L'ARMÉE DES ALPES - JUIN 1940 - APRÈS L'ARMISTICE AVRIL 1939 / FEVRIER 1941 LES VINGT DEUX MOIS D'UN LORRAIN AU Mont BARBONNET
Rédaction et mise en page par Denis SIMON fils aîné de René SIMON
Les photos sans indication de source font partie des archives de la famille SIMON René. Ce dernier n'est pas l'auteur de toutes les clichés, les appareils photos furent interdits aux hommes de troupe dès le début de 1939. Ils furent remportés à la maison à la première permission. Ensuite les photos autorisées furent prises le plus souvent par des officiers qui les distribuaient ensuite aux personnels intéressés.
Document libre de publication comme de diffusion, sous réserve d'aucune modification. Boncourt sur Meuse le 12 Décembre 2008.
1 - État civil
René SIMON
Né le 04 -12 -1918 à Boncourt sur Meuse - Département de la Meuse - Région Lorraine. Marié père de 4 enfants Agriculteur retraité ayant exercé sur la commune de Boncourt sur Meuse Domicilié : 12 rue des Malchaux à Boncourt sur Meuse 55200 COMMERCY
2 - Résumé du cursus militaire
Titulaire du Brevet de Préparation Militaire, je me suis engagé par devancement d'appel (article 63 de la loi du 31 Mars 1928) le 26 Octobre 1938 afin de pouvoir choisir mon régiment d'affectation. J'ai été incorporé au 157° RAP à Nice le 29 Octobre 1938, 2° Canonnier Servant à la 7° Batterie.
Nice - 157° RAP – Arrière de la Caserne du Quartier d'Artillerie du
Ligne de Chemin de fer vers Menton, fin 1938.
La caserne se trouvait entre les deux lignes de chemin de fer
157° RAP, fin 1938 - Instruction au Centre Mobilisateur du Cro de Cagne à Saint Laurent du Var.
Sur cette page René SIMON en diverses tenues Ci-dessus à gauche : en tenue de travail parmi des canons de 75.
Au 157° RAP les appelés arrivés fin 1938 avaient touchés les deux paquetages réglementaires : Ci-dessus à droite : en tenue réglementaire Bleu Horizon, sac à dos et couverture pliée au-dessus, devant un canon de 155 dont la culasse n'est pas équipée du cache de protection. Il neigeait ce jour là !
La nouvelle tenue réglementaire kaki.
Les caches de protection du canon de 155 sont en place sur la culasse et sur la bouche.
Après les classes, mon instruction se poursuivit sur les divers matériels aux forts de Cap Martin, Sainte Agnès, Roquebrune.
En janvier 1939, j'ai participé à un stage au Mont Agel sur les pièces de position de campagne 220 long, et 145 - 155 de marine.
157° RAP, Janvier 1939 - Instruction sur le canon de 220 au Mont Agel. En deuxième position à partir de la Gauche : René SIMON
Un des cadres de deux pelotons d'instruction deviendra célèbre
Au début de 1939 également, étant titulaire de brevet de Préparation Militaire, j'ai pu suivre plusieurs pelotons d'élèves gradés. Au cours de deux de ceux-ci, parmi les officiers d'encadrement se trouvait un aspirant dénommé Delmas sorti de la dernière promotion d'élèves-officiers de réserve de Saint-Cyr. C'était le futur Jacques Chaban-Delmas qui effectuait son stage de pratique au 157° RAP avant de commander par la suite une unité du 75° Bataillon Alpins de Forteresse.
Groupe du 1° peloton d'instruction au 157° RAP début 1939.
Au 5° rang en partant du bas et en 2° position à partir de la droite : SIMON René
Au 2° rang en partant du bas et en 7° position à partir de la droite derrière le sous-officier en képi assis se trouve l'aspirant DELMAS, futur CHABAN-DELMAS.
Finalement j'ai quitté le peloton d'élève gradés, les besoins s'étant réduits en raison du maintient en disponibilité de la classe 38, conséquence des incertitudes politiques de l'époque d'une part, et d'autre part la priorité fut alors donnée aux personnels ayant continués les études après l'école primaire.
Groupe du 2° peloton d'instruction au 157° RAP début 1939.
Au 3° rang en partant du bas et en 5° position à partir de la gauche : SIMON René. Debout au premier rang et en 4° position à partir de la gauche l'aspirant DELMAS, futur CHABAN-DELMAS
Début avril 1939, je suis affecté à la 4° Batterie du 157° RAP, basée à la caserne du Col Saint Jean prés de Sospel, et chargée des personnels destinés au fort du Castillon ainsi qu'aux deux forts du Mont Barbonnet.
Après la Mobilisation générale du 1er Septembre 1939, je suis transféré au 158° RAP qui vient d'être créé et je rejoins son détachement affecté au fort Suchet. Ce dernier constituait avec l'ouvrage CORF Maginot, l'Équipage N° 6 du Mont Barbonnet.
Vue des bâtiments de la caserne du Col Saint Jean, et début des lacets vers le col de Braus depuis le Fort Suchet fin 1939.
A la déclaration de guerre par l'Italie, le 10 Juin 1940, j'étais en disponibilité, en raison d' un problème médical au dos, je suis alors désigné comme téléphoniste à la tourelle sud "Bayard" par son chef d'équipage l'adjudant-chef Monsara, et ceci jusqu'à la fin des combats.
Début Juillet 1940, les deux forts furent évacués par l'ensemble des personnels, ne restèrent au Mont Barbonnet que le maréchal des logis Constantini et le Soldat Biron. Les personnels réservistes ont été démobilisés à Saint-Tropez, ceux d'active rejoignirent Nice, les gradés et cadres en vue d'autres affectations, les hommes de troupe pour constituer les Unités de Gardiennage prévues par les accords de la commission d'armistice avec l'Italie.
Début Août 1940, le Groupement des Unités de Gardiennage des Alpes Maritimes fut créé et son étatmajor installé à Nice. Le Sous-Groupement B rejoignit la caserne Saint Jean dans Sospel pour être réparti dans les forts de la région. Ancien du fort Suchet, je suis affecté à l'unité B1 chargée du Mont Barbonnet et basée à la caserne du Col Saint Jean, dont l'appellation officielle était : - G.U.G.D.A.M. - SOUS GROUPEMENT B - UNITE B1 - . Par roulement d'équipes de 5 hommes, nous logions 24 heures sur 24 au vieux fort du Mont Barbonnet afin d'assurer le gardiennage des deux ouvrages Suchet et CORF Maginot.
Extrait du livret militaire : "A la date du 01.01.41, le Sous Groupement B devient le Groupe d'Unités de Gardiennage d'Artillerie de la XV° Division Militaire. L'unité B1 devient l'Unité de Gardiennage 21/15. Exécution des prescriptions de la CM 7752 I/EMA du 28/11/1940."
Je suis enfin démobilisé à Marseille le 20 Février 1941.
- Témoignage :
Avril 1939 / Février 1941 - Mon séjour de 22 mois au Mont Barbonnet
Les militaires à Sospel début 1939
Jusqu'à la mobilisation générale du 1er septembre 1939, le 157° RAP disposait de deux casernes à Sospel pour ses hommes d'active, cadres et troupe :
- La caserne Saint Jean dans Sospel pour les personnels concernant les forts Saint Roch et Agaisen.
- La caserne du Col Saint Jean sans autre dénomination abritait la 4° Batterie du 157° RAP pour les personnels destinés au fort du Castillon ainsi qu'aux forts Suchet et CORF Maginot du Mont Barbonnet.
Les appelés venaient des classes 36 (maintenue en disponibilité), 37 et enfin 38 dont je faisais partie.
A mon arrivée au col Saint Jean en Avril 1939, nous étions hébergés dans un bâtiment assez récent, dans des chambrées équipées de lits de camps métalliques individuels aux sommiers constitués de grandes lamelles de ressorts disposées dans le sens de la longueur.
Bâtiment principal de la caserne du col Saint Jean dans les années trente.
Septembre 1939, Mobilisation Générale, montée au Mont Barbonnet
Après la mobilisation générale, le 1er septembre 1939, suivie le 3 de la déclaration de guerre à l'Allemagne, nous avons quitté la caserne du col Saint Jean pour pour rejoindre les forts puis les réservistes mobilisés arrivèrent, pratiquement tous originaires des Alpes Maritimes. A ce moment là, je suis transféré au 158° RAP qui venait d'être créé et affecté à son détachement résidant au vieux fort Suchet.
Commandement et Effectifs
Tous les personnels du Mont Barbonnet, affectés au fort Suchet comme au CORF Maginot, se trouvaient sous l'autorité directe du Capitaine Imbault qui commandait l'équipage N° 6 du Barbonnet. Adresse postale unique pour les deux forts après le 1er Septembre 1939 : Équipage N° 6 Secteur postal 137
Le Capitaine Imbault n'occupait pas le logement prévu pour l'officier commandant l'ouvrage et situé au fond sud de la cour d'honneur du fort Suchet, au-dessus du tunnel d'accès à la partie supérieure de l'ouvrage. Jusqu'au 10 juin 1940, il logeait dans une maison construite sur les terrains militaires de la caserne du Col Saint Jean, en bordure du chemin de servitude montant vers le sommet du Mont Barbonnet. En revanche, durant les combats il occupait une chambre au CORF Maginot.
Après septembre 1939, une grande partie des cadres venaient de la réserve. En effet jusqu'au 10 juin 1940, date de la déclaration de guerre par l'Italie, ceux d'active avaient été réaffectés au fur et à mesure des besoins pour encadrer les divers ouvrages, postes avancés et postes d'observation réactivés. Il y avait eu de nombreux mouvements dût aux divers stages de formation imposés ou souhaités qui eurent pour conséquences des promotions et par suite de nouvelles affectations...
En juin 1940, l'effectif total pour les deux forts du Mont Barbonnet était d'environ 320 à 330 hommes toutes armes confondues principalement les Alpins du 95° BAF, les Artilleurs du 157° RAP et 158° RAP ainsi que les divers personnels détachés affectés aux forts et venant du Génie, des Transmissions, de l' Intendance, de la Santé, etc...
Particularité au Barbonnet : tous les officiers étaient affectés au CORF Maginot où se situait le poste de commandement unique des deux ouvrages. Tous y logeaient également sauf un qui avait sa chambre située au vieux fort et venait y coucher tous les soirs pour assurer en même temps la fonction d'officier de permanence de l'ouvrage Suchet. La répartition des effectifs entre les deux forts était d'environ deux tiers/ un tiers, soit 210 à 220 hommes pour l'ouvrage CORF Maginot qui abritait aussi les cuisines communes aux deux ouvrages. En effet, à Suchet les fours à pain et anciennes cuisines n'étaient plus utilisées.
N'étaient en poste au fort Suchet que le personnel détaché des 157° RAP et 158° RAP nécessaire à la mise en service des deux tourelles ainsi que des Alpins du 95° BAF préposés à la défense de l'ouvrage et au fonctionnement des postes d'observation installés sur le dessus du vieux fort dont un armé d'un FM aménagé sur le haut du mur extérieur de la caponnière Sud.
Parmi les hommes de troupe, à Suchet, nous n'étions qu'une dizaine d'appelés d'active des classes citées plus haut et ils étaient entre quinze et vingt au CORF Maginot, tous les autres étaient des réservistes mobilisés, comme déjà mentionné, originaires du secteur.
L'hébergement à Suchet
Lorsque nous sommes montés aux forts du Mont Barbonnet début Septembre 1939, si le couchage avait bien été prévu au CORF Maginot, la troupe au fort Suchet s'était retrouvée à coucher à la spartiate dans des couvertures à même le béton des chambrées. Il n'y avait même pas eu possibilité de récupérer le matériel de couchage de la caserne du Col Saint Jean décrit plus haut car celui-ci avait été réquisitionné pour équiper l'hôpital de campagne installé au Col de Braus.
Étant agriculteur avant le service militaire, j'avais alors confectionné des paillasses en toile de jute comme on en avait à la ferme. Les enveloppes des paillasses étaient fabriquées avec la toile récupérée des sacs de jute dans laquelle la viande était livrée aux cuisines du fort CORF Maginot. Ces enveloppes étaient ensuite remplies de paille de blé.
Un réserviste originaire de Marseille, ferronnier de métier, avait lui confectionné des lits en utilisant des piquets de fer prévus pour les réseaux de barbelés. Les sommiers étaient constitués d'un treillage en fil de fer. Il y avait même têtes et pieds de lits ! L'assemblage se faisait avec des rivets car au vieux fort, il n'y avait pas d'équipement pour souder. Cela a pris plus de deux mois pour installer tout le monde, le plus long ayant été la récupération de la toile de jute, ce qui ne se faisait qu'au fur est à mesure des livraisons de viande aux cuisines du CORF Maginot.
La vie au fort Suchet et relations entre les personnels des deux Forts
Au vieux fort, hommes de troupe, en dehors des premiers désagréments de couchage commenté cidessus, nous avions, comme nos sous-officiers, un énorme avantage par rapport aux personnels du CORF Maginot : nous étions à l'air libre, nous voyions le ciel tous les jours. En effet nous n'avons pas connus les désagréments de la ''bétonnite'' subie par les anciens ayant occupés les ouvrages de la Ligne Maginot et nous disposions même d'un terrain de sport sur le dessus du fort prés de la tourelle sud ''Bayard''.
A partir de Septembre 1939, les anciens de la 4° batterie à la caserne du Col Saint Jean affectés à Suchet et au CORF Maginot ne se rencontraient plus que rarement. Il n'y avait pas de liaison directe entre les deux ouvrages et le seul moyen de communication était le chemin extérieur normal. Seule une nécessité de service permettait à un homme de troupe de circuler hors des ouvrages.
Ceux du CORF Maginot avaient toutefois la possibilité de monter à Suchet pour assister à la messe chaque dimanche et jours de fêtes. Celle-ci était le plus souvent célébrée par le brigadier Blanchard, en temps de paix curé de l'Escarène, réserviste lui aussi, affecté au poste de commandement de tir du CORF Maginot et qui faisait fonction d'aumônier pour les deux ouvrages. Après l'Office, tout le monde disposait d'un peu de temps libre pour discuter.
Par beau temps, il y avait aussi parfois des séances de cinéma organisées par le foyer du soldat dans la cour du vieux fort, mais vu l'heure tardive pour bénéficier de l'obscurité nécessaire, il n'y avait guère possibilité de s'attarder une fois les séances terminées.
Messe au Barbonnet dans la cour d'honneur du Fort Suchet, un dimanche d'automne 1939. L'autel est installé devant le tunnel sud. Le célébrant est un officier de réserve rappelé, venant du secrétariat de l'évêché de Nice. Il ne resta pas longtemps au Barbonnet.
Debout à droite tête nue, se trouve le Brigadier BLANCHARD en temps normal curé de l'es carène, réserviste rappelé lui aussi. Il était affecté au PC des deux Forts et faisait en plus fonction d'aumônier.
Le même jour, l'assistance. A noter la diversité et parfois l'ancienneté des uniformes en raison de la présence d'une majorité de réservistes, troupe comme cadres, qui venaient d'être mobilisés.
Les repas aux Forts
Le mess sous-officiers était commun pour les deux ouvrages et situé au fort Suchet, celui des officiers était au CORF Maginot et pour la troupe, chaque fort avait son propre réfectoire. A noter que troupe et cadres avaient les mêmes repas. Comme déjà mentionné plus haut, les cuisines de Suchet n'étaient plus utilisées, tous les repas étaient donc préparés dans les cuisines modernes du CORF Maginot.
Les repas pour ceux qui se restauraient au vieux fort étaient montés par les personnels des cuisines, ceci même pendant les combats de juin 1940. Les lacets du chemin entre Maginot et Suchet situés sur le versant Ouest du Mont Barbonnet étaient toutefois à l'abri de la vue des observateurs italiens et des tirs directs. Aucun incident ne fut à déplorer.
L' usine électrique du CORF Maginot
La production d'électricité de la centrale du CORF Maginot était très supérieure aux besoins des deux ouvrages du Barbonnet ainsi que de ceux des bâtiments du Col Saint Jean, le surplus produit était envoyé vers les ouvrages du Cap Martin par câbles souterrains.
Juin 1940 - Téléphoniste à la tourelle sud ''Bayard''
Jusque début juin 1940, je faisais partie du personnel affecté à la tourelle nord ''Jeanne d'Arc'' mais sans fonction précise, j'étais en jargon militaire en disponibilité, car exempté de travaux pénibles et de port de charges lourdes en raison d'une anomalie médicale constatée à la colonne vertébrale.
A la déclaration de guerre par l'Italie, le 10 juin, il y eut quelques mouvements de personnel pour ajuster les effectifs des équipages des ouvrages du Secteur, sans affectation ''guerre'' officielle, je devais quitter le Barbonnet et le fort Suchet. J'y restais toutefois, l'adjudant-chef Monsara chef de la tourelle sud ''Bayard'' m'ayant récupéré dans son équipe pour occuper le poste de téléphoniste afin d'assurer la liaison par fil entre la tourelle et le poste de commandement de tir situé au CORF Maginot.
Contrairement à l'ouvrage Maginot où les blocs de tir étaient reliés au poste de commandement de tir par des transmetteurs d'ordres assez sophistiqués, au fort Suchet, le téléphone était le seul moyen de communication entre les tourelles et le PC de Tir du Barbonnet situé au CORF Maginot. Téléphoniste fut ma seule fonction à la tourelle sud ''Bayard'' car suite à mon cas médical exposé plus haut, je n'avais pas poursuivi les formations sur les tourelles Mougin, ni même participé à des exercices, j'ignorais donc les tâches spécifiques de chacun des postes.
Éléments d'un ordre de tir
Un ordre de tir se décomposait en coordonnées de l'objectif (direction - azimut - distance), type d'obus ( anti-personnel ou destruction de matériel), type de fusée de mise à feu, charge de poudre (nombre de gargousse variant de 1 à 4), et enfin caractéristique du tir (nombre de coups ou feu à volonté). Tous ces termes étaient codifiés afin de simplifier les transmissions d'ordres.
Les servants préparaient l'obus du type demandé, y montaient la fusée souhaitée et l'engageait dans la chambre de la première pièce de 155, ils disposaient ensuite le nombre de gargousses de poudre suivant la charge demandée et fermaient la culasse. Les deux pièces de la tourelle tirant toujours simultanément, la même opération se répétait immédiatement pour le second canon, lorsque les deux pièces étaient prêtes à tirer, le chef de tourelle faisait alors exécuter le tir.
Le PC de Tir du CORF Maginot disposait de canevas panoramiques de tous les secteurs couverts par les deux tourelles de 155 du Barbonnet avec les indications de toutes les coordonnées de tir pré-calculées.
Humidité gênante
En juin 1940, il y avait beaucoup d'humidité ambiante à l'intérieur du vieux fort Suchet. La mise à feu automatique des deux pièces de 155, modèle Bange, à l'aide du circuit électrique prévu ne fonctionnait pas toujours comme souhaité. Aussi la plupart du temps, le chef de tourelle réglait donc la direction de tir sur le curseur circulaire, puis les servants manœuvraient manuellement, afin de mettre les repères en correspondance, enfin le tireur provoquait manuellement la mise à feu.
De même pour le téléphone, cette humidité de l'air rendait assez difficile l'établissement des liaisons avec le PC de tir et, lorsque cela fonctionnait les communications étaient très souvent brouillées et parfois inaudibles.
Bienfaits de l'inexpérience et des problèmes de téléphone
Le matin d'un des premiers engagements en combat de la tourelle sud ''Bayard'', j'avais reçu un ordre de tir du PC du CORF Maginot. Je n'en avais pas bien compris la totalité en raison du mauvais fonctionnement du téléphone auquel s'ajoutait mon manque d'habitude à certains termes techniques utilisés. Tout cela m'avait un peu dérouté. J'ai immédiatement appelé l'adjudant-chef Monsara qui reprit le téléphone pour se faire confirmer les détails de l'ordre par le PC de Maginot. Cela prit un bon moment du fait que l'on ne parvenait pas à rétablir la communication. Enfin, la demande de tir étant cette fois bien totalement enregistrée, il fit procéder à son exécution. Alors que l'obus de la première pièce venait d'être engagé et que les gargousses de poudre allaient être placées, j'ai reçu un nouvel appel du CORF Maginot qui ordonnait de stopper immédiatement l'exécution du tir demandé.
Ainsi venaient d'être épargnées les vies des Alpins d'un Poste Avancé. Le PC de secteur à l'origine de la demande de tir au PC du Barbonnet avait en effet mal compris le message d'un poste d'observation qui signalait le poste en question comme étant menacé d' encerclement par l'ennemi. Une confusion dans les termes employés avait abouti au fait que la situation de ce poste avancé avait finalement été interprétée par le PC de secteur comme étant pris et désormais occupé par les Italiens.
C'est ainsi que notre tourelle devait exécuter un tir pour la destruction totale de l' ouvrage, ce qui, sans les contretemps détaillés ci-dessus, aurait été désastreux pour nos Alpins qui l'occupaient toujours. Pour décharger la pièce, il aurait été nécessaire de sortir à l'extérieur sous les tirs italiens afin de refouler l'obus par la bouche du canon, et de plus cela n'était pas sans risque car la fusée de l'obus était armée. Afin de ne pas exposer inutilement du personnel, le Général commandant le Secteur ordonna l'exécution du tir vers l'Italie en début d'après-midi.
Les Bombardements italiens
Du 10 au 25 Juin 1940 les Italiens effectuèrent des bombardements nombreux et parfois intenses, mais sans finalement de gros dégâts au Barbonnet, si ce n'est qu'une fois notre tourelle sud ''Bayard'' fut bloquée par un éclat d'obus tombé entre la coupole et la paroi du puits. A force de mouvements de rotation effectués manuellement par l'ensemble des servants, elle put être débloquée et remise en état de tir normal au bout d'une demi-heure environ.
Un autre jour, la tourelle sud ''Bayard'' n'étant pas sollicitée, je me trouvais à bavarder avec l'adjudant-chef Monsara et un brigadier, appuyés tous les trois contre le bord d'une table placée sous la voûte de l'entrée du tunnel au sud de la cour d'Honneur. Un obus était alors tombé sur le haut du mur au coin Sud-Est de cette cour presque au dessus de nous, le souffle nous avait tous trois projetés plus loin à l'intérieur sous le tunnel, par chance, personne n'avait été blessé.
Une autre fois, lors d'un tirs italien plus violent que d'habitude, des Cadres qui montaient du CORF Maginot vers Suchet ''plongèrent'' par reflex le long du chemin afin de s'abriter et l'un deux se retrouva le visage pratiquement sur une ''sentinelle'' abandonnée, cette mésaventure ne manqua pas de faire le tour des popotes et amusa beaucoup les personnels des deux forts. Plusieurs Sites Internet montrent les photos des restes de latrines aménagées au bord de ce chemin. En juin 1940, elles n'existaient pas et furent sans doute construites par les Allemands et peut-être les Américains qui occupèrent ensuite les forts en 1943 puis 1944.
Un poste d'observation armé d'un FM installé par les Alpins à ciel ouvert et occupé par trois hommes dont un Sergent était aménagé sur le haut extérieur du fossé de la Caponnière Sud. Lorsque les combats s'intensifièrent après le 22 juin, il fut pris une fois pour cible par une batterie légère italienne. Les coups devenant de plus en plus précis, le Sergent prit l'initiative de se replier à l'abri du fort. Sur le moment, son Lieutenant l'accusa d'abandon de poste, toutefois, le calme revenu, le ton changea et son initiative fut autrement appréciée lorsque fut constaté l'état de ce qui restait des équipements d'intendance laissés sur place.
Lorsque je suis revenu au Mont Barbonnet en Août 1940 avec le Groupe de Gardiennage, on ne voyait pas de traces de dégâts importants, occasionnées par les bombardements italiens, tant sur le dessus du fort que sur les murs de contre-escape du vieux fort.
Incident de tir du 22 juin 1940 au Bloc N° 2 de l'ouvrage CORF Maginot
Cet événement a profondément marqué tout l'équipage du Barbonnet et de ce fait ce fut aussi le sujet principal de toutes les conversations jusqu'à l'évacuation des forts début Juillet 1940.
Local de la pièce accidentée, le canon actuel a été réinstallé en juin 1986.
Tous ceux qui y sont revenus, en Août 1940 et les mois suivants, tant pour le gardiennage que pour les opérations d'entretien ou de démilitarisation, n'ont pas manqué aussi de l'évoquer à maintes reprises.
Certains situent l'événement vers 1h 35 du matin, ceci est totalement erroné, et sur ce point je suis formel, ce matin là, tous les rapports officiels tout comme les comptes rendus des postes avancés en font également fois, l'attaque générale Italienne à débuté aux alentours de 08h00.
Ce matin là, j'étais à mon poste de téléphoniste à la tourelle sud ''Bayard'', mon chef, l'adjudant-chef Monsara, était lui aussi présent. Vers 10 heures, j'ai reçu par fil un message du PC de Tir du CORF Maginot nous avisant qu'un accident venait d'avoir lieu au Bloc N° 2 peu de temps auparavant. Un des deux canons de 75 avait explosé, tuant sur le coup deux des membres de l'équipage : Fernand Boutigny et Joseph Lloret.
Il y avait aussi deux blessés grièvement touchés et quatre blessés légers. Le chef de pièce, le maréchal des logis-chef Albert Michel, l'un des blessés gravement atteint, fait lui-même aussi mention de cette heure dans ses témoignages. D'autre part les servants de la pièce voisine, tout l'ensemble des personnels présents au PC central ainsi qu'au PC de tir du Bloc N° 2, et surtout ceux qui ont participé aux opérations de secours étaient très bien placés pour préciser l'heure de l' accident
Fernand Boutigny fut l'un de mes compagnons de chambrée d' Avril à Septembre 1939 à la 4° Batterie du 157° RAP lorsque l'on séjournait à la caserne du Col Saint Jean, il était père de deux filles jumelles.
A
On lit aussi diverses hypothèses sur les causes de cet accident, le maréchal des logis Constantini responsable du matériel du parc d'artillerie pour l'ensemble des deux forts du Mont Barbonnet, avait conclu son rapport en en déclarant que l'accident résultait de la surchauffe de la pièce qui avait provoqué l'explosion de la munition venant d'être engagée dans la culasse, ceci en raison des tirs très rapprochés de l'ordre en cours. Le Bloc N° 2 exécutait en effet à ce moment-là un ordre tir en feu à volonté pour stopper l'attaque massive italienne sur des postes avancés à l'Est au Sud-Est de Castellar.
Sur ce point est aussi avancée l'hypothèse d'un ordre de cesser le feu ayant stoppé le tir, et que de ce fait la munition restée engagée aurait explosé suite à l'échauffement de la culasse. Ceci est également erroné, les survivants et les personnels de la pièce voisine comme ceux des divers PC cités plus haut n'ont jamais fait état d'un tel ordre et encore moins Albert Michel, le chef de la pièce en cause, qui était sans aucun doute, le mieux placé pour savoir quel le dernier ordre qu'il avait donné avant d'être grièvement blessé.
L'événement a été souvent évoqué avec le maréchal des logis Constantini entre Août 1940, date de mon retour au Barbonnet avec le Groupe de Gardiennage, et Novembre 1940, date de son départ sa dernière mission aux forts terminée, ses conclusions étaient formelles : au Mont Barbonnet, il ne fut jamais question d'erreur humaine, de sabotage ou de défaut de fabrication, et l'examen approfondi de la pièce éclatée excluait aussi l'éventualité d'un obus resté dans le tube du canon suite à un raté du coup précédent.
22 Juin après-midi - Inhumation des victimes, les tourelles poursuivent le combat
Joseph Lloret était l'ordonnance du capitaine Imbault commandant l'équipage du Mont Barbonnet. Pour cette raison, ce dernier refusa d'utiliser deux des caveaux prévus d'origine et aménagés au vieux fort. Il ordonna de creuser les tombes au Col Saint Jean, et décida aussi de l'organisation d'une cérémonie militaire.
Comme déjà dit plus haut, les bâtiments de la caserne et les lacets du Col Saint Jean étaient à l'abri de la vue des observateurs italiens tout comme des tirs directs.
Celle-ci eut lieu l'après-midi même du 22 juin 1940, malgré les combats en cours, pendant ce temps les deux tourelles prirent le relais du Bloc N° 2 du CORF Maginot qui était hors de combat. Ce fut pour toutes les deux la première grosse journée de combat pour appuyer les ouvrages avancés situés le long de la frontière italienne depuis l'Est du Barbonnet jusqu'à Menton. Cela se répéta les deux journées suivantes, les 23 et 24 juin 1940.
Les tombes furent creusées à l'arrière de la maison occupée à l'époque par le Capitaine, après le virage, sur la gauche du chemin de service montant vers le sommet du Mont Barbonnet, elles se situaient entre le chemin et les bâtiments militaires.
Tous les personnels des deux forts avaient souhaités que les corps de leurs camarades soient inhumés dans des cercueils, ceux-ci furent confectionnés par deux servants de la tourelle sud ''Bayard'' originaires de Savoie et menuisiers de profession. Pour cela, ils utilisèrent les tables en bois du Mess sous-officiers du vieux fort.
Photo prise en Août 1940 depuis le dessus du fort Suchet, au bord du fossé, on distingue au premier plan le sommet de la contre-escarpe sud-ouest et sur la droite le dôme de sa guérite d'observation.
Les tombes se trouvaient au dessus du virage, sur la gauche du chemin, entre celui-ci et les bâtiments à l'arrière de la maison occupée par le Capitaine.
Vue actuelle de la maison occupée par le Capitaine Imbault en 1940.
Les tombes devaient se trouver aux environs de l'endroit où est stationnée la voiture.
Service à la Tourelle pendant les combats
Une chambrée entière était affectée à chaque tourelle soit environ plus d'une vingtaine d'hommes. La chambre de la tourelle nord ''Jeanne d'Arc'' se situait juste à gauche à la sortie du tunnel nord d'accès à la cour d'honneur et celle de la tourelle sud ''Bayard'' qui se dénommait ''Du Breton'' était elle au fond à gauche de la cour juste avant l'entrée du tunnel sud. A chaque alerte, tout le monde montait à sa tourelle d'affectation, la durée de présence y variait selon les circonstances, tout comme les tirs effectués.
En général, nous étions déjà alertés par les tirs du CORF Maginot. Les tourelles n' intervenaient que sur des objectifs importants comme des destructions d'ouvrages, des groupes d'hommes importants, ou pour effectuer des tirs de barrage lors d'attaques en masse, etc... et comme écrit plus haut, après l'accident du Bloc N° 2, les tourelles pallièrent à la mise hors de combat du CORF Maginot.
Je me souviens, lors de ses trois journées des 22, 23 et 24 juin 1940, de l'exécution par la tourelle sud ''Bayard'' d'un ordre de tir à volonté qui fut constitué d'une série de plus de 50 tirs simultanés des deux tubes de 155.
Je reviens sur le fait que les réservistes étaient pour la plupart originaires des Alpes Maritimes, durant les attaques italiennes, ils furent toujours immédiatement à leurs postes et très actifs, ils avaient conscience de lutter contre l'invasion de leur Département par les troupes italiennes.
25 juin 1940 - Armistice avec l'Italie
Une zone démilitarisée de 50 km à partir des lignes atteintes par les Italiens pendant les combats fut instaurée, et les Italiens restèrent sur ces positions après le 25 juin. Les seuls Italiens que j'ai vus jusqu'en février 1941 furent les Officiers qui effectuaient les visites de la commission mixte d'armistice. Cela fut scrupuleusement respecté par les Italiens jusqu'en novembre 1942, date où les Allemands envahirent la zone libre. Les Italiens occupèrent alors partiellement les Alpes et la Provence.
Ce respect scrupuleux de la convention d'armistice par les Italiens jusqu'en 1942 me fut confirmé par la suite par un sous-officier du Génie qui était venu plusieurs fois au Barbonnet lorsque je faisais partie de l'unité de gardiennage. Son appartenance au Génie permettait de circuler facilement le long de la frontière des Alpes. Je l'avais revu fin 1943 à Commercy, tout près de chez moi en Meuse, où, bien que sous occupation allemande, il dirigeait alors une équipe du Génie venue reconstruire un pont détruit en 1940.
A gauche : pont de chemin de fer détruit sur la Bévéra et entrée du Tunnel du Grazian coté Sospel. De dos l'adjudant-chef MONSARA qui commandait la tourelle sud ''Bayard'' au Barbonnet.
A droite : sortie du Tunnel du Grazian vers Breil, viaduc métallique détruit. Photos prises fin juin 1940 après les combats.
Solidarité lors de la liquidation du Foyer
Le Barbonnet devant être évacué, il fut procédé à la liquidation de l'actif du foyer du soldat commun aux deux forts. Le solde de la Caisse fut alors réparti entre les hommes de troupe. Le brigadier Blanchard cité plus haut en sa qualité d'aumônier se tenait à la table du Trésorier Payeur et recevait les dons de chacun pour aider les enfants de Fernand Boutigny. Il avait été chargé de se remettre à la famille les fonds ainsi récoltés.
Juillet 1940 Évacuation du Mont Barbonnet
Début Juillet 1940, en dehors du Soldat Biron et du maréchal des logis Constantini, responsable cité plus haut du parc d'artillerie, restés pour assurer la présence française en vertu de l'article 4 de la convention d'armistice franco-italien, tous les personnels quittèrent le Barbonnet. Les réservistes furent démobilisés à Saint-Tropez. Les hommes de troupe d'active des classes 36, 37 et 38 partirent pour Nice en vue de constituer les Unités de Gardiennage, tous les Cadres d'active rejoignirent aussi à Nice pour de nouvelles affectations.
En attendant la création des unités de gardiennage, j'ai participé à Menton au déménagement d'armes et munitions du Cap Martin et d'ouvrages voisins, la plupart des matériels étaient embarqués à destination de la Corse et de l'Afrique du Nord.
Le maréchal des logis Constantini me rapporta, après mon retour au Barbonnet avec l'équipe de gardiennage, qu'en Juillet 1940 ils eurent la première visite de la commission mixte franco-italienne. Dès l'arrivée, un Officier italien demanda à visiter le Bloc N° 2 du CORF Maginot. Les Italiens avaient en effet jusqu'à à ce moment-là la conviction que l'arrêt des tirs était de résultat d'un coup direct de leur artillerie, en effet à ma connaissance, il n'y avait plus eu de tirs effectués par le CORF Maginot après l'accident.
Le petit-fils d'un ancien Cadre du 157° RAP m'a rapporté récemment que son grand-père lui avait fait part plusieurs fois d' avoir vu le canon de 75 éclaté du Bloc N° 2 à Fayence, dans le Var, lorsqu'il y gérait le regroupement des matériels destinés à être livrés aux Italiens. (Article 10 de la convention d'armistice, armes ayant été engagées durant les combats contre les troupes italiennes, à la demande expresse des Italiens.)
Août 1940 Retour au Mont Barbonnet pour le Gardiennage
Le Groupement des Unités de Gardiennage des Alpes Maritimes fut créé en Août et son état-major basé à Nice, le Sous-Groupement B avait rejoint Sospel installé à la caserne Saint Jean située dans Sospel pour être répartis dans les forts de la région. Étant ancien du Barbonnet, j'avais été affecté à l'unité B1 stationnée à la caserne du Col Saint Jean ainsi qu'un camarade qui étais avec moi depuis mon arrivée au 157° RAP à Nice. Nous retrouvions ainsi nos équipements d'avant Septembre 1939.
L'appellation officielle de notre groupe était : G.U.G.D.A.M. - SOUS GROUPEMENT B - UNITE B1, Nous étions environ une quinzaine et par groupes de cinq, nous résidions 24 heures sur 24 au Mont Barbonnet pour y assurer le gardiennage des deux forts Suchet et Maginot. Nous logions au poste de garde de la cour Nord, situé à droite de l'entrée du tunnel permettant l'accès à la cour d'honneur.
Notre unique tâche était de faire acte de présence, les allées et venues diverses étant déjà contrôlées à la caserne du col Saint Jean par laquelle il fallait impérativement passer pour emprunter le chemin de service menant aux forts.
La plupart du temps, dans la journée, la garde s'effectuait devant le bloc N°1, entrée de l'ouvrage CORF Maginot qui contrôlait également le chemin d'accès au vieux fort Suchet. Debout à droite René SIMON, Photo prise en Août 1940.
Jusqu'à son départ en Novembre 1940, le maréchal des logis Constantini supervisait les opérations d'évacuation et de démantèlement ainsi que les travaux d'entretien divers.
Dès courant Juillet, en application de l'article 5 de la convention d'armistice, des unités du Génie renforcées par divers personnels avaient commencé à évacuer armes et munitions du Mont Barbonnet, tout comme pour les autres ouvrages alentours, à destination de la Corse ou de l'Afrique du Nord
Les armes fixes ne furent que désactivées comme les deux tourelles du fort Suchet ainsi que les armes spécifiques d'ouvrages. La poudre des 4 canons de 155 des tourelles stockée à la poudrière fut brûlée dans un fossé du fort Suchet.
D'Août 1940 jusqu'au 20 Février 1941, je n'ai vu que de 4 ou 5 visites effectuées par un Officier italien de la commission mixte franco-italienne d'armistice.
Au cours de l'une d'elle, vers fin Septembre 1940, le maréchal des logis Constantini se fit rappeler à l'ordre car il tardait à livrer un lot d'armes et de munitions réclamé par les Italiens comme stipulé à l'article 10 des clauses de l'armistice : "armes... appartenant aux unités qui ont été engagées ou déployées de quelque façon que ce soit contre les forces armées italiennes".
Le bloc N°1, entrée de l'ouvrage CORF Maginot, Photo prise en Août 1940.
Accroupi à droite René SIMON avec ses compagnons de l'unité B1 du Groupement des Unités de Gardiennage des Alpes Maritimes
Permission Permanente
Le 29 Octobre 1940, date l'anniversaire des 2 ans de mon incorporation, il me fut délivré une permission permanente de rentrer à 23 heures, en effet j'aurais dû normalement être démobilisé à cette date, toutefois l'armée à cette époque faisait traîner les choses en longueur pour ceux comme moi qui étaient originaires de la Zone Occupée, en espérant aboutir à leurs rengagements dans les rangs de l'armée d'Armistice en cours de constitution en Zone Libre.
11 Novembre 1940 Hommage aux deux Victimes de juin 1940
Un adjudant-chef du Génie qui assurait la maintenance des installations électriques des ouvrages du Secteur de Sospel avait reçu du Souvenir Français mission d'organiser une cérémonie aux tombes des deux victimes du 22 juin 1940 et d'y déposer une cocarde tricolore sur chacune des tombes.
Ce jour là j'étais de service au Barbonnet, et ce sont mes camarades restés au Col Saint Jean qui rendirent les honneurs militaires sous les ordres de ce gradé.
J'ai reçu en juin 2008 la visite des deux filles de Fernand Boutigny qui m'ont communiqué la photo des tombes provisoires au Col Saint Jean ci-dessous venant de leur grand-mère.
A gauche BOUTIGNY Fernand, à droite LLORET Joseph
C'est en revoyant les cocardes tricolores sur les croix que cette cérémonie du 11 Novembre 1940 m'est revenue en mémoire. Sur la photo, les cocardes apparaissent encore en très bon état, cela me permet de dater vers fin 1940 - début 1941, ce document venant de leur Grand-mère.
J'ai aussi appris par la famille qu'en 1949, le corps de Fernand Boutigny fut transféré au cimetière de Lorgues, dans le Var, où il habitait chez sa mère. Son nom figure désormais sur le Monument aux Morts de cette ville.
Je n'ai cependant pas la moindre information sur le lieu où repose maintenant Joseph Lloret.
Démobilisation
Finalement, j'ai été démobilisé à Marseille le 20 Février 1941, j'avais indiqué comme adresse de retour La Croix Blanche par Plôtes en Saône et Loire située en zone libre tout près de la ligne de démarcation. J'ai donc passé cette ligne clandestinement pour retourner à la ferme familiale de Boncourt sur Meuse.
Difficultés pour obtenir la Carte du Combattant
En dehors de ma participation aux combats contre l'Italie avec l'Armée des Alpes, étant rentré à Boncourt sur Meuse pour y reprendre mes activités d'agriculteur, je n'ai pas eu d'autre activité militaire ou civile pouvant être validée en plus pour obtenir la carte du combattant.
Pour l'Armée des Alpes et le Secteur Fortifié des Alpes Maritimes en particulier, le ministère des Anciens Combattants ne reconnaissait, par de savants calculs, que 77 jours validés aux Unités Combattantes des Alpes pour les 15 jours entre le 10 juin 1940, déclaration de guerre par l'Italie, et le 25 juin 1940, date de la signature de l'Armistice avec cette dernière. Pourtant nombreuses furent les unités en poste sur le terrain dans la montagne le long de la frontière comme dans les divers ouvrages fortifiés, ceci dès le 3 Septembre 1939, date de la déclaration de guerre à l'Allemagne. Il y eu de nombreuses interventions pour faire évoluer la situation injuste, dont celles souvent répétées de Jacques Chaban-Delmas qui connaissait bien la situation puisque lui-même avait commandé une unité du 75° Bataillon Alpins de Forteresse dans les Alpes en juin 1940.
Ces 77 jours validés étaient insuffisants car il fallait 90 jours validés pour obtenir la carte du combattant et les avantages qui y étaient associés! Elle ne me fut finalement accordée qu'en juin 1996 en application d'une décision du 30/05/1996, soit 51 ans après la fin de la guerre 1939-1945.
Enfin était reconnue la valeur des combattants de cette Armée des Alpes qui fut pourtant La Seule à avoir vraiment honoré la Devise de la Ligne Maginot : ON NE PASSE PAS
Boncourt sur Meuse le 12 Décembre 2008.
René SIMON