WJ-SPOTS #1 PARIS
ISABELLE ARVERS
www.isabelle-arvers.com
Isabelle Arvers commissaire d’exposition indépendante independent exhibition curator
/ Je suis commissaire d’exposition indépendante depuis 2003 après avoir travaillé pour l’association Art 3000, le site des cultures électroniques Gizmoland et la Grande Halle de la Villette sur la première édition de Villette Numérique en 2002. De formation généraliste, c’est à l’Institut d’Etudes Politiques que j’ai découvert les nouveaux médias en rédigeant mon mémoire de fin d’études sur la virtualité du numérique comme mode d’appréhension du réel… Mon travail de commissaire d’exposition se concentre sur la relation d’art et de jeux vidéo et d’art sur Internet, ainsi que sur les nouvelles formes d’images en tentant de concilier le politique, le social et l’artistique autour de la question du jeu, hautement symbolique et politique… Par ailleurs, afin de promouvoir les usages alternatifs et artistiques des jeux vidéo, j’organise plusieurs concerts de musique 8bit ou chip tunes, crée avec des Gameboys et présente depuis près de 5 ans des films conçus avec des jeux vidéos, encore appelés Machinimas. Ceci afin de prouver qu’il est possible de transformer un objet de consommation de masse en moyen d’expression. // Lorsqu’en 1993, je me trouve à Monte-Carlo pour assister aux conférences et projections d’Imagina, j’ai la chance de suivre un réalisateur, Thierry Silighini, alors en charge d’un sujet sur le virtuel pour l’émission de FR3 Atelier 256, dans une chambre d’hôtel, au Loews précisément. Là, une personne dont je ne connaîtrai le nom que 7 ans après, me demande de me mettre devant un écran et d’échanger des images de mon corps avec une personne qui se trouve à Paris et que je peux voir sur un écran. Sans le savoir, je participe pour la première de ma vie à une performance en réseau,
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organisée par les Virtualistes, premiers français à avoir étés présents sur le réseau. Cette performance a pour titre Electronic Peep Show. Je ressors de cette expérience transformée, rouge écarlate car génée par la présence de journalistes et penseurs comme Régis Debray qui assistaient à cette performance dans mon dos… Je viens de ressentir pour la première fois la sensation d’ubiquité, l’être ici, là et ailleurs en même temps. Par la suite, je rencontre Eléonore Hellio et participe à d’autres performances en réseau avec l’Electronic Café et découvre que je peux interagir avec des personnes, que pour eux c’est la nuit, pour moi le jour et que pour autant, nous sommes en train de jouer de la musique ensemble… Dès lors, je comprends que le monde est poreux, comme les frontières et comme la limite entre espace virtuel et espace réel. Ma première exposition aura lieu sur le réseau au travers de la galerie en ligne de Gizmoland, puis avec la galerie de créations en ligne autour de la notion de jeux musicaux sur le site de Villette Numérique. À ce moment-là, plutôt que de m’en tenir à une conception très dogmatique du net.art, c’est-à-dire d’œuvres spécifiquement crées pour Internet et uniquement visibles sur le Net, je tente de montrer l’étendue de la création en ligne, quitte à présenter des œuvres qui s’éloignent de la thématique comme le web-documentaire des artistes 360° ou encore un film interactif avec Sophie der Film, mais aussi des oeuvres interactives en flash ou génératives. Le réseau représente donc mon premier espace d’expression en tant que commissaire d’exposition. Alors attaquée par les défenseurs d’une conception bien définie du net.art, je rencontre Vuk Cosic et décide leur rendre hommage en organisant avec Vuk une séance des Tours du monde du web autour des Pays de l’Est afin de
présenter les œuvres les plus représentatives du net.art.
/// Le réseau me fait penser au surréalisme et à la notion de rencontre fortuite qui transforme presque toujours cet espace en de merveilleuses rencontres. Les plus importantes sont celles que j’ai pu faire au travers de textes lus comme avec Miltos Manetas et son texte sur le retour de Jésus en Pokémon géant. Nikola Tosic, rencontré par mail pendant la préparation de Villette Numérique et ensuite embarquée dans sa voiture roulant à 200 km à l’heure pour traverser la Serbie et participer à son événement Meet in a Nice Restaurant en Turquie… Les Whatever Girls à New York, rencontrées grâce à un mail lancé sur la liste de femmes et nouveaux médias Faces… C’est aussi l’idée de communauté élective (faces, piksel, jeux, machinimas…) et la possibilité de collaboration démultipliée par les logiciels libres, les applications wiki, web 2.0 et le peer to peer. En effet, si la collaboration n’est pas une idée nouvelle, l’accès aux logiciels libres, le partage des connaissances, de la bande passante ou d’outils à faible coût en transforment les modalités… //// Internet est un espace de possibles, de création, il ne tient qu’à nous de permettre à cet espace de se démultiplier et de s’élargir. Il nous importe et nous incombe de le protéger des attaques et des menaces de fermeture des tuyaux. Nous devons nous battre pour la neutralité de l’Internet et pour qu’il reste libre et ouvert. Le Conseil Constitutionnel vient d’invalider la loi Hadopi, mais nous devons continuer à affirmer nos droits face à la loi en préparation lopsi. La pensée est libre et ne doit pas être bafouée sous couvert de cyber-terrorisme ou de cyber-criminalité.