2 minute read

LA VIE DE L’AMICALE

Les sensibilités ont certes beaucoup évolué depuis les deux conflits mondiaux. Pendant la Grande Guerre, le chiffre journalier des pertes tournait autour de 900 morts. L’embuscade d’Uzbin, en Afghanistan, le 18 août 2008, qui a provoqué la mort de dix soldats français, a soulevé une émotion internationale, au point de provoquer à la Chambre un débat politique sur la pertinence de la présence française et internationale en Afghanistan, ainsi que sur le niveau opérationnel de l'armée française. Ce qui interroge nos contemporains aujourd’hui, ce n’est pas l’armée en tant qu’institution, reconnue par toutes les sensibilités politiques, au point qu’Alain Cohn-Bendit, qui avait choisi la nationalité allemande pour échapper au service militaire, réclame désormais son rétablissement. Ce qui interroge, c’est le rapport qui doit s’établir entre l’armée et la seule justification de cette institution, la violence d’État. Contestés dans leur usage pourtant fort modéré et ciblé de la violence, les militaires doivent désormais affronter une autre problématique, la délégation de cette violence légitime à des gens qui n’appartiennent pas à l’institution. Ainsi des sociétés militaires privées, largement utilisées par les Américains en Irak, ils étaient une dizaine de milliers, dont la plus connue était Blackwater. Le chiffre d’affaires annuel des militaires privées dépasse aujourd’hui cent milliards de dollars. Par ailleurs, l’usage massif de drones tueurs, notamment par l’US Army, pose un double problème de légitimité de la violence : dans le code moral du soldat, le fait de donner la mort n’est acceptable que dans la mesure où il accepte de mettre la sienne propre en péril (tuer ou être tué). Or les pilotes de drones Predator ou Global Hawk dans leur base de Grand Forks, dans le Dakota du Nord, non seulement ne voient jamais leurs ennemis, situés à des milliers de kilomètres, mais n’encourent strictement aucun péril pour eux-mêmes. Ainsi ces pilotes passent leur journée dans leur famille et la nuit à faire la guerre, ce qui est profondément déstabilisant, d’où également les démissions en masse de l’armée de l’Air. Il y a plus dérangeant encore. Un certain nombre des opérateurs de drones sont des personnels civils de la CIA qui se retrouvent, de facto, investis du droit de vie et de mort. Le monopole de la violence légitime échappe donc à une institution dont c’est pourtant la seule finalité. Le rapport du soldat à la violence se retrouve en définitive au cœur d’un triple conflit : - Il doit conduire des opérations de combat en n’usant de la violence qu’en tout dernier recours, quand toutes les autres possibilités de remplir sa mission sont épuisées. C’est le cas dans toutes les opérations de maintien de la paix conduites dans le cadre multinational.

Advertisement

This article is from: