habiter quelque part
de l’utopie de la campagne à la réalité d’un territoire rural Habiter les Causses du Quercy aujourd’hui
Zoé Balla Travail Personnel de Fin d’Etudes - formation Paysage Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux Sous la direction de Guillaume Laizé Novembre 2017
Travail Personnel de Fin d’Etudes - formation Paysage Zoé Balla Soutenu le 30 novembre 2017
« Si vous avez construit des châteaux dans les nuages, votre travail n’est pas vain ; c’est là qu’ils doivent être. A présent, donnez-leur des fondations. » Henry David Thoreau.
Composition du jury : - Guillaume Laizé - Alise Meuris - Rebecca Cresson - Mathieu Larribe
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I - De l’utopie de la campagne
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Habiter
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La campagne Pistes de réflexion sur le vocabulaire de la campagne Attrait et appropriation de la campagne Conséquences paysagères : le modèle pavillonnaire Imaginer de nouvelles formes d’habiter la campagne
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À la rencontre des initiatives habitées Petit lexique de l’habitat
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Ecohameau d’Andral Ecohameau de Verfeil-sur-Seye Ecohameau de Boissières Ecolotissement de l’Orme du Payrat à Cahors Ecohameau de Lacapelle-Cabanac Les Ecobarris initiés par le PNR des Causses du Quercy La maison des aînés Projet d’habitat participatif à Saint-Bressou
Que nous montrent ces projets ? Quelle place pour le paysagiste ?
II- A la réalité d’un territoire rural Petit lexique du Quercy Paysages emblèmes du Lot : le plateau des causses Vers un reboisement L’habitat dans le Quercy Dynamique de l’habitat actuelle : constructions éparses sur les crêtes A la recherche de situations de projet Trois niveaux de réflexion
III - Vers des milieux de vie fertiles
Le projet urbain par le paysage Un « remplissage » progressif de la campagne à proximité de la ville Vers une uniformisation des paysages habités Un paysage de vallée marqué par l’action de l’eau Des enjeux liés au paysage habité Définir une stratégie pour remettre les paysages au coeur du projet d’habiter Déclinaison en fiches action
20 24 28 32 36 38 42 44
1ère terrasse : plaine alluviale et fertile de la Bouriette 2nde terrasse : terrasse habitée où se développe un habitat épars 2nde terrasse haute : arrière de la terrasse habitée ou s’ « opposent » habitat et agriculture Pechs abrupts : reliefs calcaires recouverts de boisements
Conclusion - Vers un schéma directeur de l’habitat à Bégoux
livernon quel développement pour un village rural ? Livernon : Un « village-type » des Causses du Quercy Une structure en boucles et mas L’éco-complexe caussenard : un héritage de l’élevage de brebis Vers une urbanisation récente éparse le long des routes Quel futur pour Livernon ? Redéfinir un axe de développement pour la commune qui préserve son cadre de vie et ses paysages agricoles typiques Proposer un nouveau mas contemporain
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49 52 54 56 58 61 62 64
montBrun regard paysagiste sur l’intégration de
l’haBitat dans le paysage
Montbrun : une commune qui n’a pas vocation à s’urbaniser Prendre du recul : Montbrun depuis le Saut de la Mounine Qu’est-ce qu’une construction qui s’intègre bien dans son paysage ? Préserver les paysages patrimoniaux de Montbrun sans les figer 1 - Interroger ponctuellement la maison 2 - Habiter un nouveau hameau au bord d’une doline
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Bégoux retrouver le lien à la géographie et aux paysages 67 Bégoux : Une situation péri-urbaine entre Cahors et campagne Une formation géomorphologique qui provoque un paysage étagé
1 - Renforcer l’ancrage dans un vaste paysage de vallée 2 - Reconquérir les vallons 3 - Affirmer la notion de campagne en lien avec l’idée d’un parc habité 4 - Organiser un cadre de vie qui s’inscrit sur une terrasse surplombant le Lot
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Conditions à l’émergence de paysages habités respectueux du lieu
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Conclusion
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Bibliographie thématique
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sommaire
Introduction
Alors que le projet urbain s’attache actuellement à reconstruire la ville sur la ville et à densifier pour arrêter de s’étaler toujours plus et préserver les terres agricoles alentours, vers quoi tend le projet rural ? La « ville-compacte » est-elle la seule réponse à apporter à la crise d’étalement résidentiel qui fragmente et éloigne davantage villes et campagnes ? Ce principe de la densité doit-il s’appliquer également aux villages ruraux comme le préconisent les documents d’urbanisme qui imposent une façon d’« urbaniser » la campagne ? Cette question du projet rural m’attire et m’interpelle et c’est sur ces interrogations de départ que je commence mon diplôme. Je ne sais pas répondre à ces questions mais je suis de plus en plus persuadée que de multiples réponses innovantes à la crise économique, sociale, écologique et urbaine que nous traversons peuvent être trouvées dans l’aménagement de milieux de vie humains ruraux, complémentaires aux milieux urbains. La campagne me paraît être porteuse de projets, d’expérimentation, d’innovation sociale et spatiale, encore faut-il pouvoir permettre l’émergence de cette créativité et de ces alternatives. Comment vit-on en milieu rural aujourd’hui et comment pourrait-on y vivre demain ? Comment revaloriser la représentation collective de la campagne pour ne plus la considérer seulement comme une réserve foncière et économique mais comme un lieu aux ressources multiples et à haut potentiel d’innovation ? Dans quelles conditions du projet rural peut-on permettre l’émergence d’initiatives locales ? Poussée par la curiosité, je suis tout d’abord partie à la rencontre de lieux, de personnes, qui ont osé dépasser les modèles standards et imaginer de nouveaux lieux de vie. C’est ensuite dans les causses du Quercy, territoire en pleine mutation sociale qui va avoir besoin de se réinventer, que j’ai cherché à confronter cet idéal de la campagne aux réalités et contraintes du terrain. En tant que paysagiste, il me semble important de me poser la question du devenir et du rôle complémentaire aux villes que vont pouvoir jouer nos campagnes dans notre société contemporaine. Je pense aussi que le paysagiste est en mesure de contribuer, parmi d’autres acteurs - urbanistes, architectes, sociologues, médiateurs, économistes etc. - aux processus de mutation des campagnes grâce à sa vision globale et sa capacité à faire projet. J’aimerai donc me saisir de ces enjeux pour proposer des pistes d’action et d’expérimentation propres au paysagiste.
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de l’utopie de la campagne 5
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habiter Je souhaite aborder la thématique de l’habitat en milieu rural sous son angle premier, se loger, se construire un chez-soi où l’on se sent bien, mais pas seulement. Habiter ne se résume bien entendu pas à cela, mais aussi à vivre et « faire vivre » un territoire. D’ailleurs les modes de vie des urbains et des ruraux sont aujourd’hui très semblables, si bien que ce n’est plus un critère suffisant pour les différencier. Seul le territoire sur lequel ils vivent diffère et c’est ce lien au territoire qu’il me paraît important de nourrir. Par cette entrée, les thèmes d’habiter l’espace public, de rendre vivant un lieu, du lien social entre les habitants, des relations de proximité dans l’agriculture et les services, du rapport entre les habitants et leur territoire me paraissent essentiels. J’entends le terme « habiter » également au sens d’habiter la terre. Nous sommes de passage sur une terre qui ne nous appartient pas malgré l’illusion que peut donner le titre de propriété foncière. Nous nous devons donc de laisser aux générations futures une terre habitable, vivable. De là émergent les questions de l’empreinte laissée dans les paysages et sur l’environnement. Comment peut-on construire des milieux de vie qui impactent peu l’environnement et les paysages ? Qui pourront évoluer et s’adapter aux nouveaux modes de vie de demain ? Comment peut-on ménager au lieu d’aménager ? En somme, cette question d’habiter en milieu rural intègre de nombreux aspects : vivre ensemble, partage, espaces communs, biodiversité, agriculture, lien à la terre et aux savoirs faires, culturel, artisanat, art, autoconstruction, durabilité, mixité sociale et générationnelle, éducation, mise en valeur commune d’une portion de territoire ; qui tiennent compte des ressources et potentialités d’un lieu et participent ainsi à la formation d’un paysage particulier. Ce sont ces valeurs que je vais chercher, sans être exhaustive, à questionner dans un projet d’habitat rural.
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la campagne Pistes de réflexion sur le vocabulaire de la campagne Une des origines possibles du mot « campagne » est qu’il a tout d’abord été utilisé pour désigner les « vaste étendue de pays plat et découvert » (MAROT, Epitre 45, vers 69, éd. C. A. Mayer) de la région « Champagne » dont il dérive. Il est donc tout d’abord associé à un unique type d’espace de grandes plaines céréalières et viticoles. Aujourd’hui, ce mot a évolué pour englober une plus grande mixité de situations rurales - montagnes, forêts, littoraux - mais il reste chargé de représentations et de connotations. La campagne est parfois perçue d’un point de vue pittoresque, ce sont des paysages bucoliques, des souvenirs d’antan, des étendues verdoyantes ou dorées ponctuées de coquelicots et de bottes de foin. Le mot campagne renvoie aux plaisirs de la vie rurale plus qu’à ses peines.
Aujourd’hui, le terme de « campagne » connait une renaissance. Il est majoritairement employé pour désigner le même type d’espace que le « rural ». « Si se fait sentir le besoin de changer de mot pour dire la chose, c’est que ce n’est plus de la même chose qu’on veut parler. » *. On peut donc déceler une certaine attente sociale derrière l’emploi redondant du mot « campagne ». C’est donc qu’il y a une volonté de redonner un sens particulier, de changer la vision que l’on a de ces territoires que les agriculteurs ne sont plus les seuls légitimes à gérer. Cette nouvelle culture commune est une vision non plus opposée à celle de la ville mais étroitement imbriquée à elle, deux mondes qui ne s’opposent plus mais qui deviennent complémentaires. D’ailleurs le terme de campagne est réemployé en majeure partie par les urbains euxmêmes pour désigner tout ce qui n’est pas la ville, mais qui ne se résume pas non plus seulement à l’espace agricole. Ce n’est plus seulement un espace non urbain, de production agricole mais il doit pouvoir accueillir d’autres demandes sociales comme la nature et l’environnement, les loisirs, l’habitat, le paysage. Si on emploie moins le terme « rural » connoté trop technicien, trop expert, c’est probablement pour redonner à la « campagne » son caractère universel et permettre sa réappropriation par tous en tant que bien commun.
Le mot « rural » lui, est apparu plus tard pour désigner des personnes ou activités qui « concernent la campagne » et remplacer le terme dépassé de « société paysanne ». Depuis quelques décennies il est employé dans un langage plus expert, plus technocratique - procureur rural, technicien rural, aménagement rural, poste rurale, patrimoine rural - et souvent en opposition au terme « urbain ». Il s’est renforcé dans les années soixante, lorsque les politiques d’aménagement sont devenues de plus en plus binaires - on parle de communes rurales et de communes urbaines *. Ce monde rural d’après exode rural était en outre, un monde entièrement dévolu aux activités agricoles. Le mot rural fait donc davantage référence au monde agricole et technocratique, inaccessible aux urbains, que le mot campagne qui laisse plus de place à la rêverie.
Enfin, les mots « paysans » et « pays » ont subi à peu près la même histoire que le mot « campagne ». Le réemploi de ces mots laissés pour compte hier n’est pas dénué de sens. Il peut être vu comme la volonté d’un groupe social de se donner une nouvelle identité. Ce sont des mots disponibles dans le langage commun. Le « paysan » porte en lui bien d’autres valeurs que le seul fait de produire ou d’exploiter les ressources de la campagne que l’on retrouve dans le terme « exploitant agricole ».
* source : André Micoud, Eternelles campagnes
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← Si « campagne » et « rural » sont souvent employés pour désigner le même espace, ils sont tous deux chargés de symboliques qui diffèrent légèrement. Le mot campagne évoque davantage des paysages bucoliques alors que le mot rural fait plutôt référence au monde de l’agriculture et du travail des hommes. Recherche d’images sur un moteur de recherche avec le terme « campagne »
Recherche d’images sur un moteur de recherche avec le terme « rural »
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Attrait et appropriation de la campagne Depuis très longtemps, la campagne attire, donne à rêver et à réfléchir. Dans l’Italie de la Renaissance, les villas étaient conçues pour la contemplation des paysages ruraux et s’inspiraient des techniques agricoles locales : murets, plantations d’oliviers. Elles étaient cependant réservées à des classes très aisées qui n’avaient aucun lien vivrier à la terre. Plus tard, à la 1ère révolution industrielle, la campagne est devenue source d’inspiration et d’utopie pour pallier aux maux de l’industrie. Les hygiénistes vantent alors les bienfaits de la campagne par rapport aux miasmes de la ville et tentent de ramener un peu de campagne en ville. Cela passe surtout par des parcs urbains, des allées plantées. Ce sont eux qui ont créé cette image pittoresque de la campagne ressourçante pour les urbains, qui persiste encore aujourd’hui. Des villes utopiques sont imaginées par Loudon et Howard au 19e en Angleterre pour inventer des villages nouveaux, autosuffisants et autonomes. De ces utopies non spatialisées vont naître les cités-jardins mais le concept de « cité idéale » ne sera jamais appliqué rigoureusement puisqu’il ne tient pas compte de l’hétérogénéité et des spécificités de chaque territoire.
← Schéma de la cité-jardin imaginée par Howard avec sa campagne composée de vergers, grandes fermes, pâturages, forêts, école d’agriculture etc.
Après la seconde guerre mondiale, avec la généralisation de la mécanisation et des engrais chimiques, l’exode rural pousse les populations paysannes privées de travail vers les villes. Les exploitations agricoles deviennent alors beaucoup moins nombreuses mais de plus en plus importantes avec de grands remembrements du parcellaire. A cette époque, les campagnes se vident et sont perçues comme des espaces de production intensive. En réaction à ce système dominant, des espaces de protection de la nature sont mis en place, ce sont les réserves naturelles et les Parcs nationaux, seule la nature extraordinaire est concernée.
← Schéma de la mise en réseau d’un groupe de villes « salubres » par des routes droites, une voie ferrée, un grand canal.
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Montée en puissance des questions de nature
Depuis les années 1990, un regain d’intérêt est en cours. Celui-ci s’est d’abord manifesté à proximité immédiate des villes provoquant un étalement urbain mais il s’exprime aussi dans des territoires plus ruraux. La campagne est aujourd’hui synonyme pour les urbains de ressourcement, de nature, de loisirs. Cela pose la question de sa gestion et de sa gouvernance qui ne sont plus laissées comme auparavant aux seuls agriculteurs mais où interviennent de plus en plus d’autres acteurs qui se sentent tous légitimes pour gérer cette campagne. C’est avant tout le mouvement éco-environnemental qui a mis au goût du jour la question de la campagne et de sa réappropriation pour des usages autres que l’agriculture. Avec l’apparition des termes « nature ordinaire » et « paysages ordinaires », les défenseurs de l’environnement ne s’intéressent plus qu’aux paysages remarquables mais à la totalité des territoires, la nature ordinaire est dorénavant considérée comme cadre de vie. On parle de « patrimoine naturel » ou « patrimoine de la biodiversité », le patrimoine étant un bien transmis de générations en générations.
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La campagne se retrouve donc sous un autre regard que celui des seuls agronomes ou techniciens agricoles. Des inventaires naturalistes sont effectués, on cherche à mesurer la biodiversité et plus seulement les caractéristiques productives d’un sol. Ces observations viennent d’ailleurs très souvent se poser en opposition et en compétition avec les activités agricoles en place. Tout ce qui pourrait porter atteinte à la pérennité et à la perpétuation du cadre de vie / nature est remis en question et dénoncé. Les défenseurs de la « nature ordinaire » revendiquent donc peu à peu une partie de la gouvernance des « campagnes ordinaires ». Des mesures agro-environnementales sont demandées. L’opposition se fait de plus en plus forte entre un système industriel agro-alimentaire puissant et une demande de transmission du patrimoine paysager ordinaire que celui-ci ne peut satisfaire. Depuis la loi d’orientation agricole de 1999, l’agriculture est reconnue comme multifonctionnelle. Cette loi a pour ambition d’orienter l’agriculture vers le développement durable en redéfinissant sa place dans notre société. Ainsi, elle ne servirait plus seulement à nourrir mais également à aménager des territoires et des paysages de façon durable. Par ce biais, l’Etat répond à plusieurs enjeux nouveaux de la campagne : le besoin de créer des « espaces publics naturels » répondant aux besoins de campagne des citadins et néo-ruraux, ainsi que la gestion des paysages de ces campagnes répondant aux mêmes types de besoins.
La campagne comme bien commun Ainsi, la campagne devient un nouvel espace politique incluant la nature. Elle est le nouvel emblème des valeurs de notre temps : développement durable, respect de la nature, construire un espace collectif durable. Chacun y va de ses raisons pour dicter ce qu’il convient d’y faire et elle est le théâtre d’une réappropriation à la fois par les naturalistes, les urbains et les politiques publiques. La création des parcs naturels régionaux, typiquement français, illustre bien cette réappropriation de la campagne ordinaire. De nouveaux parcs se créent encore aujourd’hui. Les parcs naturels régionaux s’organisent autour d’une charte qui défini le parc comme bien commun et public. Un nouveau statut d’espace se créé ainsi par une volonté commune des collectivités. De nombreux autres espaces publics naturels voient le jour : espaces naturels sensibles gérés à partir d’une taxe sur les opérations de constructions immobilières, territoires maritimes acquis par le Conservatoire du littoral, « arrêtés Préfectoraux de biotope », contrats territoriaux d’exploitation par lesquels les agriculteurs sont invités à se rapprocher d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Ces dispositifs publics servent tous à préserver la nature ordinaire en tant que cadre de vie partagé. Tous ces indices nous montrent bien que la campagne est en train de changer de statut pour prendre celui de bien commun, de longues années après la création du mot « biosphère » en 1926 pour désigner la Terre toute entière ce qui signifie qu’on vit tous dans un même habitat partagé. Alors que nous avons encore du mal à penser que l’espace public ne peut pas se trouver ailleurs que dans la ville, la campagne est pourtant en train de devenir un nouvel et vaste espace public – et, de plus en plus, géré par le pouvoir public.
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La campagne est désormais accessible à qui veut s’y rendre. Les sentiers de randonnée sont présents partout sur le territoire, ils sont balisés et fauchés régulièrement. Les routes sont entretenues de façon à presque ressembler à des voies urbaines, la signalétique y est la même. Des parkings, tables d’orientations et belvédères voient le jour près des villages. La campagne devient aujourd’hui un objet de désirs. C’est le lieu de nouvelles pratiques et d’expérimentations. C’est un espace qui permet de donner consistance à de nouvelles aspirations. L’endroit où les valeurs collectives, durables et environnementales peuvent être mises en pratique avec innovations, rêves, utopies et non de façon rébarbative comme les spécialistes le proposent en ville sous forme de développement durable, gestion patrimoniale, prévention des risques etc. Ce lieu des désirs subit donc de profonds bouleversements. Pour la première fois depuis longtemps, de l’argent circule des villes vers la campagne avec des mouvements publics au titre du développement local et des campagnes et des mouvements privés d’achat de résidences secondaires, de passage de bâtiments d’exploitation agricole à des fonctions d’habitat et de vacances, de développement de la ville sur la campagne, ou encore de développement des activités de tourisme et de loisirs.
Conséquences paysagères : le modèle pavillonnaire De fait, la campagne attire et redevient une utopie pour de nombreux urbains. Répondant aux besoins individuels élémentaires à un coût modéré, la maison pavillonnaire individuelle s’est rapidement imposée en tant que modèle d’habitat quasiment unique. Pourtant, elle se pose en tant que négation du lieu sur lequel elle s’implante, niant les particularités qui définissent chaque campagne. Les catalogues de maisons proposés par les constructeurs sont standardisés pour être adaptables à tous les territoires. Pire encore, le tissu urbain est rationalisé pour desservir au mieux chaque habitation en voiture et proposer à chacun un jardin individuel dont les potentialités sont très souvent largement sous-exploitées. Très peu d’attention est accordée à l’espace et au paysage ainsi créés, alors même que c’est ce qui était recherché à l’origine. Ce tissu urbain - ou cette absence de tissu urbain - se pose en rupture du tissu villageois existant et vient même parfois couper les relations existantes entre le village et l’activité agricole à proximité. Il est également peu mutable notamment de par l’absence quasi-totale d’espaces publics, le cloisonnement et la privatisation de portions de paysage, et son caractère uniquement fonctionnel de desserte automobile. Pourtant, des alternatives se mettent progressivement en place. Les nouvelles réflexions et projets d’écoquartiers ou éco-lotissements tentent de redonner une place plus importante aux espaces publics et aux circulations douces. Ces réponses restent cependant pour moi un prétexte pour faire du projet urbain incompatible avec le milieu rural car ils n’intègrent peu ou pas les problématiques de faible densité, de partage d’espace et de biens, d’autonomie, d’autoconstruction, d’artisanat, de culture, de vie communautaire et autres désirs qui peuvent naître des nouvelles aspirations pour la campagne. D’autres exemples de communautés, écohameaux, écovillages ou encore oasis, sont également nés de façon ponctuelle sur le territoire. Ce sont des projets expérimentaux et locaux qui intègrent différentes facettes du vivre ensemble et proposent une nouvelle façon de vivre la campagne. Ces initiatives restent pour le moment des cas isolés même si la demande semble forte. Cela est dû notamment aux dispositifs règlementaires et économiques de production de l’espace rural qui constituent un frein au développement de réels projets innovants.
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Labastide-Marnhac : deux voies d’accès carrossables accolées au sommet d’une colline boisée. L’habitat individuel décontextualisé et réfléchi uniquement à l’échelle de la parcelle privée provoque parfois des aberrations.
Cahors : on peut reprocher à l’habitat pavillonnaire individuel une absence de réflexion sur l’espace et les paysages produits.
Imaginer de nouvelles formes d’habiter la campagne
Le temps long
Si on ne peut pas convenablement définir la campagne comme le négatif de la ville, on peut lui trouver des particularités, des qualités qui lui sont propres.
Une des caractéristiques qui se retrouve fréquemment dans les projets ruraux est le temps long nécessaire à l’émergence des projets, à l’arrivée de nouvelles populations, aux financements, à l’adaptation des équipements et des services, du foncier. Les dynamiques rurales connaissent une certaine inertie par rapport aux dynamiques urbaines où tout va très, très vite. Les projets doivent donc s’inscrire dans ce temps. Ainsi, la faible densité n’est peut-être qu’une situation transitoire où la possibilité d’évoluer progressivement vers une densité plus élevée doit être permise, la possibilité d’accueillir plus tard de nouvelles activités professionnelles également. Les projets ne doivent pas être pensés comme une situation finie mais comme un processus évolutif.
La faible densité La campagne est caractérisée par une densité de population faible puisqu’elle intègre également des espaces agricoles et des espaces de nature - je considère ici comme espaces de nature, non pas des espaces naturels en opposition à des espaces artificiels, mais des espaces à vocation de nature en opposition à des espaces à vocation de production. La maison individuelle est aujourd’hui un élément majeur de la construction des paysages habités ruraux et il paraît vain de ne pas en tenir compte. L’hyperdensité ne semble donc pas se justifier. De même, la voiture est un moyen de transport nécessaire en milieu rural et ne peut, pour le moment, pas être remplacée par les transports en commun trop peu développés. Mais considérer la maison individuelle n’empêche pas de réfléchir à des mitoyennetés, des rapprochements, des contacts, des mutualisations de voies et de stationnement. Il convient donc de tenir compte de ces caractéristiques pour tenter d’aménager la faible densité. La limitation de la taille des parcelles et leur regroupement ont du sens par rapport à la protection des espaces agricoles mais cela ne doit pas contrarier le besoin d’espace de la population établie ou souhaitant s’y établir. A l’inverse, la faible densité ne doit pas empêcher de réfléchir dans une logique de proximité propre à la vie sociale villageoise tout en donnant une impression d’espace ouvert.
Les espaces communs Des espaces communs : prés communaux, étangs, lavoirs, espace central du village etc. se retrouvent dans de nombreuses campagnes françaises et sont héritées du moyen-âge où ils pouvaient être utilisés par tous les habitants et pâturés par les animaux des paysans les plus pauvres. Dans le Quercy, ils sont encore très présents et portent le nom de « coudercs ». L’espace commun a donc encore sa place dans le système rural. Cette particularité peut être exploitée pour des projets d’aménagement. Des espaces communs à tout le village ou collectifs - appartenant à un groupe d’habitants - peuvent être créés dans le cadre de nouveaux quartiers ou hameaux. Ceux-ci peuvent être des jardins partagés par les habitants ou des espaces disponibles pour tout autre projet. Ils ne sont ainsi pas aménagés par la commune mais par les habitants eux-mêmes ce qui limite les financements publics. Ils peuvent également être entretenus par des agriculteurs puis devenir collectifs par la suite ou encore faire l’objet d’une convention d’entretien. Ils sont ainsi des espaces-tampons entre les espaces habités et les espaces agricoles. 14
La relation au territoire
Ces espaces sont également des réserves foncières pour le futur, au cas où le village était amené à se densifier. Ils participent à la création de paysages habités en ménageant des « vides », des vues, des espaces non clôturés où le regard s’ouvre. Enfin, ils peuvent être le support d’activités et de biens partagés par les habitants : repas pris ensemble, salle commune, partage de voiture etc.
Enfin, une dernière caractéristique importante selon moi du « vivre à la campagne » et la relation entre l’habitant et son territoire. Cette particularité peut paraître évidente tant on vient souvent vivre à la campagne pour son cadre de vie, son calme, ses paysages. Cependant, elle est finalement rarement mise en pratique et il y a souvent une contradiction entre la volonté de départ : vivre dans un cadre de vie harmonieux et esthétique, et le produit de cet habitat sur le territoire : maisons individuelles éparpillées sans souci aucun de leur impact sur les paysages. Si la campagne en tant que bien commun commence à entrer dans la conscience collective, il n’est pas encore évident que le paysage est également un bien commun dont il est du devoir de tous d’être attentif et respectueux. La campagne offre cette possibilité unique d’un rapport entre l’habitant et son environnement, grâce à des vues lointaines, des sentiers de promenade, une végétation omniprésente et qui revêt différents aspects, une impression parfois d’immensité, parfois d’intimité et de protection. C’est cette relation étroite entre l’homme et son paysage qui est à approfondir dans les nouvelles formes d’habiter la campagne, c’est une mission, entre autres, dont le paysagiste peut être le garant.
L’autonomie Une autre caractéristique du monde rural est la possible et idéale recherche d’autonomie, rendue quasiment impossible en ville de part la densité très forte d’habitants et la relation moindre au territoire. C’est cette caractéristique qui attire et anime certains nouveaux habitants vers les campagnes. Autonomie ne signifie pas autarcie, elle suppose une ouverture sur le monde pour pouvoir échanger des biens et savoirs. Il est impossible d’atteindre l’autonomie complète et totale, mais il est possible de cheminer vers cet idéal dans différents domaines par exemple au niveau alimentaire, de l’eau, énergétique, économique avec une consommation locale, culturel etc. De plus, l’autonomie dépend de l’échelle à laquelle elle est mise en pratique. Ainsi, elle n’est pas forcement individuelle. Une autonomie alimentaire par exemple, peut être trouvée à l’échelle du village par la mise en place de circuits courts de vente, mais cela s’applique aussi aux autres commerces et services proposés.
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à la rencontre des initiatives habitées Pour avancer sur la thématique de l’habitat en milieu rural, j’ai commencé par aller voir ce qui existe déjà, aller à la rencontre des habitants sur le terrain, comprendre ce qui se passe, pourquoi et comment. Je me suis donc intéressée à tout projet d’habitat qui pouvait être novateur, qui portait des ambitions, des rêves, des utopies et qui tentait de les mettre en pratique.
Comme on va le voir, les projets d’habitat rural peuvent prendre des formes très diverses et parfois hybrides. J’ai choisi de simplifier et de distinguer trois catégories de projets : - Les projets d’initiative citoyenne groupés en autopromotion : ce sont les plus anciens, ils concernent des communautés d’habitants qui se sont formées dans une même optique de vivre ensemble et qui ont monté leur projet seuls, en faisant parfois appel à des aides extérieurs : architecte, juriste, médiateur en communication, entreprises de travaux etc. C’est le cas du écohameau d’Andral, en partie de celui de Verfeilsur-Seye et également dans une moindre mesure, de la maison des aînés de Livernon.
J’ai alors réalisé que les initiatives et les envies étaient nombreuses mais qu’elles pouvaient prendre des formes très diverses. Tant par l’organisme à l’origine du projet, ses motivations dominantes, le choix de l’opération d’aménagement, du statut juridique, le degré de participation des futurs habitants, que par le résultat spatial de tous ces facteurs dans un paysage donné. Il existe autant de façons d’habiter autrement la campagne que d’habitants qui souhaitent habiter autrement ! Et il n’existe pas de recette miracle qui fonctionne plus qu’une autre, chaque cas est unique avec ses qualités et ses limites.
- Les projets d’habitat participatif initiés par une collectivité : ils sont rares pour le moment mais vont probablement se développer. Les collectivités peuvent faire appel à des professionnels du projet participatif comme Hab-Fab en région Occitanie, pour porter le projet. On y trouve par exemple le projet de Saint-Bressou porté par la commune et celui du Champ Foulon dans le Vexin français porté par le PNR.
Toutes ces initiatives ont pour point commun de chercher à répondre - pas toutes au même degré - à des enjeux actuels : limiter les impacts sur l’environnement, créer plus de lien social, favoriser les échanges et la proximité, consommer autrement, encourager les déplacements doux, retrouver le temps de vivre simplement, retrouver un lien au territoire et aux paysages...
- Les projets de quartiers ou hameaux qualitatifs, portés par une collectivité : ce sont des projets où les futurs habitants n’interviennent pas ou peu dans la conception du projet comme au écohameau de Boissières, celui de l’Orme du Payrat ou encore les écobarris du Parc. Ce qui les différencie de la catégorie précédente est le degré de participation des futurs habitants, ainsi certains projets peuvent être hybrides et se trouver entre les deux catégories comme le projet de Lacapelle-Cabanac conçu par un aménageur mais qui comporte un volet participatif.
Je présenterai ici quelques exemples d’initiatives rencontrées dans le Lot et un peu plus loin. Ce ne sont pas seulement des descriptions mais également une analyse personnelle de ces situations orientée vers le projet d’habitat. De par leur diversité, elles peuvent permettre d’ouvrir des pistes et des possibles façons d’habiter la campagne. 16
Ecobarri de Mayrinhac-Lentour
Ecohameau d’Andral
Projet d’habitat participatif à Saint-Bressou
Ecohameau de Boissières
Ecohameau de Lacapelle-Cabanac
Ecobarri de St-Simon Maison des aînés à Livernon
Lotissement de l’Orme du Payrat
Ecohameau de Verfeil-sur-Seye
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Source : https://www.colibris-lemouvement.org/projets/projet-oasis/carte-oasis
Ecobarri de Lavergne
← Cartographie interactive créée par le mouvement Colibris et la Coordin’action nationale de l’habitat participatif, et complétée par mes soins sur le territoire du Quercy. Le logo rouge existe sur la carte initiale et localise à l’origine les « oasis de vie » du mouvement Colibris.
De toute la diversité des types de projets d’habitat existants, la nécéssité s’est rapidement fait sentir de clarifier les termes employés. J’ai donc souhaité ici réaliser un petit lexique des expressions susceptibles d’être rencontrées pour des projets d’habitat à la campagne. Ces définitions sont celles que j’ai jugées les plus claires et adaptées à mon usage de paysagiste :
Petit lexique de l’habitat : Ecoquartier : il est défini par le Ministère de la Cohésion des Terri-
Oasis : terme inventé par le mouvement colibris fondé par Pierre Rabhi
toires comme « projet d’aménagement urbain qui respecte les principes du développement durable tout en s’adaptant aux caractéristiques de son territoire ». Un label national EcoQuartier a été mis en place en 2012 pour valoriser les projets exemplaires jugés réellement ambitieux au niveau du développement durable.
pour désigner des écohameaux / écolieux / écoquartiers / cohabitats ou tout autre lieu de vie communautaire qui tendent vers 5 grandes intentions : agriculture locale écologique, éco-construction, mutualisation, gouvernance respectueuse et ouverture sur le monde.
Lotissement : opération d’aménagement consistant à transformer des
Ecovillage / Ecohameau / Ecolieu : les définitions pour ces expressions divergent beaucoup. La cause en est qu’ils sont vécus comme des laboratoires d’expérimentations alternatives qui fonctionnent toutes d’une manière différente et indépendante. On peut retenir que ce sont des lieux qui proposent un mode de vie communautaire basé sur la notion de durabilité et qui tendent vers une volonté d’auto-suffisance. Une grande place est accordée à l’écologie appliquée et à l’harmonie entre l’homme et son milieu d’une manière globale - respect de la biodiversité, économie locale, écologie, permaculture, relations humaines etc. Ces lieux novateurs se retrouvent principalement en milieu rural, support privilégié d’expérimentation d’écosystèmes humains, là où la ville induit obligatoirement un système de dépendance. Il faut noter que ces noms sont employés pour des projets très divers et ne répondant pas tous au même niveau d’exigence, ils sont parfois repris pour désigner des petits écoquartiers ruraux non communautaires.
terrains non viabilisés en terrains constructibles par division en lots. Il est défini par le code de l’urbanisme comme « la division en propriété ou en jouissance d’unités foncières contiguës ayant pour objet de créer des lots destinés à être bâtis ». Opération aujourd’hui très critiquée notamment dans sa forme de lotissement pavillonnaire en contexte péri-urbain car il contribue à l’étalement urbain et à la standardisation des paysages. C’est pourtant un outil encore très utilisé et qui peut se révéler profitable dans certains contextes, notamment ruraux.
Maison pavillonnaire / maison de constructeur : type d’habitation individuelle - une maison par famille - à prix abordable souvent vendue par des constructeurs et produite en séries entrainant une standardisation des constructions.
Mitage : on parle de mitage pour désigner une urbanisation non maitrisée dont la conséquence est la construction d’habitations dispersées dans des zones rurales.
Ecobarri : terme inventé par le Parc Naturel Régional du Quercy pour désigner des projets - opérations de lotissement - de petits écoquartiers ruraux au sein du PNR 18
Communauté intentionnelle : ensemble de personnes ayant choi-
Coopérative d’habitants : type de société créée par la loi ALUR
si de vivre ensemble en un lieu donné et sous une forme organisationnelle et architecturale définie.
de 2014 qui permet la propriété collective et où les habitants versent un loyer mensuel à la société, celle-ci ayant la capacité d’emprunter. Société d’Attribution et d’Autopromotion : 2e type de société créée par la loi ALUR de 2014. Les familles associées doivent apporter l’intégralité des fonds nécessaires au projet, parfois grâce à des prêts individuels.
Habitat participatif / habitat groupé / habitat autogéré / cohabitat / habitat partagé / habitat coopératif / autopromotion : Tous ces termes sont employés pour désigner l’habitat participatif avec parfois de légères nuances. Ils ont souvent été créés et employés à des époques et dans des contextes différents. L’habitat participatif a été reconnu très récemment dans la loi - loi ALUR en 2014. Voici comment cette loi le défini : Art. L. 200-1. – L’Habitat Participatif est une démarche citoyenne qui permet à des personnes de s’associer - communauté intentionnelle - afin de participer à la conception de leurs logements et des espaces communs, de construire ou d’acquérir leurs habitations et d’en assurer la gestion. Compléments fournis par la Coordin’action nationale de l’habitat participatif : « [...] en cohérence avec leurs moyens et leurs aspirations, en particulier en matière de vie sociale et d’écologie. Les futurs habitants définissent leurs souhaits architecturaux et leur capacité de financement. Ils se réapproprient ainsi les décisions et responsabilités de l’acte de construire ou de rénover, d’adapter et d’entretenir leur lieu de vie ».
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L’ écohameau d’Andral - ou Mas d’Andral - est né à l’origine d’un groupe de 6 personnes qui avaient pour souhait de vivre ensemble à la campagne dans une démarche écologique et sociale. Ils partirent donc à la recherche d’un terrain où ils pourraient concrétiser cet idéal de vie commun. Le terrain choisi est un grand terrain agricole de 8,5 ha situé sur la commune du Vigan dans le Lot. Ils achètent alors le terrain ensemble sous le statut d’une SCIA - Société Civile Immobilière d’Attribution - et font appel à un architecte-urbaniste pour rédiger le permis d’aménager qui est obtenu en février 2010. La modification du PLU se fait fin 2011. Commencent alors les travaux de viabilisation du terrain en 2012, financés par les habitants eux-mêmes : canalisations, stabilisation des routes et parkings, phyto-épuration etc. La commune ne finance rien mais n’est pas non plus hostile au projet. Comme pour beaucoup de projets de ce type, les démarches furent longues et épuisantes et il ne reste aujourd’hui qu’une seule personne du groupe de départ, les autres étant partis vers d’autres aventures. Au fur et à mesure, d’autres personnes ont rejoint le projet. Le premier permis de construire est déposé en octobre 2012, soit 3 ans après l’achat du terrain.
Ecohameau d’Andral - 46
Un bout de paradis entre causses du Quercy et Périgord
SCIA, Société Civile Immobilière d’Attribution créée en 2009
Habitat participatif groupé en autopromotion
Le Vigan - 46, terrain isolé en périphérie (7 km) d’une petite ville de 4000 habitants, Gourdon
8,5 ha dont 2 ha constructibles 10 maisons habitées, 4 en construction, 25 parcelles au total 16 adultes et 7 enfants
Visité le 8 avril 2017 Particularités : hameau créé de toute pièce, très nombreux terrains mis en commun, pas de clôtures, charte de construction stricte, habitations qui prennent place dans un terrain en pente
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En parallèle, les futurs habitants ont beaucoup travaillé sur les aspects humains du vivre ensemble, aspect qui paraît être le facteur le plus difficile à gérer et qui est la plus grande cause d’échec pour ce type de projet. Aujourd’hui, l’écohameau accueille 16 adultes et 7 enfants et une dizaine de parcelles sont encore disponibles. Ce qui marque au premier abord quand on arrive au écohameau, c’est la sérénité du lieu due à l’absence de circulation de voitures. Toutes sont garées sur un parking commun et l’accès aux habitations en voiture ne se fait qu’occasionnellement. Les enfants sont alors libres de courir d’une maison à l’autre sans danger. Ce lieu nous surprend également par un autre aspect : il n’y a quasiment aucune clôture à l’intérieur du hameau. D’un point de vue spatial, il me semble que c’est un des facteurs déterminant dans la production des paysages habités du hameau. Une place importante est laissée aux espaces communs extérieurs et la maison fait office d’espace plus intime et familial.
A quoi répond l’écohameau d’Andral ? Grâce à sa charte et à l’envie commune de ses habitants, l’écohameau d’Andral répond à la fois à des besoins et envies personnels et à des valeurs et enjeux communs. Ainsi, les habitants ont une même envie de partage et d’un mode de vie plus respectueux de l’environnement avec des constructions écologiques sans pour autant s’isoler à la campagne. Mais leur volonté est également de conserver une part d’individuel puisqu’ils vivent chacun dans leur habitation, ayant le choix de s’isoler ou de partager des moments communs. En terme d’enjeux plus globaux, l’écohameau répond à la consommation d’espace agricole en faisant le choix d’habitations groupées qui préservent des surfaces importantes de terrains agricoles, jardins, boisements. Une partie des terrains est prêté à un jeune agriculteur voisin par exemple. Ici, les habitants ont fait le choix de créer de toute pièce un nouveau hameau rural. Mais l’écohameau n’est pas un microcosme isolé. Il se relie au territoire grâce à ses habitants qui s’investissent dans les associations locales du village, organisent des visites régulièrement ainsi que des stages pour partager leur expérience, notamment sur l’aspect relationnel de la vie en collectivité. Ils participent ainsi à la vie du territoire.
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Quel impact sur les paysages ?
Des choix de construction très stricts
La commune du Vigan est située au nord-ouest du Lot dans des paysages de « Bouriane » aussi vallonnés que les paysages de causses mais plus verdoyants et humides, en transition avec le Périgord noir à l’ouest. L’habitat est traditionnellement diffus et cela se perpétue aujourd’hui avec de nombreuses habitations pavillonnaires isolées ou par petits groupes de quelques maisons. Les covisibilités sont moins fortes que dans les causses, de part une plus forte présence de la végétation. Ainsi, depuis la route, l’écohameau est très discret dans le paysage. Il s’insère assez naturellement notamment grâce à sa forme urbaine qu’on pourrait qualifier de spontanée, libre et non rigide, à la manière des hameaux d’autrefois.
De plus, la charte est très contraignante quant à la qualité des constructions bâties. Celles-ci doivent être construites avec des matériaux les plus écologiques possibles, certains matériaux sont interdits comme le parpaing, d’autres tolérés comme les toitures en bac acier, pour des raisons économiques. Il n’y a quasiment pas de terrassement et les constructions doivent trouver leur place dans la pente naturelle du terrain. Les constructions légères : yourtes, caravanes, mobil-homes sont également tolérées le temps des travaux mais doivent être si possible recouvertes de bardage bois et retirées une fois les travaux terminés. Les habitants ont fait le choix de règles très strictes comme le fait d’avoir des maisons mitoyennes par deux sauf dérogation. Certaines maisons paraissent donc « en attente » de leur jumelle. Ils ont ainsi opté pour un habitat groupé très dense pour ce contexte rural et qui peut paraître difficile à tenir pour aller jusqu’aux 25 maisons annoncées.
L’écohameau prend place sur une pente relativement forte surplombant une combe. L’implantation des constructions dans la pente se fait de façon à ne pas trop impacter le terrain, les gros terrassements sont évités et les constructions n’entravent pas la circulation de l’eau. Les eaux pluviales et grises de l’écohameau sont dirigées vers le bas de la pente où se trouve un système de phyto-épuration. Le choix d’un habitat très groupé et le prêt de terrains à un agriculteur en font un hameau qui préserve le plus possible les terres agricoles.
Les voies d’accès sont réalisées en gravier stabilisé et le bitume est proscrit. De même, il est interdit de stationner devant sa maison de façon permanente, les voitures doivent être garées sur les parkings communs. On peut donc dire que les habitants se sont imposés eux-mêmes des contraintes plus fortes que ne l’aurait fait un aménageur d’écoquartier. Cette rigueur leur permet de garder une certaine qualité de vie - calme, absence de voitures - et une certaine harmonie esthétique sur le lieu qui est essentielle pour conserver le statut de structure sérieuse acquis au fil des années par l’écohameau. Elle ne peut cependant être respectée que parce que les habitants se sont eux-mêmes fixés ces règles.
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Pour cet autre exemple de façon d’habiter la campagne, nous sortons du Lot pour nous rendre dans les collines verdoyantes du Tarn-et-Garonne à Verfeil-sur-Seye. J’ai ici souhaité m’imprégner pleinement de cette vie particulière d’habitant d’écohameau participatif. J’ai eu l’occasion de participer à une étape de l’autoconstruction d’une maison en paille, bois et enduits terre-paille. J’ai donc partagé une semaine de vie commune avec les habitants et les autres bénévoles.
Ecohameau de Verfeil-sur-Seye - 82
Un écohameau participatif avec le statut de lotissement Opération de lotissement portée par l’association AES - Auto Ecoconstructeurs Solidaires - composée d’architectes et urbanistes souhaitant promouvoir ce type d’habitat en association avec le CAUE, le département et le Pays Midi-Quercy. Projet abandonné et repris par les habitants eux-mêmes
Des projets d’habitat nouveaux parfois mal reçus par les locaux
Propriété individuelle règlementée sous forme d’une charte du écohameau, les espaces communs appartiennent à la SARL
Ce lieu de vie aujourd’hui paisible a connu de nombreuses mésaventures à ses débuts. Il a tout d’abord été initié par des architectes et urbanistes sensibles à la question de l’étalement urbain et de la standardisation des habitations. Un permis de lotir a été rédigé et accepté en janvier 2008 pour créer un nouveau hameau groupé avec des constructions écologiques, après 3 ans de maturation du projet et la recherche d’une commune qui adhérait au projet.
Verfeil-sur-Seye - 82, terrain isolé sur une petite commune dynamique de 300 habitants 2,7 ha dont 1 ha constructible 5 maisons construites, 1 en construction, 11 parcelles au total 11 adultes et 7 enfants Visité du 22 au 26 mai 2017 Particularités : écohameau participatif qui a le statut de lotissement, projet rejeté par les habitants au départ qui l’ont porté en justice, grande halle commune, personnes exerçant leur profession sur le lieu, grand jardin potager en permaculture, accueil du public
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C’est alors que les habitants voisins s’opposent fermement au projet et montent une « association de sauvegarde du patrimoine paysager et architectural de Verfeil-sur-Seye ». Ils font un recours en justice contre le projet. En cette période d’élection municipale, l’écohameau est devenu l’enjeu principal de la campagne électorale dans le village. Soutenu par la commune, le département, le Pays Midi-Quercy, la Région, l’ADEME etc., l’écohameau obtient gain de cause en justice. Cependant, les banques ne veulent plus prêter à la SARL et le projet est abandonné en avril 2008. Les futurs habitants qui étaient déjà impliqués dans le projet se mobilisent alors et rachètent la SARL fin 2008. Un second recours est déposé en juin 2009 contre le permis de construire et un nouveau permis de construire est accordé en avril 2010 avec l’aide d’un avocat. Les travaux de viabilisation reprennent, sur les fonds propres des habitants : routes, phyto-épuration, bassin pompier, plantations de haies, construction de la halle, pour un montant de 230 000€. Un nouveau recours est déposé par l’opposition en juin 2010 et cette fois-ci le juge lui donne raison. Les travaux sont stoppés. Ce n’est sans compter sur l’acharnement de l’un des habitants et le soutien du nouveau maire. Ce n’est qu’en avril 2013 qu’un nouveau permis d’aménager est obtenu pour terminer les parties communes. Les premières constructions voient le jour à l’été 2013, 9 ans après le démarrage du projet et 5 ans après que le projet ait été repris par les habitants ! Cet exemple nous montre à quel point ce type de projet peut être difficile à mettre en place et est dépendant du facteur humain. Encore méconnus, la méfiance est souvent la première réaction à la mise en place d’écohameaux participatifs. Cela montre qu’une communication est nécessaire avec les habitants déjà présents dans la commune mais également à quel point une toute petite minorité opposée au projet peut le mettre en péril.
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A quoi répond l’écohameau de Verfeil-sur-Seye ? Les envies et enjeux sont sensiblement les mêmes qu’au écohameau d’Andral. A Verfeil, les habitants ont mis en place un parking et une halle commune où ils prennent parfois des repas ensembles. Ils ont également un atelier de bricolage partagé, des douches, des toilettes sèches et un terrain de « camping » pour accueillir des amis. Là encore, les terrains individuels ne sont pas clôturés et la voiture est absente à l’intérieur du hameau. Une qualité possible avec tous les statuts juridiques Ce qui est intéressant au écohameau de Verfeil par rapport à d’autres écolieux, est son statut premier d’opération de lotissement. Même si les habitants actuels aimeraient changer ce statut pour être certains de préserver l’esprit du lieu, celui-ci a été conçu à l’origine comme un quartier divisé en parcelles privées pouvant accueillir des constructions écologiques. Ainsi, toutes les constructions se trouvent sur des parcelles individuelles dont les habitants sont chacun propriétaires - propriété individuelle -, comme cela se fait habituellement, contrairement aux sociétés souvent préférées dans les écohameaux où la collectivité est propriétaire de toutes les maisons et terrains - propriété collective -, les habitants étant alors actionnaires de la société. Les limites de ce type de projet, on l’a vu, est qu’ils sont difficiles à mettre en place, ils demandent une énergie et un temps considérables. Ainsi, ils ne sont pas généralisables tels quels à grande échelle mais ce projet nous montre que des compromis peuvent être faits et qu’une opération de lotissement menée avec les habitants peut être porteuse d’une très grande qualité.
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Le potager en permaculture a été initié il y a deux ans par un habitant qui distribue les légumes aux habitants du hameau et vends le reste. ↓
Croquis du écohameau imaginé par l’association AES en 2007. Aujourd’hui, on retrouve la structure dessinée il y a 10 ans dans les grandes lignes, les clôtures, les haies et la végétation en moins. ↓
Quel impact sur les paysages ? Aujourd’hui, quasiment toutes les constructions ont été autoconstruites, c’est même une des particularités de ce hameau. Cela a notamment été possible grâce à la présence sur le lieu d’un professionnel de la construction écologique en bois et paille. Les maisons s’insèrent dans la pente sans terrassements et s’orientent par rapport au soleil. Elles sont très peu visibles depuis les vues lointaines grâce à la présence d’une végétation importante dans la région. Encore une fois, ce type de projet permet de limiter la consommation de surfaces agricoles en proposant des maisons groupées, il porte une attention particulière aux paysages et utilise des matériaux locaux grâce auxquels les maisons s’intègrent plus naturellement dans leur environnement. Un lieu de vie dynamique et pas isolé Une autre grande particularité de ce lieu de vie est la présence de personnes exerçant leur activité dans l’enceinte du écohameau. Ainsi, Stephan s’est formé à la construction paille dont il a fait son métier, Elsa travaille en tant que traductrice en télétravail, Alice aujourd’hui a la retraite a fait de l’étage de sa maison un dojo où elle donne des cours d’arts martiaux et Daniel s’est lancé dans un potager en permaculture il y a deux ans dont il commence à vivre. De plus, la dizaine d’enfants habitants dans le hameau participent également à faire vivre l’école et la vie associative du territoire. L’accent est mis sur les liens avec l’extérieur avec l’organisation de stages et rencontres, de chantiers participatifs, des liens avec les associations du village. Ainsi, ce projet permet de redonner une nouvelle dynamique au territoire rural autrefois en dévitalisation.
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L’écohameau de Boissières est né de la volonté de la communauté urbaine du Grand Cahors - service habitat, de proposer un nouveau quartier rural qualitatif à proximité de la ville de Cahors. Le terrain choisi est une ancienne friche industrielle - briqueterie - dont le Grand Cahors a fait l’acquisition. Il a alors axé l’aménagement du futur hameau dans une optique de développement durable et de qualité du cadre de vie ce qui représente un réel challenge pour un projet de ce type. D’autant plus qu’une autre volonté était de proposer des parcelles et des habitations qui restent accessibles financièrement. Les terrains se vendent à partir d’environ 10 000 € et il y a 7 logements locatifs sociaux actuellement tous habités.
Ecohameau de Boissières - 46
Un quartier ambitieux et accessible à 15 km de Cahors Opération de lotissement portée par la communauté d’agglomération du Grand Cahors, avec lots en accession à la propriété et 7 logements sociaux en location Propriété individuelle, logements locatifs sociaux
Quelle stratégie pour garantir la qualité de l’aménagement ? Boissières - 46, ancienne briqueterie sur une commune rurale à 15 km de Cahors
Pour aller dans le sens des ambitions qu’il portait, le Grand Cahors a dû adopter une démarche qui garantisse un projet qualitatif tout en restant accessible. Il a fait appel à un architecte et une paysagiste pour réaliser un plan d’aménagement de l’ensemble du hameau proposant un découpage du parcellaire mais aussi des contraintes pour l’implantation des futures constructions. Cette équipe a également eu en charge de réaliser un règlement de lotissement qui détermine les règles d’urbanisme à respecter par les acquéreurs ainsi qu’un livret de recommandations qui a davantage un rôle de conseil. De plus, la présence de bailleurs sociaux pour réaliser des habitations sur 7 lots a eu un impact très positif sur la qualité globale du hameau. En effet, ceux-ci peuvent se permettre de construire plusieurs habitations d’un coup et donc de garantir une homogénéité et une qualité dans l’implantation urbaine des constructions, ce qui est moins évident lorsque les maisons sont construites les unes après les autres par des propriétaires différents.
4 ha dont 1,9 ha constructibles 7 maisons en location, 1 maison construite, 2 en construction, 27 parcelles au total Visité le 1er avril 2017 Maître d’oeuvre : architecte : Philippe Bergès, paysagiste : Amélie Vidal Particularités : hameau porté par une collectivité publique, attention portée à la forme urbaine et au paysage du hameau, présence de bailleurs sociaux qui apportent de la qualité à l’aménagement du hameau
Le quartier propose une structure commune composée de voiries, de placettes, de parkings communs et d’abris couverts, dans laquelle viennent s’insérer les constructions individuelles. 28
Les limites de ce type d’opération Premièrement le vocabulaire est ambigu. On appelle écohameau cette opération de lotissement à orientation qualitative, tout comme on appelle aussi écohameau un habitat participatif groupé en autopromotion comme celui d’Andral ou de Verfeil-sur-Seye. Ils ont en commun la particularité de chercher à répondre à des enjeux de notre société actuelle. Le mot « éco » employé à tout va, paraît être là pour combler des lacunes de notre société contemporaine. Sous ce mot, se cachent les notions d’écologie, de cadre de vie, de nature, de « développement durable », de lien social etc. Ici pourtant, les réponses ne sont pas aussi poussées que dans certains projets en habitat participatif. Cela permet notamment à ce quartier d’en faire un modèle plus facilement reproductible et accessible à une plus large partie de la population. Des limites se font rapidement sentir dans la qualité de l’aménagement. Tout d’abord, le règlement de lotissement ainsi que le cahier des charges du permis d’aménager sont assez peu contraignants. Les habitants n’ayant pas participé à l’émergence et à la fabrication du projet, ne sont pas forcement investis dans l’idée d’un quartier lié au développement durable, ou encore ont une idée personnelle peu précise de ce que pourrait être un quartier qualitatif. Ils ne tiennent pas forcement compte des constructions existantes lors de la conception de leur maison. Pour le moment, ce sont surtout les constructions qualitatives des bailleurs sociaux qui dominent dans le hameau mais elles seront minoritaires à terme. Le traitement des clôtures est lui aussi peu défini dans le règlement. Ainsi, une jeune haie de lauriers palme a été plantée devant une maison individuelle ainsi que des cyprès. On peut donc se demander quel sera le paysage du hameau dans quelques années ? Est-ce que cela ne deviendra pas un patchwork de maisons pavillonnaires entourées de leur haie comme on en retrouve ailleurs ? Comment vont se traduire sur le long terme les ambitions portées au début du projet ?
↑ De ce point de vue, les paysages habités du hameau s’apparentent à une juxtaposition de choix individuels et d’éléments urbains comme le mobilier d’éclairage. De jeunes lauriers palmes ont déjà été plantés devant la maison de gauche ce qui modifiera la perception du hameau dans le futur.
↑ Depuis la route départementale, l’écohameau s’intègre assez bien dans les paysages boisés de causses. Le fait d’avoir conservé des arbres existants et de construire des abris au premier plan permet de donner moins d’importance aux constructions.
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↑ Ci-dessus : en haut, les bâtiments désaffectés de l’ancienne briqueterie n’ont pas été intégrés dans la réflexion du hameau par manque de moyens pour les rénover. Ils auraient pourtant pu être le support d’un projet commun pour les habitants. En bas, à l’entrée du hameau, les éléments individuels s’accumulent : clôtures, plantations, jeux pour enfants.
← Page ci-contre, la partie réalisée par les bailleurs sociaux est la plus qualitative du hameau
Ce type d’opération semble être novatrice dans la manière d’aménager un quartier et l’attention portée à la qualité du cadre de vie commun. Elle est aussi facilement généralisable. Cependant, elle nous montre aussi des limites quant à l’ambition de départ ainsi qu’un manque de souplesse pour l’implication des habitants dans les lieux communs. Le fait que le projet ne soit pas conçu avec les futurs habitants en fait une juxtaposition d’envies personnelles plutôt qu’un projet global. On comprend donc ici l’intérêt d’aller plus loin dans le règlement du lotissement, d’organiser des ateliers avec les habitants et de mettre en place une structure juridique capable de faire se réunir des habitants ayant des envies communes.
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Sur la terrasse de Bégoux en surplomb du Lot, un projet d’ « écolotissement », « écohameau », parfois aussi nommé « lotissement à haute qualité environnementale » est en train de voir le jour. Là encore, l’ambiguïté du vocabulaire donne l’impression qu’il a été choisi davantage pour « vendre » le projet que pour définir le nouvel espace qui va être créé. Ce nouveau quartier porte des ambitions annoncées de mixité sociale, densité de constructions, bâtiments à haute qualité environnementale, plantations de haies avec des espèces locales etc. Malheureusement, il est pour moi le reflet de beaucoup de projets actuels, où l’ambition annoncée au départ ne rencontre pas le résultat attendu.
Ecolotissement de l’Orme du Payrat à Cahors - 46 Un nouveau quartier sous l’appellation « écohameau »
Opération de lotissement portée par la communauté d’agglomération du Grand Cahors, avec lots en accession à la propriété et 10 logements sociaux en location Propriété individuelle, logements locatifs sociaux
Un projet décontextualisé, le paysage oublié Cahors - 46, ville de 20 000 habitants, quartier résidentiel de Bégoux à 15 min du centre-ville, sur l’autre rive du Lot
La première impression qui m’est apparue en visitant ce nouveau quartier est une juxtaposition de constructions hétérogènes. Il est quasiment impossible d’y lire une hiérarchisation de l’espace. La route centrale est imposante et divise le quartier en deux. Elle ne se rattache pas aux voies existantes à ses extrémités. Les constructions les plus qualitatives, portées par le bailleur social sont disséminées à différents points du quartier. La typologie urbaine créée par ce quartier se rapproche de celle d’un lotissement classique de maisons pavillonnaires posées au milieu de leur parcelle et desservies par une voirie utilitaire. Le paysage global, déjà très chamboulé sur la terrasse résidentielle de Bégoux, semble avoir été oublié. Il me semble que ce projet résulte d’une réflexion à la parcelle, qui ne tient pas compte de l’urbanisme et des paysages existants. Le slogan du quartier « La ville à la campagne » paraît être révélateur d’un manque de prise en compte du contexte local. On cherche ici à reproduire « la ville » dans un terrain « vierge » de campagne et non à inventer de nouveaux modes d’habiter et de vivre contemporains à la campagne. Une réflexion préalable sur l’organisation de l’habitat en milieu péri-urbain à l’échelle de toute la terrasse de Bégoux aurait probablement abouti à une manière différente de concevoir ce quartier.
2,4 ha dont 2 ha constructibles 10 logements en location, 9 maisons de particuliers construites, 27 parcelles au total Visité le 12 mai 2017 Maître d’oeuvre : architecte Philippe Bergès, paysagiste Amélie Vidal, bailleur social Polygone Particularités : opération porté par une collectivité publique avec travail d’un architecte et d’une paysagiste, appellation d’écohameau peu justifiée, présence d’un bailleur social, manque de lien entre le nouveau quartier et le territoire
C’est ce que j’ai essayé de proposer dans la troisième partie de mon diplôme - page 67. 32
Un effort a été fait de la part de Polygone - maisons à gauche - sur le rapport entre les habitations et la rue. Cependant, cette rue linéaire aurait pu être davantage soignée en tant qu’espace public partagé.
Les constructions privées et les constructions du bailleur social se font indépendamment créant un espace urbain hétérogène.
La maison au centre de la photo a été construite dans l’axe de la route qui descend, impactant fortement la vue sur le coteau d’en face. Cette fenêtre visuelle sur le coteau depuis la rue perpendiculaire aurait pu être préservée.
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Cette photographie nous présente la partie du quartier la plus intéressante en termes de forme urbaine, d’ambiance et d’espace créé. Elle pourrait être critiquée mais on y sent des volontés architecturales et urbaines de composition de l’espace. Toutes les habitations visibles ici ont été construites par le bailleur social Polygone. Malheureusement, cette image n’est pas représentative du quartier global. 34 34
La recherche d’une certaine densité mais sans ses qualités Ici, il me semble que la contrainte forte de la densité a pris le pas sur une volonté de qualité urbaine. Ainsi, sur 2,4 ha de terrain, seuls 4000m2 sont réservés à des espaces communs dont les voiries et une placette au coeur du quartier. Les terrains ont une superficie raisonnable avec une majorité de terrains de 500m2 et quelques terrains de 1000m2, ces derniers étant tous déjà vendus. Peut-être que les petits collectifs ou maisons mitoyennes auraient pu être plus nombreux dans ce contexte péri-urbain, laissant plus de place aux espaces communs. La forme architecturale et urbaine aurait pu être plus contrainte également. Ici, malgré le règlement et le cahier des charges du lotissement, les constructeurs et propriétaires sont peu restreints sur l’implantation des constructions, les matériaux employés, les volumes bâtis etc., ils utilisent alors les standards proposés, peu chers.
Plan du quartier réalisé par Philippe Bergès architecte et Amélie Vidal paysagiste
Le quartier n’est pas terminé et de nombreuses habitations vont venir compléter celles actuellement éparpillées dans le quartier. Une temporalité aurait aussi pu être imaginée pour une implantation progressive des constructions. Le manque de composition de l’espace à ce stade du quartier laisse incertain et peu prometteur quant à son aspect final. Dans cet exemple, il semble que la recherche d’une certaine densité urbaine ait motivé les choix d’aménagement. Cependant, celle-ci a peu d’intérêt si on n’y trouve pas une augmentation de la qualité du cadre de vie, des espaces publics plus nombreux et pas seulement utilitaires, une orientation réfléchie des logements par rapport au soleil, une organisation qualitative des constructions les unes par rapport aux autres, une prise en compte des paysages. Le terme écohameau est ici employé pour les caractéristiques techniques des bâtiments : récupération de l’eau de pluie, isolation, qualité du système de chauffage etc., plus que pour des aspects d’insertion dans le paysage, d’espaces communs et de qualité urbaine.
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Lacapelle-Cabanac est une petite commune rurale lotoise dont la municipalité actuelle est engagée dans une démarche écologique. 30% des surfaces agricoles sont en agriculture biologique. Pour continuer dans cette logique, elle souhaite accueillir de nouveaux habitants qui pourraient s’intégrer à la vie sociale du village tout en préservant les paysages ruraux grâce à une réflexion poussée de l’urbanisation avec des constructions si possible écologiques.
Ecohameau de Lacapelle-Cabanac - 46
A mi-chemin entre le lotissement qualitatif et l’habitat participatif groupé Opération de lotissement portée par la commune
Un projet opérationnel avec une démarche de participation Propriété individuelle avec des espaces collectifs Lacapelle-Cabanac - 46, petit village de 160 habitants, le terrain se situe en continuité du bourg 1,3 ha avec possibilité d’extension future d’1,5 ha 1 en construction, 14 maisons à terme, 8 terrains viabilisés pour le moment dont 3 déjà vendus Non visité Maître d’oeuvre : paysagiste Guillaume Laizé, architecte Christophe Broichot Particularités : démarche et volonté d’écohameau qui vient de la commune, opération de lotissement avec une part de libérté laissée aux futurs habitants, possibilité d’autoconstruction, commune engagée avec participation des habitants actuels et futurs.
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Source : mairie-lacapelle-cabanac.com
Ce qui diffère des autres exemples de lotissements qualitatifs présentés précédemment - écohameau de Boissières et écolotissement de l’Orme du Payrat - est la volonté forte de la part de la commune et du maître d’oeuvre de proposer un projet qui s’adapte à ses futurs habitants. Ainsi, la commune propose des journées de rencontre entre habitants, personnes intéressées par le projet et personnes déjà engagées dans le projet. Elle invite les futurs propriétaires à participer à la démarche de conception et à formuler des idées. On se rapproche alors d’une démarche participative même si le plan global d’aménagement est réalisé par le maître d’oeuvre et pas par les habitants eux-mêmes. Une certaine liberté est toutefois laissée autant dans les choix architecturaux et l’implantation des habitations que dans l’aménagement des espaces extérieurs. Un cahier de préconisations architecturales, urbaines et paysagères a été rédigé par le maître d’oeuvre pour orienter et faire réfléchir les futurs habitants mais aussi les élus à la création d’un lieu de vie de qualité. La possibilité d’autoconstruire sa maison est donnée aux futurs habitants par un règlement de lotissement qui n’est pas trop contraignant sur la durée du chantier par exemple. Un architecte suit le projet au fur et à mesure des constructions garantissant une certaine qualité architecturale.
Le temps semble être une valeur essentielle de ce projet. Loin de la précipitation, la commune cherche à faire avancer les choses doucement et de façon qualitative. Ainsi, le projet a été très bien accepté par la population actuelle. Il a été initié en 2010 et la première maison n’est pas encore terminée. Le projet est pensé dans le temps pour pouvoir croître dans le futur en fonction de la dynamique des nouveaux arrivants avec un terrain supplémentaire. Il me semble que ce facteur du temps est essentiel dans ce type de projet d’habitat rural où les nouveaux habitants arrivent au compte-goutte. Un statut classique de propriété privée
← Les 8 premiers lots viabilisés en novembre 2015
Source de l’image : Atelier Palimpseste
Ici, le statut choisi de division en lots ne garantie pas la naissance d’une communauté, c’est-à-dire un ensemble d’habitants qui ont choisi de vivre ensemble, puisque les maisons peuvent être vendues et revendues de façon individuelle. Les futurs habitants pourront cependant mettre en place une charte par la suite si ils en ont envie comme c’est le cas au écohameau de Verfeil-sur-Seye. De plus, les orientations de l’écohameau et les différents temps de discussion tout au long du projet permettent probablement de présélectionner des futurs habitants sensibles aux questions écologiques et du vivre ensemble, sans toutefois être trop sélectif ou excluant.
Source : mairie-lacapelle-cabanac.com
Un projet sur la durée
En haut à droite : la première maison ossature bois / remplissage paille, est encore en construction. Elle a été réalisée en partie en autoconstruction et grâce à des chantiers participatifs de bénévoles. En bas : croquis du hameau dans la continuité du bourg ré→ alisé par le maître d’oeuvre
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Les Ecobarris initiés par le PNR des Causses du Quercy - 46
Un dispositif mis en place par le PNR pour promouvoir des petits quartiers qui s’intègrent dans les paysages des causses Opérations de lotissements portées par les communes avec accompagnement du PNR
Propriété individuelle, logement communal locatif
Lavergne, Saint-Simon et Mayrinhac-Lentour, communes rurales situées au sein du parc naturel régional Non visités Particularités : écoquartiers ruraux de petite taille portés par le PNR, accent mis sur l’intégration des quartiers dans le village et les paysages, projets qualitatifs qui combinent division en lots privés et espaces publics.
Un concours d’idées pour imaginer des nouvelles formes d’habiter les Causses du Quercy Le Parc Naturel Régional - PNR - des causses du Quercy a lancé en 2007 une consultation sur le thème : « Habiter les causses du Quercy - Nouveaux hameaux, nouveaux quartiers ». Celle-ci avait pour but de faire ressortir des idées, des références, des innovations sur la question de l’habitat en milieu rural, au sein du Parc. 8 équipes pluridisciplinaires - architectes, urbanistes, paysagistes - ont été sélectionnées pour travailler sur différents thèmes propres aux territoires ruraux : organiser la faible densité, nouveaux espaces publics, dimension sociale, environnement et énergie etc. Ces équipes devaient également choisir deux communes parmi les situations proposées par le PNR afin de spatialiser leurs idées et de rendre la réflexion plus concrète. Les premières réponses proposées par les professionnels ne répondaient pas aux attentes du Parc pour cette consultation. Les réponses formulées se rapprochaient trop d’une réponse classique de projet opérationnel et d’une façon de penser l’habitat liée à des préoccupations urbaines. Certaines équipes poussent la réflexion un peu plus loin et ouvrent des pistes de débat mais la consultation n’atteint pas le souhait du Parc de faire émerger de nouvelles idées propres au monde rural. En regardant les réponses présentées, on se rend compte de la difficulté à laquelle ont été confrontées les équipes qui ont souvent appliqué une méthodologie de projet adaptée au projet urbain ou péri-urbain. ← Documents produits suite à la consultation par l’équipe Julien Aupecle, Pierre Grosmond et Agence +2 Paysages. Il est peu judicieux d’envisager une extension aussi grande pour une petite commune rurale.
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↑ ↓ Trame paysagère du futur écobarri de Lavergne-en-Quercy
liaison piétonne vers le village verger communal collectif arbres fruitiers à choisir avec les futurs propriétaires
Une trame paysagère à Lavergne-en-Quercy lot 1
muret en pierre sèche réalisé par la commune
800m2 environ
A Lavergne, le premier écobarri, un lotissement à vocation environnementale et paysagère a été aménagé. Toute la trame des espaces publics, cheminements, placettes d’accès et de stationnement, mais aussi les clôtures plantées de haies champêtres sont en place. Les maisons individuelles n’ont plus qu’à venir s’insérer dans cette structure, avec possibilité de conseils de la part d’un architecte mis à disposition par la commune. En effet, les projets d’habitat en milieu rural sont rarement assez rentables pour être portés par des investisseurs ou promoteurs comme c’est le cas en milieu urbain ou péri-urbain. Il faut donc arriver à composer avec un facteur inconnu : celui de l’architecture individuelle choisie par les futurs habitants. Ici, la réponse a été de proposer une forme de parcellaire en lanière avec une implantation obligatoire le long de l’espace public en haut de la pente. Le fait que la commune mette à disposition un architecte conseil est également une manière intelligente de garantir l’harmonie de l’ensemble. A voir par la suite si le résultat est à la hauteur des attentes.
noue plantée communale lot 2
forme bâtie rappelant la configuration en hameau
850m2 environ
espace de repos sour le grand chêne existant haies arbustives plantées par la commune
promenade en belvédère ouverte sur l’ensemble du paysage
lot 3
950m2 environ
orientation sud sud ouest favorisant l’ensoleillement
lot 4
1000m environ 2
stationnement latéral lot 5
980m2 environ
jardins ensoleillés ouverts sur le paysage
lot 6
890m2 environ
lentille d’eau, bassin lavoir : un espace paysagé en entrée de quartier
Hameau du Pouchou en lien direct
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macro-lot
650m2 environ
prairie avec piétonnier en castine en pied de maisons placette en béton pour les accès véhicules
Conception du plan : Agence Torres Borredon
Plus tard, en 2012, le Parc lance un concept appelé « écobarri », « barri » signifiant faubourg en Occitan. Sous cette appellation, il souhaite promouvoir une façon de réfléchir de nouveaux quartiers ou hameaux à petite échelle dans une logique de développement durable et d’intégration dans le territoire. La volonté est principalement de créer des quartiers modestes qui respectent l’identité des villages et des paysages. C’est le PNR qui finance les études de projet et la commune concernée qui prend en charge la réalisation des espaces publics et la viabilisation du terrain. C’est un dispositif unique en France, alors que d’autres Parcs ont choisi d’autres manières de développer l’habitat rural comme un écohameau participatif pour le Parc du Vexin français. Trois communes se portent alors volontaires pour réaliser des opérations d’extension urbaine sous ce dispositif.
Source : lavergne-en-quercy.fr
Un dispositif d’écohameaux mis en place par le PNR
Un écobarri pour 2 maisons à Saint-Simon A Saint-Simon, petite commune de 160 habitants, la création d’un écobarri semblait moins pertinente. Cependant, l’équipe de maîtrise d’oeuvre a ici imaginé un projet évolutif en fonction de la dynamique communale. Ainsi, une première parcelle communale va être aménagée avec deux logements communaux qui seront proposés à la location. Une troisième parcelle est laissée disponible pour une troisième construction. Enfin, une parcelle privée à l’ouest pourra être acquise par la suite si la commune connaît une dynamique de développement plus importante.
E S
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parcelle vacante 470 m²
parcelle 02 260 m²
parcelle 01 220 m²
AVP
N O
2 rue de Chambéry 31500 Toulouse Tel : 05 61 12 37 81 contact@puva.fr
échelle 1 : 500 30.10.2014
CONSTRUCTION DE DEUX LOGEMENTS COMMUNAUX ET AMENAGEMENT DES ESPACES PUBLICS
Conception du projet : Agence Torres Borredon
Agence Torres Borredon pour.une.ville.aimable
placette 320 m²
1
PLAN DE MASSE
pré commun 790 m²
Indice A
Concrètement, pour le moment, seuls deux logements vont voir le jour pour un coût d’aménagement de plus de 300 000€ dont 54 000€ d’espaces publics. Cet aspect du projet nous questionne. Comme pour les projets de Lavergne et de Mayrinhac-Lentour, on peut se demander si un tel investissement des collectivités publics pour des projets d’habitat privé sont justifiés. Est-ce le prix à payer par les communes pour préserver leur cadre de vie et garantir une urbanisation de qualité ? Au détriment de quels autres projets de la commune ? Existe-t-il des moyens de faire autrement ? Les espaces publics créés sont souvent profitables uniquement aux nouveaux habitants. Un autre statut est-il possible pour les espaces publics à vocation d’usage des habitants du hameau ? En tout cas, il apparaît que cette façon de concevoir l’habitat rural est très coûteuse et sera à mettre en parallèle avec les résultats produits sur les paysages dans quelques années.
SAINT SIMON
Des dépenses publiques pour des lieux de vie privés ?
Des outils de projet peu concrets et réalistes En parallèle de ces projets appliqués au territoire, le PNR a mis en place des outils pédagogiques à destination des élus, des habitants et des professionnels de l’aménagement. Cela prend la forme de livrets ludiques qui définissent de façon très simple ce qu’est un écobarri et qui proposent des jeux avec leurs solutions sur des situations potentielles. Un plateau de jeu a également été créé. Il me semble que ces outils sont un peu maladroits selon le public ciblé. En effet, ils proposent une vision simpliste parfois un peu naïve de ce que peut être un écobarri sans en montrer la complexité. L’écobarri est présenté comme un projet quasiment enfantin qu’il est possible de faire dans certaines communes dynamiques mais dont les autres peuvent abandonner l’idée. Ils auraient pu présenter des exemples de projets existants avec leurs difficultés et leurs réussites. De même, ils ne traitent pas des outils juridiques, des montages financiers, des pistes à explorer, qui pourraient permettre de passer plus facilement de l’envie à la concrétisation du projet.
↓ Plateau de jeu créé à destination des élus et habitants qui donne à rêver mais qui simplifie et décontextualise le territoire. Les pentes, l’agriculture, le parcellaire sont absents des réflexions.
↓ Livrets à destination des élus qui présentent une vision simpliste de la possibilité de concevoir ou non un écobarri dans la commune. En effet, dans la réalité, les réponses sont complexes et loin d’être binaires. Une petite commune de 160 habitants comme Saint-Simon a pu concevoir un écobarri alors que des communes plus dynamiques auront peut-être d’autre priorités ou des difficultés pour monter un projet de ce type
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La maison des aînés - 46
Un écohameau pour retraités actifs SCI, Société Civile Immobilière créée en 2013
Appartements locatifs privés Livernon - 46, village de 700 habitants, près du bourg 3000 m2
Un autre type d’habitat réservé cette fois aux personnes âgées. Il a été réalisé à Livernon par un investisseur privé pour permettre aux anciens de rester au village plutôt que de partir en maison de retraite. C’est donc une initiative privée mais sans participation des futurs habitants. Il se compose de huit appartements locatifs répartis dans 3 maisons qui ont été en grande partie autoconstruites par le propriétaire. Elles sont toutes conçues avec des propriétés écologiques et adaptées aux fauteuils roulants et personnes à mobilité réduite. Ainsi, on peut regretter que l’espace extérieur soit si minéral mais cela est dû à la nécessité de pouvoir accéder en voiture devant chaque appartement si besoin. Le hameau est ouvert sur l’extérieur, non cloisonné, il peut être traversé pour rejoindre les logements sociaux accolés ou le centre du village. Il se place dans la continuité du tissu urbain du village et propose une extension qualitative du bourg. Ce projet est une très belle initiative qui s’adapte bien au monde rural et aux petits villages dans lesquels la population est parfois vieillissante. Il propose une réponse à la solitude des personnes âgées et cherche à proposer un nouvel espace de vivre ensemble et de solidarité.
3 maisons divisées en 8 appartements plus une salle commune 8 adultes retraités Visité le 24 avril 2017 Particularités : hameau créé en autoconstruction par un investisseur privé sensible à la question de l’écologie et de la solitude des personnes âgées, espace commun central, situation près du bourg, appartements et espaces extérieurs adaptés à une mobilité réduite.
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Dans la troisième partie de mon diplôme page 139, je proposerai une autre manière possible pour créer des lieux de vie qualitatifs à Livernon.
Le hameau, non cloisonné, peut être traversé pour rejoindre les quartiers mitoyens ou le bourg du village →
Depuis la rue, le hameau est ouvert et accessible facilement en véhicule → 43
Projet d’habitat participatif à Saint-Bressou - 46
source : hab-fab.com
Un projet d’habitat participatif groupé à l’initiative de la commune Statut pas encore déterminé mais le lotissement est proscrit par le cahier des charges rédigé par Hab-Fab, un projet collectif est nécessaire
Hab-Fab est un organisme d’intérêt collectif qui accompagne des projets d’habitat participatif en région Occitanie. La commune de Saint-Bressou a fait appel à eux pour accompagner un projet de nouveau quartier à proximité du bourg.
Habitat participatif groupé Saint-Bressou - 46, village de 120 habitants, terrain à proximité du bourg. A 20 minutes de Figeac
Un projet novateur initié par la collectivité La volonté de la municipalité est d’aller vers un projet collectif porté par les habitants eux-mêmes, dans le respect de l’environnement, du paysage de la commune, du village existant. Le but est également d’attirer une nouvelle population plus jeune pour redynamiser la commune et permettre une mixité intergénérationnelle. Le terrain d’un peu moins d’un hectare sera vendu au groupe pour une somme accessible de 76 000€, avec possibilité de diminuer encore le coût pour arriver à 47 000€ si les constructions s’intègrent dans une logique écologique. Le projet sera financé en totalité par les futurs habitants y compris la viabilisation du terrain qui est vendu nu. Hab-fab accompagnera le groupe en organisant des ateliers et en proposant différents montages juridiques et financiers. La particularité de ce projet réside dans le fait que c’est un projet d’habitat participatif initié par une commune rurale, alors qu’auparavant ce type de projets était entièrement porté par les groupes d’habitants eux-mêmes. Nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour pouvoir évaluer la faisabilité et le résultat de ce projet mais des questions se posent d’ores et déjà. Il apparaît difficile de réunir sur une courte période, plusieurs futurs habitants
9500 m2
Entre 5 et 10 logements à terme Un minimum de 3 foyers fiscaux est requis pour débuter le projet Séminaire organisé par Hab-Fab avec les élus et professionnels le 29 mars 2017 Particularités : projet initié en 2016 par la commune sur un terrain communal avec la volonté de créer un nouveau quartier écologique en habitat participatif. Le projet est accompagné par la société coopérative d’intérêt collectif - SCIC - Hab-Fab.
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potentiels prêts à s’investir. Saint-Bressou est une petite commune de 120 habitants et le nombre de nouveaux arrivants par an est très faible. Le planning prévisionnel prévoyait le démarrage des travaux en septembre 2017 ce qui n’est pas le cas. Il me semble difficile de pouvoir prévoir l’avancement d’un tel type de projet tant il est dépendant du facteur humain. Ainsi, pour un projet comparable à l’écohameau du Champ Foulon dans le Val-d’Oise, initié par le Parc Naturel Régional du Vexin français, le calendrier prévisionnel prévoyait de débuter les travaux aux environs de l’été 2016. Actuellement, le projet se monte progressivement avec de nouveaux arrivants mais aussi des personnes qui quittent l’aventure. Le nouveau calendrier prévoir l’obtention des permis de construire fin 2017.
patif ! » nous dit le PNR du Vexin français. La campagne est de plus en plus perçue comme un vaste espace public, appartenant à tous et auquel les pouvoirs publics commencent à s’intéresser. Elle devient un nouvel espace politique, emblème des valeurs de notre époque : construire un espace collectif durable.
Saint-Bressou Source : hab-fab.com
Quel intérêt pour la commune et le territoire ?
Image issue d’un atelier organisé au Champ Foulon Source : lechampfoulon.net
On comprend donc que ce type de projet nécessite un temps très long dans la recherche des futurs habitants, le montage du projet et sa réalisation. Cependant, si le projet aboutit, la commune peut y trouver de nombreux intérêts. Il y a un enjeu fort à gagner de redynamisation par des nouveaux habitants souvent investis et engagés dans la vie du village, dont parfois des familles avec enfants. Ce projet est aussi la garantie d’une recherche spatiale et architecturale intéressante qui s’adapte au mieux aux paysages avec un impact réduit sur l’environnement. De plus, l’investissement financier pour la viabilisation du terrain est fait par les habitants eux-mêmes et non par la commune. Enfin, une dynamique liée à la consommation locale : soutien aux producteurs respectueux de l’environnement, aux commerces de proximité etc., serait bénéfique à tout le territoire, au delà de la commune. En somme, une dynamisation du territoire plus importante que lorsque des habitants cherchent uniquement à construire à moindre coût à la campagne. C’est donc une piste à explorer qui pourrait répondre aux enjeux actuels de la campagne. On voit également dans cet exemple une nouvelle tendance des pouvoirs publics à s’investir dans l’habitat participatif en milieu rural. « Le participatif s’invite dans un marché public / le public invite au partici45
Que nous montrent ces projets ?
Tout d’abord, on l’a vu, il existe une multitude de façons de faire projet d’habitat en milieu rural. Chaque situation est unique et complexe, parfois hybride entre deux méthodes de travail : par exemple entre le projet participatif et la conception opérationnelle. Il existe aujourd’hui un certain recul et une certaine expérience à tirer des projets passés mais les expérimentations continuent. Ainsi, il n’est pas possible de proposer un modèle d’habitat idéal, puisque celui-ci dépend de chaque situation, des possibilités offertes, des moyens, envies, priorités de la commune, du terrain disponible, de son emplacement, sa pente etc. Chaque projet naît de la volonté des hommes qui le portent et de la rencontre avec un territoire donné.
Enfin, ces exemples de projet nous montrent également une tendance de plus en plus forte d’appropriation du projet rural par les politiques publiques. Certains organismes ou collectivités sont maintenant à l’initiative de projets participatifs. D’autres proposent des projets d’urbanisme qualitatifs, transposition de l’écoquartier à la campagne. On peut y voir la volonté des politiques publiques de se réapproprier la gouvernance de la campagne, longtemps laissée aux techniciens et experts agricoles. La campagne et la ville sont donc gérées de la même façon, ce sont des espaces complémentaires voire imbriqués dont la distinction ne se fait plus par leur opposition. C’est aussi une volonté de préservation des paysages ruraux jugés aujourd’hui comme cadre de vie partagé - par tous, urbains et ruraux. L’ère de la campagne plurielle et partagée est venue !
L’habitat participatif est une possible méthodologie de projet qui peut être employée dans le milieu rural. Ce n’est pas la seule et elle ne peut pas être mise en pratique dans tous les cas. Dans certaines communes rurales, la dynamique démographique est faible, les habitants arrivent au compte-goutte. Mais elle mérite d’être explorée au vu des résultats très intéressants qu’elle peut produire sur l’espace et les paysages. Dans sa forme la plus poussée, elle a pour objectif de faire concevoir leur propre projet d’habitat à un groupe de futurs habitants, qui peuvent être accompagnés et aidés par des professionnels. Le paysagiste peut être l’un de ces professionnels accompagnant si son rôle est bien défini dès le départ comme concepteur de l’espace et du paysage commun et non comme créateur / jardinier des espaces verts, rôle désuet pour un futur groupe d’habitants en début de projet. Pour ce diplôme, je n’ai pas pu tester cette méthodologie participative car elle est impossible à mettre en pratique sur un projet fictif et demande un temps très long.
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Quelle place pour le paysagiste ?
De même que l’architecte est moins important que l’habitant lui-même dans la conception d’une habitation, pour moi le paysagiste n’est jamais indispensable à la naissance de projets qualitatifs en milieu rural. L’écohameau d’Andral par exemple, où aucun paysagiste n’est intervenu nous le démontre bien. Grâce à un dispositif long de discussion, de recherche d’un idéal commun et d’attention au lieu, la relation est ici très forte entre les habitants et leurs paysages.
Mais le paysagiste n’est pas, n’est plus, seulement un aménageur de l’espace et du cadre de vie. En s’inscrivant dans son époque, ses projets et actions sont le reflet des changements sociétaux actuels. Il défend des idées et valeurs communes et fait parfois naître des prises de conscience écologiques, sociales, paysagères sur des lieux concrets. Le paysagiste a un rôle nouveau de redonner de l’élan à la capacité de faire et de vivre ensemble.
Cependant, il me semble que le paysagiste ne doit pas non plus être absent des réflexions menées sur l’espace rural. Grâce à sa capacité à prendre du recul, à observer les choses à différentes échelles, et à avoir une attitude de projet, il est porteur d’un regard nouveau et d’une vision globale, actuelle et future, qui peut se révéler très profitable aux campagnes. Il est capable de voir au-delà des documents d’urbanisme appliqués ou des projets politiques locaux pour comprendre et définir un projet global pour un territoire qui réunisse des intérêts communs, le projet de paysage. Le paysagiste est également pour moi légitime à aménager l’espace habité, en coopération avec les autres disciplines de projet, notamment l’architecte, et avec l’habitant. Il est en posture d’enrichir la démarche de projet d’habitat grâce notamment à son habitude à soulever de nouvelles questions collectives afin de provoquer le débat et ne pas se focaliser immédiatement sur des détails, de faux problèmes ou la forme. Si sa place n’est pas restreinte à aménager les espaces végétalisés en fin de projet, il est alors à même de questionner et d’élargir le champ des possibles pendant le processus du projet.
« L’architecture accueille la vie qui passe » Pascale de Tourdonnet On pourrait en dire autant du paysage, à la fois résultat, témoin et révélateur à un instant donné de la vie d’une société humaine en mutation permanente.
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à la réalité d’un territoire rural 49
J’ai choisi le département du Lot et plus précisément l’entité paysagère que représentent les Causses du Quercy en tant que territoire à même de questionner cette thématique de l’habitat rural.
← Le Lot se situe dans le piémont du massif central. Le plateau des causses du Quercy se trouve à une altitude comprise entre 300 et 500m en moyenne.
Le département du Lot n’est pas soumis à une pression d’urbanisation forte. Selon les statistiques Insee, il fait partie des quinze départements les moins peuplés de France mais il bénéficie d’une attractivité résidentielle qualifiée de forte depuis 2004 où le département gagne 0,6% de population par an, plus que la moyenne française. Cette situation me parait être idéale pour réfléchir et anticiper ces mutations résidentielles lentes et progressives de façon intelligente.
LOT
Je pense également que ce territoire très patrimonial et touristique : villages perchés, pâturages vallonnés, murets de pierre sèche, patrimoine géologique exceptionnel avec les falaises et les grottes, est une contrainte qui peut être vecteur d’innovation et de qualité dans la recherche de nouvelles manières d’habiter qui préservent les caractéristiques des paysages. Ce territoire me parait être une situation d’expérimentation intéressante, permettant d’imaginer des formes d’habiter innovantes qui pourraient servir de test sur des territoires plus soumis à la pression urbaine et foncière. Il me faut maintenant faire le lien entre des envies et des utopies d’habitat piochées dans les multiples projets rencontrés et des lieux réels avec leurs histoires, leurs paysages et leurs dynamiques. Contexte topographique ↑ Source de l’image : CAUE du Lot
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Cartographie des unités paysagères du Lot Source de l’image : CAUE du Lot
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Petit lexique du Quercy Couderc : dans certaines région du Massif central (Aveyron, Lot), le Avec sa géologie particulière, les termes techniques ou issus de la culture locale sont nombreux dans le Quercy. Ils sont couramment employés et se retrouvent dans de nombreux toponymes de lieux géographiques : le « causse de Gramat », le « mas de Charles », le « pech Castanié », la « combe de Simèle » etc. J’ai donc souhaité définir ici certains termes très utiles pour comprendre le territoire du Quercy.
couderc désigne un pâture communale à usage collectif, autrefois utilisée par les paysans les plus pauvres qui pouvaient y faire paître quelques bêtes. Par extension, ce terme désigne aussi la place centrale du village, enherbée, qui reçoit des équipements communautaires : lavoir, puits, four à pain et autour de laquelle s’organise le village ou le hameau.
Doline / cloup : dépression circulaire causée par une érosion de la Borie : au sens premier, le mot borie vient de l’occitan bòria et désigne une ferme, un domaine agricole.
Caselle : cabane ronde de taille réduite, en pierre sèche, qui servait autrefois à abriter les paysans et leur matériel, parfois des animaux, à proximité des terres agricoles.
Causse : haut plateau calcaire fortement érodé, caractéristique du sud et
roche calcaire sous la surface du sol qui provoque l’affaissement du sol. La dépression ainsi créée retient plus facilement l’eau et se charge en argiles ce qui la rend plus fertile que le reste du plateau. Le cloup est le terme quercynois pour désigner une doline.
Mas : dans certaines régions du Midi de la France, le mas désignait une unité agricole composée de bâtiments d’habitation, de bâtiments d’exploitation et de terres agricoles. Aujourd’hui, le mas désigne plus généralement un hameau où vit une communauté rurale.
de l’ouest du Massif central. Par extension, il désigne les pelouses pâturées où le sol est peu épais et où la roche est affleurante de ces plateaux. Dans ce diplôme, il est question uniquement des Causses du Quercy.
Pech : terme qui vient de l’occitan puèg, qui vient lui-même du latin
Cévenne : terme géologique qui désigne une pente abrupte de forme
PNR : abréviation de Parc Naturel Régional. Dans ce diplôme il est
podium, qui désigne un endroit plat et surélevé
concave, c’est-à-dire creusée et non bombée.
question uniquement du PNR des Causses du Quercy.
Cingle : méandre très prononcé de certaines rivières comme le Lot ou la
Terrasse alluviale : zone plane située dans une vallée et formée par des sédiments alluviaux déposés par le cours d’eau.
Dordogne.
Combe : terme géologique pour désigner une dépression linéaire due à l’érosion de couches tendres du sol, au sommet d’un pli géologique du plateau. Par extension, il désigne parfois plus simplement une petite vallée ou un vallon. 52
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Paysages emblèmes du Lot : le plateau des causses Le plateau des Causses du Quercy se caractérise par son sol calcaire aride et maigre où la pierre est omniprésente. L’eau circule en soussol dans les couches calcaires, elle n’est donc pas présente à la surface du sol, et réapparait dans les larges vallées encaissées beaucoup plus planes et fertiles. Sur le plateau, le relief est vallonné et complexe, formé de combes creusées par d’anciens cours d’eau, de dolines affaissées et de collines et pechs parsemant le plateau de manière irrégulière.
Causse de Limogne Vallée du Lot
Causse de St-Chels
Causse de Gramat
Vallée du Célé
Panorama à 180° dans la vallée du Lot 54
L’agriculture a longtemps été dominée par l’élevage ovin entretenant des surfaces de pelouses sèches et rases ou de landes à genévriers ou buis entourées de murets en pierre sèche typiques des causses. Il a aujourd’hui fortement décliné. Certaines parcelles situées dans le creux de combes ou de dolines sont cultivées en tant que terres arables. Une majeure partie du plateau des causses est aujourd’hui recouvert d’une végétation de taillis de chênes, érables et de friche spontanée. Aujourd’hui, l’agriculture est peu dynamique d’un point de vue économique mais trouve un nouvel élan grâce à la diversification des activités, la qualité des produits, l’accueil à la ferme, le tourisme.
Tryptique de paysages caussenards : Landes et boisements / Terres arables / Pâturages 55
Vers un reboisement Depuis le dernier exode rural et l’abandon des fermes les plus petites ou pas assez rentables, l’activité d’élevage ovin n’a cessé de diminuer. Les vastes surfaces de pelouses autrefois entretenues par les brebis ont alors commencé à se refermer avec une végétation boisée, notamment dans les parcelles les moins praticables. En parallèle, la population a diminué et a arrêté en majeure partie d’utiliser le bois pour cuisiner ou se chauffer, permettant aux espèces arborées de prospérer. Des traces de murets en pierre sont encore visibles dans des secteurs totalement reboisés.
Sur certains secteurs privilégiés du plateau, les pâtures sont encore dominantes grâce à l’action combinée d’associations foncières pastorales, des pouvoirs publics et des naturalistes
Cette progression du couvert forestier provoque un changement de perception majeur dans les paysages des causses. Le plateau autrefois recouvert de prairies et pâturages se couvre d’une végétation de friche spontanée formée de taillis de chênes pubescents, chênes verts, érables de Montpellier, genévrier, buis etc. Ces paysages très ouverts deviennent donc des paysages plus fermés où la présence des boisements provoque une alternance entre des massifs boisés et des clairières. Depuis les vues lointaines, cela rend les paysages moins lisibles, les différents horizons boisés se confondent, on distingue moins les reliefs. L’alternance de pâtures ou terrains cultivés et de boisements créé de nouveaux paysages de clairières
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↑ Bloc-diagramme des paysages en 1948 Les reliefs, à l’exception des pentes très abruptes, étaient beaucoup plus exploités. Le bois était coupé et les pechs étaient découverts et « pelés ». Le pâturage entretenait ces espaces ouverts. Ils n’étaient pas nus pour autant, une végétation de landes arbustive persistait dans les espaces difficiles à entretenir. L’homme tirait profit de chaque partie du territoire.
↑ Bloc-diagramme des paysages aujourd’hui Tous les reliefs difficiles à entretenir sont recouverts de boisements. Les seuls espaces cultivés sont situés sur des replats ou dans des combes et dolines fertiles. L’habitat s’est fortement développé avec l’apparition de quartiers entiers et de résidences en haut du plateau. A proximité de ces zones d’habitat, l’agriculture est restreinte et l’environnement boisé.
Le reboisement du territoire n’est pas forcement un phénomène négatif qu’il faut regarder avec une certaine nostalgie passéiste. L’entretien des paysages telle qu’elle était pratiquée autrefois n’est pas possible avec nos moyens humains actuels et n’aurait plus de sens. Cependant, des questions se posent à cause notamment du risque d’incendies que représentent ces boisements secs. Aujourd’hui, des Associations Foncières Pastorales se sont mises en place à différents endroits du département pour entretenir de façon durable certaines parcelles grâce au pâturage des brebis, maintenant des parties de territoire ouvertes. Des pare-feux ont aussi été créés. D’un point de vue écologique, cette alternance des milieux : prairies et boisements, est très riche en biodiversité. Cette occupation du sol réduite laisse également, de nos jours, plus de place pour d’autres pratiques et appropriations : les loisirs, la randonnée, la chasse. 57
L’habitat dans le Quercy On remarque sur cette carte que l’habitat est, de façon générale, très diffus sur tout le département. Ceci est hérité des pratiques anciennes d’occupation agricole de l’espace en hameaux et petites fermes qui ont subi peu de bouleversements majeurs après la révolution industrielle, le Lot ayant été peu impacté par les mouvements de l’industrie, de l’agro-alimentaire ou du tourisme de masse. Même si la structure générale du territoire a été peu perturbée par les mutations de masse, il a tout de même connu un exode rural particulièrement fort, notamment dans les Causses qui ont perdu plus de la moitié de la population entre 1920 et 1970. On observe sur la carte que le plateau des Causses est très nettement moins peuplé que le reste du territoire mais tout de même parsemé de petits pôles d’habitations groupées. Près de deux tiers des communes du département comptent moins de 300 habitants. Aujourd’hui, le Lot connaît un regain d’intérêt pour ses paysages et l’attrait d’une « vie à la campagne ». Depuis les années 1990, le solde migratoire du département est positif et concerne aussi bien les villes que les petites communes rurales ce qui participe aux mutations progressives de l’habitat dans le territoire. L’adaptation de l’espace aux nouveaux modes de vie est permanent et nécessite une attention particulière pour en préserver le sens initial. Carte de l’emprise du bâti à l’échelle du département
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Liens entre pédologie, topographie et habitat
Construits en haut d’éperons rocheux, les villages perchés datent pour la plupart, dans leur structure actuelle, du Moyen-âge et mettent en scène la puissance féodale notamment grâce à la présence d’un château. Le développement de leurs centre-bourgs est aujourd’hui limité par la topographie atypique de ces villages. De plus, ils présentent un fort intérêt patrimonial, touristique et paysager à préserver. Ici le village de Montbrun.
D’autres villages trouvent leur emplacement dans la vallée, sur le premier bourrelet alluvial afin de se mettre hors d’eau. Ils sont construits sur des terrains en légère pente, entre le coteau abrupt et la vallée plane cultivée. Leur implantation intelligente sur les terrains en léger surplomb fait qu’ils sont rarement sujets aux inondations. Leur développement est luiaussi limité à moins d’empiéter sur les terres agricoles fertiles.
Les villages de pech sont construits sur les crêtes et les points hauts des reliefs vallonnés. Ils étaient autrefois peu étalés pour permettre d’exploiter les terres alentours. Aujourd’hui, ces villages sont sujets au développement et à l’étalement, notamment à proximité des centres urbains. Leur situation culminante est en effet recherchée dans les formes d’habitat contemporaines.
Les villages de doline et de combes sont construits sur le plateau des causses, en limite de dépressions fertiles et cultivées. Les habitations accompagnent les courbes du relief sans empiéter sur les terres arables. Aujourd’hui, cette logique d’implantation de l’habitat par rapport aux qualités du sol est rarement respectée et serait à reconsidérer. Ici sur le plateau de Montbrun.
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Depuis les années 1980, le phénomène d’urbanisation résidentielle de la campagne vient tout de même bouleverser l’organisation traditionnelle des villages et des hameaux. Avec l’apparition des POS en 1967, des territoires ruraux s’ouvrent à l’urbanisation mais sans en définir la forme. Le modèle pavillonnaire s’impose alors comme mode de diffusion privilégié de l’habitat individuel dans les territoires ruraux. A partir des années 1990, le mouvement s’intensifie et des constructions individuelles sont bâties de façon éparpillée et sans organisation spatiale du territoire.
Rupture avec le tissu villageois
1957
2017
← Aujourd’hui dans certains villages, l’urbanisation contemporaine a doublé la taille initiale du bourg noyant la structure ancienne du tissu villageois. Ici dans la banlieue de Cahors.
Cette nouvelle façon d’habiter le territoire se pose en rupture avec le tissu villageois existant. Les logiques d’implantation par rapport à l’espace public, aux rues, ne sont plus respectées. Il y a parfois une confrontation spatiale entre les bâtiments d’architecture traditionnelle et les nouvelles constructions ce qui créé une fracture, les constructions récentes ne semblant pas trouver leur place dans les paysages anciens des villages. Elles sont donc souvent dévalorisées, et toute forme de modernité est vue comme un risque pour le patrimoine rural traditionnel. Pourtant, il me semble que ce qui nuit le plus à cette forme d’habitat individuel est la forme urbaine dans laquelle elles s’insèrent. En effet, de nouvelles voiries sont souvent créées spécialement pour desservir les maisons. Ces voies ne s’intègrent pas au tissu du village composé par des espaces publics et une hiérarchie de l’espace. De plus, cette forme urbaine est très consommatrice d’espace - en moyenne 5000m2 par parcelle en 2003 dans le Lot - alors que l’habitat villageois était volontairement dense et groupé. Cette négligence du territoire porte atteinte à la lecture des paysages habités façonnés par des siècles d’organisation de la vie humaine.
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Dynamique de l’habitat actuelle : constructions éparses sur les crêtes Elles sont appelées par les locaux « maisons sur la colline ». Ces constructions individuelles et résidentielles alignées sur les crêtes posent question dans les paysages vallonnés du Lot. C’est un habitat éparpillé, diffus, sans hiérarchie, qui répond à des besoins et des goûts strictement individuels. Elles sont souvent construites sur de très grands terrains terrassés pour être aplanis. Chaque maison possède sa propre voie d’accès ce qui provoque des aberrations comme des voies d’accès côte à côte, ou encore sa propre piscine, dans un territoire aride où l’eau manque à certaines périodes de l’année. Le choix de l’emplacement sur les points hauts des causses est une recherche de l’ensoleillement, de la vue sur les paysages alentours et d’une situation isolée et calme. Les terrains y sont également moins chers. Cet habitat correspond à des besoins individuels de campagne mais dégrade le paysage collectif considéré comme cadre de vie et bien commun. C’est une forme de privatisation du paysage. En plus de la question de l’architecture standardisée de ces maisons, le morcellement provoqué pose des questions de gestion du territoire dont la dynamique est le reboisement spontané : la gestion agricole et forestière est rendue plus difficile par le mitage, il y a un risque accru d’incendies. Ce type d’urbanisation libre provoque également un allongement des réseaux collectifs : voiries, réseaux, assainissement, sur de longs linéaires urbanisés. Ces espaces ne bénéficient d’aucun commerce, service de proximité ou espace commun et le seul moyen de transport possible est la voiture. Ils sont le résultat d’un lien très individuel entre les habitants et leur paysage. C’est à ces types d’urbanisation que je souhaite trouver des alternatives plus en lien avec le territoire.
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A la recherche de situations de projet Pour rendre concret mon travail sur l’habitat en milieu rural, il me fallait trouver des situations potentielles de projet, propres à accueillir de l’habitat. J’ai tout d’abord choisi de travailler dans le périmètre du département du Lot, entité politique forte et cohérente sur ce territoire faiblement peuplé.
J’ai finalement choisi trois situations de projet à la croisée du département du Lot, du PNR et des vallées du Lot et du Célé. Ces trois lieux illustrent trois situations très différentes et singulières d’habiter ce territoire : Bégoux est une banlieue périurbaine de Cahors, petite ville de 20 000 habitants, chef-lieu du département. L’urbanisation résidentielle s’y effectue sur une terrasse surplombant la vallée du Lot.
Ensuite, le Parc Naturel Régional des Causses du Quercy me semblait être un outil territorial propre à initier et à porter des démarches intéressantes de projets sur cette entité géographique rurale que sont les causses. La démarche écobarri étant déjà initiée et en cours d’expérimentation, j’ai préféré m’en éloigner pour réfléchir seule à des propositions de projet. Le PNR reste toutefois un acteur important dans la sensibilisation des élus et habitants, et la mise en place de projets de territoires ruraux.
Livernon est une commune rurale de 700 habitants située sur le plateau des causses. Elle est relativement dynamique et attractive, et va être amenée à s’étendre dans les prochaines années. Montbrun est une petite commune de moins de 100 habitants sur un cingle de la vallée du Lot. Elle n’a pas vocation à s’urbaniser mais se demande comment accueillir quelques nouveaux habitants sans dénaturer ses paysages.
Enfin, les vallées du Lot et du Célé me semblent être des liens paysagers forts dans ces paysages de plateaux calcaires à perte de vue. Pour un projet d’habitat, l’échelle de la commune se révèle être la plus judicieuse car ce sera le financeur principal, souvent l’unique, du projet si celui-ci se concrétise. Cela n’empêche pas de mener la réflexion à une échelle plus large de l’intercommunalité, du PNR ou du département pour garder une cohérence territoriale d’ensemble.
Ces trois communes sont également représentatives d’autres situations similaires que l’on peut retrouver sur tout le territoire du Quercy. En cela, elles peuvent jouer le rôle d’exemples même si chaque situation doit être étudiée au cas par cas.
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Saint-Céré
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PNR Causses du Quercy
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Bégoux Vallée du Lot
CAHORS
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Montbrun
Trois niveaux de réflexion Ces trois situations correspondent à trois niveaux d’enjeux et de réflexion. Ainsi, pour chaque situation de projet, les pistes d’action abordées seront de nature différentes. A Bégoux, en milieu périurbain, une place importante sera consacrée à établir un nouveau lien entre les habitants et leur territoire. En effet, actuellement l’urbanisation résidentielle de cette terrasse surplombant le Lot se fait souvent au détriment du paysage et en niant les caractéristiques de cette terrasse. Le quartier de Bégoux est aménagé comme une banlieue résidentielle de Cahors et non comme une entité en tant que telle. Les habitants dépendent de la ville et ont peu de liens de proximité. Il s’agira d’étudier la géographie et les paysages de cette portion de vallée habitée pour proposer une urbanisation relativement dense, plus en accord avec ceux-ci mais aussi des pistes d’action pour que les habitants puissent découvrir et pratiquer plus facilement leur cadre de vie. La réflexion portera sur l’organisation d’un territoire habité par le biais du paysage et aboutira à une proposition de schéma directeur urbain. A Livernon, commune rurale de taille moyenne, il s’agira de voir de quelle façon le village peut être amené à se développer. La possibilité d’un développement par hameaux plutôt que dans la continuité du bourg y est évoquée. Cette réflexion sur le développement du village doit tenter de préserver les paysages caractéristiques de ce village qui tendent à s’affaiblir avec la construction de nouvelles maisons pavillonnaires au milieu de leur parcelle et le long des axes. Elle doit laisser une place conséquente à l’agriculture et notamment l’élevage de brebis, très peu présente économiquement mais encore très visible dans l’entretien des paysages du causse. La réflexion portera sur une stratégie de développement du village et aboutira à une simulation de création d’un mas, manière possible d’urbaniser, sur une parcelle à enjeux.
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Enfin, à Montbrun, village qui n’a pas vocation à s’urbaniser, une attention particulière sera portée à l’intégration des habitations dans leurs paysages. En effet, on ne cherchera pas ici à définir une forme urbaine puisque la dynamique d’habitat de la commune est très faible : moins de 2 permis de construire par an. Les constructions se font au comptegoutte, et très rarement à proximité du bourg ancien incompatible avec un mode de vie contemporain. Cependant, une réflexion sera menée sur l’impact des nouvelles constructions isolées dans les paysages, notamment depuis les vues lointaines. Elle aboutira à deux stratégies possibles pour la commune : interroger la maison individuelle en tant que créateur de paysages habités ou tester un projet innovant qui s’adapte aux paysages de causse.
vers des milieux de vie fertiles 65
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retrouver le lien Ă la gĂŠographie et aux paysages
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Cévennes érodées
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Lot
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2nde terrasse Terre Rouge
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3ème terrasse
Bégoux c A20 L’O citane
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Faubourg Cabessut
Cahors
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Bégoux : Une situation péri-urbaine entre Cahors et campagne «Banlieue pavillonnaire», «cité-dortoir», «quartier de lotissements», «France moche», les qualificatifs pour désigner les banlieues résidentielles des villes sont souvent chargés de connotations négatives. Pourquoi faire projet en milieu péri-urbain ? Ce sont souvent des espaces oubliés des politiques d’urbanisme et de préservation des paysages. Largement conquis par la diffusion de l’habitat pavillonnaire depuis les années 1970, on considère parfois ces territoires comme dédiés à des fonctions strictement utilitaires : résidentiel, infrastructures, sans ambition qualitative pour le paysage. On s’autorise donc à perpétuer un urbanisme déconnecté du territoire, à y reléguer les activités et équipements indésirables en centre-ville. On y est moins exigeants sur la façon de fabriquer l’espace que dans les centres villes ou villages de caractère préservés. Ce sont pourtant des lieux qui accueillent une population relativement importante et où les prix de l’immobilier sont moins élevés permettant à des familles de se loger. A proximité de la petite ville de Cahors, moins de 20 000 habitants, le péri-urbain prend une dimension particulière. La pression foncière y reste modérée. Cependant, la ville de Cahors est limitée par sa géographie contraignante : enserrée par le Lot qui forme un cingle et cernée par les reliefs érodés du plateau calcaire. Pour s’accroître, il lui faut donc s’étendre le long de la vallée du Lot qui offre des terres plus planes. Ainsi, la terrasse de « Terre Rouge » jouxtant Cahors a été entièrement « remplie » par une urbanisation peu hiérarchisée : immeubles résidentiels, maisons pavillonnaires, petites zones commerciales et terrains de sport. Bégoux, plus éloigné de Cahors, offre encore des potentialités de terrains urbanisables. La pression foncière y est donc actuellement importante mais ses qualités paysagères ne sont pas prises en compte. On y trouve une urbanisation éparse et peu dense dont les contours sont flous. La principale caractéristique de Bégoux est que ce quartier se trouve dans le grand ensemble paysager de la vallée du Lot, à la lisière entre la ville de Cahors et des paysages moins urbanisés qu’on pourrait qualifier de campagne. En effet, au fur et à mesure qu’on s’éloigne de Cahors le long de la route départementale 911, les habitations se raréfient et les paysages agricoles et boisés reprennent leur dominance. Cette qualité paysagère est aujourd’hui peu mise en valeur. Ces deux notions d’habiter la vallée du Lot et d’habiter la campagne sont à interroger et à mettre en perspective à Bégoux. Cévenne érodée
Plaine alluviale de la vallée du Lot
Panorama sur la rive gauche du Lot depuis la rue du Pape Jean XXIII Bégoux : urbanisation éparse
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Terre Rouge
1ère terrasse : plaine alluviale et fertile, cultivée en maraîchage, céréales et vergers notamment de noyers
2nde terrasse : non soumise aux risques d’inondation, où se développe une urbanisation éparse recouvrant peu à peu toutes les terres agricoles
2nde terrasse haute : emplacement du village historique, aujourd’hui entouré de lotissements pavillonnaires, très bon terroir pour la viticulture dont il subsiste quelques parcelles
Lot
70 70
Pechs abrupts : recouverts de boisements chétifs et à tendance méditerranéenne typiques des paysages des reliefs calcaires du Quercy
Une formation géomorphologique qui provoque un paysage étagé Les reliefs géomorphologiques de la vallée du Lot se sont sculptés par l’action de l’eau à une échelle temporelle qui nous dépasse. Il y a plus de 300 000 ans, lors d’une période glaciaire, le Lot était un impressionnant cours d’eau logé dans un immense plateau calcaire. La rivière s’étale alors sur le plateau déposant des alluvions. Ces alluvions correspondent aujourd’hui à la 2nde terrasse composée de graves, d’argiles et de limons. Puis, lors de la période interglaciaire, le cours d’eau s’amincit et creuse son lit dans la charge alluviale en place. S’ensuit une nouvelle période glaciaire, où le niveau de l’eau remonte et dépose de nouvelles alluvions. Celles-ci forment aujourd’hui la première terrasse, plus récente, composée d’argiles et de limons. Enfin, lors de notre ère interglaciaire, le cours d’eau se niche dans cette première terrasse. Ces sols issus de périodes d’érosion différentes forment un étagement et accroissent la diversité des paysages. Cette histoire géologique est importante pour comprendre l’organisation du paysage. Plateau érodé Partie haute de la 2nde terrasse
Période glacaire ancienne
Période interglaciaire
2nde terrasse Combe sèche Dernière période glacaire
1ère terrasse alluviale
Notre période interglaciaire
La diversité des sols et des situations accroit la diversité paysagère. Les différentes entités qui s’étagent les unes au dessus des autres forment ensemble le complexe paysager de la vallée du Lot.
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1ère terrasse : plaine alluviale et fertile de la Bouriette 2 3
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Contraste entre horizontalité et verticalité :
Dans la vallée plane et encaissée du Lot, s’étendent des terres fertiles composées d’alluvions - limons et argiles - déposées par la rivière. Ces terres sont utilisées principalement pour la production agricole. De plus, elles sont partiellement soumises au risque d’inondation ce qui a permis d’y contenir l’urbanisation sauf à proximité de Cahors où la pression était trop importante.
La plaine alluviale de Bégoux se nomme plaine de la Bouriette. On y trouve du maraîchage parfois sous serres, de la culture céréalière, des vergers dont notamment des plantations de noyers. Des activités de loisirs sont également présentes comme un centre équestre, des jardins familiaux. Un sentier de randonnée traverse la vallée en longeant les berges du Lot, c’est une variante du GR. On y chemine le plus souvent le long de la ripisylve boisée mais la vue s’ouvre parfois sur l’eau, laissant apercevoir un barrage avec écluse et ponton d’amarrage pour les péniches de tourisme, le village de Laroque-des-Arcs sur la rive opposée ou des cales de mise à l’eau. Les activités agricoles et de loisirs semblent être interdépendantes. L’agriculture fabrique les paysages prisés des randonneurs et voyageurs en péniches. Cette vaste plaine horizontale donne une sensation de planéité parfaite qui contraste avec les reliefs abrupts et verticaux des premiers pechs et cévennes qui composent le plateau des causses du Quercy. Ce contraste forme des paysages de vallée parfois spectaculaires.
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1ère terrasse
Cévenne
2nde terrasse Plateau Dépôt Erosion
Sur la carte géologique, on observe le plateau calcaire en bleu, les secondes terrasses en vert et la plaine alluviale en mauve au centre, de formation beaucoup plus récente. Les vallons secs sont identifiés en jaune et sont eux-aussi composés de dépôts alluvionnaires, plus anciens que ceux de la plaine.
Une plaine alluviale formée du transport d’érosion Lors de la dernière déglaciation, le Lot creuse son lit dans la première terrasse. Etant donné la faible pente du plateau, son débit est lent ce qui entraine la formation des méandres. L’érosion devient alors dynamique, le cours d’eau prend de la vitesse dans les virages entaillant les versants de manière abrupte et concave, ce sont les cévennes, et ralentit à la sortie déposant les matières transportées à l’intérieur du méandre. Se forme ainsi la plaine alluviale fertile. Ce sont ces paysages de méandres qui persistent aujourd’hui même si le débit du cours d’eau ne participe plus nettement à cette dynamique d’érosion. 73
2nde terrasse : terrasse habitée où se développe un habitat épars 2
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Cette seconde terrasse surplombe la terrasse alluviale de la vallée. Un coteau boisé fait office de limite très franche entre ces deux terrasses. La seconde terrasse offre des terres planes et préservées des risques d’inondation propices à la construction. Autrefois cultivée, l’urbanisation prend peu à peu le dessus sur les terres agricoles. L’ambiance est totalement différente de la plaine alluviale, l’agriculture y tient une place moins importante même si il y persiste quelques cultures céréalières et prairies isolées. L’habitat est omniprésent mais de façon très éparpillée et peu dense.
Les maisons sont souvent situées sur de grands terrains clôturés de haies et de grillages, limitant l’espace public aux voiries utilitaires. L’ensemble de la terrasse possède un caractère végétal fort ou les arbres, arbustes de haies et de jardins et petits boisements tiennent une place importante. On aperçoit parfois le coteau de la rive opposée dépassant de la végétation et des habitations mais peu de vues lointaines se dégagent et il est difficile de se repérer dans cet espace peu hiérarchisé. Le paysage est difficilement lisible et n’est pas pris en compte dans les projets d’habitat déjà présents tout comme dans ceux en cours.
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Les vallons : des trésors cachés Trois vallons secs traversent la terrasse de Bégoux, creusant de larges combes humides et fertiles. Deux d’entre eux font office de limites géographiques avec la terrasse de Terre Rouge très urbanisée à l’Ouest, et avec celle très restreinte de Cavaniès à l’Est. Le troisième a creusé son sillon en plein coeur de la 2nde terrasse de Bégoux. Il est aujourd’hui presque invisible à toute personne qui ne l’a pas encore découvert, camouflé entre lisières boisées et quartiers d’habitat. Le fond plat des vallons est propice à l’agriculture ce qui accentue leur structure particulière. Ces vallons sont pourtant de véritables oasis, des espaces de respiration dans le village. On s’y sent totalement immergés en plein coeur de la campagne et de la « nature », alors que des maisons sont présentes derrière les arbres, parfois très proches.
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2nde terrasse haute : arrière de la terrasse habitée ou s’ « opposent » habitat et agriculture 1
Sur la partie arrière de la seconde terrasse, on retrouve le hameau historique de Bégoux avec son église, une place centrale, l’école. Celui-ci s’était implanté au pied des pechs boisés, sur des terrains en pente et sans s’étaler sur la terrasse pour préserver les terres cultivées. Une très grande extension pavillonnaire s’est ajoutée dans les années 80 recouvrant notamment une butte calcaire boisée et s’étalant sur la terrasse et les terres agricoles. D’autres opérations se sont ajoutées au fur et à mesure jusqu’à aujourd’hui, avec des parcelles individuelles de plus en plus grandes répondant à une demande des nouveaux habitants. Des quartiers plus denses apparaissent également depuis très peu de temps avec une réflexion sur un habitat groupé et des espaces communs. Aujourd’hui, persistent encore des traces de l’agriculture passée, notamment des parcelles de vigne qui trouvent sur cette terrasse haute un très bon terroir. Habitat et agriculture semblent ici s’opposer avec des limites très franches. L’agriculture paraît en danger face à une urbanisation qui demande de plus en plus de surface. 3
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Hameau historique
Zoom
↑ Photocomparaison de 1957 et aujourd’hui. L’urbanisation s’est étalée sur la terrasse de manière très marquée. Il est intéressant d’observer qu’en 1980, le lotissement s’est installé sur les terres les moins fertiles de la butte calcaire. Les opération suivantes sont, elles, venues s’ajouter tout autour, sur des terres cultivées.
Butte
Source de l’image : Remonter le temps - IGN
Sur cette vue aérienne, il est possible de distinguer le lotissement des années 1980 à droite de la route et les opérations récentes qui se poursuivent actuellement à gauche. Même si aucun des deux modèles d’habitat ne permet une véritable qualité urbaine, notamment des espaces publics, le lotissement des années 80 propose une plus forte densité et est donc moins gourmand en espace agricole. → Source de l’image : Géoportail
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Pechs abrupts : reliefs calcaires recouverts de boisements
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Les premières pentes boisées du causse s’élèvent là où le relief s’accentue créant une lisière très nette entre pechs calcaires boisés et terres argilo-calcaires cultivées au pied. Deux pechs principaux composent les reliefs de Bégoux : le pech Castanié et le Pech de la Vignasse. Un chemin longe la lisière et nous offre un contraste franc entre le causse boisé et les paysages ouverts, cultivés et habités, de la terrasse. En montant par les chemins agricoles ou de randonnée sur ces reliefs, on prend de la hauteur sur le village et des vues se dégagent de temps en temps entre les branches des chênes et des érables de Montpellier. La plupart du temps, le chemin est encadré par une végétation dense et il est difficile de s’aventurer hors des sentiers où seules quelques brebis se déplacent encore parfois à travers les broussailles. 78
Un cortège de végétaux à tendance méditerranéenne Les végétaux trouvés sur un lieu donné nous renseignent sur le milieu dans lequel on se trouve. En associant une série de végétaux, il est possible de décrire assez précisément le milieu écologique dans lequel on se trouve. Ici, la végétation à tendance méditerranéenne typique des milieux du sud de la France, nous montre qu’on est en présence d’un sol très sec et léger, qui se réchauffe rapidement et qui peut parfois subir des sècheresses. Certains végétaux nous renseignent également sur la nature du sol : calcaire. Enfin, l’aspect des végétaux comme le port très chétif des chênes nous fait penser que le sol est très pauvre.
Acer monspessulanum Erable de Montpellier Aime la chaleur et les sols secs et calcaires Cornus mas Cornouiller mâle
Pech de la Vignasse
Sorbus torminalis Alisier torminal
Syringa vulgaris Lilas commun Echappée des jardins
Buxus sempervirens Buis Résiste à la sècheresse. En climat chaud et sec, sa feuille est plus petite et parfois jaunâtre
Quercus pubescens Chêne pubescent Aime la chaleur et les sols calcaires, supporte la sècheresse
Genista monspessulana Genêt de Montpellier Aime les sols secs et pauvres
Pech Castanié
Fraxinus ornus Frêne à manne Aime la chaleur
Lonicera etrusca Chèvrefeuille d’Etrurie Aime la chaleur et les sols secs
Prunus spinosa Prunellier Rosa canina Eglantier
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Crataegus monogyna Aubépine
Prunus mahaleb Cerisier de Sainte-Lucie Aime les sols calcaires et rocailleux, supporte bien la sècheresse et les fortes chaleurs
le projet urbain par le paysage
Alors que l’aménagement du territoire tel qu’il est pratiqué actuellement à Bégoux tient peu compte des paysages, cette terrasse habitée de vallée reste néanmoins attrayante. Les qualités paysagères y sont multiples et fortes : végétation abondante, terrasse en surplomb de la vallée du Lot, microreliefs et vallons fertiles. Elles sont cependant dissoutes dans une urbanisation de « remplissage des vides » et une artificialisation du territoire désordonnées. Ainsi, le paysage pourrait être une entrée possible pour l’aménagement du territoire de Bégoux. Il propose une façon de regarder le territoire différente de celle qui est pratiquée actuellement à travers des regards d’experts sur les infrastructures et l’urbanisme. Le paysage permet de prendre du recul et de reconsidérer Bégoux d’une façon globale, en tant que terrasse habitée qui prend sa place dans un vaste système de vallée. Ainsi, le projet urbain à Bégoux pourrait commencer d’abord par un projet de paysage. Il s’agirait d’étudier la composition de ses paysages et de définir les valeurs résultant d’une culture commune et partagée, les caractéristiques paysagères à préserver voire affirmer, des espaces à ne pas construire ni clôturer, d’autres à densifier. Ces lignes directrices permettraient de cheminer vers une proposition de projet d’habitat en adéquation avec ses paysages. Ce n’est pas la seule méthode possible pour définir un projet urbain mais une façon de faire projet qui s’intéresse au territoire global, à l’harmonie entre les hommes et leurs paysages, et qui est porteuse de sens. Le projet de paysage aura ici principalement pour objectif de révéler et de faire prendre conscience des qualités paysagères déjà présentes mais peu mises en valeur. Son ambition ne sera pas de créer de toute pièce un nouveau cadre de vie qui ne serait qu’un décor superficiel. Ce sont les caractéristiques paysagères propre à Bégoux, qui vont permettre de donner plus de sens, plus de lisibilité, plus d’esthétique, mais également un meilleur environnement de vie aux habitants de ce village, en lien avec l’idée de campagne.
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Regourd Labraude
Terre rouge La croix de fer
Cahors
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Bégoux
Cahors Terre rouge Bégoux
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Un « remplissage » progressif de la campagne à proximité de la ville La ville ancienne de Cahors, dense et compacte, est limitée par le Lot qui forme ici un cingle ainsi que par les reliefs abrupts des causses. Pour s’étendre, l’urbanisation se fait donc le long de la vallée du Lot, sur les terrains où la topographie permet l’implantation de constructions. Un « remplissage » des espaces constructibles s’opère, avec une gradation du plus dense à proximité de Cahors vers une imbrication plus diffuse entre nouvelles constructions et traces de l’occupation ancienne : villages, agriculture. La limite entre ville et campagne est floue. L’urbanisation résidentielle et les infrastructures liées à la ville de Cahors viennent se poser sur des « terrains disponibles » de campagne créant un espace mixte dont le statut est indéfini. Bégoux fait partie de ces espaces hybrides entre ville et campagne dont l’identité évolue et se perd pour devenir une banlieue résidentielle « neutre ». Son rapport au paysage de la vallée est négligé, elle devient une extension résidentielle de la ville. 83
Terre rouge
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Cahors
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Traduction dans le PLU Dans le PLU, ce déplacement gradué de la ville vers la campagne se traduit par des couleurs de zonage différentes. Dans la ville de Cahors, on observe en différentes teintes de rose et rouge les « quartiers historiques du centre-ville », hérités de plusieurs époques dont le moyen-âge pour une partie et très denses. On y trouve tous les commerces et services de proximité nécessaires à la vie urbaine, excepté certaines infrastructures trop gourmandes en place comme les terrains de sport. A proximité, en montant sur les reliefs ou sur la rive opposée du Lot, se trouve en orange et jaune la « première couronne de faubourgs et quartiers résidentiels denses ». Ils représentent une étape relativement récente d’extension de la ville hors de son socle historique. On y trouve principalement une fonction résidentielle mais aussi des infrastructures et équipements liés à la ville de Cahors ainsi que des commerces accessibles en voiture : boulangerie, supermarché. On ne retrouve pas ici les notions d’urbanité ni de proximité propres au centre-ville. Ces espaces ont été conçus pour être dépendants de la ville. Ils n’ont pas d’identité propre et manquent de hiérarchie dans l’organisation du tissu urbain. Ils donnent l’impression d’un « remplissage des espaces vides » par la ville qui s’étale - alors que ces espaces autrefois de campagne possédaient en fait une organisation complexe en lien avec le territoire. Même la vallée inondable du Lot a été en partie construite. En s’éloignant encore de Cahors, vers Bégoux, le tissu urbain devient de plus en plus diffus et s’hybride avec la campagne. On y retrouve des zones « agricoles » en jaune clair, et « naturelles à préserver » en blanc. Les zones roses représentent des « quartiers résidentiels pavillonnaires », signe d’un phénomène de constructions résidentielles rattachées à la ville de Cahors et non directement au territoire. C’est ici qu’on trouve le plus de zones « à urbaniser » - en violet et gris. Les restes de la campagne agricole et naturelle sont perçus comme une réserve foncière dont on peut « combler les vides ». On reconnaît les grandes structures paysagères comme la plaine agricole de la vallée vouée à le demeurer grâce à son inondabilité, et les pechs boisés classés en zone « naturelle à vocation de loisirs et de sport ». Sur la terrasse habitée, par contre, on ne lit pas vraiment de structuration de l’espace. Les zones constructibles côtoient des zones agricoles et naturelles sans organisation spatiale du paysage. On peut donc imaginer que ces dernières se retrouveront plus tard incluent à l’intérieur du tissu urbain et finiront par être elles-aussi construites. Le PLU traduit donc un mouvement d’extension de la ville de Cahors sur sa campagne proche par une « urbanisation de remplissage » en lien avec la ville. L’identité de ces lieux de campagne et de vallée est effacée, il ne reste que des « traces » de l’occupation précédente : parcelles de vigne, prairies ou plantation de noyers isolés, vallons oubliés, morceaux de chemins qui montent dans les pechs. Sans projet global pour le paysage, ces traces risquent de s’effacer petit à petit ou de n’être plus que des éléments inertes et patrimonialisés.
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Et dans les OAP Dans un souci de définir une qualité urbaine à ces secteurs, des OAP Orientations d’Aménagement et de Programmation - viennent s’ajouter au plan de zonage du PLU. Elles servent surtout à définir des densités sur des secteurs donnés. En rose clair on trouve les plus faibles densités : individuel pavillonnaire à 15-25 logements/ha, en rose foncé de l’habitat groupé à 25-35 logements/ha et en violet clair des petits collectifs à 35 logements/ ha. Là encore, ces orientations d’aménagement relèvent plus du zonage technique que d’un réel projet d’habiter un territoire. Ces OAP permettent d’améliorer la qualité du cadre de vie des nouveaux quartiers isolés. Malheureusement, elles sont souvent réflechies de façon localisée et sans imaginer un réel projet urbain global à plus grande échelle. En cela, les propositions effectuées sont intéressantes mais un peu superficielles puisqu’elles ne se raccordent pas à un projet de paysage complet : alignements d’arbres le long des routes, haies qui séparent les différents îlots - la nature de la haie n’étant pas précisée, voiries en « raquettes » avec aire pour faire demi-tour ou qui ne se raccordent pas aux voiries existantes. Le cadrage de ces OAP parle de lui-même, il est très serré et centré sur les nouveaux quartiers, ne proposant pas de vues ni de liens au grand paysage alentour : vallée agricole, pechs boisés. Chaque OAP est isolée et n’est pas recontextualisée dans un paysage caractéristique de la vallée du Lot. Le vallon humide a tout de même été représenté en bleu clair mais c’est à cause de son risque d’inondabilité et non de sa qualité paysagère et de son potentiel de lien pour le village. Pour moi, ces OAP qui sont elles-mêmes peu lisibles, ne permettent pas de construire un espace de façon hiérarchisé et en lien avec le territoire. Elles répondent à des besoins précis : déplacements doux, végétalisation, accès, déconnectés de leur logique globale. Il me semble que le projet de paysage en tant qu’objet transversal et effectué en amont, permettrait de donner une logique possible au projet de territoire. 86
Vers une uniformisation des paysages habités Avec les documents d’urbanisme actuels, on peut craindre que la terrasse de Bégoux ne continue son urbanisation de manière étalée, uniforme et sans projet global. Elle est destinée à être une banlieue résidentielle pour Cahors. On peut imaginer qu’en 2030, les caractéristiques paysagères qui composent cette terrasse : vallons fertiles, prairies, parcelles de vignes, sont peu à peu absorbés dans une urbanisation diffuse. Seuls les espaces à fortes contraintes restent non urbanisés : vallée inondable, pechs abrupts. Ils semblent bénéficier d’une volonté de préservation. Cependant, ils sont vus comme des entités à part et déconnectés du village. Sur la terrasse en 2030, l’urbanisation a recouvert toutes les parcelles qui sont désormais privées et clôturées. L’espace public se limite aux voiries automobiles de desserte, il est difficile de cheminer à d’autres endroits que sur les routes. Le vallon au centre de la terrasse devient moins lisible, les habitations s’approchant au maximum de la limite constructible, elles grignotent sur les boisements l’encadrant. Les vues sur les reliefs de la rive droite se font rares désormais.
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Croquis simplifié des paysages actuels de la terrasse habitée de Bégoux
Croquis prospectif de ce que pourrait être la terrasse de Bégoux dans 15-20 ans
Une manière de faire projet à Bégoux peut être de s’appuyer sur le grand paysage pour proposer ensuite des pistes d’action plus locales. En effet, habiter Bégoux signifie habiter en banlieue périurbaine d’une petite ville - Cahors - mais surtout cela suppose d’habiter dans la vallée du Lot, une large vallée encaissée et encadrée de part et d’autres de reliefs abrupts, où l’eau et la topographie déterminent l’implantation et le mode de vie des habitants. Ce lien aux paysages de la vallée me paraît pouvoir être porteur de projet pour imaginer de nouvelles formes d’habiter à Bégoux.
u ed
lot
lé
Val
Terre rouge Bégoux
Cahors N
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0
0,5
1
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2,5 km
Un paysage de vallée marqué par l’action de l’eau En plus du grand paysage caractéristique de la vallée, les reliefs complexes façonnés par l’eau forment des spécificités et microreliefs. La terrasse de Bégoux est encadrée par deux vallons et entaillée par un troisième. Si ils sont aujourd’hui secs une grande partie de l’année, ces vallons sont soumis au risque d’inondation et jouent un rôle important dans l’écoulement des eaux des causses vers la vallée du Lot. Ils sont actuellement peu pris en compte dans les projets d’aménagement et sont pourtant des composantes essentielles des paysages et du système hydrologique. Ce sont des valeurs qui peuvent être porteuses de projet. Il serait intéressant de s’appuyer sur ces corridors creusés par l’eau pour retrouver des liens entre les différentes entités des paysages de la vallée : causses, terrasse, plaine alluviale. Cette mise en valeur du paysage façonné par l’eau au coeur de la terrasse habitée pourra être le support de projet et de lien : lien écologique, lien de l’eau, déplacement doux, lien de promenade, lien entre les habitants et leur territoire.
Cévenne abrupte de la rive droite
Vallée du lot
Large plaine agricole 2nde terrasse habitée
3e terrasse inclinée en pente douce 3 vallons fertiles et humides
Butte construite
Pechs boisés
Carte faisant ressortir les microreliefs de la terrasse de Bégoux →
N
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0,5
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1,5 km
Des enjeux liés au paysage habité La dynamique majeure des paysages de Bégoux est une urbanisation croissante et étalée avec peu d’attention portée au territoire. C’est une dynamique relativement rapide qui pourrait menacer l’harmonie des paysages, ses perceptions mais également ses qualités écologiques si elle était amenée à se poursuivre voire à s’intensifier. Les enjeux principaux sur lesquels j’ai souhaité appuyer mon travail sont tous rattachés à la notion de paysage habité, thématique choisie pour amorcer le projet de paysage.
- Enjeu de lutte contre l’uniformisation des paysages habités périurbains - Enjeu de maîtrise de l’étalement urbain et de préservation des terres agricoles avec une recherche d’équilibre et de complémentarité - Enjeu de préservation et de mise en valeur des qualités paysagères de la vallée du Lot, en lien avec les paysages habités - Enjeu de préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, en lien avec les paysages habités et les notions de « campagne » et «nature » - Enjeu de mise en valeur du socle géologique et topographique comme support des paysages habités façonnés par l’homme depuis des siècles - Enjeu d’un cadre de vie interrogeant l’idée de campagne - Enjeu de parcourabilité et de perméabilité du tissu urbain par les espaces publics - Enjeu d’une relative autonomie d’une portion de territoire avec la notion de proximité
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Définir une stratégie pour remettre les paysages au coeur du projet d’habiter Pour répondre aux enjeux d’un projet d’habiter Bégoux en lien avec les paysages de la vallée du Lot, j’ai choisi d’axer mon travail sur la création d’un guide de préconisations à l’usage des élus et des habitants. Celui-ci s’appuie sur les singularités des paysages - relief, eau, géographie, paysages cultivés, paysages construits - afin de les replacer au coeur du projet d’habiter. Il propose des actions qui mettent en lien les habitants et leurs paysages. Ce travail de mettre en valeur et de révéler des paysages aujourd’hui peu lisibles est fondamental dans la démarche et servira ensuite de support au projet urbain. Celui-ci aboutit sur le dessin d’un schéma directeur urbain qui résulte d’une manière possible d’interpréter et de construire le paysage habité. Ce guide est composé de fiches actions qui proposent des pistes potentielles d’aménagement, de mise en valeur ou encore de préservation de spécificités du territoire de Bégoux. Ce guide n’a pas pour ambition de se poser en tant qu’idéal ou en tant qu’unique réponse possible aux enjeux relevés précédemment, mais plutôt en tant que piste de travail pour aborder différemment l’aménagement du territoire. Il propose une manière d’aborder le projet par le paysage. Il propose des pistes d’actions concrètes et réalisables mais il est également un outil de connaissance du territoire et de prise de conscience de ses qualités et fragilités, aussi bien pour ses habitants que pour les élus et techniciens qui l’administrent.
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1 - Renforcer l’ancrage dans un vaste paysage de vallée 2 - Reconquérir les vallons 3 - Affirmer la notion de campagne en lien avec l’idée d’un parc habité 4 - Organiser un cadre de vie qui s’inscrit sur une terrasse surplombant le Lot
Représentation schématique des objectifs spatialisés sur le territoire de Bégoux 92
Des objectifs pour requestionner le rapport entre les habitants et leur territoire J’ai distingué quatre grands objectifs transversaux qui permettent de donner au moins une piste de réponse à chaque enjeu défini précédemment. Ces quatre objectifs s’inscrivent tous les deux dans une optique de requestionner le rapport entre les habitants et leur territoire ainsi que la manière dont celui-ci est aménagé à l’heure actuelle. Ils s’intéressent chacun à la totalité du paysage de la vallée - pechs, terrasse, coteau, plaine alluviale, rivière, cévenne de la rive opposée - et doivent permettre la mise en lien de ces différentes entités dans un paysage global.
1 - Renforcer l’ancrage dans un vaste paysage de vallée 2 - Reconquérir les vallons 3 - Affirmer la notion de campagne en lien avec l’idée d’un parc habité 4 - Organiser un cadre de vie qui s’inscrit sur une terrasse surplombant le Lot On observe dans ces objectifs une gradation, produit de la méthode employée. Ainsi les deux premiers objectifs s’intéressent davantage à la structure du paysage, à ses perceptions et à sa reconquête en tant qu’objet commun alors que les deux derniers objectifs aboutissent plus à un projet d’habiter, d’urbaniser et à une manière d’aménager le cadre de vie des habitants. Ces derniers ne trouvent leur sens que grâce à l’existence des premiers qui permettent de poser les bases d’une culture commune du paysage.
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Tester un modèle d’habitat groupé dense qui réponde aux enjeux du territoire
Travailler les limites du village
Imaginer un nouveau circuit de l’eau
Relier les causses à la plaine alluviale par des cheminements au creux des vallons
Révéler des vues sur le versant abrupt de la rive opposée
Préserver une structure paysagère et agricole marquant les vallons
Relier Cahors et le reste de la vallée par une voie verte
Jardiner les espaces publics
Ecrire les paysages habités dans un vocabulaire du village et de la campagne
Tisser des traits d’union à travers les quartiers
Retrouver un lien à la rivière par le biais des loisirs
Traverser le Lot
Proposer la création d’un Parc Naturel Urbain
Affirmer la plaine agricole comme un jardin vivrier complémentaire au village
Représentation schématique des actions spatialisées sur le territoire de Bégoux 94
Déclinaison en fiches action Ces quatre objectifs se déclinent sous forme de fiches qui proposent des pistes d’action interrogeant de nouveaux rapports entre les habitants et leurs paysages. Ces fiches ne présentent pas des projets aboutis et opérationnels mais bien des pistes de réflexion sur la prise en compte des paysages dans les projets futurs d’habiter à Bégoux. Elles soulèvent des idées et orientations permettant d’alimenter le projet urbain et invitent à partager des enjeux et un regard commun sur ces paysages habités.
1- Renforcer l’ancrage dans un vaste paysage de vallée Fiche n°1 : Révéler des vues sur le versant abrupt de la rive opposée Fiche n°2 : Relier Cahors et le reste de la vallée par une voie verte Fiche n°3 : Retrouver un lien à la rivière par le biais des loisirs Fiche n°4 : Traverser le Lot
2 - Reconquérir les vallons Fiche n°5 : Préserver une structure paysagère et agricole marquant les vallons Fiche n°6 : Relier les causses à la plaine alluviale par des cheminements au creux des vallons Fiche n°7 : Imaginer un nouveau circuit de l’eau
3- Affirmer la notion de campagne en lien avec l’idée d’un parc habité Fiche n° 8 : Affirmer la plaine agricole comme un jardin vivrier complémentaire au village Fiche n° 9 : Tisser des traits d’union à travers les quartiers Fiche n° 10 : Travailler les limites du village Fiche n° 11 : Proposer la création d’un Parc Naturel Urbain
4 - Organiser un cadre de vie qui s’inscrit sur une terrasse surplombant le Lot Fiche n° 12 : Ecrire les paysages habités dans un vocabulaire du village et de la campagne Fiche n° 13 : Jardiner les espaces publics Fiche n° 14 : Tester un modèle d’habitat groupé dense qui réponde aux enjeux du territoire
Conclusion - Vers un schéma directeur de l’habitat à Bégoux
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Habiter à Bégoux, c’est avant tout habiter dans un ensemble paysager bien plus vaste qu’est la vallée du Lot. La vue est partout arrêtée par des reliefs imposants de calcaire. Le soleil disparaît rapidement sous les pechs situés à l’ouest les soirs d’hiver et la brume inonde la vallée au petit matin. Même si l’habitat est aujourd’hui souvent construit de manière déconnectée du territoire, tout nous rappelle cette situation spécifique qu’est le fait d’habiter dans une vallée. Les paysages, souvent admirés par les touristes, peuvent y être spectaculaires par leur échelle et leur beauté. Mais ce sont avant tout des paysages habités qui méritent aussi d’être considérés comme tels. Ainsi, un enjeu fort à Bégoux est de retrouver un lien entre l’habitant et son territoire, entre l’habitat et les paysages. La terrasse de Bégoux ne se limite pas à de vastes terrains plats propices à la construction à proximité de Cahors. C’est aussi faire partie d’un territoire complexe où toutes les activités humaines imbriquées fabriquent les paysages.
Illustration du contraste entre verticalité et horizontalité dans la vallée du Lot
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vaste paysage de vallée
1 - renforcer l’ancrage dans un
fiche n°1
Révéler des vues sur le versant abrupt de la rive opposée Enjeux paysagers Sur la seconde terrasse de Bégoux, il est difficile de se repérer. Le long du coteau boisé, peu de vues s’ouvrent sur les paysages et reliefs de la vallée du Lot et de la berge opposée. Les vues sont plutôt fermées, la végétation y est haute et dense. Ce n’est qu’en prenant du recul et en s’éloignant de ce coteau, que la vue passe parfois au dessus des cimes, révélant les reliefs abrupts de la rive droite du Lot. Apercevoir le coteau d’en face paraît anodin. Pourtant, cette silhouette de relief imposant nous rappelle où l’on est : près de Cahors, dans la vallée du Lot. Elle façonne l’horizon, donnant une impression de domination du paysage sur l’homme. 3
Objectifs
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N
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Cartographie des points de vue intéressants depuis le haut de la terrasse et les routes perpendiculaires
Il pourrait être intéressant de dégager des vues depuis les routes et chemins perpendiculaires au coteau, créant des effets d’ouverture sur le grand paysage. Ainsi, au bout de la voie, le champ de vision s’ouvre et s’agrandit, rendant plus lisible la géographie du territoire. Actuellement, ces têtes de routes sont parfois obstruées par la végétation ou même des constructions. Ces vues auront pour but de : > Donner à voir les paysages de la vallée du Lot : versant opposé mais aussi plaine agricole > Provoquer ainsi une attention particulière portée aux paysages vus : projet de paysage, aménagements de qualité, règlementation des constructions etc. > Développer des liens visuels entre les différentes entités paysagères : terrasse habitée, plaine alluviale et cévennes en face > Développer le sentiment d’appartenance à un territoire et pas seulement à une banlieue péri-urbaine > Améliorer le cadre de vie des habitants > Imaginer Bégoux comme un parc habité s’inscrivant dans un vaste paysage
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Recommandations > Rendre inconstructibles les parcelles situées sur les axes de vues, notamment en bouts de routes perpendiculaires > Entretenir la végétation du coteau de façon à ne pas avoir des murs opaques mais des vues filtrantes, ouvrir des fenêtres à certains emplacements où il y a un enjeu de vue > Aménager des espaces de repos en lien avec des panoramas > Eviter de disposer des objets, mobilier ou signalétique dans l’axe des vues > Créer ponctuellement des sentiers qui descendent le coteau et qui proposent une vue depuis leur sommet Outils et acteurs à mobiliser > PLU : axes des vues à classer en zone naturelle, sans suivre nécessairement les limites des parcelles > Lors d’opérations d’urbanisation par des promoteurs, obliger à aménager des points de vue voire des sentiers qui descendent le coteau si possible > Proposer un parcours communal de randonnée ou de sport en lien avec ces vues > Mettre en place un Parc Naturel Urbain à l’échelle de Cahors
1 Ici, la parcelle libre à gauche permet une large vue ouverte sur la cévenne située en face. Il ne s’agit pas de la figer mais d’organiser l’espace de façon à conserver un cône de vue depuis la route.
4 Représentation de la création d’un sentier qui descend le coteau accompagné d’un point de vue sur les paysages de la vallée
2 Depuis cette route, une construction vient fermer la vue. Cette situation est à éviter.
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3 Ce panorama offre un vaste point de vue ouvert sur les paysages de la vallée. Des restes de chantier nous montrent qu’il a peut-être failli disparaître par l’implantation d’une construction. De même, les objets situés dans l’axe de la vue sont à éviter comme le panneau signalétique.
fiche n°2
Les retombées économiques d’une véloroute/voie verte Les résultats sont sans appel ! Le tourisme autour du vélo est en constante augmentation, le
tours opérateurs augmenté de 145 %une quand le nombreverte de séjours a été multiplié par plus Relier Cahors etnombre le dereste de la avallée par voie de 4, entre 2008 et 2014. On note également que la saison touristique a tendance à s’allonger lorsqu’une véloroute/voie verte est présente sur un territoire et ce sur une période pouvant s’étendre d’avril à octobre. Si l’on prend l’exemple de La Loire à vélo, c’est 30 millions d’euros de retombées économiques qui ont été directement générés par la présence de la véloroute/voie verte.
Enjeux paysagers
Les voies empruntées sont variées, on passe de l’ancienne voie ferrée aménagée en voie verte, aux pistes cyclables et aux routes communales, parfois départementales.
Aujourd’hui, une véloroute de 160 km permet de relier Aiguillon, point de confluence entre le Lot et la Garonne, à Cahors le long de la vallée du Lot. Il est déjà en projet de prolonger cette voie cyclable après Cahors vers la Lozère où le Lot prend sa source. Ce projet est porté par l’Entente interdépartementale du Bassin du Lot mais il est actuellement au ralenti par manque de financements. Une ancienne voie ferrée désaffectée passe au pied de la terrasse de Bégoux. C’est sur ces traces du passé qu’il est prévu de faire passer la nouvelle piste cyclable. Ainsi, les espaces évoluent et s’adaptent constament aux nouveaux enjeux du territoire.
L’ensemble du parcours est accessible pour des cyclistes au niveau moyen, à l’exception de la partie entre Luzech et Cahors qui requiert davantage d’expérience.
Objectifs
Le parcours Le tracé de « La vallée du Lot à vélo » s’étend actuellement d’Aiguillon, en Lot-et-Garonne, à Cahors. Ces 160 kilomètres traversent successivement des paysages de pruniers, de cultures 1 de fraises, de vignobles, de châteaux. Les étapes s’échelonnent de 35 km à 50,5 km pour la plus longue entre Aiguillon et Villeneuve-sur-Lot. Parmi les villages remarquables, on peut citer Penne d’Agenais, Puy l’Évêque, Castelfranc, Albas, Luzech et Cahors, ville d’arrivée.
L’idée sera à terme, bien entendu, de relier la confluence entre le Lot et la Garonne, aux sources du Lot. Ce linéaire entre Aiguillon, en Lot-et-Garonne, et Le Bleymard, en Lozère, permettrait de faire le lien à Port d’Agrès avec « la grande traversée du volcan à vélo » (V74) qui rejoint Blesle, en Haute-Loire, via Aurillac. Des connexions à la V74 et au Canal des deux mers N (V80) apporteront d’autant plus de fréquentation et donc d’autant plus de retombées économiques sur le territoire. à vélo Cartographie de la voie ferrée ancienne et des liens possibles avec la ville de Cahors 0 0,5 1 km
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Cette véloroute est un enjeu fort pour le territoire, en effet, elle permettra de : > Relier Bégoux et Cahors par un itinéraire doux et sécuritaire pour les vélos > Donner à voir les paysages de la vallée du Lot en étant immergé dedans : coteau calcaire, plaine agricole, proximité du Lot > Valoriser par ce biais des paysages plus ordinaires et moins spectaculaires qu’avec le tourisme classique > Proposer une proximité avec la rivière mais aussi avec l’agriculture qui fabrique les paysages de la plaine > Développer des points d’intérêts et de découverte du terroir comme des lieux de pique-nique avec des produits locaux, de la vente directe, des dégustations de vin etc.
Recommandations > Dans un premier temps, entretenir la végétation pour éviter qu’elle ne devienne trop importante et difficile à enlever ensuite, une première appropriation pourrait en naître > Aménager la bande roulable de la piste cyclable : partie la plus technique et coûteuse > Aménager des espaces de repos en lien avec les anciennes gares notamment > Aménager des accès, facilement praticables avec un vélo > Maintenir ou ouvrir des vues sur les paysages de la vallée du Lot > Proposer une signalétique dynamique avec des « sorties de voie » qui mènent à des points d’intérêt ou de loisirs : panorama, ferme, artisanat, verger, centre équestre, baignade etc.
Outils et acteurs à mobiliser > Entente interdépartementale du Bassin du Lot qui est le porteur de projet > Animer des chantiers bénévoles pour entretenir la végétation par exemple : journée d’entretien par les habitants, chantier de jeunes, qui permettent également une appropriation par les habitants > Organiser un évènement festif autour de la voie verte - Référence : festival « Ouvre la voix » dans l’Entre-Deux-Mers (33) qui mêle un parcours à vélo avec des étapes-concerts et des dégustations de vin > Partenariats avec des producteurs locaux pour proposer des points de vente ou pique-niques fermiers > Mettre en place un Parc Naturel Urbain à l’échelle de Cahors
Représentation de la voie ferrée aménagée en voie verte au niveau de la gare de Bégoux
1
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fiche n°3
Retrouver un lien à la rivière par le biais des loisirs Enjeux paysagers
1
« La baignade est un droit et chacun peut se baigner en milieu naturel dès lors que la baignade n’est pas interdite. » cite l’office de Tourisme de Cahors, résumant brièvement certains articles du Code de la Santé Publique et du Code des Sports. Tout espace naturel peut donc potentiellement être un lieu de baignade. Dès lors que la baignade est facilitée par un aménagement et même si elle n’est pas surveillée, la commune doit le déclarer comme lieu de baignade et mettre en place des dispositifs de sécurité. Dans le Lot, le département a également mis en place un dispositif « Inf ’Eau Loisirs » publiant les résultats d’analyse de l’eau des cours d’eau chaque jour pendant tout l’été. Ainsi, les baigneurs peuvent se renseigner sur internet de la qualité de l’eau pour chaque lieu de baignade recensé. L’un des enjeux fort de Bégoux est de retrouver un lien entre les habitants et la vallée du Lot. Il pourrait être intéressant pour les habitants d’établir un lien avec leur rivière par le biais de la baignade ou des loisirs d’eau : pêche, canoë. Objectifs La baignade offre une relation privilégiée au paysage. Elle offre le temps de la contemplation et un contact direct à la rivière et sa vallée. Proposer des lieux de loisirs en lien avec le Lot pourrait permettre de :
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Cartographie de deux lieux potentiels de baignade avec leurs liens à la terrasse habitée
> Donner à voir les paysages de la vallée du Lot : versant opposé, rivière, vue différente de celle qui est perçue de l’autre côté de la végétation des berges. > Relier la terrasse habitée à la plaine alluviale, moins fréquentée, dans une optique de complémentarité des espaces > Retrouver un lien entre les habitants et leur territoire > Proposer un espace de loisirs local aux habitants de Bégoux > Imaginer Bégoux comme un parc habité s’inscrivant dans un vaste paysage
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Recommandations > Entretenir voire supprimer ponctuellement la végétation pour ménager des vues et un contact à l’eau > Aménager un lieu de baignade simple, en pente douce et enherbée, qui peut servir aussi bien de cale de mise à l’eau de bateaux, canoës, lieu de pêche, lieu de baignade. A ce moment de l’aménagement, la baignade est facilitée et nécessite d’être déclarée comme telle. > Proposer une signalétique claire, qui responsabilise les baigneurs sur les risques potentiels et préciser certaines situations pour lesquelles il est préférable d’éviter la baignade : météo peu clémente, qualité de l’eau médiocre, courant trop fort etc.
Outils et acteurs à mobiliser > Office de Tourisme de Cahors > Inf ’Eau Loisirs > Département du Lot > Se faire conseiller sur l’aspect juridique et les modalités de « mise en place de dispositifs de sécurité » > Prendre contact auprès des autres communes qui proposent un espace de baignade > Mettre en place un Parc Naturel Urbain à l’échelle de Cahors
Référence : plage d’Antinéa à Douelle dans la rivière Lot, baignade non surveillée
1 Représentation d’un lieu possible de baignade : une pente douce enherbée amène doucement à l’eau. La vue s’ouvre. La baignade devient le prétexte d’une immersion dans les paysages de causses de la vallée du Lot.
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fiche n°4
Traverser le Lot Enjeux paysagers A l’extrémité du cingle, un lien entre les deux rives pourrait être envisagé. Cette installation destinée aux piétons et cyclistes permettrait de relier la plaine de la Bouriette au village pittoresque de Laroque-des-Arcs. Une structure légère de bac à force manuelle et ne gênant pas la navigation pourrait être proposée. Là encore, en plus d’un lien physique doux entre les deux villages, le bac serait le prétexte de la contemplation, notamment du village de Laroque-des-Arcs depuis la rivière. Ainsi, ce village se tournerait encore davantage vers la rivière ce qui entrainerait une revalorisation de certaines façades à l’arrière du village aujourd’hui peu qualitatives. Donner à voir les paysages depuis l’eau permet de s’affranchir de la végétation parfois opaque des berges tout en étant immergé au coeur de la géologie de la vallée. Objectifs Cette traversée permettra de : > Donner à voir les paysages de l’eau et sa géologie : le Lot encaissé entre ses deux coteaux > Changer le regard sur Laroque-des-Arcs en l’abordant par l’eau > Relier Bégoux au village de Laroque-des-Arcs par un lien physique permettant de nouvelles opportunités de randonnées à pied et à vélo > Créer un point d’intérêt sur le Lot permettant de mettre en valeur le contact avec la rivière N
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Cartographie de la traversée reliant Bégoux au village de Laroque-des-Arcs
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Recommandations > Mettre en place un bac manuel pour piétons et cyclistes > Faire participer les habitants à la réflexion et à l’élaboration d’une construction originale fixée sur le bac qui soit un point d’appel, lui donne une identité et interroge > Soigner la signalétique depuis la terrasse de Bégoux, la voie verte, les vallons etc. vers le bac Outils et acteurs à mobiliser > Collectif d’artistes ou de paysagistes qui travaillent avec les habitants pour réfléchir à la notion de traverser et à l’élaboration d’une structure > Faire intervenir des artisans locaux > Créer un nouveau sentier de randonnée entre Bégoux et Laroque-des-Arcs
Références : A gauche : projet Hopla ! à l’écomusée d’Alsace, par le Collectif ETC A droite : bac manuel à chaîne (moteur possible en assistance) de l’île St-Aubin à Angers
↓ Représentation de la vue sur Laroque-des-Arcs depuis l’embarcadère de Bégoux
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2 - reconquérir les vallons BASSIN DE CAHORS - COMMUNE DE CAHORS
2
Les vallons secondaires creusés dans les reliefs calcaires en direction du Lot en aval sont des composantes importantes du paysage de la vallée. Même s’ils ne sont pas en eau de façon permanente voire très rarement, ils bénéficient d’un microclimat humide et d’un sol riche et fertile où se sont accumulées les alluvions et les argiles. De plus, ils ont un rôle hydrologique très important qui permet l’écoulement des eaux de ruissellement jusqu’à la vallée du Lot, notamment lors des épisodes de fortes pluies. Enfin, ils participent à créer un réservoir de biodiversité dans des paysages aujourd’hui fortement urbanisés, reliant les pechs boisés des causses à la vallée du Lot. Ils proposent ainsi des « corridors » pour la faune et la flore qui constituent des liaisons entre plusieurs milieux écologiques. En cela, ce sont des éléments structurants du paysage qu’il est important de conserver et même d’affirmer. En consultant le Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) du bassin de Cahors, on observe que la plupart des vallons secondaires sont classés en zone rouge. Cette zone correspond à un risque fort de submersion lors des périodes de fortes pluies torrentielles. Depuis le PPRI approuvé en 2004, ces secteurs sont devenus inconstructibles mais une trentaine de constructions antérieures étaient déjà implantées sur le parcours d’écoulement des eaux, notamment en amont dans les zones où le risque est moindre. Cette prise en compte récente du risque et de ces maillons du système hydrologique illustre le besoin de leur reconquête commune où l’urbanisation et la privatisation n’ont plus leur place. Aujourd’hui, il s’agirait de s’appuyer sur ce risque de submersion pour souligner la nécessité de préserver et de gérer ces entités paysagères. Ils pourraient être le support de projet pour retrouver un fil de l’eau et recréer des liens et cheminements entre les différentes composantes des paysages. Ces vallons sont à affirmer en tant que trame paysagère pour le projet urbain à Bégoux.
Plan de zonage du PPRI du bassin de Cahors sur Bégoux Zone verte (aléa fort et faible) : zone réservée à l’expansion des crues, non urbanisée, où l’activité agricole est en général dominante Zone rouge : zone submersible des petits bassins versants à régime torrentiel considérée comme zone d’aléa fort où l’inconstructibilité est la règle
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DDE du Lot - SAT/BRME Janvier 2006
0.2
0
0.2
0.4
0
fiche n°5
Préserver une structure paysagère et agricole marquant les vallons Enjeux paysagers Les vallons secondaires traversant la terrasse de Bégoux se caractérisent par une topographie légèrement encaissée et un fond plat suffisamment large pour être cultivé. C’est surtout grâce à l’action de l’homme que ces vallons sont si lisibles malgré leur relief peu prononcé. En effet, le fond plat fertile et riche en alluvions déposées par les anciens cours d’eau qui les ont creusé est adapté à la pratique agricole notamment en tant que terre arable et travaillée : culture céréalière, maraîchage, prairie artificielle ou jachère. Aujourd’hui, ces vallons sont parfois abandonnés dans leur pratique agricole ou encore appropriés par des particuliers. Dans le premier cas, ils s’enfrichent et une végétation boisée vient peu à peu remplacer les cultures, rendant presque invisible la topographie de ces vallons. Dans le second cas, ils deviennent des jardins ou terrains de loisirs et sont clôturés, aménagés et plantés de végétaux ornementaux sans logique avec le territoire. D’autre fois, ils sont parfois même construits ou coupés par des routes sans soucis de leur préservation ou d’un aménagement de qualité.
2 1 3
N
0
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1 km
Cartographie des vallons avec bande inconstructible en rouge et variation de l’épaisseur du boisement
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Objectifs Leur structure particulière mérite d’être gérée - voire reconstituée - pour perdurer dans le temps et ne pas risquer une perte de lisibilité, biodiversité ou d’espace potentiel de nature et de loisirs pour les habitants.
1 Illustration d’une portion de vallon cultivée et pâturée qui préserve un paysage ouvert et des vues lointaines
Cet entretien ou réhabilitation des vallons aura pour but de : > Maintenir une biodiversité riche due à la présence d’une interface entre deux milieux : des boisements linéaires et épais sur les franges et des espaces ouverts et humides au centre > Renforcer la lisibilité de ces structures paysagères > Développer des liens entre les différentes entités paysagères : causse, terrasse habitée et vallée du Lot > Proposer aux habitants des espaces de nature et de promenade préservés de l’urbanisation > Conforter l’activité agricole dans une logique de proximité producteur / consommateur
2 Une portion de vallon en déprise agricole, les végétaux arbustifs prennent peu à peu le dessus. Le vallon semble se rétrécir.
3 Ici, même vallon que sur la première image, de l’autre côté de la route. Le vallon y est totalement recouvert de boisements, on ne discerne plus ses contours.
109
Recommandations
Outils et acteurs à mobiliser
> Promouvoir une agriculture de proximité qui entretienne les parcelles de fonds de vallons : maraîchage, prairies, petit élevage, céréales. Si des bâtiments agricoles sont nécessaires, ils s’intégreront dans la frange boisée et non sur les terres agricoles fertiles > Préserver des franges boisées d’une épaisseur variable selon le contexte mais suffisamment épaisses pour être significatives : de 20 à 40m > Protéger une épaisseur non constructible comprenant à la fois l’espace agricole plat ainsi que les franges boisées pour éviter que les constructions ne viennent se poser juste au bord du vallon > Maintenir ou créer des cheminements à l’intérieur du vallon, en bordure des cultures
> PLU : fonds de vallons à classer en zones agricoles ou naturelles inconstructibles. Ne pas forcement tenir compte de la forme des parcelles mais en priorité de la structure paysagère pour réaliser ce zonage. Proposer ensuite une bande inconstructible de 20m de part et d’autre du vallon sauf bâtiments agricoles légers. > Les franges peuvent être classées en espaces boisés classés sur une épaisseur de 20 à 40m. > S’appuyer sur le PPRI pour justifier du rôle hydrologique et de l’inconstructibilité de ces espaces > Réaliser un plan de paysage qui intègre un projet agricole local S’appuyer sur les circuits de distribution locaux : AMAP, magasin Lo’cavhors > Mettre en place un Parc Naturel Urbain à l’échelle de Cahors > Créer des nouveaux sentiers de randonnée balisés cheminant dans les vallons > Proposer des parcelles non entretenues en gestion à une association de propriétaires d’équidés dans une idée de réappropriation des vallons par les habitants et les loisirs - Référence : Association équestre Turquantoise
Relief hauteur x 1,5 20 à 40m
En moyenne 50m
Préserver de larges franges boisées qui délimitent le vallon de l’urbanisation
Entretenir un fond de vallon agricole, cultivé ou pâturé
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20 à 40m Interdire les constructions situées à moins de 20m du fond de vallon sauf les constructions agricoles légères qui s’intègreront dans le boisement
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Enjeux paysagers Les trois vallons pourraient participer à imaginer Bégoux comme un vaste parc habité. Cela signifie qu’il doit être possible de les traverser que ce soit des espaces publics ou privés. Des cheminements doux pourraient permettre de faire le lien entre les différentes entités du village : causses boisés, bourg, terrasse habitée et vallée du Lot. Ils se trouveraient au fond des vallons qu’ils longeraient et permettraient de se relier au vaste réseau de chemins de randonnée existants sur le territoire.
Varian te
du GR
36
1
Objectifs GR36
GR36
fiche n°6
Relier les causses à la plaine alluviale par des cheminements au creux des vallons
GR36 GR36
GR65
GR
Sentiers à créer Chemins existants Chemins balisés en tant que GR
65
N 0
0,5
1 km
Cartographie des chemins de randonnée existants et des cheminements à créer dans les vallons
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Ces cheminements en creux de vallons permettront de : > Proposer des chemins de promenade pour les habitants au coeur de la terrasse habitée de Bégoux > Relier les différentes entités comme la plaine alluviale, la terrasse, le bourg, les pechs boisés, par le biais de cheminements doux et sécuritaires pour les piétons > Faire découvrir les particularités de ces microreliefs > Inciter les randonneurs à traverser les paysages habités > Proposer de nouveaux cheminements équestres au centre équestre situé dans la plaine alluviale > Valoriser une agriculture de proximité, à taille humaine
Recommandations
Outils et acteurs à mobiliser
> Créer et entretenir des sentiers de randonnée de façon la plus simple possible, certaines portions existent déjà et il ne manque qu’un petit tronçon des vallons à aménager pour pouvoir les cheminer en totalité > Mettre en place une signalétique claire et adaptée à des espaces de “ nature ” > Faire figurer ces ballades et variantes dans les topo-guides de l’office de tourisme
> Fédération Française de Randonnées Pédestres, Comité départemental de la randonnée pédestre du Lot et associations de randonnée locales > Office de tourisme du Grand Cahors > Conventions collectives avec les propriétaires de parcelles privées > Mettre en place un Parc Naturel Urbain à l’échelle de Cahors > Imaginer la création d’une application sur Smartphone qui liste les sentiers de randonnée existants à Cahors voir dans le Lot et propose des combinaisons de ballades
1
113
fiche n°7
Imaginer un nouveau circuit de l’eau Enjeux paysagers Les trois vallons qui traversent la terrasse de Bégoux jouent un rôle important dans la gestion de l’eau et notamment d’évacuation vers la vallée du Lot lors des fortes pluies comme nous l’avons vu précédemment dans le PPRI. Ainsi, ils sont à valoriser et à faire ressortir en tant que tels. Actuellement, la partie amont du vallon qui traverse la terrasse, moins marquée, a été gommée par l’urbanisation. Même si sa structure n’a jamais été la même car les pentes y sont beaucoup moins importantes qu’en aval, il mérite d’être identifié en tant que composante du circuit de l’eau. Ce circuit de l’eau pourrait être imaginé en lien avec l’habitat. En effet, l’artificialisation des sols provoque un ruissèlement important dans les quartiers d’habitation qui pourraient être absorbé par les vallons. De même, il pourrait être intéressant de commencer à s’intéresser aux autres eaux comme les eaux usées produites par l’habitat : eaux grises et eaux-vannes, qui pourraient éventuellement être traitées de façon plus écologique dans le futur, dans une logique de complémentarité et d’imbrication des espaces habités. 1
Objectifs Ce circuit de l’eau permettra de : > Créer ou maintenir des milieux écologiques riches > Gérer les eaux pluviales des quartiers d’habitat > Donner à voir le circuit de l’eau de façon à sensibiliser aux risques d’une trop grande artificialisation des sols et de l’urbanisation qui vient entraver ce circuit > Améliorer le cadre de vie des habitants grâce à ces espaces de « nature » > Réfléchir à une alternative possible pour gérer les eaux usées produites par l’habitat, de façon locale et écologique, dans un futur à moyen terme
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1 km
Cartographie du circuit potentiel de l’eau en lien avec les vallons
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et
Recommandations > Créer une large noue plantée sur la partie amont du vallon central, qui donne à voir le circuit de l’eau et qui permette de préserver un espace inconstructible > Réfléchir à une possibilité de traiter les eaux usées des habitants par une station d’épuration par phytoépuration qui prendrait place dans les vallons dont la pente douce est idéale, alliant des fonctions utilitaire, écologique, de promenade et paysagère
Outils et acteurs à mobiliser > Services techniques de la ville > PLU : classer en « zone naturelle » une large bande située à l’emplacement du vallon amont qui deviendrait une large noue > Préemption d’une bande en limites de propriétés
Référence : station d’épuration à filtres plantés de roseaux dans un vallon à Lacapelle (hameau de Cahors) - Capacité de 420 Equivalent Habitant sur deux bassins - 845m2 au total. Il y a environ 2000 habitants à Bégoux ce qui représenterait un peu plus de 4 ha.
1
Une large noue pourrait être créée lorsque l’espace est suffisant. Elle pourrait prendre une épaisseur variable selon l’espace disponible, être plantée d’une végétation spécifique aux milieux humides et être associée à un cheminement piéton. En plus de donner à voir le circuit de l’eau, elle permet de préserver une large bande inconstructible n’entravant pas son écoulement.
5 m ou plus selon l’espace disponible
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116
Actuellement, Bégoux est considéré, d’un point de vue administratif notamment, comme un quartier résidentiel de la ville de Cahors. C’est ainsi qu’il s’est fortement développé ces vingt dernières années, dans le sens qu’on lui a donné, c’est-à-dire en tant que banlieue dont la fonction principale est d’absorber les besoins en maisons individuelles - besoin de campagne ? que la ville médiévale ceinturée par le Lot ne peut pas combler. C’est un espace oublié, délaissé des politiques d’urbanisme de la ville de Cahors qui préfèrent se concentrer sur les espaces plus qualitatifs et patrimoniaux forts du centre-ville. Or, Bégoux, ce n’est pas seulement une banlieue pavillonnaire résidentielle comme le considère la ville de Cahors. C’est avant tout un village ancien qui a une identité propre, une histoire et une forme urbaine initiale de hameau avec son église, sa place centrale, son parcellaire agricole en lanières et sa vie sociale hérités d’un passé rural et agricole. Aujourd’hui, ces spécificités ont tendance à s’effacer. Il serait intéressant d’imaginer les futurs paysages habités de Bégoux en lien avec la notion de campagne. Habiter Bégoux, ce n’est pas habiter le centreville de Cahors. C’est habiter un lieu singulier de la vallée du Lot, plus végétal, plus agricole, plus organique. Bégoux doit pouvoir puiser son identité dans ces valeurs, un lieu de nature où s’imbriquent les différentes activités de l’homme en lien avec le territoire tel un parc habité.
← Point de vue sur la butte habitée de Bégoux nichée dans un écrin végétal
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avec l’idée d’un parc habité
3 - affirmer la notion de campagne en lien
fiche n°8
Affirmer la plaine agricole comme un jardin vivrier complémentaire au village Enjeux paysagers La vaste plaine agricole est actuellement peu connectée au village. Une agriculture très productrice y est installée, produisant principalement des céréales, du maraîchage et des noix. En reliant la plaine au village de Bégoux par le biais de cheminements, il est possible d’impulser également une nouvelle dynamique d’amélioration des paysages cultivés. Il s’agirait de favoriser des modes de production compatibles avec une distribution locale et de qualité. La question du ruissèlement des effluents agricoles, engrais et pesticides dans le Lot est également un enjeu fort pour le territoire. Une structure paysagère plus diversifiée avec des haies et fossés pourrait permettre de limiter l’impact de l’agriculture sur la qualité de l’eau de la rivière. Celle-ci s’accompagnera dans l’idéal d’une agriculture plus durable : biologique, biodynamie, agriculture naturelle, agroforesterie, cultures sous couvert etc. L’enjeu majeur est de reconnecter les habitants avec l’agriculture et leur alimentation.
1
2
Objectifs Une structure paysagère plus diversifiée pour la plaine agricole permettra de : > Favoriser une plus grande biodiversité, en lien et non en opposition avec les paysages cultivés > Limiter la pollution du Lot par les effluents agricoles > Accroître la qualité et la diversité des paysages cultivés > Relier les habitants à leur alimentation et à l’enjeu de l’agriculture actuel en donnant à voir les paysages agricoles, en faisant visiter les fermes, en favorisant des circuits de ventes plus courts
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1 km
Cartographie de la plaine agricole de la Bouriette et des liens possibles à la terrasse
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et
Recommandations > Inciter les initiatives locales : jardins familiaux, magasins de vente de proximité > Aider à la plantation de haies > Proposer un lieu, communal par exemple, de vente directe > Imaginer la création d’un verger ou d’une pépinière communale > Proposer un circuit de « fermes ouvertes » où il est possible de visiter les fermes certains jours de l’année > Favoriser l’installation d’agriculteurs en agriculture biologique et paysanne qui soient à même de répondre à une demande de production locale de qualité > Favoriser l’émergence de nouvelles pratiques : agroforesterie, non travail du sol, vergers associés à de l’élevage etc. > Installer un centre de compostage des déchets produits par l’habitat qui pourraient être réutilisés en agriculture dans une logique de recyclage et de circuit court
1
Avant
2
Représentation de la diversification des paysages cultivés qui pourrait résulter de ces actions ↓
Références : initiatives existantes à Bégoux, parcelles de jardins familiaux dans la plaine et magasin Lo’Cavhors ne distribuant que des produits locaux
Nouveau verger
Après
Création d’un maillage de haies basses afin d’éviter le ruissèlement vers le Lot Parcelles de jardins familiaux
Parcelle associant des arbres comme des noyers à de l’élevage
Labour de la parcelle perpendiculaire à la pente Parcelles de pâturages parmi les parcelles cultivées
119 119
fiche n°9
Tisser des traits d’union à travers les quartiers Enjeux paysagers
1
Aujourd’hui, une grande partie des espaces de la seconde terrasse de Bégoux sont dédiés à l’habitat, privés et clôturés. Il n’est donc pas possible de circuler à l’intérieur des quartiers sans emprunter les routes de desserte dédiées à la voiture. De plus, celles-ci ont tous le même aspect et manquent de hiérarchie ce qui offre peu de repères et de moyens de se repérer géographiquement. Il serait intéressant de développer des perméabilités entre les parcelles habitées. Celles-ci pourraient s’appuyer sur le parcellaire ancien composé de fines lanières perpendiculaires à la vallée du Lot dans le bas de la seconde terrasse, et d’une organisation plus organique dans la terrasse haute, vers le bourg. Ces traits d’union ne seront pas linéaires mais pourront arborer une certaine épaisseur lorsque l’espace est suffisant. Ils pourront être associés à des activités proposant des paysages jardinés : culture, vignes, jardins potagers familiaux, verger ou pépinière communale etc.
Objectifs Ces traits d’union permettront de : > Créer ou préserver des espaces piétons perméables et traversables > Proposer des cheminements alternatifs aux routes pour les habitants, qui donnent à voir les paysages habités depuis l’intérieur > Créer ou maintenir des espaces cultivés, liens entre les habitants et leur territoire > Tisser des liens de « couture » entre la plaine alluviale, l’arrière-terrasse et les pechs boisés par une trame ramifiée qui forme une ossature des cheminements > Proposer une trame des cheminements mais également du parcellaire permettant d’aller vers un schéma directeur urbain
N
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0,5
1 km
Cartographie de l’ossature des cheminements et des liens possibles à travers les quartiers
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1 - Espace public planté : verger, noyers, pépinière, vignes, arbustes à fruits.
et
Recommandations > Créer des traits d’union à travers les quartiers de différentes nature selon l’épaisseur disponible : bande cultivée, parcelle de vignes, jardins potagers familiaux, verger etc. > Créer des sentiers piétons en limite de ces traits d’union > Mettre à disposition des habitants un guide de recommandation sur les clôtures qui peuvent être mises en place entre les habitations et les traits d’union, autoriser les portillons qui favorisent l’appropriation des sentiers par les habitants et participent à une idée de parc habité > Mettre en place un verger communal sur l’un des traits d’union
2 - Jardins potagers clos de manière à laisser passer le regard, avec un chemin latéral. Il peuvent être gérés par une association par exemple.
3 - Venelle publique longeant des jardins privés attenant aux habitations. Les clôtures laissent filtrer le regard.
4 - Parcelle agricole privée avec une servitude de passage - convention avec la commune - , système de fossé pour séparer le chemin de la culture possible.
Différentes natures de bandes possibles ↑
Outils et acteurs à mobiliser > PLU : classer en « zone naturelle » des bandes suffisamment larges sur les parcelles qui ne sont pas encore urbanisées même lorsque tout le linéaire n’est pas réalisable d’un coup. > Créer de nouveaux liens entre les parcelles privées selon deux stratégies : la première est de passer des conventions de servitudes de passage avec les propriétaires. La seconde est que la commune devienne propriétaire des bandes par le biais de la préemption de bandes en limites de propriétés, ce qui ne peux se faire que sur un temps long.
1
121
← Représentation d’un trait d’union sur la terrasse habitée qui créé une interface cultivée entre les habitations. Elle offre des vues sur les paysages lointains de coteaux et permet une liaison douce entre les quartiers.
fiche n°10
Travailler les limites du village Enjeux paysagers Les terres agricoles tendent à disparaître sous la pression de l’urbanisation. Elles sont pourtant créatrices d’un cadre de vie et d’un paysage de qualité. Elles participent à diversifier et enrichir les paysages habités, en ouvrant des vues, notamment à Bégoux où habitat et agriculture se font face de manière récurrente et très franche. Sur la terrasse haute, des parcelles agricoles ouvrent des vues sur le village depuis la route départementale et s’organisent tout autour d’un noyau habité. Ainsi, un enjeu fort de la terrasse de Bégoux est de parvenir à préserver ce glacis agricole encadrant le village tout en proposant une urbanisation plus dense qui permette l’accueil de nouveaux habitants. Cela pourrait passer par des délimitations entre agriculture et habitat marquées par des cheminements plantés qui forment une lisière entre les deux types d’espaces. Objectifs 1
Le travail sur les limites entre urbanisation et agriculture permettra de :
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0,5
1 km
Cartographie des espaces agricoles à conserver associés à des vues et cheminements
> Préserver des espaces agricoles suffisamment vastes pour être cultivés > Valoriser une agriculture de proximité, directement visible depuis les espaces habités > Conserver des vues ouvertes qui permettent de prendre du recul sur les paysages habités et de donner une sensation de faible densité, de « campagne » > Marquer des limites franches à l’étalement urbain qui doit pouvoir trouver des solutions pour construire de nouvelles habitations à l’intérieur de ces limites > Améliorer la complexité des paysages par la mise en place de lisières plantées > Etendre encore le maillage de cheminements par des sentiers entre agriculture et habitat
122
et
Recommandations
Références de clôtures permettant une continuité visuelle entre espace habité et espace agricole Source des images : Atelier Palimpseste ↓
> Créer des sentiers piétons aux lisières entre espaces agricoles et espaces habités. Ces sentiers peuvent être plantés d’arbres ou jardinés par les habitants. > Mettre à disposition des habitants un guide de recommandation sur les clôtures qui peuvent être mises en place sur les limites avec l’espace agricole. Celles-ci doivent laisser passer partiellement la vue telle la ganivelle, des clôtures rappelant les clôtures agricoles avec poteaux de bois, grillage à mailles carrées etc. > Pérenniser les terres agricoles en les protégeant de l’urbanisation et en veillant à la transmission de l’activité agricole > Favoriser l’émergence de projets agricoles locaux et novateurs, en lien avec les commerces de proximité > Soigner les nouveaux quartiers qui s’implantent en limite d’espace agricole dans une logique de limiter l’urbanisation et de complémentarité des deux espaces Outils et acteurs à mobiliser > Conventions de servitudes de passage avec les propriétaires privés > PLU : classer en « zone agricole » toutes les parcelles à préserver de l’urbanisation > OAP sur les futurs quartiers en limite d’espace agricole
1 1 ↑ Sur cette représentation, l’agricole et l’habitat se faisant face créent un contraste fort et intéressant. Il peut cependant être amélioré par la mise en place d’une lisière composées d’un chemin piéton et d’arbres qui viennent filtrer la vue tout en gardant une transparence. Les clôtures des habitations peuvent, elles aussi, être pensées dans une idée de transparence et d’ouverture sur l’espace agricole tout en maintenant une certaine intimité.
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fiche n°11
Proposer la création d’un Parc Naturel Urbain Enjeux paysagers Toutes les actions proposées pour les paysages de Bégoux pourraient être mises en place dans le cadre d’un Parc Naturel Urbain - PNU. En effet, cet outil permettrait d’affirmer l’idée d’un parc habité comportant les différents enjeux imbriqués d’un territoire habité : agricole, naturel, de loisirs, de détente, architectural et urbain, patrimonial, pédagogique, touristique etc. Cette notion de parc naturel urbain serait un lien fédérateur entre toutes les activités humaines qui composent les paysages. Il permettrait de faire ressortir la diversité et les spécificités de lieux caractéristiques autour de la ville de Cahors. Ainsi, il mettrait en valeur le paysage ordinaire, des lieux moins fréquentés des touristes que les grands sites par exemple mais des lieux vivants, où les habitants passent du temps, se promènent, se rencontrent.
Plaine agriCole et Berges du lot
les Vallons fertiles
PeChs Boisés Bégoux
surPlomBant
Objectifs Ce Parc Naturel Urbain permettra de :
mont st-Cyr Lieux de baignade Voie verte - véloroute Chemins existants Chemins balisés en tant que GR
N 0
0,5
1 km
Cartographie des lieux potentiels de Bégoux pouvant être intégrés au PNU
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> Affirmer l’idée de parc habité > Mettre en valeur les paysages du quotidien souvent peu valorisés > Faire connaître la diversité paysagère autour de Cahors et ses spécificités > Faire découvrir de nouveaux lieux > Eduquer à l’environnement et aux paysages en expliquant les interactions et intérêts de chaque lieu et l’importance de leur sauvegarde ou transformation > Proposer un vaste circuit de loisirs ou de promenade aux habitants du Grand Cahors
et
Recommandations
Outils et acteurs à mobiliser
> Réaliser un inventaire des lieux pouvant potentiellement faire partie du PNU à l’échelle de la Communauté d’Agglomération du Grand Cahors > Commencer par aménager quelques lieux ainsi que les circuits permettant de les relier entre eux > Mettre en place des actions d’aménagement, de rénovation, d’amélioration du cadre de vie et des paysages habités dans le cadre du PNU > Imaginer une voie bleue, c’est-àdire la mise en place d’un moyen de déplacement sur l’eau - bateau passeur - qui puisse relier les différents lieux
> Communauté d’Agglomération du Grand Cahors > Office de Tourisme du Grand Cahors > Département du Lot
Référence d’un lieu : le Mont Saint- Cyr à Cahors, un point de vue touristique mais également les rendez-vous des habitants Sur les hauteurs du Mont Saint-Cyr, un pech surplombant Cahors, il est possible d’observer la ville d’en haut à 180°. Ainsi, c’est un lieu prisé des touristes qui viennent y admirer le panorama sur Cahors. Mais ce lieu a également été aménagé comme un lieu de détente et de loisirs. On y trouve un terrain de sport, des tables de pique-nique, des pelouses où les cadurciens viennent s’allonger aux beaux-jours. Il est accessible par une route ou différents sentiers piétons escarpés où certains s’entrainent à la marche ou au trail. Ainsi, le Mont Saint-Cyr représente un lieu populaire très fréquenté des habitants qui y trouvent un espace de nature et de détente dans la ville.
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Référence : Parc Naturel Urbain du Marsan A l’initiative de trois intercommunalités - Mont de Marsan Agglo, la Communauté de Communes des Landes d’Armagnac et la Communauté de Communes de Villeneuve en Armagnac Landais. Il réunira au total 10 sites naturels et/ou habités interconnectés dont 5 à Mont de Marsan et se veut être « une transition entre la ville et la campagne, entre les espaces naturels, les activités économiques et l’habitat ».
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Cette dernière partie aura pour but de faire converger toutes ces actions de projet pour les paysages habités de Bégoux vers un projet urbain. Ainsi, le paysage devient le préalable à une proposition d’urbanisme. C’est une méthode possible pour faire projet et proposer un habitat cohérent, localisé et global, qui prenne en compte le mode de vie des habitants sur leur territoire et non seulement les constructions. On l’a vu précédemment, seule la seconde terrasse est apte à accueillir de l’habitat sous sa forme bâtie. La plaine sera réservée à un usage essentiellement agricole, naturel, de découverte du territoire et de loisirs, de même que les pechs boisés qui ont changé de fonction pour devenir des lieux à part, où nature et loisirs peuvent prendre des formes nouvelles. La terrasse de Bégoux n’est pourtant pas un vaste espace vierge à « remplir » avec des constructions, d’où la nécessité d’un projet urbain qui organise et hiérarchise l’habitat. Ici, le projet de paysage aboutit à un schéma directeur urbain potentiel. Cette orientation doit ensuite résulter d’un choix politique et de gouvernance si on souhaite pouvoir mettre le paysage au coeur du projet d’habiter.
↓ Panorama de la seconde terrasse haute de Bégoux vue depuis les pechs boisés : organisation de l’habitat et de l’agriculture
127 127
une terrasse surplombant le Lot
4 - organiser un cadre de vie qui s’inscrit sur
fiche n°12
Ecrire les paysages habités dans un vocabulaire du village et de la campagne Enjeux paysagers Les paysages habités de Bégoux connaissent actuellement de profonds bouleversements. Une urbanisation éparse et étalée est en train de recouvrir les espaces agricoles provoquant une uniformisation des espaces. Les nouvelles constructions uniformisées provoquent elles-aussi des paysages lissés de part leur configuration : elles nécessitent une voie d’accès par maison, des clôtures enclosent entièrement les limites de propriété, les routes sont utilitaires et réservées à la voiture etc. Les paysages du passé ne sont visibles que sous forme de traces : parcelles agricoles encore présentes, reste d’une ruelle ou d’un chemin. Les espaces évoluent d’un vocabulaire de la campagne vers un vocabulaire de plus en plus urbain et standardisé : signalétique routière, revêtement du sol, clôtures et végétation, parkings, terrains de sport. Il peut donc être intéressant d’interroger à Bégoux la notion de « campagne rêvée » dans la fabrique et l’évolution des paysages habités, de les imaginer différemment et plus en accord avec cette idée. Objectifs Cette réflexion sur le vocabulaire de la campagne et la qualité des espaces publics permettra de :
Photographies prises du même endroit, de part et d’autre d’une même rue : En haut, près d’un nouveau quartier, l’espace est très fragmenté entre terrains privés et espace public. Les limites sont franches : grillage rigide avec des plantations d’espèces horticoles persistantes. Les voiries sont nombreuses et desservent chaque terrain. Les constructions s’éloignent de la rue pour s’abriter des regards.
> Conforter une identité propre à Bégoux qui se distingue de son rôle de banlieue péri-urbaine associé à la ville de Cahors > Favoriser un cadre de vie de qualité pour les habitants qui justifie de réduire raisonnablement la taille des parcelles constructibles > Proposer des espaces publics conviviaux et de proximité > Impliquer les habitants dans la fabrique de leur lieu de vie commun > Lutter contre l’artificialisation des sols qui a lieu de façon très conséquente lorsque des terres agricoles sont urbanisées > Inciter à la création de services ou commerces de proximité autour de ces lieux de vie
En bas, c’est la fin de la rue en enrobé bitume, la rue devient chemin et revêt un caractère plus rural. Les limites entre le domaine privé et public sont floues. Les bords de chemin sont jardinés ou plantés d’arbres.
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et
Recommandations > S’inspirer des lieux traditionnels comme le couderc pour imaginer des nouveaux espaces publics de campagne largement végétalisés > Penser l’espace dans une logique de multiplicité des usages, ne pas systématiquement dessiner et dissocier les espaces. Le parking par exemple peut servir de terrain de sport lorsqu’il est vide à condition que les places ne soient pas marquées au sol. > Choisir un mobilier adapté au vocabulaire de la campagne, éviter les abribus urbain, les coussins berlinois et dos d’ânes sur les routes, les panneaux publicitaires. Préférer un mobilier très simple en bois ou pierre. > Préférer l’utilisation de matériaux de sol perméables et simples : herbe, gravier, terre battue, lorsque la fréquentation le permet plutôt que d’utiliser systématiquement l’enrobé bitume ou le béton. > Proposer aux habitants de jardiner les pieds de façades, de propriétés ou les abords de route par la création et mise à disposition de fosses de plantation
Outils et acteurs à mobiliser > Services techniques de la ville > Associations d’habitants pour jardiner les espaces publics de Bégoux > Conseils du CAUE pour des propositions concernant la place centrale et les espaces publics puis conception par une équipe d’aménageurs maître d’oeuvre comportant au moins un paysagiste > PLU : rédiger un cahier de recommandations illustré concernant les types de clôtures et de haies qui peuvent être mis en place A gauche : la place de Bégoux conserve des qualités paysagères de village : marronniers et platanes dispersés, sol perméable en graviers et herbe. Mais aussi des éléments très urbains qui contrastent : parking enrobé avec marquage blanc au sol, abribus vitré, panneau publicitaire, signalétique routière, terrain de sport goudronné. L’ensemble créé un espace peu qualitatif. En bas : le couderc d’Espédaillac propose une typologie d’espace public traditionnelle. Le sol y est enherbé avec des chemins et emplacements en gravier qui peuvent accueillir des véhicules. L’espace est multifonctionnel et peut servir aussi bien d’aire de jeux que de lieu pour accueillir la fête du village ou de lieu de stationnement pour les habitants. A Bégoux, il pourrait être intéressant de ré-imaginer la place centrale, en lien notamment avec l’école dans une idée d’espace multifonctionnel à dominante piétonne.
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fiche n°13
Jardiner les espaces publics Enjeux paysagers Les rues existantes de Bégoux sont le plus souvent des voies de desserte de quartiers pavillonnaires. Elles arborent un caractère urbain avec leur vocabulaire propre : enrobé bitume, largeur surdimensionnée par rapport à la fréquentation, trottoirs, lampadaires, aires de demi-tours, parfois dos d’ânes ou ralentisseurs. Il s’agit de redonner à ces rues un caractère plus jardiné qui s’inscrive dans une idée de parc habité. Les voiries peuvent être réduites et partagées entre tous les utilisateurs, donnant ainsi une place moins importante à la voiture. Les abords de la rue peuvent être jardinés et plantés. Cet aménagement des rues doit se faire de façon simple et progressive en donnant de la liberté aux habitants pour s’approprier leur espace public. Représentation de principe de ce que peut devenir une rue d’habitat pavillonnaire type après transformation en voie partagée et jardinage des abords
Avant
Découpage de fosses de plantation dans le revêtement le long des clôtures des habitants. Ainsi, la végétation installée permet de créer une continuité entre les parcelles privées et l’espace public. Suppression des trottoirs à l’identité urbaine ainsi que des lampadaires inadaptés à la fréquentation. Un éclairage léger peut être mis en place pour guider les piétons. Le mobilier choisi sera le plus simple possible. Revêtement qualitatif et clair qui marque une voie partagée entre tous les usagers : voitures, vélos, piétons.
Gestion de l’eau pluviale qui ne peut plus être guidée par les trottoirs dans un caniveau central
Après
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et
Objectifs Cette transformation des rues permettra de : > Donner une place beaucoup plus importante au végétal, élément identitaire de la notion de « campagne » > Ré imaginer le maillage des rues dans un esprit de vaste parc habité > Permettre une appropriation de l’espace public par les habitants > Donner une place moins importante à la voiture en favorisant un partage de l’espace avec les autres modes de déplacement > Favoriser une plus grande biodiversité dans les espaces habités
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Recommandations
Outils et acteurs à mobiliser
> Dans un premier temps, proposer d’ouvrir des fosses de plantations dans le revêtement de sol à la demande des habitants > Profiter de moments d’échange avec les habitants pour sensibiliser à la question des clôtures entre espace privé et public > Mettre en place une bibliothèque de graines gérée par les habitants ainsi que du matériel de jardinage à disposition > Progressivement, au fur et à mesure que les rues nécessitent une réfection, transformer les voies existantes en voies partagées
> Associations d’habitants pour jardiner > Mairie de Cahors et services techniques de la ville pour ouvrir les fosses de plantation puis rénover les rues
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fiche n°14
Tester un modèle d’habitat groupé dense qui réponde aux enjeux du territoire Enjeux paysagers
1 La parcelle représentée en violet se situe sur des terres peu fertiles et enfrichées, sur les hauteurs d’un vallon. Classée en zone agricole et naturelle dans le PLU, il me semble que cet espace pourrait accueillir de l’habitat dans une logique de préserver d’autres terres agricoles plus fertiles et qui permettent des vues sur le village. Ici, l’enjeu paysager est tout de même fort puisque le terrain est visible depuis des chemins ruraux en surplomb. Il est donc indispensable qu’un projet de qualité puisse voir le jour. Ce projet s’inscrira dans une idée de lisière et de liens entre l’espace habité et l’espace agricole et cherchera l’intégration dans les paysages. Ce pourrait être un projet novateur et qui face office d’exemple pour des nouvelles manières de concevoir des paysages habités plus denses.
La façon de fabriquer l’habitat à Bégoux : maisons pavillonnaires au milieu de très grands terrains, ne répond pas de façon satisfaisante aux enjeux actuels de l’habitat, de la préservation des terres agricoles, de la fabrique de paysages habités de qualité en lien avec le territoire, d’un cadre de vie qui donne une place importante à la proximité et aux liens sociaux. Il est nécessaire de réfléchir et d’innover de façon à trouver d’autres moyens d’accueillir de nouveaux habitants. Une réponse pourrait se trouver dans la création d’un habitat groupé plus dense, qui préserve les terres agricoles et générateur de partage de l’espace et d’espaces publics de qualité. Les outils de l’habitat participatif pourraient également apporter à ce projet une dimension collective et une réappropriation de la réflexion urbaine par les habitants. Objectifs Penser l’habitat dans une démarche groupée et participative permet de :
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Localisation de la parcelle qui pourrait accueillir un projet d’habitat groupé
> Produire un habitat dense moins gourmand en espace compensé par des espaces collectifs de qualité > Permettre une plus grande souplesse et réflexion permettant de s’adapter davantage au terrain et aux paysages > Produire ainsi des paysages habités d’une plus grande qualité > Permettre une mutualisation des espaces et des biens selon les envies des habitants > Limiter le fractionnement du territoire par un cloisonnement - haie, grillage, mur - systématique de chaque parcelle privée > Réduire l’emprise des infrastructures comme les voies d’accès, les stationnements et ainsi donner une place moins importante à la voiture > Réduire les coûts de viabilisation du terrain par la commune dans le cas d’un projet d’habitat participatif 132
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Recommandations > Lancer un projet d’habitat participatif groupé par le biais de la ville de Cahors et en association avec Hab-Fab ou un autre organisme spécialiste de cette démarche > Si l’habitat participatif n’est pas souhaité par la municipalité, initier un projet d’habitat groupé par une équipe pluridisciplinaire comportant au moins un paysagiste, en lien également avec les bailleurs sociaux > Faire des préconisations paysagères avant le début du projet pour définir les grands enjeux de la portion de territoire : architecturaux, au niveau des volumes, des vues à conserver ou ouvrir, des boisements à conserver ou non etc. > Favoriser un parking et une voirie collective afin de limiter la place de la voiture > Travailler l’architecture en fonction du terrain et des paysages et en essayant de produire une intimité qui permette de limiter l’utilisation de clôtures brises-vues qui viennent fractionner les paysages habités.
Références de projets d’habitat participatif groupé relativement denses : Source des images : Vivre en habitat participatif Editions Alternatives
↑ Anagram à Villeneuve-d’Ascq (59)
Outils et acteurs à mobiliser
↑ Castanea à Thorigny (85)
↑ Sol 6 à La Rochelle (17)
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> Hab-Fab : organisme d’utilité publique pour l’habitat participatif en Occitanie > Coordin’action des associations de l’habitat participatif > Outils juridiques de la loi ALUR : Société d’Attribution et d’Autopromotion et Coopérative d’habitants > Travailler avec les bailleurs sociaux, souvent à même de proposer des projets d’habitat groupé de qualité > Faire appel au CAUE du Lot pour faire ressortir les grands enjeux paysagers et orientations possibles sur la parcelle > Mise en place d’une OAP sur la parcelle concernée
Conclusion - Vers un schéma directeur de l’habitat à Bégoux Une suite pour ce travail : Il me semble que les réponses apportées aux enjeux soulevés sur ce territoire périurbain peuvent être de deux niveaux, une réponse plus urbanistique et règlementaire et une réponse qui va dans le sens d’un projet global pour les paysages. Premièrement, une priorité pour les paysages habités de Bégoux et de la périphérie de Cahors serait de mieux contrôler l’urbanisation et de contraindre les nouveaux projets à une prise en compte ambitieuse des paysages. Ainsi, un schéma directeur de l’urbanisation réalisé par le biais du paysage à l’échelle de toute la communauté d’agglomération pourrait être proposé. Il présenterait les lignes directrices de l’aménagement urbain, les vues à conserver ou ouvrir, les parcelles agricoles à préserver, les espaces à enjeux à ne pas construire etc. Les nouveaux projets seraient tenus de s’y référer et de formuler des propositions allant dans le sens de ce schéma directeur global urbain et paysager. Ces choix de projet pourraient ensuite être traduits dans des OAP. Les propositions formulées ici pour Bégoux, pourraient par exemple être traduites dans des OAP plus ambitieuses et prenant en compte un contexte plus élargi qu’actuellement. La prise en compte des vallons pourrait être plus marquée dans le PLU grâce à des secteurs inconstructibles.
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Synthèse des cartographies des fiches action qui aboutit à un schéma directeur urbain pour Bégoux
Ensuite, il me semble qu’une charte des paysages dédiée aux paysages du Grand Cahors pourrait également être une option intéressante pour poursuivre ce travail de liens entre les habitants et leur territoire de vallée. Elle s’appuierait sur une étude de terrain précise des paysages de la communauté d’agglomération et proposerait des pistes d’action dans l’esprit de celles qui ont été formulées à Bégoux sur différentes thématiques notamment les paysages habités qui sont un enjeu majeur pour ce territoire. Elles pourraient ensuite trouver leur mise en application dans la création d’un Parc Naturel Urbain à l’échelle de la communauté d’agglomération qui porterait des actions et aménagements concrets pour mettre en lien les paysages habités au grand territoire de la vallée du Lot et des Causses du Quercy. 134
Confronter le schéma directeur aux parcelles disponibles et au PLU
Dessin en blanc des différents îlots d’habitat décou- Mise en évidence en violet de parcelles non urbanisées ou très peu pés par la structure « en arête de poisson » des che- denses qui s’inscrivent dans le schéma directeur minements
PLU : en violet et en gris sont représentées les parcelles à urbaniser
En confrontant le schéma directeur issu d’une réflexion sur le paysage au PLU, on se rend compte que certaines parcelles à urbaniser sont communes aux deux cartes. Cependant, le schéma directeur met l’accent sur les structures paysagères à préserver : vallons, glacis agricoles autour de la terrasse haute, ce que ne permet pas le plan de zonage du PLU. Ainsi, certaines parcelles agricoles y sont classées en zone « AU » comme la vaste zone grise qui permet pourtant aujourd’hui une large vue ouverte sur le village depuis la route départementale en arrivant de Cahors. De plus, on devine sur le schéma directeur les grandes lignes du parcellaire en « arêtes de poissons » sur la terrasse nord et plus organique sur la terrasse haute près du village historique. Ces spécificités ne se retrouvent pas dans le PLU. Il me semble donc que la carte de zonage du PLU n’est pas suffisante à elle seule pour donner les grandes orientations urbaines et serait à réinterroger d’un point de vue du paysage. Elle pourrait être accompagnée de documents complémentaires expliquant le projet urbain : schémas, autres cartes, illustrations. Elle ne serait ainsi qu’un outil pour parvenir à un projet urbain plus global et complexe. 135
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Superposition du PLU et de la trame du schĂŠma directeur qui offre une nouvelle proposition de PLU
Proposer une modification du PLU En s’appuyant sur le projet de paysage et le schéma directeur urbain proposés précédemment, il serait possible de modifier de façon significative le PLU existant sans pour autant le remettre entièrement en question. En superposant la trame du schéma directeur, on ajoute une structure et une meilleure lisibilité au PLU, qui devra se traduire également sur le terrain, dans les projets urbains existants ou futurs. Les espaces colorés en vert sont les espaces à valoriser dans des projets agricoles qui proposent des espaces ouverts et des vues, sans constructions ni boisements denses. Les espaces en rouge sont des espaces inconstructibles. Ils servent à marquer la présence des vallons et peuvent être valorisés en tant que frange boisée - voir page 108 - ou en tant que large noue plantée - voir page 114. En noir, sont marqués les liens et cheminements piétons ou les voies partagées à créer. Ce sont des espaces réservés, linéaires, dont la commune va pouvoir acquérir le foncier progressivement. De cette trame, ressortent en négatif les espaces en rose et violet qui sont les espaces urbains : déjà construits mais qui peuvent être densifiés en rose ou à construire en violet. Ces espaces habités doivent pouvoir s’insérer dans le projet global et proposer une forme urbaine en harmonie avec sa trame paysagère.
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quel dĂŠveloppement pour un village rural ?
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Vers Gourdon
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Causses boisés et paturés Doline
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L’oasis
Coeur du village de Livernon Butte habitée
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Vers Figeac
Livernon : Un « village-type » des Causses du Quercy Situé sur le plateau surplombant la vallée du Célé, Livernon est un petit village de moins de 700 habitants comme il y en a beaucoup dans les causses du Quercy. Il s’est implanté à l’origine sur les reliefs d’un pech, au coeur de l’immense plateau vallonné des causses. Il est situé à 25 minutes de la ville de Figeac ce qui le rend assez attractif avec une population qui a doublé depuis les années 1990 et qui se stabilise aujourd’hui. On y trouve quelques commerces de proximité, quelques entreprises, une école, une résidence pour personnes âgées, ce qui fait de Livernon une commune rurale dynamique malgré sa petite taille.
Geologie Livernon 2
Relief De plus, elle représente une commune typique des causses dans son organisation et son rapport au paysage. Livernon a autrefois prospéré grâce à l’éle-Livernon vage, notamment de brebis. Elle est organisée en boucles autour d’un bourg central avec des mas éparpillés qui gravitent à proximité des terres fertiles des dolines et combes. L’organisation du paysage est complexe. Il est évident que les terres les plus fertiles étaient autrefois une denrée rare sur laquelle il était impensable de construire, on s’installait alors en bordure des dépressions pour cultiver les terres arables. Mais le lien entre topographie et occupation du sol n’est pas toujours évident et net. Ainsi, certains pans de collines sont cultivés alors que des terrains plus plats s’enfrichent par manque de pression pastorale. Cela s’explique en partie par la présence d’une faille géologique qui découpe le sous-sol en différentes roche-mères, en plus de la topographie vallonnée. Faire projet à Livernon c’est faire projet dans une commune rurale caussenarde qui connaît des dynamiques similaires à ce qu’on peut retrouver sur une grande partie du territoire. Il s’agit de comprendre comment s’est organisée la vie rurale autrefois et vers quoi elle tend aujourd’hui. Cela permettra de faire des choix pour l’évolution du village qui s’inscrivent dans l’histoire de Livernon tout en prenant en compte le mode de vie contemporain.
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Pâturages entourés de murets en pierre, aujourd’hui souvent recouverts de végétation
Bourg du village construit sur un pech
Extension récente du bourg
Mas de Charles construit à proximité de terres arables
Vers Cahors
Vers Figeac
Vers la départementale 802 et Gourdon - Nord
Reliefs calcaires enfrichés
Développement de l’habitat pavillonnaire le long des routes
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Exploitations agricoles avec batiments modernes
Une structure en boucles et mas Le village de Livernon se caractérise par une structure de l’habitat éclatée. Le bourg dense et compact se situe sur le flanc d’un pech. Il domine ainsi toute une partie du plateau des causses. Autour de ce bourg, gravitent les mas, au plus près des terres agricoles. Ceux-ci s’organisent autour de boucles à l’intérieur desquelles se trouvent des prairies et terres cultivées. Cette organisation éparse mais maîtrisée de l’habitat provoque des paysages très ouverts où les parcelles agricoles et les pâturages jouent un rôle important dans la composition des paysages. Carte de 1957 représentant le bâti de l’époque. Les différents mas y sont entourés en vert. Ils gravitent autour du bourg à proximité directe des terres agricoles. →
Depuis les années 1980-1990, le village connaît une dynamique de construction importante. Les nouvelles habitations s’étendent le long des routes et non plus en mas groupés. Des extensions sont ajoutées au bourg par « remplissage » des boucles agricoles. L’urbanisation paraît se limiter à l’Ouest par une large frange boisée, au Sud-Ouest par un plateau agricole et au Nord-Est, la voie rapide construite depuis 2003 nous apparaît également comme une limite pour le développement de l’habitat. A l’intérieur de ces limites, l’urbanisation s’étale et conquiert peu à peu les paysages pâturés ouverts.
Carte du bâti actuel. Les mas identifiés ont accueillis des bâtiments agricoles modernes. De nouvelles constructions résidentielles ont vu le jour le long des routes. On ne différencie parfois plus les mas les uns des autres. →
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Un bourg dense entouré d’espaces agricoles ouverts En s’éloignant progressivement du bourg de Livernon, la limite entre village et campagne est assez franche, et on arrive rapidement dans un espace ouvert composé de pâturages. Cette proximité de l’agriculture permet des vues lointaines et dégagées sur le bourg avec comme point de repère le clocher de l’église. Cette composition de l’espace était déjà mise en valeur sur les cartes postales anciennes ci-dessous. Elle fait partie de l’identité de Livernon.
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Le jardin, transition entre les habitations et l’agricole Dans la typologie villageoise ancienne, les jardins jouaient un rôle fort de transition entre l’habitat et les espaces agricoles. Ainsi, lorsque les maisons étaient alignées sur la rue comme sur la carte postale ancienne sur la page ci-contre, les jardins se trouvaient derrière la maison et formaient la lisière avec les parcelles agricoles. De même, autour du bourg, cette structure est toujours bien visible. Les jardins sont composés de diverses terrasses à différents niveaux surplombant les pâturages. Alors qu’il est invisible depuis la rue, le paysage agricole est donné à voir depuis le jardin.
Jardins
Prairie pâturée
Carte du parcellaire des jardins entourant les espaces agricoles →
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L’éco-complexe caussenard : un héritage de l’élevage de brebis
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L’histoire de Livernon est marquée par une agriculture de subsistance diversifiée : vaches, cochons, brebis, poules, céréales etc. Mais depuis la spécialisation de l’agriculture dans les années 1970, c’est l’élevage de brebis qui a été choisi pour valoriser au mieux le terroir. Alors qu’auparavant tout le territoire était soumis au pâturage, y compris les espaces pentus et embroussaillés, ces derniers sont aujourd’hui abandonnés pour leur préférer les terrains plus plats et plus riches situés dans les creux. Ces espaces fertiles étaient autrefois utilisés pour les céréales mais ces dernières sont aujourd’hui en grande partie importées. Le paysage est donc composé d’une imbrication de prairies pâturées qui forment des grands ensembles ouverts et de boisements de friche. Cette imbrication créé des paysages mixtes, un éco-complexe très intéressant d’un point de vue écologique et qui offre des paysages riches.
Les murets de pierre sont omniprésents dans les paysages de Livernon, le long des routes et chemins, délimitant chaque parcelle pâturée ou habitée. Ils font partie du patrimoine paysager de la commune même si ils sont aujourd’hui peu perçus comme tels. Ce sont les marqueurs d’un territoire qui a une identité forte : ils représentent l’élevage et ses paysages mais aussi la pierre calcaire affleurant la terre en abondance. Cette identité se retrouve sur les cartes postales anciennes ou encore la carte touristique actuelle du département. L’élevage ovin représente toujours aujourd’hui l’activité agricole majeure de la commune. Cependant, selon les statistiques agricoles de 2010, la surface de « prairies toujours en herbe » est passée de plus de 1000 ha en 1988 à un peu plus de 600 ha en 2010. C’est donc une activité en déclin, fragile et qui pourrait être menacée par l’étalement de l’urbanisation, notamment à proximité immédiate du bourg. 147 147
Les chemins ruraux
Des espaces publics et communs hérités
Un maillage important de chemins agricoles, entourés de part et d’autres de murets de pierre, permettent de relier les différents mas du village et ouvrent des vues sur les paysages agricoles. Certains sont en très bon état, d’autres sont peu empruntés, impraticables par des véhicules et peu entretenus. Ils servent parfois encore de voies de desserte ponctuelles de parcelles agricoles ou d’habitations. Certains ont été revalorisés en chemins de randonnée. D’autres ont disparu, privatisés par les terrains voisins. Tous ces chemins forment une structure qualitative pour Livernon qui mérite d’être conservée et entretenue voire même de s’accroître.
Une diversité des espaces publics Les espaces communs hérités d’anciens communaux ou coudercs sont encore visibles et créent des paysages de rues ou d’espaces publics intéressants. Certains croisements sont plantés d’arbres en leur centre et certains chemins peu empruntés sont toujours en terre. La place du foirail - photo en haut à droite - est également un témoin du passé commercial de Livernon. Avec ses quatre allées de marronniers, elle mériterait aujourd’hui d’être requalifiée et affirmée en tant que place centrale du village. Ces différentes typologies d’espaces apportent une diversité aux paysages habités et à l’espace public. 148
Tous ces chemins participent à la qualité du cadre de vie de Livernon en : - proposant des liaisons douces entre les différentes entités du village - proposant des promenades qualitatives : calmes, sécurisées et qui donnent à voir les paysages agricoles alentours - permettant de rejoindre les chemins de randonnée existants - participant à la qualité et à l’identité des paysages ruraux des causses
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Une typologie d’habitat historique sous forme de mas Le village de Livernon, comme beaucoup de villages des causses, s’est construit sous forme de hameaux dispersés autour d’un bourg dense et central. Ces hameaux sont historiquement liés au travail de la terre et à l’agriculture. Ils sont composés de bâtiments regroupés sous forme de mas ayant des fonctions différentes : habitat, grange, bergerie etc. La forme, l’implantation et l’orientation des constructions s’est faite selon les besoins des bâtiments : accessibilité, ensoleillement, protection à la pluie. Elles forment souvent un ensemble harmonieux préservant des espaces ouverts et des espaces d’intimité. Il peut être intéressant de s’inspirer de cette organisation groupée des constructions pour imaginer des projets d’habitat contemporains et compatibles avec nos modes de vie actuels.
Au Mas des Sermenties, constructions anciennes et récentes forment un paysage homogène grâce notamment à la végétation et à la présence du chemin rural qui n’a pas été remplacé par une voie en enrobé
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Vers une urbanisation récente éparse le long des routes
Depuis les années 1990, beaucoup de constructions récentes ont vu le jour à Livernon afin de répondre à une croissance de la population. Ces maisons individuelles se sont principalement développées le long des axes routiers, au milieu de grandes parcelles rectangulaires ayant chacune leur accès à la route. Cette typologie d’habitat offre une très faible densité de constructions ce qui nécessite une grande consommation d’espace agricole. De plus, elle ne produit pas des paysages habités communs de qualité, chaque parcelle étant aménagée dans un but strictement individuel. Les espaces publics sont inexistants ou réservés à la voiture.
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Mas de Charles
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Il paraît donc illusoire d’imaginer densifier le village de Livernon en proposant d’étendre le bourg selon cette typologie. En plus de ne produire ni densité, ni forme urbaine, elle menace les paysages pâturés qui font la qualité du cadre de vie de Livernon. ← Cartographie de deux typologies d’habitat différentes : à gauche le mas de Charles groupé et entouré de jardins. A droite, les maisons récentes au milieu de leurs parcelles alignées le long de la route.
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Quel futur pour Livernon ? Actuellement, un nouveau PLU vient de voir le jour. Celui-ci arrive en réaction face à l’urbanisation éparse qui a lieu depuis les années 1990 et cherche à donner un cadre au développement de la commune. Il remplace l’ancienne carte communale qui proposait un total de 26 ha ouverts à l’urbanisation. La surface constructible a été réduite à 15 ha dans le nouveau PLU ce qui reste conséquent pour une commune rurale de cette taille. En consultant le plan de zonage du nouveau PLU, on remarque que les zones à urbaniser se situent toutes dans un périmètre restreint à proximité du bourg mais surtout dans des espaces situés entre les mas et le bourg. Ces zones comblent ainsi des « vides », des dents creuses, et cherchent à densifier l’espace bâti du village. Cela correspond également à la volonté des élus de Livernon qui ont pour volonté de « redynamiser le bourg et lui donner plus de consistance ».
Plan de zonage du PLU de Livernon ↑
Il me semble que cette stratégie de « remplissage » des parcelles situées dans les boucles agricoles pourrait menacer les paysages de Livernon. En effet, les espaces ouverts et pâturés font partie de l’identité du village et participent à construire un cadre de vie de qualité. En les « remplissant » avec des constructions, on efface cette particularité, on rend moins lisibles les paysages en supprimant les vues et on risque de créer un paysage uniforme, sans qualité paysagère. Il existe un décalage entre ce qui est voulu sur la carte de zonage : « un bourg dynamique qui s’agrandit et se densifie pour former un village » et l’espace qui risque de naître de ce plan dans la réalité : « un bourg ancien dense mais inhabité entouré d’une banlieue de maisons pavillonnaires standardisées et éparses ». Cet espace aura pour résultat une zone urbanisée très étendue pour une densité très faible et une perte de la qualité paysagère des parcelles agricoles et de la structure du village. 152
Renversement des regards Aujourd’hui, le pâturage est vécu comme une activité issue du passé qui tend à disparaître. Il ne génère plus de ressources économiques significatives. L’élevage de brebis est même parfois vécu comme dégradant les paysages : « Les brebis dégradent rapidement les murets de pierre en montant dessus » décrit un élu local. La forêt qui prend sa place est, elle, perçue comme une ressource paysagère et écologique à préserver. Certains boisements sont inscrits dans le PLU. De plus, l’habitat résidentiel est valorisé en tant qu’outil de revitalisation et de dynamisation du territoire. Les prairies sont perçues comme des espaces « vides », des réserves foncières qui pourront être urbanisées dans le futur contrairement aux boisements qui forment des « pleins ». Couper des arbres pour construire sur des espaces boisés n’est pas envisagé. C’est un renversement total des perceptions. Les murets de pierre existent uniquement par le besoin qu’on eu les éleveurs de brebis de contenir leurs troupeaux. Alors que la forêt est très récente - elle ne progresse que depuis l’après-guerre. De même, l’habitat seul ne garantie pas une revitalisation du village, les emplois se trouvant à l’extérieur de la commune, les habitations sont souvent utilisées comme des « dortoirs » et les habitants ne font même pas leurs courses dans le village. Les maisons sont souvent réfléchies de manière individuelle, sans lien avec les paysages, les autres construction ou le village. Si on regarde le territoire du point de vue du paysage, le pâturage représente une valeur paysagère et écologique très importante, et ce peu importe les ressources économiques qu’il génère. En effet, il permet le maintien d’espaces ouverts, qui, en association avec d’autres milieux comme les boisements, propose un complexe écologique beaucoup plus intéressant et diversifié que des boisements seuls. Les prairies offrent aussi des vues intéressantes qui forment l’identité et le cadre de vie de Livernon. L’élevage permet le maintien d’emplois sur la commune ce qui participe à la dynamique du village mais également à la sauvegarde d’une production locale de qualité qui doit être valorisée en tant que telle. Une prise de conscience des acteurs du territoire et notamment des élus est nécessaire pour offrir à Livernon un regard nouveau sur ses paysages habités et pâturés.
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Représentation de ce que pourraient devenir les paysages habités de Livernon avec la dynamique d’urbanisation actuelle ↓
Redéfinir un axe de développement pour la commune qui préserve son cadre de vie et ses paysages agricoles typiques
Une piste à explorer : urbaniser sous forme de mas
Afin de préserver des paysages de pâturages ouverts qui offrent à Livernon la qualité de son cadre de vie, il me semble qu’il est important de conserver des surfaces agricoles suffisamment étendues et fonctionnelles à exploiter. En effet, à l’heure actuelle, les terrains agricoles autour du village sont de plus en plus morcellés par l’urbanisation diffuse. Il devient donc difficile d’y exercer une activité d’élevage viable et d’entretenir ainsi les paysages ouverts typiques des causses. C’est pourquoi, l’enjeu principal de Livernon est la préservation des paysages agricoles de prairies situés autour du bourg. Ces espaces pâturés ouvrent des percées le long des routes ou derrière un muret, une haie. Ils permettent d’offrir des vues lointaines sur le village de Livernon et définissent son identité. L’urbanisation est également un enjeu important pour les paysages de Livernon puisqu’elle connaît une dynamique forte depuis les années 1990. Il est nécessaire de la contrôler et de l’orienter vers la création de lieux de vie qualitatifs, bénéfiques aux paysages de Livernon. Pour cela, cet enjeu doit être compatible avec l’enjeu de préservation des prairies et doit permettre d’affirmer une complémentarité entre paysages habités et paysages agricoles.
Une piste qui serait à étudier pour le développement urbain de la commune serait d’urbaniser sous forme de petits quartiers groupés assez denses, des mas contemporains. Il pourrait s’agir soit de créer de nouveaux quartiers à proximité du bourg, soit de densifier des mas déjà existants ou encore de créer de nouveaux mas. Cependant, la construction d’habitations dans ces espaces ne doit pas se faire n’importe comment et à la seule opportunité du foncier disponible. Cela provoquerait un morcellement des terres agricoles nuisible à l’activité agricole. Cette urbanisation ponctuelle n’a de sens qu’avec l’intention de préserver des ensembles agricoles suffisamment vastes et praticables et doit permettre leur préservation et non leur fragmentation. Les nouvelles constructions devront donc se faire en marge de ces grands ensembles agricoles. Le cadre de vie de ces hameaux devra être suffisamment attractif pour proposer des terrains plus réduits et donc une densité de constructions plus dense que ce qui existe actuellement sur la commune. Cette nouvelle orientation de développement de l’urbanisme de la commune de Livernon pourrait s’inscrire dans le cadre d’un futur PLUi.
Cette carte permet de mettre en valeur - en vert clair - les grandes structures agricoles situées dans les creux de combes. Une stratégie d’habitat pour la commune pourrait être de rechercher des situations constructibles sous forme de mas groupés, sans impacter la structure paysagère et agricole des prairies. Des espaces potentiels de projet de mas sont représentés ici en blanc. Ce sont des suggestions, il convient ensuite d’étudier les possibilités de projet qui y sont offertes à l’aide du cadastre et d’études précises de terrain. De plus, ce ne serait pas des espaces simplement constructibles. Les futurs projets d’habitat doivent pouvoir s’intégrer dans un projet global et groupé du mas dans une logique d’économie de l’espace, et qui soit en lien avec le bourg et les autres mas. → 154
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mas
Exemple de création d’un mas qui préserve les paysages ouverts de pâturages J’ai choisi d’illustrer une façon de développer l’habitat de la commune en préservant son identité agricole et paysagère par un exemple de création de mas. Cet exemple présente une situation potentielle et une manière d’aborder le projet d’habitat par le paysage qui peut servir de principe pour être appliquée à d’autres lieux. 1
Le lieu choisi pour cet exemple est distant du bourg car on trouve une coupure d’urbanisation entre les espaces bâtis. Mais il est aussi relativement proche puisqu’il se trouve à moins de 700m de la mairie et donc facilement accessible à pied. Ces terrains sont également classés en « zone à urbaniser » dans le nouveau PLU. Il représente donc un enjeu fort d’habitat mais aussi d’un paysage agricole qui pourrait être menacé. Enfin, ce lieu situé en bordure d’une doline boisée et dans la continuité du mas de Charles, un autre mas de grande qualité patrimoniale et paysagère.
Implantation du mas à l’échelle du village
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2
Le nouveau mas pourrait venir s’implanter en continuité du mas de Charles qui s’étend déjà en bordure d’une doline boisée. Ainsi, il viendrait s’insérer dans le prolongement d’un paysage habité existant, avec une organisation traditionnelle de l’habitat typique des causses, où les constructions se déploient autour d’une dépression.
contemporain
proposer
1
2 ↑ En haut la parcelle située à l’ouest, en bas la parcelle à l’est. Ces deux parcelles pourraient former ensemble le nouveau mas.
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Un habitat groupé pour préserver les pâturages
1 2
Plutôt que d’urbaniser en remplissant toutes les parcelles agricoles se trouvant entre le bourg du village et les hameaux périphériques, comme imaginé dans le PLU, il est préférable de préserver des coupures d’urbanisation. Ces espaces de respiration forment le cadre de vie caractéristique de Livernon et permettent le maintien d’une activité agricole qui entretient les paysages : l’élevage extensif de brebis. Cela permet des vues et des ouvertures sur les paysages habités. Ces pâturages participent à nourrir une idée d’ « habiter la campagne » aujourd’hui recherchée pour sa qualité de vie. Ainsi, les nouveaux projets d’urbanisation devront présenter une typologie groupée et d’une densité relative, afin de préserver les paysages agricoles alentours. Le nouveau mas pourrait se concentrer sur une surface d’environ 9000m2 et non 3 ha comme proposé dans le PLU. Cela permettrait de préserver des prairies dont un vaste pâturage au Sud-Ouest du mas qui ferait partie du cadre de vie des futurs habitants. De plus, la typologie d’habitat qui s’est renforcée depuis les années 2000 : maison au milieu d’une très grande parcelle individuelle, parfois plus de 5000m2, ne produit pas des paysages habités de qualité. Cependant, la maison individuelle reste le mode d’habitat courant en milieu rural, mais il s’agit d’en diminuer la taille des parcelles privées tout en proposant un cadre de vie de qualité. 158
Outils pour favoriser le maintien du patûrage en temps que créateur de paysage : - Zonage du PLU : - préserver des parcelles de taille conséquente en « zone agricole » qui encadrent le bourg et produisent des coupures d’urbanisation - définir des zones à urbaniser qui ne sont pas forcément délimitées sur des parcelles entières - souvent des parcelles agricoles de très grande taille - mais dont les contours peuvent parfois s’affranchir raisonnablement du parcellaire - Création d’une association foncière pastorale pour regrouper les propriétaires - privés ou publics - de pâturages et faciliter leur mise en exploitation et leur entretien - Les espaces communs du nouveau hameau peuvent être mis à disposition d’éleveurs pour entretenir les terrains si ils ne sont pas utilisés durant une certaine durée 1 ↑ Vaste pâture actuellement classée en zone AU qui pourrait être préservée de l’urbanisation par un habitat groupé. Coupure d’urbanisation à proximité du bourg, elle aussi classée en zone AU. Cette prairie permet d’offrir des vues filtrées sur le quartier de logements sociaux et la supérette Spar situés en arrière-plan. Elle offre un jeu de contraste très intéressant entre l’urbanisation relativement dense et une agriculture extensive ↓
- Valoriser une production locale de qualité par la vente en circuits courts, par le biais de l’Indication Géographique Protégée « Agneau fermier du Quercy », une valorisation en agriculture biologique et le développement d’activités complémentaires à l’élevage : accueil à la ferme, gîte, transformation de la viande, association d’autres productions complémentaires comme l’installation d’un paysan-boulanger etc.
2
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Un hameau distant mais connecté au coeur du village
Mas de Charles Projet de mas
3
Pâture 2
1
Supérette
Bourg du village
Tisser un maillage ramifié d’espaces publics La création d’un nouveau mas excentré du bourg impose de le rendre aisément accessible. Celui-ci sera distinct du bourg du village mais à seulement 500m de celui-ci, une distance facilement parcourable à pied. L’objectif serait de relier le nouveau hameau au bourg du village par le biais de multiples cheminements doux qui traverseront les paysages habités mais également les paysages agricoles de pâturages. Ils se relieront aux routes et chemins agricoles existants. Un sentier pourrait également permettre de relier la supérette Spar située à moins de 300m dans une logique de valorisation des commerces de proximité. Tous ces cheminements peuvent être réalisés de façon très simple et dans une volonté d’économie de moyens. 160
Ces sentiers pourront, selon l’espace disponible, être soit des sentiers de terre battue étroits qui longent les lisières agricoles, soit de plus larges chemins agricoles enherbés comme on en trouve beaucoup à Livernon.
2 Mise en scène possible d’un sentier piéton qui ouvre des vues ponctuelles sur les paysages pâturés. 1 La plupart des routes de la commune peuvent être empruntés sans danger par les piétons excepté les routes départementales représentées en jaune sur la carte.
3
Exemple de chemin agricole enherbé et encadré de murets de pierre
Le patrimoine mémorable des murets en pierre sèche comme cette porte doivent continuer à être valorisés et entretenus de différentes manières : le long des chemins, en tant que clôtures de parcelles habitées comme ici mais également toujours en tant que clôtures des parcelles pâturées, utilisation pour laquelle ils ont été édifiés.
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S’inscrire dans la trame paysagère Depuis la route, les terrains sont presque invisibles, dissimulés derrières des murets de pierre sèche plus ou moins haut et parfois doublés d’une végétation abondante. Cette situation offre des écrins préservés qui facilitent l’implantation de nouvelles constructions dans les paysages. Il est donc important de venir s’insérer dans cette trame sans la détériorer. Un entretien de la végétation est toutefois nécessaire sur certaines haies très denses afin d’éclaircir, de dégager des vues filtrées et de faire ressortir les troncs des arbres.
3
1
4 2
Ménager des liens entre le mas et les paysages ouverts de pâturages Dans le projet de création d’un nouveau mas, il est intéressant de conserver des franges boisées suffisamment épaisses notamment aux lisières avec les espaces agricoles afin de créer un espace tampon qui limite les conflits d’usages des deux fonctions. Cependant, il est possible de ménager des liens comme des fenêtres visuelles qui donnent à voir ces paysages de prairies typiques des paysages de causses. Les cheminements peuvent faire office de liens en traversant le hameau puis en longeant les prairies. La limite entre prairie et mas peut également être redessinée pour imbriquer les deux entités l’une dans l’autre et les rendre complémentaires.
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1 Les vues sur la première parcelle - à l’ouest - sont partiellement dissimulées par un mur de pierre haut d’environ 1m60. 3 Petit boisement entretenu où les troncs laissent partiellement filtrer la vue.
2 Les vues sur la seconde parcelle - à l’est - sont totalement entravées par une végétation très dense. Cette haie mériterait soit d’être supprimée pour mettre en valeur le muret de pierre sèche, soit d’être éclaircie pour ne conserver que les troncs fins et transparents.
4 La doline boisée, ici à gauche de la photo, est invisible dans le paysage du fait de la végétation importante qui la recouvre. Un cheminement qui descend dans la doline pourrait être intéressant pour rendre perceptible son relief prononcé.
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Vers le dessin d’un projet de mas Construction en continuité du Mas de Charles autour du relief de la doline
Mise en place d’un hameau d’habitat groupé pour préserver les prairies ouvertes mitoyennes tout en entretenant des liens avec celles-ci
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Création de plusieurs chemins et sentiers qui permettent de relier le mas au reste du village : paysages de doline boisée, paysage de prairies, supérette, bourg
Insertion de l’ensemble bâti dans la trame paysagère : maintien et entretien des haies et murets en pierre sèche existants
Définition d’espaces communs par le biais d’une place centrale qui peut également permettre du stationnement collectif et d’une voirie centrale et partagée qui se relie aux voies existantes
Renforcement de l’aspect collectif et du « vivre ensemble » du hameau par l’ajout si besoin d’espaces communs indéfinis qui peuvent être appropriés par les habitants pour des jardins potagers, espaces de loisirs etc.
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Gestion des eaux de pluie selon la pente par un système de fossés. Gestion possible des eaux grises des habitants avec système de phyto-épuration selon l’ambition écologique du mas.
Recherche de formes pour « organiser la faible densité » Pour aller plus loin dans le dessin d’un projet potentiel de mas, j’ai souhaité dessiner la forme que pourraient prendre les parcelles, les espaces communs et même la disposition des constructions dans l’espace. Cette étape de dessin de l’organisation spatiale du hameau me paraissait essentielle pour soulever les grands enjeux et orientations que doit prendre le projet. Même si l’organisation de chaque habitation devrait être déterminée en coopération avec un architecte, il me paraissait cohérent de proposer à ce stade une organisation globale de l’espace. Celle-ci pose des grands principes paysagers à l’intérieur desquels les formes et éléments comme l’implantation des constructions peuvent être amenés à évoluer tout en respectant les volontés initiales. Ce nouveau mas devra présenter une typologie d’habitat à la fois peu dense car on se trouve en contexte rural où la maison individuelle domine mais également groupé afin de préserver les terres agricoles et ne pas s’étaler. Il me paraît essentiel que le nouveau hameau soit composé d’espaces communs qui permettent l’amélioration du cadre de vie, la mutualisation d’espaces et la naissance d’une sociabilité propre à la campagne. Ils peuvent être soit publics et donc financés par la commune, soit collectifs et gérés collectivement par les habitants ce qui peut se révéler être une solution économiquement intéressante. Les formes que j’ai dessinées sur la page ci-contre présentent des propositions potentielles d’organisation de l’espace habité répondant à ces enjeux. Il existe une multitude d’autres formes possibles qui pourraient correspondre à ces exigences. Ces formes ne font donc pas figure d’idéal mais d’un projet possible de mas.
Outils pour produire des formes d’habiter intéressantes : - S’inspirer des formes traditionnelles d’organisation de l’habitat. L’exemple le plus proche du lieu de projet est le Mas de Charles qui lui est mitoyen. L’habitat y est organisé de façon relativement dense avec une imbrication des parcelles. Les dépendances et bâtiments annexes sont nombreux et viennent enrichir la diversité des constructions.
Organisation du bâti du Mas de Charles
Echelle : 1/3000e
- Rédiger un règlement de lotissement qui réglemente l’implantation des constructions afin de permettre une diversité d’orientations tout en bannissant les implantations au centre de la parcelle. Selon l’organisation spatiale souhaitée, il peut être nécessaire d’obliger à construire sur une limite de propriété ou accolé à un espace commun. - Réglementer également la nature des clôtures et limites séparatives ou prévoir de les installer avant la vente des terrains. - Proposer dans chaque parcelle une bande constructible qui délimite un zone où peut s’implanter l’habitation - Inciter à construire les annexes et garages séparés de l’habitation pour multiplier les entités bâties - S’intéresser aux outils de l’habitat participatif : coopérative d’habitants, société d’attribution et d’autopromotion. Dans ce schéma, les habitants financent eux-mêmes l’aménagement et la viabilisation de leur terrain partagé. Ces projets nécessitent un temps long et un engagement de la commune, ils peuvent être accompagnés par un organisme comme Hab-Fab. - Créer une association d’habitants pour gérer les espaces collectifs
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Parcelles privées Espaces communs indéfinis Espaces communs de « circulation »
Démultiplier les placettes Sur cette possibilité, les grappes d’habitations s’organisent autour de petites placettes communes permettant une proximité et une densité de l’habitat. Elles sont traversées par une route transversale mais ce sont surtout les multiples cheminements piétons qui permettent de relier le hameau au bourg en passant par les espaces de prairies.
Un espace commun central Ici, un large espace commun central fait le lien entre les deux groupements d’habitations. Les maisons s’organisent davantage autour de la rue. Le hameau est pensé dans une logique de pouvoir continuer à se développer vers les espaces situés au nord- est. Des espaces communs sont conservés par exemple pour y créer des jardins potagers. La relation avec le paysage de prairies se fait surtout par les vues qui sont dégagées depuis les cheminements communs.
Un hameau ouvert sur l’extérieur Sur cette dernière possibilité, un espace commun s’ouvre au Sud. Les maisons sont organisées autour de celui-ci mais aussi de la rue. La prairie mitoyenne rentre dans le quartier pour faire partie du paysage du hameau et rappeler l’importance de l’élevage dans le cadre de vie des habitants. Un espace commun est conservé au nord-est pour un éventuel agrandissement du quartier.
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Développer une forme potentielle pour le mas Les espaces publics doivent pouvoir être imaginés de façon simple pour ne pas occasionner un coût trop important pour la commune. En effet, une critique qui est parfois faite aux communes rurales qui ont des projets d’écohameaux est d’investir une grande partie du budget de la commune pour la mise en place d’espaces publics qualitatifs dans le nouveau quartier. Or, ces espaces publics vont surtout profiter aux nouveaux habitants et pas à tous les habitants de la commune qui habitent parfois loin du nouveau quartier. Est-il alors judicieux d’investir l’argent public dans la fabrique de nouveaux lieux de vie habités ?
J’ai choisi de développer cette forme potentielle de mas car elle me paraît assez réaliste au regard des enjeux d’urbanisation de la commune. La taille moyenne des parcelles de 600m2 est très inférieure à ce qui existe déjà sur la commune mais participe à un objectif de préservation des terres agricoles et est compensée par la présence de nombreux espaces publics et communs. La possibilité de construire dans un premier temps 5 habitations sur une parcelle puis 4 voire plus sur une deuxième parcelle correspond également bien à la dynamique d’accueil de nouvelle population sur la commune et aux enjeux de prévoir l’évolution du hameau dans le temps.
Une des propositions est que les habitants puissent participer eux-mêmes activement à la fabrique de leur lieu de vie : financièrement et au niveau de l’entretien des espaces communs. Ainsi, les espaces publics pourraient être aménagés de façon très simple par la commune puis cédés à la copropriété d’habitants. Ainsi, ces derniers pourraient en assurer l’entretien et l’aménagement euxmêmes sous certaines conditions comme l’obligation de conserver un espace ouvert et traversable. Seuls les chemins piétons et la voie centrale pourraient rester de l’ordre du domaine du public. Une autre proposition est de s’intéresser aux outils de l’habitat participatif où les habitants aménageraient en totalité leur lieu de vie. Là aussi, il est nécessaire de garantir une libre circulation par le biais d’une convention de passage entre la société d’habitants et la commune, les terrains étant cédés en totalité au collectif d’habitants.
Des espaces communs peuvent être mis à la disposition des habitants pour créer des jardins potagers ou tout autre projet porté par les habitants. Ils peuvent être entretenus dans le cadre d’une association foncière pastorale si ils ne sont pas utilisés dans un premier temps. Ils font également office de réserve foncière notamment sur la parcelle à l’est afin d’anticiper un potentiel développement du mas dans le futur. Ainsi, le projet est pensé dans le temps avec des espaces évolutifs et indéfinis. 168
Nombre d’habitations possibles : de 8 à 12. Taille possible des terrains : de 500 à 800m2, 600m2 en moyenne. Surface totale constructible : environ 1 ha divisé en deux parcelles de 5000m2 chacune. Surface possible de la placette centrale : environ 1000m2 divisée en deux espaces de 500m2 chacun. Surface collective indéfinie : environ 2200m2. Phasage : les deux parcelles fonctionnent ensemble mais sont aussi indépendantes dans leur réalisation. Il est donc souhaitable de prévoir un phasage proposant l’urbanisation d’une parcelle puis l’autre. Enfin, en cas de besoin, les espaces communs indéfinis pourront être transformés en espaces habités dans un temps plus long.
Doline boisée Mas de Charles
Prairie qui rentre dans le hameau Petite prairie qui pourrait devenir un verger pâturé
Vers le bourg
Vers la supérette
Parcelles privées Espaces communs indéfinis Espaces communs de « circulation » partagés entre piétons et voitures
Représentation d’une forme possible du projet de mas 169 169
Référence 1
Création de chemins, placettes et installation de clôtures autour des parcelles au écobarri de Lavergne-en-Quercy - voir fiches « initiatives habitées » page 38
Ambiance qui pourrait être donnée : le hameau s’ouvre sur les paysages de prairies grâce à des sentiers piétons. Un morceau de prairie rentre dans le quartier pour faire partie de l’ambiance du mas et permettre des vues ouvertes sur les pâturages et les paysages. Des matériaux simples et locaux sont employés, les clôtures des parcelles rappellent le vocabulaire agricole, le chemin central peut être réalisé en gravier stabilisé. Ce chemin carrossable traverse le hameau et se rattache aux voies existantes. Il sert uniquement à desservir les habitations si besoin. L’accès au mas et le stationnement peuvent en effet se faire sur les espaces communs périphériques sans avoir besoin de circuler en voiture entre les maisons. Les espaces réservés à la voiture et aux piétons ne sont pas dissociés, la circulation est rare et la voie est partagée. 170
2
Espace commun qui pourrait être créé sur la parcelle est. Les murets traditionnels en pierre sèche qui enclosent la parcelle sont conservés et entretenus. Un espace mixte peut être imaginé avec une partie enherbée qui rappelle la typologie des coudercs. Une seconde partie, carrossable, peut servir de stationnement ponctuel et collectif aux habitants. Le dessin de l’espace reste très simple permettant une multiplicité d’usages et une appropriation par les habitants. 1 2
171
172
regard paysagiste sur l’intégration de l’habitat dans le paysage
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Montbrun : une commune qui n’a pas vocation à s’urbaniser Contrairement aux deux exemples précédents Bégoux et Livernon, Montbrun est une petite commune d’une centaine d’habitants qui ne connaît pas vraiment de dynamique de développement. Un ou deux permis de construire seulement sont déposés par an mais tous n’aboutissent pas ou ne concernent pas des constructions d’habitations. C’est pourtant une commune remarquable, dont le centre historique s’est construit en partie en équilibre sur un mince promontoire rocheux surplombant le Lot. Un château en grande partie en ruines domine la vallée, le village semble surgir de la falaise. Une autre partie du village se trouve au pied de la falaise. Pour ajouter à cela, le Lot y forme ici un cingle très prononcé et resserré, d’un modèle géographique presque parfait. Sa situation particulière est son atout mais aussi sa faiblesse. Montbrun est une commune isolée et peu accessible que ce soit par la vallée du Lot ou le plateau des causses. Pourquoi alors s’intéresser à cette commune rurale isolée ? Comme un urbanisme de village ne peut pas avoir lieu à cause de la topographie qui empêche tout développement du centre historique, Montbrun connaît une dynamique de constructions éparses et isolées. Ces nouvelles constructions s’implantent parfois en haut des reliefs pour profiter de l’ensoleillement et de la vue. Si peu nombreuses soit-elles, leur impact dans le paysage est fort. Cette dynamique et problématique se retrouve sur tout le territoire du Quercy, dans les villages peu attractifs mais aussi et surtout sur les reliefs à proximité des aires urbaines. Les habitants profitent ainsi de la proximité des routes et infrastructures tout en étant isolés dans un paysage de « campagne ».
N
0
0,5
1 km
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Un paysage exceptionnel Le village de Montbrun bénéficie d’une situation géographique exceptionnelle sur la vallée du Lot. Il est composé d’un cingle très prononcé où s’étendent des terres agricoles fertiles, de falaises verticales et d’un village perché hérité du 13e siècle. Ces caractéristiques en font un paysage remarquable et identitaire de la vallée du Lot. Cet ensemble paysager peut être observé depuis divers points de vue situés au bord des coteaux. Une partie du village est classé en site inscrit. Tout cela participe à faire de Montbrun un paysage patrimonial, sensible et protégé.
Situation spectaculaire de la vallée du Lot vue depuis le village haut de Montbrun ↓
Village de Montbrun composé d’une partie perchée sur un promontoire rocheux et d’une partie en pied de falaise ↓
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Prendre du recul : Montbrun depuis le Saut de la Mounine Traversée du Lot. Changement de département. Nous voici en Aveyron, au Saut de la Mounine, point de vue en haut d’une falaise. On y embrasse du regard principalement le territoire de la commune de Montbrun, notamment son village perché, ses falaises calcaires et son cingle agricole. C’est finalement d’ici qu’on comprend le mieux ses paysages et sa géologie. Pourtant, cela n’apparaissait pas si évident de prime abord : s’éloigner pour mieux observer, franchir les limites administratives pour mieux comprendre comment s’organise le paysage global. Ces limites administratives sont à dépasser dans le cadre d’un projet de paysage. Il est nécessaire d’aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté pour en comprendre les interactions, comme ici avec les covisibilités et vues lointaines. Le Lot s’offre à nous 200m plus bas, nous dévoilant d’un seul regard l’organisation de ses paysages formés pendant des centaines de millénaires : Son tracé sinueux, Ses méandres si resserrés qu’ils forment parfois des presqu’îles appelées cingles, Les terres fertiles déposées dans son lit, Les versants calcaires abrupts qu’il a érodés, Et l’implantation de l’homme, tantôt éparse pour cultiver les terres arables, tantôt regroupée en village massif et groupé sur un promontoire rocheux. ↓ Panorama du cingle de Montbrun depuis le Saut de la Mounine
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Depuis le Saut de la Mounine, certaines constructions ont un impact fort sur les paysages. D’ici, tout se voit et on comprend l’effet que peut avoir une seule construction mal insérée dans le paysage. A cette échelle, deux facteurs apparaissent faire ressortir les constructions : - Les choix architecturaux qui peuvent participer à dissimuler une construction ou au contraire à la mettre en avant - L’implantation de la construction dans le paysage paraît aussi importante que l’architecture elle-même. Ici, les constructions sont rendues très visibles par des terrains nus situés devant la construction. Ces nouvelles constructions pourtant peu nombreuses semblent pouvoir menacer les paysages remarquables de Montbrun. La question de l’intégration d’une construction dans les paysages se pose alors, quels en sont les facteurs ?
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Qu’est-ce qu’une construction qui s’intègre bien dans son paysage ? Ce constat sur la visibilité des constructions depuis les vues lointaines nous amène à nous poser une question essentielle : qu’est-ce qu’une construction bien intégrée dans son paysage ? Il n’est bien sûr pas possible de répondre explicitement à cette question mais elle nous interroge et pousse à réfléchir à des pistes de réponses possibles. En effet, on peut facilement imaginer que cette question soit très subjective et que chacun ait sa propre appréciation de telle ou telle construction selon ses goûts, sa culture, son groupe social, ses centres d’intérêt etc. Cette perception se renforce notamment si le bâtiment en question est jugé d’un point de vue principalement esthétique puisque cela relève en grande partie des goûts personnels, ceux-ci étant très liés à une culture commune dont il est difficile de faire la part des choses. Il me semble pourtant que cette question dépasse le simple jugement de valeur esthétique. Si nous regardons une construction d’un point de vue purement patrimonial, les experts sont capables de déterminer pour chaque bâtiment si il est digne d’intérêt, banal, remarquable ou exceptionnel. Mais là encore, c’est un point de vue qui reste subjectif puisque le jugement est réalisé à une époque donné et est souvent relatif à la rareté du type de construction dans la région. De plus, les constructions contemporaines sont souvent ignorées voire dévalorisées, le patrimoine se rapportant le plus souvent à ce qui est antérieur à notre époque. La réponse dépendrait donc du point de vue qu’on adopte. Ainsi, l’architecte possède une culture qui lui permettra de « classer » les constructions selon les grands courants architecturaux et de dépasser la simple valeur du jugement esthétique. Mais tout le monde n’a pas cette culture de l’architecture. Quelles sont les pistes de réflexion qui peuvent aider à juger de l’intégration d’une construction dans son paysage ? ← Dans ces deux exemples, il n’y a pas de volonté de s’insérer ou s’intégrer dans un paysage. Les choix effectués pour l’implantation de la maison sont faits selon des préférences personnelles et individuelles : goût pour l’architecture provençale ou au contraire régionale, s’éloigner de la route, s’éloigner de son voisin, garer sa voiture, avoir des clôtures hautes pour sécuriser etc. Le jugement de valeur de ces constructions est esthétique et subjectif.
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Première piste de réflexion : le volet patrimonial L’aspect patrimonial est, à mon sens, primordial dans la reconnaissance d’une construction bien intégrée. Une construction ancienne, en pierre par exemple et même si c’est une habitation ordinaire et pas un monument exceptionnel, sera toujours mieux acceptée qu’une construction récente. Sur la photo ci-contre de Montbrun, trois maisons se détachent dans le paysage, en plus du village. Toutes les trois sont très visibles depuis les vues lointaines mais celle d’en bas nous paraît ancienne et semble donc mieux s’intégrer, elle rappelle les constructions en pierre du village et créé même un point d’appel harmonieux. Les deux constructions au sommet du coteau nous apparaissent comme plus récentes, les toitures ont une couleur plus vive, plus « neuve ». De plus, leurs formes et volumes nous font également penser que ce sont des constructions contemporaines. Elles nous paraissent alors dénaturer le charme de ce paysage exceptionnel. Faut-il reproduire l’architecture ancienne ? Construire en pierre locale n’est aujourd’hui plus possible en tenant compte de nos moyens et du coût du travail humain. Mais il est possible de reproduire des formes, des volumes, des pentes de toiture etc. qui rappellent l’architecture traditionnelle de la région. C’est ce qui est régulièrement fait dans la région du Quercy, notamment avec les toitures à quatre pentes adaptées sur des maisons contemporaines qui rappellent les granges anciennes - voir photo page ci-contre. Elles sont réalisées selon les volumes traditionnels mais avec des matériaux modernes. Les toitures possèdent une forte pente caractéristique de l’architecture de la région. La maison présentée ici est pourtant posée au milieu de sa parcelle et ne s’intègre pas du tout à la typologie historique des paysages habités. Il semblerait donc que la copie de l’architecture traditionnelle ne suffise pas à l’intégration d’un bâtiment dans le paysage. Ces constructions peuvent tout de même être très visibles et avoir un impact fort sur les paysages. De plus, il me semble que la copie de l’architecture ancienne ne soit qu’un artéfact dénué de sens. Pourquoi chercher à copier une architecture qui ne correspond plus aux besoins actuels ?
Il n’est pas possible non plus de se contenter des maisons standardisées proposées par les constructeurs qui banalisent les paysages et reproduisent des modèles importés d’autres régions comme le style provençal. Elles sont l’exemple de constructions qui vont à l’encontre de la préservation des paysages.
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Seconde piste de rĂŠponse : une dĂŠmarche architecturale qui se fond dans les paysages
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Une des pistes de réflexion engagée notamment par les architectes est de réfléchir à une architecture contemporaine qui cherche, peut importe l’endroit où elle se trouve, à se fondre dans son paysage. Cette architecture cherche à être la plus discrète possible, elle épouse les formes du relief en évitant de le remodeler, tantôt semi-enterrée, tantôt sur pilotis. Elle utilise des matériaux proche de ce qu’on peut trouver sur le terrain : la pierre calcaire sur les terrains nus du causse, le bois dans une pente boisée. Bien entendu, les avis sont partagés, certaines personnes apprécient leur esthétique et d’autres n’aiment pas leurs formes trop contemporaines. Pour moi, la question n’est pas là. Ce qui importe plus est la démarche mise en oeuvre, le fait que les architectes recherchent avant tout à s’imprégner du lieu sans trop le modifier, c’est une sorte d’architecture caméléon qui cherche à respecter du mieux possible les paysages. La principale limite à cette recherche architecturale en harmonie avec le lieu reste son coût très élevé qui n’est pas généralisable à la totalité des nouvelles constructions réalisées. Cette démarche pourrait également justifier de pouvoir construire n’importe où puisque l’architecture s’adapte au lieu. Or, on sait également que le fait de construire de façon trop isolée pose d’autres problèmes de mitage, de fractionnement des espaces agricoles ou forestiers, de longueur importante des réseaux et des voiries d’accès etc. Ces questions font la démarche de se fondre dans les paysages est possible pour des cas particuliers : paysage sensible, espace naturel remarquable, mais n’est pas généralisable ni même souhaitable d’un point de vue urbanistique sur tous les territoires car le résultat pourrait aboutir à un éparpillement et mitage de l’habitat. Dans certaines situations, le choix d’une architecture plus visible mais située, en lien avec le lieu, est envisageable.
← Références : En haut à gauche : maison semi-enterrée sur le causse, architectes Gouwy, Grima et Rames - GGR, Séniergues (46) En haut à droite : maison qui « dialogue avec l’horizontalité du paysage », architecte Yann Ouvrieux, Marcilhac-sur-Célé (46) Deux photos du bas : maison sur pilotis avec bardage métallique qui reflète le paysage, Architecte Yann Ouvrieux, Flaujac-Poujols (46)
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Autre raisonnement : s’insérer dans une structure paysagère capable d’atténuer l’impact des constructions
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Une autre façon de penser le paysage, qui est presque l’inverse de la précédente mais pas pour autant incompatible, pourrait être de dire que peut importe la qualité architecturale du bâtiment, il s’agit qu’il soit le moins visible possible dans le paysage. Pour cela, il viendra s’inscrire dans une structure paysagère capable de le dissimuler ou d’atténuer son impact visuel. Cette structure peut être soit déjà existante, soit recréée autour des constructions. Au lieu de s’intégrer à un paysage existant, il doit pouvoir s’insérer dedans et se faire le plus discret possible. L’enjeu réside donc beaucoup dans le choix des espaces constructibles qui doivent être étudiés dans une démarche paysagère prenant en compte les vues y compris lointaines et les valeurs fortes du territoire. Dans cette série de photos ci-contre, des efforts ont été faits pour intégrer les nouvelles constructions aux structures paysagères caractéristiques des lieux : murets, haies, arbres, végétation mais aussi cheminements et morphologie urbaine. La forme urbaine, la structure végétale, l’implantation des constructions doivent alors être réfléchis. Il peut être nécessaires de conserver des espaces tampons suffisamment larges entre la parcelle constructible et l’espace public pour préserver une lisière végétale par exemple. L’implantation du bâtiment ne doit pas être faite seulement au choix individuel du propriétaire qui souhaite s’éloigner de la route ou de ses voisins, elle doit être réfléchie dans une logique de paysage global. Une réflexion doit aussi être menée sur le volume des constructions, leur orientation, la topographie, la structure urbaine etc. Cette démarche peut être appliquée pour des constructions « standards » moins qualitatives mais aussi moins onéreuses lorsqu’il n’est pas possible de faire autrement. Il est cependant souhaitable qu’elle s’accompagne d’une démarche architecturale.
← Références : Ici les constructions récentes, pas toujours qualitatives d’un point de vue architectural et des matériaux employés, s’insèrent dans une structure paysagère identitaire des lieux.
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Une nouvelle piste Ă explorer : les constructions ĂŠcologiques
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Enfin, je pense qu’une piste de réflexion intéressante peut être de s’intéresser aux constructions écologiques. Qu’on-t-elles à voir avec l’intégration dans un paysage ? Il me semble que lorsqu’une réflexion est engagée sur les choix écologiques d’une construction, celle-ci englobe la plupart du temps une démarche globale et porteuse de sens. Ainsi, les constructions écologiques sont souvent réalisés avec des matériaux trouvés sur le site ou dans un périmètre très restreint : qu’il s’agisse de la paille, du bois, de l’argile, du sable ou encore de la pierre. De même, on essaye souvent de préserver le site où vont s’implanter les constructions par des terrassements réduits, des maisons semi-enterrées ou sur pilotis. Une réelle attention est portée à l’implantation de l’habitation dans son environnement et aux besoins futurs des habitants. Une réflexion est menée sur l’aspect énergétique de la construction en fonction de son orientation, le calcul des débords de toit se fait en fonction de l’ensoleillement selon la région. La construction se fait dans un souci d’économie des réseaux, des voiries, de l’eau et de l’énergie. Toute cette démarche abouti souvent à des constructions spécifiques : les choix de maisons en bardage bois ou en enduit de terre sont dominants, créant une esthétique spécifique et reconnaissable aux maisons à considération écologique. De même que pour les autres exemples, cette esthétique peut plaire ou au contraire rebuter au premier abord. Pour moi, la question se trouve plus dans la recherche de sens et d’un impact réduit sur l’environnement et donc sur nos paysages. On pourrait se demander si ce choix de construction ne provoquerait pas à terme, à son tour une banalisation du paysage ? Les matériaux employés sont souvent les mêmes puisqu’ils sont disponibles partout sur le territoire, peu chers et faciles à mettre en oeuvre : bois - souvent du Douglas -, paille et enduits en argile/sable/paille/chaux principalement. Cependant, l’attention portée à l’environnement en général, la recherche de l’ensoleillement, l’implantation sur la parcelle et l’absence pour le moment de catalogues standardisés rendent chaque habitation uniques car adaptées à leur climat et leur région. Il me semble que cela représente plus une forme d’harmonisation diversifiée des constructions, plutôt qu’une banalisation. ← Références : Deux photos de gauche : écohameau d’Andral, Le Vigan (46) - voir page 20 en première partie En haut à droite : écohameau le Moulin de Busseix, Ladignac-le-long (87) En bas à droite : écohameau de Verfeil-sur-Seye (82) - voir page 24 en première partie
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En conclusion, il me semble que l’intégration d’une construction dans un paysage dépend moins d’une recherche d’esthétique qui dépendrait des goûts de chacun et qui serait donc variable selon chaque regard, que d’une volonté forte de la part des habitants / architectes / paysagistes / urbanistes, de s’intégrer dans son environnement. Si la volonté de s’intégrer / s’insérer dans le paysage habité est présente, une attention va être portée à la végétation présente, aux formes du terrain, au relief, aux autres constructions, au grand paysage environnant etc. et la construction s’intégrera mieux ou sera au moins porteuse de sens. En ce sens, il me semble que le paysagiste peut apporter cette conscience et cette attention au lieu dans les projets d’urbanisme et d’habitat, c’est même son rôle, même si, bien sûr, il n’est pas le seul à en être capable.
Pare-feux entretenus par le pâturage
g on
hL
ec eP
Combe
L Pech Roubert
Pech Glaudet montBrun
Préserver les paysages patrimoniaux de Montbrun sans les figer e du
é Vall
Lot
Cingle agricole
N
Pechs recouverts de landes à buis en partie pâturées 0
0,5
1 km
Dolines et combes dans lesquelles se nichent des terres arables Terres agricoles fertiles à préserver
Pour revenir à la situation de Montbrun, il est nécessaire de mener une première réflexion sur les espaces capables d’accueillir de l’habitat. Comme nous l’avons vu, le village historique paraît peu enclin à accueillir de nouvelles constructions car son organisation ne correspond plus aux besoins actuels étant donné les faibles surfaces disponibles, le relief très fort et les difficultés d’accès et de mode de vie. Elles risqueraient en plus de dénaturer la structure historique du village. Les terrains situés sur le cingle posent, eux, une problématique de préservation des terres agricoles fertiles et de visibilité très forte depuis le coteau d’en face. Ces paysages sont patrimoniaux et appartiennent, davantage qu’ailleurs, au bien commun. Pour autant, il n’est pas souhaitable de préserver les paysages de Montbrun au point de les figer et d’empêcher toute évolution ou modification. Même si la dynamique d’habitat est faible, ce sont encore aujourd’hui des paysages habités, vécus et cultivés. Il est important que ces paysages continuent à vivre et à évoluer. Pour cela, il est judicieux de pouvoir proposer quelques terrains à l’urbanisation pour des projets d’habitat qualitatifs plutôt que de bloquer toute construction. 186
Pech Roubert Le Pech Long
Vers Figeac
Combe
Pech Glaudet
Vers Cajarc
↑ Croquis du plateau très vallonné des causses de Montbrun. Une réponse pourrait être de s’intéresser au plateau de Montbrun. Situé en haut du coteau calcaire et moins visible depuis les vues lointaines, il paraît pouvoir intégrer plus facilement des constructions nouvelles que la vallée du Lot. Ses paysages caractéristiques de causses calcaires pâturés sont eux aussi patrimoniaux mais à une plus large échelle. Ils restent cependant des paysages sensibles de part leur relief vallonné très marqué et la fragilité des activités agricoles qui y perdurent : élevage extensif de brebis et cultures dans les parcelles de taille réduite des combes et dolines. 187
Des habitations sur le plateau des causses Le paysage très vallonné du plateau de Montbrun représente un type de paysage typique du territoire des Causses du Quercy, aride, rocailleux et calcaire. Les pentes des pechs et vallons sont pâturées par les troupeaux de brebis mais la dynamique actuelle tend vers un refermement des paysages par une pression de moins en moins importante de l’élevage qui permet à la végétation ligneuse et boisée de repeupler progressivement les pâtures. Les paysages autrefois très ouverts des causses ont donc tendance à se transformer pour devenir plus boisés, avec moins de grandes étendues et de vues lointaines. Ainsi, il est nécessaire de mettre en place des actions permettant de pérenniser les activités agricoles qui entretiennent les paysages comme l’élevage mais aussi de veiller à considérer ces espaces agricoles comme créateurs d’un cadre de vie commun, notamment lors de la construction de nouvelles habitations. Une fragmentation du territoire par l’habitat pourrait accentuer cette déprise agricole. Sur le plateau de Montbrun, les vues restent tout de même très dégagées avec de nombreuses covisibilités ce qui rend d’autant plus difficile l’intégration des constructions dans le paysage. En cela, on peut dire que le plateau de Montbrun est un espace sensible où une attention particulière doit être portée à l’intégration des constructions.
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Pour répondre à l’enjeu de proposer des façons d’habiter Montbrun sans dénaturer ses paysages patrimoniaux, j’ai choisi de développer deux stratégies : 1 - La première consiste à interroger ponctuellement la maison dans les paysages. En effet, dans certaines situations comme à Montbrun, ce n’est pas la forme urbaine qui va déterminer l’intégration des habitations dans les paysages mais bien la maison elle-même. La maison fabrique les paysages habités, notamment lorsqu’elle est située sur des reliefs hauts et très visible. Née d’une volonté individuelle et personnelle, elle influe sur tout le paysage patrimonial commun. C’est pourquoi, il est nécessaire d’établir des règles communes. Il s’agira tout d’abord d’étudier les situations les plus favorables possibles à l’accueil d’habitat sur le plateau de Montbrun. Ensuite, des préconisations pour intégrer ces habitations dans les paysages seront développées. L’accent sera mis ici sur l’impact visuel des maisons dans le paysage commun, plus que sur la recherche d’une situation et d’un mode de vie idéaux pour les habitants même si ces deux aspects ne sont pas contradictoires. 2 - La seconde propose une manière de reconquérir le territoire des causses : habiter un nouveau hameau au bord d’une doline. Cette stratégie beaucoup plus ambitieuse que la précédente cherche à promouvoir un nouveau mode d’habiter, plus en lien avec les paysages. Elle propose d’investir de nouveaux espaces sur le causse : les dolines, et d’y créer un nouveau hameau en lien avec cette géographie particulière. Dans ce projet, paysage et habitat s’imbriquent pour prendre une forme nouvelle. La typologie de hameau vient également requestionner la maison individuelle isolée et invite à des projets d’habitat groupés et partagés où un groupe d’habitants imagine son propre mode de vie.
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Cette première stratégie consiste à rechercher sur la commune de Montbrun des situations les plus préservées possibles des vues lointaines et covisibilités, et d’y interroger la notion d’habiter uniquement par le biais de la maison. En effet, la maison, symbole de propriété individuelle, est en fait visible par tous et participe à une modification du paysage commun. Ainsi, on peut dire que l’image qu’elle renvoie est aussi le patrimoine des promeneurs, voisins ou générations futures. Actuellement, les dispositifs règlementaires et économiques de production de l’espace produisent le plus fréquemment une dégradation des paysages habités. La maison individuelle produite en série et choisie sur catalogue est une solution instantanée et peu onéreuse. Elle ne nécessite pas de réflexion et peut être installée dans un temps très court, après avoir aplani le terrain par terrassement. De même, les outils d’urbanisme urbains importés dans les campagnes : zonage du PLU à la parcelle - souvent sans adaptation de la parcelle agricole vers une parcelle habitée -, opération de lotissement, produisent rarement des projets de qualité car contrairement aux espaces urbains, l’enjeu financier n’est pas assez fort pour que des promoteurs y réalisent une opération d’ensemble. C’est donc la somme des projets particuliers qui produit le paysage habité, d’où la nécessité que chacun se sente concerné. Pour cette stratégie, je proposerai des pistes à l’usage des élus et des futurs habitants afin d’intégrer au mieux les constructions dans le paysage des causses de Montbrun. Ces préconisations pourront faire partie de la charte ou du règlement de lotissement, elles pourront également être développées dans un futur PLU ou PLUi.
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maison
1 - interroger ponctuellement la
lot
Sur cette carte à gauche, sont représentés - de façon non exhaustive - les espaces et reliefs visibles depuis le panorama du Saut de la Mounine situé sur la rive opposée du Lot. Ces espaces correspondent plus ou moins au périmètre du site inscrit de la commune de Montbrun, le site inscrit s’appuyant davantage sur des limites réelles : routes, chemins, pare-feux. Celui-ci permet une préservation des paysages grâce à un contrôle des nouvelles constructions soumises à l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France - ABF. Cela nous montre bien que l’enjeu majeur à Montbrun est la préservation de paysages patrimoniaux exceptionnels. L’ambiguïté de cet enjeu réside dans le fait que la préservation des paysages de Montbrun se fait principalement depuis une perception éloignée, depuis une autre commune sur la rive opposée et même un autre département : l’Aveyron.
N
0
0,5
1 km
Point de vue du Saut de la Mounine
aVeyron
Carte des espaces vus depuis le panorama du Saut de la Mounine interprétée à partir d’une photographie et des courbes de niveau
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Considérer les vues lointaines pour préserver les paysages patrimoniaux Comme nous l’avons vu, à Montbrun l’enjeu de préservation des paysages et des vues est plus important que l’enjeu d’accueil de nouveaux habitants. Afin de proposer tout de même quelques terrains ouverts à l’urbanisation, il est important de choisir des emplacements les plus préservés possibles des covisibilités et donc des situations qui ne se trouvent pas en bordure du coteau. Les espaces non visibles depuis le Saut de la Mounine et ceux qui se trouvent hors site inscrit sont à préférer pour des constructions isolées.
Périmètre du site inscrit dont l’objectif est la préservation du village de Montbrun et du grand ensemble paysager « Saut de la Mounine » → N
Vue depuis le Saut de la Mounine, découpage des différents plans visibles ↓
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0
0,5
1 km
Considérer les covisibilités également sur le plateau Sur le plateau vallonné des causses, les covisibilités sont également très fortes. L’enjeu paysager y est moins important car ce sont des paysages « de l’intérieur », moins patrimoniaux et touristiques. Cependant, ils représentent l’identité du territoire des Causses du Quercy. Ce sont des paysages habités et vécus qu’il ne faut surtout pas mettre sous cloche et qui peuvent continuer à être habités et aménagés mais dont il est important de veiller à préserver les caractéristiques paysagères et l’identité en ne construisant pas de manière irréfléchie.
N
0
250
500 m
Vue sur un relief de causse, ici, la végétation masque les quelques constructions situées en bas du relief opposé ↓
← Exemple de covisibilités entre deux reliefs situés de part et d’autre d’une combe
Vues sur un relief vallonné depuis le versant situé en face d’une combe cultivée ↓
194 194
Recherche de situations constructibles
montBrun
A Montbrun, la recherche de situations constructibles idéales semble vaine. Toutes offrent des contraintes de relief, d’orientation, de desserte et de covisibilités fortes. C’est pourquoi, j’ai préféré m’appuyer sur deux éléments forts pour rechercher des situations potentielles de projet d’habitat. La première est l’impact dans le paysage et notamment les vues lointaines dont les futurs lieux de projet doivent être les plus préservés possible. La seconde est l’organisation historique des hameaux du plateau des causses du Quercy. Les situations que j’ai relevées - en jaune - offrent une organisation de l’habitat proche de celles qui se retrouvent historiquement sur le plateau caussenard. Ces situations se trouvent adossées à des reliefs, dans leur partie basse et non sur les crêtes qui sont trop exposées aux vues. Elles s’articulent autour des terres agricoles fertiles des fonds de dolines et combes sans pour autant empiéter dessus ou gêner l’activité agricole. Il ne s’agit pas ici d’ouvrir tous les terrains à la construction ce qui nuirait à la qualité des paysages de Montbrun provoquant un mitage composé d’habitations isolées. De plus, la longueur et le coût des réseaux nécessaires seraient très importants pour seulement quelques maisons. Il s’agit plutôt dans un premier temps de choisir une de ces situations et d’y proposer quelques terrains groupés.
N
Espaces constructibles sur la carte communale actuelle 0
0,5
1 km
Situations potentielles pour l’accueil de constructions Terres agricoles fertiles à préserver
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196 196
S’inscrire dans le paysage des Causses du Quercy et son identité
Les paysages sensibles des causses pourraient être fortement impactés par un projet d’habitat de faible qualité
De part toutes ces contraintes, les paysages de la commune de Montbrun peuvent être qualifiés de « paysages sensibles », autant depuis les vues lointaines de la vallée du Lot que sur le causse. Si les paysages habités et façonnés par l’homme ne doivent pas être figés et doivent continuer à évoluer, il est important de maîtriser cette évolution et notamment en matière de construction. Celles-ci doivent parvenir à s’insérer dans les paysages typiques du causse et pourquoi pas à faire partie à leur tour de l’identité caussenarde contemporaine. De plus, le plateau des causses de Montbrun a la caractéristique d’être particulièrement vallonné. Les situations planes sont très rares et occupées par des activités agricoles. Les nouvelles constructions devront donc obligatoirement proposer une architecture adaptée au lieu et aux pentes. Les constructions standardisées sont à éviter car elles ne pourront pas trouver d’emplacement favorable pour s’implanter et nécessiteront forcement des terrassements conséquents et très visibles. 197
S’inscrire dans la pente La première recommandation concerne le relief, très prégnant à Montbrun. En effet, il n’existe quasiment aucun terrain plat qui ne soit pas des terres agricoles fertiles sur le plateau de Montbrun. Les autres espaces sont des terrains en pente plus ou moins boisés selon l’intensité du relief. Ils sont entretenus par le pâturage de brebis et doivent être considérés également comme un patrimoine agricole aux qualités écologiques et paysagères fortes. Les constructions futures prendront place sur une partie de ces pâturages. Ils auront donc la nécessité de composer avec la pente. Voici quelques pistes qui peuvent permettre d’imaginer une architecture qui prend en compte le lieu : S’inspirer de l’architecture traditionnelle : ici à Livernon près du bourg
S’inspirer de l’architecture traditionnelle : maison adossée à la falaise à Montbrun
Maison sur le causse à Gréalou : mur de soutènement massif et végétation horticole, l’identité des paysages du causse n’est plus perceptible
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Choisir une implantation qui s’adapte au lieu
Penser l’architecture dans une logique de discrétion
- Construire dans le bas de la pente, adossé au relief et non en hauteur sur les lignes de crêtes, très visibles dans les paysages
- Favoriser des constructions compactes en un seul volume plutôt que des volumes complexes avec des plans en L ou en Y par exemple. Préférer une forme rectangulaire avec un pignon fin.
- S’inspirer de l’architecture traditionnelle ancienne et notamment de son rapport à la pente
- Favoriser l’émergence d’une architecture contemporaine qui s’adapte au lieu plutôt que la reproduction de stéréotypes anciens. L’insertion dans les paysages et la discrétion seront recherchés. L’intervention d’un architecte est fortement recommandée. Voir la réflexion individuelle sur l’insertion des constructions dans les paysages.
- Eviter les terrassements et modelages conséquents du terrain, qui rendent la construction très visible. Si possible, préférer une architecture qui s’inscrive dans le relief : construction sur pilotis ou encaissée dans la pente. Si des terrassements sont nécessaires, ils doivent être les plus légers possibles : succession de petites terrasses ou modelé souple et léger, et uniquement sur des terrains dont la pente est inférieure à 10% - Préférer une implantation parallèle ou perpendiculaire à la pente. L’orientation parallèle aux courbes de niveau est plus facile à traiter dans la pente mais une orientation perpendiculaire permet l’insertion d’un niveau supplémentaire - Réfléchir l’implantation également en terme d’ensoleillement et des qualités bioclimatiques de la future habitation
- Eviter les larges débords comme les terrasses sur la façade en bas de pente car ils accentuent encore l’effet de pente et la différence de hauteur avec le sol. Les terrasses pourront plutôt être construites de part et d’autre de la maison, sur les pignons - Eviter les enrochements et les murs pleins de soutènement, si il y a des pilotis ils seront de préférence fins
Construction parallèle à la pente sur pilotis. Terrasse sur le pignon pour ne pas ajouter de débord supplémentaire.
Dans le cas d’une construction perpendiculaire, le premier niveau peut être intégré dans la pente.
Limiter et maitriser les terrassements sous forme de terrasses plantées ou de modelage léger du terrain.
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S’inscrire dans la végétation existante
Pelouses sèches parsemées d’arbutes et de petits arbres
Ecrin dans lequel une construction peut venir s’implanter sans modifier la structure végétale
Sur les causses, la végétation joue un rôle majeur dans la production des paysages - Insérer les habitations dans les écrins de verdure déjà existants en tant elle est spécifique. Il suffit de connaître un peu le causse pour savoir que la évitant les coupes ainsi que les remplacements des espèces locales végétation y est peu développée et met beaucoup de temps à croître. Pour obtenir (buis, chêne, fusain etc.) par des espèces horticoles. un chêne comme celui de la photo ci-dessus, il faut des dizaines d’années. Les - Eviter d’ouvrir des fenêtres dans les haies qui rendraient les buis, eux aussi, prennent leur temps pour former de jolis buissons à l’odeur caconstructions visibles depuis les vues lointaines, notamment sur les ractéristique. Enfin, rares sont les essences à pouvoir s’adapter à un sol si pauvre, limites de propriétés aride et calcaire, ce qui offre un panel de végétaux limité mais très typique à ces - Pour les nouvelles plantations, choisir des essences spécifiques des paysages. Les pelouses sèches et parsemées d’arbustes et de petits arbres chétifs causses, s’inspirer de la liste réalisée par le CAUE du Lot font partie des motifs paysagers typiques du causse. Elles sont entretenues de façon extensive par l’élevage de brebis qui empêche la végétation boisée de recouvrir entièrement ces espaces mixtes. Une liste de végétaux caractéristiques des causses du Quercy a été réalisée en 2004 par le CAUE du Lot. Celle-ci présente un panel d’essences locales ou naLorsqu’une construction vient s’implanter sur un terrain, il est improductif d’ima- turalisées que l’on peut trouver dans la région avec une description de leurs caginer tout raser puis replanter plus tard d’autres sujets. Il est impossible également ractéristiques et des indications sur leur habitat naturel. Cette fiche pourrait être de songer à remplacer les essences caractéristiques du causse : chêne, buis, érable intégrée dans la charte ou le règlement des futurs lotissements afin de porter à de Montpellier, fusain etc. par des essences horticoles qui ne parviendraient pas à connaissance des futurs habitants les essences typiques et adaptées au sol et au se développer correctement car elles ne sont pas adaptées aux sols du causse, et climat. Les essences arborées ou arbustives qui ne figurent pas dans cette liste qui de plus, dénatureraient les paysages arides. pourraient éventuellement être proscrites pour toute nouvelle plantation. → 200
Liste de végétaux typiques des paysages des causses réalisée par le CAUE du Lot 201
Importance de la structure paysagère autour des constructions Cet exemple de maison pavillonnaire récente très visible depuis les vues lointaines, nous montre bien l’importance d’insérer les constructions neuves dans une trame paysagère identitaire du territoire. Ici, la mise à nue du terrain construit et de ses limites pour profiter des vues sur la vallée, associée à la présence d’une prairie rase dans l’axe de la vue, rend la construction très visible, en plus d’une architecture et d’un enduit inadaptés.
Les murets de pierre tout comme les haies de végétation endémique forment un maillage diffus autour du parcellaire. Les murets se retrouvent parfois enfouis sous la végétation par manque d’entretien. Il est possible défricher ces murets et de les rénover si ceux-ci sont encore dans un état correct. Cette trame paysagère permet de participer à l’insertion des constructions dans les paysages même si elle ne palie pas à la qualité de l’architecture.
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Malgré une architecture peu qualitative, ces maisons récentes parviennent à s’insérer dans les paysages de causses depuis ce point de vue. Cela est dû principalement à la conservation des haies et murets tout autour des propriétés qui forment un écran filtrant indispensable. Leur implantation en position dominante du relief est toutefois à éviter.
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Se fondre dans les paysages : matériaux et couleurs Pour améliorer l’insertion des constructions dans le lieu, le choix des teintes et matériaux peut apporter un regard supplémentaire sur les paysages, sans pour autant suffire à l’émergence d’un projet de qualité.
Nuancier des paysages de causses
Il est possible de s’inspirer des couleurs des paysages de causse : teinte de la pierre calcaire, de la végétation aride, pour choisir des matériaux mais aussi des matériaux qu’il est possible de se procurer localement : • bois non lasuré qui va naturellement griser avec le temps ; • enduits aux couleurs naturelles : éviter les teintes criardes (jaunes-orangés, rouge, rouille), éviter également les teintes trop claires (blanc) ; • pierre calcaire en évitant les parements trop artificiels. ← À gauche, une architecture de style provençale et un enduit rosé contrastent avec les teintes de la pierre calcaire et de la végétation. À droite, l’utilisation de matériaux recommandés : ici un bardage en bois et des tuiles plates sur une toiture à forte pente, ne garantit pas forcement à elle seule une bonne intégration de la construction. De plus, la voie d’accès qui « monte » la pente est très visible.
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Limiter l’impact visuel des voiries et accès Une autre recommandation importante pour rendre les constructions les moins visibles possible dans les paysages est d’être attentif aux voiries et accès privés. Une règlementation les concernant peut être efficace. Il s’agit notamment de : - Préférer des voies d’accès parallèles aux courbes de niveau et situées en bas de pente, et non ceux qui « gravissent » la pente jusqu’à l’habitation. - Végétaliser les bordures de la voie d’accès avec des essences locales - Préconiser la construction des garages en bas de pente. Il est parfois souhaitable que le garage soit séparé de l’habitation si cette dernière se trouve plus haut sur le terrain. Les garages peuvent aussi être accolés ou regroupés dans le cas d’une voie d’accès commune. - Réaliser des voies d’accès les plus simples et étroites que possible. Pour desservir un petit groupe d’habitation, une voie à sens unique est préférable.
↑ Exemple de préconisations d’aménagement sur deux parcelles communales à Montbrun. Une bande constructible est dessinée sur les parcelles, en bas de pente. De plus, les garages doivent obligatoirement prendre place sur la limite basse des parcelles. L’accès est mutualisé pour les deux maisons.
- Favoriser des accès groupés qui desservent plusieurs habitations pour éviter une multiplication des accès dans le paysage, cela permet également de réduire les coûts d’aménagement. Ces accès devront être réfléchis pour être les plus économes possibles en terme de linéaire et d’emprise de voie tout en desservant un maximum d’habitations. ← Accès en bas de pente dissimulé par la végétation
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- Préférer des matériaux simples et peu couteux : enrobé traditionnel sans bordure ou castine
La seconde stratégie, plus ambitieuse et utopique, propose d’imaginer la création d’un nouveau hameau sur la commune de Montbrun. En effet, la structure ancienne du bourg et des hameaux sur le cingle est peu encline à absorber de nouvelles constructions. Il est même parfois préférable de ne pas y construire de nouvelles habitations afin de ne pas dénaturer l’organisation ancienne de l’habitat, ni le patrimoine architectural remarquable. L’organisation d’un nouveau pôle d’habitat permettrait également de ne pas disséminer les nouvelles constructions sur toute la commune et de proposer un lieu possible à partir duquel pourraient venir s’ajouter des habitations de manière évolutive.
Schéma d’organisation d’un village traditionnel autour d’une doline
Source de l’image : PNR des Causses du Quercy
La doline est un motif typique des paysages des causses. Historiquement, de nombreux villages ou hameaux caussenards se sont installés sur le pourtour de ces dolines ou combes afin de profiter des terres fertiles situées au fond de celles-ci. Les constructions s’étiraient alors le long des courbes de niveau formant parfois un croissant autour de la dépression argileuse. Ce mode d’organisation de l’habitat pourrait être intéressant à exploiter et réinterpréter dans une optique d’imaginer de nouvelles façons d’habiter. De plus, les dolines se trouvent sur le plateau des causses. L’habitat qui leur serait associé serait alors tourné vers les paysages vallonnés du plateau et proposerait une alternative à la construction sur les crêtes et points hauts au dessus de la vallée, très visibles depuis les vues lointaines.
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au bord d’une doline
2 - habiter un nouveau hameau
Une situation de doline abritée sur le plateau de Montbrun
N
Sur la commune de Montbrun, les situations propices à accueillir des nouvelles constructions sont rares et imparfaites. La présence de covisibilités très importantes et lointaines, l’organisation historique et patrimoniale du village en pied de falaise et en promontoire, le relief très vallonné du plateau, la présence du causse aride, les distances longues jusqu’aux services, commerces et lieux de travail, font de Montbrun un territoire dont la capacité d’accueil de nouvelles populations est réduite. Cependant, il est tout de même possible de constituer les bases d’un petit hameau qui pourra s’agrandir et évoluer au fur et à mesure de la venue de nouveaux habitants.
Localisation de la doline sur le plateau de Montbrun
N
Relief de la doline et orientation par rapport au soleil
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Une situation de doline pourrait faire office de base sur laquelle s’appuyer pour amorcer un projet d’habitat qualitatif. Celle qui est représentée sur ces deux blocs est desservie par une route et orientée vers le sud-ouest ce qui offre de bonnes conditions d’ensoleillement. Elle est partiellement préservée des vues depuis la rive gauche par d’autres collines qui lui forment un premier plan. Cependant, comme la majeure partie du plateau de Montbrun, le relief y est fort et seul un projet prenant en compte la pente aboutirait à un paysage habité de qualité. Si cette condition n’est pas respectée, les terrassements et modifications du relief provoqueraient des dégâts notables dans les paysages du causse. La première stratégie visant à dissimuler les constructions serait alors préférable.
Un paysage habité évolutif Etant donné le faible nombre de nouveaux habitants par an, il est impératif que ce projet de création de hameau soit évolutif et puisse s’agrandir au fur et à mesure des besoins. Pour cela, un statut d’habitat groupé en autopromotion ou en coopérative d’habitat paraît difficile à mettre en place sans avoir réuni au moins quelques foyers dès le début du projet. Il peut donc être plus souple de diviser le terrain constructible en lots tout en préservant des espaces communs aux habitants du hameau : voie d’accès, parking commun voire terrain commun au creux de la doline par exemple. Une charte peut être rédigée en amont du projet pour définir clairement les enjeux paysagers, architecturaux et de vie commune dans le hameau. Le règlement du lotissement peut même imposer le recours à un architecte ce qui garantit la cohérence du projet mais peut aussi mettre en difficulté certains porteurs de projets ou autoconstructeurs.
Référence d’un projet fictif imaginé par le Parc Naturel des Causses du Quercy autour d’une doline
Profiter de l’espace agricole fertile Les espaces agricoles présents au creux de la doline peuvent être cédés en partie aux futurs habitants du hameau. Cet espace fertile peut être transformé en jardin potager par exemple. Il est préférable qu’un projet de jardin y soit porté plutôt qu’un terrain de loisirs afin de conserver la vocation première de ces espaces.
Source de l’image : PNR des Causses du Quercy
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Paysage imaginé de la doline habitée après la construction de quelques habitations
N
Paysage imaginé de la doline habitée à plus long terme. Un nouveau hameau s’est formé et commence à atteindre sa taille limite. Le lieu n’est plus capable d’accueillir de nouvelles constructions sans nuire à la qualité des paysages, il faut donc si besoin envisager la possibilité de construire ailleurs.
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Paysages habités et paysages vécus
La doline habitée étant une caractéristique des paysages des causses du Quercy, l’émergence d’un nouveau hameau autour d’une doline trouve du sens dans le territoire. Cependant, de part une architecture et un mode de vie contemporains, ce nouveau hameau ne produira pas le même paysage que les hameaux historiquement présents. C’est donc un nouveau paysage de doline habitée réinterprété qui pourrait voir le jour et qui reste à innover. Le champ de l’imagination est libre pour réinterpréter les espaces privés et communs, jardinés, de loisirs voire de travail, l’organisation des habitations, la place de la voiture - mode de déplacement principal -, l’organisation dans la pente, le circuit de l’eau etc. De la même façon, le paysage vu par les habitants propose lui-aussi un nouveau regard sur le territoire, différent de celui qui est recherché par les maisons sur les crêtes. Les vues sont ici dirigées vers les pechs pâturés et les parcelles agricoles, redonnant une place importante à ces pratiques. Les paysages de l’intérieur du plateau sont mis en valeur.
Paysage imaginé de doline habitée contemporaine
Vue sur un paysage de combe du plateau de Montbrun
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Source de l’image : Google Earth Pro
Références : des architectures qui épousent le relief
Com
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Photo aérienne montrant l’organisation des maisons par rapport aux courbes de niveau Vue depuis le haut du hameau vers les paysages plongeants de la combe à droite
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Au écohameau d’Andral - voir page 20 en première partie, fiches « Initiatives habitées » - les maisons sont construites dans la partie haute d’une combe. Elles sont organisées en amphithéâtre sur deux bandes qui suivent approximativement les courbes de niveau. Le relief y est fort mais les constructions à caractère écologique trouvent leur place sans modifier le terrain grâce à une réflexion individualisée de chaque maison en correspondance avec son implantation et son emplacement. Cette phase d’études a été réalisée soit par l’architecte qui suit le projet, soit par les futurs habitants eux-mêmes accompagnés des conseils d’un architecte. Ce type d’implantation intelligente des constructions n’est pas permise avec des maisons standardisées de catalogue qui ne peuvent être posées que sur un terrain plat et terrassé. C’est ici grâce à la confrontation entre des contraintes très fortes - relief, paysages - et un mode de vie contemporain que naissent des projets architecturaux novateurs et intéressants.
conditions à l’émergence
de paysages habités respectueux du lieu Le choix entre ces deux stratégies d’habiter nous pose directement la question des conditions nécessaires à l’émergence d’un projet d’habitat durable. En effet, si la seconde stratégie est préférable à la première dans une logique de qualité des paysages habités, elle peut aussi se révéler désastreuse pour les paysages si la commune n’est pas en capacité d’organiser la mise en place d’un projet qualitatif. Il peut donc être intéressant de faire ressortir les conditions optimales pour s’engager dans un projet d’habitat ambitieux. L’aspect financier peut paraître être une première condition à un projet d’habitat de qualité. En effet, i est nécessaire d’effectuer un apport financier minimum pour la création des voiries et réseaux, la division des terrains par un géomètre ou encore la rédaction du permis d’aménager par un professionnel de l’aménagement (si le lotissement fait plus de deux lots ou comprend des espaces publics). Ces dépenses de base ne garantissent pas pour autant la qualité de l’aménagement final. La création d’espaces publics de qualité par un paysagiste, la mise en place d’un règlement et/ou d’une charte de lotissement, la mise à disposition d’un architecte qui suive le projet etc. sont des gages de qualité supplémentaires souvent un peu plus coûteux mais recommandés notamment sur les lieux à fort enjeu paysager. Cependant, d’autres solutions sont envisageables pour les petites communes qui n’ont pas de gros moyens. Les outils de l’habitat participatif peuvent alors être mis en avant : coopérative d’habitants, société d’attribution et d’autopromotion. Ce sont alors les habitants eux-mêmes qui financent l’aménagement et la viabilisation de leur terrain partagé. Un accompagnement par la commune ou par un organisme d’utilité publique comme Hab-Fab peut être mis en place. Ces projets nécessitent un temps beaucoup plus long et un réel engagement de la commune pour faire venir les premiers foyers prêts à financer le projet.
Ce qui nous amène à une deuxième condition qui est la volonté politique de la part de la commune. Les élus sont les principaux porteurs de projet en milieu rural et doivent être engagés et capables de porter une démarche de projet innovante et qualitative. C’est grâce à des élus très impliqués que sont nés par exemple les projets de Saint-Pierre-de-Frugie en Dordogne - écocentre du Périgord et écohameau Interval -, Lacapelle-Cabanac ou encore Saint-Bressou - voir ces deux derniers projets en première partie, pages 36 et 44. Enfin, l’attractivité du territoire et sa capacité d’accueil de nouvelles constructions sont des données essentielles à prendre en compte. Les territoires proches d’une grande ville ou d’un bassin d’emplois subissent évidement une pression très forte pour l’urbanisation de nouveaux terrains. Il est alors nécessaire d’être très vigilants voire contraignants par rapport à la qualité des paysages habités proposés. Pour les villages ruraux, la présence de grands axes routiers ou d’une voie ferrée, les commerces et services présents et la taille de la commune sont à considérer mais également les valeurs portées par la municipalité et le territoire ainsi que le dynamisme au niveau associatif et culturel. Le territoire doit également être propice à l’accueil de constructions nouvelles. Certains territoires comme Montbrun sont géographiquement peu enclins à accueillir de nouveaux habitants et doivent se contenter de proposer des possibilités pour des arrivants potentiels. L’urbanisme doit alors être réfléchi à plus grande échelle et des situations ou communes plus appropriées doivent être favorisées. Chaque projet d’habiter est unique et dépend des volontés humaines et des moyens mis en place pour y parvenir, en synergie avec un territoire. Il me semble que l’attention portée aux paysages et la volonté d’habiter en respectant le lieu dans lequel on s’implante est déjà la promesse d’un projet qui mérite notre considération.
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Le paysagiste a un rôle important à jouer dans l’évolution de ces campagnes complexes et plurielles. Le paysage est un enjeu commun qui concerne les mutations globales du territoire dans un objectif d’harmonie entre l’homme et son environnement. Il permet de parler à la fois d’agriculture, de nature, de géographie, d’habitat, d’infrastructures etc. sans cloisonner ces différents domaines dans des discours experts. En cela, le paysage est une méthode possible pour faire projet, transversale et partagée. A l’heure de la standardisation et du lissage des paysages, de la production en série d’habitat, des déplacements de plus en plus rapides, nous avons besoin du paysage qui nous rattache à un « ici et maintenant », au lieu et au temps, à notre socle. La suite du travail consiste à continuer à imaginer et à promouvoir des lieux où l’homme s’inspire des paysages pour y aménager son lieu de vie tout en ménageant le territoire.
La campagne n’est la campagne que si en elle perdure quelque chose de fragile qui nous vient d’avant et qui, plus durable que nous, nous rassure sur nos avenirs incertains. André Micoud, Eternelles campagnes.
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conclusion
A travers ces trois situations singulières de campagne lotoise, le paysage interroge les enjeux de l’habitat en milieu rural. La campagne ne doit plus aujourd’hui être encore considérée comme un réservoir foncier pour une urbanisation future. L’avenir de la campagne n’est pas de se faire recouvrir par la ville. Elle doit au contraire être vue comme un écosystème complexe dont l’homme fait partie intégrante et où se mêlent des valeurs naturelles, agricoles, forestières, résidentielles, sociales, culturelles, de loisirs imbriquées. En cela, les nouveaux projets d’habitat doivent prendre en compte l’ensemble de ces valeurs et de manière plus générale les paysages. Il s’agit de venir habiter, au sens large et non seulement dans sa maison, des lieux qui possèdent leur propre organisation et histoire, de venir habiter une campagne, de venir habiter quelque part.
Remerciements Merci à Mathieu Larribe de m’avoir accueillie en stage au CAUE du Lot et de m’avoir fait découvrir ce territoire magnifique, impressionnant et riche en surprises qu’est le Lot. Merci à toute l’équipe pour l’accueil, les discussions, la disponibilité et les pauses café ! Et à Rebecca Cresson pour son humour et sa franchise. Merci à mon directeur d’études, Guillaume Laizé, d’avoir suivi mon travail, levé mes doutes et hésitations et excusé mes erreurs de jeune paysagiste. Et à Alise Meuris d’avoir accepté de faire partie de mon jury. Merci à toutes les personnes rencontrées lors des visites de lieux : Elsa pour les merveilleux repas, Mathieu pour son organisation de chantier infaillible, les toulousains pour leur bonne humeur, Robert, la petite Anaïs, la grande Anaïs, Stephan pour son savoir-faire, son engagement et ses chansons qui trouvent écho dans ma tête, et tous les autres. Merci aux élus des petites communes du Lot pour les échanges appréciables et leur volonté de prendre soin de leur territoire. Merci à la jolie ville de Cahors où j’ai été habitante pendant quatre mois. Merci à Paul pour les conseils, les longues séances de travail et les projets professionnels qui s’annoncent...
A mes petites étoiles et à la vie
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À propos des problématiques contemporaines d’habiter, aménager, ménager la Terre > BRUNET Roger. La France, un territoire à ménager. Paris, Editions N°1, (1994), 2001. > DERUDDER Philippe. Les aventuriers de l’abondance. Levallois-Perret, Editions Yves Michel, 1999. > RABHI Pierre. Manifeste pour la Terre et l’humanisme. Arles, Editions Actes Sud, 2011. Films
> LAURENT Mélanie, DION Cyril. Demain (film). Mars film, 2015, 1h 58min. Film grand public mais très pédagogique et positif, une nouvelle façon d’aborder les problèmes de notre société contemporaine par les solutions.
> SERREAU Colline. Solutions locales pour un désordre global (film). Memento films et Editions Montparnasse, 2010, 1h 53min.
À propos des initiatives existantes : écovillages, écohameaux, communautés > CHRISTIAN Diana Leafe. Vivre autrement : écovillages, communautés et cohabitats. Montréal, Editions Ecosociété, (2003), 2015. Guide assez technique à l’usage des porteurs de projet d’habitat groupé collectif.
> D’ERM Pascale. Vivre ensemble autrement. Italie, Editions Ulmer, coll. « Les nouvelles utopies », 2009. Six histoires de lieux en Europe qui mettent en place la
vie en collectivité, l’écologie, l’entraide, parfois la solidarité et l’insertion sociale.
> DAWSON Jonathan. Les écovillages, Laboratoires de modes de vie éco-responsables. Saint-Etienne, Editions Yves Michel, coll. « Ecologie », 2010. Texte
qui tente de définir l’apport du mouvement des écovillages à notre société mondiale contemporaine, illustré par des références marquantes.
> GREBOVAL Pascal. Vivre en habitat participatif. Paris, Editions Alternatives, 2013. Exemples de dix-sept projets français d’habitat participatif avec leurs caractéris-
tiques précises, montage juridique et financier, plan de conception.
> MATTER Milène, HENRY Dominique dir. Habiter la campagne autrement (diplôme de fin d’études Paysage). ENSAP Bordeaux, 2013. > OUDIN Patrick dir. « Oasis, un nouveau mode de vie » Kaizen (revue), Septembre 2015, n° spécial, 137p. Numéro spécial qui répertorie une centaine d’initiatives du réseau Colibris en France.
À propos des changements qui s’opèrent dans le milieu rural > CHEVALLIER Denis dir. Vives campagnes. Le patrimoine rural, projet de société. Paris, Editions Autrement, coll. « Mutations » n°194, 2000. > DIBIÉ Pascal. Le village métamorphosé, révolution dans la France profonde. Paris, Editions Plon, coll. « Terre humaine », 2006. > JEANMONOD Thierry dir. Maisons individuelles et éparpillement urbain : vers un french sprawl ? Bordeaux, ENSAP Bordeaux, 2010. > MORA Olivier. Les nouvelles ruralités à l’horizon 2030. Versailles, Quae, 2008.
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Articles
> DONADIEU Pierre. « Les nouvelles campagnes françaises : des paysages sans paysans ? » (article) Paysage actualités, février 1989, n°115, p. 56-77. > MICOUD André. « Eternelles campagnes ? » (article, en ligne) Ecologie & politique, 2002, n°26, p.75-87. Disponible sur http://www.cairn.info/revue-
ecologie-et-politique1-2002-3-page-75.htm > MORMONT Marc. « Globalisations et écologisations des campagnes » (article, en ligne). Etudes rurales, 2009 n° 183, p. 143-160. Disponible sur http://etudesrurales.revues.org/8980 > PERRIER-CORNET Philippe. « Quelles perspectives pour les campagnes françaises » (article en ligne). Revue projet, mars 2003, disponible sur http:// www.revue-projet.com/articles/2003-2-quelles-perspectives-pour-les-campagnes-francaises/ Films / vidéos
> CHAPLAIS Hervé. Rurals ou la convergence des rustres (conférence gesticulée, en ligne). Disponible sur http://www.deux-sevres.com/deux-sevres/
Articlesactualités/Actualités/tabid/493/articleType/ArticleView/articleId/13267/Nouvelle-video-Rurals-ou-la-convergence-des-rustres.aspx
Prise
de
recul sur le rural avec son vocabulaire chargé des clichés du passé et ses contradictions.
> LÉVÊQUE Aurélien, VINK Luba, réal. La terre, bien commun (film, en ligne). Cellulo prod, 2015, 52 min. Disponible sur http://www.changement-
deproprietaire.com/La-Terre-bien-commun Avec l’association « Terre de liens », des producteurs, fermiers, paysans, bénévoles, racontent comment ils imaginent l’agriculture de demain.
> LÉVÊQUE Aurélien, VINK Luba, réal. Changement de propriétaire (film). Cellulo prod, 2015, 66 min. Ce second film, plus technique, présente l’association « Terre de liens » plus en profondeur et les enjeux économiques et politiques auxquels elle répond dans notre société, sur les rapports entre terre, pouvoir et argent.
À propos de l’attrait pour la campagne > BOURDEAU Philippe, MARTIN Niels, DALLER Jean-François. Les migrations d’agrément : du tourisme à l’habiter. Paris, Editions L’Harmattan,
2012. > HERVIEU Bertrand, VIARD Jean. Au bonheur des campagnes. Marseille, Editions L’Aube, (1996), 2005. > KAYSER Bernard. Ils ont choisi la campagne. La Tour-d’Aigues, Editions L’Aube, (1996), 2004. > MARIÉ Michel, VIARD Jean. La campagne inventée. Arles, Editions Actes Sud, 1988. > URBAIN Jean-Didier. Paradis verts. Désirs de campagne et passions résidentielles. Paris, Editions Payot, 2002. À propos du projet rural > BOUTET Didier. Pour un urbanisme rural. Paris, Editions L’harmattan, 2004. > CAUE 27. Lisières vivantes, comment habiter les bourgs de l’Eure ? Evreux, CAUE27, 2011. Exemple d’étude réalisée sur les lisières entre villages et agriculture, avec propositions de projets à destination des élus.
> CAUE 47. Urbanisme raisonné en milieu rural. Agen, CAUE 47, 2009. > COLLECTIF. Paysages ordinaires. De la protection au projet. Bruxelles, Editions Mardaga, 2003.
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> GUILLOT Xavier dir. Espace rural & projet spatial – vol.2 Vers un nouveau pacte ville-campagne ? Saint-Etienne, Université de Saint-Etienne, 2011. > MAGNAGHI Alberto. Le projet local. Sprimont, Editions Mardaga, 2003 > THIBAULT Marion, GERBEAUD Fanny dir. Les réinterprétations de l’idéal villageois (mémoire Architecture). ENSAP Bordeaux, 2016. À propos d’habiter au sens premier, se loger > BOUCHAIN Patrick. Construire autrement. Arles, Editions Actes Sud, 2006. > FRIEDMAN Yona. L’Architecture de survie. Paris, Editions L’éclat, (1978), 2016. > SAINT-JOURS Yvan. Ecohabiter. Sète, Editions La Plage, 2009. > TODD, NANCY J. Ecodesign : des solutions pour la planète. Montréal, Editions Ecosociété, 2007. À propos de mon territoire d’étude : les causses du Quercy > CAUE du Lot, PNR Causses du Quercy. Découvrir les formes villageoises des Causses du Quercy. Cahors, Imprimerie France Quercy, 2012. > CAUE du Lot. Paysages du Lot, identités - diversités - évolutions. Cahors, Imprimerie Agate, 2009. > Consultation lancée par le PNR des Causses du Quercy aux professionnels de l’aménagement sur le thème « Habiter les causses du Quercy - Nouveaux
hameaux, nouveaux quartiers » > LAIZE Guillaume dir. Charte de Paysage, d’Urbanisme et d’Architecture du Pays de Figeac [2 volets]. 2014. > PNR Causses du Quercy. « Charte d’aménagement des espaces publics du Parc naturel régional des Causses du Quercy ». 2015. > PNR Causses Quercy. Les cahiers scientifiques du Parc Naturel Régional. > PNR Causses du Quercy. « Les clefs des paysages des Causses du Quercy, géologie et géomorphologie » Les essentiels du Parc.
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La campagne attire et redevient une utopie pour de nombreux urbains. Ce changement de fonction de l’espace rural autrefois uniquement productif vers une campagne plus composite, s’accompagne d’un développement parfois aléatoire de l’habitat individuel.
résumé
Comment peut-on imaginer de nouvelles formes d’habiter la campagne plus en lien avec leur territoire - ici les causses du Quercy ? Comment prendre en compte le contexte villageois dans l’aménagement de nouveaux espaces de vie ? Qu’est-ce qui fait qu’une habitation s’intègre dans le paysage ? J’ai choisi pour ce diplôme trois situations de projet dans le territoire des causses du Quercy - département du Lot : une situation périurbaine, une situation de village rural et une situation très isolée qui n’a pas vocation à se développer. Il s’agit pour chacune de définir des enjeux spécifiques au territoire et de proposer des pistes de projet situées. Il s’agira de questionner l’habiter en tant que logement mais également en tant que cadre de vie partagé.
Mots-clés : Habiter / habitat / campagne / rural / néorural / participatif / groupé / projet situé / quelque part / initiatives / alternatives / autrement / utopie / idéal / bien commun / commun / collectif / autonomie / communauté / périurbain / village / écovillage / hameau / écohameau / écobarri / bourg / quartier / extension / vivre ensemble / lieu de vie / mode de vie / faible densité / insertion / intégration paysagère / paysage / paysagiste / PNR Causses du Quercy / Quercy / Lot / vallée du Lot / 46 / Grand Figeac / Montbrun / Livernon / Cahors / Bégoux
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