Heteronymû #05 - Hollis Brown, a retrospective

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HOLLIS BROWN a retrospective 1982-2011 MAY 14th - AUGUST 26th


HETERONYMÛ - jour cinq Hollis Brown : a retrospective François Belsoeur / Hollis Brown Diane Kozniku / GeorgeA. Romero John Hugues / Dziga Vertov Kasimir Malévitch / Claude Rutault / Jon Silex / Yves Klein / Albert Lewin / Maxence Alcalde / Frédéric Vaysse Delphine Leblond / Angèle Del Campo Edouard / James Mason / Ava Gardner / Rémi, 6 ans Claude Spritz / Jacques-Louis Eudier / Stanley Powerlock Bob Dylan / Joe Strummer




Hollis Brown naît à Montfermeil au début des années soixante. Son père, ancien soldat, est l’ambassadeur britannique en France ; sa mère, originaire d’Haïti, travaille dans la mode. La famille déménage souvent et passe par la Suède, la Grèce et puis Haïti. Mais c’est à New-York, où ils s’installent en 1967, qu’Hollis Brown va grandir. Elève studieux, il pratique le basket-ball et s’engage dans des études de droit. Avec ses amis, il découvre le cinéma de série B, qui sera son premier amour ; portés par l’esprit de troupe, la bande adapte au théâtre ses films favoris. Hollis Brown décide d’abandonner le droit, et de se consacrer tout entier à la scène. En 1981, son adaptation de La Nuit des Morts-Vivants est saluée par la critique ; l’artiste est alors comédien, metteur en scène, mais pas encore peintre ni vidéaste. Par la suite, il écrit plusieurs épisodes pour Tales from the Crypt, met en scène quelques productions confidentielles ; c’est au cinéma, devant Ferris Bueller’s Day Off (1986), que l’épiphanie survient. «Ce film, c’est l’excitation permanente, la jeunesse qui joue avec l’interdit, ça me parlait. Mais quand j’ai vu la scène de musée, les longs plans de tableaux au centre du film, j’ai su immédiatement que je ne voulais plus faire que ça : créer ces moments de pause, trouver ces couleurs qui vibrent sous l’effet de cinéma» (entretien paru dans New Shoes, avril 1991). C’est le tournant, du zombie à l’abstraction («même si c’est proche, quand on y pense»), et de la mise en scène à la peinture. C’est d’abord Color Cities (1986-1992), une série de vidéos d’animation. On déambule dans une ville, les rues, les gens et les bâtiments sont en blanc, seul le ciel est coloré - une teinte par ville : Brooklyn Red, Manhattan Black, Montfermeil Green, Glasgow Purple. Utilisant un système de grille pour reproduire les lignes d’horizon au plus vite, l’artiste transforme les courbes en escaliers, jouant des décalages dûs à la caméra : «J’ai inventé le pixel, rit-il. Je débutais, j’ai tout fait en dépit du bon sens, à l’aquarelle, dans ma cave. J’étais obsédé». La série produit son effet dans le monde des vernissages, et Hollis Brown se fait un nom parmi la jeune scène new-yorkaise des «ultramodernes», ainsi baptisée par la peintre Diane Kozniku. «On ne se posait pas ces questions de passé, de tradition, d’héritage, je crois. C’est venu après. C’est pour cela que nous n’étions post-rien du tout, on faisait notre truc».


[...] En 1995, Hollis Brown présente 25,27% de l’Homme à la caméra à la Biennale de Padoue. La vidéo, projetée sobrement sur un mur blanc, est un prélèvement de dix-huit minutes et douze secondes de L’Homme à la caméra de Dziga Vertov (1929), soit vingt-cinq virgule vingt-sept pour cent du film d’origine. L’écran ne nous montre ici qu’un morceau du cadre, l’agrandissement d’une zone fixe et précise. Le livret nous apprend que l’artiste a choisi de ne retenir du film que ce prélèvement, parce qu’il équivaut à la taille du Carré blanc sur fond blanc de Malévitch (1918) : soit vingt-cinq virgule vingt-sept pour cent de la surface totale du film de Vertov (tel que projeté selon le matériel d’époque). La vidéo est fascinante, toute à la fois énigmatique et naturaliste, réactivant la radicalité de la proposition conceptuelle et formelle de Vertov, tout en jouant sur la volonté d’abstraction et de réagencement du monde par la forme de Malévitch. Hollis Brown s’affirme ici comme restaurateur, à la façon de Claude Rutault - qui prescrit d’appliquer aux toiles du passé un fin voile gris. «Je me suis aperçu qu’il est vain de chercher à inventer ses couleurs. Elles sont déjà partout, dans l’art, dans le monde, alors je me suis dit : autant me servir, en manipulant les idées de ceux à qui j’emprunte, autant que leur palette». La vibrance du blanc, des gris de Vertov réapparaît dans le cadre de Malévitch, et la vidéo passe de l’abstraction matiériste au film de vacances, créant pour son spectateur un espace de pause quasi mystique devant ces formes qui, incomplètes mais totales, se déploient en silence. «J’avais demandé à Jon Silex, un camarade batteur et performeur, de créer une bande-son - c’était muet à l’origine, alors quelque chose de violent, saturé. Il m’a dit que le mieux était l’ennemi du bien, qu’il fallait sans doute se contenter du silence, et puis que c’était un peu à la mode, comme méthode. On s’est engueulés, il m’a convaincu, la vidéo est restée muette». C’est ainsi qu’Hollis Brown travaille : en bande, comme au temps où il montait L’Attaque des tomates tueuses sur la petite scène du Vertigo. Le frisson du spectateur s’est mué en abandon contemplatif, deux facettes de la perte de contrôle [...]






a. «Pièce inédite avant l’ouverture de cette rétrospective, International Pandora Blue IPB (2011) est sans doute la proposition la plus radicale d’Hollis Brown à ce jour. Après un passage oubliable par le polaroïd (Hollis Brown World Tour Series, 2005-2009), le vidéaste américain revient avec cette œuvre à ses premiers amours, la vidéo vibratoire et la couleur sans concession. On retrouve la malice et l’instinct de peintre qui émanaient de 25,27% de l’Homme à la caméra, il y a déjà huit ans. Cette fois-ci, c’est le Pandora and the Flying Dutchman d’Albert Lewin qui est découpé par l’artiste. Se débarrassant d’Ava Gardner et de James Mason, ainsi que des bateaux, nappes et autres cocktails, Hollis Brown se concentre sur les nuances de bleu qui tapissent le film. Après Malévitch/ Vertov, combo slave, c’est ici le combo bleu : Lewin/Klein. Le résultat est hypnotique, comme souvent avec Brown, et l’on est tout entier tenté de basculer dans l’écran, dans le bleu dont on ignore s’il vient du ciel, de la mer ou du drapé d’un rideau [...]» b. «Si la plupart des œuvres de l’exposition parlent à l’imaginaire, se servent de leur forme pour dire autre chose, International Pandora Blue est une pièce sourde. Clou supposé de la rétrospective, dévoilée en grande pompe par l’artiste et tel ministre qui l’aura achetée, l’œuvre semble opaque, gratuite : on n’y voit rien. L’élégant 25,27% de l’Homme à la caméra, s’il n’était pas davantage qu’une astucieuse pirouette dans les limites de la mode, offrait un effort de construction - de reconstruction. Les polaroïds montrent une vraie joie, un tour du monde festif et, comme toujours chez l’artiste, le trouble mystique de ses origines haïtiennes, la rumeur du vaudou et la douleur de la discrimination. Color Cities en est la preuve, invocation angoissée de la couleur, militantisme pictural pour un monde partagé. Rien de tout cela ici : IPB est un exercice d’autosatisfaction, de maître qui ne veut désormais plus rien prouver, ni défendre.» c. «j’ai bien aimé le bleu»



«J’ai vécu un peu à Haïti, mais j’avais trois ans quand on est parti, je ne me souviens de rien. Ma mère n’y avait jamais mis les pieds avant qu’on s’y installe, ses parents avaient déménagé avant sa naissance dans les environs de Paris. Je ne me sens pas d’influence haïtienne - on me parle souvent de vaudou, vous savez, surtout avec les adaptations de zombies. Je fais avec, mais c’est pareil, on me demande souvent pourquoi je ne fais pas de l’art plus engagé, il faudrait que je défende ma communauté. Ça étonne tout le monde quand je dis que pour moi les zombies, c’est Romero, pas Ogoun Ferraille (rires)»





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