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Chronique

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Strasbourg vu par

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Tout va bien, par Philippe Schweyer

J’étais en train de me faire couler un bain chaud, quand mon téléphone a sonné. C’était un ami que je n’avais pas vu depuis le début du confi nement. En l’entendant, j’ai compris combien il m’avait manqué pendant tout ce temps. Ça me faisait un bien fou de l’entendre crier dans son téléphone : – Qu’est-ce que tu deviens ? – Je bosse… – Viens boire un verre ! – J’allais prendre un bain. – Tu bosses ou tu nages ? – C’est pas un temps pour sortir. – Qu’est-ce qu’il a le temps ? On s’en fiche du temps… L’amitié est plus importante que le temps ! - Je sais… - Tu prendras ton bain un autre jour. J’ai envie de savoir si tu es toujours le même. Je ne savais pas dire non. J’ai vidé l’eau de la baignoire et j’ai enfilé mon vieil imper pour le rejoindre dans un bar où nous avions nos habitudes. Arrivé en bas de l’escalier, je me suis rendu compte que j’avais oublié mon masque. J’ai remonté les marches quatre à quatre en soufflant comme un bœuf. En arrivant devant le bar, je transpirais légèrement. Mon ami a fait un mouvement de recul : – T’as pas l’air en forme. – C’est rien. – T’es sûr que ça va ? Je me suis essuyé le front d’un revers de manche. – Tout va bien. – Tu m’as manqué. Ça fait des mois que je bosse depuis chez moi. J’en ai marre de la visio ! J’ai besoin de toucher mes amis. – Moi aussi j’ai envie de te toucher, mais je fais attention. – À force d’être prudent, on va tous crever d’un manque de chaleur humaine. Sans mes amis, je suis comme une plante privée de soleil. – On n’a pas le choix. – Je veux vivre normalement ! J’ai besoin de voir la bouche des femmes que je croise dans la rue. – Sois patient. – J’ai envie de voir des beaux sourires, de faire des câlins, de te prendre dans les bras… – Tout le monde a besoin de câlins. – Tu te rends compte que ça fait des mois que je n’ai plus serré une main… Serrer une main ce n’est pas rien. - Tout le monde a besoin de serrer des mains. Mais si c’est pour être malade comme un chien, je préfère garder mes mains dans mes poches. Un jour ou l’autre, on pourra à nouveau se serrer la main et s’embrasser comme au bon vieux temps, arrête de flipper. – Je t’admire. – C’est la première fois que tu me dis ça. – Le monde est en train de muter et tu restes flegmatique… – Quoi qu’il arrive, tu seras toujours mon ami. – Et alors ? – Alors, tout va bien.

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