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concours scenes reine et elisabeth coulisses Nicolas Blanmont



concours scenes reine et elisabeth coulisses


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Artic Volume White 130gr. ISBN : 978-2-930358-63-5 Dépot légal : 2012 D/2012/9445/1


concours scenes reine et elisabeth coulisses Nicolas Blanmont



Le Concours Reine Elisabeth est un des plus beaux et plus prestigieux concours musicaux au monde. C'est un merveilleux projet artistique qui, depuis 75 ans déjà, rassemble de jeunes virtuoses des quatre coins de la planète autour de la passion qu'ils partagent : la musique. Avec ce livre, BNP Paribas Fortis et les Éditions Versant Sud vous entraînent dans les coulisses de ce concours au retentissement mondial. Tout ce qui s'y passe contribue au succès de la formule : la vie à l'écart des candidats, leurs familles d'accueil, le jury. Vouloir capter l'émotion et la magie de l'événement serait futile, mais ce livre, par la richesse de ses illustrations, rend hommage aux nombreuses facettes du concours. BNP Paribas Fortis est fière d'être, depuis plus de 20 ans déjà, un fidèle partenaire du Concours Reine Elisabeth. Max Jadot CEO BNP Paribas Fortis



Unique au monde ?

Au commencement, il y eut le violon Le premier concours

L’autre instrument roi Les sessions de piano

Et vint la voix

Le concours de chant

Imposé, mais à qui ?

Les concours de composition

La voix royale

Le Concours et ses reines

C’est le moment, c’est l’instant De quelques dates et de leur sens

Le régional de l’étape

Les Belges au Reine Elisabeth

La vie à la campagne

Des familles d'accueil à la Chapelle Reine Elisabeth

Douze (ou plus) hommes (et femmes) sans colères Le jury au Reine Elisabeth

Derrière le soliste, d’autres musiciens Les orchestres du Concours

Un bruit qui coûte cher ?

Prix et autres questions de budget

Quelle musique pour le Concours ?

Le répertoire pour violon et piano au Reine Elisabeth

Fauteuil de Concours

Le Reine Elisabeth dans les médias

Service après-vente

Que sont les lauréats devenus ?

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Unique au monde ?

Il est aujourd’hui de très nombreux concours musicaux un peu partout dans le monde. Trop nombreux même, sans doute : l’association internationale qui les regroupe1 compte aujourd’hui plus de cent vingt membres. C’est dire que, sans même parler de tous ceux qui réussissent à percer sans suivre le cursus des concours, il est possible de faire une belle carrière de musicien sans passer par la case Bruxelles. Les pianistes tenteront tout particulièrement le concours de Leeds, le Van Cliburn à Forth Worth, le Clara Haskil à Vevey ou, bien sûr, le Chopin de Varsovie. Les violonistes s’aligneront au concours d’Indianapolis, au Paganini de Gênes ou au Tibor Varga. Les chanteurs viseront Cardiff ou le concours Operalia de Placido Domingo. Sans oublier d’autres compétitions multidisciplinaires dont le prestige est grand : le Tchaïkovski de Moscou, le Long-Thibaud-Crespin à Paris, les concours de Genève ou de Montréal, pour n’en citer que quelques-uns. Pourtant, parmi tous ces concours, le Reine Elisabeth reste sans nul doute un des plus courus, un des plus renommés, un des plus prestigieux. On le dit en tout cas en Belgique. Chauvinisme ? Une fréquentation assidue des candidats, des membres du jury ou simplement de musiciens de tout bord, quand bien même ils n’auraient pas présenté le Concours Reine Elisabeth, suffit à convaincre du contraire : dans la planète des concours musicaux – qui, certes, ne constitue pas à elle seule toute

1.  La Fédération Mondiale des Concours Internationaux de Musique, fondée en 1957 – notamment par le Concours Reine Elisabeth –, est basée à Genève.

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la planète de la musique classique – la Belgique tient une place de choix. Pour trois bonnes raisons au moins. Le Concours Reine Elisabeth est, d’abord, un des plus longs et des plus difficiles. Long parce que les épreuves s’étalent sur quatre semaines, à tout le moins pour les instrumentistes. Difficile parce qu’il impose à chaque candidat de préparer un répertoire non seulement exigeant au plan technique, mais également abondant et diversifié dans les genres et dans les époques – de Bach à la musique contemporaine. Seuls des artistes de grand format peuvent y remporter un succès, et le palmarès est éloquent, à tout le moins pour les sessions de violon et de piano. La renommée du Concours Reine Elisabeth vient aussi de son nom. Nombre de concours ont été baptisés du nom d’un compositeur, d’un interprète ou simplement d’une ville. Le Reine Elisabeth ainsi rebaptisé depuis 1951, est un des seul à porter le nom d’une reine. Partout, et surtout dans les républiques, la référence à une famille royale garde une sorte de magie. Même aussi long, même aussi exigeant, sa réputation n’eût sans doute pas été identique s’il était resté simplement le Concours Eugène Ysaÿe. D’autant que, royal, le Reine Elisabeth ne l’est pas seulement par son nom : au fil des épreuves, dans les salles, et par divers à-côtés, la présence de la famille régnante est constante. Il est enfin une particularité qui, de l’avis général, fait aussi du Concours Reine Elisabeth un concours hors normes : son retentissement médiatique. Le fait qu’il puisse exister, quelque part au monde, un événement de musique classique qui suscite l’intérêt de tous les médias nationaux (même ceux pour qui la musique se limite d’habitude aux amants de Madonna ou aux robes de Lady Gaga) paraît déjà exceptionnel. Mais qu’il soit, en plus, retransmis en direct à la télévision à raison de quatre ou six soirées d’affilée par semaine dépasse l’entendement, surtout en ces années où la multiplication des chaînes de télévision cache mal l’uniformité de l’offre de programmes, et où le taux d’audience est à peu près devenu l’étalon

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unique de la qualité d’une émission. Même dans les républiques socialistes de l’époque du rideau de fer, là où la concurrence des contenus existait aussi peu que celle des opinions mais où l’on tenait la culture en haute estime, on n’eût pas imaginé une telle couverture.

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Au commencement, il y eut le violon Le premier concours

Évidemment, le violon ! Parce que c’était l’instrument de la Reine Elisabeth ? Non ! Parce qu’au commencement, il y eut Ysaÿe, immense – dans tous les sens du terme – violoniste belge, dont le Concours porta le nom lors de ses deux premières éditions. Eugène Ysaÿe1 fut un des plus illustres représentants de la fameuse école belge du violon. Élève d’Henry Vieuxtemps qui avait lui-même reçu l’enseignement de Charles de Bériot, il forma quelques grands archets comme William Primrose ou Mathieu Crickboom. Plusieurs compositeurs renommés – Franck, Debussy ou Fauré – lui dédièrent des œuvres, mais il fut aussi lui-même l’auteur de multiples compositions, parmi lesquelles un opéra en wallon (Pier li Houyeu) ou de redoutables sonates pour violon seul qui restent un point de passage obligé pour les demi-finalistes du Concours. Dès 1904, appelé à siéger dans un jury de concours au Conservatoire de Paris, Ysaÿe jetait dans sa lettre de refus au directeur Théodore Dubois les premiers jalons d’un futur concours idéal : ce serait « (…), une sorte d’examen définitif, de diplôme artistique exclusivement réservé aux plus capables (…). Ces universitaires de la musique seraient mis en loge pendant huit à dix jours, avec un concerto manuscrit dont ils auraient à tirer une interprétation non mâchée par les professeurs (…). »

1.  Né à Liège le 16 juillet 1858, mort à Bruxelles le 12 mai 1931. Un de ses arrière-petits-fils, Marc, dirige aujourd’hui une des chaînes de radio de la RTBF et est batteur du groupe rock Machiavel.

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La mise en loge, le concerto inédit, et les meilleurs musiciens livrés à eux-mêmes : toutes les bases de ce qui deviendra le Concours Reine Elisabeth sont déjà là. En 1927, alors que son activité de soliste se ralentit, le maître revient à ce projet de concours d’un autre type et mobilise à cet effet ses amis et ses soutiens, parmi lesquels, une de ses élèves : la Reine Elisabeth, épouse du Roi Albert Ier. La santé d’Ysaÿe ne lui permettra pas de mener son projet à bien mais, après sa disparition en 1931, la Reine poursuivra son dessein et collaborera activement à la mise sur pied, en 1937, d’un concours international de violon. L’article 1er du règlement est ainsi rédigé : « Afin d’honorer la mémoire de l’illustre violoniste Eugène Ysaÿe, la Fondation Musicale Reine Elisabeth institue un Concours International intitulé : Concours International Eugène Ysaÿe. » Quand on lit le règlement de ce premier Concours Ysaÿe, on est frappé par les similitudes avec l’actuel Concours Reine Elisabeth. Certes, il est question d’une épreuve éliminatoire et d’une épreuve définitive mais, en réalité, l’épreuve éliminatoire se subdivise déjà en deux degrés. Parmi les œuvres imposées aux candidats lors des éliminatoires, il y a une sonate pour violon seul de Bach, une autre d’Ysaÿe, ainsi qu’un « petit » concerto du XIXe siècle2. Les douze violonistes admis aux finales y jouent un « grand » concerto de leur choix et une autre œuvre avec accompagnement de piano choisie par le jury parmi une palette de six qu’ils auront proposées le candidat. Les participants ne peuvent être âgés de plus de trente ans3, tandis que les membres du jury doivent avoir au moins atteint cet âge. Dans cet aréopage prestigieux qui s’étoffe au fil des épreuves successives, un mélange de pédagogues et d’artistes en activité, parmi lesquels Carl Flesch, Joseph Szigeti, Jacques Thibaud ou Jeno Hubay. Les jurés, qui remettent une cote sur cent à l’issue de chaque degré ou 2.  À choisir entre Spohr, Viotti, Kreutzer, Rode, Vieuxtemps ou Wieniawski, que d’œuvres tombées dans l’oubli septante-cinq ans plus tard ! 3.  Soit l’âge plafond auquel on vient de revenir, après l’avoir abaissé un temps à vingt-six ans.

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épreuve, ne délibèrent pas : il est même prévu explicitement qu’ils ne peuvent ni correspondre ni cohabiter pendant la durée de la session. La première édition du Concours imposera d’emblée sa pertinence tant par le niveau des candidats rassemblés que par le palmarès, en tête duquel arrive David Oïstrakh. Venus en force, les Soviétiques placent d’ailleurs leurs cinq candidats parmi les six premiers. On découvre, et cela se confirmera lors des sessions suivantes, que l’URSS, soucieuse de donner d’elle une image impeccable et, sans doute, dominatrice, présélectionne ceux de ses musiciens qui recevront un visa pour aller présenter un grand concours de musique à l’étranger. À la différence des candidats des pays libres qui se présentent en ordre dispersé, les Soviétiques arrivent en équipe. Une équipe non seulement triée sur le volet, mais aussi entraînée – on dirait aujourd’hui coachée –, notamment pour préparer ses candidats à affronter le stress. Et le résultat est des plus probants. Autre élément marquant de cette première édition : si le premier prix va à un Oïstrakh de vingt-huit ans, neuf des douze finalistes ont moins de vingt ans. Parmi eux, Boris Goldstein, le quatrième, en a quatorze ! Nulle honte donc pour le jeune Belge Arthur Grumiaux, seize ans, à ne pas avoir atteint les finales. Des quatre candidats belges inscrits, seul Carlo Van Neste a passé le premier tour et s’est retrouvé parmi les vingt et un violonistes admis au deuxième degré de l’épreuve éliminatoire. Cet insuccès de la représentation nationale fera prendre conscience de la nécessité qu’il y a à mieux préparer les candidats locaux, et donc à améliorer l’enseignement de la musique. Un électrochoc qui mènera, moins de deux ans plus tard, à la construction et à l’ouverture, à Argenteuil, de la Chapelle Reine Elisabeth. Nonobstant cet échec des candidats belges, la première édition du Concours International Eugène Ysaÿe est un succès : la salle de la Monnaie est pleine pour les trois soirées de finale et le retentissement médiatique est, déjà, considérable. Pourtant, le concours n’est pas exactement comme l’avait imaginé le grand violoniste. Il y manque encore le concerto

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manuscrit – et donc inédit – et la mise en loge qui en permet l’étude, mais ce sera chose faite dès l’année suivante avec la première session de piano. Autre différence marquante de cette session 1937 avec toutes celles qui suivront : pour la première et dernière fois, les points obtenus par les douze lauréats sont rendus publics. C’est ainsi qu’on apprend qu’Oïstrakh l’a emporté haut la main, avec 1620 points sur les 1800 susceptibles d’être attribués (dix-huit jurés à cent points chacun), soit un pourcentage de 90 %. Énorme écart d’ailleurs avec le douzième, le Français Jean Champeil, qui obtiendra 880 points, soit un peu moins de 50 %. Il était prévu dans le règlement de cette première édition qu’une session serait organisée tous les cinq ans : il n’y en aura forcément pas en 1942, mais il y aura par contre une session de piano dès l’année suivante. Et quand, après la guerre, l’idée se fait jour de relancer le concours tout en le rebaptisant du nom de la Reine Elisabeth, Ysaÿe restera la référence. Les épreuves auront désormais lieu en mai pour commémorer la date de sa disparition et, même si le principe d’alternance avec le piano est admis, il semble évident que l’instrument à l’honneur pour cette année de renaissance doit être le violon. Un quart de siècle plus tard, on inversera même l’ordre normal des sessions afin que celle du vingt-cinquième anniversaire – 1976 – soit également consacrée au violon. Et pour la suite, le hasard des alternances et de leurs modifications fera bien les choses : c’est encore au violon que l’on commémore, en 2001, le cinquantième anniversaire du premier Concours nommé Reine Elisabeth. Et, en 2012, le septante-cinquième anniversaire du premier Concours encore nommé Eugène Ysaÿe. Tout comme celui de 1937, le jury de 1951 couronnera un violoniste venu d’URSS : Leonid Kogan. La sélection rigoureuse, les entraînements intensifs et l’esprit d’équipe ont une fois de plus fait merveille puisque les soviétiques sont à nouveau quatre parmi les douze lauréats. Pendant les années de guerre froide, l’URSS vaincra d’ailleurs régulièrement les États-Unis sur le terrain du violon : Michlin gagne en 1963, Hirschhorn en 1967, Bezverkhny en 1976 et Repin en 1989. Et le seul Américain couronné – Berl Senofsky

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en 1959 – est d’origine ukrainienne. Mais même au pays de l’excellence et de l’hyper-organisation artistique, les surprises restent possibles : en 1967, les autorités soviétiques avaient prévu et souhaité la victoire de Gidon Kremer plutôt que celle de Philippe Hirschhorn. Et il se dit qu'au sein du jury les tensions furent palpables entre David Oïstrakh, professeur et partisan du premier cité, et Yehudi Menuhin, défenseur de celui qui l’emporta finalement. Les sessions de violon ne se sont toutefois pas résumées, loin s’en faut, à un simple affrontement Est-Ouest. Deux Japonaises (Horigome et Toda), un Bolivien (Laredo), une Israélienne (Fried), un Taïwanais (Hu), un Danois (Znaider), une Lettone (Skride), un Arménien (Khachatryan) et un Australien (Chen) ont également remporté le précieux trophée. Et, depuis la jeune Lola Bobesco, Roumaine de 17 ans finaliste du Concours Ysaÿe en 1937 et établie en Belgique ensuite, nombre de Belges se sont illustré(e)s au Concours : Marcel Debot et Clemens Quatacker en 1955, Marjeta Delcourte-Korosec en 1967, Rudolf Werthen et Édith Volckaert – une élève de Carlo Van Neste – en 1971 puis Véronique Bogaerts, autre élève de Van Neste, en 1980. Après cela, il a fallu patienter un quart de siècle avant de voir des violonistes belges parmi les douze finalistes : mais l’attente en valait la peine puisque tant Yossif Ivanov (2005) que Lorenzo Gatto (2009) sont montés sur la deuxième marche du podium. Une place à laquelle aucun Belge n’avait accédé auparavant, toutes disciplines confondues4. On peut aussi pointer tous ceux qui, sans remporter la première place au concours de violon, ont malgré tout mené de grandes carrières de solistes – Alberto Lisy, Agustin Leon Ara, Gidon Kremer ou Jean-Jacques Kantorow – ou de pédagogues – Zakhar Bron, professeur de tant de jeunes violonistes et notamment de Vadim Repin et Maxim Vengerov. Mais aussi tous ceux que l’on retrouve aujourd’hui dans des ensembles de musique de chambre en vue : les Américains Eugene Drucker et Philip Setzer, tous deux 4.  Mais que le ténor Thomas Blondelle a également atteinte en 2011.

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lauréats en 1976, ont fondé ensemble le Quatuor Emerson, et on retrouve Annalee Patipatanakoon dans le Trio Gryphon, Martin Beaver dans le Tokyo String Quartet, Natalia Prischepenko dans le Quatuor Artemis ou Vineta Sareika dans le Trio Dali. On aime, ainsi, à rappeler qu’il y a une vie après les concours et qu’elle n’est pas nécessairement une vie de soliste. Il y a même, et on s’en réjouit, des violonistes qui ont trouvé l’épanouissement dans des orchestres : outre les Belges Quatacker, Delcourte-Korosec et Werthen, déjà cités, on peut évoquer le nom de Tatiana Samouil : elle a réintégré l’Orchestre symphonique de la Monnaie après avoir atteint le stade des finales en 2001, et y occupe aujourd’hui la fonction essentielle de Konzertmeisterin, tout en se produisant parallèlement tant comme soliste que comme chambriste. Compte tenu du prestige du palmarès, une victoire au Concours Reine Elisabeth reste un must pour tout violoniste : certains s’y sont même essayés à plusieurs reprises5. Emblématique aussi, la victoire de Sergey Khachatryan en 2005 : le jeune violoniste arménien était de ceux, rares, qui ont la chance de commencer une belle carrière internationale de soliste sans avoir eu besoin de concours. Il prit malgré tout la peine – et surtout le risque – de venir présenter le Reine Elisabeth. Risque payant puisqu’il le gagna brillamment – c’était presque la chronique d’une victoire annoncée – mais que peu d’autres auraient pris à sa place. Par rapport aux sessions de piano, les sessions de violon se caractérisent par l’importance peut-être plus grande encore que prend la technique. On ne sait si c’est consubstantiel aux violonistes ou si le recrutement du jury incline à cette tendance, mais les palmarès donnent souvent l’impression qu’aucun pardon n’est possible pour d’éventuelles imperfections techniques.

5.  Impossible de citer ici tous ceux qui, restés sur le carreau au premier ou au deuxième tour, ont atteint les finales lors de leur deuxième tentative quatre ans plus tard. On peut par contre évoquer ceux qui ont atteint deux fois les finales : Luben Yordanoff et Pierre Doukan (1951 et 1955), Hiderato Suzuki (1963 et 1967), Joshua Epstein (1967 et 1971), Eugène Sarbu (1976 et 1980), Bin Huang (1993 et 1997) ainsi que Mikhail Ovrutsky (2001 et 2005). Jusqu'en 2007, seuls ceux qui s'étaient classés parmi les six premiers pouvaient se représenter : et il est intéressant de constater que, hormis Doukan, passé de la dixième à la troisième place, aucun de ces seconds essais ne fut couronné d’un podium. Depuis 2007, il n'est plus permis de participer deux fois à une phase finale : dès lors, ce qui s'y sont classés ne se réinscrivent plus.

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Et qu’il semble donc y avoir moins de place pour les poètes sur les podiums de violonistes que sur les podiums de pianistes. Peut-être parce que, selon le mot consacré, les violonistes sont les seuls à être vraiment capables de jouer des fausses notes, les pianistes étant seulement susceptibles de jouer des notes justes mais inappropriées ? Quoi qu’il en soit, voici longtemps que le Reine Elisabeth n’a plus couronné d’un premier prix un violoniste qui soit l’équivalent des poètes qu’étaient Braley, Groh ou von Eckardstein. Une caractéristique, encore, retient l’attention. Les courses hippiques, comme les concours de violon, reposent sur un binôme : cheval / jockey d’un côté, violon / violoniste de l’autre. Mais si, dans les premières, le cheval fait l’essentiel et le jockey ne joue qu’un rôle marginal pour autant qu’il reste dans les mensurations requises, dans les seconds, c’est le violoniste qui compte avant tout, mais le violon peut contribuer à faire la différence. Il est des instruments qui sonnent mieux que d’autres. Dès lors, il arrive que certains candidats se fassent prêter un instrument pour leur participation au concours, voire pour les seules finales : c’est à la fois une chance et un risque, tant il est vrai que la rencontre d’un interprète avec un violon est chaque fois un défi où les deux doivent mutuellement s’apprivoiser. Depuis 1997, la Nippon Music Foundation met gratuitement à la disposition de chaque vainqueur des sessions de violon un des seize (!) Stradivarius qu’elle possède : le Huggins, du nom de l’astronome anglais William Huggins qui en fut l’heureux propriétaire au XIXe siècle. Nikolaj Znaider, Baiba Skride, Sergey Khachatryan et Ray Chen se le sont ainsi partagé.

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concours scenes reine et elisabeth coulisses Nicolas Blanmont

Le Concours Reine Elisabeth est, dit-on, le plus prestigieux des concours musicaux. Est-ce vrai ? Repartant de sa création sous le nom de Concours Eugène Ysaÿe en 1937, ce livre raconte l’histoire, mais explique aussi le présent de la fameuse compétition qui, chaque mois de mai, passionne la Belgique. Violon, piano et chant : toutes les sessions sont-elles d’un même niveau ? Quel est le rôle de la famille royale ? Comment vivent les douze finalistes à la Chapelle ? Pourquoi un tel retentissement médiatique ? Que sont devenus les gagnants des éditions précédentes ? Et que sont devenus… les concertos imposés et leurs compositeurs ? Observateur de la scène mais aussi des coulisses, Nicolas Blanmont répond à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Reine Elisabeth. Journaliste à La Libre Belgique et animateur à la RTBF, Nicolas Blanmont suit chaque session du Concours Reine Elisabeth depuis 1987, et en assure la présentation à la télévision depuis 1997.

Prix : 25 €


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