Zibel117

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14.04 > 12.05.18

N°117

ZIBELINE

Mensuel culturel engagé du Sud-Est festivals de mai

3€ L 11439 - 117 - F: 3,00 € - RD

La menace

nucléaire

maravilloso

MP 2018


Une proposition collective de L’Officina - Dansem, Parallèle - Plateforme pour la jeune création internationale, Hydrib Plateforme dédiée aux arts visuels et le Festival de Marseille, en coproducion avec MP2018, Quel Amour !

MARAVILLOSO DU 2 AU 13 MAI MARSEILLE

Projets artistiques en espace urbain avec la complicité des habitants de Marseille


MARS AVRIL 2018

RETROUVEZ ZIBELINE SUR JOURNALZIBELINE.FR

CULTURE ET SOCIÉTÉ Mensuel payant paraissant le deuxième samedi du mois Édité à 20 000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé

Imprimé par Riccobono Imprim’vert - papier recyclé Crédit couverture : © Alouette sans tête Conception maquette Tiphaine Dubois

Directrice de publication & rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Anna Zisman anna.zisman.zibeline@gmail.com

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Eux et nous Nous sommes arrivés peu à peu aux portes d’une guerre acceptée. Dans une de ces périodes historiques où se dessinent un nous et un eux qui n’éprouvent plus leur humanité commune. Peut-on encore le refuser ? Clamer je suis Mireille Knoll, et dans le même temps je suis le Gazaoui descendu par les tirs israéliens, et dont l’actualité ne retient pas le nom ? Je suis le gendarme héroïque, je suis le boucher tué au hasard, mais je suis aussi le soldat israélien et l’assassin antisémite, le terroriste islamiste, l’exécutant et le barbare ? L’Europe depuis toujours accorde moins de valeur à ceux qui ne sont pas nés dans son enclos. Ecrit Égalité sur ses frontons républicains mais consolide les clivages ethniques et les inégalités sociales. Et, aujourd’hui, rejette vers le néant et l’im117 pensé ceux qui fuient leur pays en proie aux violences et à la misère. Françoise Nyssen a lancé un appel aux acteurs culturels afin qu’ils facilitent l’accès à la culture des exilés, alors même que certains sont matraqués, dorment dans le froid et sans secours alimentaire, ou sont reconduits à la frontière, souvent vers la mort. Et que ceux qui leur portent secours sont assignés devant les tribunaux. Ainsi, on nous demande de choisir parmi les exilés ceux qui seront traités en humains. Ceux qui auront le droit d’être accueillis, protégés, d’accéder à la culture. À notre culture (et pas la leur), notre sol (et pas le leur), notre humanité (et pas la leur ?). L’origine des guerres qui nous attendent est là, dans ce déni d’humanité qui permet de rester indifférent à la mort de l’ennemi. Devenu ennemi non parce qu’il est dissemblable, mais parce qu’il veut être comme moi.

ÉDITO

Édité par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732

AGNÈS FRESCHEL


E   xposition

2   5 avril—10 sept. 2018

O   r

M   ucem

Avec le soutien de

Avec la participation exceptionnelle du musée du Louvre

Partenaires :

Photographie : Lingot en forme de disque plat, Élam (actuel Iran), Suse, vers 1500-1200 av. J.-C., Paris, musée du Louvre, département des Antiquités orientales © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux


sommaire 117

SOCIÉTÉ

La menace nucléaire, les perturbateurs endocriniens (P.6-7)

politique culturelle

Politique et liberté de création, exposition Nous et les autres (P.8-9) Balance ton Off (P.10-12) Capitales provençales de la culture (P.14-15) La Marelle (P.16-17) Les écoles d’art d’Aix-en-Provence et Marseille (P.18-19)

Les écrivains Joseph Boyden et Tom Cooper au travail à La Marelle, villa des auteurs de la Friche © Fanny Pomarède Abraham Poincheval dans sa Bouteille, Envies Rhônements 2018 © Jean E. Roché

événements

Printemps de la danse, Ballets de Monte Carlo (P.20-21)

Les Envies Rhônements, le Grand ménage de printemps, Hors les Vignes (P.22-23) Les Musiques, Saperlipopette (P.24-25)

critiques

Spectacles, rencontres, musiques (P.30-58) Marseille, Aix, Vitrolles, Martigues, Arles, Avignon, Ansouis, Toulon, Ollioules, Le Pradet, Draguignan, Quinson, Château-Arnoux, Chaillol, Montpellier

Maravilloso, Etoile du Nord (P.26) Festo Pitcho, Place aux Compagnies (P.27) Mucem, Opera Mundi, Entrelivres, Collège de la Méditerranée (P.28-29)

AU PROGRAMME DU MOIS Musiques (P.60-65) Spectacles (P.66-73)

Notre enfant, de Diego Lerman. Présenté en avant-première au festival Nouv.o.monde de Rousset

cinéma [P.74-79]

Marseille, Aix, La Ciotat, Grans, Port-Saint-Louis, Fos, Istres, Miramas, Châteaurenard, Martigues, Cotignac, La Napoule, Avignon, Montpellier

Arts visuels [P.80-88]

Marseille, Aix, Arles, Saint-Rémy, Avignon, Malaucène, Digne, Toulon, Nîmes, Montpellier, Sète, Mougins, Biot Nuage Vert, 2010 Ivry © HeHe - Ardenome, Avignon

livres [P.89-84]


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société

Suspens nucléaire

UNE ENQUÊTE DE FOND SUR LE NUCLÉAIRE CIVIL EN FRANCE VIENT DE PARAÎTRE. DE QUOI RÉVEILLER LES ESPRITS FACE À LA CATASTROPHE QUI VIENT ?

«E

t ça se passera près de chez vous », tel est le sous-titre de l’ouvrage Nucléaire : danger immédiat publié en début d’année par deux journalistes indépendants, Thierry Gadault et Hugues Demeude, chez Flammarion. Une enquête approfondie, circonstanciée, terrifiante, dans les méandres du complexe nucléaire tricolore, avec en annexe le Tour de France des centrales, répertoriant leurs failles. Pour tout savoir sur les irrégularités de fabrication des réacteurs, et les mensonges d’une industrie qui « s’affranchit allègrement des règles de sécurité qu’elle s’est elle-même fixées, parce qu’elle est souvent incapable de les respecter ». Le tout-nucléaire est un choix qui n’a jamais été validé démocratiquement. Le lieu d’implantation des sites n’a pas été le résultat d’une analyse objective des risques sismiques ou d’inondations, mais plutôt l’effet d’un généreux

carnet de chèque pour convaincre les élus locaux. EDF a sacrifié la maintenance en faveur de son expansion internationale. La maîtrise technique nécessaire au démantèlement des centrales en fin d’exercice n’est pas acquise. Chaque réacteur* produit 220m3 de déchets radioactifs par an, que la société va devoir gérer pendant des siècles, voire des millénaires. Lors d’un entretien avec les auteurs en octobre dernier, alors qu’ils évoquaient la probabilité d’un accident, Pierre-Franck Chevet, le président de l’ASN**, leur a déclaré « je touche du bois ». Une expression difficile à qualifier : tragique, dérisoire, ou simplement désolante ? On pourrait penser que l’essor des énergies renouvelables partout dans le monde et le coût exorbitant du nucléaire suffiraient à rabaisser le caquet des ingénieurs des Mines et des

technocrates qui le maintiennent depuis les années 50, mais non, presque toute la structure administrative de l’État est encore nucléariste.

Le déni mène au pire

Joint par téléphone, Thierry Gadault témoigne des réactions qui ont suivi la publication de son livre : « Le complexe nucléaire est absolument scandalisé par les informations que nous avons publiées, issues de documents internes à EDF ». Et le public ? « Nous avons eu beaucoup de presse à la parution, les médias font leur boulot, mais très peu de sollicitations pour le présenter. Un seul débat, à Grenoble, et une autre rencontre fin avril,

«J

©© Creative Commons

Perturber les endocrines

’aurais aimé que mon discours ne soit pas si catastrophiste. Visiblement j’ai échoué » conclut avec candeur Vanessa Delfosse, spécialiste de l’« effet cocktail » des perturbateurs endocriniens*. Ces substances chimiques omniprésentes depuis les années 1950, capables de mimer l’action des hormones naturelles, et de perturber gravement le développement des humains (entre autres êtres vivants). La chercheuse est intervenue le 5 avril sur le Campus Joseph Aiguier à Marseille, dans le cadre des Jeudis du CNRS, cycle de conférences scientifiques ouvertes à tous. Pour livrer un exposé un peu difficile à suivre pour les non-spécialistes de biologie, dans ses aspects les plus techniques, mais très clair sur le fond. Au quotidien, l’homme moderne s’est entouré de plus de 150 000 composés chimiques, dont beaucoup ont un effet néfaste sur sa santé.


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© TnK1PrD

fusion sont en train de percer la base en béton de la centrale, avant de contaminer les nappes phréatiques. Dans le numéro d’avril du Monde Diplomatique, Philippe Pataud Célérier rappelle que, lassé de payer les aides qui permettaient aux habitants d’habiter en dehors des zones irradiées, le gouvernement nippon les a supprimées. Une campagne leur explique que « l’environnement contaminé serait moins nocif pour les populations que la « radiophobie » ou le stress provoqué par un douloureux déracinement ». Le genre de rhétorique que nos propres élus pourront eux aussi nous servir, si on les laisse s’enferrer plus avant dans le nucléaire, lorsqu’il sera trop tard et que la décontamination leur semblera trop onéreuse. Après tout, comme le relève Thierry Gadault, en faisant allusion au passé bancaire du président Macron, « Rothschild est la banque du nucléaire français. Ça marque ». GAËLLE CLOAREC

c’est tout. » Voilà qui confirme l’impression de désintérêt des populations concernant le nucléaire, qui nous avait frappés le 22 février, peu de monde étant venu soutenir devant les Préfectures les opposants au projet d’enfouissement de déchets sur la commune de Bure (lire notre article Danger nucléaire sur journalzibeline.fr). Désintérêt, ou déni face à ce danger mortel si facile à oublier quand il est si confortable de monter un peu le chauffage, sans réfléchir à la provenance de l’électricité ? Pourtant, au fond de soi, chacun sait depuis Tchernobyl et Fukushima que les catastrophes adviennent,

que le parc nucléaire français est vieillissant, que les fûts toxiques s’accumulent. Quand on lui demande comment il envisage l’avenir dans ces conditions, Thierry Gadault prend son élan, et répond : « Il faut se préparer au pire ». Le pire, c’est l’accident grave sur le territoire français. S’il survient sur le site du Tricastin, l’une des centrales les plus vieilles et les plus fragiles, nul ne sera à l’abri dans le sud-est de la France. Profitez bien du thym en fleur à cueillir dans les collines, des pêches et abricots de nos vergers. Ce seront peut-être les derniers que vous goûterez. À Fukushima, les matériaux radioactifs en

* Il y en a 58 en France, répartis sur 19 sites. Le 59e est en construction à Flamanville (Normandie), un chantier fameux pour son coût, passé de 3,3 milliards d’euros à 10,5 selon les dernières estimations, et les graves anomalies de sa cuve. **Autorité de Sûreté Nucléaire, qui assure, au nom de l’État français, la réglementation et le contrôle du nucléaire pour protéger le public, les patients, les travailleurs et l’environnement.

Environ 500 d’entre eux sont identifiés à ce jour, parmi lesquels certains sont désormais interdits... mais d’autres non, puisque les lobbys de la chimie, des pesticides et du plastique pèsent de tout leur poids auprès des instances européennes pour freiner la réglementation, afin que l’on continue à consommer massivement leurs produits empoisonnés (lire à ce sujet notre article La santé en mains sales sur journalzibeline.fr). Triclosan, phtalates, dérivés halogénés... Ils sont présents dans nos peintures, solvants, Tupperware, composants électroniques, produits d’entretiens, cosmétiques... entraînent malformations, cancers, obésités, baisse considérable de la fertilité... Vanessa Delfosse estime que les troubles autistiques, en constante augmentation, pourraient être corrélés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens, et que les répercussions d’ensemble de cette exposition,

toutes pathologies confondues, coûtent 150 milliards par an dans l’Union Européenne. Leur dangerosité est d’autant plus forte qu’ils peuvent être actifs à faible dose, conjuguent leurs effets voire les surenchérissent, s’accumulent dans l’organisme. Alors que faire ? Pour la chercheuse, il faut garder en tête le concept de fenêtre d’exposition (l’organisme est plus vulnérable aux toxiques in utero et dans l’enfance), et prendre en compte le principe de précaution. Changer d’habitudes au quotidien, éviter les contenants alimentaires en plastique, surtout chauffés, manger bio. « Bien-sûr, on ne peut rien contre l’exposition passive, face à l’épandage de pesticides dans les champs, par exemple ». Rien ? Si, pister les industriels, peser sur les politiques. Elle-même observe que depuis dix ans qu’elle travaille sur ce sujet l’inquiétude monte et « les gens militent de plus en plus ». Une personne dans l’assistance relève

que les perturbateurs endocriniens sont une bombe à retardement, car leurs effets sont transmis d’une génération à l’autre. Vanessa Delporte opine, puis soupire : « Il faudrait en étudier l’impact sur 100 ans. L’exposition a commencé après guerre, on ne pourra vraiment estimer les conséquences que d’ici 20 ou 30 ans ».

À LIRE Nucléaire : danger immédiat Hugues Demeude, Thierry Gadault Flammarion Enquête, 21€

GAËLLE CLOAREC

* Elle a reçu pour ses travaux le prix « Grandes avancées françaises en biologie » de l’Académie des sciences en 2016.

À LIRE Intoxication Perturbateurs endocriniens, lobbyistes et eurocrates : une bataille d’influence contre la santé Stéphane Horel La Découverte, 19 €


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politique culturelle

Politique et liberté de création APRÈS CHAQUE ATTAQUE ISLAMISTE LES RESPONSABLES POLITIQUES PARLENT DE LA CULTURE COMME D’UN REMPART À LA BARBARIE. CE QUI POSE, EN CREUX, LA QUESTION DE LA LIBERTÉ DE LA CRÉATION

L

l -C an Je

e 28 mars la Nation faisait au gendarme Jdanov n’envoyait pas forcément les artistes au Arnaud Beltrame un Hommage National. goulag, il cessait de leur commander des œuvres, Jean-Claude Gaudin (LR) faisait obser- de les financer, et les plongeait dans la misère ver une minute de silence au milieu culturel et l’impossibilité de créer au nom du réalisme rassemblé pour la conférence de presse de socialiste, c’est-à-dire de l’utilité sociale de Marseille Jazz des 5 continents, soulignant dans l’art. Dans le même temps aux États-Unis son discours la force de la culture « pour faire Hoover et ses acolytes mesuraient le temps connaître l’autre ». des baisers, interdisaient la nudité, le sang Un propos similaire étayait le et les os qui craquent, chassaient discours de Michel Bissière, les réalisateurs communistes. conseiller régional LR Depuis, en réaction, les partis et candidat déclaré à la démocratiques se gardent mairie d’Avignon, lors de de toute prescription sur le « contenu » des la conférence de presse œuvres, jugeant seudu Festival d’Avignon, le même jour. Il ajoutait lement, pour attribuer pourtant que la condiles financements publics, tion sine qua none à cette de « l’excellence », ou du vertu sociale de l’art était la moins de « l’exigence » des au de liberté de création « car l’art artistes, critère hélas flou et Ga ud in © ns mo Rama n’est jamais aussi beau que lorsqu’il subjectif, perméable aux modes m o -Creative C est libre ». et pouvant conduire à un certain éliCécile Helle, maire d’Avignon (PS) enfon- tisme. Les politiques tempèrent donc cette çait le clou, soulignant que la culture est un « excellence » d’une politique du résultat, en « antidote au terrorisme », que la liberté de termes quantifiables de « remplissage » des création est nécessaire mais inutile sans liberté salles et des musées, de spectateurs touchés, de production et de diffusion, c’est-à-dire et de présence dans la cité et dans les « zones sans moyens. Parlant de « rêve collectif », de blanches » (entendez les banlieues défavorisées « nécessité du service public », elle présenta la et les territoires ruraux éloignés). Mais quelles culture comme « la seule alternative pour un len- que soient leur options, qu’ils pensent l’art demain possible » mais rappela aussi sa nécessaire comme un ferment de la cohésion sociale ou « fonction d’interpellation » : « la culture doit rester du développement économique, comme un un outil de combat, être en résistance, penser les outil éducatif ou une porte vers la perception alternatives au tout économique, au tout financier ». de la beauté et de la complexité du monde, aucun des partis politiques démocratiques ne remet en cause la désormais sacro-sainte En ce jour de deuil, les problématiques et liberté de création. paradoxes étaient dessinés en quelques mots. Doit-on assigner une fonction à l’art, même émancipatrice, même subversive ? Faut-il Pourtant comment ne pas voir que les œuvres prôner une liberté de création qui se méfie culturelles, sinon les œuvres d’art, fabriquent de toute orientation politique comme d’un nos imaginaires ? Que « la vie imite l’art bien plus jdanovisme1 ? que l’art n’imite la vie », comme l’écrivait Oscar

Tout sauf Jdanov

Censure et tabous

Cécile Helle © Gaelle Cloarec

Wilde, et que le 11 septembre ressemble à s’y méprendre aux films catastrophes des années 80, les massacres de lycéens américains et les prises d’otages aux scénarios des blockbusters, et que tous les attentats en France semblent sortis de ces jeux vidéos où l’on gagne en descendant le plus de « cibles » possible, en les arrachant de leurs véhicules et en fonçant ensuite dans la foule ? Si l’on croit au pouvoir de l’art comme « rempart contre la barbarie », comment jugerait-on que les séries morbides, le cinéma « d’action », les jeux vidéos violents n’influent pas sur les comportements de ceux qui les consomment massivement ?


9 La notion de Liberté de création repose sur deux illusions : celle du Libre Arbitre, qui nie que nous sommes façonnés par ce que nous vivons, et que nous ne pouvons nous en départir, et celle qui détache l’œuvre des dominations sociétales et économiques qui président à sa création. Les dernières déclarations de l’Observatoire de la Liberté de Création2 sont à cet égard emblématiques : loin de s’inquiéter du fait que quatre conseillers Front national assignent en référé le département de Vaucluse pour avoir voté la subvention annuelle du Festival d’Avignon alors qu’ils sont « en désaccord avec le thème de l’édition », c’est-à-dire le genre, l’Observatoire s’élève contre le fait que Bertrand Cantat est déprogrammé à Saint Nazaire. Il s’inquiète, dans une tribune intitulée Ne nous trompons pas de combat et publiée le 3 janvier dans Libération, de « nouveaux anathèmes contre les œuvres » et des « dénonciations publiques », citant non le Front national mais les organisations antiracistes et féministes. Il est certain que « lorsqu’il s’agit de création et de représentation artistique, la censure n’est jamais une solution ». Encore faut-il penser cette liberté dans le système de domination qui la régit. Est-elle libre, la création qui depuis des siècles assigne une place si stéréotypée aux femmes, aux racisés ? Comment s’opère le choix lors des commandes publiques, des programmations, pour qu’aujourd’hui encore on voit si peu de femmes et de racisés sur les scènes et les cimaises ? De même, la disparition progressive dans notre région du thème méditerranéen remplacé par celui de la Provence ne relève pas à proprement parler de la censure. Mais qui peut dire que ce choix, qui se traduit par une pression économique et une orientation nouvelle de la commande publique, n’influe pas sur la liberté de création des artistes, à l’instar de ceux que Jdanov privait de revenus ? AGNÈS FRESCHEL

Jdanov fut le ministre de la culture de Staline qui théorisa et mit en pratique la censure en URSS, et les prescriptions autoritaires du Réalisme Soviétique 1

Fondé en 2003 par une quinzaine d’organisations du spectacle, du cinéma et des arts il veille, au sein de la Ligue des Droits de l’Homme, à la Liberté de création 2

PierreVives fait passer le message

Vue d’exposition © AZ

S

i l’on devait classifier les manifestations culturelles, il y aurait les sujets tabous qu’il est bon de bousculer, ceux qui s’engouffrent dans un consensus établi, ceux qui plongent dans l’univers singulier des artistes, ceux qui caressent les instincts (« bons » ou « mauvais ») dans le bon sens... L’exposition Nous et les autres présentée au domaine départemental PierresVives à Montpellier est à inscrire dans le volet « utile ». Fruit d’une collaboration inédite entre le Musée de l’Homme à Paris et le département de l’Hérault, elle est la première d’une série de trois* à s’exporter depuis la capitale, adaptée à l’espace du bâtiment, nouveau phare de la cité de la Mosson. Ici, en plein cœur du quartier aux 40 nationalités, le Musée de l’Homme et le département présidé par Kléber Mesquida (PS) proposent une diffusion du savoir scientifique au moyen de médias et scénographies qui puissent offrir une base de réflexion commune sur les questions de notre société contemporaine. Avec son titre très autocentré, Nous et les autres aborde frontalement le racisme d’hier et d’aujourd’hui. Frontalement, dans le sens où le phénomène est traité de façon didactique : il s’agit de guider les visiteurs vers une meilleure compréhension de ce qu’est le racisme, avec un but clairement affiché d’éducation et, comme l’explique Evelyne Heyer, commissaire de l’exposition, de « construire des citoyens éclairés ». Dépassionner, déconstruire les idées reçues, et revendiquer un discours résolument humaniste : nous sommes bien dans la lignée d’une démarche culturelle à message. Il est d’ailleurs affiché dès le début de l’exposition, sur l’un des petits panneaux (pas très bien) imprimés : « Cette exposition démontre l’égalité des êtres humains dans leur diversité ». Pas de moralisation, des explications. Mission de service public.

Les moyens sont à la fois efficaces et peu ostentatoires. On se croirait dans un cours de lycée, option professeur passionné et inventif. La première étape du parcours, « Moi et les autres », est la plus spectaculaire. Dans la reconstitution d’un hall d’aéroport (nonlieu impersonnel, où se croise l’humanité en transit et au travail) nous voici face à des mots qui classent, selon la couleur, l’aspect vestimentaire, le genre... Catégorisation, hiérarchisation, essentialisation. Ils mettent dans des boîtes, qu’on range les unes au-dessus des autres, et favorisent les raccourcis. Jeux sur tablettes et vidéos sur grands écrans aident à admettre que tout un chacun (oui, tout le monde, même nous, vous, visiteurs ouvert et éduqué !) se laisse entrainer dans ce processus de stéréotypes. Trois portiques mènent au deuxième temps de l’exposition. Lequel choisira-t-on ? Va pour celui du milieu, tempérance oblige. « Toi tu travailles dans les médias » lance une voix assurée lors du franchissement. Comme quoi, les préjugés seraient parfois dans le vrai ?! « Race et histoire » expose trois cas de sociétés basées sur le racisme : la France coloniale (objets en vitrine : boîtes de Banania, affiches d’exposions coloniales, à visée didactiques en leur temps), l’Allemagne nazie et le génocide rwandais (deux vidéos, quelques objets). Un très intéressant « État des lieux aujourd’hui » clôture la démonstration. Dehors, sur le parvis, des enfants profitent d’une activité foot organisée par Hérault Sport. Ça crie, ça rit. Il y a même des filles. Mais pas un seul blanc. Quant à nous, le tramway nous attend pour revenir au centre-ville. ANNA ZISMAN

* Néandertal entre mythe et réalité : L’autre et nous sera proposée en 2019 et L’Alimentation en 2020.

Nous et les autres, des préjugés au racisme jusqu’au 28 juillet Domaine départemental PierresVives, Montpellier 04 67 67 30 00 pierresvives.herault.fr


10 politique culturelle

#BalanceTonOff,

les premiers résultats de l’enquête LE QUESTIONNAIRE SUR LES PRATIQUES DES SALLES DURANT AVIGNON OFF SUSCITANT DE NOMBREUSES RÉPONSES, ZIBELINE LIVRE LES PREMIERS RÉSULTATS DE SON ENQUÊTE. EN S’ATTACHANT AUX THÉÂTRES QUI CHERCHENT À PROPOSER UNE PROGRAMMATION DE QUALITÉ

I

l y aurait un lièvre, que l’on aurait levé. Enfin, disent certains, tandis que d’autres nous font des reproches. Pourquoi Zibeline jette-t-elle l’anathème sur le Off, alors qu’il est un merveilleux lieu de visibilité de notre désir de théâtre ? Le mettre en danger n’est pas notre intention, mais dénoncer les abus. Les Sentinelles, regroupement de compagnies, lancent une pétition et un appel à vigilance dans le même esprit : il s’agit d’alerter sur certaines dérives pour tenter d’assainir la marchandisation de certains lieux, de souligner la spéculation immobilière qui fait monter mécaniquement le prix des salles, et l’appauvrissement général de la diffusion théâtrale qui pousse toutes les compagnies à venir au Off, même s’il leur en coûte financièrement. Tous les théâtres d’Avignon ne participent pas à la surenchère, et la plupart ont tout intérêt à ce que la transparence soit faite

Entrée du Théâtre des Halles © Marina Raurell

sur leurs bonnes pratiques, qui les distinguent des garages transformés l’été en théâtres, et des salles de stand up achetées par des producteurs parisiens qui envahissent de leur

vulgarité tapageuse les rues avignonnaises, l’été. Aussi nous publions aujourd’hui les réponses de ceux qui œuvrent aux yeux même des compagnies qui ont répondu au questionnaire, à

La presse réagit Si nombre de nos collègues (France 3, France bleu Vaucluse...) ont relayé le #BalanceTonOff avec intérêt, certains ont fait preuve d’une mauvaise foi étonnante. Ainsi la Provence a publié le 28 mars ce qui apparaît comme un entretien avec Zibeline, alors que le journaliste n’a pas cherché à nous joindre, ne s’est entretenu avec personne, a pris la photo illustrant l’article dans les réseaux sociaux, et nous accuse de « surjouer la scène », sans y avoir assisté. Un entretien aurait permis de comprendre les nuances d’une démarche qui venait d’être lancée... Plus étonnant ledauphine.com écrit : « Le festival Off d’Avignon est un bien commun beaucoup trop précieux pour que nous acceptions de le laisser dériver inéluctablement vers son auto anéantissement », déclarent les Sentinelles dans un (sic) lettre ouverte parue dans un journal culturel marseillais. Alors que nous n’avons pas publié la lettre ouverte, que Zibeline est un journal régional, et qu’il porte un nom. Mal renseigné ?

Le Bruit du Off, quant à lui, se réjouit que la presse et les compagnies s’attaquent aux abus du Off qu’ils dénoncent depuis des années, mais pas que Zibeline s’y attache ! « L’ex-gratuit culturel marseillais Zibeline d’un coup (sic) s’intéresse au théâtre avignonnais et aux dérives du OFF… Prépare t-il une édition spéciale pour juillet, à l’instar des vendeurs de pub comme « La Terrasse », afin de relever ses ventes et sa notoriété qui chacun le sait sont au plus bas ? » Calomniez calomniez, il en restera toujours quelque chose ? Il paraît étrange d’imaginer qu’un « ex gratuit » puisse, une fois payant, voir ses ventes « au plus bas »... Que le Bruit du Off se rassure : Zibeline se porte plutôt bien, paye ses journalistes, améliore son impression, augmente sa pagination et ses ventes. Est-il si dangereux d’enquêter sur les pratiques du Off que nous dussions subir calomnies et approximations plus ou moins malveillantes ? De quoi nos collègues ont-ils peur ? A.F.


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Ceux qui produisent

De rares théâtres achètent voire produisent les spectacles, construisant des programmations relevant généralement de la volonté publique. Le Théâtre des Doms est un exemple de cette exception : le théâtre avignonnais est un lieu permanent qui, subventionné par la Wallonie et Bruxelles, programme des compagnies belges durant l’été et toute l’année. Celles-ci répondent à un appel à candidature : en moyenne 150 répondent chaque été, 12 sont retenues, 6 étant programmées aux Doms et 6 autres dans des théâtres partenaires. Les compagnies sont rémunérées (5000 € par artiste et technicien, 2500 € pour un chargé de production), accompagnées par l’équipe technique. La billetterie et les réservations sont prises en charge, ainsi que la communication même si les compagnies « tractent » aussi.

Théâtre Artéphile © X-D.R.

Les Doms ne sont pas les seuls à fonctionner comme la vitrine d’un territoire : ainsi Les Pays de la Loire conduisent chaque année une opération de diffusion, mettant à disposition des compagnies sélectionnées Le Grenier à Sel, s’occupant de la communication, de la billetterie, de la technique et investissant 330 000 euros dans l’opération. Seule condition : que les comédiens soient effectivement rémunérés et hébergés par les compagnies retenues. La région Hauts-de-France fonctionne à peu près sur le même système, accompagnant 14 compagnies sélectionnées chaque année (participation aux frais, location de la salle, accompagnement technique et com), tandis que l’Occitanie « fait son cirque » sur l’île Piot en produisant et accompagnant 10 compagnies par an. Les Hivernales, Centre de Développement Chorégraphique National, fonctionne pour l’essentiel sur le même mode l’été, achetant des cessions, accueillant une partie de la programmation des Doms, des Régions Paca et limitrophes, et des autres CDCN français.

Le Théâtre du Balcon © DM

protéger et défendre la création théâtrale et chorégraphique, dans sa diversité et sa fragilité. Ces théâtres ont répondu avec clarté et précision à nos questions. Se réjouissant, tous, de cette volonté d’assainir ce qui est devenu un marché, volonté sensible non seulement dans la Lettre ouverte des Sentinelles, mais aussi dans le comportement d’AF&C (association qui encadre le Off) qui a mis en place une charte des bonnes pratiques, un fonds de professionnalisation à destination des compagnies, et qui les aide à rationaliser leurs frais de communication. La mobilisation est un mouvement global, condition de son succès, et signe qu’elle peut aboutir.

Pratiquant aussi le partage des recettes avec ceux qui préfèrent ce système, voire la location pure. Car l’essentiel, et ce sont les compagnies qui l’affirment, n’est pas le mode de la contractualisation, mais la visibilité, l’impact auprès de la presse, des professionnels (plus de 500 assistent aux Hivernales d’été) et l’idée d’une programmation ambitieuse et cohérente, susceptible d’attirer le public.

Les théâtres subventionnés

Le Chêne Noir, les Théâtres des Carmes, des Halles, du Balcon, ainsi que Théâtr’enfants (Eveil artistique) sont des théâtres subventionnés et historiques qui pratiquent pour l’essentiel la coréalisation. C’est-à-dire le partage des recettes, à 50/50, avec des nuances selon les lieux : ainsi le Chêne Noir, qui dispose de 12 créneaux avec ses deux salles, produit chaque année sa propre création. Pour le reste il fournit équipe technique et plaquette, organise des avant-premières et une conférence de presse. Le Balcon fonctionne sur le même mode, demandant cependant un « minimum garanti » aux compagnies hors PACA, mais fournissant une salle de répétition et « privilégiant toujours le projet artistique plutôt que les têtes d’affiche ». Les Halles, qui eux aussi produisent une création maison par an (cette année Les carnets d’un acteur, voir page 40), propose des avant-premières, voire des programmations, produites pendant l’année, des spectacles accueillis l’été. Ainsi Les Orphelins de la Souricière (voir page 32) ont bénéficié d’une résidence de création, et de deux représentations. L’équipe défend la programmation dans son ensemble, choisit les spectacles et les accompagne, et apporte un soutien technique important. Tout comme l’Eveil artistique qui met tous ses moyens au service de l’enfance, privilégie les compagnies régionales, et n’accueille que 2 ou 3 compagnies par salle, considérant que les formes de théâtre d’objet ou les scénographies pour l’enfance ont suite p.12


Les Doms © Jérôme Van Belle

12 politique culturelle

généralement besoin de temps conséquents de montage et démontage. Les choix de Sébastien Benedetto au théâtre des Carmes relève également d’une véritable programmation, et d’un engagement. Qui porte ses fruits. La Violence des riches par exemple a connu un succès important l’an dernier. Aussi la compagnie veut-elle cette année revenir en location, qui lui rapportera davantage : ainsi le théâtre des Carmes coréalise parfois (50/50 sans minimum garanti) et loue d’autres fois, généralement lorsque les compagnies le demandent.

Les privés permanents

D’autres théâtres privés sans subventions ne peuvent se permettre la coréalisation et doivent assez mécaniquement, pour programmer à l’année et proposer des conditions d’accueil et de sécurité correctes, s’assurer de rentrer dans les frais engagés en louant leurs créneaux. Si les tarifs avoisinent généralement 100 euros le siège (entendez qu’une salle de 200 places se loue en moyenne 20 000 € pour 3 semaines soit 18 représentations), les conditions d’accueil varient du tout ou tout, et les deux théâtres de ce type qui arrivent au sommet des compliments dans les réponses au questionnaire sont, malgré leur prix, Artéphile et le Théâtre de L’Oulle : ceux qui y passent ne rentrent pas dans leur frais mais notent qu’ils sont accompagnés, que les choix des directeurs sont avant tout artistiques, que le travail auprès de la presse est fait, que les professionnels sont là et qu’ils vendent des dates... Plus de 10, pour la plupart. Laurent Rochut, directeur du Théâtre de l’Oulle loue le créneau entre 12 et 15 000 € (salle de 197 places) selon l’heure. Il vient d’acquérir la salle Tomasi (110 places) qu’il louera entre 9000 et 11 000 €. Il dit chercher des signatures fortes, et programmera des compagnies avignonnaises en coréalisation cet été. Et même si certains

lui reprochent de faire encore payer 1 € par billet vendu (jusqu’à concurrence de 1000 places vendues) il affirme que la coréalisation n’est pas forcément plus « vertueuse » que la location : « Cet été L’Oulle faisait salle comble très souvent, et j’aurais gagné davantage en prenant 50% des recettes. »

Un propos que tiennent aussi les directeurs d’Artéphile. « Si nous louons les créneaux (9500€ la salle de 94 places, 6500€ celle de 62 places) c’est pour accueillir au mieux les compagnies, que nous coréalisons aussi parfois grâce à notre fonds de dotation. Nous organisons systématiquement des avant-premières pour que tous aient de la presse en amont du festival, fournissons un régisseur général par salle, achetons des encarts dans la presse pour optimiser la visibilité, programmons les compagnies durant l’année pour suivre leurs projets, payons une attachée de presse, veillons à offrir de bonnes conditions technique d’accueil et de sécurité. Et, surtout, nous défendons les compagnies, parce que chacun des spectacles programmés chez nous relève d’un choix artistique avant tout. » Une politique saluée unanimement par les compagnies programmées qui, si elles perdent de l’argent durant le Off, notent aussi le surcroit de notoriété et le nombre de professionnels qui, passés par Artéphile, ont programmé leur spectacle pour les saisons suivantes. AGNÈS FRESCHEL

Quand les syndicalistes refondent Avignon ! TÉMOIGNAGE DE LA COMPAGNIE DU PAS DE L’OISEAU Depuis une dizaine d’années, 2 lieux issus de l’implication de militants syndicalistes CGT marquent les esprits comme des alternatives à la marchandisation du Off. Nous avons eu la chance d’accompagner ces 2 projets. Le Théâtre de la Bourse du Travail CGT est une salle en plein cœur de la ville. Une commission de bénévoles reçoit chaque année des dizaines de candidatures. Cette attractivité est due au très faible coût du créneau (entre 300 et 500 €, simple participation aux frais fluides) mais aussi à l’effet rassembleur des programmations passées élaborées autour d’un théâtre du réel, exigeant et pluriel, un théâtre engagé mais surtout engageant ! Certains programmateurs ont d’abord boudé le lieu arguant que la création dans un lieu militant serait sans doute « contrainte ». Année après année, l’image évolue et la salle est souvent pleine. Une dynamique de solidarité se construit entre les compagnies qui autogèrent le lieu. Projet hors norme, la Bourse ne reçoit aucune subvention et poursuit sa route grâce à l’engagement de chacun pour un théâtre populaire et coopératif. Le Théâtre de la Rotonde est un lieu animé par le CE des cheminots PACA qui unit pratiques amateures et professionnelles, fêtes et exigence artistique, rayonnement national et travail de terrain. Quand les cheminots ont annoncé qu’ils allaient construire un théâtre, personne ne les a vraiment crus... Mais ils ont inauguré leur lieu, et découvrent chaque année avec plus de finesse en quoi le théâtre est un outil au cœur de leurs engagements. Ils soutiennent des créations sur les Roms, les coopératives, autour d’Hugo ou de la psychiatrie... Ils usent du pouvoir qu’offre cet outil au service d’une humanité́ à construire. À la Rotonde, pendant 10 jours, les 4 créneaux sont gratuits, les compagnies hébergées et nourries, souvent aidées à la création : tous les jours se succèdent un spectacle pour les familles, deux créations professionnelles, et à 21h des compagnies amateures portées par des cheminots de toute la France. On y trouve aussi des débats, des rencontres, des cabarets... La buvette est portée par le club de foot des « Vieux crampons »... Comme dans un rêve de Vilar d’émancipation populaire et joyeuse. Un rêve pourtant fragile, hors des remparts, mais debout, comme un combat permanent, parce qu’il faut de la pensée et de la poésie pour changer le monde. AMÉLIE CHAMOUX ET LAURENT EYRAUD-CHAUME



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Lancement des Capitales provençales de la culture 2018 © Christian Rombi

L

e développement par la Culture. Il semblerait que peu à peu le Conseil Départemental 13 commence à y croire, et même à le penser en termes de service public. Au mitan de son mandat de Présidente Martine Vassal parle de développement des individus et des groupes sociaux, des territoires, et non plus d’attractivité économique et touristique, de résultats. Un changement de cap ? Le fait que MP2013 a durablement structuré le territoire métropolitain, mais aussi les imaginaires, est au cœur du discours. Cela est d’autant plus notable que la première Capitale provençale de la culture, en 2017, était Trets, une ville où le maire Jean-Claude Féraud est un conseiller départemental proche de Martine Vassal, élu maire en 2014 avec une majorité assez courte. En 2018 le soutien politique semble moins direct : Eyguières, Tarascon et Pélissanne sont des terres Républicaines dirigées par des maires vice-présidents du département ou de la Métropole Aix Marseille Provence. Mais à Allauch, depuis des lustres (1975), règne Roland Povinelli, figure historique du PS proche un temps de Jean-Noël Guérini.

L’artiste en cadeau

Les Capitales Provençales de la Culture semblent donc avoir dépassé les calculs politiciens pour recouvrer des enjeux politiques, au sens noble : il s’agit de fabriquer du commun, de faire circuler la culture jusque dans les petites communes, et d’affirmer implicitement que la culture provençale n’appartient pas au Front national. De quoi se réjouir, même si les grands absents des discours restent les

En Provence tout est Capitale ! APRÈS TRETS EN 2017, LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL 13 LANCE CETTE ANNÉE 4 CAPITALES PROVENÇALES DE LA CULTURE. TARASCON, PÉLISSANNE, ALLAUCH ET EYGUIÈRES SONT À L’HONNEUR artistes, jamais cités, jamais à l’origine des dispositifs mais appelés à s’insérer dedans. Invités simplement à répondre à la demande, comme pour meubler joliment un espace qui a une autre vocation que la création artistique. La présentation des Capitales, le 6 avril, était à cet égard emblématique : le Conseil départemental avait confié à Karwan le soin de la cérémonie, et des circassiens de talent évoluaient sur trampoline, mât, cordes fixes ou ballantes, dans un Atrium qui semblait enfin trouver une justification à sa hauteur monumentale. Des performances sensibles et émouvantes auxquelles peu de personnes présentes accordèrent leur attention pourtant, et en tous les cas ni Martine Vassal ni Sabine Bernasconi, déléguée à la Culture,

qui offrirent ce cadeau artistique à leurs hôtes comme on offre un bouquet de fleurs, sans même ressentir l’envie soudaine d’en goûter soi-même l’odeur. Difficile, dans ces conditions, de comprendre la nature de l’expérience artistique, son bouleversement, sa fragilité, et la nécessité de soutenir et considérer les artistes. La sensation d’être instrumentalisés, vassalisés dirent certains d’entre eux invités au spectacle, continue d’avoir cours.

Culture augmentée

Le programme des Capitales Provençales se fonde sur les événements culturels existant déjà dans les villes, le Conseil départemental apportant en tout 250 000 euros supplémentaires, et mobilisant les artistes pour qu’ils proposent


15 des manifestations. Ainsi les Chants de Noël tourneront dans toutes les villes, on célèbrera les Journées du patrimoine et la Nuit des musées, les réjouissances plus ou moins pro de la fête de la musique, autant d’événements qui rythment désormais les années culturelles, auxquels viendront s’adjoindre les commémorations du centenaire de l’Armistice en novembre 18. Mais il est évident que les Capitales permettent aussi une programmation plus dense. Ainsi on pourra écouter des concerts des grands festivals internationaux du territoire : l’Académie du Festival d’Aix propose une tournée de récitals (15 juin à Allauch, le 22 juin à Tarascon, le 17 juillet à Eyguières, 18 juillet à Pélissanne), La Roque d’Anthéron des concerts de musique de chambre (5 août à Allauch, 7 août à Eyguières, 8 août à Tarascon, 16 août à Pélissanne). L’opéra de Marseille propose un concert autour de Carmen à Tarascon, et se produit le 13 octobre à Allauch et le 24 novembre à Eyguières. Quant au Festival Marseille Jazz des 5 continents, il quitte le territoire décidément trop restreint pour lui de la ville pour épouser le Département : il a commencé avec un beau programme le 7 avril à Pélissanne (Le Shahin Novrasli Trio), sera le 6 juillet dans le magnifique théâtre de verdure d’Allauch, et proposera pas moins de 4 concerts en août à Tarascon. Quelques expositions d’exception sont également à noter : une Pause photo à partir du fonds départemental que l’on sait particulièrement riche et passionnant prendra place à Pélissanne du 7 juillet au 26 octobre, avec des œuvres d’Agnès Varda, Bernard Plossu, Jean-Marie Périer, Raymond Depardon, Franck Pourcel... À Eyguières l’association Voyons voir propose une exposition autour de l’eau et de l’artiste Perrine Lacroix (du 12 juillet au 16 septembre). Quant au Château de Tarascon, Centre d’art qui présente chaque année des expositions remarquables, il ouvrira ses portes aux animations, ateliers, visités guidées et étranges de l’exposition les Chambres des merveilles (du 6 avril au 4 novembre), conçue avec le Centre des Monuments Nationaux.

Spectacles et culture

Cette année capitale exceptionnelle sera aussi l’occasion, pour les villes, de programmer des compagnies du département : Pierre et le loup d’Emilie Lalande, Les Brigandes du château d’If, Le théâtre du Maquis qui joue Et l’Acier s’envole aussi, le trio Bamboo orchestra, un surgissement du théâtre du Centaure, les Chants sacrés en méditerranée, Karwan qui propose de l’acrobatie déjantée à skis avec la Cie Kadavresky, un spectacle pyrotechnique des Karnavires... Le festival En Ribambelles,

Lancement des Capitales provençales de la culture-2018 © X-D.R

organisé par La Criée, le Théâtre Massalia et le Mucem, se délocalisera à Allauch du 22 au 26 octobre et les Estivales d’Allauch présenteront une édition exceptionnelle (Massilia Sound Gospel, un duo de piano, de la danse néoclassique...). Mais c’est la culture provençale et taurine qui, tout au long de l’année, sera particulièrement à l’honneur : ferrades, courses de taureaux, férias, corridas à Eyguières, Pélissanne et Tarascon, fête patronale, marché de Noël, gros souper et veillée calendale à Allauch et Pélissanne, et comme une mémoire récurrente, Marcel Pagnol dans une « terre allaudienne quasiment inchangée », et La Fille du Puisatier jouée dans les collines. Une vision particulière de la culture, loin de la création qui permet sa naissance et son renouvellement. Dans la

persistance d’un patrimoine à défendre sans doute, tant qu’il ne consiste pas à s’accrocher à des références identitaires excluantes et, pour ce qui est des taureaux, pour le moins discutable dans la violence assumée du rituel collectif. AGNÈS FRESCHEL

Allauch, Eyguières, Tarascon, Pélissanne Capitales Provençales de la Culture 7 avril au 31 décembre departement13.fr


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Au cœur de la fabrique littéraire Les écrivains Joseph Boyden et Tom Cooper au travail à La Marelle, villa des auteurs de la Friche © Fanny Pomarède

APRÈS LA DISPARITION, FAUTE DE FINANCEMENTS, DE SON FESTIVAL COLIBRIS, L’ASSOCIATION MARSEILLAISE LA MARELLE TRACE SUR TOUT LE TERRITOIRE RÉGIONAL DE NOUVEAUX CHEMINS POUR LA CRÉATION LITTÉRAIRE, ET SA DIFFUSION. RENCONTRE AVEC PASCAL JOURDANA, SON DIRECTEUR Zibeline : Comment va La Marelle ? Pascal Jourdana : Plutôt bien ! On est dans une phase d’expansion et de consolidation. On est sorti de nos ennuis financiers, on a restructuré l’équipe et surtout on a plein de projets, très concrètement mis en action. Et quelles sont ces actions ? Nous avons publié 8 livres numériques, et 3 autres sont prévus cette année. Nous parvenons à les montrer, par exemple au Salon du Livre de Paris récemment, et Emma et la nouvelle civilisation, qui a été sélectionné comme « livre numérique innovant », a été exposé au Salon de Francfort, il le sera à Taipei, puis à la Bibliothèque Nationale de France. Au niveau de l’édition papier une série est publiée à chacune de nos résidences d’auteur/illustrateur... Nous avons mis en place également des cycles d’événements/lecture dans les musées, pour l’expo Carlos Kusnir au Frac notamment (voir p 84), pour l’expo Picasso et dans les musées de Marseille plus généralement. Bientôt, à la rentrée, au Musée d’Histoire, sur le principe du coup de cœur : un écrivain en résidence propose, à partir de son propre travail, de découvrir autrement le musée, ses collections. Parlez-nous de ces résidences d’auteur, qui sont aujourd’hui au cœur de votre activité... Effectivement ! Nous avons accueillis 66 auteurs depuis la mise en place de ces dispositifs, dans nos divers lieux, projet qui correspondait à une demande du ministère et est donc soutenu par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC-PACA). Le dispositif auteur /illustrateur, plutôt dans le cadre d’une édition jeunesse mais pas exclusivement, se déploie ainsi dans plusieurs lieux de la région : la Médiathèque Noailles à Cannes en lien avec le festival du livre de Mouans-Sartoux, au Pôle Chabran de Draguignan, à Carpentras en collaboration avec Grains de lire, petit festival très actif en Vaucluse. On apporte le suivi artistique et administratif, chaque structure s’occupe de la médiation sur


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place et on aide à la collaboration entre les médiathèques, les librairies du territoire et les festivals. L’idée étant bien sûr de faire circuler les auteurs de Cannes à Carpentras... On va amplifier le dispositif grâce au soutien de la Région, et on est en train de mettre en place des résidences en lycées, et aussi des actions en collèges dans les Bouches-du-Rhône, des ateliers d’écriture numérique, avec le soutien du département 13. Pourquoi cette volonté mettre les auteurs en résidence ? Dans les lycées cela nous semble évident à plusieurs titres. D’une part, il s’agit de mettre les auteurs en friction avec la cité, avec ces petites villes que sont les établissements scolaires. De rencontrer les élèves mais aussi les personnels, enseignants ou autres, les parents d’élèves, de faire aussi des ateliers sans élèves ! Mais, surtout, cela permet aux lycéens de découvrir ce qu’est le travail d’écrire. D’abord, de mesurer que c’est un travail, qui nécessite un apprentissage… puis de comprendre qu’un écrivain de fiction a aussi une analyse et une expérience du monde. En dehors des établissements scolaires et du dispositif auteur/illustrateur, vous proposez d’autres résidences. Oui. Dans notre Villa de la Marelle qui est mise à disposition par la Friche mais aussi désormais dans un appartement près du Palais Longchamp. Jusqu’à 2016 nous accueillions 8 ou 9 auteurs et autrices par an, en 2018 nous serons à 18. Est-ce que ces résidences, en dehors du logement, sont rémunérées ? Oui. Ceux qui sont éligibles à l’aide au Centre National du Livre ont 2000 euros, les autres, sur nos fonds propres, ont entre 1600 et 1800 euros. Avec parfois des dispositifs spécifiques qui augmentent ces sommes. Ils n’ont pas de

commandes ni d’obligations de résultat, ce sont en général des résidences de recherche même si elles débouchent souvent sur des publications en coédition, mais on leur demande d’être présents dans la ville. Marseille, en particulier, n’est pas une ville neutre ! On ne vient pas à la Friche par hasard, ce n’est pas un lieu de retraite ni d’isolement, il y a une friction, souvent sociologique, avec le quartier, ou le Port. Ou des collaborations avec les structures culturelles, les Instants Vidéos, Musicatreize, Radio grenouille. Le principe est celui de la rencontre et de l’hybridation. Sans genre imposé, les écritures peuvent être poétiques, théâtrales, narratives, documentaires. Et comment choisissez-vous les auteurs ? Nous les sollicitons, ou ils peuvent répondre à des appels à projets. Nous en lançons plusieurs chaque année, celui des résidences couplées auteur/illustrateur, un autre avec Alphabetville autour des écritures numériques, qui doivent être spécifiques, donc non reproductibles sur papier, avec une expérience de lecture différente ; un troisième avec la Maison des Ecrivains Etrangers et Traducteurs, la MEET, qui peut s’adresser à de jeunes auteurs choisis sur manuscrit, et se centre souvent autour de l’Amérique du Sud dans la prolongation de notre festival Colibris qui n’existe plus, mais qui a laissé des traces dans nos réseaux. En dehors des éditions, comment ce travail est-il désormais visible pour le public ? Avant nous organisions Colibris, mais aujourd’hui nos rencontres publiques, si elles sont plus dispersées, sont tout aussi nombreuses. Chaque auteur propose des temps publics sur un mode qui lui est propre, dans les musées, lors de rencontres fréquentes à la Friche, ou dans des dispositifs de lectures à plusieurs voix. D’autres formes, Un écrivain au cinéma, ou un auteur qui parle d’un classique qui inspire

son écriture, comme Christian Garcin qui a traduit Poe... Cela peut se dérouler partout, dans les médiathèques, les librairies, les théâtres, les musées, les cinémas... ou lors de festivals comme Oh les beaux jours et Le Train bleu. Nous préparons également la deuxième édition de notre temps fort, qui se déroulera juste après ActOral. Grâce à La Marelle dans tous ses états, nous pourrons montrer des formes très diverses issues des résidences, qui donneront lieu aussi à des échanges entre les auteurs qui n’ont pas, sans ces temps spécifiques, d’occasion de se rencontrer. On voudrait aussi lancer des ateliers d’écriture, destinés aussi aux amateurs, plutôt chevronnés, dès la rentrée. Car une clef de nos projets, même s’ils sont recentrés sur la création, l’écriture, reste la transmission. Des auteurs aux lecteurs est toujours le sous-titre de notre association... PROPOS RECUEILLIS PAR AGNÈS FRESCHEL

La Marelle La Friche la Belle de Mai, Marseille 04 91 05 84 72 la-marelle.org

À venir Dans le cadre du cycle Faits divers, et du projet « Chambres » qu’elle développe lors de sa résidence à La Marelle, Lydie Parisse, autrice et plasticienne, propose une lecture publique de son texte en cours, Maeterlinck avenue. Elle sera suivie d’une rencontre animée par Pascal Jourdana. 19 avril à 18h30, salle des Machines, La Friche, Marseille L’auteur David Vann, actuellement en résidence à La Marelle, sera présent pour une rencontre lecture autour de ses romans. 19 avril à 19h, librairie Pantagruel, Marseille

Ecoutez, on est bien ensemble francebleu.fr


18 politique culturelle

Former des artistes : le cœur de métier des écoles d’art LA NOMINATION DE DEUX NOUVEAUX DIRECTEURS AUX ÉCOLES D’ART D’AIX-EN-PROVENCE ET DE MARSEILLE EST L’OCCASION DE FAIRE LE POINT SUR CES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE SUPÉRIEUR AUX MISSIONS IDENTIQUES ET AUX SPÉCIFICITÉS DISTINCTES

A

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ux commandes de l’École supérieure d’art & de design Marseille Méditerranée (ESADMM) depuis octobre 2017 et de l’École d’art d’Aix-en-Provence depuis février 2018, Pierre Oudart et Christian Merlhiot ont en commun un long parcours en France et à l’étranger. En Irak puis en Syrie pour le premier, avant d’intégrer le cabinet de la ministre Catherine Tasca, puis la Drac Île-de-France, le Centre national des arts plastiques (CNAP) et la direction générale de la création artistique comme directeur adjoint des arts plastiques. En Italie et au Japon pour le second, après avoir enseigné le cinéma et la vidéo et codirigé la Villa Kujoyama, à Kyoto. Tous deux ont choisi, volontairement, de s’implanter à Marseille et à Aix-en-Provence pour relever le défi de l’enseignement supérieur de l’art en France.

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La recherche de l’art par l’art

Sous la tutelle pédagogique de l’État mais financée à 90% par la Ville, l’ESADMM délivre les DNA et DNSEP* avec deux options Design et Art, et, pour la première fois, un 3e cycle ayant grade de doctorat. L’idée d’un examen d’entrée commun à toutes les écoles d’enseignement artistique supérieur de Paca, sauf Arles, fait son chemin… Actuellement 400 étudiants, dont une cinquantaine en Erasmus, une centaine d’enseignants et assistants fréquentent le campus de Luminy malgré une légère baisse constatée par Pierre Oudart suite aux attentats à la gare

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Saint-Charles et à Nice qui ont impacté les inscriptions. « On est un établissement supérieur mais pas seulement, on encadre des ateliers publics sur place ou avec l’AP-HM et les Baumettes. La multiplicité des publics fait la richesse de notre histoire. On a une conviction, humaniste, que chacun peut être en situation de créer, peut avoir des moments de création partagée. Mais nous ne faisons pas cela pour que les gens aient des loisirs comme disait Malraux ». Si la recherche n’est pas encore un sujet d’actualité pour les sept établissements du Réseau École(s) du Sud, Pierre Oudart fait de la recherche sur la pédagogie en art le cœur de son projet : « On a longtemps considéré que c’était acquis alors qu’il faut se reposer la question sans cesse. Ma conviction est que la pédagogie est liée au développement d’un projet, qu’elle doit évoluer et être explicitée. Si on considère qu’un étudiant entre à l’école d’art pour devenir auteur (de sa propre vie également), il se passera quelque chose de formidable, ou non ». Partant du constat que l’interdisciplinarité est inhérente aux pratiques nouvelles des jeunes, il rêve d’un White Mountain College à Luminy à l’image du Black Mountain College qui permettrait, à Marseille, de vivre une expérience démocratique, de liberté et de gouvernance nouvelle… Un rêve qui s’appuie sur un état des lieux encourageant : « cette école est formidable, il suffit de leur laisser les clefs, de les accompagner, de les guider car ils ont une vraie appétence et beaucoup d’énergie ».


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École(s) du Sud, plus qu’un réseau : une marque Directeur de jury par le passé à Aix-en-Provence, Christian Merlhiot connaît bien la cité aixoise et l’École d’art, sa typologie des années 70 et son architecture moderniste. En 2014, à la Villa Kujoyama, son premier travail avait été de rénover le bâtiment et lui redonner vie en redéfinissant un programme de résidences, de recherches et de partenariats. À Aix-en-Provence, là encore, il engage un travail de rénovation architecturale et un projet artistique en dialogue avec l’équipe pédagogique (35 permanents), administrative (17 personnes), les intervenants extérieurs et les 140 étudiants en DNA et DNSEP option Art. Pour la première fois, Aix-en-Provence fait partie des rares écoles en France conventionnées avec des universités pour accompagner des doctorants à la soutenance de leur thèse. En revanche, depuis quinze ans, l’école s’est orientée vers les relations art et sciences avec un atelier emblématique, Mécatronique, qui articule les pratiques scientifiques et artistiques de très haut niveau avec des enseignants-chercheurs. Ce laboratoire de recherche, toujours novateur, a pour dominante la question de la création sonore. Ce qui convient parfaitement à Christian Merlhiot qui n’a jamais mis entre parenthèses son activité de cinéaste, et dont le regard « ni moins bon ni meilleur que les autres mais différent » permet une proximité avec les étudiants et une curiosité pour les projets. D’ailleurs il réfléchit au « rapprochement de la direction d’une école d’art à celle d’un directeur de CDN ou de CND que l’on trouve rarement dans le champ des arts plastiques ». C’est-à-dire qui associe un artiste à la structure… Quant à l’inscription de l’école dans le tissu territorial, il souhaite développer des partenariats transdisciplinaires :

« La ville est réputée à l’étranger pour son travail sur les arts de la scène et la musique. Renforcer la relation entre arts de la scène et arts plastiques est une réflexion à mener pour croiser les pratiques issues de l’histoire de la ville avec d’autres qui se sont développées à l’étranger ». Grâce au Réseau École(s) du Sud, déjà, les écoles de Paca et Monaco maillent le territoire, organisent des expositions itinérantes (Inventeurs d’aventures) et réfléchissent à la mise en œuvre d’une pédagogie commune. À l’automne, un séminaire sur la mutualisation des expériences sera organisé et les étudiants, toutes écoles confondues, pourront participer à des modules de formation et de production dans les écoles de leur choix. Des échanges constructifs qui se poursuivront avec l’étranger pour faire du Réseau une vitrine et une marque. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

*DNA : Diplôme national d’art (Licence) ; DNSEP : Diplôme national supérieur d’expression artistique (Master)

École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée 04 91 82 83 10 esadmm.fr École supérieure d’art d’Aix-en-Provence 04 42 91 88 70 ecole-art-aix.fr

FESTIVAL LES MUSIQUES GMEM.ORG

12 — 19 MAI 2018

04 96 20 60 16


20 événements

Le Printemps s’accroche à La Bu

Opus 14, Kader Attou © Michel Cavalca

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our la 3 année consécutive, le Printemps de la Danse s’installe au Théâtre le Merlan. Un provisoire qui dure. L’Espace Culturel de la Busserine (ECB) à Marseille marche sur des œufs depuis l’élection de Stéphane Ravier en 2014 dans les secteurs des 13e et 14e arrondissements de la ville. Désormais la mairie des quartiers nord est tenue par le FN, et l’activité culturelle se voit à la fois e

réduite et orientée. Avec sa programmation résolument tournée vers l’ouverture, le partage, l’inclusion du public habitant, la Busserine, implantée depuis 1986, est ainsi menacée, entravée dans ses démarches. L’obligation de mise aux normes d’accès des handicapés à la salle de spectacle a entrainé un planning de chantier important, et surtout très long. Le monde culturel et associatif s’est mobilisé,

et l’équipe est pour le moment accueillie au Centre social voisin de Frais Vallon, aux valeurs portées haut et fort : « vivre ensemble, honorer identités et histoire, rencontrer, partager, recevoir, transmettre, donner et prendre la parole », et grâce auxquelles les spectacles (concentrés sur le jeune public depuis deux ans) et ateliers perdurent, jusqu’à la réouverture prévue pour janvier 2019 « sans aucune certitude, puisque cela dépendra du retard ou non des travaux », indique-t-on prudemment à la Busserine*. La danse urbaine persiste et signe au cœur des quartiers nord donc, avec cette nouvelle édition organisée par l’Association de Promotion de l’ECB en partenariat avec le Théâtre le Merlan. Trois rendez-vous ponctueront le mois de mai, conviant des compagnies importantes et internationales. L’emblématique et bien nommée Opus 14 (3 mai), 14e création de Kader Attou, sonnera l’arrivée officielle du Printemps. Il est l’un des ambassadeurs de la danse hip hop françaises (l’une des plus affirmées et reconnues) sur les scènes du monde entier, et le premier chorégraphe de danse urbaine nommé à la tête d’un Centre national chorégraphique

Abstractions concertantes Créer, recréer, reprendre, réinterpréter… Chaque chorégraphie ne cesse de se réinventer, c’est ce qui rend chaque représentation unique… Les Ballets de Monte Carlo en proposent une éblouissante démonstration

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e printemps est la saison des naissances et des renaissances. Deux œuvres sont ainsi proposées par les Ballets de MonteCarlo. Il reprennent Violin Concerto de George Balanchine, maître de ballet de la compagnie de Diaghilev, puis des Ballets russes de Monte Carlo, fondateur du New York City Ballet (entre autres gloires), sur une partition de Stravinsky, pièce considérée comme l’un des sommets de l’expression du chorégraphe russe pour qui « la seule raison du mouvement est la musique - La danse doit sembler de la musique ». Son classicisme déstructuré est au service de la danse, sans éprouver le besoin d’une narration, d’une signification cachée, ou de sentimentalisme

hors de propos. Ne déclarait-il pas : « Les fleurs ne se servent pas de mots, elles n’en n’ont pas besoin pour être belles. Nous existons (les danseurs) nous aussi et nous espérons être beaux sans aucun mot. » C’est une sorte de retour aux Abstract-Life, Jean-Christophe Maillot © Alice Blangero sources que de voir ce chef-d’œuvre qui fut de la transmission des chorégraphies), trente qualifié de « superproduction » par Lincoln ans après la création du Violin Concerto, et Kirstein, auteur, impresario et cofondateur pour rendre hommage à Stravinsky qui vient avec Balanchine de la School of American de mourir, Balanchine reprend l’œuvre, mais ne Ballet, première école américaine de ballet se souvient plus de sa chorégraphie originale classique en 1934. La chorégraphie elle-même et devra la recréer… connut quelques métamorphoses, (ce qui En écho à cette approche de la danse, la soulève l’éternel problème de la notation et nouvelle création de Jean-Christophe


usserine (celui de La Rochelle). Il brouille les codes, et propose avec Opus 14 une pièce sensuelle et poétique, où la fragilité s’expose dans les gestes des 16 interprètes masculins, déjouant l’habituel exercice performateur. Même langage chez Mickaël Le Mer (15 mai) qui offre à ses trois danseurs de transcrire avec leur corps leurs souvenirs. Dans leur singularité, ils livrent, entre prouesses techniques (ils sont chacun issus du break dance) et émotion, des Traces légères et métissées, contribuant à mener la danse urbaine vers des territoires riches et renouvelés. Deux spectacles se partageront la dernière soirée (17 mai). Slave (David Llari), solo dansé par David Barbarisi, aborde le rapport physique entre l’homme et la machine. Danse pure et corps acéré. Paradoxal Wild [l’indicible histoire de nos sourires] est une autobiographie chorégraphiée et dansée par Nacim Battou, où, à travers son corps et la confrontation au mapping vidéo, il nous livre un vécu tant physique qu’intérieur. Le Printemps nous apporte la bonne nouvelle : ça pense et ça danse toujours au nord de Marseille. ANNA ZISMAN

* Lire sur journalzibeline.fr les différents articles retraçant l’historique mouvementé des trois dernières années de l’Espace Culturel de la Busserine. Printemps de la Danse 3, 15 & 17 mai Le Merlan, Marseille 04 92 11 19 20 merlan.org

Maillot, directeur-chorégraphe des Ballets de Monte Carlo, décline les beautés formelles de l’abstraction, en leur insufflant un supplément d’âme. Les architectures sensibles d’Abstract/ Life dialoguent avec la musique, vaste concerto pour violoncelle et orchestre de Bruno Mantovani, dont la partition a été commanditée par Marc Monnet (Conseiller artistique du Printemps de Monaco). Composée quasiment sur mesure pour le travail chorégraphique de Jean-Christophe Maillot dont le musicien apprécie « la façon (qu’il a) de s’approprier toute musique, (que le propos soit narratif ou plus abstrait) ». La source d’inspiration de l’œuvre musicale n’est autre que le travail du chorégraphe. Jeu entre fulgurances et contrastes, attentes et exultations, pureté des lignes des corps, vivants tableaux, déclinent en cinq épisodes où les parties de violoncelle seul alternent avec les tutti de l’orchestre avant de se fondre en un « concerto » qui unit le soliste aux autres instruments. Les bonheurs de l’écriture musicale et de l’écriture chorégraphique ici se conjuguent, portées par l’exceptionnel talent des danseurs des Ballets de Monte Carlo. MARYVONNE COLOMBANI

Violin Concerto & Abstract/Life 26 au 29 avril Grimaldi Forum, Monaco +377 99 99 30 00 balletsdemontecarlo.com


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Au cœur de la Camargue Pour sa 16 e édition, le festival Les Envies Rhônements aborde le lien indéfectible qui unit l’homme et l’animal

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a Camargue est toujours au cœur de la manifestation imaginée et organisée par le Citron Jaune, Centre national des arts de la rue installé à Port-Saint-Louis-du-Rhône. En avril, mai et juin la programmation irriguera le territoire du Delta du Rhône et fera se croiser artistes, chercheurs, scientifiques, habitants et spectateurs.

Art, science et retrouvailles C’est à Arles que s’ouvre la saison, le 14 avril. Dans la Cour de l’Archevêché, à 18h, un étonnant duologos, formé de Marion Vittecoq, chercheuse sur les maladies infectieuses et piégeuse agréée d’espèces dites nuisibles, et Yann Lheureux, chorégraphe, s’installe. C’est par le biais d’une gestuelle dansée ou pas, d’images, de sons et de mots qu’ils vont « dialoguer » et confronter leur vision des

nuisibles. À 19h, ils sont rejoints par Baptiste Morizot, philosophe et Camille & Manolo (créateurs du Théâtre du Centaure) pour une Guinguette des paroles animée par Virginie Maris. Ils échangeront sur l’équilibre plus ou moins équitable du partage des paysages entre les hommes et les animaux. Plus tard, la Cie FredandCo repensera la place de la République avec des coquelicots géants sonores et lumineux qui prendront vie grâce à deux musiciens… Le lendemain, direction les Marais du Vigueirat, à Mas Thibert, partenaires du Festival depuis ses débuts. Entre balade à cheval dans la nature et marché des producteurs et créateurs de la région (toute la journée), la Cie Pernette propose La Figure du baiser, un hymne à l’amour dansé par trois femmes et trois hommes, en duos, trios ou en groupe. De la rencontre amoureuse à l’étreinte, la danse se fait rêverie, rend l’impossible accessible, par le son, le regard et le toucher. Du 9 au 12 mai, c’est avec le Festival de la Camargue et du Delta du Rhône que les Envies Rhônements font route, au parc de la Révolution, à Port-Saint-Louis-du-Rhône, et ça va bouger ! Le 9 à 14h30 et 18h, la Cie Lézards Bleus donnera sa nouvelle

Bouteille, Abraham Poincheval-Envies Rhonements © Jean E. Roché

création pour la première fois. Bamboo Flow est le résultat du croisement des univers du plasticien belge Georges Cuvillier et du chorégraphe Antoine Le Menestrel. Sur les sculptures monumentales en bambous du premier, le second, accompagné de quatre traceurs (Anthony Denis, David Pagnon, Kim Chau et Fantin Seguin), a imaginé une danse-parkour alliant sauts, bonds, grimpes, et pauses, suspensions, qui transforme la structure en mobile humain. Le 10, la Cie Azad Production convie à une étonnante déambulation dans le port abri de Port-St-Louis, sur les pas d’une Sainte Dérivée des trottoirs : cette « femme-déchet », dont le

Bol d’air en Luberon

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out printemps qui se respecte commence par un grand ménage. Ce sera le cas dans le Luberon, du 19 au 22 avril. Pour la quatrième année, on verra des étendages de linge coloré s’arrimer aux fenêtres, signe que le festival des arts en espace public de Cucuron, Vaugines et Cadenet est de retour. Le Grand ménage de printemps s’appuie sur une équipe de 80 bénévoles, avec le soutien sans faille des villageois, et celui de Ta peau, Cie Antipodes © Calin Dievart partenaires de plus en plus nombreux. Cela Matagne, qui chapeaute la manifestation. se sent : l’atmosphère en est particulièrement Cinq concerts, c’est la nouveauté de cette chaleureuse, donnant aux spectateurs l’envie année, avec, on le note avec plaisir chez de revenir. Une fidélité stimulée par l’exigence Zibeline, une forte présence féminine. Claire de la programmation : 11 compagnies et 5 et Gaëlle Salvat présenteront leur nougroupes de musique professionnels seront vel album Illusion, avec des chansons où présents sur cette édition, promettant un « bol elles s’accompagnent au ukulélé, piano, et d’air artistique », selon les mots de Romaric flûte traversière. La soirée du 21 avril sera

concoctée par La Souterraine, collectif éditeur de compilations et organisateur de fêtes à la gloire de la pop francophone underground, comme « contribution à l’archéologie musicale du futur ». L’occasion de découvrir Pauline Rambeau, Alligator, Sarah Maison et Lifestolz. La danse, aussi, est au menu : avec la Cie marseillaise Ex Nihilo, accueillie dans l’école maternelle de Cucuron, ou la Cie niçoise Antipodes, sur le boulodrome. Des arts du geste qui tireront vers le théâtre, dans Quizas, où Maeva Lambert et Amandine Vandroth livrent une « parole de femmes qui remet en question les notions de l’idéal, de l’amour et de la perfection ». Voire iront jusqu’à solliciter l’assistance, comme c’est le cas du « théâtre physique et sonore » du collectif Bonheur


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L’art de vivre en Méditerranée

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discours oscille entre folie et raison, nous confronte à la marginalité, à l’exil. Enfin, le 9 à 16h, l’artiste performeur Abraham Poincheval reviendra sur l’incroyable et insolite aventure que fut la remontée du Rhône de Port-St-Louis jusqu’à sa source en Suisse à bord de sa Bouteille géante, ambassadrice du delta tout au long du parcours. Cette dernière, à nouveau installée au bord du Rhône, accueillera les plus audacieux pour une expérience inoubliable de quelques minutes… DOMINIQUE MARÇON

Les Envies Rhônements 14 & 15 avril 9 au 12 mai 15 & 16 juin Arles, Mas Thibert, Sambuc, Port-Saint-Louis 04 42 48 40 04 lecitronjaune.com

intérieur brut, recherche sur la prise de parole dans l’espace public. C’est traditionnel sur le festival, plusieurs déambulations sont prévues. On suivra avec curiosité la Cie Akalmie Celcius dans un conte urbain pour espaces délocalisés, la parade de rue percussive de Transe Express ou le tandem de facteurs de No tunes international ; et l’on retrouvera avec plaisir le collectif Microfocus, de retour avec son nouveau spectacle Ekivoke, pour une première nationale. Entre deux parcours, on pourra délasser ses jambes dans un verger, à l’écoute de BoxSons, média sonore créé par Pascale Clark et Candice Marchal, diffusant des reportages, au bar, avec les 2L au Quintal, ou en pénétrant dans l’intimité des boîtes-confessionnaux de la Cie Tandaim (retrouvez sur journalzibeline.fr notre reportage vidéo Secrets en jumelage sur ce projet). NB : Pour remercier les habitants des trois villages, comme lors des éditions précédentes, le Grand ménage fournit des cartes postales à adresser aux Cucuronnais, Vauginois et Cadenétiens, en piochant un nom dans le bottin. L’équipe la poste pour vous !

ors les Vignes, le rendez-vous des Cuisines, des Arts et des Vins Méditerranéens, s’invite pour la deuxième fois à Marseille. Son objectif, comme sur la précédente édition, qui avait eu lieu en 2016 au Dock des Suds, avec un succès impressionnant*, est de créer « une passerelle entre ces trois univers de passion, d’exigence et d’imagination que sont l’art, la gastronomie et le vin », en se lançant dans la programmation culturelle. Le Festival est porté par Intervins Sud-Est, une association interprofessionnelle des vignobles à Indication Géographique Protégée, sur une aire couvrant l’Isère, le Rhône, la Loire, la Drôme, l’Ardèche, le Vaucluse, et les Bouches-du-Rhône. Rassemblant, si l’on en croit son site, plus de 900 caves particulières, et 120 caves coopératives. La manifestation investira cette fois La Friche, toute la journée du 14 avril. En une formule rodée lors du premier rendez-vous marseillais, elle se place sous le chiffre 9 : neuf artistes, neuf chefs, neuf vignerons feront œuvre commune, réunis en trios performant une demi-heure chacun. Le public sera invité à découvrir leur talent scénique, leur brio culinaire, et le bouquet de leurs crus ! On est ainsi curieux d’assister à la rencontre féconde entre Les Vignerons du Garlaban, Xavier Zapata, chef locavore du restaurant Madame Jeanne (Marseille), et le performeur Ludovic Roif, connu pour son travail de collecte visuelle et sonore auprès de paysans. Celle des cépages anciens du Domaine de Cassagnole en Ardèche, mariés aux saveurs d’Emmanuel Perrodin, « mû par les rapports cuisine-culture », ainsi qu’aux thèmes musicaux du collectif L’oeil et L’oreille. Ou encore, lors de l’intervention du trio « Vaucluse », les audaces de Paul-Louis Léger, photographe et réalisateur, confrontées à la créativité de Nadia Sammut, de la fameuse Auberge de la Fenière, premier établissement gastronomique gluten free, et à la profondeur des vins du Domaine du Chêne Bleu. Notez qu’en parallèle de la programmation, les visiteurs pourront aussi goûter des produits locaux sur les stands et les comptoirs du Village constitué pour l’occasion. Puis pour finir cette journée, une fête rassemblera tout le monde aux Grandes Tables de La Friche, jusqu’à minuit ! G.C.

* Lire à ce sujet notre article Démocratisation sensorielle sur journalzibeline.fr

GAËLLE CLOAREC

Le Grand ménage de printemps 19 au 22 avril Cucuron, Vaugines, Cadenet 04 86 39 94 03 legrandmenage.fr

Hors les Vignes 14 avril Friche La Belle de Mai, Marseille festivalhorslesvignes.fr


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GMEM, Marseille © Sebastien Normand

Produire, créer, diffuser Le GMEM, Centre National de création Musicale, est désormais installé dans son Module à La Friche. Mais son festival Les Musiques continue de penser son territoire. Rencontre avec son directeur Zibeline : Votre installation à La Friche change-t-elle votre façon de concevoir votre Festival ? Christian Sébille : Cela ne change pas l’esprit, mais nous accueillons beaucoup plus de compositeurs en résidence, et produisons donc davantage d’œuvres. Le Festival permet désormais de tisser des liens entre notre territoire, les autres Centres Nationaux de Création Musicale, et la création internationale. Nous sommes plus que jamais un lieu de confection, ce qui nous permet de penser le territoire autrement. Car la possibilité, la liberté de créer, cela « encre », au sens d’écrire, un territoire. Cela marque l’espace imaginaire. Quels sont vos liens avec les autres Centres Nationaux ?

Ils sont très présents dans cette édition. Le réseau coproduit et permet la naissance des œuvres, mais aussi leur circulation d’une ville à l’autre. Nous ne voulons plus produire des œuvres qui sont jouées une ou deux fois, leur diffusion dans les CNCM est essentielle. Nous commencerons d’ailleurs le festival par une rencontre à ce propos, avec le psychanalyste Hervé Castanet qui tentera de mesurer les champs que ces collaborations nouvelles peuvent ouvrir dans la pensée. Nous pourrons donc entendre des musiques nouvelles, pour des tarifs toujours aussi modiques. Oui, c’est important que chacun puisse venir, plusieurs fois, et c’est plus que jamais un festival de créations. 9 des propositions sont

des créations 2018, pour la plupart conçues ici en résidence. Avec de nombreux artistes qui ont un lien avec cette ville. Comme Yann Robin, qui a fait ses classes au Conservatoire de Marseille, et est aujourd’hui un compositeur reconnu et très original, qui vient aussi des musiques pop et rock. Son Papillon noir explore les idées sombres, le texte de Yannick Haenel est mis en scène par Arthur Nauzyciel, avec une comédienne chanteuse, 13 instrumentistes et 12 choristes. C’est une production importante, accueillie avec la Criée. Malgré l’installation à la Friche Les Musiques n’ont donc pas perdu leur caractère nomade ? Nous voulons continuer de programmer les spectacles et concert dans les lieux qui leur vont bien. Ainsi la danse sera au KLAP avec deux propositions : Aude Romary (violoncelle), Natacha Muslera (voix), Stefano Taiuti (danse) et Christophe Cardoen (lumières) explorent les Limbes au plus près du corps et du noir ; et Yuval Pick (chorégraphie) vient montrer deux pièces en dialogue avec un piano (musique Nico


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Des Oh et des Ah au domaine d’O

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haque année, le printemps se réveille et s’installe au Domaine d’O sous les auspices du festival Saperlipopette, devenu depuis 21 ans le grand rendez-vous des familles montpelliéraines. Porté pour la première fois par la Métropole avec la mise en place effective de la loi NOTRe, ce week-end dédié aux enfants se calque sur les précédents. Les 23 hectares du parc seront investis, dedans et dehors, par de très nombreux spectacles et activités, pour ensuite se déployer dans différentes communes de la Métropole (Castries, Villeneuve-les-Maguelone, Juvignac et Saint-Brès. Mais... chut ! Tendons l’oreille : tous seront sous le signe du son. Le doux, le strident, celui qui nous vient du bruissement des arbres ou de l’eau qui clapote, ou les notes des instruments de musique, le cui-cui des oiseaux côtoieront les riffs de guitare. Cette année, c’est la fête au pavillon, puisque c’est « Au creux de l’oreille » que les artistes viendront nous solliciter. Attention, les sons peuvent parfois se révéler sauvages, et mieux vaut les découvrir accompagné d’un dompteur : Toni Gratofski (le clown Christophe Pujol) en a réunis quelques-uns dans sa ménagerie. Ses Sonimaux se déploient par la force des ondes sur une piste aux étoiles, et les oreilles s’en prennent plein les yeux à

Les Bruits du Noir, Cie Choc trio © Doum

Mulhy) et un dispositif électronique (musique Samuel Sighicelli). Vous restez fidèle à la transdisciplinarité avec le texte également. Oui, le dialogue entre texte et musique est fécond. On programme un concert à l’opéra avec Laurent Camatte (alto) et Elise Chauvin (soprano) avec des œuvres de Fedele, Betsy Jolas, Scelsi, Levinas, Rebotier... Et un dialogue entre le violoncelle de Sonia Wieder-Atherton d’après les poèmes que les enfants déportés ont écrit à Terezin. Un concert très émouvant sur leur arrachement à l’enfance et à la vie, où l’on pourra entendre Bartok, Bach, Britten, face à la mer, comme un horizon possible. À la Fondation Camargo à Cassis. Les concerts seront concentrés à la Friche ? Il y aura un concert à midi de l’ensemble américain Ice au temple Grignan. Mais effectivement l’autre sera à La Friche avec l’ensemble C Barré. Ce sera un moment fort du Festival avec deux pièces en création de Nathan Davis et Christopher Trapani, commandes d’écriture élaborées durant des résidences à la fondation Camargo et au GMEM. À la Friche il y aura aussi un concert pour percussions et électronique de Bertrand Wolff. Et un autre de Jérôme Noetinger, expérimental et improvisé à partir de son magnétophone Revox, et des voix très particulières de Claire Bergerault (accordéon) et Isabelle Duthoit (clarinette). Et un concert où vous dialoguez avec Miquèu Montanaro ! C’est un musicien étonnant ! Dès que l’on s’est mis à jouer ensemble cela a été évident. Cette exploration du son. C’est un obsessionnel du travail, et l’idée de renouveler les musiques traditionnelles, d’explorer jusqu’au bout des possibilités actuelles le galoubet et le tambourin, est passionnante ! Il improvise, j’ajoute des rythmes, et le résultat est inouï... La soirée de clôture ? Un concert d’Eric la Casa et Jean-Luc Guionnet très nouveau pour nous, élaboré à partir de rencontres avec trois familles du quartier qui parlent de leur conception de la musique. Après il y aura les Percussions de Strasbourg autour de l’œuvre de Hugues Dufourt, et puis on finit sur le toit terrasse avec Félicie d’Estienne d’Orves et Julie Rousse qui font dialoguer des lasers, des sons et les étoiles...

l’arrivée du Chwal ou du Wraou (Bruno Meria en producteur de sons animés). Les petits bruits de cuisine (l’eau qui frémit, celle qui bout, le couvercle qui tinte) éveilleront nos sens et notre curiosité : qu’est-ce qui mijote dans cette Aululaire (histoires de débordements) ? Il suffit de savoir que ce doux mot plein de promesses est celui d’une pièce de théâtre de Plaute, autrement appelée la Comédie à la marmite, pour laisser augurer fumets et développements surprenants (Cie Espégéca). La formation des 9 musiciens de la Cie Zic Zazou ne se présente très certainement pas en tenue noire et blanche de rigueur sur les scènes classiques : ils sont en bleu -de travail- et portent des lunettes de soudeurs, tels des artisans du son et de la récup’. Ils recyclent et détournent nos objets courants, et les propulsent dans une vie musicale et ludique. Planter des clous en rythme, en recréant des airs connus ! Percer, meuler raboter : voilà de quoi redonner vie à nos refrains quotidiens. Toutes les oreilles seront sollicitées : des chansigneurs (des traducteurs de sons, de chansons, en langue des signes française) accompagneront les artistes de Confitures et Cie pour un concert décalé, Balbu’Signes Balbu’Sons, où les vibrations, les gestes, seront autant de notes à expérimenter pour tous. Les bruits du noir seront apprivoisés par la Cie Choc trio, avec le clown muet Maurice. Les sons anodins du jour prennent des couleurs fantasmagoriques la nuit. Et pourtant, ce ne sont que des bruits de rien, la pluie qui tombe, le réveil qui fait tic, la porte qui fait tac. Tout un monde à réentendre pour mieux vivre l’inconnu. Entre les représentations des 13 spectacles et les déambulations animées, on pourra s’arrêter au Cab’cabaret (Cie Hippocampe), et goûter les chants du Chili, d’Italie du sud, du nord, et de France du nord et méridionale, entourés par les vélos-objets-activités de Cecilia Marino. Soyons tout ouïe au domaine d’O !

PROPOS RECUEILLIS PAR AGNÈS FRESCHEL

Les Musiques 12 au 19 mai Marseille, Cassis 04 96 20 60 16 gmem.org

ANNA ZISMAN

Saperlipopette 12 & 13 mai Domaine d’O, Montpellier domainedo.fr


26 événements

Le merveilleux irrigue Marseille

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’Officina-Dansem, Parallèle, Hydrib et le Festival de Marseille invitent le public à partager des expériences insolites et investir l’espace urbain comme terrain d’expression. Leur projet collectif et pluridisciplinaire Maravilloso met en relation les communautés de la ville et relie le centre-ville (Noailles - Belsunce) aux quartiers Nord (Bougainville - La Castellane - Le Plan d’Aou - Saint-Antoine) grâce à l’intervention de cinq artistes qui ont créé des formes originales et mené des actions avec les habitants et les associations. Love Drive In Marseille © Iacopo Fulgi-MP2018 Maravilloso en est la caisse de résonance. salle de cinéma… La compagnie Strasse John Deneuve a imaginé Johnette, un projet (Francesca De Isabella et Sara Leghissa) performatif et musical aux allures de méga déplace le langage théâtral et cinématograboum sur des compositions disco électro techno phique au complexe sportif et culturel Naceur dansantes avec paillettes, objets gonflables, Oussedik pour un concert imaginé à partir de chants, etc. Une manière festive de clôturer chansons et de paroles collectées auprès des son workshop avec un groupe d’enfants et habitants de La Castellane. HM / House Music transformer en dancefloor le centre social et a tous les atouts pour devenir un moment inédit culturel La Castellane ! Avec Iacopo Fulgi, et non reproductible, miroir tendu à la culture Marseille s’américanisera le temps de deux et à la mémoire des différentes communauséances de drive in comme dans les années tés. À La Castellane toujours, la chanteuse 50, feu rouge et intersection faisant office de et chorégraphe Dorothée Munyaneza

restituera quelques éléments de sa Résidence(s) – Acte 1 lors d’une rencontre ouverte à tous, faisant de leurs inspirations et de leurs aspirations matière, peutêtre, à une création collective. Autre point de ralliement à ne pas manquer, le métro Bougainville côté gare de bus, où le créateur de « dramaturgie spatiale » DOM a conçu un voyage comme un long plan séquence. Avec Uomo che cammina, ceux qui se prendront au jeu de ses dépistages narratifs emboîteront ses pas, et même l’épieront pendant son exploration de « la lisière entre paysage urbain et tiers paysage ». Là où se concentrent gare, terrain vague, centre commercial, usine abandonnée, potager… Des mini-événements qui sont autant d’espaces partagés et de souvenirs en commun. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Maravilloso 2 au 13 mai Divers lieux, Marseille mp2018.com

Ça brille au Nord !

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La Cie Azeïn prendra le relais, avec la complicité d’un chien qui accompagne deux circassiennes et un musicien dans MÔ, spectacle sur les enjeux de la communication. De 18h à 20h, place au bal ! Participatif, libre, et torride, il sera mené par les danseurs de la Cie Pernette. Après ça, une pause, peut-être, auprès des Cuisines dans ma cité, « restauration très locale du monde », ou en trouvant son bonheur sur les étals du Marché retrouvé, constitué de producteurs du coin* ? Avant de reprendre Cirk Biz’Art © Nawatography

es quartiers Nord de Marseille s’apprêtent à vivre un grand moment à la Cité des arts de la rue. Un événement dont le levain artistique a été pétri par cinq structures locales, à l’occasion de MP2018. Le 21 avril, de 14h à minuit, Le Merlan, La Gare Franche, L’Agence de voyages imaginaires et Archaos rejoindront ceux qui travaillent au quotidien sur le vaste territoire de la Cité, pour cette Étoile du Nord gratuite et ouverte à tous. Afin de se mettre en jambes en début d’aprèsmidi, tout commencera par un match d’improvisation méditerranéen, spectacle très vivant du Collectif Gena, qui mêle les mots et la boxe. Arriveront ensuite les véhicules de la Caravane de l’Amour, chaleureuse proposition du Pôle Nord : pour se voir offrir un poème, une scène romantique ou une chanson, on passera de fourgon en caravane... À l’heure du goûter, visite au Marché Noir du Laboratoire Urbain d’Interventions Temporaires, où l’on « estime l’inestimable : la matière noire, la matière hypothétique, le désir ».

de plus belle le cours de la soirée, avec un DJ set pour clowns nez-en-moins acrobates concocté par le Cirk Biz’art. Dans la foulée, un extrait du prochain spectacle de la Cie Artonik, inspiré de la culture Khmer, sur la problématique de l’eau : Sangkhumtha. Puis C’est pas là, c’est par là, une installation à défaire de Galmae, où chacun tient un bout de la pelote, et rétro-emberlificote ! Et pour finir, une voie lactée chorégraphiée par Generik Vapeur et Ex Nihilo, ou une projection mécanique de Sud Side (Burt Munro, de Roger Donaldson). GAËLLE CLOAREC

* Le Marché retrouvé s’installe pour de bon à la Cité des arts de la rue, où il aura lieu désormais les 1ers dimanches de chaque mois. Étoile du Nord 21 avril Cité des arts de la rue, Marseille 04 13 25 77 13 lacitedesartsdelarue.net


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Les enfants au collectif Festo Pitcho fédère chaque année les énergies des théâtres de Vaucluse, au service des enfants

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ela a commencé le 7 avril par une parade costumée couronnée par un goûter en fanfare, organisée par l’Eveil artistique, scène avignonnaise conventionnée pour le Jeune public. Depuis 11 ans l’association a regroupé un collectif de lieux très divers par leur taille et leur esthétique, de la scène nationale de Cavaillon jusqu’à la petite salle de Caumont-sur-Durance. Ensemble ils proposent des formes pour l’enfance, dans 16 communes de Vaucluse, et aussi un peu dans le Gard. Le collectif se réunit, choisit des formes qui correspondent aux lieux mais qui dessinent aussi des parcours possibles, et élabore une programmation éclectique et attentive aux compagnies régionales. Soit 21 spectacles qui balayent le champ du spectacle vivant, du théâtre d’objet pour la toute petite enfance (Entrelacs de l’Anima Théâtre les 20 et 21 avril à la Maison du Théâtre pour enfants, Grassouillette la Molassone au Chapeau Rouge du 14 au 22 avril) jusqu’au théâtre

Chacun son rythme, Projet Cryotopsie © Alexandre Drouet

pour ados (Chacun son rythme, un spectacle du Projet Cryotopsie sur la sexualité le 19 avril aux Doms), de la danse contemporaine (Cie Vilcanota à Rasteau le 17 avril, et La locomotive les 20 et 21 avril au théâtre Golovine) au cirque (La douce envolée les 18 et 19 avril à Vedène) il y en a pour tous les âges et les goûts, surtout musicaux : pop pour tout-petits à Cavaillon (Mosai et Vincent du 16 au 18 avril), jazz et world aquatiques à l’Ajmi (Aqua Rêves les 14 et 15 avril), fantaisie lyrique à Mazan (OpéraZibus le 17 avril)... Subventionné par la Ville d’Avignon pour produire la parade, l’organisation et la communication, Festo Pitcho repose sur

la bonne volonté des membres du collectif. Il ne serait pas sot de les doter de moyens supplémentaires, pour qu’ils puissent participer à la production et à la diffusion : l’économie du spectacle jeune public reste faite de bouts de chandelles, malgré les déclarations ministérielles pour une éducation artistique et culturelle qui passe par la production de propositions pour l’enfance. AGNÈS FRESCHEL

Festo Pitcho jusqu’au 22 avril Avignon, Vaucluse, Gard 04 90 85 59 55 festopitcho.com

Savoureuse distillation

À

Aubagne, la Distillerie (anciennement celle du Pastis Janot), est un « lieu de fabrique » au sein de laquelle compagnies professionnelles et amateures de la région se réunissent, répètent, expérimentent... C’est aussi là que la manifestation Place aux compagnies est née, donnant à voir, en la soutenant, la production théâtrale de compagnies locales et régionales, dans un échange et une réflexion menés par Feu !, Les Estivants c Jeremy F. Marron les structures culturelles aubagnaises (Théâtre Cette année, deux journées, les 2 et 3 mai, Comoedia, La Distillerie, la Médiathèque Marcel permettront aux professionnels et au public Pagnol et l’Espace Art&Jeunesse). Outre les de faire connaissance avec les huit compaspectacles (une restitution publique du travail gnies sélectionnées par Christophe Chave effectué lors d’une résidence de 7 jours à La (directeur artistique de La Distillerie) –Les Distillerie), des rencontres professionnelles, 1000 tours, Pirenopolis, Lanterne Rouge, des tables rondes et des échanges avec le Si sensible, L’exploitation Théâtre, Les public sont organisés tout au long de cette Estivants, Stelistô de tempo, Bretzel 3e édition. Company-, avant de voir leurs spectacles sur

scène (nous y reviendrons dans le Zib’ 118). Après un Goûter des créations (le 2 de 14h à 17h) à La Distillerie, direction le Comoedia pour une table ronde qui permettra d’aborder les différents moyens de production actuels, la temporalité de la création aujourd’hui, et l’accompagnement tel qu’il se pratique et ce qu’il serait souhaitable qu’il devienne ; puis la Cie Les Estivants donnera une lecture de sa création en cours, Feu ! (lire notre critique sur journalzibeline.fr). Le lendemain, à 20h à La Distillerie, le trio de swing acoustique Madame Olson lancera officiellement les réjouissances aux sons guitares manouches, contrebassine et bricolages acoustiques malicieux ! DO.M.

Place aux compagnies 2 au 27 mai Divers lieux, Aubagne ladistillerieaubagne.worspress.com


28 événements

Richesses Le programme printanier du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

À

Marseille on ne roule pas sur l’or (enfin, pas tous), mais le Mucem consacre une exposition au métal précieux (du 25 avril au 10 septembre). Une journée portes ouvertes la lancera, le 24 avril. Ses commissaires, Jean-Roch Bouiller, Philippe Jockey, Myriame Morel-Deledalle et Marcel Tavé, ont souhaité mettre en lumière les ambivalences de cet objet de désir fiévreux, qui « demeure associé au pire comme au meilleur de l’histoire de l’humanité : souffrances, inégalités et guerres intestines sans merci, appropriations colonialistes illégitimes, violences écologiques à l’échelle mondiale ». L’exposition Or prendra le relais de RomanPhoto, qui s’achève le 23 avril, tandis que se poursuivent les Voyages imaginaires Picasso et les Ballets russes, entre Italie et Espagne (jusqu’au 24 juin, lire notre critique sur journalzibeline.fr), et que les galeries et espaces permanents du musée accueillent toujours L’Amour de A à Z, Ruralités, et Connectivités

(retrouvez également leurs critiques respectives sur notre site). En ce qui concerne le jeune public, les 15 et 22 avril, les enfants à partir de 7 ans pourront profiter des derniers feux de Roman-Photo, lors d’ateliers de fabrication adaptés à leur âge. Du story-board au travail sur l’image, chacun bâtira son propre scénario ! Pendant la première semaine des vacances de printemps (du 23 au 30 avril, dès 6 ans), c’est l’art de costumier et de concepteur de décor de Pablo Picasso qu’ils découvriront, afin de prendre exemple sur le maître. Ils auront aussi l’occasion de devenir Chercheurs d’or lors de visites contées de la nouvelle exposition (du 2 au 5 mai, et le 12).

Rencontres

Ma première visite au Mucem© Diego Ravier-Mucem

Le 16 avril s’achève le cycle consacré par le Mucem aux relations entre la France et l’Algérie, par une table ronde centrée sur Les Berbères kabyles, des insurrections aux premières migrations. Le journaliste et chercheur Yassine Temlali sera présent, aux côtés du chanteur Ali Amran, lequel assurera aussi avec ses musiciens le préambule proposé par la Cité de la Musique. L’Association européenne d’enseignants et d’éducateurs en histoire, Euroclio, tiendra

ses deux conférences plénières le 23 avril dans l’Auditorium Germaine Tillion, en entrée libre sur inscription (i2mp@mucem.org). Elles s’intitulent La Méditerranée et les villes : de la cité antique aux projets de rénovation urbaine actuels et La Méditerranée : la naissance des monothéismes. Toujours soutenue par la multinationale Engie -il ne faudrait pas rater une occasion de verdir son image-, la Fête des Plantes revient au

Vinciane Despret @ Daniel Renou

Être ou non-être

V

inciane Despret enseigne à l’Université de Liège et l’Université Libre de Bruxelles. Sa spécialité est l’éthologie, science des comportements des espèces animales dans leur milieu naturel, mais elle peut au choix porter aussi les casquettes d’anthropologue, psychologue ou philosophe. C’est avec cette dernière qu’elle se déplacera à l’orée du printemps à Marseille, pour intervenir dans le cadre du cycle de conférences animé par Opera Mundi, Le vivant dans tous ses états. Le Frac Paca l’accueillera le 21 avril, pour une rencontre en entrée libre -mais la réservation est conseillée- suivie comme c’est désormais l’usage d’un Apéro Mundi, poursuite des échanges avec le public autour d’un verre. Proche d’Isabelle Stengers (qui avait répondu à l’invitation d’Opera Mundi en 2016, lire notre article Choisir ses histoires sur journal.zibeline.fr) et de Bruno Latour (qui sera présent pour conclure le programme de cette année, en mai à La Criée), ses travaux


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Entrelivres, première !

U

ne nouvelle manifestation littéraire ouvre ses portes à Draguignan, à la Chapelle de l’Observance et au cinéma CGR : Entrelivres. L’originalité de cette fête réside dans sa volonté de privilégier les échanges entre auteurs et lecteurs, tout en permettant d’une manière plus « traditionnelle » de découvrir de nouveaux ouvrages proposés par les libraires dracénois et la maison d’édition La Fosse aux Ours qui célèbrera à cette occasion ses 20 ans, avec son fondateur, Pierre-Jean Balzan. On aura ainsi le privilège de rencontrer les écrivains Antoine Choplin, pour son dernier ouvrage Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar, et Alberto Cavanna pour L’homme qui ne comptait pas les jours. On se régalera de La Cucina d’Ines avec son auteur Philippe Fusaro, et son apéritif littéraire, on écoutera le comédien Yves Barbaut lire Mario Rigoni Stern, et la flûtiste Mathilde Kouji-Decourt. On terminera la soirée au cinéma CGR avec la projection de Fuocoammare, Par-delà Lampedusa de Gianfranco Rosi (Ours d’Or Berlinale 2016). MARYVONNE COLOMBANI

musée, les 28 et 29 avril. En accès libre dans la Cour de la Commanderie, elle porte cette année -MP2018 oblige- sur le thème de l’amour. Les apprentis alchimistes pourront découvrir l’art du philtre déclencheur de passion, tandis que plus prosaïquement d’autres pratiqueront celui de la vannerie, avant de repartir avec leurs emplettes végétales sous le bras.

Entrelivres 12 mai Chapelle de l’Observance, cinéma CGR, Draguignan 04 98 10 41 50

GAËLLE CLOAREC

Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Collège de Méditerranée #10

portent actuellement sur la relation de nos sociétés avec la mort. Le titre de son intervention semble avoir des effluves taoïstes : De quelques brèches dans l’opposition de l’être et du non-être. Mais Vinciane Despret cite en fait l’anthropologue Maurice Bloch, qui creusait dans les années 1990 l’aspect non étanche de la vie et de la mort. Car bien des gens cultivent des liens avec leurs disparus, à travers rituels et évocations. Elle-même s’intéresse aux pratiques contemporaines, influencées notamment par le numérique : certains prolongent l’abonnement téléphonique de leur compagnon décédé pour pouvoir entendre sa voix sur le répondeur, le prestigieux Massachusetts Institute of Technology étudie à Boston des « chatbot d’éternité augmentée » afin de continuer le dialogue, et les morts seront bientôt plus nombreux sur Facebook que les vivants. On peut encore écrire sur leur mur et fêter leur anniversaire. Une façon d’investir ou de repousser le travail de deuil, auquel nul n’échappe sans dommages.

D

eux historiens présenteront la 10e conférence du Collège de Méditerranée, ces rencontres itinérantes qui ont lieu chaque mois dans différents quartiers de Marseille, à l’invitation de l’association Des livres comme des idées, qui porte aussi les Rencontres d’Averroès. Julien Loiseau et Amélie Chekroun traiteront de la présence de l’Afrique dans le bassin méditerranéen au Moyen-âge. « Une époque où les conquérants venaient du sud, où les villes les plus riches et les plus peuplées étaient au sud de la Méditerranée, où le centre du vieux monde n’était pas en Europe. » Sans idéaliser le passé, en prenant en compte le long chapelet de violences qu’a connu cette région à travers les siècles, à commencer par l’esclavage, les deux intervenants renverseront toutefois les perspectives sur la répartition du pouvoir entre l’Orient et l’Occident. Entrée libre, mais réservation conseillée : reservations@rencontresaverroes.com GAËLLE CLOAREC

G.C.

21 avril

Opera Mundi, Marseille 07 82 41 11 84 opera-mundi.org

Une mer africaine ? 14 avril Emmaüs Saint-Marcel, Marseille deslivrescommedesidees.com


30 critiques spectacles

Irrépressibles élans caprins

«L

’infini, c’est flippant. » « Tu ne peux plus respirer si rien n’est tenu. » « Une corde plus longue, c’est ça la liberté ? » Les chèvres, il leur faut du large. Sinon elles s’asphyxient. Alors, serait-ce leur pulsion de vie, ou leur pulsion de mort qui les pousse à rompre les liens rassurants de la routine, pour aller courir les bois et les collines, où se cache le loup ? Les deux ! répondent les interprètes de Julie Villeneuve, des adolescents marseillais qui ont, avec elle, pressé et extrait tout le jus du conte d’Alphonse Daudet La chèvre de Monsieur Seguin. Joie palpable de la jeunesse, sur scène : ils bondissent, se chamaillent, s’affalent en sursaut comme les vrais minots qu’ils sont. Gaétan Sbordone est un parfait imitateur de poules, Ahmadou Diallo illumine le récit de son accent chantant, Zoé De Barbarin et Charlotte Du Crest s’opposent en d’audacieuses théories, et tous rivalisent de présence, à l’instar de comédiens chevronnés. Il faut les voir, transformés en petits hommes et femmes préhistoriques, dépecer un poulet et croquer une botte de carottes avec les fanes, en commentant notre société de consommation : « lorsque les besoins augmentent, la vie n’a plus le même sens ». Ils font la chèvre en

© Sigrun Sauerzapfe

potaches, mâchouillant les cordons de leur tee-shirt à capuche, mais ils ont compris bien des choses... Ce qui nous attache et nous éloigne de l’important : avoir du temps pour se promener, lire des livres, écrire des poèmes. Le courage nécessaire pour éteindre son portable. Eux font du théâtre, et dansent sous les applaudissements, au 4e rappel.

Comme dirait Albert Camus, il faut imaginer la chèvre de Monsieur Seguin heureuse. GAËLLE CLOAREC

Pourquoi Monsieur Seguin a-t-il emprisonné sa chèvre ? s’est joué au TNM La Criée, Marseille, dans le cadre de la Biennale des Écritures du réel, les 23 et 24 mars. Retrouvez l’interview de Julie Villeneuve sur notre WebTV, et une émission spéciale consacrée au spectacle sur notre WebRadio

Course au bonheur

S

e mettre à bout de course ou à bout de souffle pour tenter de saisir ce qui s’est joué dans sa trajectoire familiale. Ou plutôt mettre en jeu les lignes que déploient nos différentes familles (parentales, politiques, artistiques). Ce sont ces différentes strates de filiation qu’interroge la Cie Vol Plané dans le projet intitulé Une famille innocente ? porté par Alexis Moati. Quatre courtes pièces explorent des pistes ouvertes par le film de Sidney © Vincent Beaume Lumet, Running on empty (À bout de course, l’actualité. Les reconstitutions sont joyeuses 1988). Celle, d’abord, des révolutionnaires et le travail sur les images d’archives, les des années 70 qui adoptèrent des formes slogans, les discours, est orchestré avec jusde lutte armée. Retrouver leur cheminement, tesse. On aimerait parfois que les successions sur scène, et le bouillonnement du monde de personnages soient moins rapides pour de cette époque est ce que propose Good pouvoir mieux entrer dans la temporalité Morning Revolutions. Rappelés à la vie par de cette génération. Do it poursuit la trame l’ingénieuse idée d’une émission de radio affective du film. Le tiraillement de l’enfant qui dans la mouvance de Good Morning Vietnam, doit se couper de sa famille pour vivre sa vie. les fantômes des militants dialoguent avec Monologue en forme de course, Alexis Moati

y livre ses souvenirs, les superpose aux images de Lumet, soulevant avec émotion les troubles de la transmission. Que lègue-t-on à ses enfants? Que nous laisse la génération 68 si ce n’est la difficile quête de notre propre voix ? De(s)composition du bonheur en famille, qui clôt le parcours, convoque l’indicible moment heureux. Construite comme une série de variations autour d’une scène initiale du film, cette pièce engage le spectateur à se mouvoir librement, à choisir d’où voir. Le dispositif circulaire permet de regarder le film de l’intérieur, et donc aussi le théâtre. Sur le plateau on traque ce bonheur insaisissable, celui qui peut-être ne peut s’approcher qu’en le rejouant, sur scène. DELPHINE DIEU

Une famille innocente ?a été présenté le 7 et le 13 avril à La Criée, Marseille


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« Chantal, j’ai changer, reviens !»

D

ès l’entrée, distribution d’un support, d’une feuille blanche, d’un crayon gris, et dictée ! On savait, avant d’y aller, qu’il s’agissait d’une sorte de spectacle décalé sur l’orthographe, et bien voilà… Juste avant, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron nous ont prévenus : ils ne sont pas comédiens, ils sont profs. Avec le sourire, en trois phrases malicieuses, ils réactivent, dans le public, des souvenirs plus ou moins traumatiques d’embuscades orthographiques. Écran vidéo en fond, verres d’eau sur une table, microphones serre-tête, façon conférence TED, le duo est belge, cool et bien rôdé, et va argumenter, pendant une petite heure, pour une remise en question totale de cette fameuse orthographe française. Totale, car il ne va pas s’agir seulement à coup de formules bien senties, d’anecdotes historiques étonnantes, d’infographies rigolotes et de petits dispositifs participatifs, de s’amuser (ou se désespérer) avec les subtilités (ou les absurdités) des règles d’accord du participe passé, des pluriels en « x » ou en « s », des accents muets, des homophones, des nénuphars ou nénufars, de l’oignon ou de l’ognon… Il s’agit surtout de désacraliser ce qui n’aurait du rester qu’un outil, le code graphique

© Véronique Vercheval

d’une langue, qui est hélas devenu, selon nos deux trublions lettrés, à la suite d’erreurs d’interprétations puis d’instrumentalisations politiques, un moyen de domination de plus. Et l’un des remparts d’une identité nationale crispée -extraits sonores, parmi d’autres, d’une dictée sadique de Bernard Pivot et d’une série d’éructations scandalisées d’Alain Finkielkraut à l’appui. Pourquoi ne pas libérer l’orthographe française de tous ses tralalas ? Pour l’amener, par exemple, jusqu’au « seuil de convivialité » tel que l’a conceptualisé le philosophe Ivan

Illich, c’est-àdire (en bref) l’endroit où l’outil est au service de l’homme, et pas le contraire. Comme un marteau. Ou un vélo. À l’issue du spectacle on imagine, en regardant le quartier de La Busserine, le bouillonnement d’invention langagière hors les clous qui doit s’y produire quotidiennement, c’est assez convaincant. Et très convivial. M.V.

La convivialité a été joué les 27 et 28 mars au Théâtre du Merlan, Marseille, du 29 au 31 mars au Théâtre de la Passerelle, Gap, et les 6 et 7 avril au Bois de l’Aune, Aix

Temps présent aux Baumettes

L

e 29 mars, 14h, centre pénitentiaire des Baumettes, gymnase B3 : une soixantaine de détenu.e.s, qui se sont porté.e.s candidat.e.s, sont invité.e.s à assister à la représentation d’Un fils de notre temps, un texte de Ödön von Horváth, mis en scène par Jean Bellorini. C’est une première pour le Théâtre de la Criée qui mène des actions culturelles depuis 2013 dans Un fils de notre temps, le 29 mars aux Baumettes © DISP Sud-Est cette prison, mais n’y a jamais présenté de Ce sont quatre jeunes comédiens-musiciens, spectacle. Une représentation qui a été, en présents en permanence les uns à côté des amont, l’objet d’une sensibilisation auprès de autres, qui prennent en charge le rôle de ce certain.e.s de ces détenu.e.s et dont l’histoire fils de notre temps, lui offrant chacun son feu semble en mesure de les toucher : le parcours intérieur particulier. Inquiétant, fougueux, d’un jeune prolétaire désœuvré dans une désorienté, attachant, misérable, le garçon se Allemagne en pleine montée du nazisme. Il débat comme il peut avec tout ce qui s’écroule aura le sentiment de trouver un sens à sa vie autour de lui : le travail, la famille, la patrie, en devenant soldat. Mais blessé au combat, l’amour, l’honneur, la fidélité. Que ce soit à ses illusions tomberont les unes après les la guerre ou en permission, à la fête foraine, autres. Sa fin sera rapide et consternante. tout n’est qu’espoirs déçus, rendez-vous

manqués. Par moments, les quatre comédiens forment un chœur et la tragédie collective résonne dans cette vie perdue. Des partis pris de mise en scène et des interprètes qui tiennent le public en haleine d’un bout à l’autre de cette histoire, écrite en 1938. Fils d’un autre temps ? À l’issue du spectacle, des échanges nombreux se nouent de façon informelle entre détenu.e.s et comédiens, jusqu’à l’appel pour regagner les cellules. MARC VOIRY

Un fils de notre temps a été joué le 29 mars au Centre pénitentiaire des Baumettes, et du 3 au 6 avril à La Criée, Marseille En écoute sur WebRadioZibeline (journalzibeline.fr) interviews du responsable du Service Pénitentiaire de Probation et d’insertion (SPPIP), de deux des comédiens et de quelques détenu.e.s, accompagnées d’extraits sonores du spectacle


32 critiques

Comme un cheval fou…

© Roxane Samperiz

protagoniste couvert de sang, c’est Liam, le frère d’Helen (Marc Menahem, très convainquant). Hébété, conscient qu’il dérange une petite soirée « genre romantique », il rassure sa sœur : il n’est pas blessé, c’est le sang d’un autre. Le mari, Dany (Florian Haas tout en retenue), veut appeler la police pour signaler la victime. Peut-être faudrait-il aller à son secours ? Helen (fervente Marion Duquenne) se cabre, il faut éviter que Liam puisse être mêlé à une sale affaire. Ce qui partait comme un thriller se transforme en un passionnant questionnement qui place l’ambiguïté morale au cœur de la solidarité familiale. Jusqu’où peut-on défendre et soutenir un membre de sa famille ? Se pose aussi la question de la non-reconnaissance de l’autre dans cette banlieue anglaise peu sûre et peuplée d’étrangers. Totalement solidaire de son frère, « ma seule famille », Helen exige de Dany qu’il les aide. La tension monte ; les

O

rphelins ou comment un petit repas en amoureux finit en tragédie. Pour cette pièce de l’auteur anglais Dennis Kelly, Vincent Franchi a choisi un plateau sobre occupé d’une table, de chaises et d’un tapis rouge. Pas de décor mais une bande-son de Guillaume Mika crée dès le début un climat angoissant et accompagne la vidéo en noir et blanc d’un cheval blanc. Puis la lumière montre une scène banale : un homme et une femme attablés. Surgit soudain un troisième

échanges verbaux sont de plus en plus brutaux, les mots crus, le style haché. À ce propos Vincent Franchi dit avoir retraduit certains passages qu’il trouvait trop « écrits », insistant sur le côté frontal de la langue anglaise. De plus en plus confus, Liam crache la vérité : l’homme blessé est en fait sa victime, c’est un pakistanais. On plonge dans le drame social avec le racisme, l’insécurité, le repli sur soi dans lesquels a sombré un jeune paumé à l’enfance malheureuse. Dénouement tragique et pessimiste que le metteur en scène a choisi de jouer dans l’obscurité pour la dernière scène, évoquant le dénouement sanglant qui a précipité le trio dans la tourmente, comme des chevaux fous dans la nuit. CHRIS BOURGUE

Orphelins de la Cie Souricière s’est joué au théâtre Joliette, Marseille, du 20 au 24 mars, au Sémaphore, Port-de-Bouc, le 30 mars (dans le cadre du Train Bleu) et au Théâtre des Halles, Avignon, les 5 et 6 avril

Croire que l’on peut parler

© Sonia Barcet

L

a réussite de Je crois en un seul Dieu tient d’abord la performance d’une actrice, Rachida Brakni, saluée debout quasiment à chaque représentation. Avant même le texte de Stefano Massini, pourtant considéré comme l’un des dramaturges italiens contemporains les plus importants ? Sans doute aucun. Car si l’on décèle un brin de caricature dans cette histoire à trois voix féminines, une Palestinienne déterminée à commettre un attentat, une professeure d’histoire juive, et une soldate américaine postée en Israël, elle appartient bien à l’écriture. Surtout pour ce dernier personnage, une virile citoyenne des USA que l’on sent dessinée par un auteur européen. Reste Rachida Brakni, habitée tour à tour par trois visions du monde politiquement incompatibles, passant de l’une à l’autre avec finesse, puissance, aisance. Seule sur le plateau, sobrement éclairé et scénographié par Nicolas Marie, avec une bande-son aussi discrète que pertinente créée par Patrick De Oliveira, elle brûle les planches. « Je suis en empathie avec chacune de ces femmes », précise-t-elle après la représentation. « Cela ne veut

pas dire excuser, mais comprendre les humiliations vécues au quotidien par l’une, qui se radicalise, la peur montante chez l’autre, qui se radicalise aussi d’une certaine manière, et le regard plus extérieur de l’américaine, où l’on projette le nôtre. » La comédienne a hésité avant de se lancer dans ce projet sur le conflit israélo-palestinien, malgré son souhait très vif de travailler avec le metteur en scène Arnaud Meunier, mais l’absence de manichéisme l’a rapidement convaincue. À un spectateur qui lui demande s’il y a déjà eu des réactions négatives à la pièce, qui a beaucoup tourné, avec nombre de rencontres scolaires, elle répond : « Jamais. Nous avons discuté avec des gens de confession juive, musulmane, catholique... les réactions sont toujours très positives. » En cela réside aussi la réussite de l’œuvre : sur ce sujet brûlant, le dialogue est noué. GAËLLE CLOAREC

Je crois en un seul dieu s’est joué du 14 au 16 mars au Théâtre Joliette, Marseille


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Hybride

A

ttention, ceci n’est pas une pièce, mais une « création transmédia, danse, marionnettes et arts numériques ». ÜBM, pour Über Beast Machine, soit une créature humanoïde à peine animée, câblée, avec des éléments végétaux. C’est le personnage principal de cette œuvre conçue par La Méta-Carpe, collectif d’artistes rassemblés à Marseille autour de Michaël Cros. Des personnages en blouse blanche et chaussons de bloc opératoire l’examinent, sondent ses réactions, l’entourent d’une attention non dénuée de gentillesse. Car ÜBM ne peut vivre sans soins humains. Ils soulèvent délicatement ce métabolisme mi-organique mi-électronique de son fauteuil, l’égouttent (il a les pieds dans l’eau, sans doute pour favoriser sa croissance !), taillent le lierre qui croît sur lui. Le début, avec son univers médical, évoque irrésistiblement... E.T., l’extraterrestre de Steven Spielberg, dont on se rappelle avec malaise la façon dont il était ausculté par les scientifiques, ravis d’avoir mis la main sur un

© La meta carpe

tel spécimen. Mais rapidement l’ambiance un peu froide se réchauffe, tout simplement parce que les trois marionnettistes -Cendrine Gallezot, Kinga Samborska et Frederico Strachan- émergent de leurs costumes pour se mettre à danser. Immédiatement, le public soupire : en voyant un corps humain qui palpite, avec ce qui nous est propre, cette chair

incertaine, imparfaite et tendre, aux côtés d’un hybride à l’inquiétante étrangeté, l’émotion se déploie. Le spectacle, destiné aux plus de douze ans, se complète d’une exposition, qui présente plusieurs « boutures » d’ÜBM dans le laboratoire du futur où il est étudié. Ainsi que d’un site (www. pro-vivance.com) qui présente l’activité de ce Pro-Vivance LAB, spécialisé dans l’observation des différentes formes de vie... en 2097. GAËLLE CLOAREC

ÜBM s’est joué du 29 au 31 mars au Théâtre Massalia, Marseille

La mort vous va si bien

© Cordula Treml

V

oilà que les Nono se mettent à faire un opéra. Créé à Perm, avec une troupe russe en partie présente à Marseille. Russe de sa langue et espagnol dans l’esprit, extravagant, démesuré, avec 32 artistes sur scène, danseurs, chanteurs, musiciens, comédiens... Baroque jusqu’au bout des ongles, des costumes, des maquillages, Barokko est un splendide livre d’images, de spectres de dentelles et d’organdi, de voiles et de résille, noir, blanc,

avec une touche de rouge ou de vert, des accessoires de pacotille, collier de pierres, couronnes de fougères, chapeau de carton rouge, laitue posée comme un diadème sur la tête du nonce... Poudrés et blanc, comme extraits de tableaux de Bacon ou Goya, défilent un pape, de vieux jumeaux, un prophète, la mort, un devin, des jeunes filles, la plupart androgyne, en jupe, tourbillonnant et chantant, processions portant branchages, encensoirs,

et cette boule rouge et lisse qui ne demande qu’à rouler jusqu’à sa fin. La musique de Marco Quesada réinvente un baroque contemporain, vrillé, traversé de citations, interprété par cinq musiciens, trois chanteurs lyriques et un chœur de jeunes femmes qui en restituent toute la richesse harmonique, et la force évocatoire des spectres et des émotions transgressives. Car il est question de désir et de mort, de péché sans doute, de démesure et de remords : le fil dramatique reste volontairement insaisissable, et le texte de Marion Coutris, chanté en russe, et qui en français invective et déplore en métaphores et litanies le trajet d’un homme représenté à trois âges, ne fait jamais dialogue, comme si toutes ces ombres qui défilent en bifrontal et ne communiquent ni entre eux ni avec le public, avaient déjà passé la frontières des ombres. On s’ennuie donc parfois aux litanies obscures, vite rattrapé par l’intense plaisir des yeux et des sons. Qui parviennent à construire un univers transgressif autour de la fin du désir et de la mort, sans rien de lugubre ! AGNÈS FRESCHEL

Barokko se joue jusqu’au 14 avril au théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 theatre-nono.com


34 critiques spectacles

Mars s’encoquine

L

e festival Mars en baroque a proposé une soirée atypique dans sa programmation : pratiquant le dialogue avec les musiques nouvelles depuis plusieurs années, et ouvert aux plaisirs culinaires depuis deux éditions, il s’agissait de proposer un concert littéraire avec performance plastique et improvisation musicale, suivi d’un banquet/lecture. Soirée d’autant plus exceptionnelle que l’invitée était Nancy Huston, plus légère que jamais, affirmant non seulement le plaisir de la fable

© François Guery

en musique, mais aussi l’analogie entre le bonheur d’entendre et les plaisirs charnels. Ses Erosongs, susurrés, racontés ou chantés selon qu’ils étaient narratifs ou poétiques, étaient accompagnés par Freddy Eichelberger au clavecin et Michel Godard au serpent, tous deux jouant entre les traditions d’improvisation jazz et baroque joliment, et savamment. On y passait du torride Sirroco aux cris amusants d’un couple bricolant d’ambiguïté, en passant par le récit d’une

première étreinte, en épisodes, du point de vue d’une glycine en fleurs au pistil titillé. Tout au long du concert il était question de plaisir mais surtout de désir, partagé, féminin, assumé, illustré par les performances plastiques de son compagnon Guy Oberson, qui peignait à grands traits des papiers éphémères et jamais arrêtés, superposant leurs figures, les lignes de corps évoqués sans les saisir tout entier... Une métaphore parfaite du désir. Le banquet qui suivait, conçu par Emmanuel Perrodin, était tout aussi subtil et délicieux, reposant sur des saveurs diverses habilement mariées. En revanche le cadre trop sonore de la Friche empêchait d’entendre le clavecin, le serpent peinait à passer les conversations et Nancy Huston lisant une nouvelle dont on ne perçut que des bribes, drôles, à propos de poissons et de trains que se croisent... Peut-être était-ce assez ? AGNÈS FRESCHEL

Erosongs et Un amour de banquet furent donnés à la Friche, Marseille, le 23 mars dans le cadre de Mars en baroque

Les jeux de l’amour et du théâtre

L

e troisième volet des Monologues d’Alain Simon, acteur, dramaturge et directeur du théâtre des Ateliers à Aix s’articule autour d’un titre plus que programmatique et cependant interprétable de bien des manières, Aimer aimer. Le texte, à l’instar des Monologues précédents, © Cagliari est composé à partir d’improvisations, de rapprochements, de coq à l’âne, d’échos, de glissements de sens, d’analogies, qui surprennent, déroutent parfois, puis s’éclairent se nourrissent les uns des autres, en un jeu de reflets où la pensée s’aiguise, ouvre de nouveaux champs à notre interprétation du monde, et à notre manière de l’appréhender. Souvenirs autobiographiques, fragments de citations, s’agencent en acrobaties jubilatoires.

Les mots se catapultent, se bousculent, mettent en cause leurs résonnances, les réalités auxquelles ils semblent renvoyer, mais qu’ils recouvrent seulement, les occultant ou les dévoilant tour à tour, sources d’erreurs et qui pourtant nous permettent de déceler des vérités… Dire « je t’aime » est quelque chose de bien compliqué, s’affadit avec la répétition, perd son sens, mais le fait de l’articuler peut aussi « devenir un acte »… La réponse en est

alors problématique, toute reprise d’un acte fondateur, comme elle n’est que reprise, perd la valeur première ! Tourments et interrogations à propos de ce que l’on pourrait croire évident, fondent le discours, autorisent bonheurs linguistiques et délires verbaux que les quatre comédiens musiciens danseurs, Alain Simon, Jeanne Alcaraz, Elyssa Leydet-Brunel et Mickaël Zemmit, dans les belles lumières de Syméon Fieulaine, rendent avec une fine justesse. Les gestes s’étirent en contrepoint des phrases, leur accordent une sensible incarnation, tandis que les accords de guitare (Michaël Zemmit) se lient au rythme des mots, les ourlent de délicates vibrations. Les voix s’isolent, se mêlent, disent, lisent, chantent, murmurent, fredonnent, tissent une nouvelle écriture polyphonique, où les mots endossent de nouvelles teneurs. L’amour pour sauver le monde ? Sans doute. Les poètes, assurément ! MARYVONNE COLOMBANI

Aimer aimer – monologue 3 a été créé du 23 au 29 mars au théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence


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Les affres du jeu

Les joueurs © X-D.R.

L

e Festival Russe du Toursky, 23e du nom, s’achève comme toujours sur une note festive, drainant inconditionnels et spectateurs fidèles. Goût de la vodka, nostalgie littéraire ou vécue de la perspective Nevski (l’avenue la plus célèbre de Saint-Pétersbourg), musicalité de la langue russe… parenthèse toujours réenchantée ouverte sur les grands espaces où l’on rêve aux peuples fraternels, malgré les rodomontades et les travers de ceux qui les gouvernent, esprit de paix et d’entente, par la découverte mutuelle de l’autre, le partage des cultures sans recherche de domination… Au cœur des utopies, le théâtre, sa verve, ses éclats. Après un hommage au centenaire de la création du mimodrame L’Histoire du soldat, composé par Stravinsky sur un texte de Ramuz, le premier cabaret concocté par Héléna Maniakis qui joue de ses origines grecques et arméniennes, accompagnée par deux musiciens serbes, Dario Ivkovic (accordéon) et Branislav Zdravkovic (basprim, guitare et chant). Le cabaret est transformé ici en véritable concert. Chaque chanson est située chronologiquement, expliquée, traduite avec humour et légèreté. Ici, une jeune fille aimée d’un soldat aura-t-elle la patience de l’attendre ? Là une invitation au bal, là encore les tristesses de l’exil, les

angoisses de la guerre, puis les renouveaux, amoureux, printaniers, coquetteries espiègles et appels révolutionnaires… Les trois musiciens jouent avec un plaisir communicatif, et le russe semble bien alors être la langue de tous les registres et de toutes les émotions ! Point d’orgue théâtral, Les Joueurs de Nicolas Gogol (1842) par la troupe la plus prestigieuse de Saint-Pétersbourg, le Théâtre de la Comédie N.P. Akimov. L’argument est simple, le dupeur dupé. Le joueur et tricheur Ikharev arrive dans un hôtel où il projette de gruger ses adversaires aux cartes. Mais ses partenaires de jeu, avec lesquels il croit pouvoir partager secrets de tricherie et nouveaux plans machiavéliques, s’avèrent plus retors que lui ! Le voilà crédule à son tour, manipulé, comme les innocents dont il se moque. Aveuglé par son intelligence et sa perspicacité, l’infaillibilité dont il pense être investi, il va croire une histoire rocambolesque, échanger son argent contre la promesse d’une somme supérieure. Ses rêves d’abondance se heurtent alors à la réalité… Notre personnage, écrasé par le chagrin et sa nouvelle misère s’effondre, et les instruments de sa perte effectuent une danse où jaillissent les cartes truquées, en un final somptueux. La mise en scène efficace et sobre de Tatiana Kozakova, la simplicité évocatrice

des décors de Stefania Graourogkaite, la musique d’Evgueni Stecuk contribuent à l’excellence du spectacle : une grande leçon de théâtre classique ! Et un thème intemporel servi avec brio par un texte d’une remarquable densité. La verve des comédiens ne s’arrête pas là. Infatigables, ils régalent l’espace Léo Ferré d’un florilège de chansons, depuis les standards de la période soviétique, ou de temps plus anciens encore, avec les « chansons préférées de nos arrière-arrière-arrière (…) grands-mères et grands-pères » jusqu’aux chansons actuelles… permettant aux auditeurs une nouvelle approche de l’histoire des mentalités en Russie. Babouchkas et jeunes gens avec le même goût pour la mélodie, les rythmes qui s’accélèrent, et poussent les spectateurs à battre des mains en mesure, en une délicieuse convivialité. Les numéros de mime, désopilants, viennent agrémenter l’ensemble, avec un humour qui oscille entre celui de Buster Keaton et de Slava Polunin, expressivité des mimiques, situations cocasses, tout passe à la moulinette de l’humour inépuisable des participants ! MARYVONNE COLOMBANI

Le Festival russe a eu lieu au Toursky, Marseille, du 20 mars au 8 avril


36 critiques spectacles

Exploitations coloniales

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es calamités s’accumulent sur les terres d’Algérie vers la fin des années 1860, famine, maladies, sauterelles, récoltes détruites, inexistantes, sécheresse, tremblement de terre… Emma Picard raconte, au chevet de son dernier fils, le calvaire de sa vie entre Sidi Bel Abbes et Mascara, sur les vingt hectares de terres que lui a attribuées, à elle, veuve en charge de quatre enfants et qui a eu « le malheur de l’écouter », « un homme à cravate assis derrière son bureau de fonctionnaire »… Elle perdra tout. Seule face au public, assise sur un vieux fauteuil, toute frêle enveloppée dans un large burnous, Micheline Welter reprend les mots du roman de Mathieu Belezi, Un faux-pas dans la vie d’Emma Picard. Diction sobre, qui épouse le rythme du texte. Simplicité en épure où éclosent les phrases, comme issues de la pénombre. Esthétique de la sidération. Les mots sont là, posés sur les faits, dans leur nudité tragique, et reprennent un pan de l’histoire de la colonisation algérienne que l’on ne trouve pas dans les livres d’histoire, les mensonges d’état qui poussent une population miséreuse sur les territoires agricoles de l’autre côté de la Méditerranée. Le récit nous entraîne loin de tout ce que nous pouvons croire savoir de la colonisation, met en lumière l’oppression des malheureux par la machine administrative. Êtres broyés… Emma ne se considère jamais cependant comme une victime. Transgressive, ardente, opiniâtre, libre. L’écriture de l’auteur suit cet élan, « la vitalité extraordinaire de cette femme », sourira Micheline Welter lors du bord de scène qui suit la représentation. « L’ampleur du récit, dans laquelle on retrouve beaucoup d’aujourd’hui, ajoute-t-elle, son souffle, sa force, nous traversent, c’est un texte gouffre avec ses multiples strates, et nous fait percevoir cette tragédie universelle, portée par une écriture répétitive, lancinante. » Mathieu Belezi qui a consacré

Micheline Welter © Sébastien Rollandin

trois romans à l’histoire de la colonisation algérienne s’interroge sur le silence qui l’entoure, « pourtant elle a duré 132 ans » ! « La terre d’Algérie du XIXe se prêtait à la démesure baroque du style que je voulais employer, et m’offrait une grande liberté, avec sa dimension de western… ». Reste un portrait bouleversant d’humanité et une pièce coup de poing qui renvoie à de superbes lectures. MARYVONNE COLOMBANI

Un faux-pas dans la vie d’Emma Picard a été donné les 13 et 14 mars au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence et le 22 mars au Théâtre Liberté, scène nationale Toulon

Les mots de l’action

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a photographie occupe le fond de scène. Charlotte Delbo nous y attend, élégante et espiègle avec son porte-cigarette. Mathilde Arlotto, Léa Bartoli, Daphnée De Morant, Flora Grison, Calvin Kouyoumdjian, Eliott Tregan, tous élèves de la Classe d’Art Dramatique du Conservatoire, © Marcel Masson disent, lisent, ainsi que leurs professeurs, Isabelle Lusignan et Alice Mora et deux membres actifs des A.T.P., Arlette Masson et Bernard Pelinq, des extraits de textes de Charlotte Delbo (1913-1985), reconstituant par fragments l’itinéraire de cette femme de lettres engagée, résistante. Lecture mise en espace avec une sobriété efficace, jalonnée d’émergences, de surgissements… Sourire lumineux des débuts, de l’amour partagé, adieux terribles en prison -il (son mari, George Dudach, communiste, résistant) est fusillé-,

déportation, vie au-delà de toute horreur dans les camps Auschwitz-Birkenau où elle porte le triangle rouge de politiques, puis de Ravenbrück ; et le théâtre, salvateur : jouer pour survivre, se remémorer des poèmes, ultime et essentiel lien au monde et à la vie… Abondante ensuite, la correspondance avec Louis Jouvet, la transcription de ses cours en sténo, travail que l’on n’a pas cru bon de citer lors de leur publication ! D’ailleurs, poèmes, romans, pièces, sans compter les témoignages d’Aucun de nous ne reviendra et des trois

tomes d’Auschwitz et après commencent à être connus et appréciés après la mort de Charlotte Delbo. Œuvre littéraire jusque dans la mémoire du cauchemar : « Essayez de regarder. Essayez pour voir ». Seule la dimension fantastique peut rendre compte… Pas de faux pathos ou d’apitoiement pourtant, mais une injonction à la vie : « je vous en supplie faites quelque chose, apprenez un pas, une danse, quelque chose qui vous justifie, qui vous donne le droit d’être habillés de votre peau, de votre poil, apprenez à marcher et à rire parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts et que vous viviez sans rien faire de votre vie ». Le Chant des Partisans, chanté à bouche fermée, clôt de manière poignante cet hymne à la vie. Les acteurs s’effacent, saluent sur les côtés de la salle, plateau vide et pourtant habité… M.C. Lectures données au Conservatoire d’Aix-enProvence le 23 mars, proposées par les ATP d’Aix


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Twirlitons !!!

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électionnée par le dispositif régional et itinérant d’accueil en résidence TRIDANSE pour l’année 2018, la danseuse et chorégraphe Marta Izquierdo présentait son projet de création qui en est à ses premiers balbutiements (après trois premiers jours de résidence au 3bisf), IMAGO-GO. Le sujet étonne au premier abord, puisqu’il s’agit d’évoquer l’image de la majorette, d’une manière diachronique, depuis ses débuts à aujourd’hui. La © Nicolas Cadet majorette a pris depuis 1978 un nouveau nom, la « twirleuse » (« twirleur » pour les garçons) qui est même devenue discipline olympique et voit son image transformée au cinéma ou dans des clips de variétés. Marta Izquierdo ne s’intéresse pas à ce qu’elle a pu représenter politiquement, mais à l’image de la femme qu’elle véhicule, à la fois réifiée et adulée… qu’elle soit poupée aux vêtements chatoyants ou figure militaire des commencements. La chorégraphe a mené un travail quasi

chorégraphies évoluer selon les modes, les musiques de variétés et renvoie à une iconographie locale, où la femme est d’une certaine manière idéalisée… Marta Izquierdo explique sa démarche, ses recherches, livre des extraits de comédies musicales ou de clips qui éclairent son propos. Danse et performance sont ici censées rendre compte de cette imagerie populaire qui est en train de connaître un renouveau. Le spectacle nourri de toutes ces sources mettra en scène comédiens, danseurs, circassiens, musiciens… féminins et masculins. L’art se refuse à tout enfermement ! GO !

ethnographique autour de cette activité, dans ses pratiques, sa place : phénomène social, familial, émanation d’une culture populaire, importée d’Amérique, adoptée, rendue traditionnelle, avec sa dimension collective, son esprit de groupe, de fête, d’émulation. En effet, le maniement du bâton n’est pas si simple ! Quelques spectateurs se risqueront à tenter l’expérience des premiers « twirlings », et en mesureront toutes les difficultés. Chargée de tout un imaginaire, la majorette a vu ses

MARYVONNE COLOMBANI

Conférence-performance donnée le 24 mars au 3bisf, à Aix-en-Provence

À venir 14 avril Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 velotheatre.com

Pas de deux circassiens tour à tour … monde de métamorphoses, d’incertitudes, où la séparation cherche à s’annuler pour de nouvelles fusions dans les superbes lumières de Cyril Leclerc. Plus narratif, Apesar, de la Cie Sõlta, évoque deux solitaires, frère et sœur héritiers d’un royaume abandonné. Tom Prôneur et Alluana Ribeiro, aux mimiques d’une espiègle expressivité, campent leurs solitudes, se rapprochent, s’affrontent, se jouent l’un de l’autre, de jonglages époustouflants aux architectures improbables aux élans vertigineux sur mât pendulaire… équilibres, danse, mime, narration en voix off, musique, rendent inclassable ce spectacle à la frontière des genres. La réalité est interrogée par le biais du conte, de la fantaisie, qui rendent au quotidien sa magie et au fait d’exister sa bouleversante poésie. M.C. Phasmes et Apesar ont été donnés au théâtre de Fontblanche, Vitrolles, dans le cadre de MP2018 et de l’Entre-deux-Biennales du Cirque

© Tom Proneur

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’Entre-deux-Biennales faisait escale au théâtre de Fontblanche, drainant passionnés du genre ainsi qu’enfants et familles. Du cirque, avec la spécificité de présenter deux duos qui interrogent le couple mais aussi le monde qui l’entoure. La Cie Libertivore, dans une mise en scène de Fanny Soriano, se paraît d’ombres, les sons précédant la vue, feuilles d’automne froissées en un cercle fermé, initiatique et symbolique. Dans Phasmes, un être hybride se distingue peu à peu, épousant l’orbe scénique de ses roulades. Est-il un ou deux ? Semblable aux personnages fantasques imaginés par le dramaturge comique Aristophane dans Le Banquet de Platon, à la fois féminin et masculin, il/elle (Voleak Ung et Vincent Brière) progresse de ses huit membres, insecte étrange aux allures de brindille, qui donne son nom au spectacle. Enchâssés, indissociables, les deux acrobates gagnent peu à peu une autonomie, se livrent à des équilibres haletants, numéros de mains à mains, devant les agrès dont chacun use


38 critiques spectacles

Le masque du pouvoir

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orge Mastromas a toujours été convenable. Un enfant puis un ado qui ne se fait pas particulièrement remarquer, drôle, gentil, un peu loser face à ceux qui en imposent parmi ses copains. Il n’est pas celui qu’on suit, il n’est pas non plus celui dont on tombe facilement amoureux… Bref, il est dans la norme, noyé dans la masse du « rien de particulier à signaler ». À force de toujours faire « ce qu’il y avait de bien », toujours penché qu’il était vers la morale, Gorge a choisi plus d’une fois la bonté, à © Solange Abaziou moins que ce soit la lâcheté. Est-ce parce sacrifier) et la promesse d’enfin en disposer ? qu’il est fondamentalement bon ou simple- Nulle réponse apportée, mais il tient-là le ment parce qu’il n’ose pas être « mauvais » ? pistolet d’abattage et ne le lâchera plus. Chaque confrontation à un choix le mène Les succès économiques s’enchainent, le au même résultat… jusqu’au basculement monde lui appartient, une ordure est née. Au irréversible. Ce jour-là son employeur au bord diable les convenances, les regrets, vive le de la faillite a besoin de son avis, tout en lui cynisme, la trahison, et surtout le mensonge, glissant « vous êtes si raisonnable, j’ai toujours érigé comme règle de vie. Destructeur, à tout pensé que c’était une sorte de faiblesse ». point de vue… Est-ce ça l’étincelle, ou la sensation d’ap- Après Orphelins en 2014, Chloé Dabert procher le pouvoir (sauver sa patronne ou la retrouve l’auteur Dennis Kelly avec cette

mise en scène de L’Abattage rituel de Gorge Mastromas. Au-delà d’une simple critique du capitalisme et de l’ultralibéralisme, l’auteur interroge notre rapport intime à la vérité, au pouvoir, et au mensonge. La mise en scène de Chloé Dabert laisse progressivement s’installer ce personnage peu attachant, même pas détestable tant il nous renvoie tous à nombre de choix irréversibles et souvent paradoxaux, dans l’ingénieuse scénographie de Pierre Nouvel, modulable et neutre, qui se transforme au fil de l’histoire. Les comédiens, formidables, s’emparent avec énergie du rythme de ce texte labyrinthique, cru, brutal, heurté parfois, qui révèle toute la cruauté d’une vie finalement sacrifiée sur l’autel d’un dérisoire pouvoir. DOMINIQUE MARÇON

L’abattage rituel de Gorge Mastromas a été donné le 27 mars au Théâtre des Salins, Martigues

Ce que la guerre nous a fait

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a Compagnie des spectres de Lydie Salvayre, paru il y a 20 ans, avait frappé les esprits. Ecrit dans une langue précise qui savait épouser l’âge et les états émotionnels des personnages, monologue d’une jeune femme citant les paroles de sa mère, ellemême perdue entre passé et présent, huis clos reposant sur une unité de temps mais superposant souvenirs surgissant du passé, fantasmes, et la voix intérieure de la jeune femme, le roman, complexe, semblait porter en lui une adaptation théâtrale. D’autant que la montée narrative, l’émotion, les spectres de la Collaboration, miliciens tortionnaires, délateurs avinés, Pétain et Darnand, la présence de l’huissier qui imperturbablement continue l’inventaire des biens à saisir face à une vieille femme folle engloutie dans son passé, et sa fille servile et blessée qui cherche à la contenir, tout cela est éminemment dramatique. Aussi le théâtre s’en est-il vite emparé, et en particulier dans notre région Pierre Béziers, qui en avait fait une adaptation remarquée. Celle de Zabou Breitman, qui tourne depuis 2011, est époustouflante. La comédienne passe

© Chantal Depagne Palazon

d’un registre à l’autre, d’un personnage, d’une époque à l’autre, et réactive toute l’ambiguïté du texte. Cette mère, cette Rose que Louisiane sa fille soigne et camoufle, fait partie d’ellemême, comme un contre-chant salvateur à son enfermement de femme trop polie que les insanités parfois débordent. Tout se superpose et tout est clair pourtant, la présence de l’huissier dans le présent, les souvenirs

de la mère qui sont l’épiphanie du spectacle, l’horrible mort du frère, la danse avec Pétain, la détention de la grand-mère, la libération de la fille qui parviendra à mettre l’huissier dehors. De conserve avec sa mère, ou assumant enfin les spectres qui l’habite. Zabou, drôle, émouvante, crue, entrant dans chaque facette des personnages en faisant sienne leur langue, leur voix, leur force et leur douleur, est constamment remarquable. AGNÈS FRESCHEL

La Compagnie des spectres a été joué au Théâtre d’Arles les 27 et 28 mars


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Réveil brutal

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n homme émerge d’un sac de couchage, sur un matelas de fortune posé sur des palettes. Mise en route d’un matin comme un autre, Sous le pont d’une ville française. Une petite radio fait entendre une musique orientale tandis que l’homme, avec des gestes parcimonieux, entame sa journée : rapide toilette avec une bouteille d’eau, café qui chauffe sur un minuscule réchaud. Et des papiers qui jonchent sa couche et qu’il range fébrilement. Jamal est syrien, depuis deux mois en France, à la rue, dans l’attente d’un asile politique. Il attend un de ses compatriotes, syrien comme lui, naturalisé français et militant des droits de l’Homme. Entretemps, la vie n’étant décidemment pas simple, se succèdent les rencontres peu ou pas amicales, voire agressives. Un raciste qui lui crache sa haine des « bougnoules » ; une SDF à priori compréhensive mais qui part en lui volant un sac ; un cheikh venu l’inciter à aller prier à la mosquée, pour le sauver et faire en sorte qu’il ne devienne pas comme les français (« ta mort pour eux ne pèse pas plus lourd qu’une poussière »… Oui mais voilà : Jamal vit mieux en France, sous un pont, que ceux qui

© Iyad Kallas

meurent sous les bombes, et de toute façon, où pourrait-il aller ? Lorsqu’enfin arrive l’homme qui l’aidera à monter son dossier de demande d’asile –un récit de 3 pages « qui fasse pleurer les pierres »-, son histoire, terrible, le confirme. L’auteur, Abdulrahman Khallouf, et le metteur en scène, Amre Sawah, tous deux syriens, se connaissent, depuis leur rencontre à l’Institut supérieur d’art dramatique de Damas. Puis l’exil, et les retrouvailles à Bordeaux, jusqu’à l’émergence de cette pièce, dont le rôle principal est tenu par Homam Afaara, danseur syrien récemment arrivé en France. Si les rencontres vécues par Jamal semblent très caricaturales, la scène finale vient titiller les cerveaux endoloris et

comme habitués à ces récits insoutenables. L’auteur et le metteur en scène investissent soudain le plateau et s’interrogent : comment étendre « la douleur de l’histoire syrienne » ? Que faire de ce personnage de papier qui ne vaut finalement « pas mieux que les autres syriens »… Comme eux il mourra, encore faut-il trouver une fin théâtrale. La mise en abyme brutale d’une réalité absurde questionne, à nouveau, l’espoir d’une reconstruction possible (?), dans le pays dit « des droits de l’Homme ». DOMINIQUE MARÇON

Sous le pont à été donné les 15 et 16 mars au Théâtre d’Arles

L’ERACM au top

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’ensemble 26, c’està-dire les deuxièmes années de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille (ERACM), était en résidence à la FabricA, à Avignon, dans le cadre d’un travail mené auprès de 23 classes de Vaucluse, à l’initiative du Festival d’Avignon. A l’issue de 5 semaines de travail ils ont offert au public deux extraits de 45 Ensemble 26 © Olivier Quero minutes chacun de Insoutenablement longues étreintes est une bombe. Le texte met en scène étreintes d’Ivan Viripaev (mise en espace de 4 jeunes gens qui cherchent à s’évader de Thomas Fourneau) et Solstices d’hiver de leur « vie de plastique » et sont habités par des Roland Schimmelpfennig (mise en espace voix intérieures... ça va vite, c’est cru, juste, Guillaume Cantillon). Deux textes choisis illuminé, inspiré. Thomas Fourneau a choisi par le comité de lecture de l’ERACM, et qui de dédoubler les personnages et leurs voix seront mis en scène dans leur intégralité à intérieures par un système de relais, lisible et l’IMMS, Institut Méditerranéen des métiers efficace. Les jeunes acteurs sont précis, drôles, du spectacle, à la Friche. effrayants, le courant passe magnifiquement Malgré un public clairsemé et froid dans la trop entre eux, ils font groupe jusque dans leur difgrande FabricA, Insoutenablement longues férence d’approche des mêmes personnages...

La performance des 6 autres acteurs de l’Ensemble 26 dans le Solstice d’hiver n’est pas moins impressionnante. Pourtant les personnages, couple d’intellectuels quarantenaires confrontés à deux sexagénaires et une enfant, sont beaucoup plus loin de leur réalité. Peu importe, et justement. On y croit, à ces caractères qu’ils ne peuvent incarner tout à fait et qui passent de l’un à l’autre, comme l’écriture de Schimmelpfennig qui oscille entre le narratif et le dramatique, change de plan, de point de vue, sans cesse. Guillaume Cantillon rend tout cela limpide, et tranquille, du moins dans la première moitié d’une pièce visiblement construite sur un crescendo destructeur... Une promo d’acteurs exceptionnelle, à découvrir absolument ! AGNÈS FRESCHEL

Insoutenablement longues étreintes et Solstices d’Hiver ont été donnés le 15 mars à la FabricA, Avignon, et du 20 au 23 mars à l’Institut Méditerranéen des Métiers du Spectacle (IMMS), situé à La Friche, Marseille


40 critiques

La folie d’un acteur

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ur la scène : la scène d’un théâtre. Fedor franchit le rideau rouge qui la barre, un balai à la main. Acteur raté, il vit sa passion en travaillant à l’entretien dudit théâtre. Il se présente ainsi: « Je ne dois pas être un homme si méchant ! Mes colères les plus terribles ne font même pas peur aux moineaux ! Les gens disent que je suis fou… » Bien que fou, il est néanmoins lucide sur sa condition d’humain et sur le monde dans lequel il vit. Et, pendant une heure et demie, seul sur scène, il donne libre cours à son délire. Charles Gonzalès qui joue Fedor enchaîne avec frénésie et ferveur des thèmes aussi vastes que la condition humaine, la société du bien et du mal, la frontière entre la raison et la folie, la vérité… Pour cela, il convoque Dostoïevski, Shakespeare, les Psaumes et le Qohélet. Masque simiesque, démarche chaloupée, il donne corps à la folie de son personnage. Avec seulement quelques objets, comme le rideau rouge qui, une fois au sol se transforme en une mer écarlate ou avec des mannequins revêtus de costumes de théâtre, son univers onirique se crée sous

© Celine Zug

les yeux du spectateur. La mise en scène d’Alain Timár, grâce au travail exceptionnel de lumière de Richard Rozenbaum révèle les rêves obscurs de Fedor. Régi par ses passions plus que par sa réflexion, Fedor se laisse emporter par un torrent verbal. Des citations d’Otello, Henry II, Macbeth font irruption dans son discours tant et si bien qu’on se perd dans sa logorrhée, qu’il devient impossible de s’accrocher à une thématique, que le spectateur se sent parfois submergé par son délire et ne peut que se résoudre

à se laisser emporter par le flot impétueux de cette parole. « La sagesse qu’un sage cherche à communiquer a toujours un air de folie. » écrivait Herman Hess. Et si Fedor était ce sage ? Même si l’auteur du texte, Alain Timár, précise qu’il n’y a « pas de message, pas de leçon », le spectateur sort de la pièce désorienté, voire frustré, car il aurait bien aimé saisir un peu de la lucidité profonde qui habite le personnage. Nous avons assisté à la première et on peut se dire que nuancer le jeu, trouver un équilibre entre l’incarnation de l’acteur et la folie qui l’habite sont des retouches qui, on n’en doute pas, seront faites d’ici le Festival. CAROLINE GERARD

Les carnets d’un acteur s’est joué au théâtre des Halles, à Avignon, le 22, 23, 24, 25 mars et sera repris en juillet durant le Festival Off

Loretta, folle de l’espace

© Eric Didym

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ans un vaisseau spatial en perdition, Loretta téléphone. Elle prend des nouvelles de l’univers et commente ses aventures. Tout cela sent l’apocalypse ! Sa collègue Linda, elle aussi dans un satellite, lui annonce que la terre a été envahie par des Hommessinges. Plus tard, on apprendra que la planète a carrément explosé. Impossible de s’agripper à une quelconque logique dans ce récit du génial Copi. Il explose toutes les conventions. Tout en signant la mise en scène, Gaël Leveugle interprète Loretta. Complètement nu au centre d’un cube matérialisé par des tubes métalliques, il est cette femme qui, au milieu de la catastrophe cosmique, a pour mission de repeupler l’univers en copulant avec les rats qui hantent son vaisseau spatial. La mort et le sexe s’entraînent mutuellement dans une danse macabre psychédélique. Le corps et la voix de Gaël Leveugle portent vaillamment ce texte complexe, déstructuré, où se mêlent poésie, humour, folie. Si ce n’était si convenu, on pourrait parler de performance. La lumière est l’autre acteur de cette pièce. Le travail de Mathieu Ferry consiste à ne jamais

laisser le spectateur en paix. Quand celui-ci se prend les pleins phares dans la gueule, il est projeté dans l’espace avec Loretta au cœur du chaos. Le corps gesticulant de Gaël

Leveugle est accompagné de flashs lumineux qui rythment l’épopée. Mentionnons aussi la musique de Jean-Philippe Gross qui enveloppe la scène des bruits de l’insondable immensité de l’univers. L’œuvre protéiforme de Copi ne cesse de bousculer encore aujourd’hui. En mettant en scène cette pièce en 2018, Gaël Leveugle continue la voie tracée par l’auteur argentin qui confiait : « Ce que j’aime c’est d’avoir le public en face, tu peux le fendre comme un bateau. » Ce bateau, ce sont les lumières jusqu’à l’aveuglement, les vibrations cosmiques de la musique et le monologue au langage si cru. Le spectateur ne peut se soustraire à la tragédie car, sans répit, il vit dans son corps cette épopée terrible. Ce parti pris de mise en scène nous rappelle que, contrairement à l’époque où la pièce fut créée, parler en 2018 de la destruction de la terre n’est plus une allégorie mais une angoissante certitude. C.G.

Loretta strong a été donné au théâtre Artéphile, à Avignon, le 24 mars



42 critiques spectacles

Le dîner assassin de Cyril Teste

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uel meilleur sujet que Festen de Thomas Vinterberg, pièce de théâtre avant d’être un film culte dès 1998, pour Cyril Teste et le collectif MxM qui ont déjà signé ensemble Nobody ? Introduire un tournage dans un film n’est certes pas une nouveauté depuis La nuit américaine de Truffaut, mais ici le metteur en scène use du théâtre et de la vidéo pour rendre hommage à la Nouvelle Vague fédérée par le Dogme95. La boucle est bouclée avec sa performance filmique qui © Simon Gosselin conjugue, fait du hasard ou non, les mêmes défauts et les mêmes excellences que son illustre référence danoise. À savoir que l’on peut s’émouvoir ou rester à distance du drame bourgeois qui se trame sous nos yeux en raison de la crudité des dialogues, de la stigmatisation des caractères et de l’incohérence de la situation : pourquoi attendre la fête du

60e anniversaire du patriarche pour dénoncer l’inceste, traquer la bête et tuer le diable qui est en lui depuis si longtemps ? La cause, certainement, du suicide de la jeune sœur Linda disparue un an auparavant, réincarnée en une fantomatique Ophélia au visage pâle… À savoir que la dextérité des cameraman est admirable qui filment en direct et à vue

le visible et l’indicible, et créent un dialogue subtil entre leurs mouvements -gros plans sur les expressions des visages, ouverture sur de nouvelles perspectives et sur les coulisses, simultanéité des scènes- et le ballet millimétré des seize comédiens. Mais trop d’effets visuels tuent les effets visuels et notre regard finit par se prendre les pieds dans le tapis ne sachant plus où se fixer. Une fois encore Cyril Teste, au savoirfaire indéniable et à la direction d’acteurs irréprochable, montre les coutures du spectacle comme l’ont déjà expérimenté Frank Castorf, Christiane Jatahy, Ivo van Hove ou Katie Mitchell. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Festen a été donné les 15 et 16 mars au Liberté, scène nationale Toulon

Régine Chopinot en accords majeurs

À

l’automne dernier à Châteauvallon, Régine Chopinot menait la danse en duo au plateau et en vidéo avec Piécette au carré créée en 2015. Année faste pour la chorégraphe qui donnait aussi le jour à sa pièce chorale PacifikMeltingPot dont la tournée française s’est achevée au Théâtre Liberté. Il lui aura fallu audace et conviction pour faire aboutir son désir de réunir des artistes néo-zélandais, japonais et kanak, patienter durant cinq ans jalonnés de nombreuses sessions et faire fi de la géographie ! Force est de constater que le spectacle est à la hauteur de ses attentes : il irradie de vie, de complicités et d’humanité ; il allie sentiments mélancoliques et joyeux, esprit de fête et rituel. Des dizaines de balles blanches et noires, puis rouges, circulent de main en main, sautent en l’air et s’éparpillent au sol comme si, dans ce champ de bataille coloré, les danseurs souhaitaient atteindre le rêve des autres. Une énergie invisible les relie, palpable dans le frémissement des doigts, le toucher délicat d’une peau, les chants rauques, les frappes de pieds, les claquements de mains. Leur corps est percussion : voix et gestes sont des vagues indestructibles qui les submergent, les emportent dans un élan collectif. La pièce

© João Garcia

marie les langues, les corporalités, les couleurs de peau par le souffle qui l’anime, la rythme et l’architecture. Nourrie d’histoires du bout du monde (pour le spectateur occidental), elle regorge de signes, de symboles, d’évocations et d’images propres à chaque danseur, chanteur ou musicien embarqués dans cette épopée contemporaine. Car PacifikMeltingPot est une partition rythmique jouée et dansée à l’unisson sans que jamais les singularités, les cultures et

les traditions ancestrales ne soient gommées. Au contraire, elles cohabitent en harmonie dans une ronde de danses orchestrées par la chorégraphe qui a fait de ses rencontres le cœur vivant de son art. M.G.-G.

PacifikMeltingPot a été donné le 3 avril au Liberté scène nationale de Toulon


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La Traviata divine tragédie

I

l faut le talent de Benjamin Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla pour concevoir une Traviata sans fosse ni orchestre ni chœur, mais avec treize comédiens-chanteurs-musiciens, et résumer l’intrigue en deux heures à travers une partition « désacralisée », un mélange d’archives et d’extraits du livret de Francesco Piave, lui-même inspiré de La Dame aux camélias de Dumas fils ! La lisibilité du drame l’emporte ici sur la partition, ce qui ne saurait déplaire à Verdi, grâce à l’audacieux brassage de théâtre et d’opéra, de voix chantées et parlées émaillé de digressions, d’anecdotes et d’allusions à Théophile Gautier, Dumas père ou Liszt. Pour le rôle-titre habituellement interprété par une soprano, Judith Chemla s’est mise au chant lyrique et parvient à conjuguer avec fluidité son jeu de comédienne incandescente et son timbre gracieux. Une prouesse qui éclipse parfois la voix de ses amis à l’heure des scènes festives ou carnavalesques, mais la ferveur des musiciens infiltrés dans tous les interstices du plateau fait

© Pascal Gély

vite oublier ce petit défaut. Toute La Traviata est là, son héroïne au sang chaud et au cœur amoureux, sa rédemption par le sacrifice et le renoncement, le regard acerbe des auteurs sur les convenances et la désinvolture de la société parisienne dans les années 1850… Dans un décor masqué par un voile de tulle blanc, parsemé de bouquets champêtres, on

assiste impuissant et troublé à la lente agonie de la courtisane au destin funeste : la tragédie se lit sur son pâle visage, sur son corps gracile, autant que dans la construction musicale qui alterne ambiances surchauffées et tableaux intimistes. Si le vin et les chants embellissent la vie, si l’amour « est le souffle de l’univers », si les cœurs s’enflamment, « la fange » du passé dissolu de Violetta la rattrape jusqu’à la maison de campagne où elle s’est refugiée avec Alfredo. Jusqu’aux dernières vibrations de son cœur. M.G.-G.

Traviata vous méritez un avenir meilleur a été donné les 21, 23 et 25 mars à Châteauvallon scène nationale Ollioules en partenariat avec l’Opéra Toulon Provence Méditerranée


44 critiques spectacles

Tempête sous le crâne de Volmir Cordeiro

«B

uvez la vie à grands traits - Il sera toujours trop tôt - Quand vous devrez la quitter » scande Volmir Cordeiro dans sa lecture et son solo Rue qui clôt son triptyque composé de Ciel et d’Inês. La phrase de Bertolt Brecht tirée de Sermons domestiques, comme d’autres textes courts et épigrammes, tissent la matière de sa danse : du geste au mot et du mot au mouvement,

© Marc Domage

le chorégraphe brésilien associé au CND de Pantin depuis 2017 met en mots ses gestes dansés dans des textes révélant à quel point le geste, le dire et l’écriture sont indissociables. Il a d’abord cherché des histoires de son pays natal autour du thème de la guerre et du combat, mêlées à des textes plus festifs. Puis, dans les loges, il s’est mis « à soulever des images et des mots », sur scène à danser et

à dire, puis à écrire à nouveau et à danser encore. À Châteauvallon, accompagné par le percussionniste Washington Timbó, sa lecture a levé le voile sur son process de création et annoncé implicitement le rythme et la saveur de son solo, brut, rugueux, explosif, inclassable. Des éclats percussifs, des figures débridées, des citations résonnent entre la lecture et la danse, d’une même intensité douloureuse à l’évocation de la tyrannie, la dépossession, la torture, les voitures blindées. D’une même légèreté joyeuse quand il martèle au pupitre « Ce soir c’est pour la fête, ce soir c’est pour la tempête ! », le visage accueillant et les gestes amples, ou crie dans le studio en bermuda de bain et bonnet rose. Yeux, genoux et paumes de mains fardés de rouge, Volmir Cordeiro laisse exploser son corps, sa voix, sa ferveur, en symbiose avec Washington Timbó. Se succèdent à la vitesse de la lumière postures expressives, figures classiques, danse de rue, grimaces carnavalesques (yeux exorbités et bouche béante), bruits de gorge, frappes, mouvements saccadés contrebalancés par d’autres remarquablement fluides. Avec quelques fulgurances de douceur dans une réalité mortifère. M.G.-G.

Lecture et Rue ont été donnés le 27 mars à Châteauvallon scène nationale, Ollioules

T.H.V. (Très Haut voltage) !

C

’est une claque magistrale infligée au public sidéré, tenu en haleine par la performance de Louise Lecavalier. Une heure durant, la chorégraphe et danseuse canadienne mène Mille batailles avec l’espace dans une quête de liberté totale, forte de ses expériences et de sa mémoire. Car le démon de la danse dans le corps ne l’a pas quittée ! À 59 ans, toujours sur le qui-vive, elle combat en jet continu à un rythme infernal dans un espace graphique architecturé par les combinaisons lumineuses. Propulsée vers l’avant, elle libère la parole du corps en neuf rounds bien trempés, d’abord en solo puis en duo avec Robert Abubo, magnifique contrepoint, fondus ensemble dans le paysage sonore créé par Antoine Berthiaume. Jambes scotchées en un X majuscule qui force l’admiration, elle ne cesse de se déplacer à petits pas glissés, sautillants, telle une pile électrique. Imperturbable. Seuls le buste et la tête cagoulée oscillent en tous sens, battent « des ailes ». Son énergie décuplée ne se démentit jamais car l’immobilité ne fait pas

Louise Lecavalier, Robert Abubo © André Cornellier

partie de son vocabulaire chorégraphique, excepté quelques brefs moments de communions extatiques avec son complice dans le ralenti et l’effleurement. À contrario elle conjugue à tous les modes la vitesse, la course, les tremblements convulsifs, l’endurance, la fluidité, les saccades. Inspirée par la figure du Chevalier inexistant d’Italo Calvino, elle additionne et enchaîne mille et une figures

hallucinantes sur un ring transformé en terrain d’expérimentations : le mur du décor comme point d’accroche du corps suspendu ou collé, le sol comme point d’appui de la tête. Au dernier round, enlacés en roulades enroulées, on les croit anéantis, certainement pas : encore un dernier sursaut, une dernière salve avant de trouver le repos du guerrier. Louise Lecavalier reconnait que « la danse est venue (la) chercher et qu’elle a beaucoup de chance ». Nous aussi. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Mille batailles a été donné le 29 mars à Châteauvallon - scène nationale, Ollioules et le 27 mars au Théâtre de l’Olivier, Istres


45

Tram direct

«V

ous avez l’heure ? » C’est un caneton qui pose cette question, tout au long de la pièce, comme un refrain incongru. On ne lui répondra jamais, mais on saura qui sont les canetons, en République démocratique du Congo : de très jeunes filles, qui se déplacent en grappe, en file indienne sur les chantiers de mines de diamant, toujours une passe à proposer, qui affluent sur les pistes de danse miteuses et flamboyantes des lieux de débauche pour les « creuseurs » et les étudiants en grève, pour les « touristes à but lucratif ». Le Tram 83 est le plus emblématique de ces bars, les canetons y fraient avec les reines de la nuit, les musiciens alcoolisés, les dealers, les magouilleurs, les désespérés, les salauds magnifiques, les traitres gentils, la fange et la vie qui pulse à faire péter les tempes de sons, de drogue et de sexe. Fiston Mwanza Mujila, dans un premier roman à la langue aussi inventive et déboussolante que ce qui se joue dans ce microcosme infernal, décrit son pays natal, l’incandescente « Villepays » Lubumbashi, royaume de diamant extrait au prix fort. La metteuse en scène Julie Kretzschmar poursuit un dialogue établi depuis une quinzaine d’années avec les auteurs contemporains francophones en

© Christophe Pean

adaptant ce texte pour le théâtre. Dans une scénographie (Claudine Bertomeu) et une lumière (Camille Mauplot) très réussies, les cinq comédiens incarnent l’autobiographie détournée de l’auteur. On le retrouve dans le personnage de Lucien (Charles Ouitin Kouadjo), frêle et impressionnant de détermination candide, qui veut prouver que l’écriture est plus forte que la boue, face à son frère ennemi Requiem (Moanda Daddy Kamono), revenu de tout, mais toujours prêt à en découdre avec la vie. Il y a l’éditeur blanc et suisse entre eux (Frédéric Fisbach), happé

par le souffle d’une Afrique qui phagocyte jusqu’à sa propre histoire (« mais si je ne suis pas africain, qui suis-je ? »), la diva (Lorry Hardel), et le caneton, donc (Astrid Bayiha). Torrent de mots, poésie violente, récits au passé, voix qui presque jamais ne se croisent : un théâtre slamé, cru, puissant. ANNA ZISMAN

Tram 83 a été joué les 21 et 22 mars au Théâtre de la Vignette, Montpellier, et les 12 et 13 avril au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence

5 pièces maitresses

«L

e premier enfant s’il vous plait. » C’est le début du spectacle, et ça glace. Ils sont sept filles et garçons, entre 10 et 15 ans, et ils vont chacun répondre aux questions de cet adulte, en fond de scène, assis à son bureau. L’une explique qu’elle aime chanter, l’autre qu’il avait dix poules, mais que neuf sont mortes, mangées par un renard, alors « il y a neuf tombes de poules dans © Phile Deprez le jardin ». « As-tu été triste ? » « Assez pour ne pas les manger. » Fraîcheur d’expression, frontalité de l’adolescence. « Il faut pas rire », intime un spectateur lycéen à ses voisins. Et les présentations continuent, qui finalement autorisent à se détendre, à cesser de traquer le sous texte. Devant nous, les enfants qui ont été sélectionnés pour jouer dans Five easy pieces. Metteur en scène : Milo Rau, fondateur de la Cie IIPM (International Institute

of Political Murder), penseur politique autant qu’homme de théâtre, essayiste, élève de Bourdieu et Todorov. Traqueur de réel, celui qui déchire. Les comédiens sont belges. Comme Marc Dutroux. Avec des enfants pour raconter ce sommet d’horreur, le spectacle sentait le souffre, et il s’avère être un concentré limpide de réflexions sur le théâtre, le jeu, la reconstitution -la manipulation en toile de fond. Embrasser quelqu’un sur scène ? « No way ! »

lance Rachel, la plus jeune des interprètes. C’est elle qui jouera Sabine, séquestrée dans une des caves du pédophile. Elle n’embrassera pas, non. Elle dira l’une des lettres destinée aux parents de la victime, joués par deux autres enfants, qui eux s’embrasseront. « Tu peux pleurer ? », demande l’adulte au père qui raconte la disparition de sa fille. « Pense à quelque chose de triste. » Il aura recours à des larmes de cinéma. Et on rit, sans gêne, du plaisir de se laisser entrainer dans la machination théâtrale. Dédoublements (certaines séquences sont projetées sur un écran, jouées par des adultes, pendant que la même se déroule sur le plateau), multiplication des sources de réalités et entrelacs de niveaux de lecture produisent une heure et quart de pur exhausteur d’intelligence. Injonction à penser, à défaut de panser. A.Z.

Five easy pieces a été joué du 4 au 6 avril à hTh, domaine de Grammont, Montpellier


46 critiques danse

Un festival osé + de Genres s’est ouvert avec le rituel d’adieu de Steven Cohen à son compagnon, provoquant une grande vague d’émotion. Il se poursuit jusqu’au 19 avril à Klap Maison pour la danse Marseille

D

ans un genre plus désinvolte et teinté d’humour, Aschley Chen & Philip Connaughton ont frappé un grand coup avec Whack!! que l’on peut traduire par « donner des grands coups » et « payer au prix fort ». Deux formulations qui s’entendent au sens propre dans cette collision permanente de leurs corps dociles, empêchés, trainés, culbutés, malmenés en pleine conscience par l’autre. Leur lutte s’intensifie sous le regard impassible d’un jeune garçon sagement assis en tailleur hors du cadre de scène, régissant sur son ordinateur la fréquence de la bande-son. Dualité, souffrance, mimétisme, complémentarité se jouent dans cette partie de catch chorégraphique où tous les coups sont permis, même la feinte, la simulation… et le consentement. Ce soir-là, plongé dans un brouillard sonore perpétuel, le public a vécu une autre expérience, hypnotique celle-ci, avec le lancinant While we strive d’Arno Schuitemaker qui embarque son trio dans un long et intense flux et reflux de

mouvements pendulaires, amples. La transe, le mouvement répétitif, l’ivresse fusionnelle du corps et du son jusqu’à ses limites ne sont pas inédits, depuis les derviches tourneurs (danse sema) jusqu’aux créations de Nacera Belaza ou Olivier Dubois. La performance des danseurs est à saluer mais la relation entre les deux pièces Whack!! et While we strive, et la question du genre, reste une énigme non élucidée. Contrairement au solo de l’artiste grecque Alexandra Bachzetsis et à la performance rituelle de Camille Mutel qui développent un vocabulaire personnel autour de la question de l’identité pour l’une, et de l’animalité pour l’autre. De la figure d’Amy Whinehouse à Mickael Jackson, en passant par l’activiste féministe M.I.A. et la star des dessins animés Betty Boop, Alexandra Bachzetsis entame une lente mutation. En bomber et jogging ou en costume masculin, en robe moulée ou en tenue d’aérobic, le visage nude ou maquillé, avec ou sans postiche, son corps lui appartient en dépit des apparences.

Devenir Autre et s’affirmer soi-même est une entreprise de séduction et un acte de résistance subjectif que la danseuse explore avec brio dans Private : Wear a mask when you talk to me. La performance rituelle de Camille Mutel laisse perplexe parce qu’illisible et un brin prétentieuse : propos abscons, esthétique baroque outrancière (poses alanguies, lumières maniéristes, surabondance d’objets en porcelaine pour la purification des corps dénudés), incantations vocales excessives.

L’ImpruDanse en mouvement !

M

son duo Phasmes dans une danse acrobatique animale et sensuelle ; par la prouesse des portés, les vidéos et leur jeu de cache-cache, Joris Frigerio et Mathieu Renevret (Les D. Quixote, Andrès Marin © Alain Scherer

algré une itinérance à marche forcée dans la ville -le théâtre est en travauxet des conditions techniques parfois compliquées -comme reconstituer la « boîte noire » dans un complexe sportif-, le festival L’ImpruDanse a atteint sa cible. Il a fédéré le public dracénois autour d’une palette polychrome, entre danse contemporaine, flamenco puro réinventé, théâtre-danse, cirque et art en mouvement. Avec une large fenêtre ouverte sur la création régionale. Chorégraphiée par Christophe Garcia (Marseille), Lettre pour Eléna a fait mouche par la justesse et la délicatesse de son interprétation ; … de là-bas de Romain Bertet (Cie L’œil ivre, Toulon) a embarqué les spectateurs dans un voyage aux confins de la matière, de la lumière et de la solitude ; dans Hêtre, Fanny Soriano (Libertivore, Marseille) les a transportés dans un espace aérien poétique avant d’inscrire

Hommes de mains, Nice) les ont immergés dans une City où, par la parole retrouvée, chacun réinvente l’idée d’une communauté ; enfin, le duo féminin no.w.here de Frank


LE PRINTEMPS DE LA DANSE ! Pour la troisième année consécutive le Printemps de la danse s’invite au Merlan. Une édition en trois temps dédiée à la danse urbaine coécrite avec l’Association de Promotion de l’Espace Culturel Busserine.

JEU. 03 MAI

OPUS 14

Kader Attou

> 20H30

CCN de La Rochelle / C ie Accrorap

MAR. 15 MAI

TRACES

Private Wear a mask when you talk to me, Alexandra Bachzesis © Blommers & Schumm

Seul élément à retenir dans Animaux de béance : la compagnie Li(luo) manipule à merveille les aiguilles à tricoter et la laine rouge dont elle se plait à tirer les fils. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

> 19H

Whack!!, While we strive, Private : wear a mask men you talk to me, Animaux de béance ont été présentés les 23 et 26 mars à Klap Maison pour la danse, Marseille + de Genres se poursuit jusqu’au 19 avril

Micheletti (Kubilai Khan investigations, Toulon) a mis en tension et en friction deux corps en état de grâce absolue. L’ImpruDanse s’est fait fort d’accueillir trois figures de la planète chorégraphique aux univers contrastés. Comme Andrès Marin, fidèle depuis Yatra, revenu plus libre que jamais dans sa réinterprétation urbaine du mythe de Don Quichotte et l’incandescence de son flamenco (D. Quixote). Il y eut aussi la petite lueur d’espoir apportée par le chorégraphe israélien Hillel Kogan qui, dans We love Arabs, balaye les poncifs et les préjugés sur la question de l’identité avec une autodérision jubilatoire. Le festival a clos sa deuxième édition sur un air de fête teinté de nostalgie en compagnie de Jean-Claude Gallotta, plus que jamais en mouvement et à l’écoute de toutes les musiques. Même la plus populaire d’entre elles, le rock (My Ladies Rock). M.G.-G.

Le Festival L’ImpruDanse s’est déroulé du 3 au 7 avril à Théâtres en Dracénie, Draguignan

JEU. 17 MAI > 20H30

Mickaël Le Mer C ie S’Poart

S L AV E

David Llari C ie Sun of Shade

+ PA R A D O X A L W I L D Nacim Battou C ie Ayaghma

Tarifs / soirée : 15 / 10 / 5 / 3 €

infos & réservations > avenue Raimu, Marseille 14e > 0 4 9 1 1 1 1 9 2 0 / w w w. m e r l a n . o r g


48 critiques rencontres

Préhistoire et transmission

L

e 15 mars, une soirée en hommage Haute-Provence, Jean-Louis Bianco, à Jean Gagnepain se tenait au qui participait aussi à l’hommage. JeanMusée de Préhistoire des Gorges Jacques Bahain et Pierre Voinchet du Verdon, dont il fut le premier (maîtres de conférences au Muséum directeur. national d’histoire naturelle, UMR Tous étaient présents, famille, amis Paris) rappelaient ses contributions à collaborateurs scientifiques, politiques, la connaissance de l’histoire longue mêlant l’art de l’éloge posthume aux de l’Homme, mais aussi, avec des fous anecdotes et au rappel des contriburires, la course à la rédaction du DEA, tions multiples de Jean Gagnepain aux achevé collectivement à 9 heures le sciences de la préhistoire. Lauréat du matin de sa soutenance ! Sa passion prix « Jeune chercheur » Irène Meynieux du travail était aussi remémorée par 1991, il est Docteur du Museum national son épouse, nuits passées à peaufiner d’Histoire naturelle de Paris en 1996 les textes d’une exposition du musée, avec sa thèse menée sous la direction de qui n’empêchaient pas l’abondance des Henry de Lumley : « Étude magnétostravaux diurnes… direction du musée, tratigraphique des sites du pléistocène son insertion dans les réseaux de la inférieur et moyen des Alpes-Maritimes culture scientifique, les relations avec le et d’Italie : la grotte du Vallonnet, marina public, les importantes fouilles locales, Airport, Ca’Belvedere di monte Poggiolo, les projets de partenariat hors les murs, Isernie la Pineta, Venosa Loreto ». Ses les travaux sur le paléomagnétisme (qui multiples travaux scientifiques furent permet une autre datation que celle au retracés avec clarté et espièglerie, ainsi carbone)… Itinéraire fulgurant d’un Henry de Lumley, qui n’hésitait pas lors Jean Gagnepain © Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon extraordinaire « détective du passé ». MARYVONNE COLOMBANI de la présentation de son parcours scientifique et l’évocation des divers lieux de fouilles où il travailla, à comparer le crâne de celui que l’on nomma l’Homo Georgicus (- 1 800 000 ans, à Dmanissi) à Hommage rendu le 15 mars, Musée de Préhistoire celui de l’ancien ministre et ancien président du CG des Alpes de des Gorges du Verdon, Quinson

Renaître en une autre langue

D

ans le cadre des Rencontres Littéraires initiées par l’association Nouvelles Hybrides, une table ronde animée avec finesse par Bernard Magnier réunissait les auteurs Laura Alcoba, Velibor Čolić et Lenka Horňáková-Civade. Laura Alcoba a rejoint sa mère en France à l’âge de 10 ans, fuyant l’Argentine où son père était prisonnier politique : « La conquête de la langue est une manière de se fondre pour être comme les autres ne pas être remarquée, c’est surtout une libération car je venais du pays du silence, de la censure et de l’autocensure, sous la dictature, la parole était entravée et pas seulement chez les militants. » Lenka Horňáková-Civade (Tchécoslovaquie) renchérit : « Avec le français, c’était l’indépendance, une renaissance à soi en franchissant la frontière, pouvoir être même ce que je n’osais pas rêver, même les rêves étaient verrouillés sous la dictature communiste. » « La langue, c’est la conquête de la verticalité de l’Homme, insiste Velibor Čolić (Yougoslavie). En arrivant en France comme un survivant

J’ai pu aller chercher mon histoire argentine grâce à la langue française ». « Ce qui est indicible dans sa langue ou son propre pays devient possible dans une langue, ajoute Lenka Horňáková-Civade. » Velibor Colic, Laura Alcoba, Bernard Magnier, Lenka Hornáková-Civade © MC Les distances mul(j’étais soldat et le jour dont je suis le plus fier tiples du temps, de c’est celui où j’ai déserté), je me suis accroché l’espace, des langues, de la fiction, ouvrent avec toute ma force vitale pour apprendre la l’espace littéraire, lui accordant un souffle où langue : être un homme illettré c’est affreux, l’émotion tient une place essentielle, rappelle on n’a pas de papiers, pas de visage. (…) Velibor Čolić, citant Gabriel Garcia Marquez. La meilleure chose que je puisse offrir à ce « Le romancier n’est pas un intellectuel, il est pays qui m’a accueilli tel quel, ce sont mes d’abord un émotif. » romans. Pour moi il n’y a pas d’autre espace Et l’on dévore leurs œuvres avec délectation ! M.C. que la langue française, à jamais. » « C’est un nouvel enracinement que j’ai connu en France, souligne Laura Alcoba. En espagnol La rencontre, initiée par les Nouvelles Hybrides, j’ai appris à me taire, et en français à parler. a eu lieu le 7 avril, à la bibliothèque d’Ansouis


49

Enfances de l’art

D

ans la foulée de sa nouvelle création, Du Chœur à l’Ouvrage, opéra pour voix d’enfants (lire p 56), le compositeur Benjamin Dupé initiait, au théâtre Durance, une table ronde réunissant des artistes ayant travaillé avec des enfants, pour une mise en commun des expériences liées à la spécificité de ce travail artistique : les chorégraphes Josette Baïz et Mickaël Phelippeau et la metteure en scène Alexandra Tobelaim. Tous souMickaël Phelippeau, Josette Baïz, Benjamin Dupé, Alexandra Tobelaim © MC lignent la rapidité phénoménale de l’apprentissage, l’adaptation aux changements filtre » et se désintéressent vite ! Leur facilité de mise en scène de dernière minute, la lec- à entrer avec naturel dans les thèmes les plus ture de notations différentes; « les enfants profonds pousse les artistes à réfléchir sur leur décryptent les partitions contemporaines création avec davantage d’acuité ; les enfants plus vite que leurs chefs d’orchestre ! » sourit ne connaissent pas les appréhensions des Benjamin Dupé. Spécificité de ce travail par- adultes ainsi, dans l’émouvant rituel de passage ticulier : la nécessité de se renouveler sans du Mois du Chrysanthème (Cie Tandaim), cesse, d’étonner, de nourrir en permanence de « l’on retrouve avec eux ce que l’on a perdu, nouveautés l’appétit des enfants qui sont « sans le goût des premières fois, le travail d’artiste

redevient un jeu » sourit A. Tobelaim. « La posture de l’artiste par rapport à l’enfant est extrêmement importante, rappelle Josette Baïz, je ne m’érige pas en maître à penser, mais dois me remettre sans cesse en cause : les apports sont réciproques. Leur énergie nous conduit toujours à l’essentiel, ils apportent profondeur et vérité. Il y a toujours quelque chose de l’ordre de la liberté, de la fantaisie, grâce à la somme des individualités, il n’y a jamais de « masse » ! ». Amener les enfants à la scène permet de désacraliser ce qui est autour, qui pourrait faire obstacle, mais si l’on ouvre « tout autour, c’est pour garder cet espace extra-ordinaire qu’est le plateau », renchérit Mickaël Phelippeau. Jalons précieux pour réenchanter le monde… MARYVONNE COLOMBANI

La table ronde s’est tenue le 27 mars au Théâtre Durance, Château-Arnoux

JEANNE CANDEL | LA VIE BRÈVE

DEMI-VÉRONIQUE

JEUDI 19 AVRIL 19H30 VENDREDI 20 AVRIL 20H30

1 place Victor Schœlcher Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 www.boisdelaune.fr


50 critiques musiques

Vous avez dit compositrices ?

Jazmin Black Grollemund © Karl Pouillot

L

e festival Présences féminines affirme depuis huit ans que les compositrices existent, et ce depuis longtemps. Et fait la preuve par l’expérience que si elles sont moins jouées ce n’est pas parce qu’elles ont moins de génie, mais juste parce qu’historiquement elles eurent moins accès à la gloire. Car s’il est une chose que les femmes ont pu faire malgré le minorat où elles furent maintenues, c’est écrire, des mots, des notes, lorsqu’elles eurent accès à l’éducation permettant de se saisir des outils nécessaires. Régine Poldowski en est l’exemple type. Née à Bruxelles, fille du violoniste et compositeur Henryk Wieniawski, que les violonistes connaissent bien pour avoir sué sur la virtuosité de ses pages, elle a écrit au tout début du

XXe siècle une série de mélodies françaises, pour l’essentiel sur des poèmes de Verlaine, qui n’ont rien à envier à Debussy, Ravel ou Fauré : leur impressionnisme tout en finesse, qui passe de l’enjouement aux langueurs, illustre le texte de figuralismes et vibre d’émotion. L’Ensemble 104 en a enregistré l’intégralité en 2017... pour la première fois ! Jazmin Black Grollemund les interprète avec émotion, d’une voix ample aux intonations sûres. Ces mélodies, dont certaines n’ont

été retrouvées qu’en 2004, ont souffert de l’oubli réservé à la production des femmes : les seules partitions qui subsistent sont pour piano, or Poldowski orchestrait pour petits ensembles, et David Jackson (pianiste) a suivi son exemple, dispersant les nombreux contrechants sur le violon d’Angélique Charlopain et le violoncelle de Jérémie Decottignies. Le concert donnait aussi à entendre un très bel Andante de sa Sonate pour violon et piano, postromantique dans ses élans, et une création de Tiziana de Carolis : chaque année Présences féminines accueille en résidence une compositrice et lui passe commande à d’une œuvre écrite en regard d’une autre page de compositrice. L’heure exquise de l’une répond à l’autre, citant des phrases musicales, travaillant les timbres pour en faire des objets sonores. Une entreprise de réhabilitation et de création doublement nécessaire ! AGNÈS FRESCHEL

Poldowski re/imagined a été joué à l’Espace des Arts du Pradet le 27 mars dans le cadre de Présences féminines

Chemin de Croix ?

Q

uatre journées couvrant les époques romantique, classique, baroque et contemporaine étaient proposées pour célébrer la musique religieuse en période Pascale à la Chapelle St Martin du Méjan d’Arles. Désacralisée, le lieu avec son acoustique réputée reste symboliquement idéal pour faire revivre un patrimoine artistique sacré intimement lié à l’histoire religieuse. Dans ce contexte, la création musicale s’est émancipée de la dépendance d’un pouvoir prosélyte, en particulier à l’époque de la Contre-réforme. Son interprétation peut-elle s’affranchir et dépasser dans l’écoute la conviction qui l’a générée au service du pouvoir qui la représentait ? Chacun aura sa réponse en lien avec ses orientations spirituelles personnelles. Ce fut en effet une seconde résurrection, miraculeuse et anticipée, lors de la matinée du 25 mars, où revivait une musique pleine de signifiants à 350 ans d’intervalle. Quelle beauté et quelle complicité entre Marc-Antoine Charpentier, ses pédagogues ou contemporains italiens - Graziani, Melani, Carissimi - et leurs interprètes, Sébastien Daucé dirigeant l’Ensemble

Ensemble Correspondances © X DR

Correspondances au qualificatif on ne peut plus explicite. Le don du fils et la souffrance de sa mère étaient magnifiquement illustrés par les procédés musicaux baroques : figuralismes théâtralisées, frottement et dissonances harmoniques résolues au dernier moment, transcendant et magnifiant une glose chrétienne répétitive et litanique. Leçons de ténèbres, Miserere ou Stabat mater et autres motets à la langue et au sens oubliés ressuscitaient par la musique. L’Abbé Liszt n’y parvient pas dans sa Via crucis, malgré les efforts

louables des Solistes de Lyon (Bernard Tétu à la direction et Marie-Josèphe Jude au piano), néanmoins récompensés avec les Cantates de Schubert (dont la magnifique et profane Ständchen). Les doigts de la pianiste Ana-Marija Markovina ont certainement dévoilé le lourd mais précieux héritage du père au fils C-P-E Bach. Il en fallait pour tout le monde y compris les amateurs de pénitence et contrition : La Passion selon St Jean de l’estonien Arvo Pärt et ses monotones psalmodies ne la (rés)suscitait pas vraiment, entraînant Vox Clamantis dans sa crucifixion après un vrai chemin de croix… PIERRE-ALAIN HOYET

La XXXIIIe Semaine Sainte en Arles a eu lieu à la Chapelle du Méjan d’Arles, du 23 au 27 mars


Zibeline 119

Zibeline 118

Dossier SPÉCIAL sur la production théâtrale de la région

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52 critiques musiques

Effacer sa trace ?

«B

elette » est un bébé sans nom. Vanda, sa mère, réfugiée des Balkans, échouée dans un centre de rétention français, aurait aimé lui donner celui d’Ivo, son amour accompli, là-bas... Mais elle l’a perdu, laissé au pays, brisé par la guerre, mutilé et pendu à un arbre ! « Belette » est le fruit d’un viol collectif. Vanda chante son périple, en guise de testament, et son passé si lourd à porter qu’elle refuse de le laisser en héritage... Vanda est un opéra de chambre de Lionel Ginoux, repris à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon après sa création à Reims fin 2016. C’est un spectacle bouleversant ! Parce que la jeune mezzo-soprano Ambroisine Bré (Révélation Adami 2017) s’y montre exceptionnelle dans un rôle de femme d’aujourd’hui, au bout du rouleau, perdue et lucide à la fois. Sa performance vocale et théâtrale est la marque d’une grande artiste. Parce qu’avec des moyens minimalistes, une viole de gambe (Marie-Suzanne de Loye) qui s’échappe des sentiers baroques, c’est un orchestre qu’on entend : les cordes

Ambroisine Bré © Jimmy Vallentin

soutiennent une écriture lyrique de toute beauté, se mixent à une bande électronique aux effets machinistes qui intensifient les élans dramatiques du texte de Jean-Pierre Siméon (Le Testament de Vanda). Parce que la scénographie (Emmanuelle Favre) et les lumières (Philippe Grosperrin) ménagent dans le carré minéral de la Chartreuse un espace de jeu idéal, à la fois clos et ouvert (illusoirement) sur une large fenêtre vidéo projetée en fond de plateau. Là défilent des plans, au ralenti, en noir et blanc, de la jungle de Calais. L’équilibre est atteint, entre le sonore et le scénique, le propos et sa réalisation. D’autant plus que la direction d’actrice de Nadine Duffaut est un modèle ! Rompue aux scènes d’opéras, la metteure en scène

fait éclore, à chaque souvenir, la dimension poétique du livret tout en gardant une oreille attentive au rythme de la partition. Elle fait revivre l’horreur morbide du viol, resurgir l’amour passion, l’osmose de la jeune femme avec une nature perdue, la guerre et la fuite, les humiliations de l’exil, la tendresse d’une berceuse chantée en leitmotiv... Vanda est le cri d’un cygne, celui d’un oiseau de passage qui choisit l’oubli et l’effacement des traces. Son opéra chantera sa mémoire ! JACQUES FRESCHEL

Vanda a été joué les 6 & 7 avril à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, dans le cadre de la saison de l’Opéra Grand Avignon

Chambre d’échos

À

l’occasion d’un concert à New York en décembre 2017, les deux concertistes Vanessa Wagner (piano) et Virgil Boutellis (violon) ont concocté un programme de musique de chambre Il était une fois l’Europe, qui arpente l’histoire de la sonate de la période romantique à nos jours, à travers cinq œuvres ©Alexandre Chevillard pour violon et piano. Le pays gapençais, lors des Week-ends musicaux organisés par l’Espace Culturel de Chaillol, a eu le privilège de recevoir ce duo virtuose qui joue dans l’écrin des petites églises de village avec le même enthousiasme et la même passion que sur les grandes scènes. Le choix des œuvres, leur agencement dans la progression du concert laissent percevoir de subtils échos ; le romantisme de la Sonate n°1 de Schumann, nourrie de la délicate conversation engagée entre piano et violon,

ses élans passionnés, préparent au Scherzo FAE de Brahms, s’immiscent dans la Sonate de Janacek ou les rythmes de la musique de Gabriel Sivak, auxquels répondent les volutes des derniers accents de Claude Debussy (mort le 25 mars 1918). Palette riche du piano, aux somptueuses variations, emportements virtuoses du violon qui sait se glisser dans les techniques les plus disparates, du trait lié aux arrachements brutaux… quels que soient les modes utilisés, ce sont des êtres qui s’adressent

à nous, avec leur sensibilité, leurs discours : gravité de Schumann l’insatisfait ; phrasé élégant de Brahms, qui se plie à l’exercice de l’écriture collective avec le 3è mouvement de la sonate aux voix mêlées de Dietrich, Schumann et Brahms, imaginée par Schumann et dédiée au violoniste Joseph Joachim, (la devise de ce dernier, Frei Aber Einsam (libre mais seul) devint le titre de l’œuvre (aux notes dominantes fa, la, mi : F-A-E) ; arabesques labyrinthiques de Debussy, où la vie ardente, joyeuse, semble défier les angoisses de la fin… La danse des rêves mécaniques de Sivak, commande 2018 de l’ECC, joue de ses thèmes kaléidoscopiques, offre au violon de somptueuses envolées lyriques, soutenues par un piano ostinato, danse d’un mouvement d’horloge, couleurs oniriques envoûtantes… Magicienne musique ! MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 25 mars, à l’Église de Manteyer (concert de clôture du 3è Week-end musical de l’Espace Culturel de Chaillol)


Kellylee Evans. Photographie : Arnaud Compagne

AIX-EN-PROVENCE 96.2 MARSEILLE 92.8 jazzradio.fr


54 critiques musiques

L’opéra-musée

D

e nos jours, la plupart du temps, on va à l’opéra comme on va au musée. Non pas dans les expositions d’art contemporain où s’affichent les œuvres d’aujourd’hui, mais dans des palais où sont accrochées, depuis des lustres, des toiles du passé ! Quitte à se rendre au musée, autant y rechercher des œuvres peu communes, des artistes sortant du gotha habituel des manuels d’histoire de l’art. À l’opéra-musée, peu à peu, les murs rétrécissent et l’on n’y expose souvent qu’une poignée d’ouvrages récurrents, appauvrissant à la longue la culture lyrique du public moyen. Exception marseillaise ? La direction artistique de l’Opéra municipal met à l’affiche régulièrement l’un des fers de lance de l’opéra français qu’on néglige injustement ailleurs : Jules Massenet. Et c’est avec plaisir qu’on est allé découvrir à la scène une nouvelle production marseillaise d’un de ses ouvrages peu représenté (la dernière fois à Marseille il y a 52 ans !) : Hérodiade. Très librement inspiré de la Bible, relue elle-même par Flaubert, son livret est un modèle du genre de l’opéra français : une action dramatique réduite à la portion congrue, mais favorisant la richesse psychologique des personnages, des scènes de foule, des airs et ensembles vocaux au lyrisme large et flamboyant, une pointe d’orientalisme, des ballets... Hérodiade, créé en 1881, est un archétype de ce « Grand Opéra » qui fit rayonner l’art français durant les premières décennies de la Troisième République. À Marseille, on n’a pas boudé son plaisir en plongeant dans ce passé-là, d’autant que le plateau vocal, essentiellement francophone, a magnifiquement servi l’ouvrage. Dans le sillage du baryton québécois Jean-François Lapointe, brillant et noble, Inva Mula et Béatrice Uria-Monzon, Florian Laconi et Nicolas Courjal ont été à la hauteur de l’enjeu : rendre au chant toute sa dimension lyrique, large et puissante, mais ne négligeant pas aussi une nécessaire intimité. Même pari réussi pour les chœurs, essentiels à l’ouvrage, comme de coutume magnifiquement préparés par Emmanuel Trenque ! Dans la fosse, l’Orchestre de

© Christian Dresse

l’Opéra, conduit pas le jeune chef Victorien Vanoosten, a trouvé un bel équilibre avec le plateau, quand la scénographie (mise en scène Jean-Louis Pichon), jouant sur une palette de coloris de bois (lances horizontales dressées en stores vénitiens, éléments de décors japonisants) et de sable (costumes unis signés Jérôme Bourdin), des projections en fond de scène, a évité, par son modernisme abstrait, l’écueil du traditionnel péplum. JACQUES FRESCHEL

Hérodiade a été donné les 23, 25, 28 et 30 mars à l’Opéra de Marseille

Bonne pioche

D

Femke Ijlstra © X DR

éjà invité par le passé à se produire sur la scène de l’Opéra de Toulon, Jurjen Hempel est revenu diriger la phalange de la maison avec cette fois le statut de futur nouveau directeur musical dès la saison prochaine, suite au départ de

son prédécesseur Giuliano Carella. Pour sa première prestation dans ce rôle, le maestro s’est offert un programme mêlant habilement tradition et modernité aux côtés de solistes de haut vol. Galvanisés par sa prestance, les musiciens de l’orchestre symphonique ont livré une interprétation remarquable au cours de laquelle chaque pupitre a eu l’occasion de briller. Dans Tallahatchie Concerto pour saxophone alto et orchestre à cordes de Jacob ter Veldhuis, la saxophoniste hollandaise Femke Ijlstra a envoûté l’auditoire par une présence sonore impressionnante où elle transcendait l’étrangeté de l’œuvre de son compatriote, à mi-chemin entre la néo-tonalité minimaliste et un esprit pop-rock flirtant avec le jazz. Le Concerto pour violon en ré mineur, op.47 a mis à l’honneur son compositeur Jean Sibelius et la science de son écriture très bien mise en relief, mais également son interprète soliste Chad Hoopes, violoniste

américain au son d’une rare beauté grâce à un jeu d’archet redoutable de finesse. Dans l’adagio di molto central, les notes graves et chaleureuses de son Stradivarius sonnant presque comme un alto étaient littéralement portées par l’orchestre qui l’accompagnait en confiance sous la direction attentive et précise du chef. La deuxième partie était consacrée à l’incontournable Symphonie n°5 en ut mineur, op.67 de Beethoven. Rarement sa musique aura aussi bien résonné dans le parterre et les balcons de l’édifice, tant son interprétation fut magistrale et à la hauteur du monument : phrasés, attaques, justesse sans vibrato excessif et intensités étaient au rendez-vous pour souligner avec rigueur cette composition imposante. Un sans faute. ÉMILIEN MOREAU

Le concert « Apothéose » a été donné le 16 mars à l’Opéra de Toulon


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Déplorations...

L

’affiche concoctée par Les Amis de Saint-Victor a attiré du monde ! De fait, l’austère abbaye fortifiée surplombant le Vieux-Port à Marseille a fait le plein pour voir diriger Jean-Claude Malgoire. D’autant plus que le chef, pionnier du renouveau des musiques baroques (aujourd’hui âgé de 77 ans), venait interpréter un chef-d’œuvre de cette période : le Stabat mater de Pergolesi. Bien nous en prit, car on a vibré aux contours mélodiques dessinés par les voix de la soprano Pauline Courtin et de l’alto Pauline Sabatier. C’est la douleur d’une mère, pleurant sur le corps de son fils, au pied de la croix, que décrit la musique du compositeur italien (lui même disparu prématurément à l’âge de 26 ans) et les chanteuses ont su marier leur timbre distinctif pour exprimer les nuances d’une partition riches en affects : un théâtre sonore qu’on a suivi les yeux fermés, alors que les cordes de l’Orchestre de Cannes tissaient un tapis sur lequel les voix n’ont eu qu’à se poser. En première partie, l’orchestre au complet, renforcé de quelques recrues locales, proposait

Pauline Courtin © Agence Artistik

deux pièces symphoniques : l’Ouverture de L’Italienne à Alger de Rossini et la 1e symphonie de Beethoven. Disons-le, la phalange instrumentale, composée de professionnels capables de jouer sur tous les terrains, a joué un peu... seule ! Jean-Claude Malgoire n’a pas pu

développer, dans son geste, suffisamment d’énergie pour rendre à la première partition tout son caractère festif, sa dynamique mécanique, le style « champagne » propre à Rossini. Un peu plus à l’aise chez un Beethoven encore très classique, Malgoire a eu la volonté de dessiner quelque thème, mais sa direction minimaliste, ne marquant ni les mesures, ni les carrures, a déçu derechef ! Sans doute que la belle carrière du maestro est désormais derrière lui... JACQUES FRESCHEL

Concert donné le 15 mars à l’Abbaye de Saint-Victor à Marseille

Grands quintettes à la Cité !

© Morgane Fouret - Opéra

D

ans le cadre du partenariat qu’elle établit avec l’Opéra de Marseille, la Cité de la musique de Marseille accueille régulièrement des musiciens issus des rangs de l’Orchestre de l’Opéra municipal. C’est l’occasion d’entendre de beaux programmes de musique de chambre dans un décor superbe, puisque les récitals ont lieu dans le grand salon situé au rez-de-chaussée de la Villa Magalone, au milieu des stucs, bas-reliefs, marbres et dorures... De surcroît l’entrée est

libre (sur réservation) et, en « lever de rideau », on a la possibilité de découvrir de grands élèves de la Cité de la Musique. Ce fut le cas avec Gianna Salgueiro et Pauline Madenian qui donnèrent, à deux pianos, le Concertino de Chostakovitch et ses trois mouvements enchaînés, alternant profondeur de ton et grâce lyrique, des épisodes tumultueux et des courses digitales dont le Russe avait le secret. Le concert s’est poursuivi avec deux chefsd’œuvre pour quintette avec piano et quatuor

à cordes. Aux violons, Alexandre Amedro et Anne Menier, Aurélie Entringer à l’alto, le violoncelliste Frédéric Lagarde et Olivier Lechardeur au piano donnèrent le Quintette en mi bémol majeur op. 44 de Schumann et celui en sol mineur op. 57 de Chostakovitch. Dosant idéalement l’équilibre sonore, dans une acoustique réverbérante pour le clavier, Olivier Lechardeur, musicien d’une grande finesse expressive, a ménagé tout l’espace nécessaire au discours des cordes qui se sont unies et répondues avec une belle harmonie. Les musiciens ont modelé, pour le plaisir d’un auditoire conquis, les magnifiques élans romantiques du génie de Schumann, et donné toute sa puissance à l’écriture moderne et toutefois néo-classique de Chostakovitch. Deux œuvres séparées par un siècle d’histoire, mais qui touchent également par leur force expressive ! J.F.

Concert donné le 31 mars à la Villa Magalone à Marseille


56 critiques musiques

Chercher sa voix

L

’opéra de Benjamin Dupé, Du Chœur à l’ouvrage, a tout de la réussite exemplaire. Au sens premier du terme : il peut servir d’exemple. Exemple d’une musique contemporaine très écrite, mais dans un esprit de partage : les effets percussifs, les phrasés étranges, les moments lyriques et émouvants sont donnés en spectacle, lisibles, sans nécessité d’un apprentissage d’écoute préalable. Exemple également du travail que l’on peut faire avec des adolescents artistes, exigeant et musical, attentif pourtant à leurs individualités et à leur histoire. Ce Chœur à l’ouvrage, projet participatif et contemporain créé à Montreuil et tourné avec d’autres chœurs, se partage avec le public comme une véritable œuvre artistique, pleine de l’émotion complexe qu’elle procure, bien au-delà de la tendresse naturelle que l’on éprouve face à l’implication d’enfants artistes. À La Criée, les parents étaient là, mais ce n’était pas eux qui applaudissaient le plus intensément la Maîtrise des Bouchesdu-Rhône, la réussite musicale, le plaisir du moment passé : les professionnels et le public étaient épatés. Il faut dire que le livret de Marie

© Christophe Raynaud de Lage

Desplechin, qui invente le naufrage d’une chorale d’adolescents, permet de construire une fable à la Robinson sur le pouvoir et ses abus, la liberté et la contrainte, mais surtout sur la beauté, la transformation de l’individu, l’apprentissage du renoncement et du plaisir. Il permet aussi très concrètement, de construire un véritable opéra, avec parties chorales, grands airs et récitatifs, et de faire entendre la mer, le fracas, la révolte, les rires, les peurs, grâce à la scénographie maline d’Olivier Thomas qui ménage des passages secrets et

des hors-champs. L’ensemble Instant Donné, dans la fosse, accompagne avec attention et subtilité des enfants qui sont aussi de très bons solistes : la pimbêche qui conduit les troupes, l’amoureux de sa voix, le révolté qui la découpe en projectiles sonores... AGNÈS FRESCHEL

Du Chœur à l’ouvrage a été joué à la Criée, Marseille, les 15 & 17 mars, et au Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban, le 30 mars

Blues des suds

L

e groupe FadoRebetiko Project, fondé par la pianiste, chanteuse, interprète, compositrice, Kalliroi Raouzeou aborde avec talent depuis 2013 les univers du rebétiko et du fado. La nouvelle création de l’ensemble, Marika, rend hommage à l’une des premières chanteuses de rebétiko, enregistrée aux États-Unis (1918), Marika Papagkika. Le rebétiko, cette musique originaire d’Asie mineure, importée en Grèce par les populations grecques chassées de Turquie Fado rébetiko © Muriel Despiau dans les années 20, fut d’abord celle du monde nostalgie, la tristesse, les textes revendicatifs des « Rébétès », issus du lumpen prolétarien étant censurés par la dictature de Salazar. des banlieues urbaines. Certains rebétikos Le programme présente avec subtilité les furent d’ailleurs interdits sous la dictature diverses facettes de ces chants, avec, comme de Metaxás dans les années 30, avant de en exergue, un clin d’œil au blues avec le se plier aux codes sociaux, remplaçant les superbe Lonely woman of Smyrne sur une termes de haschisch ou d’alcool par ceux des musique d’Ornette Coleman. Entremêlant peines d’amour… Ainsi, le fado des quartiers avec la même justesse les airs de fados et populaires de Lisbonne dut se cantonner de rebétiko, puisant dans les versions tradans l’expression de la passion, la saudade, la ditionnelles autant que dans les créations

contemporaines, le FadoRebetiko Project sait créer un monde poétique, où chaque instrument est aussi soliste, improvise comme sur une trame de jazz, tisse de superbes contre-chants, se glissant avec délice dans les différents modes, orientaux, balkaniques, occidentaux… Virtuosité de la contrebasse (Nicolas Koedinger), des guitares (Jérémie Schacre), du bouzouki (Jean-Marc Gibert, aussi à la guitare et à certaines compositions), du piano, délicatesse et profondeur de la voix chaude de Kalliroi, qui resitue les morceaux avec une fine précision. Un petit bijou, dans un clair-obscur de « téké » (café des rébétes), où la mère de la chanteuse vient la rejoindre pour une dernière chanson. MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 30 mars à la Cité de la Musique, Marseille


57

« Moi, je suis Marcus »

T

out le public, debout, s’est pressé devant la scène. Chaque musicien improvise tour à tour un chorus sur le thème du cultissime morceau Jean-Pierre de Miles Davis. Les spectateurs frappent dans leurs mains, dansent, sautent, chantent et acclament, définitivement emportés par l’irréfrénable euphorie du soir. Il est alors près de 23h30, Marcus Miller et son groupe achèvent un concert d’une inconcevable intensité. Pourtant, deux heures plus tôt, l’entrée en scène des musiciens Marcus Miller © Bengt Nyman ne laissait pas présager pareille apothéose. En retard, et aiguillonné par les A Rolling Stone. Après quoi le concert ne cris d’impatience répétés des spectateurs, fera que gagner en force et justesse, la salle le groupe fait une arrivée un peu précipi- s’enthousiasmant toujours plus ouvertement tée et entame son premier morceau avec sur les solos prodigieux de Marcus Miller. un certain égarement. Mais très vite, tout Propulsé star du jazz à seulement 21 ans s’aiguise. Batteur, bassiste, claviériste, trom- par Miles Davis, pour lequel il composera pettiste et saxophoniste concentrent leur notamment l’album Tutu, le bassiste icogroove, engendrant dès le deuxième titre une nique fait partie des rares musiciens dont version magistrale du classique Papa Was on peut dire qu’ils ont révolutionné l’usage

de leur instrument. Une stature qui contraste avec la proximité qu’il parvient à instaurer avec son public. Dans un très bon français, l’homme prend le temps de présenter ses musiciens, concluant sobrement « moi je suis Marcus ». L’émotion est palpable lorsqu’il évoque le souvenir de son père, pianiste, décédé deux semaines plus tôt, auquel il rend hommage en revisitant le morceau Preacher’s Kid, délaissant momentanément sa basse pour une clarinette basse. Et puis la fièvre remonte, les morceaux, aux frontières du hip hop, du funk et du jazz fusion, s’enchainent de plus en plus férocement. La musique devient frénétique, le public extatique, jusqu’à la passion du soulèvement final. Le prochain album de Marcus Miller, Laid Black, est (vivement) attendu pour juin 2019. LOUIS GIANNOTTI

Marcus Miller s’est produit le 7 avril au Silo, Marseille

Et tout ça, c’est du jazz !

E

ntre Bach, jazz, improvisations, musiques « dégénérées », Raphaël Imbert et Amandine Habib déclinent la verve de leurs notes, l’un, féru de jazz, aux saxophones, l’autre, issue de la tradition classique, au piano. Dans l’écrin du Petit Duc à Aix-en-Provence, ces deux musiciens hors pair nous conduisent par les plus délicieux détours et précisent avec clarté les points essentiels. À nous les exégèses dodécaphoniques, les accords classiques, l’histoire (celle qui s’orne d’un grand H) et les anecdotes éclairantes ! Les éléments les plus pointus nous deviennent familiers, évidents. La polytonalité de Wagner révolutionnée par le dodécaphonisme de Schönberg, les 400 ans de musique occidentale, le passage de la tonalité à la modalité, grâce aux « trois grands de Vienne », Alban Berg, Schönberg, Anton Webern, tous trois désignés par les « esthètes » nazis comme « dégénérés », parce que juifs, auxquels se joindra Béla Bartók, qui exigera que ses œuvres fassent partie de l’exposition sur la musique « dégénérée » de Düsseldorf en 1938. D’ailleurs le saxophone lui-même était suspect, instrument du « jazz noir des États-Unis », interdit de diffusion sur

© Gilles Debeurme

les radios allemandes dès 1935… Et pourtant quelle douceur avec « l’une des plus belles mélodies jamais écrite » d’Alban Berg, le lied du Rossignol (Nachtigall), auquel répond Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ, de « papa Bach », choral qui se laisse jouer comme un standard de jazz… L’histoire traverse le programme, depuis « le premier jazzman, (Bach) » aux géniales improvisations, jusqu’aux remuements politiques qui ont classé musiques et musiciens selon les principes ignobles des racismes

d’état, contraignant au silence ou à l’exil les artistes, comme Zemlinsky et tant d’autres, de l’Allemagne à Hollywood. Subsistent aussi, bouleversantes, des œuvres d’anonymes, composées et jouées dans les camps de concentration, ou dans le ghetto de Varsovie… «  Oui, la musique a à dire quelque chose » sourit Raphaël Imbert. En bis quelques extraits des pièces de Musica Ricercata de Ligeti, prouesses pianistiques, virtuosité inspirée au saxophone… « Tout est musique » disait le poète. « Tout est jazz ! » ajoute Raphaël Imbert. MARYVONNE COLOMBANI

Le concert Bach to Jewish Music a eu lieu le 23 mars, au Petit Duc, Aix-en-Provence


58 critiques musiques

Plus près de toi mon O gymnastique) et sur une multitude de claviers qui commandent chacun un registre de l’orgue, Charlie O. prodigue de petites fugues pop, balades ludiques, mazurkas et jazz frivoles. C’est léger, parfois solennel face à l’écoute respectueuse du public. On préfèrera les thèmes « cosmiques », notamment présents dans M2, le deuxième album aux effets électro prononcés de l’iconoclaste maestro (paru sur SLY, label fondé par les organisateurs du Festival Yeah, dont Laurent Garnier). Brûleur de brûlures est l’occasion d’un superbe moment suspendu, spirituel, qui nous rappelle un François de Roubaix. La sonorité flûtée de l’orgue de Saint-Ferréol s’y prête bien : l’artiste nous confiera que l’instrument, moins puissant qu’à Sainte Marguerite, lui permet un jeu moins dynamique, moins ludique que celui de sa première performance. Au final, une jolie et étonnante expérience profane dans un lieu religieux. © Thibault Martinez

A

ccueil de migrants, expositions… Depuis quelques mois, l’église du Vieux Port, gérée par les Jésuites, prône une ouverture à la cité, notamment grâce à la culture (à ces occasions trône sur l’autel un “partager”, belle invitation). Et pour le finissage de l’expo photo #SmellofMarseille d’Éric Pringels, Charlie O. (comme orgue et original) s’est emparé de l’orgue à tuyaux en début de soirée. La première fois qu’il se mesurait au monumental instrument en public, c’était en décembre 2014 à Sainte Marguerite. Ce Marseillais d’origine, ancien complice de Katerine, Peter von Poehl ou Mendelson (le groupe français, pas le compositeur classique) en a d’ailleurs tiré Marguerite, album à la fois conceptuel et loufoque. C’est sous ces mêmes auspices qu’a lieu ce récital, devant 200 personnes même si l’artiste est caché/coincé derrière son gigantesque meuble, car l’orgue magistral trône au-dessus du narthex (on voit son image de profil sur un écran déployé pour l’occasion). Comme peu connaissent le répertoire instrumental du musicien, c’est à chaque fois une surprise totale : basses au pied (l’interprétation est une vraie

HERVÉ LUCIEN

Charlie O. s’est produit le 3 mars à l’église Saint-Ferréol, Marseille

Fred Nevché, jeunesse retrouvée

Y

a-t-il plus légitime ambition pour un artiste que d’essayer de retrouver la jeunesse apte à ressourcer tout projet créatif ? Ça semble être la démarche de Frédéric Nevchehirlian à l’écoute des prémices d’un album à venir (Valdevaqueros), livrées à l’occasion de l’ouverture du Festival Avec Le Temps au Merlan, où le Marseillais est artiste associé. Affranchi d’une parole un temps vitupérante (le “pamphlet” Rendez-nous l’argent) et dans le prolongement d’une veine plus sentimentale (Rétroviseur), son long poème Décibel porte le nom, selon son auteur, d’une plage d’Andalousie où le vent souffle sans cesse, à l’image du spoken word/ stream of consciousness du poète-musicien, dont les mots tentent ici de saisir les manifestations de la vie. « Et le jour qui se lève comme une ode, c’est le vent, c’est l’amour qui revient » chante-t-il. Entretenu par Martin Mey (claviers, programmations) et Gildas Etevenard (batterie, pads), le climat musical est électro, d’abord assez aérien pour évoquer

© Thomas Bettini

l’arrière-plan Houellebecquien de journées lasses, interzones ou le supermarché le dispute à l’aire d’autoroute, espaces agréés du « moderne ». L’artiste dévide sa pelote, se perd parfois dans des lieux communs (« la nuit on n’y voit rien » ?) mais parvient à installer son

univers entre dégoût placide et légère ironie (le chorus « moi je rêve de Johnny souvent » comme mantra humoristique inattendu). Et puis au détour d’une poignée de chansons pop mieux troussées, Nevché parvient à nous faire pénétrer dans l’évidence de cette naïveté amoureuse qu’il recherche. C’est le moment où, sur Avec le besoin de la nuit, entre en scène, en un lever de rideau bien préparé, la trentaine de membres de l’Académie de Mandolines de Marseille puis les chœurs de deux classes CHAM du Collège Longchamp (dirigés par Fred Isoletta, par ailleurs rédacteur dans Zib’) pour deux chansons d’une belle ampleur. Si le dispositif musical sera ardu à reproduire à chaque concert, offrir sa musique et ses mots à l’enfance, le temps d’une soirée, est la meilleure chose qui pouvait arriver à l’artiste et sa poésie, libérés et apaisés. H.L.

Fred Nevché s’est produit le 15 mars au Merlan, Marseille, en ouverture du festival Avec le Temps


SPECTACLES 2018 MARINA KAYE jeudi 19 - 20h SHEHERAZADE PAR LE BALLET DE MILAN vendredi 20 - 20h30

MAI 2018

16/06/2017

30.indd 1

Affiche_20x

16:24

MESSMER mercredi 06 - 20h PINK MARTINI vendredi 08 - 20h30 VINCENT DEDIENNE mardi 12 - 20h mercrdi 13- 20h

GASPARD PROUST jeudi 03 - 20h30 JULIEN DORE vendredi 04 - 20h samedi 05 - 20h ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE L’OPERA DE MARSEILLE jeudi 17 - 20h BRIGITTE vendredi 18 - 20h FEDER samedi 19 - 20h GRAND CORPS MALADE mercredi 23 - 20h CHINOIS MARRANT

OCTOBRE 2018

vendredi 25 - 20h MADIBA, LE MUSICAL HOMMAGE A NELSON MANDELA 20h30 mercredi 30 - 20h

KATIE MELUA mardi 06 - 20h SLIMANE jeudi 08 - 20h LES PARISIENNES

BUN HAY MEAN

JUIN 2018

PATRICK FIORI samedi 02 - 20h30 dimanche 03 - 19h

EUROPE mercredi 03 - 20h KYO vendredi 05 - 20h30 BERNARD MABILLE vendredi 12 - 20h30 MICHEL JONASZ / MANU KATCHE / JEAN YVES D’ANGELO / JEROME REGARD samedi 13 - 20h30 AMIR mercredi 17 - 20h HAROUT PAMBOUKJIAN mercredi 24 - 20h

NOVEMBRE 2018

INNA MODJA / ARIELLE DOMBASLE HELENA NOGUERRA / MAREVA GALANTER

vendredi 09 - 20h30 DANY BRILLANT samedi 10 - 20h30

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NOLWENN LEROY samedi 17 - 20h30 TOMMY EMMANUEL dimanche 18 - 18h ETIENNE DAHO vendredi 23 - 20h30 BETH HART dimanche 25 - 19h ARY ABITTAN jeudi 29 - 20h30 BRIGITTE vendredi 30 - 20h

DÉCEMBRE 2018 LENNI KIM samedi 01 - 17h HERVE VILARD dimanche 02 - 16h ISSA DOUMBIA samedi 08 - 20h30 PIAF ! LE SPECTACLE dimanche 09 - 15h

JANVIER 2019

MALIK BENTALHA jeudi 17 - 20h30 ROCK LEGENDS mardi 29 - 20h30

CEPAC DD - 03/2018

AVRIL 2018

MARS 2019

I MUVRINI vendredi 08 - 20h DANIEL GUICHARD dimanche 17 - 16h

AVRIL 2019

CELTIC LEGENDS mercredi 03 - 15h30 et 20h30 KEV ADAMS dimanche 28 - 18h ...

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60 au programme musiques bouches-du-rhône

Lohengrin

Ama cordes Prokofiev, Debussy, Ravel, César Franck, Pablo de Sarasate, des sonates pour un ou deux violon(s) et un piano, trois interprètes d’exception, les violonistes David Grimal, à la carrière internationale, et Anna Göckel, ainsi que le pianiste Grigor Asmaryan, et vous obtenez un concert où l’émotion le dispute à la virtuosité. Temps suspendu à La Criée !

Norbert Ernst © Michael Pöhn

La rose de Saint-Flour

Elsa de Brabant (Barbara Haveman) est accusée à tort par son tuteur, Frédéric de Telramund (Thomas Gazheli), époux de la terrible Ortrude (Petra Lang) d’avoir tué son propre frère. Un chevalier à l’armure étincelante arrive debout sur une nacelle tirée par un cygne. Jamais Elsa ne devra lui demander son nom… Bien sûr l’interdiction sera transgressée et Lohengrin (Norbert Ernst) devra partir. L’opéra de Wagner inspira à Louis II de Bavière la construction de son château de Neuschwanstein (« le nouveau rocher du cygne »). Le conte merveilleux sera dirigé par Paolo Arrivabeni dans une mise en scène de Louis Désiré.

Poursuivant la présentation de perles rares d’Offenbach, l’Odéon en offre une délicieuse, en un acte, en version concertante. Pierrette a cassé sa marmite et pour la fête du soir rêve de s’en procurer une neuve ainsi que de jolis souliers pour danser toute la nuit…objets que ses prétendants, le cordonnier Chapailloux et le chaudronnier Marcachu s’empressent de lui fournir. Disputes et choix d’un élu… Nul doute que vous chanterez en sortant « ah comm’ nous nous amujames ! »

© Thomas Baltes

L’Île paradis qu’on ne doit pas dire Reprenant des textes d’Henri Bauchau, extraits de lettres qu’il s’écrivait à lui-même, (recueils précieux pour ses lecteurs, témoignages de sa démarche et de ses réflexions intimes), et de journaux rédigés lors de la rédaction de L’enfant Bleu, l’Ensemble Musicatreize offre un spectacle où la vie, le rêve, la création se conjuguent sur la musique de Pierre-Adrien Charpy, la vidéo d’Isabelle Françaix, les voix de la soprano Raphaële Kennedy et du récitant Vincent Bouchot.

La 1357e séance proposée par la Société de musique de Marseille est consacrée à l’interprétation par le Quatuor à cordes Volta, de trois Quatuors de Beethoven, le n°6 op. 18 en si bémol majeur et son célèbre adagio Malinconia, le n°11 op.95 en fa mineur, intitulé Quartetto Serioso, le n° 14 op. 131 en ut dièse mineur enfin, souvent considéré comme le chef-d’œuvre absolu du musicien. 17 avril Auditorium de la Faculté de Médecine, Marseille musiquedechambremarseille.org

Raphaële Kennedy © Isabelle Françaix

Valentin Favre © Julien Benhamou

À tour d’anches

21 avril Foyer de l’Opéra, Marseille 04 91 55 11 10/ 04 91 55 20 43 opera.marseille.fr

Quatuor Volta

22 avril Odéon, Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr

2 au 8 mai Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 /04 91 55 20 43 opera.marseille.fr

Une fine lamelle de roseau nommée « anche » permet de produire les sons de certains instruments à vent. Clarinette (Valentin Favre), hautbois (Armel Descotte), basson (Stéphane Coutable), uniront leurs souffles pour des pièces de Jacques Ibert, Francis Poulenc, Jean Françaix ou Florent Schmitt. Le piano de Victorien Vanoosten rejoindra le « trio d’anches » sur certains morceaux. Un régal proposé au foyer de l’Opéra.

17 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

27 avril Salle Musicatreize, Marseille 04 91 00 91 31 musicatreize.org

De Fauré à Ferré, la mémoire de la mer L’écrin de la salle de conférences de l’Alcazar accueille l’immensité de la mer grâce à trois complices, le pianiste Fred Isoletta, le baryton Jacques Freschel et le conférencier Lionel Pons. La mer inspire les poètes, les musiciens, et l’on goûtera aux embruns délicats de la mélodie française avec L’Horizon chimérique de Gabriel Fauré sur des poèmes de Jean de La Ville de Mirmont. « La mer est infinie et mes rêves sont fous »… et les spectateurs se laisseront entraîner par ces irrépressibles appels du large ! 21 avril Bibliothèque de l’Alcazar, Marseille 04 91 55 90 00 bmvr.marseille.fr



62 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse var gard

Contes et Légendes

20 avril Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com

Musique sacrée La Cathédrale des Doms accueillera avec les timbres mêlés de ses deux orgues, l’orgue doré de Ludovico Piantanida (1819) et l’orgue de Charles Mutin (1902), joués par Luc Antonini et Jean-Pierre Lecaudey, le Chœur de l’Opéra du Grand Avignon dirigé par Aurore Marchand, sur un programme de musique sacrée (Mozart, Schubert, Beethoven, Brahms). Trois solistes, Albane Carrère (mezzo-soprano), Camille Tresmontant (ténor) Gilen Goicoechea (baryton) joindront la beauté de leurs voix à l’ensemble.

Alexandre Tharaud © Marco Borggreve

Le pianiste Jonas Vitaud, accompagné par les musiciens du Off de l’Orchestre de Paris s’attachera, après l’interprétation de la Sonate n° 26 pour piano seul, « Les Adieux » de Beethoven, à des transcriptions concoctées par le compositeur lui-même ou ses amis, afin d’en permettre la diffusion la plus large possible. Aussi, la Symphonie n°2 sera réduite à trois instruments, violon, violoncelle et piano, et le Concerto n°4 à un quintette à corde et un piano. Bonheurs d’avant les mp3 !

20 avril Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 00 operagrandavignon.fr

Pour interpréter un programme où le Concerto n°2 en fa majeur de Chostakovitch croise le poème symphonique de Paul Ladmirault, qui nous entraîne dans la forêt de Brocéliande au matin, ou à la suite du Casse-noisette de Tchaïkovski, il fallait un poète du clavier. Alexandre Tharaud sera aux côtés de l’Orchestre de Toulon dirigé par Kaspar Zehnder. 11 mai Opéra, Toulon 04 94 92 70 78 operadetoulon.fr

Dessay & Cassard Natalie Dessay © Simon Fowler-Sony Classical

L’Espace Nova poursuit son voyage autour du monde (thème 2017-2018) avec une halte italienne grâce à l’Ensemble de Musique de Chambre de Marseille, sa soliste Cécile Jeanneney au violon et la soprano Pauline Courtin. Le temps des Quatre saisons de Vivaldi répond aux élans belcantistes d’extraits d’opéras de Bellini et Donizetti avant de s’évader dans le rythme de la valse avec Il Bacio d’Arditi.

Jonas Vitaud et le Off de l’Orchestre de Paris

Jonas Vitaud © Hélène Bozzi

Orchestre de chambre de Marseille © X DR

Voyage en Italie

Justin Taylor C’est l’écrin de la Chapelle de l’Oratoire qui accueillera Chromatismes, superbe concert de musique baroque interprété par le jeune et talentueux (il a été nominé aux Victoires de la Musique 2017) claveciniste Justin Taylor. Bach, Rameau, Sweelinck, Scarlatti, Soler… Un programme aux nuances multiples à savourer !

Justin Taylor © JB Millot

11 mai Cathédrale des Doms, Avignon 04 90 14 26 00 operagrandavignon.fr

15 avril Chapelle de l’Oratoire, Avignon 04 90 14 26 00 operagrandavignon.fr

Concert de stars : un récital-évènement réunit l’éblouissante Natalie Dessay et le pianiste virtuose Philippe Cassard, sur un programme d’une acrobatique variété, passant de Mozart à Schubert, Pfitzner, Chausson, Bizet, Debussy, Gounod, avec la même capacité à en rendre les nuances, l’esprit. Les morceaux choisis célèbrent la femme, elle est pourtant bien seule ici, dans son rôle d’interprète de compositions écrites par des hommes… 2 & 4 mai Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com


au programme musiques hérault alpes-maritimes bouches-du-rhône 63

Concerto pour violon de Tchaïkovski

Rendu populaire grâce au film de Radu Mihaileanu, Le Concert, (2009), le Concerto pour violon en ré majeur de Tchaïkovski offre sans doute l’une des partitions pour violon les plus difficiles du répertoire concertant et connaît une sublime interprétation par Sarah Nemtanu (la voix de son violon est d’ailleurs celle du film). L’Orchestre de Cannes dirigé pour cette soirée par Charles Olivieri-Muroe interprètera aussi des œuvres de Schumann et de Jan Vaclav Hugo Vorisek.

) Sarah Nemtanu © X-D.R

Die Fledermaus (La Chauve-Souris), troisième opérette de Johann Strauss, est un petit bijou en trois actes de trouvailles musicales, de rebondissements, et demande aux chanteurs lyriques de réels dons de comédie. Cette histoire de vengeance, organisée par le Dr Falke, que son ami Gabriel von Eisenstein avait obligé à traverser la ville déguisé en chauve-souris, sera dirigée à la baguette par Jérôme Pillement dans une mise en scène de Benoît Bénichou.

Dmitry Masleev Dmitri Masleev © Christophe Gremiot

Jérôme Pillement © X DR

La Chauve-Souris

15 mai Théâtre Croisette, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com

28 & 29 avril Opéra Comédie, Montpellier 04 67 60 19 99 opera-orchestre-montpellier.fr

Le Concerto n°3 en ré mineur de Rachmaninov est considéré comme l’une, si ce n’est la partition la plus difficile du répertoire pianistique. La virtuosité est la condition première pour l’exécution de l’œuvre, et Dmitry Masleev, qui obtint en 2015 la première place du Prix Tchaïkovski, saura sans aucun doute allier à la technicité pure le flamboyant lyrisme de la partition. L’Orchestre Philharmonique de Nice jouera aussi la suite du Crépuscule des Dieux (Wagner) sous la direction de Philippe Auguin… Autres légendes. 27 & 28 avril Opéra, Nice 04 92 17 40 79 opera-nice.org

Festival Vavangue Le Moulin à Jazz propose une soirée riche et complémentaire autour du jazz manouche : après la projection du film Swing de Tony Gatlif (à 20h), le guitariste virtuose -considéré comme l’un des plus purs et généreux héritiers de Django Reinhardt- Tchavolo Schmitt se produira en quartet avec David Bergeron à la contrebasse, Frédéric Ladame au violon et Benjamin Marciano à la guitare.

© Santi Oliveri

20 avril Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

Cette 4e édition se place au cœur de la tradition créole, et notamment du « Kabar Kréol », pratique liée au culte des ancêtres à la Réunion. Si elle a perdu aujourd’hui son enracinement malgache, elle s’est nourrie depuis de cultures comorienne, européenne, chinoise… Pour la découvrir, une exposition de photos d’archives (du 17 au 26 avril), une table ronde qui évoquera son évolution dans la société réunionnaise (21 avril à 18h), précédée d’un atelier initiant à l’art du Maloya (à 15h), et suivie du concert de Trans Kabar, groupe de rock Maloya qui allie tradition et modernité (à 21h). 17 au 26 avril Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

© D. Drouet

Tchavolo Schmitt Quartet

Soirée festive en vue au Merlan ! Les quatre bouches de Polifonic System –Ange B, Manu Théron, Henri Maquet et Clément Gauthier- vont faire danser (voire chanter !) le public au gré de leur répertoire métissé issu de la culture occitane. Vieux chants à danser et compositions nouvelles se nourrissent de jerk, de musiques électro et de rock, et se mêlent pour joyeusement dépoussiérer le parquet des dance-floor d’aujourd’hui.

Trans Kabar © N’Kruma Lawson Daku

Polifonic System

14 avril Théâtre de Fontblanche, Vitrolles 04 42 79 63 60 charlie-jazz.com


64 au programme musiques bouches-du-rhône hérault var

Anaïs

Barbara Carlotti

Après L’Amour, L’Argent, Le Vent son quatrième album (Premier Prix de l’Académie Charles Cros en 2012), l’auteure compositrice et interprète vient de faire paraître le 30 mars Magnétique grâce à un financement participatif. Un album de chanson-pop écrit à partir de son carnet de rêves, qui à l’instar du premier single Voir Les Étoiles Tomber, se révèle surréel, porté par sa voix grave de facture assez classique. À découvrir aussi en première partie : la french pop éthérée de Pendentif. © X DR

L’Aixoise revient avec un nouvel album, Divergente (paru grâce à un financement participatif). On ne sait pas si elle a Retrouvé (s)on Mojo (premier single de l’album) mais depuis Love Album, l’alchimie marche un poil moins bien entre textes potaches et feel good music. Pas évident de retrouver l’excellence bricolée de Cheap Show (disque de platine en 2005, quand même) mais l’artiste semble s’accommoder d’une carrière plus discrète, chantant à nouveau en anglais (plus de la moitié de Divergente) pour des chansons renouant avec une dimension soul/pop qui lui est fétiche.

Six ans après Be Your Own King, le groupe normand, forcément plus mature, revient avec un nouvel album Our Hearts (paru en février chez Vietnam). On retrouve la voix et la présence de la chanteuse Morgane Colas sur la pop-rock enlevée, très inspirée par les guitares hypnotisantes des maîtres de l’afrobeat (jouées par Nicolas Delahaye). Le désormais sextet s’y entend toujours pour ressusciter ce qui a fait de la new wave des Talking Heads un manifeste du rythme et de l’exaltation.

© X DR.

© David Poulain

Concrete Knives

18 avril Rockstore, Montpellier 04 67 06 80 00 rockstore.fr

18 avril Espace Julien, Marseille 04 91 24 34 10 espace-julien.com

19 avril Le Molotov, Marseille 06 33 63 48 57 lemolotov.com

Deadwood / Cowboys From Outerspace

4 mai Victoire 2, Saint-Jean de Védas 04 67 47 91 00 victoire2.com

Compagnie Rassegna

Après six années de pause, le label rock marseillais Lollipop reprend du service pour ses 20 ans d’existence. Aux derniers albums des talentueuses formations locales Conger ! Conger ! et Pleasures s’ajoutent ceux des pionniers historiques (et hystériques) du rock garage à Marseille Cowboys From Outerspace (Exile at the Rising House) et Deadwood (II), duo frenchy rock masculin/ féminin croisant de multiples influences, entre noisy et électro. Concert en forme de célébration, donc ! 3 mai Le Moulin (Club), Marseille 04 91 06 33 94 lemoulin.org

© Damien Tomasi

L’Américain est un des fers de lance de la musique électronique underground. Un peu afro-américain, un peu cowboy, un peu cherokee, ce DJ prescripteur de tendances (fantasque et imprévisible, il entretient une proximité avec le monde de l’art contemporain) aime dicter ses propres règles pour des mixes souvent hors de sentiers battus avec la house music comme ingrédient principal (Seth est originaire de Detroit). Allez, on se laisse aller, ce n’est pas tous les jours qu’un moustachu nous emmène en voyage !

Depuis de nombreuses années, Rassegna a entrepris un voyage passionnant, vivant et salvateur à travers les musiques du bassin méditerranéen et à travers les siècles. Avec sa nouvelle création Il Sole non si muove (accompagnée d’un album paru chez Buda Musique en février 17, récompensé par l’Académie Charles Cros) la compagnie, rejointe par la viole de gambe de Mireille Collignon, établit un rapport nord-sud au cœur des musiques de la renaissance, période où « savant » et « populaire » n’étaient pas aussi séparées qu’aujourd’hui. 4 mai Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 tandem83.com © X DR

Cowboys from Outerspace © Dr INCH

Seth Troxler

12 mai Cabaret Aléatoire, Marseille 04 95 04 95 09 cabaret-aleatoire.com


au programme musiques bouches-du-rhône var 65

Big icon

© Mary McCartney

D

e The Gossip, groupe représentatif de la scène alternative US à icône de la diversité dans la musique d’aujourd’hui, la trajectoire de Beth Ditto est fulgurante. Et révélatrice d’un changement de paradigme dans la culture populaire, et le regard que celle-ci porte sur les minorités. Beth Ditto, physique XXL et lesbienne (ses prises de positions en faveur des personnes LGBT sont régulières) en incarne, généreusement, une partie. Certes on a bien eu des Madonna ou des Prince qui, par leurs excentricités, répercutaient les tendances issues des marges de la société pour les brandir à la face du mainstream. Mais Ditto fait partie de ces marges et n’en pille pas simplement les codes. Née en Arkansas, état ultra-conservateur de la Bible Belt, Ditto a confié qu’elle avait été abusée sexuellement par un de ses oncles et que c’est la musique qui l’a sauvée de la dépression, en la poussant à s’émanciper des règles étouffantes de son milieu d’origine. Immigré dans l’état de Washington avec le guitariste homo Nathan Howdeshell (la deuxième batteuse butch

Hannah Blilie les rejoindra plus tard), le trio explose en 2006 avec Standing in the way of control. Héritière à la fois de la rage punk

hardcore et de la puissance du rhythm’n’blues rural, sa voix opère comme une décharge pure d’adrénaline. En 2009, signé sur Sony, Music for Men continue d’explorer cette veine avec des apports disco, tout en préservant la part d’un rock radical. Ditto suit ses propres règles avec le plus improbable hit de ces dernières années, l’électrisant Heavy Cross. Dans son album solo Fake Sugar, les guitares tranchantes sont encore là, matinées d’arrangements pop déjà présents dans les dernières productions de Gossip, qui a splitté en 2016 (A Joyful Noise paru en 2012). On ne vous ment pas : l’album n’est pas un chef-d’œuvre. Mais avec sa petite bouche en cœur, son excentricité vestimentaire pacotille serrée sur son quintal de chair, Beth Ditto est restée la petite fille du sud jubilant de chanter au ballroom du samedi soir. H.L.

22 avril L’Usine Istres scenesetcines.fr

Hifiklub ne s’arrête plus

E

n janvier au Théâtre Liberté pour la Nuit de la lecture, comme en août 2017 au Théâtre de Verdure du Faron, Hifiklub a créé un fond sonore, conçu en direct comme un écrin pour la voix de Charles Berling. Une des nombreuses performances assurées par Régis Laugier (basse), Nicolas Morcillo (guitare), Pascal Abbatucci (batterie), trio souvent augmenté d’Arnaud Maguet (plasticien et poly-instrumentiste) et JeanLoup Faurat (guitare, effets et © Bernard Plossu vidéo). Depuis dix ans, la bande d’explorateurs musicaux invite gloires du rock underground (Alain Johannes producteur de Queens of the Stone Age, Jad Fair, Kptmichigan, R. Stevie Moore, Legendary Tigerman…) et expérimentateurs patentés (Jean-Marc Montera) pour des projets éphémères souvent ponctués d’un enregistrement discographique. Une démarche marquée par une grande variété stylistique : « Notre objectif depuis le départ est de découvrir des espaces artistiquement

stimulants en associant notre ensemble instrumental à des énergies extérieures confirme Régis Laugier. Nos projets abordent de larges horizons sonores : jazz, musiques traditionnelles, rock, musique répétitive, pop décalée, improvisation libre… Hifiklub est d’abord guidé par un désir permanent de surprendre. » Si le gang stakhanoviste sillonne volontiers les USA ou l’Europe, il est très lié au territoire local, en témoignent Mayol, le

fascinant album instrumental autour de l’ambiance du stade Mayol à Toulon, ou le dernier Infernu, qui intègre avec talent le chant corse de Jérôme Casalonga au rock expérimental. « Notre attachement au local est sincère, viscéral, vital. Notre positionnement dans le sud est une force et nous voulons rattacher chaque projet à une histoire, pour stimuler l’imaginaire. » Afin de retracer ses 130 collaborations et dix ans d’activisme, Hifiklub vient d’éditer une monographie avec son label associatif de toujours, Parallel Factory. Avant de partir à New York sur les traces de Lee Ranaldo (Sonic Youth), entre autres, un projet est dans les rails avec le pianiste et improvisateur Jean-Michel Bossini à l’occasion d’un concert à la maison. HERVÉ LUCIEN

20 avril Théâtre Marélios, La Valette hifiklub.com


66 au programme spectacles bouches-du-rhône

Nacht

Edmond

Plasticienne puis comédienne et metteure en scène, Céline Schnepf met en œuvre depuis 2008 avec sa Cie Un château en Espagne un théâtre tout public ouvert à l’enfance. Sa nouvelle création propose aux enfants de 1 à 5 ans de ne plus avoir peur du noir, et d’envisager l’obscurité comme une source de surprises et de plaisirs. Attention : 6 places maximum par représentation, réservation très conseillée !

La création théâtrale belge frappe encore fort avec cette pièce d’Anne-Cécile Vandalem qui a impressionné Avignon 2016. Sur une île dévitalisée du nord du Danemark, huit résidents déprimés et trois spectres chantants pataugent autour d’un suicide et de manipulations politiques. À la fois théâtre et cinéma, c’est une proposition plastique, cynique et burlesque qui explore l’effacement des limites entre dedans-dehors, privé-public, montré-caché, l’« attristement des peuples » et ses conséquences.

Edmond, c’est Rostand, et c’est « Cyrano de Bergerac » à l’assaut duquel vont monter 12 comédien.ne.s, conduits par Alexis Michalik, auteur, adaptateur, comédien et metteur en scène multi-moliérisé (5 Molières pour ce spectacle en 2017). Théâtre dans le théâtre et « une idée à la seconde, un rire à la minute » pour retracer avec espièglerie les multiples péripéties qu’a engendré, à la fin du 19ème siècle, la création de ce monument théâtral. 17 au 21 avril Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr

© Phile Deprez

18 au 21 avril Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org

© Alejandro Guerrero

© Yves Petit

Tristesses

18 au 20 avril Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Passager clandestin

Colimaçonne

Giovanni Pastore, berger italien, n’a pas été comptabilisé parmi les victimes disparues du Titanic. Normal, il y était en passager clandestin, donc, comme beaucoup d’autres, non répertorié. Il revient d’entre les morts pour nous raconter son histoire, qui résonne avec celle de tous les migrant-e-s d’hier et d’aujourd’hui. Une adaptation pour marionnettes et acteurs, par la Cie Arkétal, de la tragédie écrite en 1992 par Patrick Kermann. 19 et 20 avril Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr

© Raphael Cauhepe Francois

Sous-titrée « la magie Cocteau », un hommage artistique et onirique à l’artiste multiforme qui écrivit un jour : « Il ne s’agit pas de comprendre, il s’agit de croire. Hommes aux mille mains, ce que vous nous faîtes croire est plus réel que le réel…» . Un théâtre d’ombres enchanté, imaginé et mis en musique, images, et poésies, par l’illusionniste Philippe Beau, collaborateur, entre autres, du Cirque du Soleil, de Philippe Découflé et de Peter Brook.

© Chistrophe Manquillet

© Brigitte Pougeoise

Hommes aux mille mains

19 au 21 avril Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net

Création pour une danseuse, Pauline Maluski, et une plasticienne, Laurance Henry, Colimaçonne est un spectacle immersif pour les tous petit.e.s, (à partir de 15 mois) créé à l’automne 2017 par la Cie a k entrepôt, à la suite de résidences dans des crèches, halte-garderies, maternelles... Un spectacle à l’écoute des gestes de l’enfance et dont le blanc, le rouge, le corps et les arts plastiques sont les axiomes. En tournée dans les crèches. 18 au 21 avril Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com


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Demi-Véronique

Trust

Comment l’enfance se raconte-t-elle à travers le corps ? Première étape des « Traversées » de la Cie a k entrepôt, en UN éclat est la rencontre autour de cette question, dans un espace blanc immaculé, d’une danseuse de 75 ans, Françoise Bal Goetz, de formation classique, et d’un danseur de 28 ans, Jordan Malfoy, de formation hip-hop. Dialogue de gestes, de traces et d’empreintes, entre deux temps, deux corps, deux mémoires.

La compagnie marseillaise La Paloma s’empare avec justesse de la pièce de Falk Richter, Trust, qui évoque la crise des subprimes de 2008 et ses conséquences, à travers des personnages laminés par le krach boursier. Lorsque l’argent n’est plus une valeur, que reste-t-il ? Une belle mise en perspective des rapports entre le fonctionnement de la société et l’économie. La politique revient enfin au théâtre !

© Jean-Louis Fernandez

en Un éclat

19 au 23 avril Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 theatremassalia.com

19 & 20 avril Bois de l’Aune, Aix-en Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr © La Paloma

© Raphael Cauhepe Francois

Pas d’histoire de fleur ou d’opérette fractionnée, mais une référence à la tauromachie, la « demi-véronique » étant le nom d’une passe de torero qui contraint le taureau à l’arrêt. Au cœur de cette pause, Jeanne Candel, avec la troupe de La Vie brève, nous propose un ballet théâtral bercé par la 5ème Symphonie de Mahler. Une performance qui déconstruit, pour initier une refondation…

Fleshless Beast

19 avril Théâtre Vitez, Aix-en Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com

Les Suppliantes

La Sirène et midi net du mois de mai sera grand format et se déroulera sous le signe de MP 2018 Quel Amour ! Autour d’une table, une quarantaine d’artistes (parmi lesquels Tandaim, Ilotopie, La folie Kilomètre, Ahamada Smis, Artonik,..) conjugueront, pendant les 12 minutes rituelles du premier mercredi de chaque mois sur la place de l’Opéra, l’amour de la table et les tables de l’amour.

La pièce d’Euripide évoque les suites de la guerre des Sept contre Thèbes, qui avait été menée par Adraste, chef d’Argos. Sous la conduite de ce dernier, les suppliantes, mères des guerriers morts, viennent demander l’aide de Thésée, roi d’Athènes, pour récupérer les corps que les Thébains refusent de rendre. Alliances politiques, lois humaines et divines… déclinées par des étudiants de théâtre d’AMU (création universitaire), dans une mise en scène de Cyril Cotinaut.

2 mai Lieux publics, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com

© Jubal Batisti

Amour à la table

Foin du binaire ! Contre la vision simpliste d’un monde où tout ne peut être que bien ou mal, noir ou blanc, le danseur-chorégraphe Roderick George entre en résistance, explore la dualité corps-son sur la musique composée par Dj LOTIC (J’Kerian Morgan), et déconstruit en un langage polymorphe les oppositions entre art noble / art populaire, intuition / savoir… Une vitalité et une énergie nouvelles à portée universelle. 20 & 21 avril Pavillon Noir, Aix-en Provence 04 42 93 48 14 preljocaj.org

8 au 12 mai Théâtre Vitez, Aix-en Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com


68 au programme spectacles bouches-du-rhône alpes var

La Töy-Party

Les femmes savantes

Chaque annonce du Muerto Coco ouvre un horizon d’attente de joies verbales, de trouvailles incongrues et pourtant pertinentes, d’inventivité loufoque, d’esprit dada, et d’une liberté qui va au-delà des conventions et réinvente le monde. Avec Marc Prépus & son Panda et Bloom Box, Muerto Coco (Guillaume Bertrand et Raphaëlle Bouvier) nous invitent à la danse, avec des jouets électroniques, parfum d’enfance qui mène à l’âge adulte, entre bidouillage, poésie, pop, slam, et humour.

Couple

C’est bien la pièce de Molière que joue la Cie du Détour ! Agnès Larroque met en scène cinq comédiennes dans une cuisine-laboratoire, lieu symbolique d’« asservissement ou de revendication » dans lequel elles s’approprient tous les rôles, féminins et masculins, et en alexandrins… © Giovanni CITTADINI CESI

19 avril 3bisf, Aix-en Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com

© Steph Bloch

« Qu’est-ce qu’un couple sinon un vilain monstre à deux têtes ? » demande Gilles Gaston-Dreyfus qui met en scène une pièce représentant le couple comme une terrible guerre des sexes. Dans ce théâtre de boulevard, on voit un couple de bourgeois aisés dans leur salon, conversations qui déversent leur fiel sur les voisins, le théâtre, un procès… en une partition de « je t’aime moi non plus », où amour et haine sont un jeu… jusqu’à quel point ?

Projet.PDF

17 avril Comoedia, Aubagne 04 42 18 18 88 aubagne.fr

20 avril Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com 21 avril Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 97 32 auditoriumjeanmoulin.com 18 avril Théâtre Le Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr

14 & 15 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Issues du cirque, du clown, de la danse, les 17 femmes du collectif Projet.PDF créent un spectacle virtuose dans un domaine réservé le plus souvent aux circassiens ou danseurs masculins : les portés. Elles abordent l’univers des architectures des corps par diverses approches techniques et artistiques, avec une communicative jubilation. (spectacle du Réseau Traverses)

La double inconstance (ou presque) Marivaux adapté et mis en scène par Jean-Michel Rabeux, voilà qui réjouit d’emblée ! Libérant le texte des « arlequinades grotesques » pour les remplacer par « des grotesques plus contemporains », il fait de l’histoire d’amour entre Arlequin et Sylvia, brisée net par le Prince amoureux de Sylvia qui la fait enlever pour la séduire, une histoire très actuelle, politique, qui révèle d’intemporelles dominations, soifs et abus de pouvoir.

19 avril Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 46 50 Vitrolles13.fr

© X DR

21 avril Théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

19 & 20 avril Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net

© Cie A suivre

© X.DR

Vivement l’printemps

Faire la part belle à la curiosité, s’étonner, expérimenter… La Cie À Suivre agrémente les poésies de Jean Tardieu d’une douce folie, faite de chants, de jonglerie et d’acrobatie. L’infini, le temps qui passe, les aurores, l’avènement du printemps… tout est prétexte au jeu, aux prouesses et aux dialogues, entre Odile Billard et Jean-Marc Hovsépian, dans une mise en scène de Pierre Marzin. 4 mai Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com


au programme spectacles bouches-du-rhône

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Mon traître

Les héros ridicules et vantards de Flaubert reprennent vie dans la mise en scène pleine d’humour et de tendresse de Jérôme Deschamps. Autour des deux copistes à la réjouissante méchanceté et à la bêtise presque attendrissante, incarnés par J. Deschamps et Micha Lescot, s’enchaînent gags déjantés et bouffonneries dans une veine que n’auraient pas reniée les Deschiens.

L’écrivain Sorj Chalandon fut aussi grand reporter à Libération durant plus de 30 ans, pour lequel il a couvert le conflit en Irlande du Nord dans les années 70. Là il rencontre Denis Donaldson, leader charismatique de l’IRA et de sa branche politique le Sinn Fein, qui avouera en 2005 avoir travaillé pour les services secrets britanniques. En adaptant pour le théâtre les romans Mon Traître et Retour à Killybegs, Emmanuel Meirieu questionne le pardon, la trahison et l’amitié.

12 & 13 mai L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Anquetil tout seul

17 avril L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

Nul besoin d’être un fan inconditionnel de cyclisme pour s’intéresser à l’histoire de Jacques Anquetil, adaptée du roman éponyme de Paul Fournel par Roland Guenoun. Matila Malliarakis incarne, sur un vélo, celui qui fut un champion d’exception, populaire mais aussi rebelle et transgressif ; à ses côtés renaissent aussi des personnages sans qui l’Histoire ne serait pas la même, sa femme, sa fille, son équipier, et Raymond Poulidor, ennemi juré…

© G&D

Le petit bain

L’amour peut-il bousculer les conventions sociales ? Que vaut-il face au poids de l’héritage familial ? Rodrigue et Chimène sont amoureux ; leurs pères se disputent et Rodrigue tue celui de Chimène pour venger l’honneur du sien. Amour et honneur les opposent, dilemme cornélien… Yves Beaunesne met en scène la pièce de Corneille en mettant en avant le conflit intergénérationnel et les conventions d’une époque, qu’il dépoussière. 19 avril La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 scenesetcines.fr

© Jean-Louis Fernandez

Le Cid

Johanny Bert, Théâtre de Romette, met en scène son premier spectacle adressé aux tout-petits : une rêverie qui a comme point de départ la mousse de bain. De cette matière fascinante naissent histoires, décors et personnage, grande marionnette transformable qui évolue sur une création sonore de Simon Muller. Une expérience sensorielle à vivre dès 2 ans ! 18 avril L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr

© Stéphane Cottin

18 avril Forum des Jeunes, Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com

© Armelle & Marc ENGUERAND CDDS

Bouvard et Pécuchet

En cherchant comment se dessiner, se représenter, deux personnages partent en quête d’inspiration. Deux danseurs vont s’appuyer sur le dadaïsme et le hip hop, deux mouvements artistiques à priori aux antipodes l’un de l’autre mais qui ont en commun d’exprimer un monde en perpétuelle évolution. Manipulation d’objets et images projetées construisent un moment poétiquement dada imaginé par le Théâtre Bascule. Ce spectacle ouvre la 9e édition du Festival des Cultures Urbaines (18 avril au 5 mai).

© Giovanni Cittadini Cesi

Zoom Dada

20 avril Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 scenesetcines.fr


70 au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse

Les quatre saisons - Vivaldi

Moman

Atelier 29

© Laurent Frasson

Mathurin Bolze accompagne et met en scène 14 étudiants de la 29e promotion du Centre national des arts du cirque de Châlons-enChampagne dans cette création à laquelle collaborent aussi 6 étudiants de l’École nationale supérieure d’arts et techniques du théâtre. Ces futurs artistes et concepteurs donneront à voir leur savoir-faire au mât chinois, à la corde, à l’équilibre sur cycle, à la corde volante, aux tissus… © DélicesDADA

Deux hommes interprètent le rôle d’un garçonnet (Roland Peyron) et sa mère (Jacques Germain), chacun abrité derrière un masque. Sur le texte de Jean-Claude Grumberg, leurs échanges sont ceux de toutes les familles au moment du coucher. L’un rechigne à mettre son pyjama, quêtant plutôt un brin de réconfort face à ses angoisses nocturnes, l’autre cherche à rassurer son petit... mais aussi à accélérer le processus ! Spectacle tout public.

© Christophe Raynaud De Lage

La bien nommée Cie Délices Dada imagine une revue musicale et imagée, à partir de l’œuvre de Vivaldi et dans un esprit résolument dada ! Là les saxophones remplacent les violons, dans une version enrichie de bruitages excentriques, des figurines manipulées à vue par six acteurs créent d’absurdes et insolites intermèdes… le tout dans un dispositif circulaire, qui place le public au centre de cette fantaisie poétique. Présentation publique après une résidence au Citron Jaune. 28 avril Les arènes, Port-Saint-Louis 04 42 48 40 04 lecitronjaune.com

© Ghislain Mirat

© Alexandre Choron

17 avril Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com

J’ai rêvé la révolution

11 au 13 mai La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com

Des autres paradis

C’est avec des habitants d’Arles et des alentours que s’est monté ce spectacle, un partage qu’a voulu proposer le danseur et chorégraphe Kevin Jean autour des interrogations et expériences traversées lors de la création du trio Des Paradis (donné le 22 mai au Théâtre d’Arles). Il y sera question de rêves à mettre en œuvre, de cohabitation, de coexistence, de solitude et de connections…

19 & 20 avril Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

Jugement Gratuites et ouvertes à tous, les séances des Universités Populaires du Théâtre ont lieu sous forme de leçons-spectacles, façon d’échanger avec le public sur des sujets « à caractère sociétal, philosophique, politique ou historique ». Les Halles accueillent une lecture, assurée par Benjamin Thomas, d’un texte portant sur un épisode de la Seconde Guerre mondiale. Des soldats russes, enfermés dans un monastère par l’armée allemande, s’y sont entre-dévorés, faute de nourriture. Une étude de ce qui mène à la transgression. 17 avril Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

En co-réalisation avec La Garance, scène nationale de Cavaillon, les Halles proposent une œuvre inspirée de la grande révolutionnaire Olympe de Gouges. Celle à qui l’on doit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, guillotinée en 1793 pour avoir dénoncé les abus du Comité de salut public. Catherine Anne signe le texte, son adaptation, et en sus interprète superbement ce personnage déterminé, « qui ne sait pas mentir », même pour sauver sa peau. À partir de 15 ans. 3 & 4 mai Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com


au programme spectacles vaucluse alpes

var

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Motifs

Le bac 68

Pour cette création, la Cie Rhizome s’inspire d’un texte écrit par Unica Zürn, peintre et auteure berlinoise dans les années 1960. Celle qui fût la compagne du surréaliste Hans Bellmer y témoigne de sa propre schizophrénie, sans en éluder la dimension tragique, mais de manière dénuée de pathos, et en laissant la place à son élan créatif. L’Homme-Jasmin du titre est un personnage né dans son esprit alors qu’elle était petite fille.

1968, c’est l’année où on l’a quasiment donné, le Bac. Facile ! Enfin, pas tant que ça pour Ferdinand Faure, alias Philippe Caubère, qui situe la Sibérie « quelque part entre Naples et l’Australie ». Même avec des épreuves réduites à la session orale, il risque d’être recalé. Il est pourtant à bonne école, avec une mère bavarde comme une pie et aux idées bien arrêtées sur la politique, les CRS, la CGT, le relâchement des mœurs, le Pape et l’URSS.

11 mai Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.com

Le chorégraphe Pierre Pontvianne forme un duo subtil avec Marthe Krummenacher, pour répondre à la question « qu’est-ce qui motive le mouvement des corps ? ». L’amour fait indéniablement partie de la réponse, comme en témoignent les gestes émouvants qui relient les deux danseurs. Le compositeur Benjamin Gibert a travaillé la fugue et le contrepoint à leurs côtés, pour une bande son qui mobilise aussi un poème d’Aragon, Les Adieux.

© Sebastien Marchal

© Michèle Milivojevich

© Gregory Batardon

L’Homme-Jasmin

17 & 18 avril La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu

19 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr

Le poids d’un fantôme Adieu, Ferdinand !

À Taïwan on célèbre chaque année les morts lors d’une fête, avec un rituel : des lanternes flottantes sont déposées sur les cours d’eau, pour accompagner l’âme des défunts vers l’au-delà. Le jeune chorégraphe Po-Cheng Tsai a vécu le deuil de son père ; il a alors conçu une danse inspirée de cette tradition. Huit artistes en tutus vaporeux évoluent sur scène, formant une houle humaine au rythme tour à tour nerveux ou apaisé. Dès 12 ans.

Le Théâtre Liberté, qui a reçu sous les acclamations Philippe Caubère l’an passé, lui rend un « hommage appuyé » cette année, en programmant les derniers épisodes de la saga de Ferdinand, son alter ego sur scène. De sa première trahison sexuelle aux joies de l’hiver belge, en passant par son expérience dans un camp naturiste. Inénarrable !

20 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr 17 avril Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

Le poids des fantômes, comme celui des âmes, est sujet à débat. On s’accordera sur : très léger. Comme il convient de s’adresser aux enfants pour leur parler de leur destin d’être humain, tout en légèreté, ce qui n’exclut pas la profondeur ! Une mission que se donne le clown de Damien Bouvet, qui présente aux 6 ans et plus ses propres fantômes : Crépon, tout chiffonné, Plume au pied de plomb, ou la guenon Madame Bun. 18 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu

© Gilles Vidal

© Yi-Wen Chou

© Philippe Cibille

Floating flowers

La Baleine Le camp naturiste 20 avril Le Casino de Namur 21 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr


72 au programme spectacles var

Stand up comédie

Sous l’armure

L’art du stand up à l’américaine est né au XIXe siècle, et son succès ne s’est pas démenti depuis les salles poussiéreuses des débuts jusqu’aux millions de vues sur YouTube aujourd’hui. Bettina Atala a potassé l’ouvrage de référence en la matière, signé Judy Carter, et se lance dans son propre one woman show. Mais à sa façon, qui consiste surtout à dévoiler les ficelles du métier, en se soustrayant à l’obligation, « somme toute conventionnelle », de faire rire.

La petite casserole d’Anatole

17 avril Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com

© Michel Ferchaud

Le petit bruit de La casserole d’Anatole tinte sur beaucoup de plateaux de la région, son histoire parle et touche nombre de tout-petits (dès 3 ans). L’album d’Isabelle Carrier est adapté par Cyrille Louge pour marionnettes. Que trimballe Anatole ? Ce qui l’embarrasse, ce dont il n’arrive pas à se défaire, et qui pousse les autres à se moquer de lui. Jusqu’à ce qu’il découvre que ce fardeau peut devenir un allié…

© Cyrille Louge

Extended play

18 & 21 avril Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com

20 avril PJP, Le Revest les Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

Le monde sous les flaques

Le sixième jour

Savez-vous que les flaques sont des entrées vers des mondes inconnus, où tout reste à inventer et rêver ? Il faut savoir s’y glisser, et découvrir l’envers de l’eau… Christian Duchange (Cie l’Artifice) convie le professeur Armank, chasseur d’imaginaires, à nous présenter un voyageur intrépide et fantasque, qui a su pénétrer à travers ces hublots des paysages. Écoutons-le témoigner de ce qu’il y a rencontré.

© Lee Davison Photography

Daniela Bershan a conçu les samples et les arrangements musicaux de ce projet hybride consacré à la pop, tandis que la chorégraphie est signée Ula Sickle. La pop, concept fourretout entre « culture de masse et sous-culture », cherche à se surprendre elle-même dans ce concert dansé, ou cette danse-concert. Cinq performeurs venus du Japon, du Congo ou encore des USA y usent de leur corps comme d’un instrument.

© Christophe Raynaud de Lage

© Stanislav Dobak

Deuxième proposition de la Cie L’Artifice. Christian Duchange invite à une mise en scène pleine d’onirisme et de costumes d’époque du texte multiprimé de Catherine Anne, destiné aux enfants à partir de 8/9 ans. C’est la guerre, nous sommes dans un Moyen-Âge plein de fureur et de magie. Christine, fille du roi, préfère combattre plutôt que d’entrer au couvent, et échange sa place avec Thibault, fils adoptif tout sauf belliqueux. Les conflits ne se situeront pas seulement là où on les attend.

18 avril Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com 17 avril PJP, Le Revest les Eaux 0800 083 224 polejeunepublic.fr

Que s’est-il passé le sixième jour ? Et bien Dieu a créé l’homme (et la femme, d’ailleurs). Catherine Germain et son magnifique personnage-clown Arletti s’ingénie à rejouer cette étape ô combien fondatrice. Elle réinvente, réfléchit, hésite, alors une hilarante version de la Genèse prend forme sous nos yeux (François Cervantes à la co-écriture et co-mise en scène). Et finalement, tout prend sens, dans un questionnement sensible et profond. 20 & 21 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carre-sainte-maxime.fr


au programme spectacles var alpes-maritimes gard hérault

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Monsieur Mouche

Le Bonheur

Le corps du Ballet National de Marseille

© Alwin Poiana

© Frederic de Faverney

Emio Greco et Pieter C. Scholten interrogent les limites de la danse classique avec cette pièce inspirée de l’essai d’Elias Canetti Masse et puissance. Les contraires s’attirent, le groupe dialogue avec le duo. Et les corps sont autant « apolliniens et dionysiaques ». Beauté et énergie convoquent les pas les plus connus et des interprétations plus contemporaines.

12 mai La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 saint-maximin.fr

Que fait-on lorsqu’on n’a rien à faire ? Tout ! Changer une ampoule peut se révéler plein d’imprévus (musicaux, poétiques, drôles), lorsqu’on a une âme rêveuse et clownesque. Thomas Garcia transcende ses talents de musicien facétieux dans l’incarnation de ce Monsieur Mouche qui promène sa folie douce sur toutes les scènes françaises, devant un public où tous les âges se réunissent dans un grand éclat de rire.

Béla Czuppon (directeur du théâtre La Baignoire à Montpellier) lira les mots, la langue, l’univers d’Emmanuel Darley. Écrivain qui retient les mots, ne les laissant surtout pas s’échapper vers un flou rassurant, l’auteur de Le Bonheur (Actes Sud) s’inscrit dans l’observation, la pensée très intérieure. En hommage à l’écrivain disparu en janvier 2016, dans le cadre de la manifestation Polyptyque ED : Parcours dans les œuvres d’Emmanuel Darley.

Emmanuel Darley © X DR

11 & 12 mai Séranon 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

In the middle Marion Motin est l’une des plus importantes figures de la danse hip hop. Autant dire de la danse tout court, puisque ce genre est aujourd’hui celui qui essaime le plus sur les scènes (et les rues, heureusement encore) françaises. Le plateau est investi par les femmes, qui s’emparent de cette expression à l’histoire déjà presque longue, à l’énergie inentamée.

© Pascal Gely

Jean-Louis Costes

© Dati Photography

4 & 5 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com

3 mai Maison des littératures à voix hautes, Nîmes 04 66 62 06 66 triptyktheatre.fr

Emma Mort, même pas peur

On sait tous ce qui nous attend, au bout. Alors autant s’y préparer au mieux, et surtout, en rire ! Emma la clown (Meriem Menant, avec Kristin Hestad à la mise en scène) a décidé de mettre tous les atouts de son côté pour passer le cap fatidique : testament rédigé au cordeau, répétition pour une entrée élégante dans le cercueil, préparation mentale… Le public (dès 12 ans), embarqué dans cette désacralisation générale, doit juste prendre garde à ne pas…mourir de rire ! 19 avril Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com

Dernière session du cycle Posie Attack, parti à la recherche des artistes qui croisent poésie, punk, récit, vidéo, musique électronique… Jean-Louis Costes est l’un d’eux, qui présente son nouveau spectacle, comédie musicale trash. Performance extrême, présence de l’auteur à couper le souffle. Pop, noise, humour virant au tragique. Une expérience intense. Entrée libre. 3 mai Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 humaintrophumain.fr


74 au programme cinéma bouches-du-rhône

Cinémathèque allemande

Un weekend avec Pierre Boutron Mistress Géquil et Madame Hyde

Winter Ade, de Helke Misselwitz © DEFA Stiftung Thomas Plenert

Le cycle continue au Mucem, avec deux films au féminin : en 1968 Ula Stöckl s’interrogeait, dans le film expérimental Le chat à neuf vies, sur la condition des femmes dans son pays, l’Allemagne de l’Ouest. Les hommes tenaient les manettes, les femmes flânaient en rêvant d’émancipation. Winter Ade (1988) se déroule à l’Est. La réalisatrice Helke Misselwitz recueille les récits de vie de femmes rencontrées dans un voyage vers le nord de l’Allemagne. 20 avril Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org

Le classique de Stevenson revisité par la scénariste Axelle Ropert, et réalisé par Serge Bozon, Madame Hyde, sera projeté au Gyptis en présence du réalisateur. Madame Géquil (Isabelle Huppert) est professeure de physique dans un lycée de banlieue. Effacée, malmenée par ses élèves, méprisée par ses collègues, voilà qu’à l’occasion d’une expérience en laboratoire, la timide prof est foudroyée ! Elle sent alors monter en elle une force inconnue. Une mutation des plus intéressantes…

Monsieur Léon © GTV productions

Les 21 et 22 avril, Les Lumières de l’Eden propose un weekend avec Pierre Boutron à l’Eden-Théâtre. Projection de 3 films en présence du réalisateur. Le samedi à 18h, Les Années sandwiches (1988), suivi à 21h de Fiesta (1995) avec Jean-Louis Trintignant, Grégoire Colin et Marc Lavoine. Dimanche à 16h, ce sera Monsieur Léon (2006) avec Michel Serrault et Clémentine Célarié. 21 & 22 avril Eden Théâtre, La Ciotat 04 96 18 52 49 edencinemalaciotat.com

Madame Hyde © Les films Pelleas

2 mai Le Gyptis, Marseille 04 95 04 96 25 la friche.org

L’Uruguay à La Ciotat

Pépites de cinéma L’Amour et la révolution

Leçons de ténèbres de Werner Herzog © Films Produktion

En écho à l’exposition Or (lire P 28), le Mucem et Aflam, coproducteurs des Rencontres internationales des cinémas arabes, proposent une programmation spéciale, centrée sur la thématique telle qu’elle est perçue et traduite par les cinéastes. Couleurs, richesses, magie, avidité... 7 installations vidéos et 7 films, dont le très controversé Leçons de ténèbres, de Werner Herzog.

Quid de la crise grecque dans les médias ? Elle est passée de mode ! Pourtant dix ans après les premières émeutes et la cure d’austérité imposée, le documentaire de Yannis Youlountas L’amour et la révolution montre bien que le calme n’est pas tout à fait revenu. Des mouvements de résistance s’organisent à travers des actions concrètes. Rendez-vous au Gyptis le 8 mai pour une projection de ce film qui invite à un voyage parmi ceux qui rêvent encore d’une vie meilleure, en présence du réalisateur.

2 au 6 mai Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 cmucem.org

Otra historia del mundo, de Guillermo Casanova1 © Lavorágine Films

Le 22 avril à 18h, Art et essai Lumière en partenariat avec l’ASPAS propose à l’Eden Théâtre Otra Historia del Mundo (lire critique P 78) de l’Uruguayen Guillermo Casanova, adapté du roman de Mario Delgado Aparaín. Alivio de luto. À Mosquitos, un village imaginaire dirigé par le Colonel Werner Suárez, deux grands amis Gregorio Esnal et Milo Striga tentent de convaincre le village de se rebeller et de retrouver leur liberté… La rencontre sera animée par l’équipe de l’ASPAS. 22 avril Eden Théâtre, La Ciotat 04 96 18 52 49 edencinemalaciotat.com artetessailumiere.fr

L’amour et la revolution de Yannis Youlountas © Anepos

8 mai Le Gyptis, Marseille 04 95 04 96 25 la friche.org 1er mai, en présence du réalisateur Cinéma Utopia Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org


au programme cinéma bouches-du-rhône vaucluse hérault

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Sonate pour Roos

Play it again Du 18 au 27 avril dans le cadre de la 4e édition Festival Play it again, qui permet de (re)voir une sélection de trésors du 7e art en version restaurée, l’Eden-Théâtre de La Ciotat propose Charlot sur la route, 3 courts-métrages de Charlie Chaplin ainsi que le mythique J’ai même rencontré de Tziganes heureux d’Aleksandar Petrovic, Grand Prix Spécial du Jury Cannes 1967, et Le Bel Antonio (1960) de Mauro Bolognini avec Claudia Cardinale, Marcello Mastroianni et Pierre Brasseur.

J’ai même rencontré des Tziganes heureux © Malavida

18 au 27 avril Eden Théâtre, La Ciotat 04 96 18 52 49 edencinemalaciotat.com

Jean Ziegler, l’optimisme de la volonté

Sonate pour Roos © Arizona distribution

Le cinéaste néerlandais Boudewijn Koole situe l’histoire de son film dans le nord du Nord : en Norvège. Paysages blancs et froids, aussi implacables, beaux mais froids que les rapports des deux héroïnes, une mère et sa fille quarantenaire. Elles ne peuvent communiquer, et pourtant quelque chose brûle sous la glace... Le frère adolescent réussira-t-il à briser le silence entre les deux femmes ? En attendant, la mélodie du piano familial court. Avant-première et rencontre avec le réalisateur.

« Je suis pessimiste par l’intelligence et optimiste par la volonté », disait le philosophe marxiste Antonio Gramsci. Nicolas Wadimoff, ancien élève du célèbre altermondialiste Jean Ziegler, retrace les combats et le quotidien de ce Suisse toujours en alerte. Il ne laisse pas dans l’ombre erreurs et regrets, et met en lumière l’infatigable combat pour un monde plus juste de celui qui, en plus d’un demi-siècle d’engagement, ne s’est pas fait que des amis. Avant-première en présence du réalisateur.

15 avril Cinéma Utopia, Avignon 04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org

Mémoires d’un condamné

© dreampixies

16 avril Cinéma Utopia, Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org

Valmont Le dernier rendez-vous du cycle Livres au cinéma réunit Choderlos de Laclos et Milos Forman. Valmont, le film, se calque sur Les liaisons dangereuses, le livre tant interprété et réinterprété, au théâtre, au cinéma. Ici, le quatuor Valmont, Merteuil, Volanges et Tourvel joue la comédie grinçante de l’amour sous les feux d’une réalisation très classique. Lecture d’extraits du texte par de jeunes acteurs issus de l’ERAC.

Valmont © 1989 Pathe Production. Timothy Burrill Productions

14 avril, Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis-du-Rhône 15 avril, Espace Robert Hossein, Grans 25 avril, Le Rex, Châteaurenard 29 avril, Cinéma Marcel Pagnol, Cotignac scenesetcine.fr cinemasdusud.fr

My Wonder women Mémoires d’un condamné © Lardux films

Sylvestre Meinzer retrouve et suit le fil d’une des plus révoltantes erreurs judiciaires françaises. Celle qui a jeté en prison, jusqu’à la folie puis la mort, l’ouvrier portuaire syndicaliste havrais Jules Durand. Une machination, grossièrement menée par le patronat inquiet, le piègera sans retour. La cinéaste filme cette histoire au présent, en s’immergeant dans la culture syndicaliste havraise. Rencontre avec Joëlle Molina, médecin psychiatre, psychanalyste et Roger Martin, auteur du roman graphique Les docs assassinés : l’affaire Jules Durand. 24 avril Cinéma Utopia, Avignon 04 90 82 65 36 cinemas-utopia.org

Biopic réalisé par Angela Robinson retraçant un épisode de la vie de William Moulton Marston, inventeur du détecteur de mensonges (1941) et fervent féministe américain. Sa femme et leur amante lui inspirèrent le personnage de comics Wonder Woman. Séance en partenariat avec le ciné-club « Cliché(e)s », suivie d’une rencontre avec Patrick Cardon, éditeur, spécialiste de l’histoire culturelle des homosexualités.

My wonder women © LFR films

19 avril Cinéma Utopia, Montpellier 04 67 52 32 00 cinemas-utopia.org


76 au programme cinéma bouches-du-rhône

Courts d’Avril

D

écouvrir une sélection des pépites du Festival international du Court-Métrage de Clermont-Ferrand, le plus grand dédié à ce format, c’est ce que propose tous les ans au printemps le Théâtre National de Marseille avec La Criée Tout Court. Du 18 au 21 avril, le festival auvergnat associé au

Kapitalistis de Pablo Muñoz Gomez © Origine films

Festival International du film d’Aubagne proposera pour petits et grands une sélection de fictions, documentaires et courts d’animation, éclairés par les lumières d’Emmanuel Vigne et d’Anaïs Labat qui présenteront les projections. Résolument tournée vers l’éducation à l’image, la 6e édition de la Criée

Tout Court propose 9 séances scolaires, organisées selon l’âge des participants, dont deux concoctées par le F.I.F.A et destinées aux ados (11/14 et 14/18). Les jeunes cinéphiles pourront y découvrir, entre autres, l’excellent Kapitalistis de Pablo Muñoz Gomez où le Père Noël s’avère n’être qu’un sale capitaliste qui apporte des jouets aux enfants de riches et des pulls à ceux des pauvres. Ou encore l’émouvant Marlon de Jessica Palud qui imagine la première visite d’une jeune fille à sa mère en prison. Le programme adulte se déclinera en 5 chapitres. Et, allant de l’un à l’autre, on pourra suivre Cajou, le chien à trois pattes de Fox terrier, un court-métrage d’Hubert Charuel (désormais plus connu grâce au multi césarisé Petit Paysan). On se transportera dans les cités des banlieues avec Goût bacon d’Emma Benestan, ancienne monteuse de Kechiche, qui traite là du tabou de l’homosexualité. On se remémorera les

Martigues à l’heure de la SF Le Pays de Martigues accueille sa première édition du Film de SF, le Martigues SF Film Fest’, né sous l’impulsion de passionnés de sciences et du 7ème art.

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artigues et son territoire sont déjà perçus comme des « terres de cinéma » depuis un siècle, sourit le maire, Gaby Charroux, citant non seulement les cinémas, mais aussi la cinémathèque Gnidzaz, l’école de cinéma Cinémagis, Provence Studios (où les tournages abondent, depuis Gaston Lagaffe de Pierre-François Martin-Laval à Taxi 5 produit par Luc Besson). « Une forme de révolution a eu lieu à Martigues, grâce au cinéma », souligne-t-il, en insistant sur le bonheur de recevoir le Festival de la SF, qui permet de faire la part entre le culturel et l’économique : « rêvons les pieds sur terre ! ». C’est un enthousiasme juvénile qui anime l’équipe, l’évocation même de la SF rend à chacun sa capacité d’émerveillement : « la SF a le pouvoir de donner de l’espoir » explique Patrice Girod, directeur du Festival, et l’un, si ce n’est LE grand spécialiste de Star Wars en France, fondateur de la première revue consacrée à la saga de Georges Lucas (Lucasfilm magazine), et co-fondateur de la société de production cinématographique Starfix

Productions (entre autres activités). La SF accorde une entrée privilégiée au domaine des sciences, mais devra attendre Kubrick pour gagner ses lettres de noblesse et ne plus être considérée comme un sous-genre. Pourtant, il est des thématiques que la SF a été la première à pouvoir aborder : c’est dans Star Trek que pour la première fois un Blanc embrasse une Noire à l’écran. « Tous les films de SF parlent de l’humain »… Les progrès de la science lui doivent aussi beaucoup, c’est Star Trek (encore !) qui joua le rôle de déclic pour le jeune Steve Jobs : sans la série, pas d’Iphone ni d’Ipad ! Pas d’IRM dans les hôpitaux sans les recherches de Georges Lucas pour ses films ! « La science permet de donner de la réalité à la fiction »… La halle de Martigues, devenue Space’Halle offrira une immersion dans les coulisses des films, l’expérimentation de la réalité augmentée au stand VR Expérience animé par l’association Planète Star Wars, des stands photo qui plantent des décors inspirés de La Guerre des Étoiles, un espace librairie où

Titan, de Lennart Ruff © TF1 studio

Jo Dante, parrain du festival (oui, Jo Dante, des Gremlins et de L’aventure intérieure !) et Paul Shipper, illustrateur d’affiches de films de SF, seront aux dédicaces. On croisera Titan The Robot qui fera son show. Patrick Baudry, second astronaute français à être allé dans l’espace lors du premier vol spatial franco-américain donnera une conférence (27 avril). La Space’Halle se transformera en station musicale interstellaire pour la « Nuit des Héros » qui accueillera MEHARI, Sophonic et le jeune prodige belge Stereoclip. Et le cinéma ? Le directeur de la programmation


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tragiques événements du 13 novembre par le Journal animé de Donato Sansone, improvisation artistique inspirée de l’actualité internationale traitée dans les pages du journal Libération entre septembre et novembre 2015. On retrouvera Vincent Lacoste sur la voie de l’émancipation dans L’enfance d’un chef d’Antoine de Barry et « des machos, des meufs, des clebs, des flingues, des bagnoles et des motos » dans Play boys de Vincent Lynen. Le 21 avril, dernier jour de la manifestation, après le « Spécial famille » du matin et le ciné-concert des petits de l’après-midi, à 20h30, Carte blanche aux étudiants de la S.A.T.I.S pour présenter leurs créations filmiques et musicales de l’année. 4 jours, 100 films, des cinéastes venus de tous horizons et tout un panel d’émotions : « La Criée Tout Court, on y court ! ». Un slogan à suivre, assurément !

Un festival peut en cacher un autre

ELISE PADOVANI

La Criée Tout Court 18 au 21 avril Théâtre national La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com

David Oghia a concocté une impressionnante liste de films (« un maximum sur trois jours »), certains du patrimoine, d’autres dans l’actualité, avec en exclusivité Titan, réalisé par Lennart Ruff. Une véritable effervescence entoure le festival qui distille, jour après jour, de nouvelles surprises consultables sur les réseaux sociaux.

La maison de la radio, de Nicolas Philibert © Les films du losange

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u 12 au 19 mai, dans le cadre somptueux du Château des Mineurs, à 10 minutes de la Croisette, se déroulera la 16e édition de Visions Sociales organisée par Les Activités Sociales de l’Energie. Une programmation privilégiant un cinéma d’auteur, ouvert sur les questions socio-politiques du monde, et parrainée (ou marrainée) par une personnalité incarnant cette ambition-là. Cette année, le choix de Nicolas Philibert, est particulièrement pertinent ! Celui qui débuta aux côtés de René Allio explore depuis plus de 40 ans, avec une sensibilité toute particulière, des domaines aussi différents qu’une école primaire rurale (Etre et avoir), le monde des chefs d’entreprise (La Voix de son maître) ou les coulisses d’un musée (La Ville Louvre), présentera pour le weekend d’ouverture La Maison de la Radio (2013) et Retour en Normandie (2007). La semaine sera ponctuée par les rencontres avec les réalisateurs et des débats dans lesquels on réfléchira avec Tangui Perron, le 16 mai, aux rapports entre syndicalisme et cinéma, du Front populaire à la Nouvelle vague et où on n’oubliera pas de parler, le 17 mai, des 50 ans de Mai 68. Elle proposera un parcours dans le cinéma lusophone en 10 films, dont le virtuose docu-fiction L’Usine de rien de Pedro Pinho (voir journalzibeline.fr) ou le premier film prometteur de Laurence Ferreira Barbosa, Tous les rêves du monde. S’y ajouteront les longs et courts-métrages découverts dans les festivals soutenus par les A.S.E, de Cinemed aux Premiers Plans d’Angers, et, chaque soir, un film inédit des sections partenaires du Festival de Cannes. Le samedi 19 mai, en clôture, seront projetés un film de La Semaine de la Critique et un des films primés à La Quinzaine des réalisateurs. Ouverte à tous, cette manifestation en marge du « Grand Festival » mise sur l’excellence sans l’élitisme, sur l’intelligence et le partage, et à rebours « des ruptures du libéralisme en matière culturelle, entend poursuivre son engagement » en faveur de la pluralité et de l’originalité des points de vue tels qu’ils s’expriment au cinéma. ÉLISE PADOVANI

MARYVONNE COLOMBANI

Martigues SF Film Fest’ 27 au 30 avril Divers lieux, Martigues msfff.fr

Visions sociales 12 au 19 mai Domaine Agecroft, La Napoule ccas-visions-sociales.org


78 critiques cinéma

Basta, les nains !

Otra historia del mundo, de Guillermo Casanova © Lavorágine Films

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es nains de jardin, filmés en gros plan, transportés dans un véhicule qui arrive dans la petite ville de Mosquitos, à la fin des années 80, c’est sur ces images

étranges que démarre le dernier film de l’Uruguayen Guillermo Casanova, Otra Historia del mundo. Ces nains sont le trésor le plus précieux du Gouverneur Werner

Valerio (Néstor Guzzini), chargé d’imposer la Loi, en particulier l’interdiction que les bars restent ouverts après 22h. Cela n’est pas du goût de deux amis, Gregorio Esnal (César Troncoso) et Milo Striga (Roberto Suárez) qui décident de résister, volent les nains et obligent le DJ de la radio locale à lire un message de résistance. Dénoncé par le postier, Milo est arrêté et disparait. Rongé par la culpabilité, Esnal se barricade dans sa chambre, refusant de parler, sauf aux nains ! Il ne sortira qu’au retour de Beatriz, (Natalia Mikeliunas) une des filles de Milo, partie à sa recherche, infructueuse, à Montevideo. Il a alors une idée géniale : donner des « cours d’histoire universelle » aux habitants, parmi lesquels Amelia (Cecilia Cósero), la femme du gouverneur qui a accordé l’autorisation si ce cours s’arrête en… 1492 ! Dans cette histoire alternative, racontée à l’aide d’animations, ombres, collages qui nous font parcourir aussi le cinéma - on pense à Méliès - la famille de Milo joue un rôle essentiel. Et tout va changer…

Les guerrières de Ouagadougou

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u 24 mars au 1er avril s’est tenu le Panorama des Cinémas d’Afrique organisé par Scènes&Cinés. Près de 25 films, proposés dans cinq villes parmi lesquels des œuvres que Zibeline a aimées et dont on a parlé, comme La Belle et la meute de Kaouther Ben Hania, Les Bienheureux de Sofia Djama, Tant qu’on vit de Dani Kouyaté, I am not a witch de Rungano Nyoni (voir journalzibeline.fr)... et Ouaga girls. Le jour se lève sur la capitale du Burkina, Ouagadougou, dont les rues sont envahies par vélos et motos. En tenue bleue, de jeunes femmes se dirigent vers le CFIAM –Centre Féminin d’Initiation et d’Apprentissage aux métiers. Neuf d’entre elles, Chantal, Bintou, Adissa, Rose… entament leur dernière année en mécanique. La réalisatrice Theresa Traore Dahlberg va les suivre, filmant les cours théoriques où elles s’ennuient pas mal et les travaux pratiques où elles mettent plus d’énergie. « J’ai voulu saisir l’instant crucial où les choix déterminants s’opèrent. Cet entredeux où les rêves, les désirs et le courage se

heurtent à la prise de conscience du regard des autres, aux attentes de la société et des peurs inhérentes à cette naissance en tant que femme. » Et c’est bien ce qu’elle fait. Visages en gros plans lors des séances chez la psychologue où chacune livre ou retient ses blessures intimes, confie ses rêves. Moments de détente entre filles où l’on parle, ou l’on s’amuse comme des gamines, où l’on fait la fête en concert ou en boite. Démarches pour trouver un stage, cours, examen, la réalisatrice ne les lâche pas et nous les rend très proches. Si elles ont des fous rires comme toutes les jeunes filles de leur âge, surfent sur leur portable dès que le professeur tourne le dos, se tressent les cheveux, dansent, chantent, elles ont aussi, déjà, des problèmes de femmes : grossesse non désirée, soucis familiaux, découragement, besoin d’argent - certaines sont déjà mères. Des vies ordinaires, mais qui étonnent par ce choix d’apprentissage. Car, comme le dit, à Chantal cherchant un stage, la gérante d’un garage, il faut du courage dans ce milieu qui est comme la jungle et qui n’accepte pas facilement les femmes. Et à un garçon qui

Ouaga girls, de Theresa Traore Dahlberg © Juste distribution

s’étonne « Comment se fait-il que des filles font de la mécanique ? Ce travail demande de la force » la réponse fuse « On a de la force ! » Et c’est bien ce que confirme une des responsables du Centre en leur remettant leur Certificat de Qualification Professionnelle


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Centaure On l’aura compris, c’est avec humour que Guillermo Casanova a choisi d’adapter le roman Alivio de luto de Mario Delgado Aparaín. Le réalisateur, présent à La Friche le 24 mars dans le cadre des 20e Rencontres du cinéma sud-amériacain organisées par l’ASPAS, a dialogué avec un public nombreux et curieux. « Quand on vit la tragédie pour la deuxième fois, elle devient farce » a-t-il rappelé. Et c’est bien vers le cocasse et l’absurde qu’il tire cette allégorie d’une époque, racontant l’Histoire, hélas répétitive, du point de vue d’une famille qui s’engage. Quant au choix de l’image, couleurs chaudes et où l’on retrouve le grain du 35mm, il rajoute à l’Histoire, qu’on ne doit pas oublier, la patine d’une autre histoire, celle du cinéma. ANNIE GAVA

Centaure © Epicentre films

Otra Historia del mundo faisait partie des 11 longs-métrages en compétition aux 20e Rencontres du cinéma sud-américain organisées par l’ASPAS, qui se sont déroulées du 23 au 31 mars à La Friche de la Belle de mai et au Gyptis (Marseille)

« Vous êtes de braves femmes. Du futur. Vous êtes des guerrières ! » La caméra nous découvre leurs visages, émus, souriants, fiers d’avoir réussi. A.G. Le Panorama des cinémas d’Afrique s’est tenu du 24 mars au 1er avril à Fos, Grans, Istres, Miramas et Port-Saint-Louis

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ous avez dit Kirghizstan ? Pas sûr de pouvoir d’emblée situer cette ex-République soviétique, coincée entre le riche Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjiskan et la puissante Chine ! Un pays pauvre, autrefois peuplé de nomades, aux paysages de western, routes poudreuses, montagnes sévères, rivières que les troupeaux de chevaux traversent en s’ébrouant. C’est là que vit Aktan Arym Kubat, découvert dans les années 90 par le producteur Marc Baschet venu à Rousset présenter au Festival nouv.o.monde le 24 mars : Centaure, dernier opus du réalisateur kirghiz. « Le cheval, c’est les ailes de l’homme », le proverbe mis en exergue du film apparaît comme une signature (le nom que s’est choisi le cinéaste signifiant cheval ailé), et rattache le film à la tradition ancestrale. Plus qu’un folklore, un mode de vie menacé par la montée d’un islam radical, la marchandisation de la société, la perte du lien communautaire et du respect de la nature. L’homme-cheval devenant l’allégorie d’une humanité faisant corps avec le monde. Centaure, c’est le personnage principal du film interprété par Aktan lui même. Ancien projectionniste du cinéma du village transformé depuis en mosquée, il est devenu, ironie du sort pour quelqu’un issu du nomadisme, maçon. Il s’est marié sur le tard à une sourde-muette, est père d’un fils de 5 ans mutique à qui il conte les légendes héroïques du Kirghizstan. La nuit, il vole les étalons de course achetés à grands frais par des potentats locaux. Pas pour les revendre comme Satyr, le voleur attitré du village parfaitement intégré au système, mais pour les chevaucher dans la steppe, bras en croix avant de les relâcher. Les tentatives du Conseil des Anciens pour le faire entrer dans le moule échoueront. Fou pour les sages. Sage au milieu des fous. Ce film drôle, émouvant, lyrique, tout à la fois concret et abstrait, met en scène avec brio un monde sur le point de disparaître. Alternant plans larges somptueux et cadres resserrés sur la vie quotidienne des villageois, sur la couche à ras le sol partagée par Centaure et sa famille, ou dans l’intérieur de la yourte d’une voyante, il est kirghiz et universel : il nous parle de l’anéantissement d’un imaginaire. Le protagoniste conserve l’affiche d’un ancien film soviétique La pomme Rouge et trimballe une boîte métallique hexagonale au contenu mystérieux. Quelque chose à transmettre malgré tout ? Par le cinéma peut-être. ELISE PADOVANI

Le festival nouv.o.monde a eu lieu à Rousset, Aix-en-Provence et Trets entre les 16 & 25 mars


80 au programme arts visuels bouches-du-rhône

Léon Claude Vénézia Quatre ans après le décès de Léon Claude Vénézia à Aix-en-Provence, l’atelier-galerie Zemma ouvre la première boîte de négatifs noir et blanc réalisés dans les quartiers populaires de Paris. Métamorphose des rues, évolution des mœurs, portraits des habitants inscrivent son travail sans filtre dans la lignée des photographes humanistes. M.G.-G. La première boîte, 1963-1968 jusqu’au 3 mai Atelier-galerie Zemma, Marseille 06 74 89 02 54 galeriezemma.fr

Paris. Enfant sur un chantier du boulevard de Belleville, à hauteur du métro Couronnes © Léon Claude Vénézia

Nadine Lahoz-Quilez Entre tradition et modernité, intime ou social, Nadine Lahoz-Quilez explore les multiples dimensions du corps convoquant parfois des médiums non académiques telles la broderie ou la tannerie. Rencontre/signature avec l’artiste et conférence « Anthropologie des cheveux et des poils » par Claude Bromberger le 19 avril. C.L. La fissure des intimités jusqu’au 3 juin Musées des Tapisseries et Pavillon Vendôme, Aix-en-Provence 04 42 91 88 75 aixenprovence.fr

Nadine Lahoz-Quilez, Byrsa, 2015, cuir, mosaïque de perles de verre © Adagp, Paris 2018

Kim Tschang-Yeul À l’occasion de la parution de la première monographie de Kim Tschang-Yeul (1929-) chez Actes Sud, l’exposition propose une trentaine de toiles, deux cabinets à dessins, un documentaire et une installation présentée pour la première fois en France. Depuis les années 80 l’artiste coréen combine calligraphie et représentation d’un motif récurrent : la goutte d’eau. C.L. L’événement de la nuit jusqu’au 3 juin Chapelle du Méjan, Arles 04 90 49 56 78 lemejan.com

Kim Tschang-Yeul, Une goutte, 1995 © X DR

Soleil Chaud, Soleil Tardif / Paul Nash Aux côtés de Van Gogh et du Picasso tardif de Mougins, dans la lumière comme métaphore du rapport des artistes à la Méditerranée : Polke, Calder, Monticelli, Chirico, Adnan, Richier, Mitchell, Sun Ra. Une autre exposition présente les œuvres du méconnu, de ce côté-ci de la Manche, Paul Nash (1889-1946). C.L. Soleil Chaud, Soleil Tardif 21 avril au 28 octobre Paul Nash, éléments lumineux 21 avril au 28 octobre Fondation Vincent van Gogh, Arles 04 90 93 08 08 fondation-vangogh-arles.fr Paul Nash, Eclipse of the sunflower, 1945, huile sur toile, 71,1 x 91,4cm. British Council Collection


au programme arts visuels bouches-du-rhône var vaucluse 81

Bernard Buffet Malgré sa rupture avec l’artiste en 1958, Pierre Bergé (qui séjourna à Saint-Rémy-de-Provence) a conservé l’ensemble des œuvres offertes par son compagnon de l’époque, Bernard Buffet. Ce « trésor secret » est montré pour la première fois dans son intégralité et complété d’œuvres de collections particulières, dont l’emblématique Les poulets peint en 1948. C.L. Bernard Buffet, la collection Pierre Bergé 14 avril au 23 septembre Hôtel Estrine, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 34 72 musee-estrine.fr

Les poulets, 1948, huile sur toile, 124x124cm. Collection Pierre Bergé © cliché Dominique Cohas, ADAGP Paris, 2018

Alain Fleischer Vidéos, installations illusionnistes, images fixes ou animées, lumières, sons… toutes les œuvres d’Alain Fleischer explorent le médium photographique. L’exposition Je ne suis qu’une image peut se lire comme un manifeste, composée de pièces phares, confidentielles ou inédites qui soulignent la transdisciplinarité chère à l’artiste. M.G.-G. Je ne suis qu’une image 5 mai au 24 juin Hôtel des arts, Toulon 04 83 95 18 40 hda.var.fr Brise-glace © Alain Fleischer

Pascale Hugonet et Didier Petit À la manière des poètes, l’œil de Pascale Hugonet et Didier Petit s’abandonne dans l’azul, l’azur, la voûte céleste… Le titre de l’exposition réunit les papiers découpés de Didier Petit, mis en écho avec les lieux par un jeu de lumière ou de transparence, et le travail de Pascale Hugonet sur le signe, la trace, l’écriture spéculaire à travers une matérialité affirmée : cire, torchon, papier… M.G.-G. AZUL 13 avril au 12 mai Galerie La Porte étroite, Toulon 06 81 74 11 50 galerielaporteetroite.eu La Ronde, 2018 © Didier Petit

Fils de dupe Pour cette rentrée printanière, la proposition de Michel Barjol ne se jouera que de peinture. Fabien Boitard tord dans ses dispositifs visuels les modèles traditionnels, quand Frédéric Clavère fourbit tout un attirail pop décapant. Deux postures référencées à l’histoire de l’art mais assurément iconoclastes. C.L. jusqu’au 3 juin Galerie Martagon, Malaucène 04 90 65 14 29 galeriemartagon.com

Fabien Boitard, Vallée, 2017, 106 x 132, huile sur toile © L’artiste/Galerie Martagon


82 au programme arts visuels alpes gard hérault

Georges Autard Le bouddhisme est à l’origine des réflexions et pratiques de maints créateurs à l’instar de Georges Autard. Le Cairn propose une sélection de ses œuvres, dont certaines réalisées pour l’événement, suite aux nombreux voyages de l’artiste en Inde et au Japon. Le parcours se poursuit avec l’exposition collective Sacrées, Montagnes sacrées au musée Gassendi. C.L. Mystik Esthetik Kommando jusqu’au 24 juin Cairn centre d’art, Digne 04 92 62 11 73 cairncentredart.org Georges Autard, Mystik Esthetik Kommando, vue de l’exposition, CAIRN centre d’art, 2018 © Cyrille De Villèle

Un désir d’archéologie En écho à l’ouverture du Musée de la Romanité, le Carré d’art convie quatre artistes dont les recherches questionnent la mémoire, les archives et la « possible vérité historique » : Baris Dogrusöz, Asier Mendizabal, Thu Van Tran, Clemens Von Wedemeyer. Usant de médiums divers, ils interrogent l’esthétique des ruines, les enjeux de la représentation et de la classification, les discours colonialistes ou les conflits actuels. M.G.-G. Carré d’art, Nîmes jusqu’au 4 novembre 04 66 76 35 70 carreartmusee.com Clemens Von Wedemeyer, The Beginning. Living Figures dying, 2013 Installation vidéo HD. 18’ Vue de l’installation à KOW, Berlin, 2015. Photo Ladislav Zajac Courtesy KOW, Berlin & Galerie Jocelyn Wolff, Paris © C. von Wedemeyer

Dropping knowledge Comment les artistes s’adaptent aux nouveaux formats de l’information dans un monde connecté, aux savoirs en partage ? La curatrice Alexandra Fau ouvre des pistes de réflexions multiples en compagnie des artistes Rossella Biscotti, Antonio Contador & Carla Cruz, Natalie Czech, David Dubois, John Latham dont les œuvres ébranlent la pensée formatée. M.G.-G. Mécènes du sud, Montpellier jusqu’au 5 juillet 06 19 03 22 21 mecenesdusud.fr

Vue de l’exposition « Dropping Knowledge » avec Rossella Biscotti, Antonio Contador & Carla Cruz, Natalie Czech, David Dubois, John Latham. © Camille Sonally pour Mécènes du sud Montpellier-Sète.

Sanfourche Découvert par Jean Dubuffet qui voyait dans ses dessins un extra-art ou ultra-art, Jean-Joseph Sanfourche (1929-2010) s’est frotté à de nombreux médiums et supports : pierres, os, crânes préhistoriques, billes de bois, planches en forme de totem... et la toile qui devait être tout autant libre pour ce singulier de l’art. C.L. jusqu’au 30 septembre Musée de l’art brut, Montpellier 04 67 79 62 22 atelier-musee.com Accumulation, 2002, acrylique sur fragments ancienne tapisserie d’Aubusson, 50x50cm. Photo Bernard Dussouchard


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Images singulières

La Tempête – Acte II

Andrea & Magda - Horizons occupés © Andrea & Magda

Exposition collective La Tempête, Acte II © CRAC OCCITANIE Sète – 1er plan : Michel Blazy et Hughes Reip, Neige, 1998, dimensions variables, production CRAC Occitanie – 2nd plan : Pierre Ardouvin, La Tempête, 2011 – arrière plan à gauche : Fabrice Hyber, Homme matrice, 2014, coll privée – photo Marc Domage

Dix ans que l’association CeTàVOIR offre à la photographie un festival singulier ! Cet anniversaire est marqué par un florilège d’expositions, de résidences et de signatures (Stéphane Couturier, Andrea & Magda, Arlene Gottfried, João Pina…), un hommage à Gabriele Basilico, une section Mai 68 vu par les photographes de France-Soir et le lancement des Prix Images singulières/ETPA/ Médiapart de la photographie documentaire. M.G.-G.

L’œuvre de William Shakespeare plane sur cette exposition collective dont le parcours plonge le public dans l’imminence d’un orage annoncé, aux côtés d’une cinquantaine d’artistes contemporains, réunis par l’un d’entre eux, Hughes Reip. Nouvel accrochage, production d’œuvres spécifiques et installations d’œuvres graphiques. M.G.-G.

8 au 27 mai divers lieux, Sète 04 67 18 27 54 imagesingulieres.com

CRAC, Sète jusqu’au 21 mai 04 67 74 94 37 crac.languedocroussillon.fr

Io Burgard : La Bête dans la jungle

Lubaina Himid Gifts to Kings La Complainte du progrès Exposition collective

Expositions du 7 avril 2018 au 16 septembre 2018

Médiathèque André Malraux, Béziers → 6 mai

Musée régional d’art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée 146 avenue de la plage, Sérignan, mrac.laregion.fr

à la MAM, Béziers & au Mrac, Sérignan


84 critiques arts visuels

Carlos Kusnir rebat les cartes

Je suis au café, 1986, huile sur toile, étagère en bois, chaises, bouteille. Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris © Carlos Kusnir

Pour leur première collaboration, le Frac Paca et Triangle France exposent les pièces de Carlos Kusnir : dialogue entre œuvres phares et productions nouvelles

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’artiste argentin Carlos Kusnir a fait de Marseille son port d’attache. Discret, taiseux, l’œil bleu rieur, il est devenu l’un des « marqueurs » de la scène contemporaine et une référence pour toute une génération de jeunes artistes en France et à l’étranger. L’exposition qui lui est dédiée, ni chronologique ni historique ni rétrospective, volontairement exempte de titre, est conçue en miroir, comme une invitation à opérer des allers et retours entre les deux lieux. Une partition originale à voir et à écouter qui colle à l’esprit de l’artiste dont « chaque peinture est un instrument singulier qui pourrait faire partie d’une plus vaste orchestration ». À la question « pourquoi ? », l’artiste ne répond pas, préfère s’interroger sur le « comment ? » et laisser libre cours à la réflexion et à la perception des visiteurs… Si l’on a déjà cheminé à ses côtés lors de ses deux précédentes expositions (Frac et Red District en 2003, plateau expérimental du Frac en 2015), l’occasion nous est offerte de redécouvrir l’ampleur de son œuvre dans ce double parcours, construit comme un grand tableau au Frac, et comme une promenade à La Friche. De se frotter aux bruits, aux

silences, aux sonorités et aux ruptures qu’opère Carlos Kusnir dans ses installations picturales, voire « sculpturales ».

L’envers du décor Le plus frappant dans ce corpus où il est ardu de discerner tableaux anciens et peintures récentes, c’est la facétie, la jubilation, l’ironie, la tendresse qui les sous-tendent ; c’est la grande capacité de Carlos Kusnir à les réagencer. L’artiste joue avec les motifs, les signes urbains, la couleur et les coulures, les matériaux pauvres et les objets domestiques insignifiants (gants en caoutchouc, saut, balai, papiers peints collés) tout en inscrivant « Coiffure » et « Démocratie » en lettres monumentales, sauf que « Démocratie » est écrit en plus petit ! La relation étant « ce que nous sommes, nous humains, entre les deux »… Pas d’endroit ni d’envers dans le jeu de construction surdimensionné planté au Frac où les murs ne sont quasiment pas investis, contrairement à la Tour Panorama qu’il travestit d’entrée de jeu en obturant l’immense baie vitrée. Geste symbolique qui ne laisse aucune échappatoire : le regard s’arrête exclusivement sur

les œuvres réinterprétées par leur nouvel agencement (Les Singes, frise lithographique), sur sa dernière pièce réalisée in situ où l’on reconnait le motif récurrent de la poule (méli-mélo de lithographies épinglées sur un fil comme un « vulgaire » étendage à linge). Sur Je suis au café écrit en noir sur la toile, à la manière d’un graffiti, et ses deux chaises vieillottes à usage incongru de piédestal. La mise en scène de sa peinture participe de son geste, les focus sonores également, déclenchés aléatoirement, jamais ensemble. Comme la question de l’émancipation, « de tout ce qui tente de la définir et de la cadrer : son support, ses matériaux, ses représentations » et le vocabulaire formel sans cesse interrogé (l’occurrence de la tâche rouge). Les palissades s’adossent au mur par contamination du support, les trompe-l’œil s’invitent sur scène, inscrivant définitivement son travail dans l’histoire de la peinture. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Carlos Kusnir jusqu’au 3 juin Friche de La Belle de Mai, Tour Panorama, Marseille 04 95 04 95 95 lafriche.org Frac Paca, Marseille 04 91 91 27 55 fracpaca.org trianglefrance.org À voir également au Frac Evangelia Kranioti Marilyn de los puertos jusqu’au 29 avril Film de 30’ produit au Fresnoy, nourri de la propre expérience de l’artiste grecque : succession de portraits et d’entretiens au long cours conçue comme « un paysage sentimental ». Marc Quer Tous les jours, je me dis qu’il ne faut pas que je craque Dans les vitrines, sélection de livres, éditions et objets multiples sur la thématique « Quel Amour ! » mise en regard avec les œuvres de Marc Quer dans la collection du Frac. jusqu’au 3 juin


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Edis en ses murs de sel

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e Grenier à Sel, qui accueille traditionnellement durant le Off la programmation des Pays de la Loire (ils y seront à nouveau cet été), magnifiquement restauré dans les années 90 par Jean Michel Wilmotte, a été acquis par le Fonds de dotation Edis de Régis Roquette pour devenir un lieu d’exposition, dont la direction artistique a été confiée à Véronique Baton. Un fonds qui n’en est pas à son coup d’essai, ayant commis à Avignon deux expositions Hortus partiellement hors les murs et totalement réussies (voir jounalzibeline.fr) : commandes d’artistes, choix d’œuvres dialoguant entre elles et avec les lieux d’exposition, regard aigu sur les douleurs et les beautés du monde.

énergie fossile... Ainsi le Métronome et le Radeau de Survie, exposés mais également présentés dans leur fonctionnement et leur facture avec des vidéos et des photos, construisent un présent possible, loufoque, de ses gilets de sauvetage et machines à billets, où l’on circule loin des embouteillages et des fumées sur des rails désaffectés, sans autre énergie que le soleil et le PRISE EN CHARGE, 2010, Catastrophes domestiques Nº2 installation miniature © HeHe vent. Car ils fonctionnent ces L’inauguration le 30 mars a attiré au-delà véhicules doux ! des murs avignonnais, phénomène rare dans Plus effrayante la Prise en charge qui crache une ville souvent enclose en ses remparts en sa fumée menaçante, rappelant comment ce hiver. Ardenome, acrostiche d’ARts DEs fournisseur de courant si ordinaire nous relie NOuveaux MEdias se déploie en quatre salles, à des centrales si peu maitrisées. Car Planet une entrée et une mezzanine, idéales dans Laboratoire nous dit combien notre monde leur disposition pour accueillir des œuvres est devenu une expérience scientifique en de tailles diverses. Sombre, comme dans un marche, autodestructrice et permanente. voyage dont la lumière émane des œuvres Nuage vert retrace dans des photos et vidéos seules, la scénographie met en valeur Planet leurs performances à Helsinki ou Ivry, où ils Laboratoire, première grande exposition ont coloré de fluorescences les fumées des monographique des artistes HeHe. Entendez usines, Toy emissions lâche dans la ville une Helen Evans et Heiko Hansen, une anglaise et voiture miniature, jouet d’enfant émettant un allemand qui réinventent les liens entre art une épaisse fumée. et recherche, technologie et artisanat, approche Des dispositifs animés en évolution témoignent sensible et geste militant. en miniature, comme dans un laboratoire, de ce L’exposition, produite avec l’agence mont- que vit la planète : Champs d’ozone donne à pelliéraine Bipolar, présente une douzaine voir l’intensité de la pollution en faisant varier d’œuvres autour de deux grands thèmes : la la couleur au dessus des toits de Paris, Fleur de pollution chimique et la menace nucléaire, Lys simule les rejets dans l’atmosphère d’une précédés, comme un contrepoint utopique, des centrale nucléaire. Et un Radian Tree, véritable moyens de transport farfelus fonctionnant sans chêne vert planté mais orné de fluorescences, témoigne de l’inquiétante beauté des destructions chimiques. Dans une salle isolée, un diorama poétique sur le mode du monde à l’envers : une forêt arrosée d’une pluie qui remonte vers le ciel, jeu d’illusion à la spectaculaire perfection. Car le paradoxe de ces univers menaçants et spectraux est d’être beaux et désirables, comme un chant des sirènes trop familier. FLEUR DE LYS (en collaboration avec Jean-Marc Chomaz) 2009 Installation performance ©HeHe

Le fonds de dotation Edis, dédié aux arts des nouveaux médias, vient d’ouvrir un nouveau lieu à Avignon, dans l’ancien Grenier à Sel, avec une exposition, Planet laboratoire, qui renouvelle les relations entre arts, technologies et environnement

AGNÈS FRESCHEL

Planet Laboratoire jusqu’au 3 juin Ardenome, ancien Grenier à sel, Avignon 04 32 74 05 31 edisfondsdedotation.fr


86 critiques arts visuels

Fernand Léger et l’art populaire

T

out dans le musée national Fernand Léger est d’exception. Niché au pied du vieux village de Biot, le bâtiment lui-même est un geste architectural superbe, offrant à la vue de tous les mosaïques monumentales de l’artiste, un parc qui a l’intimité douce d’un jardin et les points de vue d’un site... Quant aux collections rassemblant plus de 300 de ses œuvres, elles sont magnifiquement exposées, mises en perspective, médiatisées, dans des parcours chronologiques qui font varier les accrochages et n’ont pas peur d’être didactiques. Et où la lumière est dispensée idéalement Musée national Fernand Léger à Biot © François Fernandez 2014 dans des espaces étonnamment libres. musée n’attire pas autant de visiteurs que les Il faut dire que ce sens de la générosité et du musées Picasso et Chagall voisins. Fernand partage est un des fondements de l’histoire de Léger resterait il méconnu ? ce musée : Fernand Léger a fait l’acquisition Ses préoccupations sont pourtant celles d’un du terrain quelques mois avant sa mort et sa précurseur. Son parcours est d’entrée singulier, veuve Nadia Léger ainsi que son collaborateur depuis ses tentatives impressionnistes – qu’il George Bauquier ont fait construire le bâtiment a pour la plupart détruites - et cubistes qui par l’architecte André Svétchine, le parc par le l’amènent à un traitement très particulier paysagiste Henri Fisch. Puis dans les années de l’objet après le traumatisme de 14-18 : 60 ils donnent l’ensemble des collections et cinétique, d’un futurisme surréaliste, comme du bâtiment à l’État. Depuis, sa surface a été affranchi de la pesanteur, mais aussi de la figure étendue, il a été orné de nouvelles mosaïques humaine. Et c’est au milieu des années 30, à monumentales, de vitraux exceptionnels, et l’approche du Front Populaire, qu’il revient bénéficie d’une programmation riche d’expo- à la figure humaine, qui est pour lui toujours sitions temporaires au premier niveau. Mais le celle du peuple, des Cyclistes, du cirque, des

Plongeurs, des Constructeurs. En exil aux États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, il y découvre une certaine liberté des corps, invente le principe de la « couleur en dehors », change sa palette, puis de retour en France il adhère au Parti Communiste et prône un art monumental dans l’espace public, et questionne la lisibilité des références et des sujets qui doivent selon lui s’inscrire dans une mémoire commune et parler de notre temps, des loisirs, du sport, du camping. C’est ce parcours singulier et généreux que l’on peut découvrir à Biot, et que le musée met également en perspective, en Visà-vis avec les œuvres de ses contemporains, dans une exposition temporaire qui regroupe un nombre impressionnant de chefs-d’œuvres (Calder, Kandinsky, Bacon, Matisse) prêtés par les plus grands musées du monde. AGNÈS FRESCHEL

Musée National Fernand Léger, Biot (06) Parcours permanent Vis-à-vis, Fernand Léger et ses ami-e-s 14 avril au 17 septembre 04 92 91 50 20 musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger

Mougins en Jean

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our la quatrième année Mougins Monumental installe dans le village une série impressionnante d’œuvres de grande taille. Lors des éditions précédentes le village qu’affectionnait Picasso, et qui reste marqué par la présence d’art et d’artistes jusque dans ses ruelles, avait été bousculé par des œuvres imposantes d’Arman, Ben, Bernard Venet, César, Jean Claude Farhi... Cette quatrième édition se © AF. centre sur une exposition monographique d’un artiste monomaniaque : Tomek Kawiak, dit Tomek. Il pratique un art qui contredit l’utopie alchimiste puisqu’il transforme le bronze, l’aluminium et même l’or en... jeans.

fantasme ; ses Jeans, plus simples, citations réalistes de nos pantalons habités révélant, par leurs formes, leurs teintes et leur degré d’usure artificielle, les personnalités des corps qui les portent ; puis des séries plus récentes, androgynes ou genrées, ornées de papillons, d’ailes ou de têtes de vis. C’est amusant, parfois anecdotique mais cela interroge avec pertinence la nature noble du matériau, la façon de figurer le tissu sculpté depuis l’antiquité, et nos obsessions contemporaines. A.F.

En toiles bleues, en pantalons. Plusieurs séries sont présentes à Mougins : ses Poches immenses garnies d’objets témoins des activités de leur propriétaire – outils, brindilles ou ville de New York surgissant comme un

Tomek, Bleu comme Jean Mougins Monumental jusqu’au 30 juin Divers lieux, Mougins 04 92 92 55 67 mougins.fr


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De Staël à la lumière du Midi

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arseille, Ménerbes, Martigues, Lagnes… entre juillet 1953 et juin 1954, Nicolas de Staël vécut en Provence où il se consacra aux paysages, à quelques natures mortes, des bouquets de fleurs et des études de nus. Où il fit l’expérience de la « couleur pure ». L’exposition conçue par Gustave de Staël et Marie du Bouchet, justement, s’attache à démontrer « comment il a regardé et capté la lumière » au gré de 71 peintures et 26 dessins représentatifs de cette période provençale. Leur parti pris étant de répondre aux fulgurances de l’artiste par « une exposition aérienne concentrée sur la palette et ses développements infimes ». Reclus dans le silence de ses ateliers parisiens pendant près de dix ans, Nicolas de Staël entame soudain une relation sensible avec la nature, peint sur le motif avant l’atelier, dialogue avec le ciel, les nuages. De cette symbiose éclate une nouvelle palette longuement mûrie, une envie d’intimité avec son sujet, « une recherche d’équilibre entre les formes même s’il laisse apparaître une dislocation ». Pourtant sa palette n’imite

dans Les Martigues ! De Staël ne reproduit pas, il laisse libre cours à ses sensations, ses émotions, il recrée l’évènement qui se passe sous ses yeux dans un trait succinct, un agencement des volumes graphiques, une matière de plus en plus affinée et des aplats de couleur minimaux qui permettent à l’air et à la rêverie de circuler. Qu’il s’agisse des natures mortes -souvent inscrites dans un ciel-, des bouquets aux couleurs presque éteintes ou des paysages peints à la truelle ou au pinceau, sa peinture est vivante, qui joue l’embrasement et la combustion dans les rouges, la froidure dans les bleus et les verts. Des œuvres qui préfigurent celles qu’il peindra l’année d’après à Antibes, son dernier port d’attache. M.G.-G. Nicolas de Staël, Marseille, 1954, huile sur toile, 80,5 x 60 cm, collection privée/ Courtesy Applicat-Prazan, Paris © Adagp, Paris, 2018 © Comité Nicolas de Staël

pas la peinture mais joue la contrariété ou l’inversion : dans Bateaux rouges, la mer est verte et le ciel mauve, rouge en mode majeur

Nicolas de Staël en Provence 27 avril au 23 septembre Hôtel de Caumont, Aix-en-Provence 04 42 20 70 01 c aumont-centredart.com

SOLEIL CHAUD, SOLEIL TARDIF LES MODERNES INDOMPTÉS

MONTICELLI — VAN GOGH — PICASSO — POLKE — DE CHIRICO RICHIER — CALDER — MITCHELL — ADNAN — SUN RA

21.04 — 28.10.2018 35ter RUE DU DOCTEUR-FANTON,13200 ARLES FONDATION-VINCENTVANGOGH-ARLES.ORG

Pablo Picasso, Paysage, Mougins, 31 mars 1972. Musée national Picasso-Paris © Succession Picasso 2018. | Sigmar Polke, Moderne Kunst, 1968. Froehlich Collection, Stuttgart © The estate of Sigmar Polke, Cologne / Adagp, Paris 2018. | Sun Ra, Sun Ra & His Intergalactic Myth Science Arkestra, The Lost Arkestra Series Vol 1 & 2, 2017 © Art Yard Ltd. DR. | Vincent van Gogh, Portrait d’un jeune paysan, Saint-Rémy-de-Provence, septembre 1889. Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporanea, Rome © Rome, National Gallery of Modern and Contemporary Art. Paul Nash, Eclipse of the Sunflower, 1945. British Council Collection. © Courtesy British Council Collection


88 critiques arts visuels

Lubaina Himid redonne des couleurs aux Noirs Le Mrac de Sérignan invite l’artiste lauréate du Prix Turner 2017 dans une exposition pleine d’histoires et de vies.

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lle l’annonce en souriant largement, mais toute son œuvre nous dit que le propos est grave : « J’ai volé Picasso, mais Picasso m’a volée lui aussi ». Lubaina Himid est devant Freedom and change (1984). Son phrasé anglais scande et entraine loin dans les méandres de ses créations. Au milieu des pièces exposées, pleines de couleurs, de formes aux contours doux, elle évoque, toujours avec humour et avec un remarquable talent de conteuse, sa détermination pour qu’enfin les Noirs soient représentés dans l’art et les médias, son intérêt profond pour l’histoire de l’esclavage, son combat féministe aussi. Ainsi un jour dans sa cuisine, Lubaina Himid s’est attaquée (au sens presque littéral) à la toile du maître : Deux femmes courant sur la plage (1922). Elles sont là, ces deux femmes, l’attitude corporelle est la même que sur la toile de Picasso, bras tendus vers le ciel et vers l’avant, charpentées. Mais pas de cheveux au vent ici. Pas de robes entrouvertes sur des seins blancs. Les deux femmes sont noires. Elles sont immenses. Leur peau est floue. La mer a disparu. Le sable ? Des imprimés de tampon pomme de terre. Le ciel ? Il est rose, les nuages blancs de beau temps ont fondu sur le tissu monochrome suspendu à une tringle. La petite toile du peintre espagnol (32 x 41 cm) persiste ici comme une image subliminale, une réminiscence que l’artiste londonienne née en Tanzanie célèbre et détourne à la fois, la magnifiant dans des dimensions qui dépassent le cadre et élargissent le champ. Les deux allégories mènent en laisse quatre chiens noirs (des loups ?). Eux sont déjà hors de la toile-plage, ils sont dans notre espace, surgis dans celui de l’exposition. Posés sur le sol, hors du lieu de l’œuvre originelle eux aussi, deux visages découpés, deux hommes blancs sur qui gicle le sable projeté par la course du tableau. Concupiscents, menaçants, et ridicules. Lubaina Himid était jeune, elle était en colère. Elle posait là les fondements

Freedom ans Change, 1984. Contreplaqué, tissu, techniques mixtes, peinture acrylique, 290 x 590 cm. Courtesy de l’artiste et de la galerie Hollybush Gardens, Londres © Andy Keate

de sa démarche artistique, pleine d’histoires entendues, recueillies, tissées avec les codes de l’art occidental, injectées de formes et matières du quotidien, imprégnées de culture africaine puisée dans une mémoire collective qu’elle réactive en invitant à un dialogue à armes égales. L’œuvre la plus récente présentée au Mrac, Le Rodeur : the exchange (2016) fait face aux deux femmes exultant de liberté (ou qui fuient, ou les deux à la fois). On est ici plutôt chez Magritte : intérieur et extérieur se brouillent, fenêtre ouverte sur la mer, cinq personnages qui semblent ne pas se voir, mur du fond bleu parsemé de très fins nuages, femme à tête d’oiseau. Rien n’est naturel, la scène est figée, et les couleurs vives, loin d’atténuer le malaise, l’entretiennent. Cinq fantômes noirs avec leur costume européens. Lubaina Himid, toujours à la recherche d’histoires dans l’Histoire, évoque le drame survenu sur le bateau d’esclaves « Le Rodeur », où tout le monde a perdu la vue durant sa traversée vers la Guadeloupe en 1819. Que s’est-il passé pendant ce terrible voyage ? Qu’en est-il resté dans les mémoires ? Que nous dit cet

épisode de notre présent ? La troublante immobilité surréelle de la scène, où rien ne survient malgré l’abondance de signes, invite à s’arrêter sur la permanence des traces et des drames, même – surtout ?- lorsqu’ils sont oubliés. Au milieu des œuvres, une vingtaine de silhouettes en contreplaqué, à taille humaine : une partie de celles créées pour Naming the Money (2004). Des figures types, celles des petits métiers représentés dans la peinture occidentale. Elle leur offre une histoire (enregistrement de voix qui en quelques mots tracent une ligne de vie, un passé, des projets) un costume (peinture acrylique, collage de matériaux divers, des journaux, du tissu, des emballages), et une couleur de peau : le noir. ANNA ZISMAN

Lubaina Hamid, Gifts to Kings jusqu’au 16 septembre Musée régional d’art contemporain, Sérignan Le musée présente dans le même temps La Complainte du progrès (exposition collective) et La Bête dans la jungle, de Io Burgard. Un article y sera consacré dans le prochain Zibeline


critiques livres

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Chut… une collection !

L

a collection MUET fut lancée (discrètement) au Frac Paca en novembre 2014 avec un premier ouvrage tiré à 500 exemplaires publié par l’École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée. Projet initié et soutenu par Frédérique Loutz et Marta Rueda consistant en un cahier de dessins d’étudiants, d’artistes enseignants et d’invités de l’année universitaire en cours qui « confiaient anonymement la définition d’un territoire de leur production de tracés ». Enfin, pas tout à fait, puisque 68 noms figurent au générique sans signer distinctement leur œuvre. En juin 2015, la collection s’est enrichie d’un deuxième volume, toujours en noir et blanc, tiré à 400 exemplaires, dans lequel une liste de 63 auteurs apparaît dans un abécédaire illustré. Le premier jeu qui consistait à chercher « qui a créé quoi ? » s’est évaporé mais laisse la part belle à une lecture désordonnée des dessins. La publication étant aléatoire, le

troisième opus a bénéficié d’un lancement public à Paréidolie en 2017 qui l’invitait au

des auteurs en tiré à part. Lequel se déploie sous la forme d’une affiche ! Du grand art, sans cesse revisité, mené par Frédérique Loutz en solo, avec la contribution de 15 artistes et de Julien Lavaine-Champagne pour l’illustration en couverture. Trois volumes inscrits dans une continuité éditoriale qui témoignent de la créativité de l’ESADMM, de la multiplicité des styles, des écritures, des parti-pris. Trois volumes comme on lance un témoin entre générations, certaines ayant déjà trouvé des galeries à leur mesure. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

salon. Là encore, MUET a créé la surprise avec un titre, Table de treize, et un lexique

Table de treize 2016/17, 25 € Éd. ESADMM, 25 € (et Muet 2013/14, 10 €, Muet 2014/15, 10 €)

Qu’est ce que le consentement ?

C

e livre est un questionnement autour de ce mot concept qui se charge de plus en plus d’une teneur politique. Le consentement est la marque de l’autonomie du sujet, il est l’« acte par lequel quelqu’un donne à une décision dont un autre a l’initiative l’adhésion personnelle nécessaire pour passer à l’action ». Mais ce concept est contradictoire, hors de propos pour l’ONU depuis 2000 dans la question de la traite des femmes par exemple, ou pour les très jeunes mineurs. Geneviève Fraisse est philosophe et généalogiste de la pensée contemporaine de l’égalité de sexes. Elle ne pouvait que se saisir pleinement de ce terme usuel et volatile. Sans trancher. Car en matière de liberté ou d’égalité de sexes - parité, prostitution, port du foulard, indifférence des sexes - nous sommes sommés de choisir ; pour ou contre, c’est l’affect qui marque l’histoire sexuelle. Or ce livre veut mettre de côté l’opinion pour penser une philosophie du consentement. Consentir est-ce vraiment être libre ? Geneviève Fraisse axe le cœur de l’ouvrage sur les questions cruciales de la prostitution, du mariage et du port du foulard islamique. Le mariage est depuis l’origine un faux consentement de la part de celle qui ne peut avoir de statut juridique que dans son rattachement

à l’homme ; le consentement est souvent silence, celui « qui ne dit mot ». Il n’y a pas de mutualité des volontés. Ce n’est pas le mariage qui crée le consentement tel que le comprend notre monde, mais le divorce !

Conjugué au statut du salariat auquel accède la femme, la prostitution est aussi à interroger. Car avant le salariat et le divorce, prostitution et mariage sont similaires, ils sont les seuls moyens d’autonomie de la femme. Toute la difficulté est de ne pas distinguer, dans une pensée moderne débarrassée de l’hétéronomie religieuse, entre bonne et mauvaise sexualité.

Il suffirait donc de faire place au contrat ? De s’assurer du consentement ? Mais la domination masculine n’est pas niée pour autant ; elle est canalisée par le contrat. Et cette légalisation de la prostitution se heurte au proxénétisme exploitant des femmes sans papiers… L’auteure ne tranche pas entre abolitionnisme et légalisation. Tout comme elle interroge le discours féministe sur la représentativité : qui peut parler au nom des femmes ? L’argument kantien de l’universalisation de la maxime (fais en sorte de faire ce que tout le monde peut faire sans contradiction) tient-il pour le port du foulard ou la prostitution ? Ce livre expose en fait une complexité, celle de l’autonomie du sujet construite depuis trois siècles et des chemins divers de son émancipation. Il nous invite décidément à penser autrement : « Il faut cesser d’enclore les femmes dans une situation de victimes. C’est une histoire non pas dépassée comme réalité, mais périmée comme instrument de libération. » RÉGIS VLACHOS

Du consentement Geneviève Fraisse Seuil 16 €


90 critiques livres

Pour graver enfin la C

L’objet est superbe quant à sa forme et sa qualité. Documenté, fascinant…et ce n’est que le tome 1 !

C

ette BD réinvente sa forme : Raphaël Meyssan a collecté des gravures et des dessins de 1870 et 1871 pour nous raconter une histoire. Celle de Lavalette, son voisin au 6 rue Lesage à Paris en 1870. Il se lance sur ses pas, le recherche, retrouve sa trace dans les meetings politiques qui agitaient la fin du second Empire dans tout Paris, et surtout le Paris populaire de Belleville. Le présent surgit parfois comme un autre personnage. On croise aussi l’histoire de Victorine, une inconnue dont le destin avec ses enfants pendant la famine de l’hiver 1870 nous prend aux tripes. Mais l’autre héroïne n’est jamais absente, cette Commune qui prend naissance et dont on suit l’inexorable gestation. Rencontre avec l’auteur.

Zibeline : Pourquoi ce livre sur la commune ? Raphaël Meyssan : La Commune est une histoire qu’on n’apprend pas à l’école ; ce n’est pas une histoire officielle, et quand on la connaît on la porte en nous, on se l’approprie, on la cultive comme un jardin secret. Pourquoi ne l’apprend-on pas à l’école d’après vous ? Et bien c’est une évidence : les Communards ont perdu et juste après il y a une République de l’ordre qui s’est mise en place. Et l’Histoire c’est l’histoire des vainqueurs, et les vainqueurs ne se sont pas trop vantés d’avoir massacré 20000 citoyens français. Mais c’est une histoire que l’on se transmet dans certaines familles. Mais du fait de cette transmission privée, ne véhicule-t-on pas des mythes ?

Si, si, plein ! C’est une histoire qui est idéalisée ! Mais j’ai évité ces mythes dans le livre, en travaillant uniquement sur des documents d’époque. C’est pour ça que je ne parle pas beaucoup de Louise Michel, la seule figure que l’on connaît de la Commune. Louise Michel est souvent présentée comme une sainte, c’est la vierge rouge. Dans le livre je m’intéresse à des anonymes, des personnages complexes dans leur faiblesse et leur courage, tous ces personnages que j’ai rencontrés dans mes recherches, dans les 15000 documents que j’ai numérisés. Tant que ça ? Mais combien de temps cela vous a pris ? Ce livre c’est six ans de travail, de recherches, dans les bibliothèques, les archives. J’ai rencontré les éditions Delcourt au bout de cinq ans et demi, jusque là c’était un projet autofinancé. Quelle a été votre plus grande découverte sur la Commune dans vos recherches ? Les guerres ! Les prétextes des gouvernants pour faire les guerres. La dépêche d’Ems* de 1870, c’est un peu l’intox des armes de destructions massives de la guerre en Irak. La paix à tout prix, la capitulation face aux Prussiens avec l’abandon de territoires et de population d’Alsace-Lorraine, l’humiliation qui sera l’étincelle de la Commune ; ça c’est un peu Munich… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS

* voir article ci-contre

Les Damnés de la Commune 01 À la recherche de Lavalette Raphaël Meyssan éditions Delcourt, 145 pages, 23,95 €


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Commune

La Commune de Paris 1871 (18 mars – 28 mai)

C

’est un des évènements les plus importants de l’histoire de France : une révolution ouvrière qui pouvait l’emporter et le plus important massacre d’un peuple par son gouvernement, débouchant sur « la république de la honte »*. Juillet 1870 : le Second Empire vacille, le peuple veut accéder à la décision politique. Alors pour détourner la contestation politique intérieure on la dirige vers un ennemi militaire extérieur, la Prusse, avec le prétexte de la succession au trône d’Espagne et la fameuse dépêche d’Ems. La France est battue, Napoléon III est fait prisonnier. Le peuple en colère envahit l’Assemblée nationale le 4 septembre et la République est proclamée. Un gouvernement dit « de la Défense nationale » se constitue, composé de républicains. On recrute près de 600 000 gardes nationaux parmi le peuple pour défendre la capitale. Mais ce gouvernement qui veut à tout prix faire la paix, est prêt à abandonner la France aux Prussiens, comme le maréchal Bazaine qui livre près de 200 000 hommes à Metz aux Prussiens sans se battre. Le peuple armé veut pourtant combattre, malgré le siège et le blocus de Paris pendant l’hiver 70-71 ; et malgré la famine. La Prusse victorieuse exige des élections parlementaires en dix jours en France

pour signer l’armistice : près de 500 monarchistes et 100 républicains sont élus. Thiers est nommé chef de l’exécutif. De fait, monarchistes et républicains ont le même objectif : traiter avec les Prussiens pour conjurer la révolte populaire. Le 26 janvier l’armistice est signé, armistice humiliant avec cinq milliards de francs de dédommagement de guerre et la perte de l’Alsace et de la Lorraine. Le 18 mars Thiers veut retirer les canons de la garde nationale sur la Butte Montmartre... C’est alors que le peuple se soulève. Le gouvernement et l’Assemblée se réfugient à Versailles, ville des rois. La Commune de Paris va très rapidement mettre en place des mesures révolutionnaires et sociales dans un contexte d’hostilité et d’attaque du gouvernement versaillais. Mais plus soucieuse de justice sociale et de démocratie directe que d’organisation militaire, elle laissera Thiers négocier encore avec les Prussiens pour constituer une armée endoctrinée. Celle-ci entrera dans Paris le 21 mai et massacrera près de 20000 Parisiens jusqu’au 28 mai, en une semaine, la Semaine sanglante. R.V.

*l’expression est de l’historien Pierre Miquel au sujet de la Troisième République


92 critiques livres

Évaporation garantie

L

ors d’une résidence à Kyoto Éric Faye a fait des recherches et des rencontres qui lui ont permis de réunir les éléments d’une fiction inspirée d’événements réels. Dans les années 70 plusieurs individus japonais avaient disparu sans jamais avoir été retrouvés. Ils avaient été enlevés par la Corée du Nord pour enseigner le japonais à de futurs agents secrets. Interdits de lien avec leur famille, ils étaient condamnés à vivre sous surveillance et finalement considérés comme morts dans leur pays même si leurs corps n’avaient jamais été retrouvés. On disait qu’ils s’étaient « évaporés ». Dans son roman, Éric Faye imagine les enlèvements de jeunes japonais et d’un américain. Celui-ci, soldat occupant la zone démilitarisée entre les deux Corées en 1966, ne trouve rien de mieux pour éviter d’être envoyé au Vietnam que de franchir cette zone pensant ainsi servir de monnaie d’échange entre russes et américains. Mauvais calcul : il restera plus de 30 ans dans les griffes de la Corée rouge. Il y épousera une « évaporée » japonaise qui avait appris le coréen avec

une autre japonaise enlevée à l’âge de 13 ans. Japonaises toutes les deux, elles ne se sont jamais avoué leur origine commune car toujours sous la surveillance de gardiennes. En

affectifs. Ce faisant il éclaire les machinations machiavéliques de la Corée du Nord pour entretenir sa population dans l’ignorance de la réalité des relations internationales et du niveau de vie de la Corée du Sud, mais aussi des pays désignés comme les ennemis majeurs que sont entre autres le Japon et les États-Unis. Parmi les trouvailles du régime nord-coréen on trouve le tournage de films de propagande destinés à donner le change aux pays occidentaux. C’est grâce à ces films qu’un observateur expérimenté découvrira des mini-indices qui le mettront sur la piste des disparus. Trente ans après leur enlèvement, certains pourront retrouver leur famille… Un roman d’espionnage bien ficelé écrit dans une langue limpide. CHRIS BOURGUE

alternant les narrateurs, Éric Faye passe d’un personnage à l’autre, montrant leurs difficultés pour l’apprentissage des usages coréens, la douleur de la séparation, l’absence de liens

Sorti au Seuil en 2016, ce titre fait partie de la sélection pour le Prix littéraire des apprentis et des lycéens de la Région PACA Éclipses japonaises Éric Faye Points, 7 €

Fragments d’humanités flottantes

S

ur la couverture, une photographie de Maria Svarbova montre trois nageuses, bonnets de bain sur la tête. Bras tendus vers l’arrière, elles s’apprêtent à plonger…. Vers leur reflet ? Vers de possibles Futurs parfaits ? Rien n’est moins sûr. Car à lire les onze nouvelles qui composent le nouveau recueil de Véronique Bizot, le doute est permis. L’écrivaine nous plonge, non sans humour noir et avec un sens aigu de l’absurde, dans l’infinie dérision de la condition humaine, dans son émouvante fragilité aussi. Drôles de fratries que celles qu’elle met en scène, où le mutisme est roi et les échecs, accidents et autres coups du sort nombreux ; drôles de couples également, qui s’enferment à deux dans des trajectoires qu’ils semblent ne pas avoir vraiment choisies ; drôles d’histoires en somme, qui laissent une impression d’étrangeté et ouvrent sur des blessures d’enfance, des espoirs déçus, des perspectives incertaines. Et que dire de ces narrateurs-trices, qui témoignent de certaines de ces « choses de la vie » ? Ils-elles semblent

tout aussi désorienté-e-s - en attente, en panne d’inspiration, comme arrêté-e-s - que

errer à l’aventure dans un univers pourtant apparemment très structuré. C’est dans ce flottement, tenu par un style très concret, volontairement à la limite du prosaïque, et souvent drôle, que réside le charme principal de ces nouvelles. Dans le mystère qu’elles débusquent sous la trame quotidienne également. Elles disent avec délicatesse et ironie la solitude, les aspirations fugaces à d’autres existences, l’humanité comme elle est, maladroite, imparfaite, criminelle parfois… et terriblement attachante. FRED ROBERT

ceux dont ils-elles relatent un pan d’existence. Personnages et narrateurs semblent

Futurs parfaits Véronique Bizot Actes Sud 17,80 €


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Méfiez-vous des femmes

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lles ont plus d’un tour dans leur sac. Même lorsqu’on essaie de les piéger. SURTOUT lorsqu’on essaie de les piéger ! Ou qu’on veut les priver de leur enfant. Lilja Sigurdardottir persiste et signe. Le premier volume de sa trilogie, Piégée*, mettait en scène Sonja, contrainte de devenir passeuse de drogue pour pouvoir continuer à voir son jeune garçon Tomas. Elle avait réussi de justesse à les extraire, elle et son fils, du piège auquel on (son ex-mari entre autres) avait tenté de la prendre… Las, leur liberté et leurs « vacances » en Floride seront de courte durée. Le deuxième volet s’ouvre sur la fin de cette parenthèse enchantée et très vite on retrouve le style nerveux, le tempo haletant de l’écrivaine islandaise. C’est reparti pour Sonja, prise dans Le filet d’un réseau de narcotrafiquants que ses talents de passeuse intéressent. C’est reparti aussi pour Agla, son amante, prise elle aussi dans la nasse des malversations et détournements qu’elle a orchestrés durant la crise. Toutes deux se débattent, se déplacent beaucoup : Londres, Luxembourg, Groenland

et même Mexique ; au rythme de l’argent à blanchir ou de la cocaïne à transporter. Bref, ça bouge. Les chapitres s’enchaînent à un rythme soutenu. Si on se perd parfois un

exalte l’intelligence et le sang-froid de ces deux femmes fortes, prêtes à en découdre même quand la situation paraît désespérée, prêtes au pire s’il le faut. « Plus puissante qu’un loup, plus cruelle qu’un tigre », ainsi se sent Sonja à la fin du roman. Jusqu’où ira-t-elle ? C’est ce qu’on saura en lisant le troisième et dernier volume de cette trilogie noire (à venir). Les grands maîtres du roman noir islandais, Indridasson en tête, nous ont depuis longtemps révélé le côté obscur de l’Islande. Lilja Sigurdardottir prend la relève avec une efficacité redoutable, un grand sens du suspense et des personnages attachants. FRED ROBERT

*Piégée vient d’être édité en Points poche et figure dans la sélection du Prix du Meilleur Polar des lecteurs de Points. peu dans les sombres histoires financières d’Agla, qu’importe. Le récit va bon train, un récit tranchant comme la violence de toute cette histoire, qu’on suit avec plaisir tant il

Le filet Lilja Sigurdardottir Métailié noir, 21 €

Les enfants terribles du XXe siècle

D

ans sa collection Galaxie dédiée aux « amateurs de littérature agitée », Le Castor Astral présente John Dos Passos (à paraître), H. G. Wells, le psychothérapeute Cyrille Cahen ou encore « l’enfant terrible de la littérature nord-américaine » Norman Mailer. Rien d’étonnant donc à découvrir un texte jusqu’ici inédit en français, Hipsters, Le Nègre blanc, publié en 1957, quelques semaines avant Sur la route de Kerouac. Son essai sur la culture alternative américaine dresse le portrait des premiers hipsters* blancs apparus dès les années 50 dans une société où la ségrégation raciale sévissait dans le Sud, mais aussi dans le Nord ! La lecture est complexe au vu des circonvolutions des « réflexions superficielles » posées sur le papier par le cofondateur du Village Voice « dans la peur de ne plus être un écrivain ». Heureusement, l’avant-propos de Bruno Blum, traducteur et spécialiste de la culture rock, l’éclaire par la contextualisation historique, politique et sociétale des « aventuriers urbains » comme

les qualifiait le romancier. Car son discours nécessite plusieurs décodages, notamment sémantiques sur les différentes utilisations des termes Noirs, Black, Negro, Nigger, Colored ;

et le mystique… Avant de refermer notre plongée au cœur d’un « ouvrage visionnaire, de nature prophétique » selon Bruno Blum, les réflexions sur le Hip de Jean Malaquais et Ned Polsky, comme le dialogue de Richard G. Stern avec Norman Mailer sont une feuille de lecture indispensable. Sans oublier les notes et références du traducteur et de l’éditeur sur une génération qui a voulu « fuir l’ennui par peur de la nausée qu’il procure et de s’extraire du piège tendu par la société totalitaire américaine ». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

*«Hipster» est un terme issu de la communauté afro-américaine ; c’est un «Negre blanc» qui a choisi de vivre libre dans son corps comme dans son esprit, et fut le précurseur des freaks, des hippies et des punks.

sur les racines de la contre-culture des années 60, l’existentialisme en France, l’inconscient et le subconscient, le dialogue entre l’athée

Hipsters, Le Nègre blanc Norman Mailer Traduit de l’américain par Bruno Blum éd. Le Castor Astral, collection Galaxie, 9,90 €.


94 critiques livres

Voyages d’exils

S

ans doute, les plus jeunes ne la connaissent que dans les papèteries spécialisées ou par le récit de leurs parents ou grands-parents, cette couleur violette de l’encre dans laquelle plongeaient les plumes Sergent-Major qui grattaient à profusion les cahiers d’écoliers… la mémoire des choses, bue comme cette encre d’enfance par le buvard de l’oubli… Ne pas se méprendre, la douceur nostalgique du titre, À l’encre violette, n’est pas un prétexte à édulcorer ou affadir quoi que ce soit. La justesse de style et de ton sait avec pertinence suggérer, être incisive, mais aussi dessine une perception particulière de l’histoire, celle du grand H, lorsqu’on la subit sans avoir de réelle prise sur elle. Le délicat roman de Mireille Barbieri, publié par les éditions Parole dans la collection main de femmes (« des livres à ne pas mettre entre les mains de tous les hommes ») retrace avec une sensible justesse deux parcours d’exil, narrés en une longue lettre, écrite sur les cahiers jaunis restés dans une mallette autrefois offerte à la mère de Jean et que

ce dernier laisse à Marthe. Par les portraits tracés, les destinées de familles italiennes, et de deux personnages centraux féminins, l’une choisissant l’exil pour les États-Unis,

amoureuses, rêves… Le récit navigue entre le présent de la narratrice et les passés qu’elle imagine, celui de la mystérieuse Desolina, ancienne propriétaire de la mallette, celui de Livia, la mère de Jean… C’est au travers de ces histoires que l’existence de Marthe voit se dessiner un sens, elle dont le « seul désir est de (s)’extraire du monde ». C’est par l’écriture qu’elle trouve une justification : « rien d’autre n’a d’importance que de chercher les mots, en trouver le juste poids pour donner vie à des êtres qui ne sont qu’ébauches. (…) C’est comme si depuis des années, j’avais engrangé des fragments de vies, des histoires à la croisée de la mienne, de mes aïeux, de toi et des tiens, et qu’enfin tout cela allait prendre corps ». Un superbe hommage aux pouvoirs de la littérature ! MARYVONNE COLOMBANI

l’autre contrainte à la fuite par la guerre… confrontation entre divers modes de vie, juxtaposition d’archaïsmes et de modernités (découverte du tramway newyorkais), histoires

À l’encre violette Mireille Barbieri éditions Parole, 13 €

La maternitude

M

arguerite veut un enfant mais elle n’a pas l’homme susceptible de le lui donner. Obsédée par ce désir, un jour, elle fait la rencontre d’une chimère à trois têtes. Celle-ci la rassure : sa solitude serait plutôt un avantage car « La plupart des malheurs dans l’existence ne sont que les fruits prévisibles de ces étreintes médiocres (…) dont les hommes et les femmes se contentent. » Afin d’être fécondée, elle lui propose de se rendre dans la Forêt Noire qui, selon elle, est un foyer de fertilité. Marguerite suit son conseil et sous le regard complice de la lune, tente des coïts avec des végétaux divers. Après de vaines expériences, une nuit au bord d’un lac, un des étranges poissons sans queue qui l’habitent se fixe entre ses cuisses et lui procure une jouissance extatique. Elle est enfin enceinte. Avec une langue à la fois poétique et réaliste, la maternité de Marguerite est racontée grâce à une suite de scènes baroques comme celle où elle offre son lait à un faon, deux agneaux, une brebis et un bélier, et aussi à des buses et des perdrix. Non dénué d’humour, ce texte est une critique de la glorification de

la maternité, de l’effacement de la femme au profit de la mère. Marguerite nourrit une obsession maternelle et elle emprisonne son enfant dans sa propre névrose. Bien que la

charmé par la sensibilité et la fantaisie qui animent l’auteure. Justine Arnal, avec une écriture maîtrisée, fait éclore à chaque page un foisonnement d’images envoûtantes. Les dessins de Lola B. Deswarte se glissent entre les pages de ce récit. Sans jamais être redondants, des taches orangées et noires traduisent les formes et les déformations des corps de cette étrange histoire. Depuis 2005, les éditions du Chemin de fer créent des livres qui allient le talent d’un artiste plasticien à celui d’un écrivain. Les auteurs sont souvent connus, voire reconnus. Mais parfois il s’agit de premiers textes avec des écritures audacieuses. C’est le cas de celui de Justine Arnal qui dévoile dans ce livre un univers littéraire original et prometteur. CAROLINE GÉRARD

chimère la mette en garde : « Ô toi la mangeuse émotionnelle qui espérait sustenter ta fille à toi seule, prends garde à toi » elle restera sourde à ses conseils. Tout au long de la lecture, on est surpris et

Les corps ravis Justine Arnal & Lola B. Deswarte Éditions du Chemin de fer 12,50 €


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96 critiques livres

Brumes des commencements

«A

voir une vie c’est avoir une histoire. Même à huit ans, Edgar le savait. Ce qu’il ignorait, c’était comment la sienne avait débuté. Le cerveau des nouveau-nés était mal dégrossi. Si on voulait savoir comment sa vie avait commencé, il fallait obtenir les informations auprès d’autres personnes. » Ainsi débute le Livre 1 qui ouvre le roman fleuve de Victor Lodato, Edgar et Lucy. En sept livres, l’auteur semble vouloir arpenter une totalité, tente de décrypter les thèmes de la vie, l’amour, la famille, la solitude, le mysticisme, la spiritualité, la mort, dans une Amérique des quartiers populaires… On retrouve Florence, la grand-mère italienne veuve, Lucy, sa belle-fille, emplie d’une colère qui la dévore, veuve depuis la mort de Frank, déclarée accidentelle, mais les non-dits qui l’entourent laissent supposer bien d’autres possibilités. Tout est enveloppé dans une brume de silences, d’allusions, de vapeurs d’alcool, de dissimulations, et le jeune Edgar, au teint trop pâle d’albinos, élevé entre ces

deux femmes, vit dans une sorte de brouillard poétique, où l’épaisseur des mots semble gommer la réalité. L’enfant, plongé dans

d’acquiescement, à croire que les arbres étaient d’accord entre eux »… « Le monde parlait à Edgar dans une langue qu’il ne comprenait pas parfaitement ». Grâce à cette distanciation du langage et de la 3ème personne, émerge tout un univers, autre et proche à la fois. Une foule hante le récit, personnages croqués en dialogues aiguisés, humains jusque dans leurs excès, leurs faiblesses, leurs travers. Edgar sera enlevé par un ravisseur dépressif. Ce n’est qu’au livre 7 qu’Edgar, ayant grandi, débarrassé des vapeurs poétiques qui filtraient le monde, s’exprimant enfin à la première personne, apporte un regard clair sur tout ce qui s’est passé. La perte de l’autre, de soi, le deuil, l’amour, sont ici traités de manière poétique et magistrale. MARYVONNE COLOMBANI

une perpétuelle introspection, aborde le monde comme les êtres par le filtre de sa sensibilité. « Le feuillage a frissonné, voluptueuse oscillation culminant en une sorte

Edgar et Lucy Victor Lodato éditions Liana Levi, 24 €

L’art de ne rien faire

S

itué à Lyon entre les attentats de novembre 2015 et les manifs contre la loi travail du printemps 2016, ce récit à la fois drôle et (im)pertinent relate les tourments et les réflexions du narrateur lors de sa recherche d’emploi et l’angoisse à l’idée d’en trouver un. Il s’agit d’une femme, ou d’un homme, car rien n’indique ni le sexe, ni l’âge, ni l’identité. Pendant ce temps, son père, celui qui « protège contre toutes sortes d’errance et qui empêche de vivre », lit Platon et 4X4 magazine ! Noémi Lefebvre fait le choix d’un personnage-narrateur non-genré, une contrainte oulipienne avec laquelle il est interdit d’utiliser la voix passive. Alors elle maintient son personnage en action, même si l’action se limite souvent à manger des bananes, fumer un peu et lire Kraus, Klemperer et aussi Kafka. En fait, ce récit pourrait se résumer en un dialogue vif entre il (elle) et son surmoi paternel. Après une période de sidération post attentats suivie de l’installation de l’état d’urgence et des militaires dans les villes, vient le temps de penser cette société où la liberté est conditionnée par le maintien martial de la

sécurité, où le travail est une mise à disposition totale de soi-même pour un employeur et une annihilation consentie de sa liberté. La lecture de Klemperer engage la narratrice à réfléchir aussi sur la langue, de son empoisonnement

politique. Ne nous méprenons pas. Poétique de l’emploi est beaucoup plus drôle qu’il n’y paraît. Ce dialogue entre le personnage et son surmoi de père est émaillé d’images aussi pittoresques que celle où le père « dans son hélicoptère, part survoler la vallée de la chimie pour vérifier que les cheminées crachent bien comme il faut leurs flammes et leurs fumées » ou quand la narratrice fait un long poème avec la Loi El Khomri en mettant en vers l’article sur « la durée du travail effectif ». Lire Poétique de l’emploi en ce printemps socialement agité est une invitation à un questionnement sur notre époque qui, quoi qu’en disent certains, a peu à voir avec Mai 68. Par une écriture vive et stimulante, Noémi Lefebvre nous guide dans un décodage subversif de l’air du temps. CAROLINE GÉRARD

par des formules toutes faites comme outils de propagande et de l’utilisation d’euphémismes afin de convertir les esprits au libéralisme et les soumettre insidieusement à un ordre

Poétique de l’emploi Noémi Lefebvre Gallimard, collection Verticales 12 €


97

Vision rapprochée

U

n grain de beauté sur la joue, la nuance d’un rouge à lèvres, le reflet de la croisée d’une fenêtre dans l’œil d’un personnage sur un tableau du Louvre : dans une suite de textes miniatures, Marcel Cohen s’attache aux Détails et rend sa force à l’insignifiant. Ici, tout est une question d’échelle, de perspective, de focale placée sur la partie d’un tout, de hors-champ ou contre-champ ouvrant sur une profondeur de champ. Qu’observe-t-on d’un seul coup d’œil, dans le port de Hambourg, avec une paire de jumelles, le 5 août 2003 ? Comment Kafka, par le truchement de l’art, console une petite fille d’avoir perdu sa poupée ? L’auteur porte un regard profondément empathique et fin sur le monde. Presque à notre insu et avec une élégance rare, le glissement de l’anecdote à la réflexion métaphysique opère. Au cours d’une interview, Robert Anthelme, rescapé des camps de concentration, remue son café sans sucre avec la petite cuillère pour ne pas donner au serveur le sentiment de l’avoir remplacée pour rien. C’est là le passage de

l’expérience absolue de la fragilité à l’attention la plus soutenue faite à l’altérité. L’artiste et professeur Jochen Gerz descelle avec ses

nazie ; le monument est invisible car la partie gravée est posée face contre sol. Pourtant, des habitants portent plainte. La polémique remonte jusqu’au Parlement. « C’est un livre pour toi ! » dit-on souvent à l’homme, supposément l’auteur, qui se demande pourquoi on se soucie tant de sa culture, lui qui n’exige rien et ne donne jamais aux autres de conseils de lecture. Ainsi, à l’instar de l’auteur, je ne vous recommanderai pas son ouvrage et me contenterai de dire que la simplicité du verbe et la justesse de cœur confinent au sublime… MARION CORDIER

Marcel Cohen a été invité à la Librairie L’odeur du temps (Marseille) le 10 mars dernier

étudiants et sans autorisation 2146 pavés sur la place du château de Sarrebruck, autrefois siège de la Gestapo, pour y graver les noms des cimetières juifs détruits en Allemagne

Détails Marcel Cohen Éditions Gallimard, 18,50 €

Le choix de Lora

U

n petit roman au format poche (sorti intialement en 2016) qui ne paie pas de mine mais qui est un grand roman. Celui d’une reconstruction. Sans fioritures, sans développements exubérants. Tout en simplicité, phrases courtes, souvent lapidaires. Lora, belle femme de 50 ans, commence sa nouvelle vie en haut d’une falaise, à la frontière entre un pays (il s’appelle l’Azirie) en guerre et celui où elle veut se réfugier (la Santarie). Partie « pour (se) sauver ». Son mari a été arrêté, son fils, clandestin, se cache. Le régime totalitaire de leur pays a fermé le théâtre où ils étaient metteur en scène et comédienne vedette. Un passeur la dépose sur l’autre rive du fleuve. Elle serre dans sa poche son « ange gardien », le colt qui lui vient de son père ; les quelques balles qui restent pourraient lui servir. Étrangère sans visa, elle doit se méfier de tout. Le récit se déroule en petits chapitres titrés, marquant chacun une étape nouvelle du parcours de Lora dans ce pays qui n’est plus du tout sûr comme on le croit de l’autre côté de la frontière. Elle trouve d’abord un boulot peu payé de serveuse dans un camion pizza,

puis s’occupe du stock d’une librairie dont le propriétaire est mort, se lie d’amitié avec une ancienne cantatrice, est protégée par son nouvel employeur qui devient son amant, mais finalement accepte de faire des ateliers

Marie Redonnet offre ici un récit dépouillé qui s’apparente à une écriture théâtrale, en ce sens qu’il y a peu de développements narratifs et que l’essentiel de l’écrit consiste dans les paroles dites par Lora. Elle se parle, elle résume les événements, commente les incidents de son aventure, analyse les réactions des gens qu’elle rencontre pour trouver sa voie. Sa reconstruction peut se lire comme le renouement réussi de l’auteure avec l’écriture qu’elle avait délaissée depuis une dizaine d’années. CHRIS BOURGUE

Ce livre fait partie de la sélection pour le Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la région PACA

théâtre pour une association qui s’occupe de réfugiés. Le refuge se trouve sur une île, elle y fait de nouvelles rencontres. Elle finira par faire le choix de rester et d’y vivre sa vie, libre.

La femme au colt 45 Marie Redonnet Le Tripode poche, 9 €


98 critiques livres

Errances manuscrites

L

e dernier roman de Jean Contrucci, Le vol du Gerfaut, ne nous entraîne pas dans l’univers des Mystères de Marseille, et on le regrette à la lecture des premières lignes. On a du mal à s’intéresser à cet écrivain sur le retour, Jean-Gabriel Lesparres, ses problèmes de cornée et d’égo, marié à une femme décorative, élément de standing incontournable dans le milieu bobo-branché-friqué qu’il hante. Le style semble être essoufflé comme le narrateur, qui, après les beaux succès littéraires de ses premières années, est « en panne ». Au fil des pages cependant, lorsque la narration prend le tour du polar, et se glisse dans les méandres d’une intrigue policière, le style alerte de Jean Contrucci reprend ses droits. Si l’incipit mime la déroute du protagoniste, incapable d’écrire « aussi bien qu’avant », le maître des mots, lui, mène l’intrigue en un rythme qui peu à peu s’accélère avec brio : concision efficace, à l’instar du maître invoqué, José Maria de Heredia, dont le poème Les conquérants (auquel le titre fait référence)

figure en fin d’ouvrage, et scénario très cinématographique qui s’emballe en une vertigineuse mise en abîme. Afin d’échapper aux sempiternelles relances de son éditeur qui

que tout semble s’être déroulé à merveille, il reçoit, parmi les manuscrits à lire en vue d’une sélection éditoriale, les épreuves de son roman, achevé, et signé d’une certaine Dominique Francœur. Jean-Gabriel Lesparres mène l’enquête, entre dans une nouvelle ère du soupçon, où il imagine une conspiration diabolique chez tous ceux qu’il croise. On est tenu en haleine par les diverses péripéties, les aveuglements successifs du personnage. Approche amère des thèmes du vieillissement, de la perte des capacités, de l’oubli, mais aussi des politiques éditoriales, qui parfois s’éloignent des exigences de la littérature au profit de mondanités superficielles. L’humour perce sous le rocambolesque, et accorde au roman la légèreté élégante de l’expérience. MARYVONNE COLOMBANI

attend le manuscrit promis, l’auteur décide de recourir à un subterfuge : prétexter le vol de l’unique exemplaire de son roman. Mais, alors

Le vol du gerfaut Jean Contrucci HC éditions, 19 €

Femme et flic

H

ugo Boris voulait écrire un roman sur la police en action, vue de l’intérieur. Y intégrer une femme comme personnage central lui donne un intérêt particulier. Et si cette femme, mère d’un très jeune enfant, est à la veille d’un avortement, l’intime se mêle au social et offre un point de vue différent sur ce métier que finalement on connaît mal. Hugo Boris, dont le frère est dans le milieu, a voulu changer le regard sur ces femmes et ces hommes de terrain qui ont tout le temps les mains dans le cambouis. Virginie, Aristide et Érik sont chargés d’une mission inhabituelle ; il s’agit d’escorter un réfugié tadjik à l’aéroport pour un retour au pays natal. Ce n’est pas une mission habituelle, mais ils se sont portés volontaires. Ils ont coutume de travailler ensemble, une liaison a même commencé entre Aristide et Virginie. Au centre de détention, une militante d’association d’aide aux réfugiés annonce à Virginie qu’on attend une décision de la Cour Européenne. L’homme a été torturé dans son pays, s’il y retourne, son compte est bon. Le message

fait désormais son chemin dans l’esprit de Virginie, et même si elle n’en est pas consciente au début elle est déstabilisée. Aussi fait-elle une chose interdite, elle ouvre le dossier du

est de plus en plus pénible. L’éventualité de laisser le prisonnier s’échapper germe peu à peu. Même Érik, le chef, le plus réglo, commence à l’envisager. Hugo Boris nous fait partager les réflexions de chacun des policiers, leurs doutes sur leur métier et leur mission. L’obligation de l’obéissance doit-elle rendre un policier aveugle et insensible ? Comment concilier un métier ardu et la vie privée ? Le beau personnage de Virginie en illustre toutes les nuances. CHRIS BOURGUE

Ce livre fait partie de la sélection pour le Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la région PACA

Tadjik et lit sa déposition, le récit de son engagement, de ses luttes dans son pays. Tous les trois maintenant savent. À partir de ce moment le huis-clos dans le véhicule

Police Hugo Boris Grasset, 17,50 €


FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur Triangle France - Friche la Belle de Mai Une exposition en deux lieux Du 10.03 au 03.06.2018

Vendredi 20 avril Nocturne au Frac entrée libre de 18h30 à 22h

Carlos Kusnir, Sans titre, 2014 - Collection Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur© Adagp Paris, 2018 - Photo : Jean-Christophe Lett

Carlos Kusnir

Une proposition conjointe du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Triangle France en partenariat avec la Friche la Belle de Mai, dans le cadre de MP2018 Quel Amour !

TRI --ANGLE FRANCE


22—27 mai 2018 frictions lit téraires à Marseille

D’après © Yohanne Lamoulère, création graphique : Atelier 25

lit térature & histoire, BD, amour, sciences, futurs, musique, jeunesse

ohlesbeauxjours.fr


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