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DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT
ato e magazine
DÉBAT_D'IDÉES : 2 pages
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LA PEUR DU VIDE EST TRÈS HANDICAPANTE EN TRAIL. TELLEMENT HANDICAPANTE QUE LES PLUS ATTEINTS PRÉFÈRENT RENONCER AUX PRESTIGIEUSES ÉPREUVES DE MONTAGNE PLUTÔT QUE COURIR LE RISQUE DE LA RÉVEILLER EN EMPRUNTANT DES CHEMINS ESCARPÉS.
Dans le langage courant, on définit la peur du vide comme une forme de vertige et vice versa. En réalité, nous devrions mieux distinguer les deux avec, d’un côté, cette sensation de tête qui tourne qui survient notamment lorsqu’on a trop bu et, de l’autre, la peur panique qui saisit certaines personnes dès qu’elles se trouvent face au vide.
Dans leur cas, on utilise le terme «acrophobie» (du grec ancien akron pour «sommet»). Prenons le cas d’Olivier, maître de conférences en physiologie du sport et féru d’efforts physiques en tous genres. En octobre 2019, il s’est inscrit à la Diagonale des Fous sur l’île de la Réunion, un des trails les plus redoutables du monde avec ses 164 kilomètres de difficultés diverses et ses presque 10.000 mètres de dénivelé positif. Il a renoncé la veille du départ lorsqu’il apprit qu’en chemin, il lui faudrait aussi franchir une volée de ponts étroits, très sûrs bien entendu, mais situés au-dessus d’un gouffre.
Ces quelques dizaines de mètres suspendu dans le vide eurent raison de son enthousiasme alors qu’il s’était déjà acquitté des frais d’inscription, d’hébergement et de transport! C’est dire la force de l’acrophobie.
Un Indien dans le vide
En soi, l’appréhension du vide n’est pas une tare. Elle est même nécessaire, sans quoi l’évolution ne l’aurait pas retenue. Quand on tombe de plusieurs dizaines de mètres, en général, on meurt! Il est donc logique qu’en situation de danger, tous nos sens soient soudain en éveil. Au siècle passé aux Etats-Unis, une légende urbaine voulait que les Amérindiens de la tribu des Mohawks échappassent au vertige et on leur confiait pour cette raison les tâches les plus dangereuses comme la pose de pièces d’acier au sommet des bâtiments en construction. Etait-ce possible qu’un peuple puisse à ce point se différencier de tous les autres? Un sociologue, Morris Freilich, voulut en avoir le cœur net. Il passa plusieurs mois dans une réserve mohawk à observer la vie et les mœurs de ces Amérindiens. Il y découvrit qu’en réalité, les Mohawks n’étaient pas du tout exemptés d’acrophobie comme on le croyait mais qu’ils excellaient dans l’art de dissimuler leurs émotions. Chez eux en effet, masculinité rimait avec intrépidité, qu’il s’agisse anciennement de chasser ou de combattre ses ennemis. A mesure que le territoire nord-américain fut envahi par les Blancs, les Mohawks perdirent ces occasions de prouver leur bravoure, sauf à déambuler dans les airs sur des échafaudages instables où ils trouvaient accessoirement le moyen de gagner leur vie. C’était bien une légende urbaine et, jusqu’à preuve du contraire, nous éprouvons tous cette forme plus ou moins marquée d’appréhension face au vide. Ce qui n’est pas de l’acrophobie, soulignons-le. On réservera le terme aux situations où cette appréhension naturelle devient incontrôlable et provoque la panique.
LA PEUR DE LA PEUR EST DÉJÀ PARALYSANTE!
Le mythe des Mohawks
Et maintenant, fermez les yeux!
Pour comprendre l’acrophobie, voici un petit exercice facile à réaliser chez soi mais éclairant sur les mécanismes qui régissent notre sens de l’équilibre. Tenez-vous debout au milieu d’une pièce, fixez un point sur le mur ou à l’horizon, et levez un pied. Les moins habiles d’entre nous devront s’y reprendre à plusieurs reprises avant de se stabiliser. Mais tout le monde y arrivera peu ou prou à moins d’avoir déjà un sens de l’équilibre très déficient (dans ce
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PEUR_PANIQUE : 6 pages
PETITE ET GRANDE HISTOIRE DE LA CASQUETTE
DANS CETTE RUBRIQUE, NOUS PARTONS À LA DÉCOUVERTE D’UN VÊTEMENT DONT L’HISTOIRE DÉBORDE LARGEMENT LA SPHÈRE SPORTIVE. POUR LE DEUXIÈME ÉPISODE DE LA SÉRIE, VOICI LA CASQUETTE!
Il en va du couvre-chef comme du reste de la garderobe: il sert autant à se prémunir des aléas du temps qu’à attester de son statut social. Pensez à la couronne du roi, aux casques des chevaliers du Moyen-Age, au chapeau en feutre des bourgeois ou encore au simple morceau de tissu noué sous le menton qui caractérisait le servage. Cette aspiration à se distinguer des autres remonte loin dans le temps. Le terme «chapeau» provient d’ailleurs du mot médiéval «chapel», lui-même dérivé de «caput» et, d’après le dictionnaire de l’Académie française paru en 1694, signifiait à l’époque «couronne de fleurs qu’on met sur la teste dans quelque resjoüissance, dans quelque feste solemnelle». Au fil des siècles, le «chapel» a troqué son origine florale pour adopter une forme qui fait plutôt penser à un pot de fleurs, à l’image de ces hauts-de-forme impressionnants qu’arborait l’ancien président américain Abraham Lincoln (1809-1865) et dans lesquels, paraît-il, il avait l’habitude de cacher les documents importants. Cette calotte surdimensionnée censée dans un premier temps amortir les chocs à la tête en cas de chute de cheval devint rapidement un moyen de se grandir tout en affichant son rang social. Ainsi, le chapeau trahit l’homme. Il trahit aussi la femme. Dans la haute société européenne du XVIIe siècle, les dames de cour portaient des coiffes si sophistiquées et si chargées en décorations diverses qu’elles en perdaient parfois l’équilibre. Même les enfants sont concernés. En 1571, une loi est passée qui obligeait tout citoyen britannique de plus de six ans à se couvrir la tête les dimanches et jours fériés sous peine d’amende. Seuls les universitaires et les diplomates étaient dispensés de cette obligation. Et pour cause! Ils portaient tous la perruque. Pour justifier cette mesure, le législateur avait mis en avant le respect des règles de bienséance. En vérité, cette obligation visait surtout à doper le commerce intérieur et à permettre l’écoulement des excédents de laine. Pour des questions de coût, certaines de ces coiffes devenues obligatoires étaient plutôt rudimentaires. Il s’agissait de simples bonnets prolongés d’une visière. Voilà comment est née la casquette, devenue un très fort vecteur identitaire du prolétariat. Chauffeurs, portiers, concierges, gardes de sécurité, chefs de gare, sans parler des militaires: chaque corporation se définit bientôt par son couvre-chef.
Lincoln fut le plus grand président des Etats-Unis (1,93 mètre) et avec son haut-de-forme de 20 centimètres, on comprend mieux pourquoi on dit de lui que son ombre plane encore sur la Maison Blanche. Au temps de Louis XVI, les coiffures extravagantes avaient un nom qui est resté dans le langage courant: les poufs!