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Chronique d'un jardinier composteur à La Réunion - Avril 2022

La poule amie du jardinier !

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À La Réunion, il n’est pas rare de constater que de nombreux foyers disposent toujours d’un poulailler au fond du jardin. En effet, élever des poules est chose normale pour nombre de Réunionnais, cela fait partie intégrante de nos traditions.

Cette pratique « lontan », progressivement délaissée, pourrait bientôt revenir à la mode avec l’application prochaine de l’obligation de valorisation des déchets organiques dès 2024 ! Mais avoir des poules au jardin, est-ce vraiment une bonne idée ? Quels sont les avantages et les inconvénients ?

Commencer la journée en mangeant un œuf sur le plat directement prélevé dans le poulailler, qui n’en a pas rêvé ?

En effet, face aux multiples scandales alimentaires et pour satisfaire nos besoins d’auto-suffisance, nous sommes de plus en plus nombreux à entamer une sorte de retour à la nature. Le jardin-carte-postale devient un lieu de vie, espace de production utile qui remplit différentes fonctions complémentaires :

Une fonction esthétique

Le jardin doit toujours être beau, agréable à la vue avec des différences de textures, de couleurs, de senteurs, de hauteurs et de profondeurs, le tout propice à la découverte et à l’émerveillement perpétuel.

Car un jardin vivant évolue chaque jour, chaque minute, et celui-ci se révèle à celui qui sait être attentif au moindre changement. Une lumière rasante du matin, un fruit mûr prêt à être cueilli ou l’apparition furtive d’un caméléon en chasse…

Qu’on se le dise, si les poules contribuent à la fertilisation du jardin, elles ne sont pas compatibles avec des plantations : ce sont de véritables tracteurs qui retournent chaque centimètre carré de terre. Il faut donc leur réserver un enclos.

Une fonction productive

Cultiver ses aromates est à la portée de tous et aménager des espaces pour exploiter les trois dimensions et y faire grimper une liane de fruits de la passion, de raisins ou de chouchous est très simple. Planter rapidement des arbres fruitiers, c’est s’assurer des récoltes abondantes que l’on pourra partager et échanger avec ses voisins !

Les poules ont la capacité de transformer vos déchets organiques en protéines en vous proposant des œufs frais tous les jours.

Une fonction récréative

Préserver un espace dégagé pour pouvoir y poser une chaise longue, une table à manger ou même un petit terrain de jeux est important.

Ainsi, chaque membre de la famille peut profiter de la vie en extérieur, car c’est là un privilège dont on peut jouir quasiment toute l’année sous les tropiques. Ne nous en privons pas !

Les poules sont curieuses et affectives. Elles ont, comme nous, un caractère propre et apprécient les caresses. Elles ne tarderont pas à vous reconnaître si vous passez du temps avec elles.

Une fonction pédagogique

Se promener, déambuler et observer la nature qui s’épanouit dans un jardin vivant, c’est apprendre et se confronter au monde du vivant pour mieux l’appréhender et le comprendre.

Notre connexion avec le vivant n’est pas innée, elle se tisse et se construit au fil des années grâce à des immersions répétées et une curiosité de ce qui nous entoure.

À La Réunion, nous avons la chance de vivre au cœur de l’un des 30 hotspots de la biodiversité mondiale. Il est de notre responsabilité d’en prendre conscience pour mieux le protéger.

S’occuper d’un animal, le comprendre, le nourrir, c’est un très bon moyen de se confronter aux exigences du vivant.

Avec les enfants, c’est très ludique et cela permet de les confronter très tôt au sens des responsabilités.

Une fonction patrimoniale et identitaire

Le jardin créole, au même titre que le jardin à la française ou le jardin de curé, répond à différentes règles. Il s’agit d’un lieu foisonnant où s’entremêlent plantes ornementales, aromatiques, à parfum ou médicinales pour le plus grand plaisir des yeux !

Pour ma part, j’y introduis volontiers des capillaires, dieffenbachias, anthuriums lontan, philodendrons et autres aracées qui me rappellent la « case mémé ».

Le « park poules » fait lui aussi partie intégrante de ce jardin rêvé, héritage culturel à perpétuer.

PETIT RAPPEL La poule est un oiseau de la famille des gallinacées. C’est un être vivant et sensible qui répond à des besoins physiologiques et affectifs.

Faire le choix d’élever des poules implique donc de pouvoir répondre à l’ensemble de ses besoins primaires et c’est aussi une responsabilité, au même titre que pour les autres animaux de compagnie.

Durant les deux dernières années de confinement, nous sommes nombreux à avoir investi le jardin et le potager !

Faire ses semis, rempoter, planter, éclaircir et pailler sont devenus des activités partagées en famille. Et pour répondre à un besoin d’alimentation saine et durable, tout en contribuant au recyclage des déchets organiques, installer un poulailler est devenu un incontournable.

Quels sont les besoins des poules ?

En théorie il est donc relativement simple d’élever des poules. En pratique, il faut néanmoins être attentif à différents aspects pour que cette expérience soit une réussite.

Le poulailler doit d’abord être clôturé si vous ne souhaitez pas faire de votre jardin un champ de bataille. Cela permettra aussi de protéger vos poules d’éventuels prédateurs comme les chiens errants ou même les chats si vos poules sont encore petites.

Il vous faudra également prévoir :

Un nichoir abrité en hauteur

Les poules préfèrent grimper la nuit pour être hors de portée des prédateurs. Une simple branche et une petite échelle peuvent suffire ;

Un pondoir au sec et au noir

Pour récolter facilement les œufs quotidiens ! Des plans de construction sont facilement disponibles sur internet, et pour les moins bricoleurs, il est possible d’acheter des poulaillers ;

Un abreuvoir pour de l’eau propre

Chaque poule peut boire jusque 500 ml d’eau par jour. Celle-ci doit être disponible à tout moment pour garder les poules en bonne santé ;

Une alimentation équilibrée

Les déchets organiques de la maison (jusqu’à 80 kg / an / poule) et des compléments de céréales. Les poules se chargeront aussi de picorer les insectes, vers de terre, escargots, limaces du jardin. N’oubliez pas de leur donner des brèdes et autres légumes feuilles ;

De la compagnie

Les poules sont des animaux grégaires qui ne doivent pas rester seuls. Il en faut donc au minimum deux !

De l’espace

On estime les besoins d’une poule à environ 20 m 2 , soit 40 m 2 pour 2 poules. Elles doivent pouvoir « gratter la terre », un besoin instinctif naturel chez elles ;

De l’ombre et du soleil

Les poules doivent pouvoir accéder à des zones d’ombre tout en profitant des rayons du soleil qui leur donneront toutes les vitamines nécessaires à leur bonne santé !

Le bonheur est dans le pré

On peut donc le constater : les poules au jardin répondent à de nouvelles attentes et de nouveaux besoins pour de nombreux citoyens.

Entre un retour aux racines pour certains, ou une présence animale ludique et productive pour d’autres, on assiste à un véritable engouement. Et cette pratique n’est pas forcément réservée aux propriétaires de jardins.

En résumé, les poules au jardin vous permettront de :

• Récupérer des œufs frais toute l’année (1 par jour et par poule) ;

• Gérer facilement vos déchets organiques (80 kg / an / poule) ;

• Produire un puissant engrais azoté pour le jardin (fumier de poules).

Les poulaillers collectifs en ville, pourquoi pas ?

Depuis quelques années, la ville se pense et se construit pour devenir plus verte, plus durable et plus accueillante ! On assiste à l’émergence de différentes initiatives collectives qui développent des jardins partagés, des composts collectifs, des boîtes à livres et depuis peu des poulaillers collectifs…

En effet, ces espaces de rencontre entre voisins permettent des moments d’échange et de partage de connaissances qui encouragent la mixité sociale et contribuent au bien-vivre ensemble des citoyens.

Des collectifs de bénévoles se forment dans les quartiers et inventent leur propre gouvernance pour faire fonctionner de manière autonome le compost collectif ou le poulailler collectif !

À certains endroits apparaissent même de nouveaux métiers d’avenir en lien avec ces nouvelles fonctions urbaines : « maître-composteur », « animateur de jardins » et peut-être bientôt « agriculteur urbain » !

Les poules deviennent alors un moyen fun et ludique pour développer une dynamique citoyenne participative au cœur de la cité. Elles contribuent ainsi à renforcer le tissu social et développent une plus grande résilience du quartier.

LAURENT DENNEMONT [Les Alchimistes Pei] Maître-Composteur

Passionné du vivant, il est le co-fondateur de la première microferme urbaine pédagogique de La Réunion avec Luca Piccin et y propose des formations à l’agroécologie et au jardinage naturel.

Président du « Réseau Compost Citoyen La Réunion », il développe et offre des solutions de collecte et de gestion de proximité des biodéchets en vue d’un retour à la terre.

Initiateur du centre de formation « Les Tisserands », il travaille sur les domaines de la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’agriculture urbaine, l’alimentation durable, l’économie circulaire, la transition écologique et la bioéconomie.

• https://www.alchimistes.re • https://www.lestisserands.org/

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