CULTURE ET MÉMOIRE
On raconte que jadis, à l'époque où les animaux parlaient et où les Dieux avaient une apparence humaine, Anzar apparaissait après la pluie sous la forme d'un arc-en-ciel. Un jour après avoir immergé d'eau les villageois, il aperçut au loin, une jeune fille d'une stupéfiante beauté, qui se baignait dans une petite rivière ; charmé et épris d'elle, Anzar se jura de l'avoir comme compagne. Cette fille avait l'habitude de se baigner dans une rivière aux reflets d'argent. Quand le Maître de la pluie descendait sur terre et s'approchait d'elle, elle prenait peur, et lui se retirait. Un jour, il finit par lui dire : « Tel l'éclair j'ai fendu l'immensité du ciel, ô Toi, Étoile plus brillante que les autres, donne-moi donc le trésor qui est tien sinon je te priverai de cette eau. » La jeune fille lui répondit : « Je t'en supplie, Maître des eaux, au front couronné de corail. (Je le sais) nous sommes faits l'un pour l'autre… mais je redoute le « qu'en dira-t-on »… » À ces mots, le Maître de l'eau tourna brusquement la bague qu'il portait au doigt, la rivière, soudain, disparait. La jeune fille cria et fondit en larmes. Alors, elle se déshabilla de sa robe de soie criait vers le ciel : « Ô Anzar, ô Anzar ! Ô Toi, floraison des prairies ! Laisse à nouveau couler la rivière, et viens prendre ta revanche. » À l'instant même elle vit le seigneur de l'eau sous l'aspect d'un éclair immense. Il la serra contre lui puis la rivière se remit à couler et toute la terre se couvrit de verdure. À la période de sècheresse, toutes les vieilles du village se réunissent pour fixer le jour d'Anzar. Au jour dit, toutes (les femmes), jeunes et vieilles, sortent, accompagnées des jeunes garçons, et elles chantent : "Anzar, Anzar, a Rebbi switt-id ar azar"...."Anzar, Anzar, Ô Dieu arrose la jusqu'à la racine", ou encore "Aman, aman i weguelidh, aghenja itsgririb" ... "De l'eau de l'eau pour le dernier labour, que la cuillère la fasse tomber". Anciennement, on escortait processionnellement une jeune fille pubère et gracieuse. On lui mettait le henné et on la parait des plus beaux bijoux, tenant une louche (aghenja) dans sa main, on en faisait une « fiancée ». Pour mettre en scène le rituel d'Anzar, de nos jours, dans les villages kabyles, on utilise une louche ornée de couleur et bijoux comme une jeune fiancée pour symboliser Tislit n wenzar. Les villageoises prennent les ruelles du village, maison par maison demandant une offrande pour Anzar. A leurs arrivée à la mosquée où au sanctuaire (lieu saint du village), avec tout ce qu'elles ont pu ramasser comme l'huile, semoule, viande fraiche ou séchée, oignons et sel … elles préparent un repas cérémonial (waâda) pour tout le village qu'ils partagent dans une ambiance de joie. La célébration terminée, la louche sera reprise pour une prochaine célébration.
41 Regard sur la Kabylie