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SOURDE VENGEANCE Un long silence récit d’une vengeance à la Monte-Cristo, se déroule à New York à la fin du XIXe siècle. L’occasion pour Éric Stalner de croquer la Grosse Pomme, avant l’âge des buildings.
COI, QUOI !
tout simplement un arbre, on a lÊimpression dÊy être. Car il ne manque pas une brique aux maisons, pas un rivet à la locomotive, pas une feuille sur lÊarbre. Cette sensation dÊhyper-réalisme est accentuée encore par le travail remarquable du coloriste Jérôme Maffre, qui ne se contente pas dÊapporter des couleurs aux scènes, mais donne à chaque dessin une lumière particulière. Pourtant, malgré les qualités indéniables de son dessin, Un long silence ne parvient pas à se distinguer du peloton de bandes dessinées bien faites et agréables à lire, mais qui ne marquent pas le lecteur. La faute à une intrigue de vengeance qui, si elle fonctionne, ne sort pas vraiment des sen-
tiers battus. Bien sûr, il y a de lÊaction, des bagarres, du suspense, un soupçon dÊérotisme, lÊesquisse dÊune romance. Mais tout cela manque un peu dÊintensité, dÊenjeu, dÊempathie. On ne passe pas un moment inoubliable ; on passe un bon moment, ce qui nÊest déjà pas si mal. Et le dessin, pour peu quÊon soit contemplatif, vaut vraiment le détour.
JÉRłME BRIOT
© Stalner / GLÉNAT
Éric Stalner est un excellent dessinateur réaliste, sans doute un des meilleurs. QuÊil dessine une rue de New York, une scène de foule, une locomotive ou
© Stalner / GLÉNAT
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n 1890, William Campbell, jeune Irlandais de 11 ans et sa maman débarquent à New York, dans lÊespoir dÊy trouver une vie meilleure. Comme tous les migrants, ils doivent dÊabord passer la visite médicale obligatoire sur Ellis Island. Par jeu ou par bravade, William fait semblant dÊêtre sourd et muet, pour ne pas avoir à répondre aux questions des médecins. Ces derniers ayant pour consigne de ne pas laisser débarquer les candidats à lÊimmigration qui présentent la moindre infirmité, il faudra toutes les menaces de sa mère pour que William sorte de son mutisme et ne soit pas refoulé. Peu après, ils se rendent à la gare de New York, et cÊest le drame : une valise piégée explose et fait 13 victimes, dont la maman de William. Choqué et nÊayant aucune envie de répondre aux questions des policiers, William sÊenferme à nouveau dans le même simulacre de handicap. Placé dans un orphelinat spécialisé, il ne peut plus sortir de son rôle, craignant dÊêtre chassé si son faux handicap venait à être découvert. Pour retrouver ceux qui ont commis cet attentat aveugle, le garçon ne dispose que de maigres indices : le souvenir du visage dÊun homme présent pendant lÊattentat, et le nom dÊun cabaret, le ÿ Pink Flamingo Ÿ, présent sur une série de cartes de visite que lÊhomme en question avait fait tomber dans la panique⁄ Reste à infiltrer lÊétablissement et à mener lÊenquête en toute discrétion. Cette fois encore, son talent particulier à se faire passer pour un sourd-muet pourrait bien être sa meilleure arme !
UN LONG SILENCE, T.2 QUE LA F¯TE COMMENCE !
dÊÉric Stalner Glénat, 56 p. coul., 13,90 € 2
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Amer béton en Tchétchénie Avec le tome 2 d’Amère Russie, le périple homérique d’une mère russe partie en Tchétchénie chercher son fils prisonnier militaire prend fin. Aurélien Ducoudray et Anlor confirment les promesses du premier album.
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hangement de décor dans ce second volume. Après lÊodyssée sous haute tension du premier tome, Ekaterina Kitaev se retrouve cloîtrée dans un immeuble en ruine de Grozny, la capitale tchétchène. Mais si lÊaction est désormais beaucoup plus sédentaire, lÊambiance générale de lÊalbum reste en revanche la même. Les troupes russes sont aux portes de la ville dévastée, les différentes milices marquent leur territoire avec violence, le ravitaillement est erratique, la mort peut frapper à tout moment. Partie de Moscou pour délivrer son soldat de fils aux mains de lÊarmée tchétchène, Ekaterina commence à douter des promesses du général Bassaiev. Sur une bravade, celui-ci avait promis aux mères russes quÊelles repartiraient avec leurs enfants si elles venaient les chercher dans son fief. La baba moscovite lÊavait pris au mot, mais quelle ne fut pas sa déception en découvrant à son arrivée un détenu qui nÊétait pas son enfant chéri. La voilà donc chargée
par Bassaiev de veiller sur cet otage en vue dÊun hypothétique échange de prisonniers.
INEXTINGUIBLES ÉTINCELLES DE VIE En réalité, le personnage principal de ce récit est bien le quotidien dÊune ville en guerre, assiégée, mise en pièces. Ce pourrait être Beyrouth ou Sarajevo, cÊest Grozny. Malgré un environnement particulièrement hostile, la vie y continue tant bien que mal, accrochée aux
© Ducoudray et Anlor / GRAND ANGLE
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quelques minutes dÊélectricité journalières et à la timide aide humanitaire de lÊONU. En distillant avec finesse les informations, Aurélien Ducoudray dresse le panorama dÊune situation géopolitique complexe et le portrait dÊhabitants aux priorités diverses et parfois contradictoires. ¤ travers cette fiction, le conflit caucasien transparait en filigrane pour le lecteur, enrichissant lÊintrigue sans lÊalourdir. Le secret des albums réussis. THIERRY LEMAIRE
c AM˚RE RUSSIE,T.2, LES COLOMBES
DE GROZNY,
de Ducoudray et Anlor, Bamboo, coll. Grand Angle, 48 p. couleurs, 13,90 €
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20 000 jours sur Terre
Passé inaperçu lors de sa sortie en salles, 20 000 jours sur Terre apparaîtrait à première vue comme un documentaire sur le rocker australien Nick Cave. Mais ce serait mal connaître lÊamour que ce dernier porte pour le cinéma. Car 20 000 jours sur Terre tient davantage de lÊinstallation conceptuelle et scriptée racontant une journée dans la vie de Nick Cave, au gré de ses rencontres et perdu dans ses rêveries. Mais sous lÊartifice émerge alors une vérité sur le besoin dÊun artiste de se métamorphoser en quelquÊun dÊautre sur scène et sur les chemins impénétrables de la puissance créatrice. Un Blu-ray Carlotta JULIEN FOUSSEREAU
LÊAffaire SK1 Tristement célèbre, la traque du tueur en série Guy Georges fut emblématique des ratés dÊun retard considérable dans les moyens scientifiques pour parvenir à le débusquer et des failles de communication entre les différents services de police. Frédéric Tellier sÊattache le plus possible à rester fidèle à la vérité des faits. Cela étant, ces mêmes faits tendent à être distordus par une recherche de lÊintensité dramatique à certains moments. Cela pose problème dans la mesure où Guy Georges nÊétait pas un serial killer hors du commun, mais un assassin compulsif ayant profité sans le savoir des ratés du système judiciaire. Un DVD M6 JF
Le Talent de mes amis dÊAlex Lutz Un film sur lÊamitié masculine et les rêves professionnels réalisés ou pas. Fait par des trentenaires mais pour toutes les générations, le film interroge sur notre capacité à être heureux. Vaste sujet sÊil en est. Alex Lutz, auteur, comédien, humoriste, metteur en scène, talentueux réalise son premier film entouré de ses amis, tous au casting. Atout et danger à la fois. Tellement doué, on attend de lui le meilleur. Et le film offre de vrais moments dÊhumour, de vérité. Les belles intentions (montrer que ÿ réussir dans la vie Ÿ est différent pour chacun) ne suffisent pas à rendre lÊintrigue passionnante de bout en bout. Des maladresses qui nÊempêchent pas de passer un bon moment. En salles LOUISA AMARA
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LE DIABLE
DANS LES DÉTAILS
Marvel et Netflix avaient toutes les cartes en main pour faire oublier le nanar gratiné avec Ben Affleck et Jennifer Garner. Malheureusement, malgré les prestations convaincantes de Charlie Cox et Vincent D’Onofrio, Daredevil souffre d’un sérieux problème d’écriture et de rythme.
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es fidèles lecteurs des sombres aventures urbaines de lÊHomme Sans Peur avaient légitimement poussé des cris dÊorfraie face au massacre du film de Mark Steven Johnson. Réalisé avant lÊavènement de Marvel Studios, Daredevil a dû attendre une décennie pour revenir dans le giron de la Maison des idées. Après la création dÊun univers cinématographique interconnecté, Marvel Television entreprend une opération similaire en multipliant les séries télévisées centrées sur Luke Cage, Iron Fist, Jessica Jones avant un grand rassemblement dans The Defenders. Ainsi, Daredevil ouvre le bal avec une volonté de revenir aux fondamentaux de la mythologie du justicier aveugle, notamment de celle instaurée par Frank Miller puis Jeph Loeb, deux des auteurs ayant su la transcender. Daredevil version télévisée est un récit des origines, celui des premiers pas de Matt Murdock / Daredevil.
UN BON P’TIT DIABLE ? Pendant la première moitié des 13 épisodes que compte cette première saison, lÊenvie dÊy croire est là. Charlie Cox rend compte avec humanité des tourments de Matt Murdock entre ses envies de vengeance et sa foi catho-
lique. LÊorientation la plus surprenante vient de son adversaire, lÊantagoniste légendaire de la saga, Wilson Fisk dit le Kingpin. Vincent DÊOnofrio lui donne, avec sa voix rauque et tourmentée, une psyché de chef de syndicat du crime peinant à sÊassumer, criblé de névroses, rêvant de raser le zone urbaine de HellÊs Kitchen pour faire sortir de terre un futur immobilier radieux. CÊest la grande idée de cette première saison : le Kingpin et ses bonnes intentions transforment sa ville en enfer urbain. Murdock et Fisk avaient suffisamment de complexité pour remplir les objectifs de cette saison. CÊétait sans compter le diktat du fan-service et un rythme devenu catastrophique dans les derniers épisodes.
LE DIABLE EN RIT ENCORE Difficile de ne pas ricaner lorsque Daredevil sÊenvisage comme le pendant super-héroïque de The Wire. Car le seul point commun quÊil partage avec la série culte de David Simon est la durée des épisodes : près dÊune heure sans publicité. Là où David Simon réussissait à radiogra-
phier lÊéchec de lÊurbanisme américain via Baltimore par son écriture dÊune densité inouïe, Daredevil multiplie les intrigues parallèles inintéressantes pour contenter la base de fans intégristes, trop heureux de voir Foggy Nelson, Ben Urich, Night Nurse... quand bien même ils nÊapportent rien si ce nÊest gonfler des baudruches avec des clichés navrants. De même, ce qui se lit sur une planche de comic en terme dÊaction ne passe pas forcément à lÊécran lorsque Daredevil se revendique comme un show ancré dans un réalisme certain et une propension à la brutalité saignante avec fractures ouvertes, criminels russes psychopathes, alors que, malgré sa réputation grandissante, tout ce petit monde souhaite dérouiller le justicier à mains nues. LÊimpressionnant plan-séquence clôturant le deuxième épisode résume parfaitement Daredevil : un climax créatif, un authentique désir dÊémancipation rapidement annihilé par le cahier des charges dictatorial et indigent de Marvel. Triste. JULIEN FOUSSEREAU
c DAREDEVIL - SAISON 1 de Drew Goddard et Steven S. DeKnight, avec Charlie Cox, Deborah Ann Woll,Vincent D'Onofrio,13 épisodes diffusés sur Netflix