resin, fiber glass and wood 231 x 38 x 6.5 cm

Private Collection, Brussels. Courtesy Almine Rech Gallery.

103

JONATHAN MONK

104

6 years, 2001

16mm film

Courtesy Jonathan Monk, Yvon Lambert.

105

SCOTT KEIGHTLEY

106

Satellite, 2012

36.2 kg of concrete, 128 porcelain powdercolored tiles, 2 powder coated metal storage bins, mirror 61 x 83 x 92 cm

Courtesy Scott Keightley.

107

BRUCE NAUMAN

108

Manipulating a Fluorescent Tube, 1969

Video (black and white, sound) on monitor, 62 min

Courtesy Electronic Arts Intermix (EAI), New York. Š Adagp, Paris 2013.

109

DENNIS OPPENHEIM

110

Annual Rings, 1968

Mixed media 72 x 57 cm

Courtesy Yvon Lambert donation to the French State.

Collection of Centre national des arts plastiques.

111

CHARLOTTE POSENESKE

112

Series B Relief, 1967-2011

Spray-painted aluminium 100 x 50 x 14 cm each

Authorized reconstruction with certificate by the estate.

Courtesy Galerie Mehdi Chouakri.

113

CHARLES RAY

114

Bench, 1974

Wood 29.21 x 304.8 x 3.81 cm Edition of 12

Courtesy Private Collection, NYC.

115

FRED SANDBACK

116

Untitled (Nr. 4), 1968 / 1983

Mild steel rod (Volkswagen Oregonbeige L81D) 61 x 334 x 61 cm, intervals: 45, 30, 15 cm

Photo Peter Hauck, Basel. Courtsey AnneMarie Verna.

117

KEITH SONNIER

118

Lead File, 1968

Lead over plywood 10.2 x 121.9 x 1.9 cm

Courtesy Leo Castelli Gallery, New York. Š Adagp, Paris 20130

119

HAIM STEINBACH

120

lemon accent 1, 2006

Plastic laminated wood shelf; plastic toilet plungers; lemon; plastic scarecrow 94 x 149.9 x 36.2 cm

Courtesy Galerie Laurent Godin, Paris.

121

ANGELA DETANICO / RAFAEL LAIN

mizu no oto, 2013

B&W animation, stereo sound Loop 6'38"

Courtesy Martine Aboucaya, Paris.

RICHARD TUTTLE

124

Untitled, 1984

Mixed media 10 x 58 x 61 cm

Courtesy Yvon Lambert.

125

SERGEI TCHEREPNIN

126

Pied Piper Box 2, 2012

Steel, zinc, brass, transducer with carpet-shelf plinth, SanDisk Clip, audio (38 min), stereo amplifier Variable dimensions

Courtesy Audio Visual Arts.

127

FRANZ ERHARD WALTHER

Top to bottom:

1. Werksatz (First Workset), 1967–69

Photograph 15 x 22 cm each

Photo Tim Rautert. Copyright Stiftung Franz Erhard Walther, Tim Rautert.

Zentriert, Element n˚23 of 1. Werksatz, 1967 Annäherung Schritte seitwärts (step by step approach), Element n˚47 of 1. Werksatz, 1968 Linien (Arme/Füsse) (A. loops for arms; B. pockets for feet; C. flaps for arms and feet), Element n˚56 of 1. Werksatz, 1969

128

129

FRANZ ERHARD WALTHER

130

Spricht nicht, 1980

Fabric, wood 275 x 100 x 40 cm

Photo Franois Doury. Courtesy Galerie Jocelyn Wolff. © Adagp, Paris 2013.

131

JULIETA HANONO

Cortina de Lajas, 2012

Video HD loop Edition 1/5

Courtesy Yvon Lambert.

GARY KUEHN

Melt Piece, 1969

Aluminium (cast in 2005 from the plaster original) 11.4 x 35.6 x 42 cm

Courtesy Michael Haas Gallery.

GABRIEL SIERRA

Cuasi-Cuadrado, 2012

Brown acrylic painting on wood, magnets and fabric hinges Variable dimensions

Courtesy Kurimanzutto, Galerie Martin Janda. Photo Lena Deinhardstein.

LAWRENCE WEINER

138

A STONE LEFT UNTURNED [Cat. No. 150], 1970

Language + the materials referred to Variable dimensions

Courtesy San Francisco Museum of Modern Art.

139

Remerciements

Thanks

La galerie Yvon Lambert et Simon Castets tiennent à remercier chaleureusement les nombreux artistes, institutions, collectionneurs et galeries dont les prêts ont rendu possible cette exposition :

The Yvon Lambert Gallery and Simon Castets warmly thank the numerous artists, institutions, collectors and galleries whose loans made this exhibition possible:

Par ordre alphabétique:

In alphabetical order: Martine Aboucaya Sarah Aguilar Alexandra Alexopoulou William Anastasi Harold Ancart Christopher Aque Keith Arnatt Richard Artschwager Audio Visual Arts Olivier Babin Nairy Baghramian Robert Barry Barbara Bertozzi David Blum Peter Blum Alexander & Bonin Ted Bonin Stefania Bortolami Rebecca Brickman Daniel Buchholz Daniel Buren Kristy Caldwell Leo Castelli Gallery Isabelle Chen Mehdi Chouakri

Michael & Eileen Cohen Jean-Olivier Despres Angela Detanico Jan & Kaayk Dibbets Jason Dodge Mathieu Douineau Electronic Arts Intermix Franz Erhard Walther Oliver Evans Elsa Favreau Veronika Floch FRAC Nord Pas-de-Calais Larry Gagosian Alanna Gedgaudas Laurel Gitlen Laurent Godin Felix Gonzalez-Torres Shilpa Gupta Hans Haacke Anna Haas Michael Haas Julieta Hanono Jenny Holzer Benjamin Horns Martin Janda

Bill Jenkins Koo Jeong-A Eirini Karvouniari Scott Keightley Robert Kinmont Esther Kläs Elisabeth Konrath Clémence & Didier Krzentowksi Gary B. Kuehn Jose Kuri Kurimanzutto Rafael Lain Gwenvael Launey Sofia LeWitt Sol LeWitt Collection Shabnam Lilani Justin Luke Laura Mahlstein Wade Miller Rory Mitchell Ghislain Mollet-Viéville Jonathan Monk Christopher Müller Maria Naula Bruce Nauman

Maureen Paley Janet Passehl Chloe Philipp Laura Pinello Thomas Rieger Bernard & Almine Ruiz Picasso Serra Sabuncuoglu Manola Samaniego San Francisco Museum of Modern Art Marine Sanjou Gabriel Sierra Keith Sonnier Haim Steinbach Aaron Stempien Matthias V. Stenglin Sophie Streefkerk Erik Sumption Sergei Tcherepnin Annemarie Verna Lawrence Weiner Lauren (Lawrence Weiner studio) Jocelyn Wolff Daniela Zarate

Simon Castets tient à remercier personnellement Yvon Lambert, Olivier Bélot, Alexa Brossard ainsi que toute l’équipe de la galerie. Merci également à Brian Anderson, Julie Boukobza, Sabisha Friedberg, Saisha Grayson et Hans Ulrich Obrist pour leurs précieux conseils.

Simon Castets personally thanks Yvon Lambert, Olivier Bélot, Alexa Brossard and the entire gallery team. Thanks also to Brian Anderson, Julie Boukobza, Sabisha Friedberg, Saisha Grayson and Hans Ulrich Obrist for their invaluable advice.

Rédaction

Traduction et corrections

Editing

Translations and copy-editing

Simon Castets

Tiffany Gassouk

Graphisme

Crédits

Catalogue Design Garrick Gott, assisté de / assisted by Yoshie Hozumi

Credits Publication © Galerie Yvon Lambert & Simon Castets Gallery installation photography by Rebecca Fanuele