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LA FACE CACHÉE
DES ARTISANS DU RÊVE Le monde des auteurs de BD est sous tension. Le métier change, pour le meilleur ou pour le pire ? Les auteurs ont pris la parole. À Saint-Malo, ils ont même levé le crayon. Mais finalement, quoi de mieux qu’un album pour mettre en scène les difficultés d’un auteur de bande dessinée aujourd’hui ?
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© Runberg et Martin / GRAND ANGLE
e veulent-ils porte-parole de leurs collègues? En tous les cas, Sylvain Runberg et Olivier Martin portent en ce début dÊannée quelques unes des angoisses de leur profession. Il y a celles que lÊon met en avant facilement, qui font le corps du livre. Cette case blanche inspirée de la page blanche des auteurs de romans. Il y a le succès, celui quÊon nÊattend pas et qui nous tombe dessus sans quÊon le veuille. Celui quÊon ne peut pas refuser, sous peine de cracher au visage de tous ceux qui ne parviennent pas à vendre plusieurs milliers dÊexemplaires. CÊest une belle histoire sur la panne de création artistique dans la bande dessinée qui nous est proposée. Mais pas seulement.
RADIOGRAPHIE D’UN MONDE DE BULLES
© Runberg et Martin / GRAND ANGLE
Le lecteur, pour peu quÊil soit un peu connaisseur du monde de la bande dessinée, va retrouver les grands moments de la vie des artistes quÊil affectionne. Toutes les étapes de la naissance dÊune BD sont là. La figure de lÊéditeur attendant ses planches, grande figure de la BD franco-belge dÊhumour, qui ici prend aussi un rôle de fusible entre créatifs et entreprise. Les rapports compliqués entre scénaristes et dessinateurs sont là aussi. Cette alchimie que cherche chaque duo mais qui nÊa rien dÊune évidence. Les libraires et leurs cartons de nouveautés, et évidemment, le grand festival de BD et ses dédicaces, Saint-Malo pour ne pas le nommer. Tous les passages obligés, les figures de style. Runberg ne les met pas en scène juste par principe, pour accumuler les moments attendus. Il rappelle constamment les aspects compliqués des
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grandes images dÊEpinal de la BD. Non, tout nÊest pas rose. Au delà de lÊintrigue et de son caractère exceptionnel, il nÊoublie pas de parler de la précarité physique sans assurance maladie, du prix des planches qui ne cesse de baisser, des nouveaux entrants qui veulent eux aussi créer leur propre fluvre pour se partager à plus un gâteau qui ne grossit pas. La réalité des petits mickey.
fois dÊune nuance de couleur. Là encore, par envie, pour accompagner le récit. Cases blanches est donc une fluvre dans laquelle on se sent bien, qui sait créer lÊempathie avec son personnage principal. ¤ tel point que lÊon trouve même lÊalbum trop court. Bon, alors, il sort quand ce tome 2 ? YANECK CHAREYRE
UN DESSINATEUR QUI, LUI, S’EPANOUIT Si Vincent Marbier, le dessinateur-personnage de cet album, souffre de doutes dans son art, cela ne semble pas être le cas pour Olivier Martin, le bien réel dessinateur de Cases blanches. Après avoir accompagné la fin du Lloyd Singer de Luc Brunschwig, le voilà avec un dessin maîtrisé et rayonnant. On sent lÊartiste qui sÊamuse à essayer, qui prend du plaisir dans son travail. Derrière la rondeur qui caractérise désormais son trait, on perçoit de fines évolutions pour accompagner le propos de lÊhistoire. Son dessin sÊavère parfois dépouillé jusquÊà ne fixer que les personnages, parfois précis et rempli dÊénergie. Il utilise des lavis aux tendances sépia qui se colorent par-
CASES BLANCHES
de Sylvain Runberg et Olivier Martin, Bamboo / Grand Angle, 82 p. couleurs, 16,90 €
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TOPOR EN STRIPS © Topor / WOMBAT
On oublie souvent que le prolifique et multimédiatique Roland Topor a TOUT dessiné, y compris en BD. Le volume publié par Wombat recueille son travail sous formes de strips. D’où le titre Strips panique. Il reprend aussi bien des albums épuisés que des inédits en recueil.
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n y trouve LÊHomme et la Mouche (1962), Le Fils de lÊivrogne (1964) et un sans titre (1961) parus dans Hara-Kiri, Alfred ou lÊhistoire dÊune réussite (1972) paru dans Charlie-mensuel (qui par ailleurs reprit deux autres de ces histoires), PÊtite mort (1982) paru dans le Psikopat illustré, Il y a bien longtemps (1996) paru dans Strips ; deux bandes extraites de livres, un conte panique (1968) et Erik (1978) paru aux Pays-Bas. Mais surtout y est repris le merveilleux et introuvable La Vérité sur Max Lampin (1968) qui aurait mérité lÊédition séparée comme elle le fut autrefois chez Pauvert. Cette BD fut un des plus grands bides de Topor, qui était déjà peu prisé du ÿ grand Ÿ public, mais les quelques centaines qui eurent le privilège de le lire ne sÊen sont jamais remis. CÊest dÊailleurs pour ça quÊon ne trouve jamais ce volume en occase ou aux Puces. Quand on lÊa, on le garde et on ne le prête même pas. Les collectionneurs sont les plus grands noms de lÊhumour et de la BD, ne cherchez pas.
La Vérité sur Max Lampin exprime la quintessence de lÊart de Topor : ses idées sont toujours simples, mais seulement quand cÊest lui qui les dessine. La même idée par un autre ne fonctionnerait pas. Ici, chaque page montre Lampin injurié par un bref texte que le dessin illustre au premier
degré et cela finit en imaginant sa mort à répétition. Lampin est lÊarchétype du con, celui que nous avons tous envie de voir crever comme lui après lÊavoir abreuvé de crachats. Nous sommes tous aux côtés de Topor en train de honnir Lampin et lui vouloir du mal. Il nous rend nuisible et là ce sont les élèves-nuisibles qui lÊemportent sur le maître. Pas un pour racheter lÊautre. CÊest de lÊhumour noir pur. Un bijou. Inutile de dire que si on avait proposé Topor de son vivant pour le Grand prix de la ville dÊAngoulême, les pissefroid de la BD traditionnelle, Maxlampins de la critique ou des officiels, en auraient fait un infarctus ! CÊest pourtant là que la diversité bédéistique est pourtant visible. Format à lÊitalienne, un dessin par page, pas de cases, noir-et-blanc, le dialogue sous image, pas dÊhistoire mais une continuité parfaite, tout ce quÊil faut pour énerver les tenants de la BD en album ÿ 48CC Ÿ (48 pages cartonné couleurs, selon la définition de J.C. Menu). Autant dire, un livre tellement en avance que même lÊavant-garde le laissa échapper alors.
lÊivrogne ou PÊtite mort sont dÊune antimorale réjouissante, Erik est terrifiant, les BD issues de Hara-Kiri sont du grand Hara-Kiri de la première et superbe époque. Non seulement on songe à Cami, ici revendiqué, mais pour vous le décrire simplement cÊest comme du Töpffer gore. On y ajoutera Il y a bien longtemps, entièrement typographique, provocation destinée à une revue consacrée justement aux seuls strips. Christian Rosset y donne une intéressante postface. Pour les plus jeunes : ce recueil peut servir de guide dÊinitiation à la transgression. En ce moment, chacun en a bien besoin.
Les autres BD sont à la hauteur. Un humour aussi noir nÊexiste plus en ces temps où le ÿ culturellement correct Ÿ fait régner sa terreur graphique et verbale. Le conte tiré de Cami, Le Fils de
STRIPS PANIQUE
YVES FRÉMION
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Frémion a longtemps été lÊun des plus fidèles hussards de Fluide Glacial. CÊest aussi un historien de la BD, un romancier et un scénariste (parmi dÊautres activités).
de Roland Topor, Wombat, 160 p. bichromie, 15 €
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