CULTURE LOISIRS TÉLÉ ciné
29.03 > 12.04.2019
ZIBELINE
L’hebdo Cult’ 28-29
2€50
Enseignement artistique : un plan social ?
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L'Instant tunisien
au Mucem
L 18754 - 28 - F: 2,50 € - RD
sommaire 28 29
société (P.4-9) L’art au cœur de la réinsertion des jeunes avec Karwan et l’Epide Exposition Instant tunisien au Mucem
politique culturelle (P.10-14)
Éduquer à l'art : entretiens avec Emmanuel Ethis, recteur de l’académie de Nice, Pierre Caussin, directeur du Forum de Carros, et des professeurs d'enseignement artistique
événements (P16-19) Fred Blin au Daki Ling À l’abordage au Bois de l’Aune Impulsion à Aubagne ImpruDanse à Draguignan
L'art au coeur de la réinsertion des jeunes avec Karwan et l'Epide © Ludovic Tomas
CRITIQUES (P.20-30)
La Criée, le Klap, le Gymnase, le Merlan, la Gare Franche, le théâtre Joliette, le Nono, Tous en sons !, les Nouvelles Hybrides, le Bois de l’Aune, les Salins, l’Olivier, le théâtre Armand, le théâtre Durance, le théâtre Jean Vilar, Présences Féminines, l'Opéra de Toulon
au programme de la semaine Spectacle vivant (P.32-42)
Musiques (P.42-45) Arts Visuels (P.46-49)
ARTS VISUELS (P. 50)
Ardenome à Avignon
Morphed, Tero Saarinen, au festival ImpruDanse à Draguignan © Heikki Tuuli
Rue des Arts à Toulon
CINÉMA (P.51-57)
Événement : Rencontres internationales de cinéma AFLAM Films de la semaine : Seule à mon mariage ; Mon inconnue ; Oiseaux de passage ; Sergio et Sergei Critiques : Tous Courts à la Criée ; festival Nouv.o.monde à Rousset ; festival International du Film d’Aubagne
PHILOLITTÉ (P.58-61)
Livres de la semaine : Personne n’a peur des gens qui sourient ; Bacchantes ; L’homme aux bras de mer Philo Kakou Pig © Epicentre films
Feuilleton littéraire de Mathilde Ramadier, cinquième épisode
CONSEILS TÉLÉVISION (P.62-63)
edito
J’ai des reproches à vous faire
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ibeline va bien. La formule hebdomadaire, que nous parvenons à éditer presque toutes les semaines, rencontre un succès que nous n’attendions pas. Les abonnés sont contents et l’expriment, la place grandissante des sujets de politique culturelle et les feuilletons littéraires leur plaisent, les ventes en kiosques marchent bien. Zibeline va bien. Le site de presse et nos réseaux sociaux ont gagné en visibilité et en visiteurs, les reportages vidéo et audio ont une cohorte de fans qui les attendent spécifiquement. Zibeline est devenu, en 12 ans, un lieu de dialogue entre les artistes, les opérateurs culturels et leur public, leurs financeurs. Nous recevons plus de 600 mails par jour nous demandant d’annoncer des événements, ou de venir les couvrir : les classer, les ouvrir et y répondre n’est pas la plus petite partie de notre travail... Zibeline va bien. Les dossiers de presse des compagnies, des artistes et des lieux de la région reprennent nos critiques, une relation de confiance s’est instaurée entre les journalistes de Zibeline et les artistes, qui s’attendent à notre présence, à notre regard. Et les lieux culturels savent que nous sommes là pour parler de leurs projets, de leurs ambitions, de leur programmation.
Pas de la com’
Pourtant, pour la première fois, Zibeline est au bord de la cessation d’activité. Économiquement, on ne s’en sort plus. D’abord, avant tout, parce que la plupart des collectivités ont cessé d’acheter des encarts presse chez nous, à cause de stratégies globales de communication, ou simplement parce qu’ils ne sont pas contents que nous mettions en cause leur politique. Mais ils ne sont pas les seuls responsables. Les opérateurs culturels le sont aussi. Vous avez l’habitude que nous soyons là, pour annoncer vos événements et chroniquer vos créations. À tel point que vous avez cessé de prendre en compte notre réalité économique : celle-ci repose sur nos ventes, nos abonnements et la vente d’encarts publicitaires. Si vous voulez communiquer sur vos événements, il ne faut pas nous passer un coup de fil, nous envoyer un mail ou organiser des conférences de presse, il faut acheter de la publicité. La mission d’un journal est l’information, pas la communication. Celle-ci a un coût, que nous ne pouvons supporter pour vous. Or nous avons affaire, tous les jours, à des chargés de communication qui confondent communication et information. Qui veulent que l’on annonce leurs événements parce qu’ils
ZIBELINE L'HEBDO CULT' CULTURE
LOISIRS
TÉLÉ
CINÉ
Hebdomadaire paraissant le vendredi Édité à 20 000 exemplaires par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Rotimpress Imprim’vert - papier recyclé
savent que cela a un réel impact sur la fréquentation, mais n’ont « pas de budget pour des achats d’encarts ». Ni même pour des abonnements pour leur personnel. Nous connaissons les difficultés actuelles des structures culturelles : il n’est pas de lieu où elles soient aussi clairement et fréquemment évoquées que dans Zibeline. Mais nous ne pouvons plus jouer notre rôle si les opérateurs culturels décident de ne pas acheter de com « par principe » (lequel ?), ou persistent à nous renvoyer à des chargés de communication qui ne connaissent pas l’histoire qui nous lie. Et qui veulent « diversifier leurs moyens de communication », « s’orienter vers une communication numérique », connaître notre « impact exact sur leur bassin de population ». Ou établir des « partenariats de visibilité », « faire gagner des places aux lecteurs », ce qui ne nous rapporte rien et nous coûte du travail...
Pas un service public
Zibeline, s’il rend un service au public, ne vit pas de subventions. Les subventions à la presse sont concentrées à Paris et ne concernent pas la presse spécialisée. Ce que nous faisons pour les artistes, pour le public, pour les institutions, nous le produisons en inventant notre modèle économique, c’est à dire en travaillant comme des brutes et en nous payant très mal. Les marchandages pour 20 ou 30 € de chargés de com’ nous affaiblissent, et nous découragent. Nous vous demandons donc un peu d’attention, si vous voulez que Zibeline survive. • Chers artistes et opérateurs culturels qui nous remerciez si souvent d’être là, qui partagez nos articles quand ils parlent de vous, regardez un peu quel budget vous nous consacrez, et demandez-vous s’il est suffisant au regard du service rendu. • Chers lecteurs de notre site et de nos réseaux sociaux, demandez-vous avec quel argent nous finançons ce que vous lisez ou regardez, et abonnez-vous ou achetez Zibeline en kiosques. • Chers tous : nous avons lancé un financement participatif, vous êtes nombreux à le partager sur les réseaux sociaux. Vous pouvez aussi, facilement, à partir de 5 €, y contribuer. Nous avons vraiment besoin de vous, et si vous pensez que c’est réciproque, c’est maintenant qu’il faut agir. AGNÈS FRESCHEL
P.S : Il est des institutions culturelles qui jouent parfaitement le jeu. Que ceux-là, surtout, ne se sentent pas concernés par ces reproches, pas plus que nos si fidèles abonnés...
Maquette : © Alouette sans tête Photo de couverture : Manifestation de février 2018. Photo Migué Mariotti © Journal La Marseillaise
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société
Cuisine littéraire
© Ludovic Tomas
Quand arts et saveurs se mêlent à l’insertion, les jeunes se révèlent. Récit d’un projet peu banal dans les quartiers Nord de Marseille C’est une histoire de voisins qu’un pont sépare. D’un côté, l’Epide, un établissement pour l’insertion dans l’emploi. De l’autre, Karwan, structure qui développe des projets culturels territoriaux. Le premier accueille des jeunes, parfois cabossés par des parcours scolaires ou familiaux chaotiques. Le second roule sa bosse dans les arts de la rue et du cirque. Tous deux sont installés aux Aygalades, dans les quartiers Nord de Marseille, mais n’avaient a priori pas de raison de
se rencontrer. « À force de passer devant, je suis entrée », raconte Anne Guiot, directrice de Karwan. « Les choses se sont faites naturellement », confirme Catherine Caoudal, son homologue à l’Epide. Sur les 180 internes, 20 répondent à l’appel à volontariat pour participer à un projet littéro-gustatif, mené par Karelle Ménine, artiste franco-suisse pluridisciplinaire qui travaille particulièrement dans l’espace public. « Le culinaire est l’espace où l’on peut parler de soi, de ses émotions et rencontrer la littérature », estime la directrice de Karwan.
Poésie gastronomique La finalité : composer un texte poétique inspiré par la gastronomie et issu d’ateliers de dessin, d’écriture et de lecture.
« J’ai joué le rôle de l’éponge, du scribe. J’étais à leur service pour mettre en mots ce qu’ils voulaient exprimer. » L’auteure interroge leur rapport à la nourriture, à la table, à la cuisine. « Quand je leur ai demandé d’imaginer la liste de courses idéale pour remplir leur frigo, ils m’ont donné beaucoup de marques. La viande, c’est essentiellement le poulet. Et on trouve aussi beaucoup d’aliments à base de blé comme le pain, la semoule et les pâtes », relève celle qui s’avoue « bluffée et émue » par l’expérience dont elle n’imaginait pas qu’elle les mènerait « si loin en si peu de temps ». Lors d’un atelier radiophonique, Ménine demande quel plat leur évoque un souvenir d’enfance. Du couscous de la grand-mère au poulpe au vin, en passant par le madaba (recette comorienne
Le Liberté et Châteauvallon scène nationale de Toulon Provence Méditerranée présentent
© Ludovic Tomas
à base de feuilles de manioc) et même le lait d’ânesse, les anecdotes fleurissent.
Retranscrire des odeurs C’est avant tout l’échange, la découverte ou le simple fait de s’exprimer qui marquent les jeunes. « Ça a fait sortir en moi un truc que je ne savais pas. Karelle est unique. Je la remercie à l’infini », affirme Amal Soihibou, 20 ans. Dylan Jauregui, 21 ans, a trouvé « confiance » en lui. « Parler à des gens, je n’avais pas l’habitude », confie Malika Aychaoui, 19 ans. Passionné par les arts visuels et le graphisme, Naël Zeh, 22 ans, a « appris à développer d’autres sens, à retranscrire des odeurs par le dessin ». L’épisode qui fait l’unanimité est la visite des commerces d’épices à Noailles. « J’ai découvert les chips aux légumes, la vanille de Madagascar et plein d’épices », s’enthousiasme Malika Moussahaziri, 18 ans, qui voudrait travailler plus tard en restauration dans la gendarmerie. « Je suis assez fière du résultat », se félicite Mégane Duret, 23 ans. « C’est une initiative très enrichissante qui a fait tomber certaines barrières », note Madame Marzini. C’est sur un grand mur blanc de la cantine qu’est immortalisée l’aventure démarrée en février : un texte aux lettres peintes à la main levée.
Principes militaires Un détail qui donne un sens et une dimension supplémentaires. « Écrire, ça prend du temps. Et celui qui écrit écrit vraiment, comme un ouvrier de l’écriture », précise Karelle Ménine. L’œuvre a été inaugurée le 20 mars, autour de plateaux de pains perdus cuisinés par les jeunes que l’on appelle ici les volontaires. Créée en 2006 et un an plus tard à Marseille, l’Epide dépendait à l’origine de l’armée. Passée sous la tutelle du ministère du Travail, la structure a gardé quelques principes militaires comme le rassemblement devant le drapeau pour chanter La Marseillaise, tous les vendredis matin ou des règles strictes en termes de réveil, d’hygiène et de ménage. « De l’extérieur, on a l’image d’une caserne, avec une certaine discipline. Mais ce n’est pas que ça », tempère la directrice. Et Anne Guiot de commenter : « L’ordre, la rigueur, le côté militaire nous intriguaient et nous faisaient peur. Et on a trouvé l’humanité ». Toutes deux ont déjà prévu de prolonger l’histoire, à présent que les voisins ont fait connaissance. LUDOVIC TOMAS
TOULON Plage du Mourillon Du 19 novembre au 15 décembre Réservations à partir du 2 avril : theatreliberte.fr chateauvallon.com fnacspectacles.com et dans les points de vente habituels
Par téléphone : 04 94 22 02 02 04 98 00 56 76 Rejoignez-nous !
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Au cœur d’une Révolution sonore. Les choix des scénographes Géraldine Fohr et Renaud Perrin sont sobres et comme spontanés 0 © AF .com le 19/12/201 ww w.debatunisie blog le sur u « pour coller aux dopar riste Z Dessin du caricatu cuments éphémères et populaires ». Car ces archives d’une révolution n’émanent pas de professionnels : ils ont été produits dans l’urgence, dans l’instant. En l’absence d’une presse nationale muselée par le pouvoir, les vidéos viennent de téléphones portables, les caricatures et les appels au rassemblement des réseaux sociaux. Le musée national du Bardo à Tunis, où a eu lieu la première version de l’exposition, s’est appuyé sur le travail de l’association Doustourna : consciente que les documents numériques, c’està-dire les traces de cette révolution, allaient disparaître, elle s’est alliée avec
Instant tunisien, Archives de la révolution expose l’intangible, le virtuel d’un mouvement social qui a pris corps dans la rue politique. Pour garder trace, et faire histoire
les Archives, la Bibliothèque nationale, le centre de documentation et l’Institut d’histoire afin de les collecter et de les conserver. Les deux expositions, celle de Tunis puis celle de Marseille, sont la face visible de ce travail en cours : la collecte des documents, auprès des Tunisiens, de la diaspora et des télés étrangères, est toujours en cours... À Marseille le Mucem a adjoint à l’expo tunisienne des éclairages et contrepoints, en particulier deux frises chronologiques, l’une sur l’histoire de la Tunisie depuis l’Indépendance de 1956 jusqu’à la Révolution de 2011, l’autre sur les 8 années qui ont suivi la révolution, dont l’année 2015 et ses terribles attentats islamistes. Tout est en deux langues, français et anglais, pour que les touristes nombreux au Mucem puissent aussi prendre connaissance de ce moment historique.
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mpossible de ne pas penser à l’Algérie. Quand l’exposition a ouvert le 20 mars l’analogie était évidente : en parcourant cette exposition on assiste à l’éveil d’un peuple, qui n’était pas anesthésié ou endormi mais soumis par la force, la censure et l’oppression économique. L’oligarchie de Ben Ali, héritée de Bourguiba, ressemblait, en plus corrompue sans doute, à l’outrance du 5e mandat de Bouteflika. L’exposition est modeste, déployée en quelques salles en forme de couloirs, sans dispositif impressionnant : des reproductions de documents, extraits de presse, caricatures, photos, des vidéos, une boucle
Une du quotidien La Presse de Tunisie les promesses de Ben Ali en faveur du gouvernorat de Sidi Bouzid, le 24 décembre 2010 © AF
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Manifestation Rue de Rome, Tunis, 14 janvier 2011 © Archives nationales de Tunisie - Houria Abdelkafi
Entre ces salles qui ouvrent et ferment le parcours on entre dans le cœur, battant, des événements. Houria Abdelkafi, commissaire des deux expositions, a conçu de véritables temps émouvants où l’on entend les voix, où l’on voit les visages, où l’on prend la mesure de l’inventivité d’une jeunesse féconde, de l’humour grâce aux caricatures. L’immolation de Bouazizi est bien sûr évoquée, mais c’est le processus viral de propagation révolutionnaire qui est exposé : comment les professeurs et les avocats se joignent à la révolte, comment, surtout, la cyber-dissidence devient une cyber-révolution. On entend des slogans, on voit des foules, jeunes puis intergénérationnelles, mixtes dès le début, et des slogans en arabe et en français.
Contrepoint français La France, pourtant, fait peu de cas de ces quelques jours séparant l’immolation (le 17 décembre 2010) du départ de Ben Ali (le 14 janvier 2011). Pas de presse, pas de prise de position officielle soutenant le peuple... Pire : la vidéo de Michèle Alliot
Marie à l’Assemblée Nationale proposant d’aider Ben Ali à maîtriser les « mouvements sociaux » grâce au « savoir-faire de notre pays » fait froid dans le dos. L’exposition française (commissaire associée Elisabeth Cestor) rappelle l’expédition des lacrymos à la police tunisienne au cœur des événements, et ses vacances en décembre, après l’immolation, en Tunisie. Une proximité avec le régime de Ben Ali qui a entraîné sa démission, mais aussi la naissance du slogan ironique qui était sur tous les réseaux tunisiens : Merci la France ! Instant tunisien est donc à parcourir à plusieurs niveaux : pour comprendre la spécificité de la Révolution tunisienne, ce qu’elle doit au numérique et à la jeunesse, et rester attentif à sa fragilité politique actuelle ; parce que l’Algérie est entrée, enfin, dans un processus qui semble ressembler à une libération, et s’en inspire évidemment ; parce que la France, ex-colonisateur mais parangon autoproclamé de la démocratie, s’est permis, une fois encore, de se proposer comme le potentiel agent répressif du peuple.
Des lacrymos et un « savoir-faire » qui font naître une analogie évidente avec l’actualité de nos défilés revendicatifs sur la justice fiscale, le pouvoir d’achat et l’exercice de la démocratie représentative... AGNÈS FRESCHEL
Instant tunisien Archives de la révolution jusqu’au 30 septembre 2019 Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org
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société
Une soirée de soutien à l’Humanité Le 12 avril, dans les locaux de La Marseillaise, de nombreuses personnalités se mobilisent pour le quotidien national
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epuis son placement en redressement judiciaire en février faisant suite à une cessation de paiement fin janvier, l’Humanité mène une lutte supplémentaire. Celle de son indispensable survie dans un paysage médiatique asservi dont l’uniformisation accompagne le discrédit. À travers tout le pays, la mobilisation retentit et les initiatives de soutien se multiplient. À Marseille ce sera le 12 avril, soit quelques jours après le 115e anniversaire du quotidien fondé par Jean Jaurès. De nombreuses personnalités ont répondu à l’appel. Artiste et acteurs culturels, universitaires et intellectuels, représentants du mouvement social, associatif et élus, lectrices, lecteurs, citoyennes et citoyens attachés au débat d’idées ont annoncé leur participation. « L’Humanité est née de l’espoir d’un monde pacifique et solidaire et nous sommes très nombreux à ne pas vouloir que le flambeau s’éteigne », indique le texte invitant à la soirée du 12 qui aura lieu dans la salle des Rotatives de La
Marseillaise, autre quotidien, régional celui-là, qui fait entendre sa différence dans la litanie des médias dominants. Parmi les soutiens du journal, la comédienne Ariane Ascaride, le chanteur HK, l’auteure Valérie Manteau, le sociologue Paul Bouffartigue, l’artiste peintre Marie Ducaté, le psychanalyste Roland Gori, la photographe Yohanne Lamoulère, le journaliste prix Albert Londres Philippe Pujol, la metteure en scène Eva Doumbia, l’écrivain Patrick Chamoiseau… On trouve aussi des responsables de grands événements culturels comme Jan Goosens, directeur du Festival de Marseille et Marie-José Justamond, présidente des Suds à Arles. Certains, comme le fondateur des Rencontres d’Averroès Thierry Fabre ou l’avocat Dany Cohen, viendront témoigner du rôle essentiel de l’Humanité dans le combat social, politique et culturel. D’autres mettront leur talent de musicien, de chanteur, de lecteur, au service de cette noble cause. Sur scène vont se succéder le saxophoniste
Raphaël Imbert ; la chanteuse berbère Sanae ; Delacrau, le nouveau groupe de Sam Karpienia ; Tatou et Blu du Massilia Sound System, comme Maclick, joueront en version acoustique tandis que l’incontournable DJ world music Big Buddha sera aux platines. Bien sûr, l’écrit sera au centre de la soirée avec la lecture par Renaud-Marie Leblanc et Danielle Stefan de textes emblématiques qui ont marqué l’histoire du journal, mais aussi celle du XXe siècle. Chacun dans son style, l’homme de théâtre et directeur du Toursky, Richard Martin et le poète Julien Blaine donneront la touche poétique à cette grande soirée à l’image du journal qu’elle défend : populaire, exigeante et émancipatrice. LUDOVIC TOMAS
12 avril à partir de 18h30 Salle des Rotatives, La Marseillaise, Marseille
Patrick Chamoiseau à Marseille Pendant trois jours, l’écrivain et penseur de la créolisation est au centre de plusieurs événements
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atrick Chamoiseau avait dû reporter sa venue à Marseille pour cause de dengue, en novembre dernier. Rétabli, il sera présent au Mucem, au Merlan et auprès des Amis de l’Humanité. Une rencontre autour de l’histoire des migrants du quartier du Grand Saint-Barthélemy, à l’initiative d’associations de ce secteur de Marseille administré par un maire RN. La première des initiatives du programme chargé de Patrick Chamoiseau n’est pas anodine. Après le 14e arrondissement, l’intellectuel enchaîne avec la soirée de soutien au journal L’Humanité, organisée près du Vieux-Port (lire ci-dessus). Le week-end Chamoiseau se poursuit au Mucem où l’installation
Archipélique nous plonge dans ses récits et imaginaires de l’auteur de Frères migrants dont une lecture musicale est aussi au programme. Pour son émission Passerelles, Radio Grenouille propose un dialogue avec le photographe Jean-Luc de Laguarigue. Autre regard croisé, un entretien avec le philosophe Guillaume Pigeard de Gurbert, intitulé De la cale négrière à la Relation. Puis le principe d’hospitalité universelle sera débattu avec d’autres invités parmi lesquels la philosophe Fabienne Brugère et la juriste Mireille Delmas-Marty. Contes, musique et dégustation de punch sont aussi au menu. L. T.
© X-D.R
12 avril Bibliothèque du Merlan, Marseille 04 91 12 93 64 13 & 14 avril Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org
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10 politique culturelle
Éduquer à l’art
Tandis que les professeurs d’enseignement artistique s’inquiètent des effets de la réforme des lycées sur leurs effectifs, l’Éducation Artistique et Culturelle se met en place avec l’objectif d’atteindre tous les élèves et étudiants. Entretiens, contradictoires
Un recteur enthousiaste Emmanuel Ethis, recteur de l’académie de Nice, est, avec le ministre de l’Éducation Nationale et celui de la Culture, Président du Haut Conseil à L’éducation artistique et culturelle
Emmanuel Ethis © X-D.R
Zibeline : Depuis octobre 2018 la Charte pour l’Éducation Artistique est mise en place, avec 10 villes volontaires engagées dans le processus. Quel en est le principe ? Emmanuel Ethis : C’est une des propositions majeures du Président Macron et des ministres de l’Éducation et de la Culture. Une mesure centrale et enthousiasmante, une exigence politique. Le principe en est extrêmement simple : tout élève doit avoir, durant son parcours scolaire et étudiant, vécu un vrai rapport avec la Culture et les Arts.
En quoi cette exigence est-elle nouvelle ? L’éducation artistique, ce n’est pas seulement aller visiter un musée de temps en temps. Et cela ne doit pas être essentiellement destiné à ceux qui, par leur éducation familiale, ont déjà accès à l’art. Non. L’EAC est fondé sur trois piliers : il s’agit d’avoir une pratique artistique, de comprendre l’art par l’art ; d’avoir accès à la connaissance, c’est-àdire de recevoir une éducation à l’art, à son histoire, à ses courants et à ses œuvres ; et de rencontrer des artistes professionnels. En dehors de ces objectifs culturels, le processus qui est mis en place par les villes construit une nouvelle démocratie, qui permet de retrouver le sens de la discussion entre les institutions culturelles et scolaires. Mais aussi de penser un territoire, ses transports, ses rythmes, ses habitants. La Charte engage les villes dans des processus de suivi et d’évaluation. Sur le territoire régional Cannes a déjà atteint le 100% EAC et met en place une offre sur les trois points décrits pour chacun de ses élèves. Château Arnoux-Saint-Auban s’y est également engagé, ainsi que Carros. Comment se déroule cet engagement ? C’est le maire de Carros qui a postulé, décidé à orienter sa politique culturelle dans cette direction, et à faire travailler les institutions culturelles et éducatives de sa ville ensemble : il s’agit de respecter
les 10 articles. Carros est une ville intéressante pour cela, aux solides équipements culturels, avec une ville haute et une ville basse, un véritable travail sur le territoire et la population à accomplir, et un engagement pour la culture qui y a une histoire. Et cet engagement peut-il s’appuyer sur des financements supplémentaires ? Cela n’est pas la question. Les villes sont heureuses que nous les accompagnions dans ce processus de partage des outils et d’expertise. Pas de financements supplémentaires, ni de la DRAC, ni des rectorats ? Comment les établissements culturels peuvent-ils s’engager dans ce processus et rémunérer les artistes ? Ce sont les villes qui s’engagent, les collectivités peuvent apporter des financements. Le plus beau financement, c’est l’investissement que l’on fait pour notre jeunesse. Si on ne fait pas venir les enfants quelle est l’utilité d’avoir des équipements culturels ? Comment ce 100% EAC s’articule-t-il avec l’enseignement artistique scolaire ? Les enseignants des matières artistiques font évidemment partie du processus. Mais l’autonomie des établissements secondaires leur permet désormais de déployer des projets d’établissement. Ils peuvent inventer des systèmes qui correspondent à leur territoire plus ou
11 Zibeline est un magazine régional, l’éventuelle fusion des académies nous intéresse... Évidemment, l’échelle régionale est une préoccupation majeure de nos académies. Je vais vous répondre, parce qu’en fait cela a à voir avec le principe même de la mise en place de l’EAC. Les ministres de l’Éducation et de la Culture croient que l’on construit avec plus d’efficacité dans la proximité territoriale, la concertation, la discussion avec tous les acteurs d’un territoire. Donc : il n’est pas question d’une fusion des académies ni des rectorats d’Aix-Marseille et de Nice. Mais nous allons mettre en commun ce que nous avons, chacun, de meilleur, pour satisfaire l’attente régionale. Un lycéen de Toulon doit pouvoir choisir sa formation supérieure à Marseille ou à Nice. Notre objectif est de satisfaire les attentes sur l’ensemble du territoire régional. Comme pour l’EAC, l’enthousiasme est le préalable à tout cela. Il s’agit de construire une France où chacun a envie de parler à tous. À partir du pratique, du concret, du trajet pour aller à l’école, de l’horaire des musées. De construire une altérité joyeuse d’expérience. C’est parfois très simple : Jean Vilar disait que si on veut que les ouvriers viennent au théâtre après leur travail il faut changer les horaires. Sur des points comme cela, on peut tous travailler, à gauche et à droite, à retrouver le sens du commun. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
moins enclavé, à leur population plus ou moins mixte, à l’existant. Chacune des expériences des 10 villes fera l’objet d’une évaluation, qui permettra de les généraliser à tout le territoire. Les professeurs de lycée qui enseignent en spécialité ou en option Art semblent particulièrement inquiets de la Réforme des lycées. Comment sont-ils intégrés dans cette politique du 100% EAC ? Ils en font évidemment partie. Mais il ne s’agit pas de s’adresser aux seuls élèves de ces secteurs. Ceux-là sont déjà en contact avec l’art et avec des artistes. La réforme des lycées est une magnifique opportunité, une incroyable avancée. Un élève de troisième me disait il y a quelques jours que sa passion dans la vie, c’était les mangas, mais qu’il voulait devenir pilote de ligne. Aujourd’hui il n’est pas obligé de choisir entre un parcours scientifique et
artistique. C’est passionnant de voir comment déjà les élèves combinent les options, déconstruisent le vocabulaire et les filières, scientifiques, économiques, littéraires ou technologiques, qui les enfermaient dans un schéma et souvent séparaient les filles et les garçons. Former des citoyens, c’est offrir tout ensemble la littérature, les sciences et les arts, les technologies. Quant aux spécialités artistiques elles sont valorisantes et elles seront valorisées. Le contact avec les artistes dès le plus jeune âge viendra sans aucun doute grossir les rangs de ceux qui choisiront ces spécialités au lycée. Ce travail que vous avez mis en place au niveau national, allez-vous le poursuivre dans l’académie de Nice ? Il a été question d’une fusion des deux académies de la région... Ce n’était pas l’objet de l’entretien pour lequel vous m’avez sollicité...
12 politique culturelle
Les trois roues de Carros Zibeline : Pourquoi la petite ville de Carros, à quelques pas de Nice, fait-elle partie des 10 villes test du 100% EAC ? Pierre Caussin : D’abord et avant tout parce que son histoire le lui permet : les équipements culturels existent, ils sont
La Ville de Carros s’est engagée dans le processus du 100% EAC. Le directeur du Forum Jacques Prévert nous explique comment
nous en avons parlé avec le maire qui a fait la démarche auprès de notre recteur, qui préside le Haut comité national. C’est évidemment une chance pour nous. Cela permet de souligner le travail antérieur fait sur ce territoire. Cela change-t-il vos pratiques ? Oui ! Ce ne sont plus les écoles qui sollicitent au coup par coup mais les opérateurs culturels qui font une offre dans laquelle leurs parcours d’éducation vont s’inscrire. Cela entraîne des changements très concrets. Les trois équipements, c’est-à-dire la médiathèque André Verdet, le Forum et le CIAC (Centre International d’Art Contemporain, ndlr) travaillent désormais dans la complémentarité, en particulier au niveau des horaires et des jours d’ouverture : nous nous relayons pour établir une permanence pendant les vacances, et sur le temps scolaire nous essayons de bâtir ensemble des parcours cohérents, progressifs, qui concernent les élèves de tous les âges, en accord bien sûr avec les enseignants. Que vous apporte le cadre national ? Résidence Cie Be - Caroline Duval Service Petite Enfance et Maison de retraite © Forum Jacques Prévert Une évaluation et un cadre. Les nombreux pour une ville de 12 000 habi- trois piliers -voir des œuvres, pratiquer tants. La politique culturelle est depuis un art, acquérir des connaissances- que longtemps un axe fort des municipalités nous mettions en place empiriquement, successives. À Carros il y a 39 nationa- entrent aujourd’hui dans un projet de terlités, un quartier classé en Politique de ritoire, plus lisible pour tout le monde : la ville, et le travail d’ouverture vers le les opérateurs culturels, les établissepublic est essentiel. De fait, le 100% est ments d’enseignement, les responsables acquis sur le territoire, et la proposition politiques, les parents, les enfants... et est variée, tant au niveau du livre jeu- la presse ! Nous avons un comité de pinesse que des arts plastiques et du spec- lotage, on s’y confronte, on échange nos tacle vivant. C’est pourquoi, lorsque nous idées et nos diagnostics... avons pris connaissance du dispositif, Avez-vous pour cela des financements
supplémentaires ? Dans le principe non. Mais de fait l’attention des collectivités se porte davantage vers nous... Cela se traduit comment pour vous ? Le Forum Jacques Prévert a obtenu des augmentations. La Ville a maintenu son financement de 500 000 euros, important d’autant qu’il s’augmente de mises à dispositions, et la Région est passée de 80 000 à 100 000 euros, le Département de 10 000 à 30 000, l’État de 10 000 à 15 000, puis sans doute 25 000 en 2019. Il est rare en ce moment que les financements culturels augmentent, et évident que notre implication dans l’EAC n’y est pas étranger. Ces augmentations depuis votre arrivée en 2017, 55 000 euros si je compte bien, sont-elles suffisantes pour mener à bien tous les projets supplémentaires ? Non, cela coûte beaucoup plus cher... mais c’est une question de priorité. Je préfère accueillir un spectacle de moins dans la saison et mener ces ateliers avec les moyens artistiques et humains nécessaires. J’ai un peu réduit le budget de diffusion pour aller vers ces projets-là. Tout en continuant à aider les artistes du 06 à diffuser ailleurs. Quels sont aujourd’hui les éléments de votre programmation qui entrent dans le cadre de l’EAC ? Toute notre programmation de fait ! Nous accueillons sans cesse des élèves qui rencontrent les artistes, et participent. Le 22 mars on a accueilli Ces filles-là, une équipe féminine qui a proposé un spectacle féministe sur l’adolescence, et a fait participer 8 jeunes filles de Carros mêlées aux 12 de la troupe... Nous avons beaucoup de projets participatifs de ce type-là. Et puis bien sûr les propositions plus spécifiques. C’est-à-dire ? Notre saison commence en septembre
13 par un festival jeune public, festival de création qui mêle ateliers, spectacles, contes, concerts. À la rentrée. Et puis toute l’année il y a les Kids conférences, où Xavier Marchand accueille des personnalités très diverses, la clown Catherine Germain, le chef étoilé Emmanuel Perrodin... Ils doivent répondre aux questions des enfants, et seulement à eux ! Il y a également la Kids compagnie pour les 8-12 ans, et la troupe d’ado de Lucile Jourdan qui travaille sur la désobéissance pendant deux ans, de l’écriture à la scène. Leur projet fera partie de la saison prochaine, au même titre qu’un spectacle professionnel. Julie Villeneuve aussi travaille avec le CFA de Carros et une classe d’un lycée général de Nice, pour mettre en mots puis en scène un spectacle intitulé Liberté, égalité, et moi dans tout ça. Bien entendu, les artistes en résidence de création s’impliquent également dans l’EAC. Tout cela relève du même projet de partage de l’art, et d’ancrage de l’art dans la réalité du territoire. Une esthétique du réel ? Aussi, sans doute... ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Residence Cie F - Arthur Perole - ecole Primaire © Forum Jacques Prévert
Le point de vue des profs À la veille de la mise en place de la réforme des lycées, les professeurs d’enseignement artistique des lycées sont désespérés. Enquête auprès d’enseignants que l’on n’écoute pas
U
n « véritable plan social ». Les enseignants sont unanimes et formels : la mise en place du nouveau système de Spécialités et d’Options artistiques au lycée va entraîner une très nette baisse des effectifs dans les classes, et des suppressions de poste. En cause, une méconnaissance des réalités territoriales et un déni de la concurrence de l’enseignement privé. L’accusation est nette : il s’agit de supprimer des postes d’enseignants par mesure d’économie, au niveau national, et cela au moment où les académies de Nice, d’Aix-Marseille et de Montpellier font face à un afflux
démographique sans précédent. Dans l’Académie d’Aix-Marseille, par exemple, ce sont 2517 élèves supplémentaires qui vont affluer. Et ce durant plusieurs années. Pour y faire face, le rectorat a créé... 39 postes. Soit un poste de professeur pour 65 élèves, alors que la moyenne nationale est d’un enseignant pour 11 élèves dans le secondaire. Pour faire face à cet afflux d’élèves, il faudrait créer dans l’Académie 240 postes par an, et 3 établissements... Les rectorats déclarent pourtant qu’ils savent « anticiper et gérer les cohortes ». Comment font-ils ? « C’est simple : ils suppriment les options !
14 politique culturelle Des heures d’enseignement pour les élèves ! Nous sommes la variable d’ajustement. On renvoie les profs d’art qui ont passé des certifications en collège, où ils ont besoin de troupes, et on met des bâtons dans les roues aux élèves qui voudraient suivre des enseignements artistiques au Lycée. Options ou spécialités. »
Une autre, qui enseigne en Spécialité Théâtre, souligne que les ouvertures de section existent dans ce domaine, mais que ses élèves sont eux aussi indignés de devoir abandonner des matières qu’ils ne considèrent pas comme des spécialités, mais un socle commun. « Le travail que fournissent nos élèves en Théâtre, leur implication en cours, en ateliers, dans les sorties culturelles, est réelle, et ancrée. Ils ont de bonnes notes au Bac, ces spécialités permettent de repêcher un nombre impressionnant de décrocheurs,
les cours d’enseignement en lycée avec passion, pour y acquérir le savoir historique et esthétique dont ils ont besoin. « Nous enseignons pour la plupart en collège, et souvent les élèves que nous avons en option en lycée nous suivent, parce qu’ils aiment cela. Mais aussi parce que ça leur rapporte des points au Bac ! Sans cette carotte-là, quel enfant de 15 Fausse démocratisation ans viendra suivre un enseignement le Les professeurs d’enseignements arvendredi soir de 16 à 18h dans un autre établissement que le sien ? » tistiques ne décolèrent pas. « On nous culpabilise, on nous dit qu’on ne s’adresse En Cinéma et en Danse, le même constat : qu’à ceux qui ont déjà une « Nos élèves, souvent, culture et une pratique cumulaient une option artistiques. On nous reet une spécialité Art. proche même de ne pas Avec la mutualisation chercher à construire de ces options dans des AVANT notation en contrôle continu qui exclut les un enseignement artisétablissements difféLes lycéens pouvaient recevoir en Seconde candidats libres. tique pour tous. Mais rents, faire des emplois générale et technologique un Enseignement L’enseignement de Spécialité se développe évidemment qu’on aidu temps cohérents va d’exploration (Création et activités et s’ouvre à tous les lycéens des voies merait intéresser daêtre un casse-tête... et artistiques, Création et culture design, générales et technologiques, qui devront vantage de lycéens ! Que ils ne pourront plus Arts du cirque) et pouvaient poursuivre, ou choisir 3 spécialités en classe de Première, commencer, une Option facultative ou et en abandonner une en Terminale. tous viennent à nos atecumuler. Faire de la une Spécialité en Arts du cirque, Arts liers de pratique dispendanse, du cirque ou LE CHOIX plastiques, Cinéma et Audiovisuel, sés par des professiondu cinéma sans faire La crainte des professeurs est que ces Danse, Histoire des arts, Musique et nels ! Que tous viennent de théâtre, ou de l’hisspécialités soient dévalorisantes pour les Théâtre. à nos sorties culturelles ! toire des arts, c’est lycéens. Qui préfèrera choisir une spécialité Les épreuves de Spécialité avaient un Mais, sérieusement, est-ce dommage... » Art en concurrence avec un bloc Histoire Géo fort coefficient au Bac L (coefficient 6) et Sciences politiques, un autre Littérature, qu’on reproche aux enDe façon générale, et pouvaient se cumuler avec une option Sciences Humaines et Philosophie et les enseignants reseignants des sciences artistique, de coefficient 2 (points au-dessus Langue, Littérature et Culture étrangère ? grettent que, « une de l’ingénieur de ne pas de la moyenne) voire avec deux options Quel professeur peut conseiller à ses élèves s’adresser à tous ? » fois de plus », on n’ait (coefficient 1 pour la deuxième). artistes d’abandonner la philosophie, la Ces enseignants dévoués pas pris la peine de les Tous les élèves de Bac général ou littérature ou l’histoire ? technologique pouvaient recevoir sont intarissables sur leur consulter. Que le prinQuant aux élèves qui se destinent à des l’enseignement optionnel et passer l’épreuve expérience : en option arts cipe général ne tienne carrières scientifiques, une fois qu’ils facultative, les Spécialités étant réservées plastiques, une nous rapas compte des flucauront choisi seulement deux blocs parmi aux élèves de L. conte qu’elle a 35 élèves tuations des adolesMathématiques, Sciences de l’ingénieur, sur les 3 niveaux. Durant cents, de leur paresse Physique, Sciences Numériques ou SVT, L’AN PROCHAIN ses 3 heures d’enseigneparfois, et de leurs La Réforme Blanquer modifie très lesquels conserveront en terminale leur nettement les Options facultatives : spécialité Art au détriment d’une d’entre peurs de se fermer ment hebdomadaire elle désormais une seule est possible, avec un elles ? occupe trois salles, nades portes en faisant ce A.F. coefficient 1, et sans épreuve au Bac. Une vigue entre théorie et praqu’ils aiment. Et surtout des exigences de tique, « exploration » en seconde et préparation certains parents qui au Bac. L’an prochain son option, mal- de leur faire découvrir, souvent, le plaisir les poussent vers ce qu’ils considèrent gré son succès, est supprimée. Regrou- d’acquérir des connaissances. Mais ils comme des voies d’excellence, quitte à pée avec celle d’un autre établissement, ont besoin de faire de la Philo, de l’His- les inscrire dans le privé. toire, de la Littérature, de s’ouvrir à des « Quand nos enseignements auront été déjà plein. « Comment conseiller à mes élèves de se- Cultures étrangères. Comment faire du mis à bas, ils feront une énième réforme, conde de choisir la spécialité Arts Plas- Théâtre sans cela ? » toujours sans nous consulter. Aucune tiques l’an prochain ? Ils ont 15 ans, comprofession n’est ainsi dépossédée de sa ment leur dire de ne plus faire d’Histoire ou Pas de cumul des arts ! propre expertise sur son savoir-faire. Et de Littérature, d’abandonner une langue ? Les enseignants de Musique sont encore ce sont les élèves qui en pâtissent, bien Comment leur dire qu’ils devront courir plus catastrophés : les jeunes qui pra- avant nous. » AGNÈS FRESCHEL d’un établissement à l’autre ? Seuls les tiquent un instrument en Conservatoire élèves qui pourront être accompagnés ou en École de musique avaient la pospar leurs parents entre deux cours ont sibilité de passer l’option en candidats N.B. Les enseignants, soumis à des réellement le choix. Alors qu’on ne me libres. Certains jeunes musiciens très restrictions de leur liberté d’expression, ont pour certains préféré garder l’anonymat. parle pas de démocratisation... » bien formés techniquement suivaient Nous l’avons respecté pour tous.
M
La réforme
D
R
A vril 2 019 M ucem C réolité
Persona—Œuvres d’artistes roumains
Les archipels de Patrick Chamoiseau
Du 5 avril au 23 juin 2019 Exposition Portes ouvertes le jeudi 4 avril, de 16h à 21h
Samedi 13 et dimanche 14 avril 2019, forum et auditorium Rencontres, lectures et spectacles
La Fête des plantes
Jean Dubuffet, un barbare en Europe
Samedi 20 et dimanche 21 avril 2019 Marché, conférence, ateliers, agoras-cafés
Du 24 avril au 2 septembre 2019 Portes ouvertes le mercredi 24 avril 2019 de 16h à 21h Exposition
D ubuffet P lantes C hamoiseau A rt Brut R oumanie Mécènes fondateurs
Design graphique : Spassky Fischer
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16 événements
Sorcière clownesque au Daki Ling
F
© Fanchon Bilbille
red Blin, c’est un tiers des Chiche Capon, ce trio de clowns parisiens qui triomphe depuis les années 2000. C’est délesté de ses deux comparses qu’il revient cette fois sous les voûtes de la salle marseillaise du Daki Ling, pour nous y présenter son solo créé en 2015. A-t-on toujours raison ? Which witch are you ? promet des illusions, du quick change, du dressage d’animaux morts ou drogués, quelques massues plus ou moins bien rattrapées, des ballerines velues en paillette qui s’essaient à la corde à sauter… Sous le regard extérieur avisé du magicien Raymond Raymondson (dont certains ont pu apercevoir les tours de close-up durant la Soirée magique accueillie au Mucem en janvier dernier), ce « clown des temps modernes » prévoit surtout de nous parler de la nature humaine,
Refaire le monde
Histoire d'une Mouette © R. Dupré & C. Voronkoff
B
onheur des vacances de Pâques, dernière halte avant celles de l’été, surtout lorsqu’elles sont accompagnées de programmations qui savent avec gourmandise aborder le monde. La nouvelle édition de À l’abordage pour grandes et petites personnes (Minimoys et Borrowers compris) déclinera ses récits au Bois de l’Aune, en poésie, fantaisie, et humanisme. Avec des spectacles, bien sûr, souvent tirés d’histoires composées par de grands écrivains : ainsi l’on retrouvera le texte
de Luis Sepùlveda, Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, par la conteuse Charlotte Tessier (Cie La Bouillonnante), dans lequel une mouette mazoutée et mourante confie son œuf au chat Zorbas et lui arrache la promesse de l’élever. Comment les chats du port réussiront à faire grandir la jeune Afortunada et lui enseigneront l’emploi de ses ailes ? Une histoire profonde et bouleversante où la solidarité n’est pas un simple mot ; le chorégraphe Christian Ubl et ses danseurs s’emparent quant à eux des contes de fées, adaptent Hansel et Gretel (H&G), et nous racontent ces nourritures qui nous emprisonnent et nous font réfléchir sur ce que nous mangeons (et ce qui nous « mange »). Le spectacle de clown ne pouvait pas manquer à l’appel : Monsieur Mouche (pas forcément l’acolyte du capitaine Crochet) fait plein de choses, de la musique, des chansons, des bêtises, traduit ses émotions par des grimaces inénarrables, accumule les maladresses. Par l’entremise de son interprète, Thomas Garcia (Cie Gorgomar), il construit un univers burlesque non dénué de logique, où le sérieux, s’il affleure parfois, s’excuse d’exister en une volte drolatique. Le Chœur Sésame met pour sa part en musique un conte écrit et narré par Denise Balcerzak et chanté par Saïda Bouachraoui : Ismaïn et le génie de la source. Ismaïn est désigné par sa tribu pour apporter l’eau, denrée la plus rare et la plus essentielle en plein désert. Il rencontrera auprès de la source un personnage
revendiquant des blagues sous forme clownesque « pour fêter le droit à l’échec ». Accueilli en résidence au Daki Ling, le spectacle a été programmé l’an dernier dans le cadre de la 13e édition du festival Tendance Clown (dont l’édition 2019 se déroulera du 10 au 26 mai), exclusivement pour les détenus des Baumettes, inaugurant des actions artistiques menées en partenariat avec le centre pénitentiaire. JULIE BORDENAVE
A-t-on toujours raison ? Which witch are you ? 5 & 6 avril Daki Ling, Marseille 04 91 33 45 14 dakiling.com
H&G © Vincent Martin Photomavi.com
énigmatique qui l’accompagnera tout au long de sa vie, en ces temps où les hommes pouvaient encore discuter avec les génies… Autour des spectacles (à partir de 6 ou 7 ans) se greffent divers ateliers : un atelier « idiophonique » autour de Monsieur Mouche : les enfants y découvriront une foule d’instruments (idiophone, xylophones, maracas, guimbardes, castagnettes…), et apprendront à détourner certains objets du quotidien pour faire de la musique… joyeuse cacophonie en perspective et peut-être quelques éléments harmonieux ! Puis des ateliers d’écriture (+ de 8 ans), à la bibliothèque des Deux Ormes et à la Méjanes, s’inspireront de H&G et de Monsieur Mouche, au choix. Un Médiabus à l’abordage fera halte sur le parvis du théâtre avec une foule de livres proposés par les bibliothécaires, des jeux (en famille ou/et avec des amis), des ateliers de pliage, tandis que la librairie Oh ! Les Papilles présentera ses sélections de littérature jeunesse les soirs de représentation. Multiplication exponentielle des bonheurs ! MARYVONNE COLOMBANI
À l’abordage pour grandes et petites personnes 9 au 13 avril Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr
18 événements
Draguignan danse au printemps !
D
epuis trois ans, Théâtres en Dracénie met la danse imprudente à l’honneur durant son Festival L’ImpruDanse conçu comme un temps suspendu dans sa saison. Une parenthèse particulière qui fédère autour des artistes invités non seulement son public, mais également des amoureux de la danse, d’autres compagnies et des professionnels. Car le festival est plus qu’une succession de spectacles proposés dans un temps court (9 représentations du 2 au 6 avril), c’est aussi une exposition photographique à la chapelle de l’Observance (Collection Noureev), des stages de danse avec Arthur Perole (artiste associé au théâtre pour trois ans) et Marion Cariau, la projection du film Pina de Wim Wenders et des rencontres-débats avec les chorégraphes à l’issue des spectacles. Ce printemps, la rénovation du Théâtre de l’Esplanade étant terminée, le festival se déploie exclusivement sur trois
lieux : la chapelle de l’Observance, le Pôle culturel Chabran (parvis et auditorium selon la nature des propositions), et la grande scène du théâtre qui accueillera les chorégraphes Tero Saarinen et Ambra Senatore. Pour ses premiers pas en pays dracénois, le chorégraphe finlandais reprendra une création de 2014 exclusivement masculine, Morphed, dont la clef de voûte est un trio de compositions d’Esa-Pekka Salonen : « La musique a une force cinétique particulière, écrit Tero Saarinen, j’étais fasciné par la façon dont chaque morceau parvient à passer de l’agressivité brute à la douceur ». La chorégraphe italienne, directrice du CCN de Nantes, présentera Scena Madre*, une danse construite à l’origine sur la transformation en danse d’actions du quotidien dans des situations théâtrales. La pièce, influencée par le cinéma et marquée par l’empreinte de Pina Bausch, a des allures de collage
Morphed © Heikki Tuuli
Du hip hop en phase Le hip hop pour rassembler, fédérer et faciliter le mieux vivre ensemble, telle est la volonté de Miguel Nosibor, initiateur du rendez-vous Impulsion à Aubagne Agua, Chey Jurado © Antonio Ovejero
C
’est une semaine dédiée aux rencontres et croisements provoqués par les « valeurs de paix, d’amour, d’unité, de respect et de dépassement de soi » que véhicule le travail de transmission et de création que Miguel Nosibor effectue à l’année sur le territoire aubagnais, depuis 20 ans, avec sa compagnie En Phase. Danse et culture hip hop seront donc au cœur de la programmation, qui commence (13 avril au Comoedia) avec le gros temps fort Scène création, à
la fois moment de découverte du travail effectué lors des ateliers du Labo animés par M. Nosibor et le groupe des Mom’s mené par Fabienne Nosibor avec des danseurs de niveau avancé (trois créations seront à découvrir), et la mise en lumière de la création locale et internationale : le danseur marseillais Richard Pop présente Mécanique des corps, solo poppin’-robotique qui creuse la thématique de la rivalité corps/esprit ; l’œuvre de Vaslav Nijinski, Le Faune, se verra
revisitée par Jean-Philippe Bayle et M. Nosibor, entre classique et hip hop ; enfin, le danseur espagnol Chey Jurado plongera les spectateurs dans une Agua limpide, solo où tous les états de l’élément aquatique se déclinent entre popping et locking. Le lendemain il animera une masterclass destinée aux danseurs ados et adultes confirmés. Outre les spectacles, stages et ateliers, Impulsion invite des artistes locaux à exposer leurs graffs : les œuvres de DASHone
À VOIR E N FA M I L L E
DANSE dadaïste, de story-board, d’un tableau vivant où la danse et la parole convergent avec espièglerie. En écho à l’international, la présence nationale et régionale est forte, riche en formes, en mouvements et en écritures. De Romain Bertet (Cie L’œil ivre) qui interroge le rapport du corps aux sons, du geste à la parole, du bruit à la musique dans Écouter voir, à une jeune contorsionniste qui, sous une yourte, dévoile sa singularité dans Tania’s Paradise de Gilles Cailleau (Cie Attention fragile). De la tribu de Bruno Pradet (Cie Vilcanota) lâchée dans l’univers kaléidoscopique d’un dancefloor au rythme d’une musique électro, au duo père-fils ciselé dans l’espace par Sylvain Bouillet (Cie Naïf Production) pour faire naître Des gestes blancs tout en douceur. Ou encore le tandem Claire Laureau et Nicolas Chaigneau (Cie PJPP) qui rejoue d’une manière aussi délectable que farfelue l’histoire de la rencontre entre Henri de Navarre et Marguerite de Valois en mêlant danse et théâtre dans Les déclinaisons de la Navarre.
BELLADONNA
Création 2019
N a t h a l i e P e r n e t t e / C ie P e r n e t t e
M.G.-G.
et Tony Tichene seront présentées toute la semaine à la médiathèque Marcel-Pagnol. Lors de la soirée de vernissage (17 avril), Prof Texto, rappeur aubagnais, présentera son nouvel album, Positif, accompagné d’amis musiciens, avant que les participants de l’atelier slam ne prennent d’assaut la scène. Croisant pour l’occasion le Festival International du Film d’Aubagne, la Cie En Phase propose la projection du documentaire de Diane Fardoun, L’appel à la danse, qui parcourt les routes du Sénégal pour donner la parole à des danseurs, et des danses, de tous horizons (16 avril au cinéma le Pagnol). Pas de hip hop sans battle : c’est sous forme d’une « French Cup » que le battle Urban Dance revient cette année, en mettant à l’honneur les kids (19 avril, Espace des libertés, co-organisée avec l’association Original Rockers). Un grand final festif aura lieu en extérieur, sur l’esplanade De Gaule, ouvert à tous : création originale de Miguel Nosibor, première restitution du projet « Tous en Bal » initié grâce au fonds de dotation Chœur à l’ouvrage, Le Grand Bal hip hop rassemblera les danseurs professionnels de la Cie En Phase et de jeunes danseurs amateurs ! DO.M.
Impulsion 13 au 20 avril Divers lieux, Aubagne compagnieenphase.com
© Michel Petit
L’ImpruDanse 2 au 6 avril Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com
M E R . 0 3 AV R I L > 20H30
± 1h ≥ 8 ans
Femme ou sorcière, plante magnifique, remède ou poison… Belladonna, avec son trio de danseuses sur le plateau, s’empare de ce portrait étrange et fascinant de la figure de la femme, fatale ou maléfique. Mêlant danse, musique, vidéo et magie dans un sabbat hypnotique pour petits et grands, Nathalie Pernette poursuit son exploration de l’insaisissable pour notre plus grand plaisir.
Tar ifs : 15 / 10 / 5 / 3 € Avec la Carte Famille : c’est 5 € pour tout le monde !
infos & réservations > avenue Raimu, Marseille 14e > 0 4 9 1 1 1 1 9 2 0 / w w w. m e r l a n . o r g
20 critiques spectacles
État de grâce
L
a dernière création d’Emio Greco et Peter C. Scholten est un diptyque. Le premier volet, Apparition, avait mis en scène les enfants chantants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, sur des arrangements du compositeur Franck Krawczyk à partir des Kindertotenlieder de Mahler. Le monde de l’enfance et de ses terreurs en était le sujet. Le deuxième volet, Disparition, a été créé au Luxembourg le 15 février. Treize danseurs impressionnants sont en scène avec énergie, fluidité, et le plaisir évident de danser sur les rythmes différents de la chorégraphie qui leur permettent de déployer tout leur talent et leur sensibilité. Le public qui leur a fait un triomphe ne s’y est pas trompé. Tout commence dans le noir avec deux faisceaux de lumière qui tombent des cintres sur deux danseurs. Au-dessus, un fin rectangle de néon blanc qui changera par la suite
© Alwin Poiana
en bleu, puis rouge, et qui peut disparaître complètement ou descendre très bas jusqu’à former une sorte d’enclos dans lequel les danseurs se jetteront. Au fond, juste un moment, des silhouettes sombres se dessinent dans un ciel d’apocalypse. Les autres danseurs surgissent ;
s’ensuivent des déplacements ondulatoires de tout le torse et des traversées du plateau à grandes enjambées. Les costumes -pratiquement invisibles– de Clifford Portier ne laissent rien ignorer de l’anatomie parfaite de ces corps faits pour le dialogue et l’harmonie, même
Hori(z)on pas si lointain La chorégraphe Malika Djardi crée un univers poétique qui n’épargne ni la brutalité ni le grotesque de nos sociétés
C
omme un film à sketches ou un album concept selon que l’on est plus sensible à la dimension cinématographique ou musicale, Horion déroule sept petites pièces, rythmées, souvent drôles, parfois obscures, aux références marquées. Malika Djardi, la chorégraphe, et Nestor Garcia Diaz composent un duo de danseurs paraissant traverser les époques sans être capables de dépasser leurs questionnements. À l’ouverture, dans le noir du plateau, d’inquiétants bruits retentissent, laissant deviner des coups de pioche, des grognements réprobateurs.
© Loïc Benoît
Homme et femme primitifs quand ils apparaissent tels Eve et Adam, une feuille brodée sur leur combinaison transparente, mimant des scènes de chasse et de pêche, ils mutent après s’être entretués en mystérieux musiciens futuristes, jouant des percussions à même le sol, en tapant avec leurs membres sur des touches électroniques. Souvent leurs corps se font instruments. Ou aussi personnages angoissants avec des gants aux pointes métalliques rappelant un célèbre film d’épouvante. Les actes, ou plutôt les morceaux dansés qui s’enchaînent, sont marqués par une lumière, une musique (composé par Thomas Turine), des accessoires, une couleur chorégraphique, à chaque fois différents. Dans les gestes et les déplacements, on perçoit une esthétique tantôt japonaise (Horion est aussi le nom d’un héros de manga) tantôt
21
Ce que peut le Théâtre s’ils porteront une tunique verte ou blanche durant une partie du spectacle. Quant à la bande-son, elle offre un montage de musiques de Bowie, Björk, mêlées de sons électroacoustiques désagréables ponctués du cri des danseurs qui relance le mouvement, et du souffle qui redynamise l’énergie. Des voix d’enfants créent le lien avec la première partie du diptyque, mais le texte murmuré en anglais n’est pas compréhensible par tous. Les lumières de Floriaan Ganzevoort et les vidéos de Ruben Van Leer donnent une dimension onirique à la pièce qui, plus qu’une disparition, évoque une renaissance ou du moins un départ vers un ailleurs. La dernière image, un espace immaculé dans une lumière éblouissante, ne suggère-t-elle pas celle d’un nouveau monde à construire ?
Adapté par Samuel Gallet et mis en scène par Jean-Pierre Baro, Mephisto (Rhapsodie) transpose le célèbre roman de Klaus Mann dans la France contemporaine
CHRIS BOURGUE
Disparition s’est donné à la Criée, Marseille, les 22 & 23 mars
tribale, à un moment même flamenca. D’où viennent-ils, que cherchent-ils ? Vaines questions. Horion traite non pas la relation de couple mais la relation tout court. À l’autre, au semblable ou à l’étranger. Une relation qui se traduit inévitablement par des tensions, des coups, conséquence logique à l’incompréhension ou l’ignorance. Mais de la conflictualité peut naître l’harmonie. LUDOVIC TOMAS
Horion a été joué le 20 mars à Klap Maison pour la danse, Marseille, en partenariat avec Le Merlan, dans le cadre du festival + de genres
© Gwendal Le Flem
S’
il semble aujourd’hui pertinent d’esquisser des parallèles entre l’Allemagne des années 30 et l’essor contemporain de l’extrême-droite, les traduire dans le langage et les enjeux d’aujourd’hui demeure invariablement casse-gueule. Aussi pourra-t-on tiquer lorsqu’un jeune nazillon, incarné pourtant avec aise par Julien Breda, amalgamera les discours nauséabonds d’aujourd’hui à ceux d’hier : quelque chose sonne étonnamment faux dans cette ode à la race blanche qui s’est déplacée depuis vers d’autres terminologies. Cet aveu d’échec est d’autant plus regrettable que le texte se montrera plus apte à saisir l’air du temps ailleurs, lorsqu’il n’essaiera pas de sortir de son terrain familier pour décrire les marges. Lors de ce très beau monologue, servi à merveille par Lorry Hardel, relatant son effroi mais aussi sa passivité lors de la soirée des Molières de 2016, marquée par son running-gag du « Touchi Toucha », d’un racisme impardonnable. Ou encore au fil de ces petites remarques et autres sentences distillées par les représentants de l’élite culturelle, trahissant une déconnection totale et assumée des réalités sociales. Cette question de l’opposition entre le réel du monde et l’imaginaire du théâtre, Mephisto (Rhapsodie)
fait également mine de la traiter, sans pour autant s’en donner les moyens. Il faut dire que le roman maudit de Klaus Mann s’ancrait déjà impudiquement et âprement dans son époque, au point que l’y arracher semblerait impossible. Captivé et révulsé par la figure de Gustaf Gründgens, ayant connu son heure de gloire sous le régime nazi, l’auteur allemand, ancien amant et beau-frère du comédien, posait la question de la solubilité de l’art dans le fascisme en collant au plus près à son modèle. Cette fascination trouve dans le texte de Samuel Gallet et la mise en scène de JeanPierre Baro une résonance certaine. Elle fait du désir de l’acteur une soif d’amour et de reconnaissance proprement totalitaire, qu’Elios Noël incarne avec un charisme histrionique tout à fait adéquat. En creux de ce récit d’ascension démonique, le portrait gentiment désabusé du théâtre subventionné et de son vœu pieux de faire rempart contre le nationalisme, frappe souvent juste et suscite des rires francs. Il faut dire que les acteurs, tous excellents, s’en donnent à cœur-joie. SUZANNE CANESSA
Mephisto (Rhapsodie) a été joué les 21 et 22 mars au Théâtre Joliette, Marseille
22 critiques spectacles
La domination masculine
© Simon Gosselin
Stéphane Braunschweig signe une École des femmes joliment moderne et émancipatrice
B
ien qu’il demeure le cœur de l’intrigue, l’objet de toutes les convoitises et de toutes les manigances, au détriment de ses propres désirs, le personnage d’Agnès n’est pourtant pas
des plus bavards. L’ingénue disparaît même pendant plus d’un acte, et sa transformation en jeune première affutée à son retour sur scène a été taxée tour à tour d’invraisemblance fâcheuse ou de profondeur psychologique bienvenue. Comment cette enfant, recluse et privée d’éducation par son tuteur, aurait-elle pu trouver la force de lui tenir front ? Pour la replacer au centre des regards, Stéphane Braunschweig a élaboré une mise en scène et une scénographie astucieuses, qui superposent des parois vitrées, des rideaux et des écrans pour laisser entrevoir la jeune pupille silencieuse. Ces dispositifs d’enfermement et de surveillance s’avèrent avant tout métaphoriques : ils propagent sur scène la pensée malade d’Arnolphe, campé sur un équilibre délicat entre grotesque et effroi par Claude Duparfait. Malgré tout, l’objet de son affection lui échappe, moins grâce à l’amour de son nouvel amant -l’Horace ahuri et désopilant de Glenn Marausse- qu’à une vive soif de liberté, que le mariage final ne saurait
satisfaire. Suzanne Aubert prête à Agnès un physique, une énergie et une gouaille adolescentes, pour mieux les retourner en cours de route. Les vidéos de Maïa Fastinger révèlent des traits moins innocents et sèment le doute sur les tourments qui rongent la belle Agnès, le temps d’un plan sur le célèbre petit chat et une paire de ciseaux. Si ces quelques entorses n’altèrent en rien le texte, la comédie se pare ici d’une noirceur très à propos, mais qui cloisonne quelque peu les caractères. Le Chrysalde d’Assane Timbo manie ainsi la langue et la rhétorique avec une gourmandise communicative, mais les domestiques de Laurent Caron et Ana Rodriguez pourront sembler un peu sacrifiés. Arnolphe, dans son habit de despote vieillissant et pervers, qui n’est pas sans rappeler l’Humbert Humbert de Nabokov, ne peut quant à lui qu’hérisser le spectateur. Et c’est tant mieux. SUZANNE CANESSA
L’École des femmes a été joué du 20 au 22 mars au Gymnase, Marseille
À cœur vaillant…
C’
est dans l’étrange antichambre d’un purgatoire qui ne dit pas son nom que nous convie la metteuse en scène Marion Pellissier. Sur scène, un couple enfermé, pour un huis clos d’1h30 ; des tenant et aboutissants, on ne pourra qu’hasarder des hypothèses, au vu des bribes délivrées. C’est l’instant présent qui compte : pour ne pas sombrer dans la folie, ils s’agrippent l’un à l’autre, cherchant à contenir les débordements de leur raison vacillante. Leurs souvenirs, psalmodiés en une litanie quasi incessante, s’écrivent fiévreusement sur les parois de la cellule, pour ne pas s’évaporer. Le dispositif amplifié des comédiens laisse d’abord à distance, tout comme quelques tics de mise en scène -minimalisme, quasi-nudité, recours à l’inévitable projection vidéo en toile de fond (scories sans doute d’un travail d’assistanat auprès de Cyril Teste). Mais l’ambiance est bien là, oppressante et anxiogène à souhait, qui emprunte
aux codes des plus fameuses dystopies -notamment la présence invisible des ravisseurs, omniscients et omnipotents. Le spectateur est soumis au même régime que le couple traqué, malmené parfois par des flashes aveuglants. Et les souvenirs continuent de s’égrener, ceux de la vie commune, ceux de la petite enfance, le tout finissant par se mêler… Ne cessant de se raconter l’un à l’autre, par peur panique de s’oublier eux-mêmes, le couple révèle par inadvertance quelques failles et hontes tues jusque-là, fragiles remparts d’une individualité qui ne cesse de s’effriter. La dramaturgie, proche du processus analytique par l’association d’idées et la métamorphose incessante de souvenirs, suit les méandres d’une mémoire qui se consigne avec frénésie, pour continuer d’exister coûte que coûte. Tout ça, ça occupe l’âme ; or l’âme, affairée, est bel et
ça occupe l'âme © Tiodhilde Fernagu
bien assurée de ne pas sombrer tout de suite, quel que soit le régime de torture auquel elle est soumise. Le postulat de Marion Pellissier n’est pas inintéressant, et sa ligne de conduite est tenue de bout en bout, dans une radicalité qui ne ménage pas le public. Mais ses procédés, parfois démonstratifs, pourront lasser les adultes, autant qu’ils ont frappé les adolescents présents ce soir-là dans la salle du Merlan. JULIE BORDENAVE
Ça occupe l’âme se jouait le 21 mars au Théâtre du Merlan, Marseille
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Suivez les oiseaux
Boite à forêt © Marc Voiry
C’
est simple : on suit les oiseaux dessinés tout le long du mur en brique et on entre dans la forêt qui a poussé, chemin des tuileries, à l’intérieur de la Gare Franche. Vaste, accueillante, intime, ludique, conviviale, mystérieuse. Tout autour des arbres, des groupes d’enfants déambulent, examinent les œuvres-objets exposées, des mamans s’attablent pour boire un verre, d’autres se posent dans des coins préparés pour lire, faire des puzzles, ou fabriquer des voiles de bateaux. C’est le
La mécanique du vent © Marc Voiry
point d’orgue, pendant quatre jours, de Nos forêts intérieures, projet de territoire en direction de la petite enfance, imaginé et mis en œuvre par le Théâtre
du Merlan et la compagnie Un château en Espagne. Un projet qui, depuis mai 2016, a poétisé les lieux dans lesquels il s’est déplacé, et créé de nouveaux liens entre différents acteurs.trices des quartiers Nord de Marseille, concerné.e.s par la petite enfance. Tout en proposant à un nombre important de jeunes spectateurs.trices (plus de 1000) une « expérience artistique complète ». C’est ce qu’ont constaté trois sociologues de l’art (Ariane Richard-Bossez, Sylvia Girel, Fanny Broyelle) associées à la démarche depuis son origine, dans une enquête dont les conclusions* ont été dévoilées lors de l’inauguration de ce temps fort. Quatre jours pendant lesquels ont aussi été présentées l’ensemble des 80 boites à forêts créées au cours des trois années écoulées (entre autres vertus de ces boîtes : « initiation muséale par et pour les enfants » observent les chercheuses), la mise en place de divers ateliers, et l’organisation d’une « Ballade des arbres » au parc Brégante avec le 1000 pattes. Le tout accompagné des représentations de la nouvelle création de Céline Schnepf, La mécanique du vent, dans laquelle Jeanne, enfant, clown, conteuse (Lilia Abaoub), et Murmuro, chanteur, contrebassiste, barbu (Fréderic Aubry), racontent de
façon douce, étonnée et joyeuse, devant un public d’enfants ravis, le vent, ses facéties et toutes les histoires qu’il transporte, d’un coin du monde à un autre. Jouant pour cela avec des ventilateurs, confettis à foison, sons malicieux, vagues en cartons, forêt en image, bateaux, avions, oiseaux, petites bonnes femmes et petits bonshommes. MARC VOIRY
Nos forêts intérieures #7 a été présenté du 20 au 24 mars à la Gare Franche, Marseille *une synthèse, portant sur « La réception du théâtre par le jeune public » peut être consultée sur le site de la revue Terrains / Theories (journals.openedition.org/teth/)
24 critiques spectacles
NoNourritures, spirituelles et terrestres y compris les supplémentaires. Guettez, ils vont peut-être en rajouter ! Entremets-Entremots ne date pas d’hier : créée en 2009 la formule n’a pas changé, mais évolué. Il s’agit toujours de manger en parlant de nourriture. Les textes écrits par Marion Coutris dispensent leurs perles mutines, leur goût des mots, leurs interrogations ontologiques. Leurs morceaux de bravoure, aussi : Entremets Entremots © Cordula Treml l’histoire de la recherche d’une e théâtre Nono propose des formes carpe à farcir pour Pessah est un petit originales qui plaisent aux habitants bijou narratif, le moment de délire perdes quartiers sud de Marseille, peu cussif de Noël Vergès sur Pernambouc gâtés en matière d’équipements cultu- et Potomak provoque une irrépressible rels. On peut penser que 70 euros pour hilarité, et Serge Noyelle en convive pala soirée met à l’abri la proposition des ranoïaque possède une force comique, bourses communes, mais après tout, il pince-sans-rire, étonnante. Tout cela s’agit d’un repas de chef, et d’un spec- existait déjà en 2009, à quelques nuances tacle épatant, chacun des deux valant la près, mais les serveurs ont changé... ce dépense. Le public ne s’y trompe pas et sont dorénavant des élèves du Cerisier, toutes les représentations sont pleines, l’école de théâtre des Nono, qui officient, et
L
participent avec talent et force aux fictions et phrases qui traversent l’assemblée. Quant aux mets terrestres, conçus par les chefs de Gourméditerranée, ils sont exceptionnels. Neuf petits plats successifs vous font passer d’une saveur à l’autre, du croquant à la douceur, du pétillant au suave. Les vins sont délicieux, la scénographie et l’univers visuel des Nono toujours aussi élégants. Être ainsi repu et rassasié de mots et de mets rassemble les convives dans un véritable moment d’ataraxie commune. De bonheur ? AGNÈS FRESCHEL
à venir Entremets-Entremots 28, 29, 30 & 31 mars et 5 & 6 avril 04 91 75 64 59 theatre-nono.com
Futur onirique
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ne survie post-apocalyptique, la langue russe et l’oiseau de feu, des forêts profondes et des êtres mutants, qui disparaissent sans mourir... L’univers de Kevin Keiss, jeune auteur dramatique prodige, a toute l’étrangeté grinçante de Volodine et de ses pseudos acolytes post-exotiques, même s’il regarde moins du côté de l’humour du désastre, et davantage vers la tendresse. La mise en scène de Lucie Berelowitsch, récemment nommée à la tête du Centre Dramatique National de Vire, joue magnifiquement de ces plans onirique, fantastique et réaliste qui se mêlent de façon très perméable, pour créer un conte effrayant, écologique et noir, où la possibilité d’un ailleurs rejoint celle du désir de mort. L’idée ? Dans une banlieue où les arbres n’existent plus et où les oiseaux ne sont qu’un souvenir, trois enfants grandissent sous l’œil d’une mère tendre et d’un père en colère. Quand celle-ci disparaît tout
se délite, et l’ainé part à sa recherche, en quête d’une pomme d’or et d’un oiseau de feu. L’argument pourrait ressembler à celui d’un joli spectacle pour enfants mais tout y est inattendu, de la musique qui emprunte au rock comme à Bizet, des chants polyphoniques au décor étroit qui s’ouvre sur un espace trop vaste et trop noir, de la fille rencontrée dans la forêt aux réponses qui ne sont pas obtenues. Car la révélation n’aura pas lieu, un lac mobile sera traversé sans que l’on comprenne quel est le terme du voyage initiatique... Les comédiens jouent aussi sur d’étranges registres, jamais convenus : Niels Schneider et Camélia Jordana, dans les rôles principaux, sont évanescents et sans âge, accompagnés et soutenus par Nino Rocher et Jenna Thiam, les cadets,
© Simon Gosselin
Marina Keltchewsky, la mère russe qui chante divinement, et Jean-Louis Coulloc’h, empli de colère embarrassée qui peint sa détresse sur un coffre en d’effrayants visages... A. F .
Rien ne se passe jamais comme prévu a été joué le 20 mars aux Salins, Martigues
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Histoires d'ours des touches devient élément de dramaturgie, les retours, les effacements livrent les circonvolutions de la pensée du scripteur, ses hésitations, ses fautes d’orthographe, corrigées ou pas dans une véritable mise en scène de l’écriture, cocasse et emplie d’incidents : les retours réitérés qui s’approchent toujours plus de la « fassade », sans jamais la corriger, l’intrusion du neveu qui écrit à toute vitesse ses propos potaches malgré les gronderies de son oncle… Les voix et les bruitages composent un paysage familier, et accordent au spectateur/auditeur le privilège de modeler chacun son propre théâtre. Naissent ainsi Saga © Estelle Hanania une ferme, une boulangerie, un onathan Capdevielle revient au Bois village et toute une constellation famide l’Aune, où l’on a déjà applaudi son liale… On suit alors les tribulations de Adishatz-Adieu, avec Saga, spectacle cette famille aux pieds (pattes ornées de créé en 2015. Ce deuxième opus renoue griffes) d’un énorme rocher en peluche avec la jeunesse du dramaturge et croise qui abrite un ours, entre les aboiements en une superbe autofiction toutes les du chien, les visites d’amis, le beau-frère techniques du théâtre. Le début se ré- boulanger, qui fait des affaires avec des sume au noir d’une page qui s’écrit lettre sacs emplis d’une farine un peu spéciale, à lettre sur un vieil ordinateur. Le bruit la sœur, actrice-née… tout ramène au
J
théâtre, depuis les cours suivis au lycée Marie Curie de Tarbes, à la vie de tous les jours où l’on croise bandits, gendarmes, où même l’anodin prend des allures mythologiques. L’art se modèle à partir du quotidien, devient épique, sujet dramatique, frôle la tragédie, y plonge, flirte avec le boulevard, tient du roman d’éducation, jongle entre le dérisoire et le sublime, la farce et l’émotion. Les années 90 tissent une trame sonore populaire que viennent égayer quelques chansons paillardes, le tout servi avec une justesse irréprochable par les voix des protagonistes, à l’unisson ou en polyphonie. La trivialité du quotidien passe au crible de l’humour, avec les intonations, les accents, les formulations retrouvées. Une performance géniale que la dernière séquence vidéo un peu longuette resitue dans la quête de l’enfance et de ses histoires initiatiques, forcément… MARYVONNE COLOMBANI
Saga a été joué au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence, le 22 mars
Justice fluctuante des affaires
A
grégée d’histoire, maître de conférences à Paris-VIII Saint-Denis, (entre autres), Dominique Manotti a déjà écrit douze romans, des nouvelles, dans lesquels les outils de la recherche historique sont appliqués au genre du polar. Les réalités sociologiques, économiques et politiques en dessinent les enjeux. Invitée par les Nouvelles Hybrides, elle se pliait au jeu du fin questionnement de Michel Gairaud, rédacteur en chef du Ravi, à propos de son dernier opus, Racket. Librement inspiré de l’affaire Alstom (2013-2015), entreprise française rachetée par l’américaine General Electric, ce roman noir est porté par un rythme sans faille, dans la dynamique de dialogues précis et enlevés qui font progresser l’action avec virtuosité. Michel Gairaud souligne combien l’auteure « plonge sa plume là où ça fait mal, (...) dans un polar
haletant et authentiquement alarmant ». L’écrivain resitue la période : « les faits se sont déroulés sous la présidence de Hollande, alors que Macron était secrétaire général adjoint du cabinet du Président, avant d’être ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. » Puis, elle explicite sa méthode de travail : « dans un premier temps, j’établis les faits, ici, le mécanisme mis en œuvre par General Electric pour racheter Alstom, (sa branche énergie, turbine, chaudières, ce qui met nos centrales nucléaires et notre marine de guerre sous contrôle américain). Les faits sont les pierres sur lesquelles je construis mon roman. La seule entorse est que je réduis le temps de l’action. J’ai besoin d’un temps court pour gagner en intensité, si bien que j’ai tout condensé en six/ sept mois. L’affaire démarre par la mise en prison d’un haut cadre d’Alstom aux
USA en 2013. Or aucune information ne transpire. J’avais là la matière de mon roman : j’écris pour comprendre, en m’appuyant sur toutes les sources connues et publiques, puis je « fictionne » totalement : mes personnages principaux sont fictifs, ainsi je peux les faire jouer dans un roman noir à volonté. Les autres, ministres etc, y sont secondaires, mais toutes leurs paroles ont été prononcées dans la réalité… ». Le résultat est glaçant de réalisme dans cette plongée au cœur de rouages parfaitement huilés qui nous englobent aussi… MC.
La rencontre a eu lieu à la Bibliothèque de Mirabeau, le 22 mars.
26 critiques spectacles
Aux frontières du monde
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© Fabien Debrabandere
Quand certaines frontières sont aujourd’hui devenues des murs infranchissables, que peut-il rester d’humanité ? » Territoires, frontières, exils, migrations, réfugiés… Le sujet est universel, intemporel, bien que dramatiquement actuel. Rachid Bouali ne raconte pas une mais plusieurs histoires, en un
patchwork tissé à partir de témoignages récoltés, de lectures, de rencontres, de réflexions. Des images fortes, sculptées par les lumières discrètes de Claire Lorthioir, évoquent les longues marches, les traques, l’attente, le corps du comédien se transformant au gré des personnages qu’il convoque. Charon, le passeur des Enfers qui transporte les morts sur le Styx, Serge l’Africain, parti à pieds de Côte d’Ivoire, Séphora d’Angola, Souleymane qui erre du Maroc à l’Espagne, et puis tous ceux qui tentent le passage des barrières successives de Melilla, dont la principale qualité est qu’« elles ne blessent pas »… mais aussi les passeurs, les douaniers. Il n’y a pas que l’ailleurs qu’il donne à voir et entendre, il y a aussi Calais et sa « jungle » dont il nous fait faire la visite, se déplaçant tel un promoteur immobilier dont la gêne va enfler au fur et à mesure du défilement des baraques en bois de palette -cafés, hôtel, école, église. « J’ai l’impression d’être revenu au début de la civilisation. Où suis-je ? On se croirait devant la grande Babel, l’exode sans
terre promise… » Et ses habitants qui racontent. Nathalie qui tient un bistro face à la mer, où plus personne ne vient, José le camionneur qui circule la peur au ventre mais qui n’a « rien contre les migrants », celle qui recharge les téléphones à tour de bras pour qu’ils puissent appeler leurs familles. Les mots sont percutants, mais Rachid Bouali sait les alléger par quelques pirouettes de son cru, un humour léger et fantaisiste qu’il distille çà et là. En contrepoint, le musicien Manu Domergue joue en direct, du mellophone (sorte de cor), de la guitare ou de l’accordéon (création musicale de Nicolas Ducron), crée le bruitage d’une plage ou de cœurs qui s’emballent, habillage sublime et subtil. À la fois conteur et porte-parole, Rachid Bouali ne force pas le trait mais réveille et interpelle. Salutaire. DOMINIQUE MARÇON
Sans laisser de trace… a été joué le 20 mars au Théâtre de l’Olivier, Istres, dans le cadre de la semaine Bien vivre ensemble
Ces fantômes qui nous habitent
I
l est des sujets dont l’abord est difficile, voire insurmontable. La disparition des êtres chers (combien de circonvolutions, de périphrases, de métaphores, pour éviter l’horreur de formuler la mort dans la crudité cruelle de son insoutenable évidence !) en fait indéniablement partie. L’évoquer avec des enfants est délicat, peut apparaître même traumatisant. Le tour de force de Damien Bouvet est d’accorder une poésie sensible à ce thème poignant, l’intégrant dans la continuité naturelle des choses, avec drôlerie et tendresse dans son seul en scène, Le poids d’un fantôme. Dans la pénombre de la scène, une table à repasser se nimbe de lumière tandis qu’au fond, une longue branche de bois flotté sert de support à une série de costumes de fantômes, reconnaissables à leurs capuches pointues. Papier crépon froissé, frémissant au passage d’un être lunaire, grimé de blanc, vêtu d’une longue chemise blanche, et affublé d’une paire invraisemblable de lunettes rondes aux verres épais comme des culs de bouteille. Ces dernières ont
d’ailleurs un effet sur la voix assez incroyable : chaussées, le ton et la voix du personnage sont ceux d’un enfant avec ses étonnements, son innocence et son vocabulaire qui rend toute chose poétique ; placées sur le front, elles ôtent cette vertu enfantine et la voix plonge dans les graves de l’adulte. Le spectacle se conjugue ainsi, entre naïveté et raison, imaginaire débridé, souvenirs, émotion et rires. On repasse les fantômes, opération délicate, il ne faudrait pas trop © Philippe Cibille les aplatir ! Des êtres étranges naissent, en nous, et que nous retrouvons, dans fantastiques dans les lumières crépus- un goût, un parfum, un air, une intoculaires… le rêve construit ses propres nation… Toute la fragilité humaine est réalités, délivre la magie des carcans là, bouleversante et infiniment riche de du réel, nous conduit de l’autre côté, tous ces fantômes… Magique ! MARYVONNE COLOMBANI dans les coulisses d’ombre d’où l’on ne revient pas. La vie se déroule, depuis ses premiers frémissements, son insouciance, aux derniers. Et nous voilà accompagnés par les souvenirs de ceux Le poids d’un fantôme a été joué le 20 mars qui ne sont plus, mais que nous portons au théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban
Heredia ramasse un 20/20 à sa copie
P
arfois, lorsque le spectacle est si bien agencé qu’il se déroule de façon tellement logique, c’est difficile de s’immiscer dans la démonstration : tout coule et se développe de manière redoutablement efficace, c’est en quelque sorte parfait, CQFD, point à la ligne. L’origine du monde (46x55) appartient à cette catégorie, on pourrait se contenter de ces trois lignes ; or, la pièce est si réussie qu’il va bien falloir parvenir à démonter un peu l’horlogerie, s’arracher aux sirènes du raisonnement, et parvenir à évoquer le travail de Nicolas Heredia (Cie La vaste entreprise) en s’extirpant du plan de sa vraie-fausse conférence autour de la copie du célèbre tableau de Courbet. Tout a commencé le 28 janvier 2015, jour où ce montpelliérain, grand amateur d’objets ayant eu une vie antérieure avant leur (re)mise sur le marché, flâne dans une brocante. Il a déjà acheté des cadres d’horloge cassés et un protège téléphone (à cadran, bien sûr) en velours beige avec des galons dorés. La matinée était déjà fructueuse, mais voilà que Nicolas Heredia tombe sur une reproduction du fameux pubis, coincée entre une roue de vélo et un lot de petites cuillères en argent. Il hésite. C’est tentant. La copie est grossière, la toile est piquée. 200 €. « Sérieusement ? » s’exclame-t-il devant le vendeur. Hors de question de se laisser avoir à ce point là ! Sur le chemin du retour, il regrette déjà. C’est quoi, 200 €, si on rapporte cette somme à « l’histoire potentielle que cette copie contient » ? Dans cette interrogation inquiète, le spectacle est déjà en train d’exister. Il revient sur le stand, c’est devenu presque vital, ouf, personne n’a compris avant lui la valeur du tableau. Il sait qu’il est désormais en possession d’un objet porteur « d’horizons insoupçonnés », « d’aventure », de « folles soirées » (à partager avec le public) en perspective. Comment cette croute acquise trop cher peut-elle atteindre une valeur de 18 000 €, le temps d’une heure de démonstration d’une implacable intelligence ? Objet à l’appui, humour pince-sans-rire au coin de la bouche, Nicolas Heredia nous entraîne dans un voyage aux origines insoupçonnées. ANNA ZISMAN
© La Vaste Entreprise
L’Origine du monde a été joué les 16, 17, 19 & 21 mars au musée Fabre de Montpellier, dans le cadre de la saison du Théâtre Jean Vilar Le spectacle sera repris pendant toute la durée du Festival Off d’Avignon (La Manufacture, hors les murs, au musée Angladon)
28 critiques musiques
Trouver le garçon
D
ans le cadre du festival Avec le Temps, les Salins de Martigues accueillaient Radio Elvis : le trio est en tournée de promotion de son second album Ces garçons-là, qui confirme le succès du jeune groupe. La soirée, confidentielle mais surchauffée dans la petite salle du Bout de la Nuit, dépasse les attentes.
D’abord, ils sont quatre sur scène dans cette sorte de trio quadrilatère où Pierrick Devin tient les claviers, libérant la virtuosité effrénée de Colin Russeil qui peut se consacrer à sa seule batterie. Et du coup, y briller singulièrement ! Car Radio Elvis gagne à être écouté en live : le chanteur, charismatique Pierre Guénard, est un peu poseur et manque de grain vocal mais il chante bien et porte les textes avec la conviction intime de celui qui les a écrit. Le spectacle est rodé, jusqu’au tombé de veste qui révèle les t-shirts blancs, les éclairages qui suivent les belles accélérations rythmiques et les ambiances bleutées d’un titre comme New York. Le second album est plus direct, moins alambiqué que © Fanny Latour-Lambert le premier qui se voulait
littéraire en parlant de synesthésies. Là il est question de sentiments simples, simplement partagés, de couleurs musicales qui osent des deuxièmes voix, des mélodies, des ambiances, des histoires. Bien sûr le titre Ces Garçons-là surprend et émeut par la crudité de sa confidence : c’est une agression virile perpétrée à son égard que Pierre Guénard raconte, guitare sèche à la main. C’est sans doute le refus de cette virilité-là, violente, destructrice, qui fait l’intérêt de ce groupe de « garçons ». Jeunes, vintage et glamour, pop rock et français, littéraires et romantiques, littéraires et populaires. Des garçons d’aujourd’hui, entre eux (où sont les femmes ?), mais libérés des assignations genrées. AGNÈS FRESCHEL
Radio Elvis s’est produit le 20 mars au théâtre des Salins, Martigues, dans le cadre du festival Avec le temps
Chantons sur le lit
J
eanne et la chambre à airs est une « comédie musicale pour voix lyriques », conçue pour le jeune public, programmée par le théâtre Massalia dans le cadre du premier festival Tous en sons !. Disons-le d’emblée : c’est une réussite. L’histoire est certes un peu délayée, mais derrière son prétexte -une fillette freine des quatre fers à la perspective de déménager- se dessine une vraie profondeur. Sur l’impermanence des choses, de bien grands philosophes ont écrit des pages de sagesse, mais à quelque échelle que ce soit, il n’est jamais inutile de sonder les questionnements existentiels. Surtout si, comme l’équipe de L’Artifice, on est capable de le faire en maniant l’humour, et la beauté émouvante des voix humaines. Le metteur en scène Christian Duchange a déjà dirigé plusieurs opéras : il se met là à la portée d’enfants à partir de 8 ans, dont c’est parfois le premier contact avec l’art lyrique. Les chansons interprétées par Lise Viricel (Jeanne), Dorothée Lorthiois et Christophe Crapez (les parents), Valentine Martinez et Jean-Christophe
Brizard (les déménageurs), sont intelligibles et intelligentes, émouvantes et drôles. Si la petite fille est à ce point réticente au déménagement, c’est qu’elle a de bonnes raisons. Son ami Jordan, qui lui-même a quitté le quartier, ne lui a jamais écrit alors qu’il avait promis de le faire. Et puis elle a récemment perdu sa grand-mère, alors les adieux à son cadre familier, c’est vraiment trop dur. Elle se cache sous le lit, construit une forteresse de jouets, déploie une considérable force d’inertie. Pour accepter de quitter sa chambre, « sa cabane, sa grotte, son igloo, sa hutte zoulou », il va lui falloir réaliser que rien ne sert de s’accrocher aux draps. Comme le lui chante un oiseau futé pour la lancer dans l’aventure de la vie : « Lance-toi, ouvre tes ailes ! Tu referas ton nid comme nous le faisons, à chaque migration ». GAËLLE CLOAREC
Jeanne et la chambre à airs a été donné les 22 & 23 mars au Théâtre Massalia, Marseille, dans le cadre du festival Tous en sons !
@ Antonin Sumner
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Trinité romantique
© Aurélien Gaillard
À
l’issue de la présentation du Festival International de Musique de Chambre de Provence (28 juillet au 5 août), une gourmandise en trio était proposée, réunissant le pianiste Éric Le Sage, l’un des trois fondateurs du festival (dont un CD consacré aux Nocturnes de Gabriel Fauré est sorti le 22 mars), le violoniste Pierre Fouchenneret et le violoncelliste François Salque. Un programme détaillé et finement présenté
P
guide dans l’histoire et les intentions des œuvres avec érudition. En ouverture, le piano seul se glisse dans les multiples tensions de la Grande Sonate Pathétique de Beethoven, laisse parler les retards, nuance les accords diminués, nous emporte au fil de cette pièce qui se joue, passant des attentes au tumulte de passions qui se réfrènent puis s’emballent, en tempi virtuoses avant des apaisements où se dessine un regard espiègle… Tous les registres sont là, de la gravité d’émotions contenues à l’épanchement d’une âme, ici un cœur bat, là une respiration éclot. L’interprète, en poète inspiré, semble nous donner pour la première fois les clés de lecture de cette partition pourtant si connue, en décrypte les codes, met en évidence (sans aucune volonté didactique ou surplombante) les divers mouvements, en fait percevoir les moindres variations, avec l’humilité du lecteur qui sert le texte sans jamais le trahir. Violon et violoncelle rejoignent
le pianiste pour le Trio des Esprits, ou Geister-Trio (n°5) du même Beethoven. Les fantômes de Macbeth et de ses sorcières s’immiscent dans les trémolos du piano, qui offre un cadre chatoyant aux conversations des deux autres instruments. Échos, réponses, phrases aux volutes parfois étranges, flirtant en acrobatiques contrepoints, brossent un paysage, une atmosphère où l’on s’étonne. Netteté des traits, fulgurances éblouies poursuivent leur exploration des partitions romantiques avec le subtil Trio avec piano n° 1 en ré mineur de Félix Mendelssohn. Virtuosités narratives, temps suspendu, où les mots s’effacent. En rappel, le mouvement lent du 2e Trio de Brahms. Douceur sensible… une idée du bonheur. MARYVONNE COLOMBANI
Concert donné le 21 mars au Théâtre Armand, Salon
Potion magique
our son antépénultième production lyrique de la saison, l’Opéra de Toulon a choisi de monter L’Élixir d’Amour de Gaetano Donizetti, chef-d’œuvre incontournable du bel canto transalpin, dans une production reprise de l’Opéra Royal de Wallonie. Dans cette représentation, le livret de Felice Romani était intelligemment transposé aux États-Unis au temps de la ruée vers l’or, ce qui n’entravait rien à la vraissemblance du récit et permettait même aux spectateurs de retrouver, au moins visuellement, le mythe du Far West si souvent porté à l’écran. Rien ne manquait dans les décors signés Jean-Guy Lecat, soignés autant que les costumes chatoyants de Fernand Ruiz. Le tout était parfaitement mis en lumière par Sylvain Geerts et l’illusion du western était savamment retranscrite sur scène grâce à une abondance de personnages singuliers et hauts en couleur, du militaire à la prostituée en passant par le shériff, et même un cheval et un chien : le spectacle imaginé par le metteur en scène Stefano Mazzonis di Pralafera ne reculait devant rien pour nous
offrir un luxe de détails estimable. Prenant ici et là quelques licences avec la partition, cette mise en scène avait tout pour séduire, à l’image d’un Entertainer de Scott Joplin glissé dans une scène ou même de chanteurs prenant à parti le maestro Valerio Galli qui, non content de diriger l’orchestre et le plateau avec brio, leur donnait la réplique avec humour. Malgré une partition aux accents parfois pompiers, l’orchestre s’était bien mis au diapason des chanteurs en évitant la lourdeur. La distribution semblait un peu légère en termes de puissance vocale, mais l’équilibre entre instruments et voix faisait la part belle à ces dernières qu’un jeu scénique et une maîtrise technique compensaient. Lucrezia Drei jouait une Adina (soprano) pleine d’assurance tandis que Santiago Ballerini donnait à son amant Nemorino (ténor) une fragilité idéale. Le comique de
© Jacques Croisier - Opéra Royal de Wallonie
cette satire était assuré avec enthousiasme par David Bizic, parfait en Belcore débordant de testostérone, et Pablo Ruiz admirable en Dulcamara à la bonhommie roublarde. Une réussite. ÉMILIEN MOREAU
L’Élixir d’Amour a été donné à l’Opéra de Toulon les 22, 24 et 26 mars
30 critiques musiques
Fureur de jouer
© James Bihouise
P
our son dernier concert festivalier, Présences féminines a fait appel au talent du jeune Trio Sōra composé de Magdalena Geka au violon, Angèle Legasa au violoncelle et Pauline Chenais au piano, trois complices du Conservatoire de paris (CNSMP). Pour leur première toulonnaise dans l’écrin feutré du Foyer Campra de l’Opéra de Toulon, elles ont littéralement conquis l’auditoire par leur prestation de haute volée, manifestée par une envie évidente de sublimer la musique. En début de concert, elles interprétaient avec gourmandise le Trio en sol mineur, op.17 de Clara Schumann où se cotoyaient des moments de pure virtuosité, de lyrisme et de poésie intense dans un subtil équilibre des rôles au sein de la formation. Les quatre mouvements joués avec une énergie débordante s’achevaient sur des envolées frénétiques où le clavier, isntrument de prédilection de la compositrice, tenait un rôle éloquent. Vint ensuite la création mondiale de Fragments d’un discours de Michèle Reverdy, oeuvre
voulue comme une filiation en hommage à Clara Schumann. Cette co-commande du Festival et de ProQuartet, d’abord présentée par son auteure pour y livrer des clés d’écoute salutaires, fut interprétée avec une force et un enthousiasme confondants. En émergeaient différentes parties aux caractères emblématiques, allant d’un lyrisme presque néo-romantique à la pure rythmicité en passant par des passages plus ciselés dans un jeu d’accentuation, construisant un récit instrumental cohérent où le dialogue entre les trois protagonistes était exploré dans une multiplicité de combinaisons avec une ferveur communicative : un futur classique, espérons-le. Pour terminer le programme, une autre compositrice, « soeur de » cette fois, était mise à l’honneur. Dans son trio en ré mineur, op.11, Fanny Mendelssohn faisait également siens les canons esthétiques du romantisme : brillante pianiste, elle offrait une place de choix au clavier dans une virtuosité débridée en alternance avec des
Michèle Reverdy © James Bihouise
Pôle C réation Européen Suds de
des
moments plus lyriques réservés aux archets. Du grand art, ponctué en bis par le troisième mouvement de Give me phoenix wings to fly. Dans cette œuvre, la canadienne Kelly-Marie Murphy utilise un langage aux accents rock fait de riffs furieux, de pizzicati, de glissandi et de pizz bartòk le tout martelé avec une frénésie entêtante comme si on entendait un Vol du Bourdon sous LSD : une composition envoûtante qui achevait une soirée musicalement mémorable et surtout 100% féminine. Chapeau ! ÉMILIEN MOREAU
Ce concert a été donné le 19 mars à l’Opéra de Toulon, dans le cadre du festival Présences Féminines
3 & 4 MAI 2019 I 20:30 I
LE MISANTHROPE de Molière
ÉCOLE LE CERISIER Soirée portes ouvertes à partir de 18h
Théâtre NoNo Réservations : 04 91 75 64 59 reservation@theatre-nono.com
32 au programme spectacles BOUCHES-DU-RHÔNE
Héroines 2 – Des cercles bleus et noirs
Congés payés
©Jean-Marc Besenval
Douze hommes en colère
©Laurencine
© Isa Fournier
Auparavant privilèges de riches, les vacances se sont démocratisées en 1936 avec le Front Populaire et la loi sur les congés payés. Munis d’images d’archives de ces premiers moments de détente populaire, les deux musiciens-plasticiens de Stéreoptik en font un spectacle de cinéma bricolé à vue, petit bijou musical et visuel.
Sydney Lumet a fait de cette pièce en deux actes de Réginald Rose un chef-d’œuvre du film judiciaire, où la soi-disant évidence d’une culpabilité va être démontée pièce par pièce, tout comme les motivations, plus ou moins avouables, des différents membres d’un jury populaire. Charles Tordjman revisite ce classique pour réactiver toute la modernité de ce questionnement sur la justice.
3 au 6 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com 2 avril Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr
Gravité
« Penser le corps avec le corps » et « mettre en évidence l’attraction des corps entre eux dans des champs gravitationnels donnés » tels sont les deux principes à l’origine du dernier spectacle d’Angelin Preljocaj, créé à la dernière Biennale de la Danse de Lyon. Poids, vitesses, chutes, saccades, tourbillons…Une pièce chorégraphique pour 13 danseurs qui plonge au cœur du mouvement.
Embrase-moi
© Gregory Batardon
2 au 5 avril Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr
© Jean-Claude Carbonne
Affres et douceurs de la vie d’un couple, celle des danseurs Kaori Ito et Théo Touvet. Après des confidences sans tabous dispensées à un public séparé en deux groupes, dans deux espaces différents, les artistes dévoilent en duo leurs corps et ce qui les relie, dans une danse à la fois charnelle, douce, mais tout aussi athlétique, voire agressive. Un troublant moment de témoignage sensuel.
3 au 6 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com
La Cie Les Passeurs s’intéresse à la question des addictions. Après un premier volet autour de l’alcool, c’est au tour de l’amour d’être interrogé dans toute sa complexité. Un texte commandé par la metteure en scène Lucile Jourdan à l’auteur Dominique Richard, une langue douce pour une tentative de mise au point d’une vie amoureuse emmêlée. Monologue interprété par Stéphanie Mongeot.
2 au 5 avril Les Bernardines, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net
Killing robots Dramaturge et metteure en scène accompagnée par le Théâtre National de Nice, Linda Blanchet s’est intéressée à Hitchbot, un robot canadien conçu en 2014 pour étudier les interactions entre les hommes et les machines, retrouvé démembré en 2015 à Philadelphie. Une proposition théâtrale en forme d’enquête policière, entre fiction et réalité. 12 avril Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr
au programme spectacles BOUCHES-DU-RHÔNE 33
Coup de grâce Sirène et cochonnet
La nouvelle création de Nathalie Pernette met la sorcière à l’honneur en révélant la part secrète, puissante, paisible ou maléfique, de cette figure féminine dont l’histoire nous a transmis des bribes. Un trio de danseuses dresse un portrait étrange et fascinant, dans une chorégraphie mêlant danse, musique, projection d’images et magie. Le mouvement des corps est associé à une musique conçue en nappes successives, envahissantes et discrètes.
Pour sa Sirène méridienne mensuelle, Lieux publics invite le groupe Gongle pour Cosmologie du cochonnet. Une collision cosmique entre une championne du monde de triplette et un commentateur sportif. Quand boules d’acier et astéroïdes caillouteux se télescopent, les expertises s’entremêlent, on ne sait plus trop si la partie se déroule sur un terrain de pétanque ou à l’échelle du système solaire.
© JB
Belladonna
© Michel Petit
Chacun se souvient de ce qu’il faisait au moment d’être saisi par les attentats de Paris, le 13 novembre 2015. Ce jour-là, pour Michel Kelemenis, la disgrâce de la terreur télescope la grâce de la toute première représentation de La Barbe bleue, générant une émotion confuse, restée depuis indémêlable. Cette confusion s’impose comme le sujet nécessaire de ce Coup de grâce, pièce pour sept interprètes, sur une composition électro d’Angelos Liaros.
3 au 5 avril Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org
2 avril Klap, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr
Signatures croisées France/Ecosse est la rencontre entre le projet Grenade mené depuis Aix-en-Provence par Josette Baïz pour amener enfants et jeunes au métier de danseur·euse et celui que pilote Anna Kendrick à Glasgow, Ydance – Scottish Youth Dance. La coopération des deux chorégraphes prend la forme de résidences croisées durant lesquelles sont partagés et transmis des extraits du répertoire de chacune. 9 avril Klap, Marseille 04 96 11 11 20 kelemenis.fr
© Loran Chourrau
© Cie Quibout
6 au 8 avril Friche Belle de Mai, Marseille 04 95 04 95 70 theatremassalia.com
Baïana(na)
Signatures croisées
Sur mon chemin
Cette création proposée par le Théâtre Massalia questionne l’acte de grandir. À tout âge. Théâtre d’ombres, d’images et de silhouettes, le spectacle s’adresse bien sûr aux tout-petits. Mais il parlera aussi aux adultes qui n’en finissent pas de grandir de l’intérieur. C’est la représentation de l’avancée qui d’Alice, qui s’endort, suit un Lapin Blanc, tombe dans le Rêve et rapetisse, régresse en taille et en âge. À travers son cheminement, chacun pourra reconnaître le sien.
3 avril à midi pétante Parvis de l’Opéra de Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com
Vêtus de costumes blancs, armés de pelles à neige, le maïs comme matière à penser, quatre hommes nous invitent à traverser les lieux comme les époques, dans un étonnant voyage chorégraphique et musical, dessinant un monde surréel dans un lieu commun. Le cirque chorégraphique du collectif de jongleurs danseurs G.Bistaki se situe à la croisée des arts, en lien étroit avec les caractéristiques spatiales et sociales d’un lieu. 6 avril Cité des arts de la rue, Marseille 04 91 03 81 28 lieuxpublics.com
34 au programme spectacles BOUCHES-DU-RHÔNE
City
L’équilibre des humeurs
3 avril Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 vitrolles13.fr
© Stephan Neubauer
Knock
3 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr 2 avril Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 ville-lagarde.fr
© Thomas Boh
2 & 9 avril Sessions 11 & 13 avril Sortie de résidence 3bisF, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 3bisf.com
5 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr
Josephina
La compagnie de théâtre gestuel Chaliwaté arrive de Bruxelles avec un spectacle créé en 2006, et dont le succès ne s’est pas tari depuis. La façon originale et profonde dont elle traite son sujet pourtant éculé, le couple, ne doit pas y être étrangère ! Il se murmure que la parade amoureuse dont il est question aurait des vertus... aphrodisiaques ; la pièce est toutefois estampillée tout public.
Dans le cadre du dispositif régional de résidence itinérante Tridanse, le chorégraphe Pierre-Benjamin Nantel et le plasticien sonore Octave Courtin travaillent au 3bisf, lieu d’arts contemporains en milieu hospitalier, autour des notions de soins et de gestes efficients, sur les postures des soignants et des soignés. Deux Sessions de duos dansés permettront de tester leur dispositif acoustique. © DR
Joris Frigerio a passé plusieurs mois à Nice, interrogeant les habitants de la ville sur leur vision du monde. Il mêle cette récolte de témoignages en vidéo à sa mise en scène, qui fait appel aux techniques de la danse et de l’acrobatie. « Ce que je veux faire, c’est un peu un ovni : du cirque et des interviews, c’est improbable ! », déclare le jeune artiste, déterminé à créer des ponts entre les gens et les disciplines. À partir de 8 ans.
Décidément, Emma Bovary, l’héroïne de Flaubert, n’en finit pas d’inspirer les artistes d’aujourd’hui. Ici, ce sont les danseurs de la Cie Virevolte qui présentent un ballet centré sur son histoire désenchantée. La chorégraphie est signée Mireille Oliveï-Monruffet, sur les partitions de Franz Schubert, Camille Saint-Saëns, et du compositeur de musique contemporaine Philip Glass.
« Le Dr Knock a l’honneur de vous faire connaître que, dans un esprit philanthropique et pour enrayer le progrès inquiétant des maladies de toutes sortes, il donnera une série de consultations exceptionnelles au Théâtre des Ateliers ». Guy Simon interprète le personnage principal de la pièce comique de Jules Romain, et la met en scène de manière décoiffante.
Hélas Nicole Genovese invite une famille à se libérer du conformisme... en faisant intervenir une spécialiste de la série Plus belle la vie. La routine du repas, où les échanges stéréotypés sont réduits au minimum, éclate. Voilà que chacun, de gré ou de force, va devoir s’extraire de ses ornières relationnelles. Un spectacle qui révèle les ressources insoupçonnées du soap opera à la française !
3 avril Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 38 10 45 theatre-des-ateliers.com
© DR
©Gaëlle Simon
La tentation d’Emma
2 & 3 avril Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr
au programme spectacles BOUCHES-DU-RHÔNE 35
Via Kanana
Sabordage !
Jean-Louis Kamoun adapte et met en scène le roman de Dumas, avec le Théâtre des 3 Hangars. Une telle trame, truffée de rebondissements, amours contrariées, vengeances, personnages cultes, est pain béni pour cette équipe rodée à la reprise de classiques. Leur version entretient le suspens, mais ne se prive pas d’une réflexion approfondie sur la corruption et le pouvoir de l’argent.
Sabordage !, est une courte pièce pour quatre acrobates et beaucoup de bastaings (poutres de bois) de différentes tailles et formes qui semblent bien dérisoires dans ce jeu d’équilibre absurde -et contrôlé avec une grande précision- qui n’est pas sans rappeler celui du monde qui nous entoure. Dans ce cirque humain fait de beauté éphémère et d’autodérision, La Mondiale Générale fera du plateau le lieu de tous les possibles.
© Christian Ganet
Le Comte de Monte-Cristo
2 avril Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net
© Mondiale générale
© Bouledogue production
Gregory Maqoma, l’une des figures majeures de la danse contemporaine africaine, signe la dernière création de la troupe sud-africaine Via Katlehong Dance, qui tire son nom d’un des township les plus vastes du pays. Huit interprètes pratiquent une danse contestataire, urbaine, issue du ghetto, pleine d’une énergie puissante, fantaisiste et grave. Un hymne à l’espoir.
10 avril Théâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 theatre-semaphore-portdebouc.com
Belgian Rules/Belgium Rules
5 avril Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 ville-gardanne.fr
© Dati Photography
© Wonge Bergmann
In the middle
Marion Motin s’entoure d’un crew entièrement féminin, les Swaggers, pour ouvrir la culture hip-hop à la diversité : c’est ainsi que ses interprètes dansent aussi bien sur les chansons des Doors que sur la musique de la regrettée Lhasa. La chorégraphe, formée auprès d’Angelin Preljocaj, Blanca Li ou encore Sylvain Groud, encourage chacune à développer sa propre gestuelle, afin de sortir des sentiers rebattus. 5 avril Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com
Jan Fabre livre une ode à son pays, la Belgique, en un portrait tout à la fois ironique et affectueux, critique et anticonformiste. Quinze interprètes, danseurs et comédiens, illustrent les tableaux de cette fresque joyeuse et sonore qui fait appel à d’illustres références incontournables dans le pays, parfois écornées avec beaucoup d’humour et de respect, telles Breughel, Magritte ou encore Jérôme Bosch… 12 & 13 avril Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net
36 au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse
Un démocrate
Livret de famille
© Philippe Rocher
F(l)ammes
2 avril La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com
2 avril Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr
© Naïf Production
2 avril Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com
© Justine Ducat
5 avril Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com
Cendrillon
C’est une chose d’entendre les loups hurler la nuit, c’en est une autre de tomber nez à nez avec eux ! Parti se promener dans la forêt qui jouxte sa maison, un petit garçon va en rencontrer successivement quatre… Mathilde Bethenod et Marion Lalauze adaptent le conte d’Alain Gaussel (Syros) avec des marionnettes en papier qui permettent aux tout-petits, dès 3 ans, d’aborder les différentes facettes de la peur. 3 avril Centre départemental, Rasteau 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com
© Arketal-ERACM
Les quatre loups
Des gens qui dansent
Dans leur dernière création, les cinq danseurs-acrobates du collectif avignonnais Naïf Production font vibrer des interrogations ontologiques et esthétiques universelles : que fait-on lorsqu’on se représente, quelle collectivité peut former une somme d’individus dansant différemment et verrouillant dans leurs gestes des parties d’eux-mêmes ? Du mot au geste, de la pensée au mouvement, tout se rejoint dans un ensemble commun.
Affrontement ou retrouvailles ? Comment vont-ils se comporter, ces deux frères que tout sépare, réunis le temps d’une soirée au prétexte de la disparition de leur mère ? Entre secrets bien enfouis et non-dits destructeurs, le texte d’Éric Rouquette, qui signe aussi la mise en scène, révèle les pensées les plus intimes de chacun d’eux avec pudeur et sensibilité. Avec Christophe de Mareuil et Guillaume Destrem. © François-Louis Athenas
Oubliez tout libre-arbitre, vous faites partie d’une masse qui répond favorablement aux stimuli vous enjoignant docilement à consommer. Peu importe le « produit », Eddie fait en sorte qu’il soit « librement » acheté… S’inspirant de la vie d’Edward Bernays, neveu de Freud, considéré comme l’un des grands théoriciens de la propagande politique, Julie Timmerman interroge la Démocratie telle que nous la connaissons dans les pays occidentaux en traversant les époques, du début du XXe siècle à nos jours.
Ahmed Madani s’est entouré de dix jeunes femmes dont il a recueilli la parole et qu’il met en scène pour raconter l’histoire d’une jeunesse des quartiers populaires qui se questionne et clame son besoin de reconnaissance. Toutes rêvent d’égalité, de visibilité, de tolérance dans une société française qui lorgne facilement vers le repli identitaire et qui fait de la peur un étendard. Des bribes de vie dites, chantées, dansées avec une belle énergie !
Sylvie Osman, avec sa compagnie Arketal, adapte et met en scène Cendrillon d’après le sublime texte de Joël Pommerat, avec des marionnettes à tringle manipulées par les élèves de l’Ensemble 27 de l’ERACM (École régionale d’acteurs de Cannes Marseille). Restitution de l’atelier qu’ils ont suivi avec S. Osman, présentée dans le cadre du Festival Festo Pitcho. 2 & 3 avril Maison Jean Vilar, Avignon 04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org
au programme spectacles vaucluse 37
L’école des machos Jean-Claude Idée adapte et met en espace le pamphlet humoristique de la psychothérapeute féministe mexicaine Marina Castañeda, Le machisme invisible. Yves Claessens, Amélie Remacle et Benjamin Thomas interprètent quatre couples en prise avec le machisme ordinaire et larvé, toujours très présent dans notre société contemporaine pas tout à fait égalitaire. Programmé dans le cadre du festival des Universités Populaires du Théâtre à Avignon.
Un amour de Frida Kahlo
Solos de clowns
© DR
4 avril Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 theatredeshalles.fr
© Nicole Doumenc
Issue de secours
Dans le cadre du festival des Universités Populaires du Théâtre à Avignon, qui propose des lectures-spectacles, le Chêne Noir programme la première pièce de Gérard de Cortanze, mise en espace par Jean-Claude Idée. En 1937, au Mexique, Frida Kahlo et Diego Rivera hébergent Léon Trotski et Natalia Sedova, exilés politiques. Une passion vive et éphémère enflammera l’artiste et le révolutionnaire…
Après une première résidence aux Carmes fin 2018, rebelote du 1er au 12 avril pour les clowns Olympe (Mylène Richard) et Superolol (Laurence Vigné). L’une est « de nature tyrannique et imprévisible », l’autre préfère s’extraire de l’humanité « pour retrouver son état sauvage originel ». Les deux artistes ont travaillé de concert, mais chacune sur un solo, qui sera présenté au public à la fin de la session.
3 avril Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr
© DR
© X DR
Preuves d’amour
L’amour et les preuves qu’on en donne, avec deux textes d’auteurs argentins, Esther Cross et Roberto Arlt, réunis en une pièce pour deux comédiens et des marionnettes par la Cie Émilie Valantin. Jean Sclavis met en scène des marionnettes, « grands personnages » manipulés autant qu’ils manipulent sur le thème inépuisable de la tyrannie amoureuse et des leurres employés pour parvenir à ses fins. 5 avril Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr
Le texte d’Alan Riding dont il sera fait lecture relate l’incroyable histoire de Varian Fry, quaker du New Jersey devenu journaliste, qui sauva près de 4 000 juifs et militants anti-nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis Marseille, malgré la surveillance du régime de Vichy, il leur obtint visas et faux papiers. Parmi eux, Claude Lévi-Strauss et Hannah Arendt. Dans le cadre du Festival de lecture théâtrale des Universités Populaires du Théâtre. 2 avril Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 theatredescarmes.com
12 avril Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 theatredescarmes.com
La Fille des Lumières La Fille des Lumières, c’est Mme de Staël, bien sûr ! Au XVIIIe siècle, la rejetonne du financier Jacques Necker, grande érudite, fréquente les gens de lettres, se montre plutôt favorable à la Révolution, déploie une énergie amoureuse considérable, et publie de nombreuses œuvres, tant littéraires qu’historiques, où se mêlent les questions politiques et sociales de son temps. Dans le cadre des lectures des Universités Populaires du Théâtre. 1er avril Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org
38 au programme spectacles vaucluse ALPES var
Ghost + Still life
Art
© JC Carbonne
8h30 rue des écoles
Les nuits barbares
© Julien Athonady
Les déclinaisons de la Navarre
2 au 4 avril La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu
© Pascal Victor-ArtComPress
2 au 6 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr
Portés, voire lancers circassiens ; toupies pieds en l’air, geste iconique du hip-hop ; sollicitations et réponses ritualisées de la capoeira... Une synthèse des pratiques les plus explosives des arts du geste se retrouve dans cette chorégraphie d’Hervé Koubi, qui s’inspire des migrations antiques, « des barbares aux yeux clairs arrivés des mers du Nord ou de ceux venus des rives de la Méditerranée ».
Costard
Certains voient dans ce mot familier la contraction de « costume » et d’un autre terme, encore plus familier. Le chorégraphe Hafid Sour s’attelle à relever les contradictions de ce symbole de la réussite sociale et du pouvoir masculin. Cinq hommes encravatés tombent la chemise et vont jusqu’à sortir les mouchoirs. Tout public à partir de 7 ans.
© Eric Janneteau
1er & 2 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu
10 avril Opéra Confluence, Avignon 04 90 82 81 40 operagrandavignon.fr
Nicolas Chaigneau et Claire Laureau sont tous deux comédiens et danseurs. Leur projet original consiste à revisiter la rencontre entre le futur Henri IV et Marguerite de Valois, telle qu’elle est romancée dans un téléfilm à l’eau de rose. Le tout en vingtcinq déclinaisons inventives, les protagonistes s’infligeant une série de contraintes loufoques, détournant les dialogues, voire échangeant leurs rôles.
« Tu n’as pas de consistance, tu es un être hybride et flasque ! » assène son ami de 30 ans au pauvre Ivan (Jean-Pierre Darroussin). En cause, un tableau entièrement blanc acheté par Serge (Charles Berling), pomme de discorde autour de laquelle ils vont se déchirer, avec le troisième protagoniste, Marc (Alain Fromager). Selon Yasmina Reza, il n’y a pas d’amitié qui tienne lorsqu’il s’agit d’apprécier (ou de déprécier) l’art contemporain ! © Remi Petit
Ghost est l’hommage rendu par Angelin Preljocaj au père du fameux Lac des cygnes, le chorégraphe Marius Petipa. Still life est une pièce inspirée par la peinture de Vanités, ces natures mortes dont le XVIIe siècle était friand, représentant par des objets symboliques la vacuité des passions humaines et le vide des apparences. Six danseurs habitent l’œuvre, construite comme un poème symphonique dédié à l’impermanence. L’univers sonore est signé Alva Noto & Ryuichi Sakamoto.
« Plongée engagée dans le milieu scolaire où ceux qui apprennent ne sont pas seulement ceux que l’on croit », ce spectacle de la Cie Le pas de l’oiseau est un théâtre de récit centré sur cette institution aussi aimée que malmenée : l’école. Amélie Chamoux et Laurent Eyraud Chaume en incarnent les personnages : élèves, parents, enseignant, ministre... C’est burlesque et quasi documentaire ! Pour les 10 ans et plus.
5 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu 2 avril Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com
au programme spectacles alpes-maritimes var 39
Voyage en ascenseur Enfermés dans un ascenseur en panne, au sous-sol de l’entreprise, la femme du Patron (Corinne Touzet) et l’homme de ménage Moctawamba (Jean-Erns Marie-Louise) n’auraient à priori rien à se dire. Le huis clos aidant, le temps passant, Juliette, drôle et angoissée, partage avec son compagnon d’infortune, poète et secret : la rencontre se fait. Alors le monde s’élargit. (texte de Sophie Forte, mise en scène Anne Bourgeois)
6 avril La Croisée des Arts, Saint-Maximin-la-Sainte Beaume 04 94 72 58 85 croiseedesarts.com
© Tristram Kenton
Play
5 avril Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com
© Fernanda Kirmayr
São Paulo Dance Company
Soirée d’exception, puisque c’est une avant-première française du triple programme proposé la compagnie brésilienne dirigée par Ines Borgea. Trois pièces, initiées par le Melhor unico dia du grand chorégraphe brésilien Rodovalho, suivie de L’Oiseau de feu chorégraphié par l’Allemand Marco Goecke, pour finir sur la création de Joëlle Bouvier, spécialement écrite pour les danseurs de la compagnie.
13 avril Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com
Deux mondes se rencontrent, en mouvements et musique. La danseuse et chorégraphe Shantala Shivalingappa, vibrante ambassadrice du Kuchipudi, danse traditionnelle du sud-est de l’Inde, échange, rivalise, joue et séduit Sidi Larbi Cherkaoui, figure majeure de la danse contemporaine. Deux langages dansés, qui se répondent et se cherchent, se développent et se régénèrent. Virtuose. 3 avril Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr
Véritables plongées dans la langueur soufrée argentine, les soirées en compagnie de cet ensemble dédié au Tango sont inoubliables. Un couple de danseurs, un chanteur et cinq musiciens dirigés par l’altiste et guitariste Ludovic Michel proposent un concert-spectacle aux charges éroticopoétiques, incarnées par les chorégraphies précises et charnelles de Rodrigo Rufino et Gisela Passi. De quoi se mettre en jambes pour la milonga (bal), ouverte à tous après le spectacle ! 5 avril Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr
La main de Leila
© Lisa Lesourd
40 ans après une première adaptation mise en scène par Peter Brook, la mise en récit du célèbre conte philosophique soufi qu’en avait faite Jean-Claude Carrière déploie à nouveau ses ailes grâce à Guy Pierre Couleau, qui propose un spectacle enchanteur, avec 10 interprètes danseurs-conteurs, masques, costumes à plumes, musique (Philippe Miller). Les oiseaux cherchent leur roi, et il faudra triompher de beaucoup d’épreuves avant de le trouver, là où on ne l’attendait pas...
Tanguísimo
© Niels Sanderborg
© Serena Carone
La conférence des oiseaux
Une histoire d’amour interdit, au pays dont la jeunesse se soulève aujourd’hui. Régis Vallée avait créé ce beau texte de Aïda Asgharzadeh et Kamel Isker en 2014, créant l’événement au festival off d’Avignon. Repris au théâtre de Grasse, il aura certainement encore plus de résonnance, dans l’atmosphère électrique des élections algériennes. La pièce évoque censure, amour, révolte, avec trois comédiens au top : les deux auteurs et Azize Kabouche. 4 avril Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 theatredegrasse.com
40 au programme spectacles ALPES MARITIMES GARD
La convivialité
Ahmed Madani
Arnaud Hoedt et Jérôme Piron s’attaquent à l’un des bastions les plus coriaces de la culture française : son orthographe ! Sans démagogie aucune, ils abordent les exceptions qui font la règle, leur histoire, leur absurdité parfois, et réconcilient les défenseurs de l’accord du participe passé et les rétifs de la sacralisation d’un usage usagé. Une conférence-spectacle ludique et instructive.
Florence Lavaud a mené des ateliers avec des adolescents, plaçant les jeunes au cœur du processus créatif. Il en ressort cet objet théâtral vivifiant : un texte écrit par les slameurs Marco Codjia et Souleymane Diamanka, très librement inspiré du personnage shakespearien Puck, une partition rock, et un interprète tout feu tout flamme (Jérémy Barbier d’Hiver). Prêts pour rêver ? (à partir de 9 ans)
© Charles Zang
4 avril Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com
© X DR
© Véronique-Vercheval
Songe !
Fais que les étoiles me considèrent davantage
3 avril Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com
Le metteur en scène montpelliérain Jacques Allaire a commandé ce texte au jeune écrivain Hakim Bah, qui nous livre une pièce à la langue puissante, à l’imaginaire aventurier puisé chez Jack London. Il y est question d’amour, de terres lointaines, de quête d’or, de rêves d’une vie nouvelle. Et quand la richesse pointe, une terrible nature fait surface entre les protagonistes. Un univers âpre et beau.
Au courant
Ahmed Madani est un artisan écrivain. Il récolte et manie sa matière textuelle en écoutant ceux dont il met depuis plus de 30 ans la vie sur scène. Adepte d’un théâtre qu’on dit documentaire –ce qui n’exclut pas d’y mettre beaucoup de poésie, de rêve-, il s’attache particulièrement à bâtir des ponts entre les territoires les plus divers (banlieue, émigration, Histoire, générations...). F(l)ammes tourne actuellement dans la région. (Lire P. 36) 3 avril Maison des littératures à voix hautes, Nîmes 04 66 62 06 66
Marie Darrieussecq
©Jacques Allaire
© Ji Elle
Un autoportrait déroulé à la vitesse d’un tapis de course : Kristien De Proost, en 8 kilomètres parcourus à petites foulées sans jamais descendre de l’appareil, livre ses réflexions existentielles, des pensées plus triviales, son quotidien, pendant que son assistant (Mark De Proost) la ravitaille en eau, en accessoires, change la musique pour mieux coller au récit de la comédienne. Et bien sûr, elle ne parle que d’elle et pourtant, elle s’adresse à nous tous.
© Mirjam Devriendt
2 & 3 avril Odéon, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com
9 au 11 avril Odéon, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com
Auteure discrète et constante, Marie Darrieussecq bâtit une œuvre concentrée. Démarrée en fanfares avec la sortie de son premier roman Truismes, elle continue depuis à creuser le sillon de sa littérature qu’elle dit inspirée de Kafka et des récits antiques. (Prix Médicis pour Il faut beaucoup aimer les hommes, 2013) 11 avril Maison des littératures à voix hautes, Nîmes 04 66 62 06 66
au programme spectacles GARD hérault 41
Études, The elephant in the room
© Antonio Gomez Garcia
Ça commence bien : si le titre est annoncé comme étant le bon, et bien non, il est en fait provisoire, nous précise-t-on. Il va falloir s’habituer à se laisser mener en barque par ces « Presque digitateurs » Kevin Laval et Mathieu Pasero, rockeurs magiciens à paillettes, maitres de l’imposture. « Tout ce que vous allez voir ne se passera en réalité que dans votre tête... » Et pourtant ils sont bien là, en vestes à paillettes et avec leur guitare électrique ! La magie est dans les têtes... À partir de 10 ans.
9 & 10 avril Théâtre des 13 vents, Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 13vents.fr
11 & 12 avril Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 lecratere.fr
Du Marion Aubert au sommet ! L’auteure montpelliéraine, toujours ancrée dans les problématiques contemporaines, fait une incursion dans les années 30, pour mieux revenir à nos peurs et rêves d’aujourd’hui. Neuf comédiens (issus de la Comédie de Saint-Etienne) décident d’occuper le théâtre, et de faire la révolution : c’est cocasse et enlevé, mis judicieusement en scène par Marion Guerrero.
Giselle
© John Hogg
© Antonio Gomez Garcia
Pas évidentes les vacances pour Léopold ! Car il va les passer chez sa grand-mère Mamie Ronce, tout en chignon hérissé et poil au menton, qui n’aime que son chien Moquette, qui lui n’aime pas les enfants… Entre ricanements et soupe aux orties, le délicat théâtre d’ombres de Théodora Ramaekers, fait de collages et gravures, recèle beaucoup de poésie et de tendresse. Dès 5 ans. 11 & 12 avril Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr
Tumultes (Une pièce française 1)
Money
© Sonia Barcet
Françoise Bloch interroge et se confronte aux sujets socio-économiques qui grattent. Elle et sa Cie Zoo Théâtre apprennent chaque fois à maitriser langage, tics, habitus et logique des mondes qu’ils pénètrent. Money est construit autour de la question du trajet de l’argent –le notre, le votre- dès lors qu’il est déposé à la banque... Il fallait bien pour cela convoquer une « chorégraphie à roulettes » (et de la vidéo, de la musique, et 4 acteurs). 2 au 5 avril Théâtre des 13 vents, Domaine de Grammont, Montpellier 04 67 99 25 00 13vents.fr
Mange tes ronces
© Alexander Meeus
© Sileks
Titre définitif*
Prolongation du spectacle Money présenté la semaine précédente aux 13 vents, celui-ci explore les liens entre finance et politique. En 2008, suite à la crise financière, une loi devait réduire le pouvoir des banques. Elle a bien été votée par l’Europe, mais n’est en rien effective. Une arnaque aussi grosse qu’un éléphant au milieu de la pièce. Françoise Bloch expose un spectacle en train de se construire, avec 3 comédiens qui jouent leur propre rôle.
4 & 5 avril Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr
Dada Masilo, surnommée « l’Amazone de Johannesburg », poursuit sa relecture de classiques européens. Après s’être attachée aux personnages d’Ophélie ou Carmen, la voilà qui dynamite le ballet romantique par excellence, Giselle. D’une jeune fille qui se laisse mourir d’amour, elle fait une héroïne révoltée et vengeresse. Une pièce pour 12 danseurs, embrasée par des chants zoulous qui réveillent la partition originale d’Adolphe Adam. 2 & 3 avril Théâtre Molière, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com
42 au programme Spectacles Hérault Musiques Bouches-du-Rhône Vaucluse
Les rois de la piste
Chanter l’icône Sans doute l’une des plus belles icônes conservées au Petit Palais à Paris est celle que l’on doit à Franghias Kavertsas (16151648), En toi se réjouit toute la création, illustration d’une des nombreuses hymnes à la Vierge Marie, (du VIIIe par Jean Damascène dans la liturgie de Saint-Basile). Le compositeur érudit Michel Petrossian en a composé une nouvelle version que l’Ensemble Musicatreize, sous la houlette de Roland Hayrabédian, interprètera lors d’une conférence chantée (présentée par Raphaelle Ziadé) dans une mise en espace de Toni Casalonga.
© Iovino
Broadway symphonique 2
Thomas Lebrun aborde un thème que d’autres chorégraphes (Mathilde Monnier en particulier) ont déjà visité : le microcosme qui sévit sur le dancefloor. Avec quatre interprètes (et lui-même), il choisit de s’y lancer avec humour et autodérision, avec un sens aigu du corrosif. Plus tendre que moqueuse, la pièce nous présente un miroir amusé de nos stratégies sociales. Bal chorégraphique avec DJ Moulinex à la fin du spectacle !
Fort du succès de Broadway Symphonique en 2018, l’Orchestre Philharmonique de Marseille, dirigé avec enthousiasme par Emmanuel Trenque, réitère la proposition avec un volet deux, dans le prolongement de West Side Story et des Misérables. Laurence Janot (soprano) et Régis Mengus (baryton) serviront les partitions enlevées des comédies musicales qui ont enchanté Broadway.
9 avril Le Méjan, Arles 10 avril Salle Musicatreize, Marseille 12 avril Pôle culturel Dracénie, Pourrière 04 91 00 91 31 musicatreize.org © DR
12 avril Théâtre Molière, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com 5 avril Odéon de Marseille 04 96 12 52 70 odeon.marseille.fr
Lev Sivkov & Janos Palojtay
Un instant
Très belle adaptation d’À la recherche du temps perdu... Jean Bellorini (aussi à la mise en scène) et Camille de la Guillonnière se sont focalisés sur les souvenirs d’enfance de Proust, en particulier ceux qui le rattachent à sa grand-mère. C’est beau, subtil, émouvant. Avec seulement deux comédiens (Hélène Patarot et Camille de la Guillonnière), l’atmosphère est totalement dédiée à l’univers hypnotique proustien.
Soirée de partage entre amateurs éclairés et musiciens professionnels, le concert présenté au CNR réunit en lever de rideau des élèves de la Cité de la Musique de Marseille et le Quatuor à cordes Garance, issu de l’Orchestre Philharmonique de Marseille. Cécile Bousquet Melou, Sophie Perrot (violons), Blandine Leydier (alto) et Élisabeth Groux (violoncelle) offriront ensuite un programme slave avec des pièces de Dvořák et de Borodine.
© DR
© Pascal Victor
Quatuor à cordes Garance
Duo de haute volée entre le violoncelle de Lev Sivkov et le piano de Janos Palojtay au sein du Conservatoire du Grand Avignon, amphithéâtre Mozart. Un programme éclectique permettra d’apprécier la vaste palette des deux interprètes, avec des pièces de Janácek, Prokofiev, Bartok, Grieg et Schumann. 2 avril Conservatoire du Grand Avignon, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr © DR
4 & 5 avril Théâtre Sortie Ouest, Domaine départemental de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr 5 avril CNR Pierre Barbizet, Marseille 04 91 39 28 28 opera.marseille.fr
au programme musiques vaucluse var
hérault alpes-maritimes 43
Horizons croisés
Figures latines
À la tête de l’Orchestre régional Avignon-Provence, en chef invité, Benjamin Lévy mettra sa direction enthousiaste et inspirée au service de pièces qui rappellent le Paris de la fin XIXe et début XXe : légèreté parfois potache d’un Bœuf sur le toit de Darius Milhaud, brève et espiègle Sinfonietta de Poulenc, virtuosité des pièces de SaintSaëns (Introduction et Rondo capriccioso en la mineur), ou encore mélancolique évocation de la fête, aux couleurs des tableaux de Watteau, avec les verlainiens Masques et Bergamasques de Fauré. Au piano une grande soliste, Geneviève Laurenceau.
L’Orchestre national Montpellier Occitanie, dirigé par Ernest Martinez-Izquierdo accueille la merveilleuse violoniste Leticia Moreno pour un voyage à Buenos Aires à la suite d’Astor Piazzola et ses 4 saisons de Buenos Aires (arrangement Leonid Desyatnikov). Dans la lignée argentine, on entendra Estancia opus 8 suite de ballet (en extraits) d’Alberto Ginastera, avant de plonger dans l’Espagne de Manuel de Falla et sa suite d’orchestre, L’Amour sorcier.
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Paris était une fête
5 avril Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr
© Omar Ayyashi
L’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon, sous la houlette de son directeur musical, Jurjen Hempel, interprètera deux œuvres majeures du répertoire, le Concerto n°1 en la mineur op.77 de Chostakovitch puis la Symphonie n°1 en ut mineur op.68 de Brahms. L’immense violoniste Guy Braunstein conjuguera la virtuosité de son violon (instrument rare, réalisé en 1679 par Francesco Roggieri) à celle de l’ensemble. (En partenariat avec le Festival de Musique de Toulon et sa Région). 5 avril Opéra, Toulon 04 94 92 70 78 operadetoulon.fr
11 & 12 avril Opéra Berlioz, Montpellier 04 7 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr
Concert Lauréats Voix nouvelles
L’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Victorien Vanoosten accompagnera les chanteurs lauréats du concours Voix Nouvelles 2018 sur un programme éclectique où se croiseront Bizet, Massenet, Gounod, Rossini, Verdi, Donizetti, Puccini, Lehár… Hélène Carpentier (soprano gagnante de l’édition 2018) se produira aux côtés de Caroline Jestaedt (soprano), Anas Séguin (baryton) et Florian Laconi (ténor, lauréat de l’édition 2002).
Éternellement vagabonde, La Truite (Die Forelle) de Schubert, en son délicieux Quintette en la majeur, qui mêle avec espièglerie piano (Amalie Malling), violoncelle (Cyrille Tricoire), violon (Aude Périn-Dureau), alto (Éric Rouget) et contrebasse (Benoît Levesque). Viendront rejoindre la formation la clarinette (Andrea Fallico) et le cor (Sylvain Carboni) dans le Sextuor op.37 de Dohnányi, tandis que piano et clarinette se retrouveront seuls pour le Fantasiestücke op.73 de Schumann. Délicieuses insouciances !
Mille et une nuits
© Ashraf Kessaissiag
© X-DR
Die Forelle
© Andrea Fallico
7 avril Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr
13 avril Salle Pasteur, Le Corum, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr
L’Orchestre de Cannes se dédie lors de ce concert exceptionnel aux musiques du monde sous la houlette de Benjamin Levy. Entre Weber et Idir, Ravel et la musique classique algérienne, Saint-Saëns et la musique traditionnelle arabe, Bizet, Grieg, Delibes, la musique traditionnelle grecque, se tissent des échos, des alliages, que servent avec brio Amel Brahim-Djelloul (soprano), Pauline Sabatier (mezzo-soprano) et l’Ensemble Amedyez (Rachid Brahim-Djelloul, violon, Noureddine Aliane, oud, Dahmane Khalfa, derbouka et percussions, Youssef Zayed, percussions). 31 mars Théâtre Croisette, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com
44 au programme musiques Alpes maritimes Gard Hérault Bouches-du-Rhône Vaucluse
Voyage Baroque
Causerie musicale
© Alexandre Chevillard
Orchestre les Siècles
© Ansgar Klostermann
L’Orchestre Les Siècles, dirigé par François-Xavier Roth, propose les trois dernières symphonies de Mozart, écrites l’été 1788. Le génie mozartien est servi avec l’enthousiasme et la virtuosité intelligente de cet ensemble sur instruments anciens. On entendra successivement la Symphonie 39 en mi bémol majeur, la Symphonie 40 en sol mineur et la Symphonie 41 en ut majeur, dite Jupiter (un clin d’œil ?).
4 avril Théâtre de Fos-sur-Mer 04 42 11 01 99 scenesetcine.fr
Clara Luciani
Mandy Lerouge
2 avril Théâtre Alexandre III, Cannes 04 92 98 62 77 orchestre-cannes.com
12 & 13 avril Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 theatredenimes.com
© BookYourShow
6 avril Théâtre Molière-Sète, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com
Titre de sa mythique chanson, La Causerie Musicale de Michel Fugain est devenue un spectacle. Une belle aventure artistique depuis plus de cinquante ans que le chanteur raconte en partageant sur scène toutes les petites histoires entourant la création de ses morceaux les plus célèbres. Entre deux confidences, il invitera tout le public à un joyeux karaoké pour chanter ses tubes.
Il est loin le temps où la jeune Clara Luciani, 19 ans, intégrait La Femme. Aujourd’hui la brune aux yeux charbonneux trace sa route en solitaire avec son premier album plus rock que pop, baptisé Sainte-Victoire en clin d’œil au pays aixois et à sa Provence natale. Sur onze morceaux en mots délicats, elle se livre telle qu’elle est, juste une femme guérie d’une rupture difficile, avec ses failles et ses interrogations.
La « madrugada » chaleureuse et solaire de Mandy Lerouge convoque les plus grands auteurs du folklore argentin, dont elle chante les histoires en espagnol ou en langue guaraní. Le concert se déroule comme un voyage, de Buenos Aires jusqu’au nord du pays, dans les provinces de Misiones et Santiago del Estero. Un répertoire issu des musiques traditionnelles argentines, créé avec le soutien de la Cité de la Musique de Marseille. © Manuel Obadia-Wills
Plongée en plein XVIIe siècle avec ses musiques, anglaise, française, allemande, sur instruments d’époque ! Jean-Emmanuel Caron (basse de viole), Philippe Tallis (violon), Charlotte Bouchet (hautbois), Bérengère Renou (flûte à bec), Dimitri Goldobine (clavecin et théorbe) aborderont lors de ce « Mardi de l’Orchestre », des œuvres de Henri du Mont, Telemann, Erlebach, Geminiani, Loeillet, Coperario, Bodin de Boismortier. Que de découvertes !
L’œuvre de Purcell n’en finit pas de séduire par sa fraîcheur, son inventivité, sa richesse mélodique. Johannes Pramsohler dirige l’Ensemble Diderot avec un sens aigu des nuances, tandis que les interprètes Agnieszka Slawinska, Fabien Hyon, Daphné Touchais, Chloé de Baker, donnent chair aux personnages de l’Eneide, dans la mise en scène fine et intelligente de Benoît Bénichou.
© Anne-Sophie Soudoplatoff
© Hughes Lagarde
Didon et Énée
5 avril Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com
5 avril La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com
au programme musiques vaucluse alpes var hautes-alpes hérault 45
Gliss and Mix
© Marc Philippe
Alexis HK
C’est la folie pendant deux jours au ski sur les pistes de Vars la Forêt Blanche. Concert gratuit sur la neige, The Avener assurera le DJ set pour que tout le monde puisse se dandiner en combi’ et bottes de cosmonaute aux pieds. Tous les fonds récoltés seront reversés au profit de l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille pour financer la recherche contre le cancer ainsi qu’un projet innovant pour accompagner les malades, axé autour de la Sport Thérapie.
©The Avener
Sixième album pour le gentil caustique Alexis HK, l’auteur-compositeur-interprète à la verve faussement légère. Baptisé Comme un ours, l’opus de 11 titres s’accorde sur une ligne mélodique folk et dépouillée, jouée à la guitare acoustique, au ukulélé, à la basse ou au banjo. Sous l’œil sévère de son « double bipolaire » (l’ours), l’artiste oscille entre l’angoisse d’un avenir pas très rose et l’espoir de pouvoir remonter à la surface.
6 & 7 avril Front de neige, Vars la Forêt Blanche vars.com
3 avril Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com
Babx
Deux univers singuliers avec Laura Perrudin et Leïla Martial. La première joue d’un instrument unique, la harpe chromatique électrique. Remarquée en 2015 avec Impressions, elle signe en 2017 un second album, l’onirique et inclassable Poisons et Antidotes. La seconde impressionne par ses acrobaties vocales et son groove indéniable, qu’elle déploie au sein de son groupe BAA BOX. Un jazz décomplexé qui repousse les limites de l’improvisation. 5 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 theatredurance.fr
Projet musical, vidéo et scénographique, Les saisons volatiles du singulier Babx s’appréhende comme une métaphore du temps qui passe. Les saisons s’incarnent en trois danseuses chinoises qui évoluent autour du pianiste chanteur. Chaque morceau est un fragment de l’intimité de l’artiste, une observation poétique de la vie qui défile et qu’il observe depuis la fenêtre de son appartement parisien.
© Jenna Garnier
© DR
Laura Perrudin et Leïla Martial
9 avril Théâtre Molière, Sète 04 67 74 02 02 theatredesete.com
46 Au programme arts visuels bouches-du-rhône
Les Reliquaires de A à Z
10 avril au 2 septembre Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org
Tarifs d’abonnement et d’adhésion Abonnement annuel
payable en 1 fois par chèque ou sur notre site via paypal (paiement sécurisé)
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au lieu de 120€ au numéro
Abonnement pour 6 mois payable par chèque ou sur paypal
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Bras-reliquaire, région alpine, seconde moitié du XVIII siècle. Bois, verre, soie, métal, papier. Mucem © Mucem - Yves Inchierman e
Persona La curatrice Diana Marincu prend le motif du masque comme point de départ de cette exposition d’œuvres d’artistes roumains qui questionne les notions d’identité et d’identification en mêlant art contemporain, folklore et arts populaires. Aux objets traditionnels des collections du Mucem s’adjoignent des dessins, installations, sculptures, photos et œuvres inédites de huit artistes, créés spécialement pour l’occasion. Exposition organisée dans le cadre de la saison France-Roumanie 2019. DO.M. 5 avril au 23 juin Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org
Abonnements multiples / Parrainage / adhésion de soutien contacter mjacquens.zibeline@gmail.com
Abonnés en cours :
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Adresse électronique (en lettres capitales) : Téléphone : Profession et centres d’intérêt :
(Facultatif. Cette information nous est utile pour mieux connaître, et donc mieux satisfaire, notre lectorat.)
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Anca Munteanu Rimnic, Simulanta III, 2017 © Anca Munteanu Rîmnic
ZIBELINE
Acquise par le Mucem en 2002 auprès d’un particulier, la collection unique de près de 500 reliquaires est exposée en un abécédaire mystique qui rend compte de la variété, des formes, des techniques et de leurs usages, du XVIIe siècle au premier tiers du XXe siècle. Déclinaison en 26 lettres de reliques (restes humains de saints personnages ou d’objets leur ayant appartenu ou ayant été en contact avec leur corps), sous le commissariat d’Émilie Girard. DO.M.
ABONNEZ -VOUS !
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au programme ARTS VISUELS BOUCHES-DU-RHÔNE 47
Frédéric Clavère Surprise totale ! Ce seront des peintures récentes, mais à l’heure où nous écrivons ces lignes, le responsable de la galerie, Bernard Plasse lui-même ne sait pas encore ce que nous réserve l’artiste. Lorsqu’on connait le penchant de Frédéric Clavère pour des projets aux hybridations incongrues... C.L. Surprise partie jusqu’au 6 avril Galerie du tableau, Marseille 04 91 57 05 34 galeriedutableau.org © Frédéric Clavère
Galerie Zemma Les photos en noir et blanc de Claude Cieutat, architecte de formation, présentent des sujets presque disparus, au cœur de perspectives très rigoureuses. Elles sont associées aux panneaux recyclés d’acier abrasés et colorés de Marc Ragouilliaux. Une sculpture monumentale signée des deux artistes, Infinir, rappelle le mouvement incessant du vivant. A.Z. En perspective, des mesures et des sens jusqu’au 9 mai Galerie Zemma, Marseille galeriezemma.fr Vue de l'exposition © Vincent Beaume
Rencontres du 9e Art Créations, performances, lectures dessinées, expositions, ateliers, workshops… tout ce qui fait le sel des Rencontres du 9e Art est à l’affiche de ce salon atypique. Tous les lieux jouent le jeu pour accueillir auteurs et publics, et toutes les grammaires de la BD internationale s’y donnent rendez-vous : la typo et le dessin de Stéphane De Groef, les sous-bocks de Laurent Lolmède, les mangas de Saïd Sassine… M.G.-G. 6 avril au 25 mai Office de tourisme, Aix-en-Provence 04 42 16 11 61 bd-aix.com
© STEPHANE DE GROEF Rencontres du 9e art 2019
Serge Assier Il fallait bien cela ! Trois lieux pour une méga R.e.t.r.o.s.p.e.c.t.i.v.e couvrant presque un demi siècle de photographie. Reporter-photographe (Birkin/Gainsbourg en 1974...), ami des écrivains (M. Butor, R. Char...), voyageur (Chine, Berlin...). Pour Serge Assier photo et livres de photos se complètent. Parmi ses récents ouvrages, des hommages à Arles et Oppède-Le-Vieux son pays natal. Vernissage le 5 avril à 18h30, Chapelle des Pénitents Bleus. C.L.
Good Mistral, images stéréoscopiques, 2000 © Serge Assier
R.e.t.r.o.s.p.e.c.t.i.v.e 6 avril au 2 juin Chapelle des Pénitents Bleus, Cinéma EdenThéâtre, Médiathèque Simone Veil, La Ciotat laciotat.com
48 Au programme arts visuels bouches-du-rhône Alpes maritimes var
Yom de Saint-Phalle Le sculpteur Yom de Saint-Phalle creuse successivement la matière en hauteur, en largeur et en profondeur pour répondre à son interrogation : « Comment transcrire plastiquement la vie, son essence la plus haute, de manière juste et concrète ? ». De ce geste naît un espace fait de lumière, une quatrième dimension qu’il explore depuis qu’il a quitté la Légion pour se consacrer à l’art, au côté de sa tante Niki de Saint-Phalle. M.G.-G. 30 mars au 15 juin Centre d’art contemporain Les Pénitents noirs, Aubagne 04 42 18 17 26 aubagne.fr 30 mars au 22 septembre Musée de la Légion étrangère, Aubagne 04 42 18 13 27 musee.legion-etrangere.com
Franck Pourcel
Crystal, acier doux, mosaïque de miroirs de verre teinté dans la masse 6 couleurs © Yom de Saint-Phalle
Gérard Traquandi L’artiste marseillais endosse le rôle de commissaire le temps d’une exposition, Contrepoint, conçue comme une partition musicale. Il se faufile entre des œuvres choisies dans la Donation Albers-Honegger dont « la part romantique et sentimentale [lui] saute aux yeux », et se joue de ses paradoxes pour inventer un nouveau parcours dans la déambulation ascensionnelle de l’architecture. M.G.-G. Contrepoint 6 avril au 5 avril 2020 Espace de l’art concret, Mouans-Sartoux 04 93 75 71 50 espacedelartconcret.fr
© Franck Pourcel
Alliant regard documentaire et création artistique, Franck Pourcel crée une œuvre ouverte, toujours en mouvement. Pour preuve l’exposition itinérante Ulysse ou les constellations où il réinvente une géographie (« espaces imaginaires ») sans cesse enrichie, présentée selon un dispositif précis et différentes formes : photographies, tracés, bâches, projection, CD son, publication. M.G.-G. 23 mars au 25 mai Maison de la photographie, Toulon 04 94 93 07 59
Gérard Traquandi, Sans titre, 2005, courtesy de l’artiste et de la galerie Laurent Godin, Paris © photo Grégory Copilet © Adagp, Paris 2019
Picasso, 30 ans d’affiches Idée originale, que de célébrer Picasso à travers son talent d’affichiste. Le Théâtre de l’Esplanade présente dans son nouveau hall d’exposition 30 ans (1949-1979) de création graphique du maître andalou, avec 20 affiches originales issues de la collection Georges Jauffret, dont la plus célèbre d’entre elle, qui fête ses 70 ans : La Colombe, qu’Aragon avait choisie pour annoncer le Congrès mondial de la paix. A.Z. jusqu’au 15 juillet Théâtre de l’Esplanade, Draguignan 04 94 50 59 59 theatreendracenie.com Vue de l'exposition © Théâtre Dracénie
au programme ARTS VISUELS vaucluse alpes de haute-provence gard hérault 49
Montagnes Dans le cadre du projet « des Marches, Démarches », initié par le FRAC PACA, deux séries font écho, tournées vers la montagne, la marche, le paysage. Tas, une sélection de peintures de Nicolas Desplats et la série Dans la gueule de l’espace d’Eric Bourret pour l’approche photographique. Où la représentation s’envisage parfois jusqu’à l’effacement. Vernissage le 6 avril. C.L. 6 avril au 1er juin Galerie Martagon, Malaucène 04 90 65 14 29 galeriemartagon.com
Une Montagne, Nicolas Desplats
Lara Almarcegui Lara Almarcegui explore la tension entre destruction et renouvellement dans des sites en transformation. Pour Béton, elle a réinvesti le récent chantier paysager de la rivière de la Bléone, dont elle a récupéré les matériaux (béton, sable, ciment) pour couvrir le sol de la salle d’exposition. En faisant émerger une mémoire souterraine, l’artiste espagnole mène une réflexion sur l’évolution de l’urbanisme en faisant des débris un élément politique. A.Z. 6 avril au 30 juin CAIRN Centre d’Art, Digne-les-Bains
04 92 62 11 73 cairncentredart.org
Lara Almarcegui, Béton, CAIRN centre d'art, Digne-les-Bains, 2019 © François-Xavier Emery
Nicole Péguy-Decobert Elle fut directrice d’école et une collectionneuse émérite. Nicole Péguy-Decobert anima aussi la galerie L’Utopie consacrée à la céramique, dont la reconnaissance a su dépasser les frontières régionales. C’est un authentique hommage que propose le musée en exposant une partie de sa collection, où se côtoient Gisèle Buthod-Garçon, Claude Champy, Pierre Bayle...Vernissage le 7 avril à 11h. C.L. 7 avril au 20 octobre Musée de la Poterie Méditerranéenne, Saint-Quentin-La-Poterie 04 66 03 65 86 musee-poterie-mediterranee.com
une création de Daphné Corregan © Christine Refalo
Jano Pesset Jano Pesset, après une enfance passée dans la campagne ariégeoise dans les années 40, découvre en 1969 l’œuvre de Jean Dubuffet. S’inspirant aussi de certains travaux de Picasso, il entreprend de travailler le lierre, matériaux pauvre et rejeté, dont il utilise les tiges sinueuses pour signifier des dessins. Avec du bois de noisetier peint, il crée des assemblages de personnages avec des inscriptions narratives, teintées d’une forte dérision. A.Z.
Jano Pesset l'avaleur de nuages
3 avril au 1er septembre Musée d’Art brut, Montpellier 04 67 79 62 22 atelier-musee.com
50 critiques arts visuels
L’intangible prend corps
Tropics © Mathilde Lavenne
L’
Ardénome, très beau lieu d’art contemporain ouvert il y a un an par la Fondation Edis dans l’ancien Grenier à Sel d’Avignon, propose, dans le cadre de la biennale régionale des imaginaires numériques Chroniques, une exposition intitulée Sans Gravité. Et sous-titrée Une poétique de l’air. Car c’est bien de cela dont il est question : les quatre artistes réunis par Véronique Baton, commissaire du lieu, cherchent à atteindre, au delà de l’innovation technologique, ou plutôt à travers elle, la poésie des choses intangibles. Etienne Rey présente une série de cinq
œuvres, Horizon faille, commande de la Fondation Edis. Un bassin basculant qui produit des vagues, hypnotique, un triptyque qui nous plonge au cœur infini de la matière et du zoom perpétuel, un jeu de lignes et d’illusions... Les œuvres, de nature très différentes, se rejoignent par la paradoxale matérialité de leur abstraction, physique. Dans le hall d’entrée Edith Deckyndt a placé un ballon d’hélium et d’oxygène qui monte et descend selon la pression, lentement, répondant aux Slows objects, vidéos qui explorent au ralenti les déformations et mouvements d’un élastique ou d’un niveau à bulle. Et on regarde l’air bouger... Au sous-sol Hugo Deverchère produit une tornade de vapeur avec un ventilateur et des ultrasons, pour affronter la
peur climatique et « maîtriser l’aérien ». L’univers de Mathilde Lavenne est moins évanescent, mais tout aussi onirique. Tropics, une vidéo de 13 minutes, plonge dans l’univers et l’histoire de fermiers de la vallée mexicaine du Rio Bobos. Le traitement de l’image, produite avec un scanner 3D, donne l’impression de voir à travers les paysages et les gens, des spectres en noir et blanc, images du réel comme dessinées par dessus... Le même principe de trace spectrale est à l’œuvre dans Artefact : il s’agit de faire parler, ou plutôt sonner, la matière. Un rouleau de marbre dont elle numérise les marbrures qu’elle transforme ensuite en sons. La voix du marbre ? AGNÈS FRESCHEL
Sans gravité, une poétique de l’air jusqu’au 22 juin Ardénome, Avignon 04 32 74 05 31 ardenome.fr
Murmures photographiques
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ur les murs du centre ancien de Toulon, certains croisent le regard fixe des inconnus photographiés par Alejandra Carles-Tolra, d’autres marquent une pause, d’autres encore n’y prêtent pas attention. C’est le risque implicite. Mais ceux qui se laissent guider par un instinct aujourd’hui rôdé -l’espace urbain vivant a été ouvert en 2017- sont interpellés par ces visages masqués, anonymes, plaqués sur un fond rouge identique qui amplifie l’effet d’uniformisation des apparences. Ils sont muets, comme empêchés, la tête parfois recouverte d’un masquecoiffe anti-pollution : seul le style de leur « Khan trang » détermine leur personnalité, unique signe distinctif, à la fois incarnation de leur statut social et accessoire de mode et de beauté. Ce retour aux sources de la rue pour Saving Face prend tout son sens ici et comble de joie la photographe barcelonaise basée à Londres. À cette série s’ajoute, dans un genre documentaire,
un travail sur l’équipe féminine de rugby de l’université Brown aux ÉtatsUnis. Cadres serrés sur des corps en souffrance, plans larges sur la dynamique collective : The Bears met en valeur « les dualités qui définissent ce sport et ses joueuses : la violence et la grâce, la force et la faiblesse, le masculin et le féminin » des joueuses. Une manière pour Alejandra CarlesTolra de « remettre en question les idées préconçues à propos de l’identité féminine et élargir sa signification ». Que signifie être « une rugby girl » ? Cela existe-t-il vraiment ? Et, plus largement, de poursuivre son questionnement sur « comment notre perception de l’identité d’un individu est influencée ». Au total, en écho au Théma « Saïgon » et « Féminin masculin » du Théâtre Liberté qui signe le commissariat de l’exposition, 23 photographies ponctuent le parcours de la place de l’Équerre à la place Camille Ledeau, dans ce
The Bears © Alejandra Carles-Tolra
périmètre rénové sous l’impulsion de Jacques Mikaélian, initiateur du projet de la Rue des Arts. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Rencontres avec des inconnus jusqu’au 15 juin Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr
au programme cinéma 51
Entretenir l’AFLAM Les Rencontres internationales de cinéma d’AFLAM s’ouvrent autour de deux thèmes majeurs : la famille, et les femmes
S
’il n’est pas dans l’esprit des responsables de la programmation de cette 6e édition de l’événement proposé par AFLAM d’opposer nécessairement
Mucem). Le réalisateur libanais, connu pour ses textes et mises en scène d’un théâtre socio-politique immersif, sera présent pour présenter son premier
Mon cher fils, de Mohamed Ben Attia © BAC Films
Famille et Femmes, il est tout de même assez net qu’il est question de ménager un espace de liberté, au moins symbolique, entre ces deux entités. Les modèles familiaux changent, bousculés par les impératifs économiques, politiques, sociaux ; et face à ces bouleversements majeurs, les femmes sont plus que jamais actrices, à la tête d’un basculement qu’elles documentent et nourrissent, affirmant haut et fort leur désir de liberté (sexuelle, amoureuse, professionnelle). Ainsi, une grande majorité des artistes invités cette année sont des femmes : réalisatrices, militantes, poétesses, elles contribuent à alimenter une évolution, qui, si elle n’en est qu’à ses débuts, est pourtant déjà un phénomène majeur de notre monde d’aujourd’hui. Le festival de films en langue arabe donne le ton, parmi bon nombre d’autres mêmes manifestations artistiques moins enclines à laisser souffler ce vent nouveau. Lucien Bourjeily mettra en appétit avec Le Déjeuner, film d’ouverture (1er avril au
film, huis clos familial décapant : pour Pâques, la famille se réunit autour d’une table, et malgré les bonnes volontés et les faux-semblants, quelque chose surviendra, qui réveillera les tensions. (Grand prix du jury au Festival de Dubaï) Pour entériner la thématique 2019, une séance animée par FFM (Films Femmes Méditerranée) sera organisée (2 avril au Videodrome 2) autour du premier long-métrage de Sarra Abidi, Benzine, qui présente un « envers de l’immigration », en racontant, de manière très réaliste, le désarroi d’une famille restée en Tunisie tandis que le fils est parti en Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. Attente, incertitude, angoisse de ces milliers de foyers amputés. Sondos Belhassen a obtenu de nombreux prix pour son interprétation de la mère. The reports on Sarah and Saleem (Muayad Alayan), sous la forme d’un quasi thriller, aborde une autre fracture familiale, provoquée par l’amour extraconjugal entre Sarah et Saleem, exacerbant les
tensions sociopolitiques à l’œuvre au cœur de Jérusalem divisée (5 avril au Gyptis, en présence du réalisateur, Prix du jury au festival de Rotterdam). Ce n’est pas moins à la recherche du paradis que s’attèle Merzak Allouache dans son Enquête au paradis (en compétition à la Berlinale, à Cinemed Montpellier... et présenté le 2 avril à La Baleine). Docu-fiction d’une redoutable efficacité, il retrace l’enquête menée par une journaliste autour de représentations plus ou moins fantaisistes véhiculées par la propagande islamiste en Algérie. Deux films sélectionnés à Cannes (Mon cher enfant de Mohamed Ben Attia et Sofia de Meryem Benm’Barek les 3 et 5 avril au Mucem) complètent, avec beaucoup d’autres, cette programmation calquée sur une actualité prégnante. Salvateur retour en arrière, « Un cinéaste, un parcours » est cette année dédié à Youssef Chahine (1926-2008), autour d’une programmation de ses films restaurés et sous-titrés à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition. « Au-delà des frontières » nous emportera en Serbie, avec une sélection de films récents dont les sujets, qu’ils soient d’actualité ou historiques, résonnent fortement avec ceux des cinéastes de pays arabes. Pour conclure, une journée d’échange sur « La place et l’image de la femme dans l’industrie du film arabe » (le 7 avril à La Fabulerie, animée par Nicola Schieweck, programmatrice du festival FFM) fera le point sur la situation concrète des réalisatrices et actrices arabophones, et l’influence qu’elles peuvent avoir dans le quotidien des femmes de leurs pays. ANNA ZISMAN
Rencontres internationales de cinéma – AFLAM 1er avril au 7 avril Divers lieux, Marseille, et Eden-Théâtre à La Ciotat, Le Méliès à Port-de-Bouc, Jean Renoir à Martigues, Institut de l’Image à Aix-en-Provence
52 au programme cinéma
Seule à mon mariage
Film de la semaine
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amela, jeune femme rom, vit avec sa grand-mère et sa fille de deux ans, « la petite », la « princesse », dans un village roumain, Galbinasi. Une maison exigüe et spartiate où elles partagent le même lit. Entre corvées d’eau et de bois, cuisine et ménage, Pamela étouffe, rêve d’une vie meilleure, ailleurs. Comment échapper à ce destin ? Un mariage à l’étranger lui semble la seule solution. Vêtue de sa robe à fleurs, maquillée avec soin, elle part, déterminée et confiante, pour trouver, grâce à une agence matrimoniale, l’homme qui lui permettra de quitter ces paysages enneigés et cet univers étriqué. « Sérieuse, intelligente, travailleuse, sociable, l’amour compte » c’est ainsi qu’elle se présente ; elle cherche un homme « propre qui se douche », un « Français car ils parlent bien et aident pour les tâches ». Ce sera Bruno, un Belge, qui l’attendra à l’aéroport après quelques échanges par internet, un bouquet de fleurs à la main. Touchante, elle lui offre, elle, une lampe sapin qui change de couleur, de la țuică (eau de vie roumaine) pour son père et un parfum
Seule à mon mariage © Marina Obradovic
pour sa mère… Paméla s’émerveille de l’eau qui coule au robinet, s’étonne qu’il n’y ait pas de téléviseur. Peu à peu, elle apprivoise son nouveau domaine, mais très vite s’ennuie, très seule, dans une ambiance étrange : elle était prête à aimer cet homme qui la respecte et reste très réservé et peu ardent. Une ambiance
qui tranche avec les fêtes au village où l’on voit la Granny chanter « Seule à mon mariage » avec les musiciens dans des rythmes chaleureux et pleins de vie. Ce nouveau cadre assure à la jeune femme le confort et lui permet d’envoyer de l’argent et des cadeaux à sa famille. Mais sa fille lui manque, sa culture lui manque, les
Les oiseaux de passage
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Les oiseaux de passage © Ciudad Lunar Blond Indian-Mateo Contreras
Déployée sur deux décennies, la fresque des réalisateurs de L’Etreinte du serpent scrute les retombées du trafic de drogue sur la tribu amérindienne des Wayuu
elle idée que de confronter le canevas des films de drogue et cartels à un tel cadre. À des années lumière des montages tapageurs et de la violence esthétisée de mise, la caméra de Cristina Gallego et Ciro Guerra allie à son approche quotidienne, presque documentaire de la vie des Wayuu une gestion du temps et de l’image à la poésie et à l’onirisme certains. L’imagerie nord-américaine est, quant à elle, bel et bien bannie du propos : les oiseaux de passage, ce sont aussi ces trafiquants venus des Etats-Unis pour initier les membres de la tribu à leur commerce. Par son ampleur, son goût de l’allégorie, cette guerre de clans intimiste frappe fort. Elle met en scène les années de bonanza marimbera qui ont vu, de la fin des années 1960 au milieu des années 1980, naître puis exploser l’économie parallèle du trafic de marijuana puis de cocaïne. Ce désir de faire connaître une histoire que l’on tend à oublier va ici de
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Mon inconnue danses lui manquent, son ami Marian aussi. Un jour, Granny est retrouvée morte dans la neige et Marian, qui prend en charge la petite et la « baptise » Rebecca, vient en Belgique…. De nouveaux choix pour Pamela. Seule à mon mariage, premier film de fiction de Marta Bergman, qui avait déjà réalisé des documentaires - et cela se voit par le souci du détail- campe un personnage de femme qui prend son destin en mains, spontanée, pleine de vie, superbement interprétée par Alina Serban, une comédienne de théâtre dont c’est le premier rôle au cinéma. Sur son visage filmé en gros plan, se lit toute une palette d’émotions, de l’espoir de s’en sortir au désespoir de la solitude. Face à elle, Bruno, fils unique, tout en retenue, un peu coincé, que joue l’acteur flamand Tom Vermeir. La caméra de Jonathan Ricquebourg a su restituer aussi bien l’ambiance colorée des fêtes et l’énergie vitale de la jeune Rom, souvent filmée en caméra portée, que la rudesse de la vie au village avec ses paysages de neige fixes et immuables. Un premier long métrage prometteur. ANNIE GAVA
Seule à mon mariage, soutenu par l’ACID, de Marta Bergman, sort le 17 avril (2h01)
pair avec celui de donner à voir le peuple Wayuu. Pour lui rendre justice, les réalisateurs ont ainsi employé à la fois des acteurs professionnels -dont la formidable Carmina Martínez, venue du théâtre- et des non-professionnels qui, eux, parlent la langue des Wayuu, que l’on entendra tout au long du film. Ce parti pris courageux paye, et ne fait cependant jamais sombrer le film dans des penchants naturalistes. Les Oiseaux de passage demeure une tragédie, aussi classique et implacable dans le déroulement de ses cinq actes, truffés de trahisons et de représailles, qu’inventive dans sa forme. Un grand film, en somme. SUZANNE CANESSA
Film de la semaine
Les Oiseaux de passage, de Cristina Gallego et Ciro Guerra, sortira le 10 avril (2h05)
© Mars Films
Après dix ans d’amour et de déconvenues, Raphaël se réveille dans un monde où sa femme Olivia n’a jamais croisé son chemin
Film de la semaine
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on inconnue regorge de clins d’œil aux chefs-d’œuvre du genre : Raphaël Ramisse rappelle le nom du réalisateur d’Un jour sans fin, d’Harold Ramis ; le héros de son best-seller, Zoltan, fait écho au génie Zoltar de Big. Ce mélange délicat entre romance, comédie et fantastique connaît un regain certain chez les jeunes cinéastes, dont Hugo Gélin fait partie, mais davantage du côté anglo-saxon que dans nos contrées françaises et francophones. Difficile de ne pas saluer une telle démarche, qui suppose une sorte d’audace et de vraies idées de mise en scène. L’ouverture du film avec le défilement des années de vie commune est, en cela, une très bonne surprise narrative et cinématographique. Le mélange des tons est également une des plus grandes réussites de Mon Inconnue : le naturel de François Civil le sert sur le registre comique mais aussi sur les tonalités plus dramatiques du récit. Joséphine Japy lui donne élégamment la réplique, et parvient à faire de son personnage plutôt casse-gueule – une femme idéale coupée en deux – un vrai protagoniste. Benjamin Lavernhe n’hérite pas du rôle de sidekick ingrat, mais d’une partition plus riche qu’à l’accoutumée pour un second rôle. Le monde de l’édition, plutôt caricatural, est vite délaissé pour celui, plus inspiré, du monde de la musique classique, qui sert habilement d’écrin à un récit ancré à la fois dans un désir d’académisme et de lyrisme. On regrette alors d’autant plus quelques facilités d’écriture dans les dialogues, mais surtout le dispositif qui, prometteur, engage très vite le long-métrage dans une issue que le spectateur connaît bien avant les personnages. Le déroulement de ces passages obligés n’en réserve pas moins quelques surprises et jolis moments. SUZANNE CANESSA
Mon inconnue de Hugo Gélin sort le 3 avril (1h58)
54 au programme cinéma
Sergio et Sergei
Sergio & Sergei © Bodega films
De bons courts
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our la 7e fois, le Théâtre National de Marseille a accueilli La Criée tout court, sélection aux petits oignons effectuée par le Festival International du Court Métrage de Clermont-Ferrand et le Festival International du Film d’Aubagne. Lors de l’ouverture, le 21 mars, la grande salle était comble. Après les enfants de 3 à 6 ans reçus le matin, c’est un public pas facile d’adolescents âgés de 15 à 18 ans qui a visionné six œuvres choisies par la structure aubagnaise. Pas facile, parce que les placides intervenants venus d’Auvergne ont dû reprendre à plusieurs reprises la bouillante jeunesse marseillaise, prompte à livrer haut et fort son ressenti face aux cinq fictions et au documentaire retenus, chaque film ayant peu ou prou trait à un ou plusieurs préjugés. Dans Aria, de Myrsini Aristidou, une jeune grecque reçoit une leçon de conduite salutaire et inattendue de la part de sa passagère, chinoise sans papiers. Pablo, de Sergio Guataquira Sarmiento, tourne autour de la même problématique, cette fois en Belgique, où des fonctionnaires sont chargés de vérifier la « validité » d’un couple, sinon le jeune homme sera interdit de séjour. Problème : les amoureux ont rompu, et la demoiselle doit accepter de mentir pour lui. La Tangente, de Leila
Grand Hôtel Barbès de Ramzi Ben Slimane © Les films Pelleas
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es images d’archives, le départ d’une fusée dans l’espace, le mur de Berlin qui tombe et une voix off douce, délicatement nostalgique et ironique, celle de Mariana qui évoque cette époque et son père, professeur à l’Institut Supérieur des Arts (ISA) de La Havane. C’est ainsi que démarre le troisième film d’Ernesto Daranas, réalisateur cubain qu’on avait découvert en 2015 avec Chala, une enfance cubaine où il abordait le problème de l’éducation à travers le regard d’un enfant laissé pour compte du progrès social cubain. Dans Sergio et Sergei, première coproduction américano-cubaine depuis plus de 60 ans, il nous plonge dans les années 90, au moment où l’effondrement de l’URSS plonge l’île dans une situation difficile, où la vie quotidienne est une lutte sans fin. Sergio (Tomás Cao), diplômé en philosophie marxiste, qui ne parvient pas à se faire éditer, a du mal à faire manger sa fille et a recours à une distillerie clandestine. Sa passion est la radio amateur et il communique par morse avec l’extérieur en particulier avec l’Américain Peter (Ron Perlman) qui avait entretenu une relation par code des années durant avec son père, et qui lui envoie du matériel radio, bien évidemment d’abord intercepté
par la police castriste. Très surveillé, en particulier par Ramiro (Mario Guerra), personnage clownesque, prêt à tout pour se faire mousser auprès de ses supérieurs, Sergio entre en contact, par un hasard malicieux – après la prière et le chant de sa mère devant la Vierge – avec Sergei Azimov (Héctor Noas) un cosmonaute russe, personnage inspiré au réalisateur par Sergueï Krikaliov qui détient le record de temps passé dans l’espace. Sergei apprend qu’il va rester plus longtemps dans la station Mir, abandonné par les Soviétiques occupés par bien d’autres soucis sur Terre, et ne pense qu’à une chose, retrouver sa femme et ses enfants qui souffrent, ne mangeant pas à leur faim. Entre ces deux, qui portent presque le même prénom, le courant passe immédiatement et les rendez-vous radiophoniques les aident à supporter leur situation et les épreuves. La caméra d’Alejandro Menendez nous montre les rues que Sergio parcourt à vélo, les toits terrasses de la Havane où Ulises, (Armando Miguel Gómez) l’ami de Sergio fabrique un balsas (radeau), espoir d’évasion, l’intérieur de la maison de Sergio où sa mère, Caridad (Ana Gloria Buduen) s’est remise à fabriquer des cigares et où parfois, le rhum distillé
aidant, on se met soudain à rire et à danser. Des images aux teintes qui semblent patinées par le temps. « Il s’agit essentiellement d’un film sur une amitié qui va au-delà des frontières culturelles, géographiques et politiques (…) une fable sur un moment qui est resté dans la mémoire des Cubains » précise le réalisateur ; et cette fable, teintée d’humour noir, qui se termine en véritable farce, nous rappelle que l’amitié entre les peuples pourrait être possible. On aurait envie d’y croire !
projection par l’assistance. Grand Hôtel Barbès de Ramzi Ben Slimane, confrontation heureuse d’un danseur désargenté au monde du hip-hop... par la grâce de Mozart. Et le documentaire X-Y, tourné en 2016 par Justine Gramme : la cinéaste a confronté quelques très jeunes gens à leur vision de la femme. « Vous avez un problème avec les créneaux », lui dit l’un. « C’est pas vrai, elles sont capables d’y arriver », lui
répond l’autre. Au niveau des préjugés, il y a encore du boulot !
ANNIE GAVA
Film de la semaine
Sergio et Sergei de Ernesto Daranas a été présenté en avant-première lors de la 8e édition de Nouv.o.monde à Rousset. (lire P. 56) Il est sorti le 27 mars (1h33)
Etat d'alerte sa mère de Sébastien Petretti © Lovo Films
Macaire, porte sur la pression sociale qui pèse sur trois étudiants d’origines diverses, sur le point de passer un concours prestigieux. Dans une veine plus comique et efficace malgré ses gros sabots, État d’alerte sa mère (Sébastien Petretti) évoque les abus policiers dont sont victimes les jeunes des quartiers, par « délit de faciès ». On retiendra tout particulièrement deux films, longuement débattus à la fin de la
GAËLLE CLOAREC
La Criée tout court #7 a eu lieu du 21 au 26 mars à La Criée, Marseille
56 festivals cinéma
Sans tête
Pig © Epicentre films
Pour la dernière après-midi du Festival Nouv.o.monde, Pig de Mani Haghighi, abordait avec humour un sujet sérieux : la censure dans le cinéma iranien
A
vec Sergio et Sergei d’Ernesto Daranas (lire P. 54), qui traite de la chute de l’URSS et ses conséquences sur Cuba, le festival de Rousset présentait Pig, sélectionné à la Berlinale en 2018, 7e long-métrage de Mani Haghighi (sorti en 2018), plongé dès sa jeunesse dans le milieu du cinéma. Le réalisateur estime qu’il faut « un esprit joueur et de l’humour pour faire des bons films » et le prouve dans cette comédie, foisonnante de trouvailles visuelles et truffée de références historiques et cinématographiques. Tout commence par la découverte dans une rue de Téhéran d’une tête coupée, celle d’un réalisateur célèbre, suivie par celles d’autres cinéastes, encore vivants dans la vraie vie, Ebrahim Hatamikia serviteur du régime, Hamid Nematollah, un nouveau venu, et Rakhshan Bani-Etemad, une opposante. Un tueur en série, qui n’a pas un point de vue politique particulier, mais qui hait le cinéma, les abat l’un après l’autre. Hasan
Kasmai, (superbement incarné par Hasan Ma’juni) un metteur en scène à la barbe noire, aux tee-shirts colorés à la gloire de groupes de hard rock, censuré par le régime et obligé à tourner des pubs, est épargné. Serait-il un cinéaste has been ? De plus, la femme qu’il aime, son actrice fétiche Shiva Mohajer (Leila Hatami) se détourne de lui et va tourner avec un autre réalisateur qu’il méprise. Que faire pour que de nouveau on s’intéresse à lui ? Découragé -mais pas abattu !- c’est auprès de sa mère (Mina Jafarzadeh) qu’il trouve réconfort et un soutien d’autant efficace qu’elle n’hésite pas, pour défendre son « bébé », à manier le fusil de Sattar Khan, un héros national, du moins le prétend-elle. On va suivre tout au long du film les tentatives d’Hasan Kasmai pour récupérer la belle Shiva ; c’est d’autant plus compliqué que les réseaux sociaux, véritables tribunaux populaires, le prennent pour cible et que les caméras vidéo le
montrent s’introduisant subrepticement dans l’appartement de son rival, qui vient de se faire décapiter. Défiguré par une piqure de guêpe, il est arrêté et sa nuit en prison donne lieu à des visions surnaturelles où une raquette de tennis devient guitare électrique et la cellule une salle de concert punk. Pig, mise en abime grinçante sur le cinéma iranien, décrit aussi, avec beaucoup de couleurs et d’inventions visuelles, la noirceur d’une société étouffant et bâillonnant ceux qui pensent et parlent au grand jour. Car sans tête, qui sommes-nous ? ANNIE GAVA
Pig de Mani Haghighi a été présenté le 17 mars dans la salle Emilien Ventre de Rousset en présence de Sylvia Vaudano, directrice de Nouv.o.monde, et de Fahime Ghorbani et Mojtaba Rouhandeh, spécialistes de littérature, linguistique et cinéma persans.
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Une aprem au FIFA Au programme de cette après midi du 19 mars au Festival International du Film d’Aubagne deux films qui nous parlent de famille et d’aspiration à pouvoir vivre libre.
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elle idée qu’a eue le FIFA d’accueillir son public en musique : dès que l’on entre dans la salle du Pagnol, on est plongé dans les B. O. de courts-métrages de réalisateurs et compositeurs qui se sont rencontrés à Aubagne, comme la musique de Wissam Hojeij pour La Costa Dorada de Noémi Gruner, ou celle de Simon Meuret pour Un grand silence de Julie Gourdain. Parmi les dix films en compétition, Pour vivre heureux des Belges Dimitri Linder et Salima Glamine nous plonge dans les milieux pakistanais de Bruxelles. Le fils, Mashir, est tombé amoureux d’Amel, (excellente Sofia Lesaffre), une jeune fille d’origine algérienne, et vit cette relation en secret. Sa famille pakistanaise traditionnaliste ne l’accepterait pas, et on lui destine sa cousine, Noor, qui vient d’arriver, qu’Amel a prise sous son aile et que ses parents souhaitent marier. Ni Mashir, ni Amel, ni Noor n’auraient leur mot à dire mais peu à peu, ils vont devoir choisir : vivre leur amour et être libres au risque de blesser leur famille ou accepter le destin qu’on leur impose. Des choix très douloureux pour tous, aussi bien pour les jeunes qui subissent cette tradition des mariages imposés que pour les parents qui veulent continuer à transmettre leur héritage culturel. Filmés très souvent en plans serrés, les personnages, incarnés par des comédiens pour la plupart non professionnels, se taisent, se parlent, se déchirent ou s’aiment. Des gestes s’esquissent, des regards se cherchent, s’évitent, se trouvent jusqu’à ce que chacun ait trouvé sa voie. Pour vivre heureuse, Ana, elle, n’aurait besoin que d’une chose : exister, ce qui n’est pas simple, en 1992, quand on est né à Kragujevac, en Serbie, et qu’on vit en Slovénie. Et c’est d’autant plus dur quand on doit accoucher et que l’accès à la maternité est refusé. C’est par cette séquence que commence le film du Slovène de Miha Mazzini, Erased. Cette enseignante en maternelle est dans un taxi qui roule sous une pluie battante.
La caméra s’attarde sur ses mains, son ventre, ses yeux pétillants tandis que la radio diffuse des nouvelles de la guerre qui fait rage en Croatie. Mauvaise surprise, à l’accueil de l’hôpital, l’infirmière ne la trouve pas dans l’ordinateur. Ana accouche d’une petite fille en parfaite santé mais n’est pas autorisée à sortir avec son bébé. Sa fille est slovène. Elle est Serbe et donc une étrangère en situation illégale. Emmenée dans un fourgon de police, elle se retrouve devant un inspecteur qui lui demande inlassablement : « Quand avez-vous passé la frontière ? » et lui conseille d’aller régulariser sa situation. Ce qu’elle tente de faire. L’employée le fait de manière radicale, coupant en deux sa carte d’identité avec des ciseaux. Désormais, Ana n’existe plus ; elle fait partie des « effacés » (erased). Sa petite fille devient orpheline, donc adoptable ! La caméra la suit de près dans son combat pour récupérer son enfant : pouvoir l’allaiter en cachette grâce à la complicité généreuse d’une amie stagiaire, tenter d’alerter les medias avec l’aide du père de l’enfant, un homme marié et haut placé. La séquence où elle va demander à la directrice de l’école une attestation pour ses dix années de travail est d’une grande force. Au moment où elle repart, les enfants, à travers les baies vitrées, l’aperçoivent et manifestent leur joie. Elle se met à taper des mains et à danser, imitée par tous les petits que la caméra de Dušan Joksimović filme à travers la vitre. La comédienne croate Judita Franković Brdar interprète avec nuances, force et énergie Ana, cette femme qui se bat pour ne pas être invisible. Si Erased a le mérite de soulever un problème politique, la perte de nationalité et l’effacement par la République de Slovénie de 25671 citoyens, le 26 février 1992, il nous en montre aussi par l’histoire attachante d’Ana, les conséquences terribles sur les « effacés » qui perdent leur identité, leur travail et tous leurs droits. ANNIE GAVA
Pour vivre heureux, de Dimitri Linder et Salima Glamine © Obrother distribution
Pour vivre heureux, de Dimitri Linder et Salima Glamine, et Erased, de Miha Mazzini, ont été projetés lors du Festival International de Films d’Aubagne le 19 mars.
Palmarès LONGS MÉTRAGES Grand Prix Meilleure Musique Originale : Csaba Kalotás pour A Woman Captured de Bernadett Tuza-Ritter (Hongrie/Allemagne) Prix Meilleur Film : Take It or Leave It de Liina Trishkina-Vanhatalo (Estonie) Prix Meilleure Mise en scène : Pour vivre heureux de Dimitri Linder et Salima Sarah Glamine (Belgique/Luxembourg) Prix Meilleur Scénario : Sasha Was Here d’Ernestas Jankauskas (Lituanie/Finlande) COURTS MÉTRAGES Grand Prix Meilleure Musique Originale : Florencia Di Concilio pour Bulles d’Air de Daouda Diakhaté (France) Prix Fiction : Beautiful Loser de Maxime Roy (France) Prix Documentaire : Récit de soi de Géraldine Charpentier (Belgique) Prix Animation : (ex aequo) : Grand Bassin de Héloïse Courtois, Chloé Plat, Victori Jalabert et Adèle Raigneau (France) et Bloeistraat 11 de Nienke Deutz (Pays Bas) Prix Meilleure Création cinématographique : Carlotta’s Face de Valentin Riedl et Frédéric Schuld (Allemagne) Prix du Public : Ma planète de Valéry Carnoy (Belgique)
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Celle qui veille
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ue fuit Gloria ? Qu’est-ce qui l’a poussée, en ce début d’été, à embarquer ses deux filles avec elle et, quittant les rives de la Méditerranée, à rouler jusqu’en Alsace pour trouver refuge dans la maison où vivait sa grand-mère ? Une maison isolée, entre lac et forêt, où personne n’aurait l’idée de venir les chercher. Sauf que le passé vous rattrape toujours, et qu’à un moment il faut bien l’affronter. Ce que Gloria fera de manière radicale… Le neuvième roman de Véronique Ovaldé, Personne n’a peur des gens qui sourient, se dévore à grandes bouchées gourmandes. Le titre déjà intrigue et donne envie. Le rythme, soutenu, titille l’appétit de lecture : entre péripéties de l’action principale et allers-retours
dans le temps, la tension monte, inexorablement. Et même dans les scènes les plus paisibles, Véronique Ovaldé excelle à instiller une inquiétude rampante qui incite à tourner les pages. On dévore aussi le roman pour vraiment connaître cette mère « qui veille », prête à tout pour protéger ses filles, et pour découvrir la constellation de personnages que la romancière s’est plu à imaginer autour d’elle, avec un délicieux sens du détail qui tue. Car, comme souvent chez Ovaldé, les personnages en prennent pour leur grade, même les plus sympathiques. Et lorsqu’ils ne le sont pas, alors, l’écrivaine les exécute sans sommation. Ce n’est pas le moindre des plaisirs que de retrouver ce ton inimitable qui fait toute
la saveur de ses récits. L’autrice-narratrice est partout, tout le temps, à commenter, à anticiper, bref, à mettre son grain de sel dans l’histoire, en de longues parenthèses dont elle a le secret. Savoureux apartés qui, loin d’affaiblir le tempo, le relèvent comme une épice indispensable… et allègent un scénario plutôt noir. Naviguant entre les genres, surfant sur tous les tons, jouant sans cesse de l’ambivalence des sentiments, de la fragilité des liens, l’écrivaine livre ici un roman familial un brin cabossé, un thriller poétique à la noirceur scintillante, une fable délicieusement immorale. À savourer sans modération. FRED ROBERT
Personne n’a peur des gens qui sourient Véronique Ovaldé Flammarion, 19 €
Braquage millésimé
L
e court polar que nous offre Céline Minard se rit des règles du genre, négligeant d’un revers de plume les tenants et aboutissants et autres constructions cartésiennes qui souhaiteraient apporter des raisons particulières aux faits, ou trouver une cohérence dans les méthodes employées par les personnages pour pénétrer dans les anciens bunkers de l’armée britannique de la baie de Hong Kong, qui abritent la cave à vins la plus sécurisée au monde… Bacchantes, en une petite centaine de pages vivement menées, nous installe au cœur d’un braquage hors normes où sont pris en otages les quelques 350 millions de dollars répartis en grands crus, alors qu’est annoncée l’arrivée du typhon Shanshan. Le propriétaire, Ethan Coetzer, avait prévu pour l’occasion de réunir ses meilleurs clients afin de vivre un moment privilégié dans l’œil
du cyclone… Mais voici trois braqueuses, aux revendications loufoques, (eye-liner, mascara, faux cils, base lumière…), Jelena Drogan, spécialiste en explosifs, Bizzie, clown hyperactive et férue d’architecture militaire, Livia Scilla, experte en pierres précieuses, sont aidées par le rat hyper entrainé de Jelena, Illiad. Les « gangstères » savent apprécier chaque gorgée de vin, en déterminer cépages, années, parfums, teneur, et pourtant n’hésitent pas à jouer aux quilles avec les bouteilles. Leur propriétaire fera tout pour être enfermé avec ces bacchantes éprises de démesure dans leur condamnation sans concession d’une société marchande qui pervertit tout. Sa manière de déguster en aveugle la carafe proposée nous donne des clés de lecture, et d’écriture : il « [plonge] dans ses sensations, sans essayer d’en appeler à ses connaissances, ses
souvenirs, ses réflexes, uniquement mais absolument attentif à ce qui s’annonce, passe, et prend corps dans son corps. Il part. Il descend sur des terres humides et fraîches, sur l’épiderme d’un monde organique travaillé par les météores et les vents… ». Une ode à la transgression jusque dans le final explosif (qui n’apporte aucune solution), en une écriture alerte, précieuse, précise, évocatrice et obscure, claire et énigmatique. Gouleyant ! MARYVONNE COLOMBANI
Bacchantes Céline Minard éditions Rivages, 13.50 €
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Pirate par nécessité
C
omment un pauvre pêcheur somalien devient-il pirate, puis risque une très lourde peine ? C’est ce que nous expose le roman graphique de Simon Rochepeau et Thomas Azuélos. Habitant à Rennes, Simon a rencontré Mohamed alors qu’il était en détention provisoire pour piratage meurtrier lors de l’attaque d’un voilier français au large de la Somalie. Premier grand coupable, le tsunami de 2004 qui a ravagé les eaux, décimé la faune aquatique, raréfiant les ressources de la pêche. Acculés à la famine, les pêcheurs sont devenus pirates, exploités par des bandits redoutables. Mohamed est l’un d’eux. Une tentative de piratage en 2009 a mal tourné, le skipper d’un voilier français a été abattu. Les trois pirates survivants
sont emprisonnés en France dont ils ne parlent pas la langue. C’est là que commence le récit. Maryvonne, chômeuse proche de la retraite, vient bénévolement donner des leçons de français. C’est la première fois qu’elle met les pieds dans une prison. Mohamed apprend vite et pour l’aider, elle rentre en contact avec la Cimade. Une libération sous contrôle judiciaire est acceptée. Mohamed est accueilli chez les compagnons d’Emmaüs. Simon Rochepeau a enquêté minutieusement sur cette histoire vraie, affaire jugée en 2013. Pour le graphisme, Thomas Azuléros a évoqué au cours d’un forum littéraire avec les lycéens la difficulté de trouver l’équilibre entre le texte et l’image, qui ne doit pas le doubler, et a déclaré avoir
mis peut-être trois mois pour trouver le style du dessin : « On a l’impression qu’on ne sait plus rien faire… Je ne voulais pas de dessins trop réalistes » ; l’encre bleuegrise utilisée a été choisie pour évoquer la mer, le noir et blanc dominent avec quelques rares taches de rouge ou de jaune. Beaucoup de portraits des compagnons semblent tracés avec la rage de ceux qui luttent pour la protection des réfugiés et l’acceptation des demandes d’asile. On sait que Mohamed a demandé asile en France. La demande a été rejetée et un recours déposé…. CHRIS BOURGUE
L’homme aux bras de mer Simon Rochepeau & Thomas Azuélos Futuropolis, 22 €
«Cacou » ; en provençal, celui qui se la pète, qui fait le fanfaron. En grec Kakou est le génitif de kakos, mauvais, laid. Donc Philo Kakou, la philosophie du mauvais !
Philo Kakou
C Z © TnK1Prd
ertains m’ont demandé, suite à l’article de la semaine dernière si Macron était libre au sens de Descartes. Bonne question que d’intégrer le président qui se dit philosophe dans notre philosophie Kakou. Mais, soit dit en passant, ce président est philosophe comme moi je suis cardinal (j’ai en effet été au catéchisme quand j’étais petit…). Bon on s’égare… On peut répondre, si on a mal lu les deux dernières bafouilles de Philo Kakou, qu’étant riche et au centre de cercles relationnels énormes, avec en plus les supers pouvoir de président de la République, il ne pouvait que disposer de choix fabuleux pour faire ce qu’il veut. Et bien non : on a vu que pour Descartes, la liberté n’est pas d’avoir le choix, qui est le plus bas degré de la liberté. Et par ailleurs Macron n’a pas le choix. Prenons un cas pratique : soit Sanofi, la multinationale française du médicament, qui fait 4 milliards d’euros de bénéfice et rejette dans le Béarn des particules toxiques
qui ravagent les populations aux alentours. Quel va être le choix de Macron entre la défense des populations souffrantes, l’évitement de 800 licenciements malgré les profits, et la prise à partie pour la direction ? Il n’a pas le choix, il sera immédiatement porté de façon spontanée et volontaire vers ce qui a toujours été son engagement et son milieu depuis qu’il adulte, celui des décideurs et des financiers. Selon Descartes, si Macron se mettait à douter et commençait à avoir le choix, à hésiter, il ne serait plus libre. Voilà les contradictions de la théorie de Descartes sur la liberté, alors que nous avions vu son implacable logique la semaine dernière ! On n’a plus qu’à se rapprocher de Spinoza, et là ce sera du lourd ! RÉGIS VLACHOS
60 feuilleton littéraire
Solal et la comète épisode 5 : Attendre *
résumé de l'épisode 4 Solal est chez le voyant, le Professeur Voitou. Intimidé, il observe les rituels qu’il ne connait pas et écoute d’une oreille discrète ce qu’il a à lui dire quand tout à coup deux conseils retiennent son attention : il ne doit pas « perdre la boule » et « ne pas chercher trop loin l’être aimé »
Ma thil em deR amadier Chloé Guilh ©
Mathilde Ramadier débute ses études à l’école d’arts appliqués Olivier de Serres à Paris, puis obtient un master de philosophie contemporaine à l’École normale supérieure. Ses premiers romans graphiques paraissent en 2011.Elle publie aussi des essais libres.Vivant entre Berlin et Arles, ses sujets de prédilection sont l’écologie, le féminisme, la sexualité et les mutations du monde du travail.
en co-production avec La Marelle
U
n bruit strident de métal qu’on force déchire le silence du matin. Solal sursaute, manque de tomber du canapé. Par réflexe, il remonte son sac de couchage jusqu’au nez, frappé par un rayon de lumière. Quelqu’un ouvre le rideau de fer à grands fracas. Mais il est beaucoup trop tôt ! Un homme, accroupi, passe sous le rideau, désormais remonté à un mètre trente de hauteur. « Hé ! » fait Solal. C’est Amir, un sachet de boulangerie à la main. Lorsqu’il se redresse, à l’entrée du magasin, il trébuche et le lâche. « Putain qu’est-ce que tu fous là ? Tu m’as fait peur ! - C’est plutôt à moi de dire ça ! T’as vu l’heure ? rétorque Solal. - T’as fait des heures sup’ ou quoi ? - J’ai été viré de mon studio. Martina m’autorise à camper ici le temps de retrouver un appart. T’en fais pas de la pub, s’il te plait, elle m’a demandé de rester discret. - T’inquiète, je vois pas à qui je pourrais raconter ça et puis ça va, les galères d’appart, j’ai connu. Tu pourrais venir un peu chez moi aussi quand Iris n’est pas là. Un croissant ? - Merci ! Ah ben si c’est comme à l’hôtel je vais rester ! - Je viens faire l’inventaire pour finir plut tôt cet après-midi car j’ai une compet’ de boxe thaï ce soir. - Elle est vraiment cool, Martina.
- Ouais. Tu fais quoi aujourd’hui ? - Je cherche un appart. » Solal se lave le visage au-dessus du lavabo, rassemble ses affaires et dit au revoir à Amir. La séance de voyance l’a laissé perplexe. Il ne veut pas conclure tout de suite qu’il a perdu quarante euros, somme dont il aurait bien besoin... Il tente alors de déduire quelque chose des prédictions du Professeur Voitou. Ne pas chercher trop loin, ne pas chercher ailleurs... Qu’est-ce que cet ailleurs ? Un univers parallèle ? Une métaphore de vaudou pour dire qu’il suffit d’attendre, qu’il n’y a rien à faire (et dans ce cas les quarante balles sont perdues) ? Solal tente d’analyser les mots, rien que les mots. Ailleurs. Cela signifie peut-être tout simplement qu’il faut chercher là où ils se sont vus ? C’est la meilleure explication possible. Solal se dirige d’un pas décidé vers la station où leur rencontre eut lieu, la station Désirée Clary, qui porte bien son nom. Ainsi il résoudra peut-être la seconde énigme du Professeur : il « ne perdra pas la boule », ne deviendra pas fou en attendant dans son coin à élaborer des stratagèmes tordus. Pour le moment, sa petite annonce n’a rien donné. Arrivé sur le quai, Solal sort un pavé d’histoire de l’art de son sac et s’assied sur un siège en
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plastique. Entre deux passages de trains, il avance dans le chapitre d’égyptologie, qu’il connait mal. Il trouve du plaisir dans ce rythme de lecture régulièrement entrecoupé. Toutes les cinq minutes, il relève la tête et analyse le flot de passagers qui se déverse sur le quai. Il faut être attentif. Les gens se ressemblent, avancent en une masse mouvante dans laquelle toutes les couleurs sont diluées. C’est l’heure de pointe, tout le monde se rend au travail d’un pas pressé, d’humeur maussade. C’est à cette heure-ci qu’ils se sont rencontrés, deux jours plus tôt. Une demi-heure passe. Ça y est, c’est elle, là, avec ses cheveux ondulés, au milieu de la foule, il la reconnaît ! Il referme son livre d’un coup sec sans regarder le numéro de page, le coince sous son bras et se précipite vers elle. Elle avance rapidement, il reconnaît sa façon de marcher, quand elle parcourait le quai, son écharpe bleue flottant derrière elle. Aujourd’hui, pas d’écharpe, il fait moins froid, mais le même manteau crème si élégant. Arrivé à sa hauteur, encore trop en retrait pour distinguer les contours de son visage, il tapote doucement son épaule. « Excusez-moi. » Sa tête pivote. Mais ce n’est pas son nez, ce ne sont pas ses yeux, ce ne sont pas non plus ses sourcils, menaçants, qui se froncent en circonflexe. Sa bouche n’est pas cette bouche, qui au lieu de sourire se tord, s’apprêtant à cracher des mots. Solal recule d’un pas, s’excuse une nouvelle fois. La femme le repousse d’un geste sec et lui crie dessus dans une langue qu’il ne comprend pas. Elle continue son chemin sans regarder où elle va, occupée à le sermonner le cou tordu vers l’arrière, tel un cygne prêt à mordre. Solal se rassied pour une heure. Impossible de se concentrer sur la page consacrée aux rituels funéraires. Une main sur le torse, une barque sur le Nil, une coiffe plus haute pour les dirigeants de
la Haute-Égypte et une plus basse pour la BasseÉgypte ? Ou l’inverse ? Solal plie bagages et emprunte le couloir de sortie. Son téléphone vibre. C’est Martina. Elle a trouvé une sous-location à La Plaine. L’amie d’un ami d’une amie (ou l’inverse), qui part pour un mois. Elle attend encore la confirmation, devrait récupérer les clefs sous peu. Elle est si excitée pour lui qu’elle en est toute fébrile. Martina est formidable. Après avoir raccroché, Solal remarque une notification sur l’écran de son téléphone. Un SMS d’un numéro inconnu. Son cœur s’emballe. Il lit la première ligne qui s’affiche en surbrillance sur l’écran verrouillé : « Cher Solal, c’est avec joie que j’ai vu ton a... »
* Erratum : Une erreur s'est glissée dans le numéro 27, où était publié l'épisode 6. Nous présentons donc ici l'épisode 5 de Solal et la comète. Avec toutes nos excuses.
Suite du feuilleton dans le prochain numéro...
Les films à ne pas louper cette semaine La veuve noire de Bob Rafelson lundi 1er à 20h55 L’œil du témoin de Peter Yates lundi 1er à 22h35
petit
écran
Le lieu du crime d’André Téchiné mercredi 3 à 20h55 La disparition de Jean-Xavier de Lestrade mercredi 3 à 21h 15 jours ailleurs de Didier Bivel samedi 6 à 22h45 La main au collet d’Alfred Hitchcock dimanche 7 à 20h55 Le désordre et la nuit de Gilles Grangier lundi 8 à 20h55 La justice des hommes de George Stevens lundi 8 à 22h25
Planète polar : le Los Angeles de Connelly dimanche 31 à 9h25 Tandis que son nouveau roman, En attendant le jour, vient de sortir chez Calmann-Levy, Michael Connelly embarque Olivier Marchal, ancien flic devenu réalisateur (36 quai des Orfèvres ; Braco…), à la découverte de son Los Angeles. Le réalisateur Matthieu Jaubert suit la traversée de ces deux figures du polar dans l’univers de l’écrivain, des studios hollywoodiens aux quartiers sombres, berceaux d’une production pléthorique de thrillers et romans noirs.
Un homme très recherché d’Anton Corbijn mercredi 10 à 20h55 Rize de David La Chapelle vendredi 12 à 22h25
Rouge ! L’art au pays des Soviets dimanche 31 à 17h35 En marge de l’exposition éponyme, qui se tient au Grand Palais jusqu’au 1er juillet, Arte propose une plongée dans 50 ans de révolution artistique russe. Dès les années 1910, Malevitch et Tatline, influencés par le cubisme, inventaient le suprématisme, prônant l’abstraction géométrique. Dans le sillage des révolutions bolcheviks de 1917, de nouvelles expérimentations ont lieu, tant picturales qu’architecturales (Lissitzky, Rodtchenko, Stepanova, Klucis…). Le constructivisme va alors de pair avec le régime socialiste naissant, mais Staline prônera un retour au réalisme, et l’art est alors sommé de contribuer à la propagande officielle. Le réalisateur Pierre-Henri Gibert donne notamment la parole à Nicolas Liucci-Goutnikov, commissaire de
l’exposition du Grand Palais, pour sonder les racines de ce bouillonnement créatif et utopique.
arte.tv. À ne pas louper : son délicieux ballet d’escargots, mis au point avec Philippe Decouflé (1mètre/heure).
Athleticus, saison 2
Cannabis: quand le deal est légal
à partir du lundi 1er 20h50 Vous aimeriez voir de futés macareux moines jouer au bonneteau, du bobsleigh à dos d’hippopotame, une tortue timorée mais rusée osant le saut à ski, ou encore des flamants roses prenant leur revanche au hockey sur des kangourous ? Pour sa 2e saison, la série animée Athleticus met en scène ses animaux aux sports d’hiver. 2 minutes de pur régal à découvrir chaque soir (sauf le mardi et samedi), jusqu’au 2 juin. Un beau livre sur les coulisses de la série sortira à la mi-avril (ARTE Editions / Editions Granovsky). D’autres courts métrages de Nicolas Deveaux, féru d’animation d’animaux, sont visibles sur le site
mardi 2 à 20h50 Le cannabis est désormais légalisé dans une dizaine d’états américains, son usage thérapeutique est remboursé en Allemagne, son marché côté en bourse au Canada, des cigarettes au cannabis sont vendus dans les supermarchés suisses… Or, le débat continue de stagner en France, où 700 000 personnes en fument pourtant quotidiennement. Du Michigan au Colorado, les réalisateurs Xavier Deleu et Stéphanie Loridon reviennent sur les arguments ayant animé les débats ces dernières années. Le paradoxe américain devient difficilement tenable : en route vers la légalisation aux
63 USA, la lutte se poursuit contre les champs de culture illégale au Mexique, intensifiant la guerre des cartels qui ravage le pays. La culture du pavot y a ainsi remplacé celle du cannabis, causant davantage de dégâts chez les consommateurs. Le documentaire étudie ensuite les emblématiques cas de l’Uruguay et des PaysBas. Autant de pistes visant à cerner les enjeux du sujet.
Jeux vidéo, les nouveaux maîtres du monde mercredi 3 à 20h30 La réalisateur Jérôme Fritel opère un intéressant condensé des problématiques ayant agité la sphère vidéoludique ces dernières décennies. Tandis qu’un créateur de jeux vidéo confie « chercher à booster nos instincts », dans des animations figurant une violence de plus en plus réaliste, une étude parue dans la revue Nature dès 2003 indiquait que les usagers réguliers développaient des facultés d’attention et de réaction accrues. La génération G - pour Gamers - est désormais recherchée sur le marché de l’emploi, notamment chez Boeing ! Démarrant à l’orée des années 2000, le documentaire se clôt sur l’avènement du casual gaming, pour les « joueurs occasionnel » sur smartphone destiné à séduire la plus large clientèle possible. Il aborde également le sexisme qui perdure, dans une industrie majoritairement aux mains des hommes ; mais aussi les stratégies destinées à concurrencer télé comme cinéma, jusqu’aux dérives propagandistes, de l’Asie aux États-Unis en passant par le Liban.
Morts à crédit jeudi 4 à 20h30 Le surendettement est un problème qui touche tous les profils, corps de métiers et couches sociales. Paradoxalement, les surendettés souffrent d’isolement et d’une intense culpabilité. Ajoutée au harcèlement des créanciers, elle pousse parfois au suicide. Ce documentaire de Frédéric Castaignede révèle qu’il existe des associations d’écoute et d’entraide pour rompre la spirale infernale, tels Crésus, animée en partie par d’anciens banquiers repentis. Comme le souligne avec malice et bonne humeur l’un de ses bénévole : « le surendettement n’est pas une maladie grave, mais pourtant considéré comme un péché mortel dans nos sociétés. L’État est le premier surendetté, c’est lui qui devrait venir nous voir ! » Récoltant des témoignages en Islande, Espagne ou au Danemark, le documentaire révèle aussi les astuces trouvées par les grandes enseignes pour détourner la loi Lagarde de 2010, et suggère des pistes : au Royaume-Uni, il est désormais obligatoire d’afficher les taux de crédit. Ils dépassent parfois les 1000% ! Suivi d’un débat en plateau avec Christophe Bouillon, député Nouvelle Gauche de Seine-Maritime ; Jean-Christophe Chanut, journaliste à La Tribune ; Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération Française des Associations Crésus ; Léa, personne surendettée.
King Bibi mardi 9 à 00h20
Diffusé le jour du scrutin législatif en Israël, ce documentaire dresse le portrait de Benyamin Netanyahou, chef de file du Likoud et premier ministre sans interruption depuis 2009. Visé par une triple procédure d’inculpation pour corruption, fraude et abus de confiance, le « roi Bibi » conserve pourtant les
faveurs d’une partie de son électorat. Le réalisateur Dan Shadur revient notamment sur l’emploi de la télévision et des réseaux sociaux pour diffuser d’outranciers discours, dans une stratégie de communication qui n’est pas sans rappeler celle de Trump, avec qui Netanyahou partagea le même spin doctor. Quarante ans d’histoires retracées à bases d’archives, pour la plupart inédites en France.
Nous, homos de Guyane jeudi 11 à 20h55 Être homosexuel en Guyane n’est pas chose aisée. À Cayenne comme dans les territoires plus reculés, les insultes et le rejet perdurent. Le tabou qui continue d’entourer l’homosexualité oriente parfois les choix de vie. Bien que le mariage entre deux personnes du même sexe y soit autorisé depuis cinq ans, seuls deux couples ont franchi le cap d’officialiser leur union à la mairie. Le réalisateur Clément Bellorini donne la parole à plusieurs témoins, mais aussi à des acteurs du monde associatif qui cherchent à faire évoluer la situation. JULIE BORDENAVE
Et aussi…
La fabrique du mensonge dimanche 31 à 20h50 France 5 Peter Falk VS Columbo dimanche 31 à 22h45 Arte Infrarouge : goulags mardi 2 à 23h10 France 2 Paroles d’Algérie mardi 2 à 00h30 LCP André Téchiné, cinéaste insoumis mercredi 3 à 22h30 Arte L’émission politique, élections européennes jeudi 4 à 21h France 2 La vie après le suicide d’un proche jeudi 4 à 23h25 TV5Monde Chuck Berry vendredi 5 à 22h30 Arte L’amour à l’œuvre à partir du dimanche 7 avril à 19h15 Arte Sur les traces de Papa Bois, à Trinidad et Tobago dimanche 7 à 21h55 France Ô L’eau dans tous ses états à partir du mardi 9 à 19h Arte Vaccin, un trésor contesté mardi 9 après Soir 3 France 3 Habille-nous Africa mercredi 10 à 21h TV5Monde Agrocarburants, un plein à moitié vert jeudi 11 à 15h45 TV5Monde Dans le piano de Claude Bolling jeudi 11 à 23h30 TV5Monde