InterstIces asbL
Etude de faisabilité pour la mise sur pied d’un projet solidaire incluant les publics habituellement exclus des réseaux citoyens.
Première étape du projet sur le territoire communal de FOREST de juillet à décembre 2013 : état des lieux des freins à la participation selon les points de vue des publics visés et des participants aux SEL bruxellois.
réseau
selidaire 1
I Introduction II Le cadre de l’étude de faisabilité – Phase 1 III Méthodologie IV Description des quatre étapes du processus V Réflexions VI Recommandations
1 9 14 16 46 51
Agir quelque par t ...
2
2
I Introduction
1 Préambule 2 Le contexte 2.1 Système d’Echange Local �SEL/LETS� 2.2 Les SEL en région bruxelloise 2.3 Les Repair Cafés 3 Le projet Selidaire 3.1 Au départ du projet, un constat 3.2 Objectif général du projet 3.3 Les publics du projet Selidaire 3.4 Les différentes phases du projet Selidaire 4 Présentation de l’initiateur du projet Selidaire
...les SEL permettent plus de contacts sociaux avec la communauté, un accès à plus de soutien, et la possibilité de nouer de nouvelles amitiés... 1
1 Préambule Les pages qui suivent constituent le rapport d’activité présentant l’ensemble de la démarche initiée par l’asbl Interstices, dans le cadre de l’étude de faisabilité pour la mise sur pied du projet SELIDAIRE. Elles débouchent sur un ensemble de réflexions et de recommandations élaborées en conclusion de cette étude de faisabilité. Ce rapport a été élaboré en équipe grâce à la contribution de tous ses membres : –– Elisabeth Mullier, chargée de projet, licenciée en sciences politiques, –– Julien Ledent, stagiaire de l’Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication (ISFSC), –– Philippe Mullier, président de l’asbl Interstices, ingénieur civil et docteur en sciences appliquées, –– Farida Boujraf, initiatrice du projet, fondatrice de l’asbl Interstices, licenciée en psychologie clinique et sociopsychologie.
L’étude de faisabilité a été financée par un budget fédéral, dans le cadre de la politique urbaine (Politique des Grandes Villes - PGV 2013) qui prévoit de confier sa gestion au niveau communal avec pour objectifs stratégiques de renforcer la cohésion sociale des quartiers en difficulté, via une mixité sociale et culturelle, contribuer à la réduction de l’empreinte écologique des villes, soutenir le rayonnement des villes. Dans le cadre de ce financement, les priorités locales sont l’insertion socioprofessionnelle, l’égalité entre hommes et femmes, la diversité et l’interculturalité, la participation des habitants. Outre le financement PGV, le projet a bénéficié d’une aide complémentaire pour la publication et la diffusion de ce rapport. Cette aide nous a été octroyée par le secteur Affaires Sociales de la COCOF, et plus particulièrement grâce au soutien de Mr Rachid Madrane, secrétaire d’état à la Région de Bruxelles Capitale et Ministre des affaires sociales et de la famille. Très vite, au démarrage du projet nous serons confrontés à une série de questions dont celle du comment qualifier correctement
les publics dont nous parlons lorsque nous évoquons ces personnes qui ne sont pas activement représentées ou présentes au sein des initiatives citoyennes dont il est ici question. Publics visés ou personnes défavorisées, personnes isolées, fragilisées ou en rupture ? Lorsque nous parlons des primo-arrivants, des personnes âgées en fracture numérique, des travailleurs immigrés restés analphabètes, encore actifs ou sans emploi, des retraités vivant à domicile ou en maison de repos, des personnes isolées, ... se pourrait-il qu’un seul terme désigne valablement autant de différences ? Très vite aussi, nous devons organiser la possibilité de rencontrer les publics visés par notre action et formaliser nos intentions, baliser notre intervention et identifier les rôles de chacun des partenaires dans ce projet. En tant que promoteur de l’étude de faisabilité (première phase du projet), Interstices asbl a défini ses intentions et négocié la collaboration grâce à laquelle nous pourrons rencontrer les publics visés par notre projet en nous adressant à plusieurs associations forestoises qui sont présentées dans les pages qui suivent. Nous remercions ici toutes les personnes qui ont rendu ce projet possible et ce rapport réel par l’apport de financements d’une part et par l’apport de contacts avec les publics fréquentant leurs associations, par la mise à disposition de leurs locaux, le partage de leur disponibilité, de leurs réflexions, de leurs compétences et de leurs encouragements.
2 Le contexte Nul besoin de revenir longuement sur le fait que notre société traverse une importante crise économique jouant sur différents aspects de la réalité des citoyens. Face à ces constats, conscients de l’urgence mais confiants qu’ “un autre monde est possible”, de nombreux citoyens décident d’agir sans attendre que les initiatives émanent du monde politique. A l’échelle de leur quartier ou de leur commune, avec ou sans le soutien des pouvoirs publics, ils mettent en place des projets alternatifs
2
2
et collectifs, tels que potagers collectifs, donneries, achats groupés, échanges de services et de savoirs, utilisation de monnaies locales, ateliers de cuisine, et autres projets à dimension “durable” (alimentation durable, etc.) Les initiatives citoyennes auxquelles nous nous référons s’inscrivent dans un mouvement sociétal plus large, de plus en plus souvent identifié comme phénomène de “Transition”. Ces projets, liés explicitement ou non au réseau mondial des initiatives en transition1 initié en Angleterre en 2006, visent à mettre en place des solutions concrètes et viables face aux problèmes actuels et à venir, dans l’optique de favoriser la résilience des communautés locales. Ils sont étroitement liés aux thématiques de l’écologie et du développement durable, ainsi qu’à l’éducation de manière générale. Ces initiatives mettent particulièrement en avant la nécessité de reconstruire du lien social de qualité au sein des communautés locales ainsi que celle de remettre en question nos modes de consommation et de production. Bruxelles a vu éclore de nombreux projets ces dernières années2. Parmi ces diverses initiatives, nous retiendrons plus particulièrement la présence des SEL et l’apparition récente des Repair Cafés. La multiplication de ces deux types d’initiatives s’est fortement développée ces dernières années.
2.1 Système d’Echange Local �SEL / LETS� Initialement, les Systèmes d’Echange Local sont nés en réaction aux problèmes de chômage dans différentes régions industrielles sinistrées. Ces réseaux ont pour objet de mettre des personnes en relation autour du fait de se rendre des services. Ils se fondent sur un principe de valorisation des compétences et des savoir-faire que 1 Pour davantage d'information, voir le site www. transitionnetwork.org ou www.entransition.be 2 Citons également le soutien apporté à des projets par l'IBGE dans le cadre des Quartiers Durables, ainsi que l'action des asbl Réseau des Consommateurs Responsables et Rencontre des Continents, et, d’une façon plus générale, la vitalité des associations locales qui construisent avec leurs publics de nombreux projets.
chacun développe au cours d’une vie, même si ces dites compétences ne sont pas toujours reconnues comme ayant une valeur (aisément) monnayable dans notre système économique. Le concept de Système d’Echange Local est né au début des années ‘80 dans la province de Commox Valley au Canada, à l’initiative de Michael Linton, qui créa le premier LETS (Local Exchange Trading System) dans le contexte de la fermeture de l’usine dont il était propriétaire. Michael Linton voulait ainsi apporter une réponse aux difficultés créées par cette fermeture. Il donna ensuite une impulsion à la diffusion de ce système qui se répandit d’abord en Europe avant d’atteindre d’autres régions. D’une manière générale, chaque LETS ou SEL répond à un ensemble de caractéristiques communes. Il s’agit d’un groupe de personnes s’engageant, sous une forme volontaire et associative, à se rendre gratuitement des services (parfois aussi à échanger des biens) dans le respect d’un ensemble de règles de fonctionnement fixées au sein d’une charte et d’un processus d’inscription propre à chaque SEL. Le principe des LETS/SEL repose sur un accès gratuit à un service au sens où il n’y a pas d’usage de l’Euro pour bénéficier de ce service. Les membres d’un SEL recourent à l’usage d’une monnaie alternative permettant à la fois de redéfinir la valeur de référence d’une compétence échangée et d’objectiver la dynamique des échanges puisqu’ils sont ainsi comptabilisables. Ainsi, le service reçu est payé par cette monnaie alternative et le bénéficiaire n’a pas de dette envers la personne qui lui rend un service. Ceci ouvre la possibilité de sortir d’une réciprocité directe qui ne serait pas toujours possible dans le cadre de ces échanges de services. En effet, si une personne “A” dispose de compétences utiles à une personne “B”, il se peut que “A” ait besoin de recourir à des compétences que “B” ne peut lui offrir (réciprocité bilatérale) alors que la personne “C” pourrait parfaitement y répondre (réciprocité multilatérale). En tant que membre du réseau, chacun s’inscrit dans un principe d’échange et de réciprocité multilatérale qui permet de
3
s’adresser directement à la personne qui s’est signalée comme disposant de telles ou telles compétences offertes dans le cadre de ce réseau. Lors de ces échanges, les services - et donc les compétences apportées - sont valorisés de façon identique sur base d’une règle d’équité dont le principe est “1 heure de travail humain = 1 heure de travail humain” et ce, quelle que soit la nature du service et donc des compétences échangées. C’est l’unité de temps consacré au service qui constitue l’unité de mesure. Les échanges de services sont comptabilisés au moyen d’une monnaie LETS/ SEL, dont le nom varie selon les réseaux. Cette monnaie permet de mesurer les échanges et d’aider à trianguler les relations. Une étude3 récente de Marion Leboeuf (Mai 2011) s’est penchée – au moyen d’une enquête réalisée auprès de quatre SEL belges – sur l’efficacité des SEL comme outil de lutte contre l’exclusion sociale, et comme outil de dynamisation et de localisation des échanges. C’est à ce titre que nous pensons utile d’étendre son usage à grande échelle. Il ressort de cette étude qu’une majorité des répondants à l’enquête pense que le SEL est un moyen efficace de lutte contre l’exclusion sociale. En termes de bénéfices tirés de la participation aux SEL sur le plan de la citoyenneté sociale, les répondants confirment – dans une proportion très significative - que les SEL permettent plus de contacts sociaux avec la communauté, un accès à plus de soutien, et la possibilité de nouer de nouvelles amitiés. Sur le plan de la citoyenneté politique, l’enquête met en évidence que beaucoup de SEListes voient dans le SEL la possibilité de mettre en pratique des idées d’une “organisation autre de l’échange”. Sur le plan économique, finalement, les répondants voient principalement dans le SEL l’occasion de vivre un “sentiment d’être utile”, et - dans une mesure un peu moindre - l’acquisition ou l’amélioration 3 Voir à ce sujet le mémoire de Leboeuf Marion, Les monnaies sociales ; outil pour un développement durable ? Le cas des système d'échange local, Université Libre de Bruxelles, 2011.
de savoir ou de savoir-faire, ainsi que la reconnaissance d’un travail productif. Les motivations pour leur participation au SEL les plus exprimées par les Selistes dans l’enquête sont – par ordre – Créer des liens avec les membres, défendre une certaine vision de la société et faire des échanges.
2.2 Les SEL en région bruxelloise Il existe plusieurs réseaux SEL dans notre région. A Bruxelles, le premier SEL est né en 1996, et se nomme à propos BruSEL. Il a longtemps été le seul réseau de la région, mais depuis 2008 les SEL se multiplient et sont aujourd’hui au nombre de quatorze4. Deux d’entre eux (BruSEL et SELouverture) couvrent l’ensemble de la région bruxelloise, les 12 autres sont limités à un territoire communal. Il est intéressant de constater qu’une partie des SEL bruxellois a tendance à se définir en tant que Système d’Entraide Locale. Certains utilisent les deux appellations (échange ou entraide). Ils mettent ainsi l’accent sur la dimension de lien social et de solidarité, et ne revendiquent pas nécessairement leur vocation d’alternative à l’économie marchande. Chaque SEL s’est défini une charte et des modalités organisationnelles propres. Au fil du temps, la gestion des échanges, des listes de membres et de leur communication s’est organisée à travers un outil informatique. Plusieurs outils informatiques sont utilisés pour la gestion en ligne des SEL. Ainsi, on a vu apparaître notamment, la plateforme SGIS (Système de Gestion Internet de SEL), le système suisse Community Forge et plus récemment un autre logiciel libre le GESTECH.
4 SELavie (Schaerbeek, 2008), ArchiduSEL (Watermael-Boitsfort, 2009), SELofan (Saint-Gilles, 2009), SELevere (2010), SELauderghem (2010), SELunivers (Woluwe-Saint-Pierre, 2010), SELouverture (tout Bruxelles, 2011), JetteSEL (2011), Les Fleurs de SEL (Uccle, 2011), SELanderlecht (2012), SELixelles (2013), SELteplait (Berchem-Sainte-Agathe, 2013), Forest de SEL (Forest, 2013).
4
4
2.3 Les Repair Cafés
de terrain et se vérifie notamment au sein des SEL8
Le concept de Repair Café est né en 2009 aux Pays-Bas, à l’initiative de Martine Postma. Un Repair Café (littéralement, Café de réparation) est un temps ou un moment dédié à la réparation d’objets et organisé entre les habitants d’un même endroit ou d’un même quartier. Ceux-ci se rencontrent périodiquement en un lieu déterminé (tel qu’un café, une taverne, un local de fêtes) où des outils sont mis à leur disposition et où ils peuvent réparer - avec l’aide de bénévoles - un objet qu’ils ont apporté. Les objectifs sont autant de réduire la production de déchets, que de préserver l’art de réparer des objets et de renforcer la cohésion sociale entre les habitants des environs.5
Ce type de système d’échange serait pourtant d’une très grande utilité aux personnes qui souffrent d’isolement et de solitude à cause, par exemple, de leur situation socioéconomique, de leur analphabétisme, de la fracture numérique, de leur repli pour cause de sentiment d’inutilité, de leur non-appropriation de certaines normes culturelles qui prévalent dans les systèmes existants et qui semblent dès lors inaccessibles à ces personnes.
Ce projet permet également de contourner certains problèmes liés à l’obsolescence programmée. A Bruxelles, le premier Repair Café a ouvert ses portes en septembre 2012, co-fondé par Sophie Quinet et Jean-Bernard Rauzer6. Le succès a été immédiat, et aujourd’hui il existe huit Repair Cafés dans la région7. Les bénévoles organisent une session par mois, généralement le dimanche après-midi, et il est donc possible de s’y rendre chaque semaine, dans une commune différente.
3 Le projet Selidaire 3.1 Au départ du projet, un constat Dans le cadre général de la politique de lutte contre l’exclusion sociale et économique, le projet Selidaire se focalise sur la difficulté pour les publics visés à accéder aux initiatives citoyennes solidaires. Nous partageons en effet le constat selon lequel les publics visés, issus de la diversité sociale et culturelle, en sont généralement absents. Ce constat est relevé par de nombreux acteurs
5 http://fr.wikipedia.org/wiki/Repair_Café 6 http://www.repaircafe.be/fr/ 7 Ils sont organisés dans les communes suivantes : Anderlecht, Berchem-Saint-Agathe, Forest, Ixelles, Linkebeek, Molenbeek-Saint-Jean, Schaerbeek et Watermael-Boitsfort.
Rappelons-le, les SEL sont apparus dans un contexte de crise économique en tant que solution face aux problèmes d’inactivité et de difficultés à obtenir des services par manque de ressources financières. Aujourd’hui, on parle partout de l’augmentation inéluctable du taux de chômage, de l’inutilité sociale, de la crise qui nous isole, de la nécessité d’œuvrer en faveur d’une meilleure cohésion sociale et de lutter contre l’augmentation des inégalités. Dans le cas des Repair Cafés, il semblerait que les visiteurs composent un public assez diversifié, tant du point de vue de l’origine culturelle que de l’origine sociale9. Par contre, on peut constater que les membres de l’équipe de bénévoles forment un groupe relativement homogène, d’origine européenne (grande majorité de Belges) et de classe moyenne au niveau d’instruction élevé.
8 Voir à ce sujet le mémoire réalisé par Marion Leboeuf (ULB). Il est particulièrement intéressant de constater le niveau élevé de formation académique des participants à l’enquête réalisée auprès de 4 SEL en Belgique (84% d’entre eux possédant un niveau universitaire ou de hautes écoles), et le fait qu’une grande majorité (83%) considère leur situation financière comme satisfaisante ou très satisfaisante. La surreprésentation dans les LETS/SEL de personnes disposant d’un diplôme universitaire s’observe d’une manière générale dans les études réalisées à l’étranger. Cette surreprésentation se note toutefois à des degrés divers, notamment au RoyaumeUni où une plus grande participation de personnes ayant un profil plus exclu a été rapportée. 9 Entretien avec Sophie Quinet, en octobre 2013, à propos de son expérience au Repair Café d'Ixelles. Celui-ci se tient dans les locaux du centre culturel flamand Elzenhof, à proximité à la fois du quartier européen et du quartier populaire Matongé.
5
3.2 Objectif général du projet Le projet Selidaire a pour finalité de développer la participation de publics visés aux initiatives citoyennes favorisant la solidarité et l’échange de services et contribuant ainsi à l’amélioration de leurs conditions d’existence et de leur inclusion sociale et culturelle.
3.3 Les publics du projet Selidaire Comme annoncé dans notre introduction, il n’a pas été simple de choisir les termes les plus appropriés pour parler des différents publics concernés par nos interrogations car nous refusions l’idée de définir le groupe visé en termes de manques alors que leur non présence au sein des réseaux citoyens n’est ni un manquement, ni un handicap, ni même la preuve d’une quelconque défaillance et qu’en outre, cette absence ne dit rien de l’ensemble des compétences dont ces personnes sont porteuses, ni des réseaux et des moyens qu’ils utilisent pour faire face à leurs besoins. Dans cette étude, nous utiliserons arbitrairement les termes suivants pour parler des différents publics concernés par notre action. Publics visés : il s’agit de personnes placées au centre des préoccupations de notre projet en ce sens qu’elles appartiennent précisément aux publics qui ne sont que peu ou pas présents en tant que participants aux pratiques et aux réseaux citoyens. Notre attention sera portée sur ces “absents” de la citoyenneté active et alternative lorsqu’il s’agit de personnes peu ou pas scolarisées, alphabétisées, insérées, de personnes isolées, en fracture numérique, ... en rupture culturelle ou sociale. Publics facilitateurs : Il s’agit de personnes qui souhaitent apporter leur contribution pour que les pratiques et les réseaux citoyens deviennent plus accessibles à tous. Il peut être question de personnes bénévoles, et ce, qu’elles soient ou qu’elles ne soient pas - par ailleurs - membres de l’un ou l’autre réseau alternatif.
Publics concernés : sans doute s’agit-il de la catégorie la plus complexe à définir et à délimiter en ce sens qu’il pourrait être question de l’ensemble des personnes ayant une responsabilité, plus ou moins grande, dans le fait que les pratiques et les réseaux citoyens se soient si peu préoccupés ou si peu ouverts à certaine différences. Serionsnous tous concernés ? Plus spécifiquement, dans le cadre de cette étude, nous reprendrons sous ce terme l’ensemble des personnes qui sont actives au sein des réseaux citoyens, ainsi que l’ensemble des acteurs sociaux: autorités publiques et travailleurs sociaux. Il nous semble que ces personnes sont clairement concernées et potentiellement susceptibles de devenir des publics facilitateurs. Faciliter l’accès pour tous aux initiatives citoyennes requiert non seulement de développer une démarche avec ceux qui en sont éloignés, mais également d’obtenir une ouverture et une mobilisation de la part de personnes déjà engagées dans des initiatives citoyennes ou dans l’action sociale. Dans le cadre de cette étude, nous avons contacté des responsables et des membres de différentes initiatives citoyennes (SEL, Repair Cafés, RCR, ...), des responsables d’associations pouvant servir de relais entre les publics “visés” et les initiatives citoyennes, les publics “visés” participants aux activités d’associations forestoises et avons ainsi pu rencontrer les différents types de publics tels que définis dans le cadre de ce projet.
3.4 Les différentes phases du projet Selidaire Le projet Selidaire tente de mieux cerner le phénomène de non inclusion dans les réseaux d’échanges citoyens décrits plus haut, afin de développer, ensuite, une méthodologie qui permettrait d’accompagner le public visé au plus près de l’accessibilité. Il se décline en plusieurs phases.
6
6
3.4.1 Phase 1 : une étude de faisabilité �forest� La première phase du projet Selidaire a pour objectif de réaliser une étude de faisabilité et une analyse des besoins et des freins à la participation des publics “visés” aux initiatives citoyennes, et ceci plus spécifiquement dans l’optique de la mise en place de solutions favorisant la participation de ces publics aux SEL. Il s’agit notamment d’identifier les freins relevés par ce public, pour pouvoir y apporter ultérieurement des réponses adaptées. Cette étape a été financée grâce à une subvention accordée à l’asbl Interstices par la commune de Forest, dans le cadre de la Politique des Grandes Villes (PGV 2013). Compte tenu des délais de décision, l’action a pu être menée du 1er juillet au 31 décembre 2013, en collaboration avec plusieurs associations forestoises. Les deux premiers mois ont été consacrés à la recherche d’informations, de documentations et à des prises de contact en vue d’établir le calendrier des rencontres avec les publics “visés”. Les résultats de cette 1ère phase du projet sont présentés dans le présent rapport.
3.4.2 Phase 2 : la mise en place d’un projet-pilote �forest� A la suite de cette étude, notre intention est de poursuivre la démarche en appliquant concrètement les résultats de la phase 1 sur le terrain de Forest et ce, avant d’élargir le projet sur l’ensemble de la région bruxelloise. En parallèle au démarrage de la phase 2 et suivant les moyens que nous parviendrons à dégager suite aux demandes de subventions qui ont été introduites à différents niveaux de pouvoir (fédéral, communautaire, régional et communal), nous devrions pouvoir entamer une phase 1 sur d’autres localités. Cette phase 2 nous permettrait de mettre en pratique une série de pistes et de recommandations issues de la première phase de notre démarche. En cours de projet, nous apprenons que
certains membres du SEL Saint-Gillois (Selofan) ont décidé de démarrer un SEL à Forest. La première assemblée constitutive de Forest de Sel a eu lieu en novembre 2013 nous offrant ainsi une très belle opportunité. En effet, dans le cadre de notre projet, nous avions envisagé une phase 2 nous permettant de créer un SEL pilote tenant compte des spécificités du public visé afin de vérifier l’ensemble des adaptations nécessaires et de les mettre en pratique. Ce SEL pilote aurait servi de plateforme d’expérimentation tant pour les publics visés que pour les différentes personnes participant à ce projet. L’expérimentation devait nous permettre de déterminer s’il faut créer de nouveaux SEL “inclusifs” ou s’il faut préférer à cette option, la mise sur pied de processus spécifiques qui faciliteraient l’accès aux SEL existants. Forest de Sel étant né, nous avons discuté le développement d ‘une collaboration avec son coordinateur et ce, en vue d’accompagner l’inclusion et la participation des publics visés au sein de ce réseau, dès son démarrage. L’idée d’un SEL pilote a aussitôt été abandonnée. A l’issue de la phase 1, les conditions étaient ainsi réunies pour entamer la phase 2 du projet Selidaire sur Forest10.
3.4.3 Phase 3 : l’élargissement du projet Selidaire à l’ensemble de la région bruxelloise �RBC� Le projet Selidaire a initialement une ambition régionale. La phase 3 consisterait en un élargissement qui succèderait au travail d’évaluation et aux ajustements que les étapes forestoises d’expérimentation nous permettraient d’envisager. Ainsi, nous reproduirions notre méthodologie alliant la démarche d’action et la démarche de recherche de façon à envisager ces questions de freins en étant au plus près des réalités des publics rencontrés sur chacune des communes des zones prioritaires de la région : Ixelles, Saint-Gilles, Schaerbeek, Saint-Josse et Molenbeek. 10 Au moment de boucler ce rapport, nous apprenons que, nous n 'obtiendrons p as d e p rolongement d e l a s ubvention PGV sur 20014 et que, les autres demandes de subvention ont abouti à un échec.
7
4 Présentation de l’initiateur du projet Selidaire L’asbl Interstices est principalement active en région bruxelloise mais elle destine son intervention à la partie francophone du pays. Elle a été fondée en 1993, et a centré son action sur la communication interculturelle et la gestion de projets d’artistes professionnels partageant sa philosophie. Les projets développés par l’asbl visent à faciliter l’émergence d’un mieux-vivre ensemble, en apportant une contribution dans des domaines insuffisamment couverts par l’action sociale. Interstices a fait reconnaître sa spécificité en apportant des formations favorisant la dynamique collective au sein des équipes du secteur non-marchand pour aborder différents aspects de la communication interculturelle, en utilisant notamment des langages d’expression empruntés aux arts de la scène.
8
8
1
Ii Le cadre de l’étude de faisabilité - Phase 1 1 Les objectifs de la phase 1 2 Le périmètre d’action de la phase 1 3 Nos partenaires 3.1 Forest Quartier Santé �FQS� 3.2 Le collectif Alpha de Forest 3.3 Une Maison en Plus 3.4 L’Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication �ISFSC� 3.5 Autres collaborations
... établir un premier état des lieux de la question de l’accessibilité des initiatives citoyennes pour les publics qui en sont habituellement absents. 9
1 Les objectifs de la phase 1 Dans cette première phase du projet, il s’agit d’identifier les freins relevés par le public concerné, pour pouvoir y apporter ultérieurement des réponses adaptées. Tout au long de cette étape du projet, il s’agira d’établir un premier état des lieux de la question de l’accessibilité des initiatives citoyennes telles que le SEL et le Repair Café pour les publics qui en sont habituellement absents.
Concrètement, nous prévoyons de : –– Rencontrer les publics des associations associées au projet autour de cette thématique. –– Identifier les freins relevés par les publics de ces associations afin de mieux cerner ce phénomène de non inclusion dans les réseaux citoyens. –– Identifier les freins relevés par les membres des SEL bruxellois afin de mieux cerner ce phénomène de non inclusion.
–– Proposer une série de recommandations et de pistes d’action.
2 Le périmètre d’action de la phase 1 L’étude est menée principalement sur le territoire de la commune de Forest. Plus spécifiquement, la plupart de nos partenaires et des associations que nous avons rencontrées sont localisés dans le “bas de Forest” : dans le quartier des Primeurs et le Quartier Saint Antoine. Cependant, le public de ces associations n’est pas uniquement forestois et provient de différentes communes de la Région de Bruxelles Capitale.
3 Nos partenaires Le projet a été initié par l’asbl Interstices et mené en partenariat avec quatre partenaires formels : Forest Quartier Santé, le Collectif Alpha de Forest, Une Maison en Plus et l’Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication (ISFSC) dont les missions et leurs liens avec le public visé par l’étude sont présentés succinctement ci-dessous.
3.1 Forest Quartier Santé �FQS� Forest Quartier Santé (FQS) est une association sans but lucratif qui existe depuis 1992. Les activités de Forest Quartier Santé s’inscrivent dans le concept de promotion de la santé de la Charte d’Ottawa11. Elles visent une promotion de la santé avec la participation effective et concrète de la population. Ce projet est né de la rencontre entre des maisons médicales et des maisons de quartier situées sur une même commune. Celles-ci se trouvent confrontées dans leur pratique à des problématiques qui dépassent les seules réponses médicales mais qui ont des répercussions importantes sur l’état de santé des populations : chômage, solitude, précarité en matière de logement, surendettement. L’objectif général de l’association est d’élaborer, avec la participation des acteurs concernés, de meilleures réponses aux besoins de santé de la population. FQS propose un Espace Public Numérique12. Une de nos hypothèses de recherche concerne la possible fracture numérique dont serait “victime” le public “visé”. Le partenariat avec cette association a permis de bénéficier de son expertise en la matière, ainsi que de conseils et de rencontres avec leur public.
Les différents réseaux citoyens que nous avons sollicités sont répartis sur l’ensemble de la Région de Bruxelles Capitale. 11 http://www.phac-aspc.gc.ca/ph-sp/docs/charterchartre/index-fra.php http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0003/129675/Ottawa_Charter_F.pdf 12 http://www.bruxelles.irisnet.be/bruxelles-gratuit/ internet/espaces-publics-numeriques
10
10
3.2 Le collectif Alpha de Forest Le Collectif Alpha a pour mission l’organisation, pour son compte ou à la demande de toute personne, groupe ou association, de formations pour personnes analphabètes, le recrutement et la formation d’animateurs pour ces formations, l’élaboration, l’édition et la diffusion de matériel pédagogique. Il gère en plus un centre de documentation spécialisé.13 Le Collectif Alpha, qui fait partie du réseau des associations d’alphabétisation “Lire et écrire”, propose des cours d’alphabétisation pour des personnes de plus de 18 ans à Saint-Gilles, Forest et Molenbeek. Le public en processus d’alphabétisation fait partie du public “visé” par notre recherche. En effet, une de nos hypothèses est que l’information sur les initiatives citoyennes n’est pas assez accessible pour les personnes ne sachant ni lire, ni écrire. L’équipe forestoise de ce collectif a accueilli favorablement notre initiative et nous a permis de rencontrer plusieurs de leurs groupes d’apprenants.
3.3 Une Maison en Plus14 Une Maison en Plus est une maison de quartier créée par la Maison médicale de Forest dans l’idée d’une prévention primaire pour le bien-être du quartier. Cette institution lutte contre l’exclusion par des actions communautaires et avec la participation des publics dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de projets. Leur public est globalement le même que celui qui participe aux activités du Collectif Alpha, de la Mission Locale et de Forest Quartier Santé pour l’Espace Public Numérique.
3.4 L’Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication �ISFSC� Certains enseignants au sein de l’ISFSC ont participé à la réflexion conduite à la base du projet Selidaire et à sa co-élaboration à part entière en apportant leur expertise méthodologique avec une réflexion de fond quant aux pièges à éviter et aux perspectives à soutenir. L’ISFSC s’est également positionnée comme partenaire du projet Selidaire, en inscrivant ce projet-dont les valeurs cadrent avec celles de cet enseignement-dans les propositions de stages offertes aux étudiants. Il s’agit d’une haute école regroupant les formations de bachelier en assistant social, en communication et en écriture multimédia. La mission de l’ISFSC ne se limite pas à la formation, mais couvre également la recherche dans ces domaines.15 Le projet proposait aux étudiants un stage, offrant la possibilité de découvrir des réalités sociales auxquelles ils seront confrontés professionnellement, une fois diplômés, mais également d’approcher de près les réalités des Systèmes d’Echange Local et d’ainsi parfaire leur formation scolaire et citoyenne. En outre, le stage coïncidant avec le démarrage du projet, les stagiaires seraient associés à sa mise en œuvre en occupant une place active dans son élaboration. A plus long terme, la collaboration initiée dans le cadre de la phase 1 pourrait d’ailleurs évoluer vers une participation de stagiaires à la mise en œuvre de pratiques d’inclusion des publics “visés” et donc aux phases ultérieures du projet. Le constat d’une professionnalisation qui s’accompagne d’une dimension d’“opérationnalisation déshumanisante” nous a parfois été rapporté. En intégrant des étudiants et en les sensibilisant à un processus d’inclusion par la pratique, grâce à l’approche du travail sur les deux pôles de la relation (celui du non-inclus et celui du non-incluant), le projet Selidaire aiderait
13 Moniteur belge. 14 R. BENSLIMAN, Sous la direction de D. STOKKINK et de B. VANKELEGOM, Les enjeux santé et logement en région bruxelloise : l'exemple de Forest, Septembre 2013.
15 Moniteur belge.
11
les étudiants à expérimenter une “solidarité humanisante” et à la développer ensuite sur leur terrain professionnel. Aussi, leur participation à ce projet pourrait susciter de nouvelles vocations citoyennes et faire d’eux des publics facilitateurs et des participants aux projets des villes en transition.
3.5 Autres collaborations Au cours du projet, les contacts ont été élargis à quelques autres organisations dans l’optique d’enrichir la récolte de points de vue de terrain. Ces organisations sont reprises ci-dessous :
Le C.P.A.S. de Forest Comme tout CPAS, celui de Forest a pour missions d’apporter une aide aux personnes qui en ont besoin pour qu’elles puissent aspirer à une vie conforme à la dignité humaine, de permettre leur intégration sociale, de les informer, les accompagner dans les démarches administratives, d’assurer une guidance psychosociale, d’informer le public, d’affilier à un organisme assureur et d’apporter des aides spécifiques diverses telles que l’aide au paiement des pensions alimentaires, l’insertion socioprofessionnelle, etc.
Service de maintien à domicile16 Le service de maintien à domicile du CPAS de Forest est un service proposé par le CPAS, organisé par le Val des roses17. Il permet aux personnes âgées ou/et en difficulté de recevoir à domicile une aide à la gestion de leur vie quotidienne.
Le Val des roses Le Val des roses est une maison de vie pour personnes âgées qui s’inscrit dans une optique citoyenne pour ses résidents. Il “entend jouer un rôle d’avant-garde en région bruxelloise en terme de qualité d’accompagnement, de soins et de vie dans un environnement agréable et adapté.”18
16 Brochure du service maintien à domicile du CPAS de Forest. 17 http://www.cpasforest.irisnet.be/fr/maison-de-viedu-val-des-roses 18 R. Devilers, Directeur du Val des roses, 2012.
Les résidents du Val des roses sont des personnes âgées, en fracture numérique et limitées dans leur autonomie en raison de leur âge et de leur état de santé.
La Mission Locale de Forest19 La Mission Locale de Forest a pour but de développer toute initiative visant à améliorer l’insertion sociale, professionnelle et culturelle des citoyens par la mobilisation des ressources locales en les articulant avec des politiques européennes, fédérales, communautaires, régionales et communales, le développement d’une approche intégrée des problématiques en mobilisant des partenaires locaux à savoir le CPAS, les écoles, les entreprises, les services communaux, les mouvements associatifs des secteurs de la santé, de la prévention, de la formation, du logement, de la justice, etc… Elle organise la mise en œuvre de services d’accueil, de guidance, d’orientation, de formation, de recherche d’emplois ouverts à toute personne en demande d’insertion sociale et professionnelle avec une attention particulière pour le public local et plus fragilisé20. Le public de la Mission Locale de Forest correspond au public “visé” par notre recherche car il s’agit d’un public fragilisé, au sens où étant sans emploi, il dispose d’un pouvoir d’achat restreint et est confronté à l’absence de possibilités d’entretenir et de valoriser ses compétences, professionnelles ou non.
Feynuus Feynuus est un lieu convivial créé pour accueillir les ressortissants de la corne de l’Afrique en Belgique. Ses coordinateurs ont été associés à la réflexion sur le sujet de la recherche.
Forest de SEL, le Sel de Forest21 Le SEL de Forest a été créé en novembre 2013 à partir d’un constat de carence fait par un bon nombre de membres forestois au sein du SEL de St Gilles.
19 http://www.forest.irisnet.be/emploi-economie/mission-locale-de-forest/ 20 Moniteur belge. 21 http://forestdesel.be/index.asp
12
12
Comme tout SEL, Forest de SEL permet l’échange de services entre ses membres sur base du principe d’égalité de temps. Dans un souci de centralisation et de traçabilité de ces services, Forest de SEL utilise une monnaie alternative, “la feuille”, correspondant à une heure de service. La participation du SEL de Forest au projet était d’une réelle importance, car ce SEL est encore dans sa phase de développement, ce qui offre une réelle opportunité d’approcher les publics concernés et les publics “visés” par notre étude et ce, dès sa création. Le SEL de Forest a été associé au projet à deux niveaux. D’une part, un échange a été mené avec son coordinateur en cours de projet, et d’autre part les membres du SEL ont été invités à participer à l’enquête diffusée auprès des SEL de la région bruxelloise dans le cadre de notre étude.
Le Réseau de 22Consommateurs Responsables RCR “L’association a pour objet la défense et la représentation des consommateurs qui agissent dans une optique de justice sociale, de fonctionnement démocratique, de respect des droits de l’homme, de protection de l’environnement et des ressources naturelles et de la santé humaine. Cela afin que le système économique redevienne un moyen, et l’être humain et son environnement la fin. Elle a également pour objet de soutenir les distributeurs et les producteurs qui agissent et qui collaborent avec ces consommateurs dans la même logique. L’association souhaite ainsi favoriser de vraies alternatives à la consommation actuelle, en sortant de la logique consumériste.”23
Elle promeut et diffuse des initiatives de production, consommation et distribution en conformité avec son objet, elle mène des actions auprès des pouvoirs publics et des agents économiques, elle établit des synergies entre les membres, et avec des mouvements similaires au niveau fédéral et international. De plus, elle organise des évènements publics sur des thèmes qui sont les siens. Le RCR recense les initiatives au sein de la fédération Wallonie-Bruxelles, soutient la création de nouveaux projets alternatifs en proposant des formations et la création d’outils, et exerce une action sur le terrain politique. Une mission récente du RCR concerne la mise en réseau des SEL, l’approche étant de mobiliser au sein des différents SEL des personnes ressources qui soient d’accord de devenir des relais à différents niveaux (conseils pour les SEL qui se lancent mais aussi réflexion pour les SEL existants). Le RCR a récemment travaillé sur un guide en ligne pour les SEL.
22 http://www.asblrcr.be/ 23 Moniteur belge.
13
IiI Méthodologie IiI Methodologie
1 2 3 4
Une recherche-action Des hypothèses de départ Les différentes étapes du processus Limites de l’action
4.1 Concernant la rencontre avec le public visé 4.2 Concernant l’enquête SEL
Il s’agit d’une étude qualitative et non d’une étude quantitative. Notre ambition est de faire émerger la diversité des situations rencontrées...
14
1 Une recherche-action Notre approche s’inspire de celle habituellement utilisée en recherche-action, alliant la réflexion et l’action. Hypothèses – confrontation sur le terrain – analyse des hypothèses et nouveaux constats se succèdent dans ce type d’approche dite en aller-retour entre réflexion en équipe, références théoriques et confrontation avec le terrain.
3 Les différentes étapes du processus Le processus a été structuré en 4 étapes : –– Le travail exploratoire et les hypothèses de travail. –– La rencontre avec les publics visés. –– L’enquête SEL. –– L’analyse des données.
Nous nous appuyons sur les différentes expertises en présence :
4 Limites de l’action
–– Celles des travailleurs sociaux, acteurs de terrain possédant une expérience directe avec différents publics et agissant sur le territoire approché.
Outre les limites inhérentes à la période réduite durant laquelle nous avons pu travailler, compte tenu des ressources financières disponibles pour la mise en œuvre de cette partie du projet, il nous faut également considérer les limites suivantes :
–– Celles de citoyens - public visé - issus de la diversité sociale et culturelle fréquentant les associations partenaires du projet, experts de par la connaissance qu’ils ont de leur propre réalité. –– Celles de citoyens concernés, particulièrement les membres des SEL bruxellois qui en connaissent bien le fonctionnement “de l’intérieur”. –– Celles des chercheurs qui ont écrit sur le sujet de la participation citoyenne. –– Celles de personnes ressources engagées dans l’action sociale et l’action politique.
Il s’agit d’une étude qualitative et non d’une étude quantitative. Notre ambition est de faire émerger la diversité des situations rencontrées, et non de dresser un tableau exhaustif.
2 Des hypothèses de départ Les hypothèses de travail ont été énoncées en amont de notre démarche et se sont précisées dans leur définition au cours de l’étape de travail exploratoire sur base de nos lectures et de nos diverses rencontres. L’étape de rencontre de terrain nous a permis ensuite de les tester afin de vérifier en quoi elles se confirment ou non. Elles considèrent les freins du point de vue du public visé et les freins du point de vue du public concerné en tant que membre des SEL.
4.1 Concernant la rencontre avec le public visé Nous adressant à des groupes préconstitués, fréquentant les associations partenaires, nous ne touchons pas ici les personnes les plus isolées. Nous avons ainsi rencontré des personnes qui sont déjà inscrites dans un processus de socialisation, bien que celui-ci soit circonscrit dans le temps. Toute généralisation des observations à un public plus large doit donc se faire avec prudence.
4.2 Concernant l’enquête SEL Il est ici question d’une nouvelle enquête menée auprès de personnes membres d’un réseau Sel (Selistes). Les réseaux SEL sont constitués de membres que nous ne pouvons contacter directement, en raison de règles de respect de la vie privée et de la règle d’anonymat garanti par le SEL. Le questionnaire a donc été transmis par l’intermédiaire des coordinateurs de SEL. Cette approche nécessitait, dès lors, qu’ils acceptent de participer et à été conditionnée par leur possibilité de transmettre rapidement le questionnaire à leurs membres. Le questionnaire a été informatisé, touchant exclusivement les membres outillés et en mesure de répondre en ligne. Compte tenu des délais de réaction à nos diverses prises de contact avec tous les SEL de la région bruxelloise, la participation des membres pour répondre au questionnaire en ligne a été possible durant 10 jours seulement. 15
Iv Description des quatre étapes du processus 1 Le travail exploratoire et les hypothèses de travail 1.1 Le manque d’accessibilité des réseaux citoyens 1.2 Le manque d’intérêt ou de disponibilité des publics visés
2 La rencontre avec les publics visés 2.1 L’animation de groupes 2.2 Composition des groupes 2.3 Contenu et déroulement des animations
3 L’enquête SEL 3.1 Objectifs 3.2 Echantillonnage 3.3 Modalités pratiques 3.4 Constitution du questionnaire 3.5 Participation des Selistes 3.6 Le dépouillement des questionnaires
... Le langage et les images peuvent véhiculer des représentations liées à un certain milieu social et constituer un frein pour ceux qui n’appartiennent pas à ce milieu. 16
1.1 Le manque d’accessibilité 1 Le travail exploratoire et les hypothèses de travail des réseaux citoyens Au travers de lectures et de rencontres, la première étape du projet nous a permis d’approfondir nos connaissances à propos des réseaux citoyens existant et de la participation citoyenne des publics visés . Nous avons pu constater que cette thématique est présente dans les milieux sociaux bruxellois. De nombreuses personnes s’interrogeant actuellement sur la question de l’implication de tous à la vie sociale, plusieurs initiatives cherchent à faciliter la participation des publics visés à divers projets citoyens. Ces lectures, rencontres et discussions ont nourri notre réflexion et nous ont permis d’élaborer un ensemble d’hypothèses. Les paragraphes qui suivent présentent ces hypothèses sous la forme d’affirmations que la recherche-action se propose de vérifier à l’occasion des phases suivantes. Les hypothèses sont présentées en caractères gras. Elles sont suivies de développements qui consistent à préciser les points de vue et considérations entrant en jeu dans la formulation de ces hypothèses. Nous présentons nos hypothèses en deux parties : –– La première partie traite des limites de l’accessibilité qui sont inhérentes aux réseaux citoyens. –– La deuxième partie aborde les freins inhérents aux publics visés.
1.1.1 L’accès à l’information
HYPOTHESE 1 : Les canaux de communication utilisés pour diffuser les informations concernant les SEL n’atteignent pas nos publics visés. Par conséquent, ceux-ci ne sont pas au courant de l’existence de ces réseaux et ne peuvent donc pas y participer. Développements Tout d’abord, l’information circule dans la langue de fonctionnement de ces réseaux (à Bruxelles, en français majoritairement) et par supports écrits. Ceci limite de facto l’accès aux personnes ne maîtrisant pas la langue et/ou ayant peu de compétences en lecture : les primo-arrivants, les personnes non alphabétisées. L’information au sujet des réseaux citoyens est peu relayée par les médias traditionnels (télévision, radio, presse). Elle est majoritairement présente sur internet, par le biais des sites des réseaux eux-mêmes ou d’autres sites s’y intéressant, mais il est difficile de tomber “par hasard” sur ces initiatives sans en avoir pris connaissance auparavant par d’autres moyens. Ainsi, l’ensemble des personnes - jeunes et moins jeunes - qui sont en situation de fracture numérique n’accèderont que peu probablement à ces informations. Nos lectures au sujet des réseaux citoyens, et des SEL en particulier, ainsi que nos rencontres avec certaines personnes en faisant partie24 ont confirmé que l’information concernant l’existence de ces réseaux est peu relayée dans les médias et passe principalement par des circuits informels. La communication par bouche-à-oreille, les invitations personnelles à participer, la diffusion via les réseaux sociaux informatisés font circuler l’information dans un circuit relativement fermé. L’information circule, également mais plus rarement, par le biais d’affiches et dépliants déposés dans des lieux particuliers, associations et/ou lieux publics fréquentés par les membres des réseaux. Etant donné 24 Membres de Systèmes d'Echange Local, de Réseaux d'Echanges Réciproques de Savoirs, de Repair Cafés.
17
que le public des réseaux citoyens et les publics visés n’appartiennent pas aux mêmes cercles sociaux et ne fréquentent pas les mêmes lieux, l’information ne circule pas entre ces groupes. Dans certains cas, les réseaux citoyens sont en contact avec l’administration communale ou avec des associations locales. Lors de nos contacts préliminaires, nous avons été surpris du peu de professionnels du secteur social connaissant les SEL et les Repair Cafés. Si les personnes qui travaillent avec les publics visés ne sont pas au courant de l’existence de ces réseaux, ils ne peuvent pas se faire les relais de l’information et de la participation de ces publics aux dits réseaux. Enfin, la pertinence de l’information et son interprétation peuvent constituer un autre frein à la participation de certains publics à ces projets. Nous émettons l’hypothèse que l’information telle qu’elle est actuellement communiquée ne permet pas aux publics visés d’entrevoir directement les bénéfices qu’ils pourraient obtenir d’une participation aux réseaux citoyens. Il est nécessaire d’expliciter en quoi consistent ces réseaux, quelles sont leurs raisons d’être et comment ils fonctionnent concrètement. Ceci est difficilement faisable à travers une information succincte, il vaut mieux passer par le dialogue. Il faut également prendre en compte les éventuelles connotations culturelles liées à la présentation de l’information. Le langage et les images peuvent véhiculer des représentations liées à un certain milieu social et constituer un frein pour ceux qui n’appartiennent pas à ce milieu. Ainsi, une affiche de présentation d’un Système d’Echange Local mettant en scène une famille européenne dans un intérieur chic peut induire le message que ce réseau est destiné à ce type de personnes. Pour les personnes ne s’y reconnaissant pas, cela peut engendrer l’impression de ne pas appartenir au même monde et, par conséquent, de ne pas y être les bienvenues. De même, le type de services décrits dans la présentation du SEL va attirer un public qui trouve ces services intéressants et/ou se sent en mesure de les offrir.
Nous savons que les publics fragiles sortent peu de leurs quartiers et ce, notamment en raison d’un déficit de clefs de lecture de l’environnement qui diminue, de ce fait, les chances de prendre connaissance de l’existence des réseaux citoyens et plus encore d’y participer. Par ailleurs, les infrastructures liées aux projets citoyens véhiculent également des informations implicites, et peuvent ou non faciliter l’accessibilité pour les publics visés.
1.1.2 L’accessibilité des modalités pratiques Hypothèse 2 : Une partie de la population bruxelloise n’a pas les moyens ni les compétences nécessaires en regard des modalités pratiques établies pour la gestion et le fonctionnement des réseaux citoyens. Développements Par modalités pratiques, nous entendons ici tout ce qui s’avère nécessaire à l’organisation pratique, la gestion des échanges, la communication entre les membres, etc. , et qui est à l’œuvre dans ces réseaux. Il s’agit d’être en mesure de trouver les informations pratiques, de s’inscrire, d’utiliser les outils de gestion et de communication du réseau et, ces réseaux étant largement informatisés25, cela suppose que les utilisateurs possèdent une série de compétences implicites. La pratique des échanges suppose, par exemple, d’être capable de trouver une adresse et de s’y rendre seul, de se déplacer en ville, d’utiliser les transports en commun, d’exprimer une demande, de proposer ses compétences, de répondre à une offre, etc. Citons en premier l’accès à l’outil informatique. Il constitue un frein à la participation des personnes en situation de fracture numérique. Il peut s’agir de la difficulté d’accès aux ressources matérielles (le fait de ne pas pouvoir disposer facilement d’un ordinateur et d’une connexion internet) ou du manque de maîtrise de certaines compétences informatiques. Pour certaines personnes,
25 Certains SEL utilisent encore des systèmes papiers mais cela pose des problèmes de mises à jour régulières des données.
18
18
l’informatique “fait peur”. Cette appréhension peut notamment être liée à l’âge, certaines personnes se considérant “trop vieilles pour apprendre”. Il semblerait par ailleurs qu’il y ait des problèmes d’adéquation entre l’offre de cours d’informatique proposés par les services publics et/ou les associations subventionnées, et le niveau de base des demandeurs.
d’une relation de confiance suffisante pour s’investir dans un échange prend du temps, et il y aurait une réticence à offrir/ demander des services au sein d’un réseau d’anonymes. Il peut leur être difficile de se rendre seul (non accompagné par quelqu’un de confiance) à une initiative collective organisée par et avec des inconnus (réunion formelle ou informelle, activité, événement).
Ensuite, il y a une cotisation à payer. Bien qu’elle soit de l’ordre de +/- 10€ par an, cela peut être un frein pour les personnes ayant un petit budget mais aussi, d’autres frais liés à la participation au réseau (des frais téléphoniques, de déplacement pour les réunions ou les échanges, etc.) peuvent constituer un obstacle.
Le phénomène de reproduction sociale décrit par Bourdieu apporte des éléments d’explication au maintien de l’homogénéité du public des SEL. En effet, les normes de conduite et les codes sociaux en vigueur dans les réseaux citoyens sont largement inspirés par le mode de fonctionnement général de notre société européenne contemporaine. Il s’agit de la façon avec laquelle on se présente, des manières de se parler, des comportements que l’on considère appropriés ou non. Si les réseaux citoyens se disent “alternatifs”, c’est principalement en opposition à un modèle économique et à une philosophie individualiste tout en agissant en conformité à des comportements et des valeurs, à l’intérieur d’un cadre culturel donné. Ils sont porteurs et reproducteurs d’une partie des normes agissantes du système global. Les groupes dont les normes diffèrent en raison de leur origine sociale ou culturelle peuvent ne pas facilement trouver leur place au sein de ces réseaux.
1.1.3 La barrière du groupe Hypothèse 3 : Le phénomène de reproduction sociale au sein des réseaux citoyens limite leur accessibilité pour les publics issus de la diversité sociale et culturelle. L’impossibilité pour certains publics de s’identifier aux membres des réseaux est un frein à leur participation.
Développements De manière générale, le côté impersonnel des réseaux tels que le SEL n’en facilite pas l’accès. Cet obstacle est connu des SEL et ce, indépendamment de la question de l’inclusion des publics visés. Des réunions conviviales ont été envisagées comme moyen pour faciliter la rencontre des membres entre eux afin de dynamiser les échanges de services. Les études sur les SEL mettent en évidence une relative homogénéité du public qui fréquente ces initiatives : majoritairement féminin, âgé de 30 à 60 ans, et ayant une éducation supérieure26. Il est difficile d’entrer dans un réseau composé de personnes ayant une identité culturelle et/ou de classe différente. Le sentiment de ne pas être à sa place et de ne pas savoir comment se comporter de façon adéquate (attendue par le groupe) est un frein à la participation pour toute personne n’appartenant pas au même milieu. Pour les personnes fragilisées, la construction 26 Voir étude de Marion Leboeuf.
1.2 Le manque d’intérêt ou de disponibilité des publics visés 1.2.1 Le manque d’intérêt à fréquenter d’autres réseaux Hypothèse 4 : Les publics visés fréquentent d’autres réseaux dans lesquels ils trouvent les ressources qui leur sont nécessaires. Développements Il existe un phénomène d’attachement aux groupes dont on fait partie. Le confort de connaître les membres et le fonctionnement du réseau peut engendrer un phénomène d’immobilité et rend plus difficile l’adhésion à de nouveaux réseaux. L’aide dont ces publics peuvent avoir besoin leur est fournie par leurs proches (membres de la famille, amis, voisins, personnes appartenant à la même communauté ethnoculturelle et/ou religieuse). Ils peuvent également
19
avoir recours aux services sociaux ainsi qu’à des associations, caritatives notamment. Ces réseaux apportent également, à ceux qui ont le désir de se rendre utile, l’opportunité de s’y investir et de rendre service autour d’eux.
1.2.2 Le manque d’intérêt pour les valeurs portées par les réseaux citoyens “alternatifs” Hypothèse 5 : Les caractéristiques et les valeurs des réseaux citoyens les rendent peu désirables pour les publics visés : les SEL s’attachent à l’engagement citoyen, à un mode d’échange alternatif au modèle économique dominant, … Développements Cette hypothèse envisage quatre dimensions: a) L’interculturalité Les différences entre publics membres des SEL et publics visés, tant au niveau des valeurs, des modes de vie que des fonctionnements propres aux groupes, sont parfois jugées trop grandes que pour envisager de participer à un même réseau. De mauvaises expériences de relations interculturelles, de racisme et de rejet mettent un frein à l’envie des publics issus de la diversité sociale et culturelle de participer à des réseaux majoritairement “belges” et “bobos”. Pour certaines communautés, on parle d’ailleurs de repli identitaire. Par ailleurs, certaines croyances religieuses et/ou interdictions culturelles, voire familiales, peuvent également constituer des freins à la participation à un réseau multiculturel. A titre d’exemple, la mixité de genre n’est pas une évidence pour tous les groupes sociaux, et pour certaines femmes il n’est pas permis de rencontrer des hommes en l’absence de leur mari ou d’un autre homme de leur entourage. La présence d’alcool n’est pas acceptée par tous. Le port du foulard étant une question sensible, les femmes qui le portent n’ont pas la certitude d’être les bienvenues partout. b) la dimension alter native au système économique, les valeurs, les représentations de la réussite sociale Les publics visés ne partagent pas la contestation du modèle de société capitaliste qui sous-tend les principes fondateurs des réseaux alternatifs.
–– Les représentations liées à la réussite sociale. Il est difficile de remettre en question le modèle de réussite sociale véhiculé et valorisé par les médias, tellement il est médiatisé et intériorisé. Il semble que pour réussir dans la vie, il faille surtout gagner suffisamment d’argent pour pouvoir accéder aux nombreux biens matériels offerts sur le marché. La société de consommation et l’omniprésence de la publicité rendent désirable la liberté de pouvoir acheter ce que l’on veut dès que l’on en ressent le besoin (ou l’envie). La télévision et la publicité étant probablement les principaux vecteurs de communication qui atteignent les publics défavorisés, ceux-ci sont incités à convoiter les richesses matérielles qui sont valorisées et très largement diffusées par les médias. Dès lors, comment rendre attractive la norme véhiculée par les modèles d’économie alternative ? –– Les représentations liées à la gratuité et à la récupération. En tant que personne appartenant à un public fragilisé, l’inclusion sociale passerait par l’adhésion aux normes et aux critères de la société de consommation. Les critères du non marchand n’auraient pas de valeur en soi car ils ne correspondent pas à un modèle de référence généralement valorisé et médiatisé qui permettrait de s’y identifier. Nous vivons dans un système où la valeur des choses est largement déterminée par son prix. En conséquence, ce qui est gratuit est peu appréciable et peu désirable. Or, les réseaux citoyens se situent justement dans le domaine du non marchand, et les services qui y sont proposés sont gratuits. Il y est aussi question de don, de recyclage et de seconde main. Si l’on considère que ce qui est gratuit est de mauvaise qualité, que c’est “pour les pauvres’’, et que l’on y a seulement recours par manque de moyens, il peut être difficile d’y associer des considérations idéologiques, telles que le respect de l’environnement et la lutte contre le gaspillage pour en faire un bien “convoité”.
c) l’engagement citoyen n’est pas une pr ior ité Les valeurs promotrices de l’individualisme créent une difficulté d’engagement citoyen. Il existe une “culture de l’engagement”,
20
20
qui est inculquée par le milieu (familial, scolaire, religieux...) ou adoptée suite à un événement particulier (en réaction à des situations ou des faits interpellants). Les publics visés ne ressentent pas le besoin ou la possibilité de s’investir dans ce type d’engagement citoyen. Les personnes en situation de fragilité peuvent manquer de “l’espace mental” nécessaire pour réfléchir, prendre du recul, envisager d’autres mondes, d’autres possibles permettant l’adoption de changements de comportements. Les questions de valeurs passeraient ainsi après les questions de subsistance (cf. pyramide de Maslow). Lorsque l’on est en mode survie, on s’occupe d’abord de soi et de ses proches avant de pouvoir penser aux autres. Le sentiment d’appartenance au lieu de vie, lui-même lié à la connaissance des ressources qui y sont disponibles, influence l’envie et le pouvoir d’agir dans et sur son environnement. Sans avoir la conviction que les choses peuvent changer, il est difficile de s’investir dans une démarche de changement. Pour les personnes d’origine étrangère, le fait de “ne pas se sentir chez soi” et donc de ne pas se sentir légitime est un obstacle à la participation aux processus visant un “changement de société”. De plus, pour certaines personnes, l’incertitude quant à la durée de leur séjour n’incite pas à s’inscrire dans ce type de réseau. Sans possibilité de prise de distance critique par rapport au système dans lequel nous vivons, les publics visés ne sont pas à la recherche de tels réseaux. –– Différentes formes d’exercice du droit et de la citoyenneté Etant bénéficiaires d’une aide sociale institutionnalisée, les personnes sont placées dans une position de demandeur associée à un comportement attendu de leur part. Ils sont donc habitués/incités à se comporter en tant que “consommateurs” de services plutôt qu’en tant qu’acteurs qui revendiquent leurs droits et agissent pour les faire valoir. Or, ce type de comportement est contraire à l’esprit des réseaux citoyens.
D’autres éléments peuvent également être déterminants : –– Les personnes peuvent avoir d’autres priorités personnelles, certains migrants sont issus de sociétés non démocratiques et ne sont pas outillés pour se penser acteurs d’une société d’accueil qui manque de lisibilité à leurs yeux. Les systèmes de valeurs individuelles et communautaires reposent sur d’autres vecteurs, et ces personnes ne les connaissent pas. Ils se sentent étrangers et sont légalement des “non citoyens” (pas de droit de vote pour les étrangers en Belgique). –– Espace de liberté Les publics visés sont “encadrés” par différents systèmes et ressentent en conséquence le besoin d’y échapper pour se retrouver “libres” chez eux, hors des regards et hors des normes définies par les autres ou lors du contrôle social imposé dans le cadre de certaines aides publiques allouées.
d) un type de solidarité particulier et le rapport de réciprocité La solidarité proposée au sein de ces réseaux ne correspond pas à leur vision de l’entraide traditionnelle. Elle n’est pas spontanée mais organisée, et n’est pas totalement gratuite puisque des comptes sont tenus. Par ailleurs, il est plus naturel de participer à un échange de service de personne à personne (réciprocité bilatérale) qu’au sein d’un SEL (réciprocité ouverte ou multilatérale).
1.2.3 Un manque de disponibilité Hypothèse 6 : Les publics visés n’ont pas le temps ou les moyens de s’investir dans les réseaux citoyens en raison de leurs obligations. Développements Il y a un capital temps inégal selon les contextes individuels en raison de contraintes familiales, professionnelles et/ ou de formation. Le manque d’autonomie lié au manque de compétences de base nécessaires à la gestion de la vie quotidienne en Belgique rend certaines personnes indisponibles pour la participation citoyenne. L’obtention de certains documents administratifs est automatisée soit via les portails des services administratifs, soit au travers des menus vocaux de centrales téléphoniques. Pour certaines personnes,
21
ces fonctionnalités sont inaccessibles. Elles sont dès alors obligées de se déplacer dans la ville, d’utiliser les transports publics, de faire la file dans les services administratifs concernés, ... et de répéter ce type de démarches plusieurs fois par mois, ou par semaine. Certaines situations complexes (administratives, sociales, financières, institutionnelles) génèrent l’impossibilité matérielle et psychique de se rendre disponible pour une participation citoyenne, même s’il y a des bénéfices à en tirer. La priorité est donnée (à juste titre) au fait de trouver des solutions aux problèmes urgents. Tant que la situation personnelle n’est pas stabilisée, l’esprit n’est pas disponible pour s’intéresser à ce type d’activités. Une situation de précarité engendre un mode de vie focalisé sur le court-terme qui empêche le public de s’investir en tant qu’acteurs dans un processus continu et structuré. Les personnes se trouvant dans de telles situations ont recours aux premières solutions qui apparaissent aussi les plus rapides. Par ailleurs, l’organisation inhérente aux réseaux citoyens demande de pouvoir fixer des événements ponctuels dans l’agenda et d’y assister avec une certaine régularité. En effet, c’est en étant présent et fiable que l’on intègre le réseau et que la confiance mutuelle peut s’installer. Les questions légales liées au droit du travail et au droit social peuvent également constituer des obstacles à la participation de certaines personnes aux réseaux citoyens. Le conditionnement des allocations sociales, de chômage particulièrement, au respect de certaines règles (notamment l’obligation de “rester disponible sur le marché de l’emploi”) est un obstacle à la participation aux réseaux citoyens, en ce qu’il génère une crainte de perdre ces allocations. –– Engagements professionnels/formations : Les horaires de travail ou le temps passé à acquérir des compétences (cours de français, d’alphabétisation, d’informatique, formations d’insertion socioprofessionnelle) réduisent le temps disponible à partager au sein d’un réseau.
connaissance de la ville et capacité à utiliser les transports en commun) peuvent également limiter la participation de certains publics aux initiatives citoyennes.
1.2.4 Timidité – Estime de soi Hypothèse 7 : Les publics visés auraient une faible confiance en eux et en leurs capacités, par conséquent, ils n’oseraient pas participer à ces réseaux. Développements Les compétences nécessaires ou supposées telles pour faire partie d’un SEL sont globalement les mêmes que celles qui sont nécessaires pour accéder au marché de l’emploi et aux organes de décision démocratiques, tant en termes de savoir-faire que de savoir-être. Il peut donc y avoir, de la part des personnes fragilisées, une crainte de retrouver au sein des SEL un sentiment de reproduction des inégalités sociales. La non-mobilisation de compétences engendre un sentiment de “n’avoir rien à offrir”, “ne rien savoir faire que les autres ne sachent faire”, ce qui réfrène la participation à un réseau d’échanges au sein duquel on est alternativement demandeur et offreur. Une faible estime de soi, liée à un niveau de compétences perçu comme étant bas, engendre une pudeur à aller vers les autres. Le manque de fréquentations sociales induit une baisse des capacités relationnelles, une perte de confiance en soi et une difficulté accrue à aller vers les autres. Les personnes confrontées à une certaine forme d’exclusion (qu’elle soit perçue ou réelle) ont tendance à s’auto-exclure, à priori, de tout groupe ne faisant pas partie de leur communauté d’appartenance avec le sentiment que “ce n’est pas pour nous/moi”. Les personnes en situation de précarité et vivant une situation stigmatisante (chômeurs, analphabètes, étrangers) font ce qui est en leur pouvoir pour cacher leur “stigmate” : elles évitent les contextes révélant leur situation. Dans le cas des SEL, les échanges se font généralement au domicile de l’un ou l’autre des membres de l’échange, ce qui n’est pas une situation souhaitée par tous.
Enfin, les problèmes de mobilité (personnes âgées, frais liés aux déplacements,
22
22
2 La rencontre avec les publics visés Suite à l’élaboration de nos hypothèses et sachant que nous avions la possibilité de les confronter auprès des publics visés, sur le terrain des associations partenaires, nous avons opté pour la rencontre en groupe, en proposant d’approcher nos questionnements à l’occasion de séances d’animation collectives.
2.1 L’animation de groupes Les séances d’animation ont duré de 2 à 3h et on été conçues pour servir le double objectif : –– D’informer les participants au sujet de l’existence et du fonctionnement d’initiatives citoyennes solidaires et gratuites existantes. Nous avons choisi de présenter le SEL et le Repair Café, car ce sont deux systèmes proposant des services gratuits, qui ont des logiques de fonctionnement différentes. Le Repair Café est libre d’accès et n’implique aucune réciprocité, alors que pour bénéficier des services du SEL, il faut s’en faire membre. –– De récolter un certain nombre d’informations au sujet de leurs propres pratiques en matière de solidarité et leurs avis concernant les réseaux citoyens présentés, afin de savoir non seulement ce qu’ils connaissent, ce qu’ils en pensent, mais également si cela les intéresserait on non d’y participer et à quelles conditions.
Nous nous sommes appuyés sur nos partenaires pour qu’ils mobilisent leurs publics. Nous avons choisi de travailler avec des groupes préconstitués, pour les raisons suivantes : –– le temps limité dont nous disposions rendait difficile l’organisation d’un recrutement de participants à des groupes ad-hoc, –– le fait de connaître les autres participants rend plus facile le fait de s’exprimer en public, –– le fait que nous soyons introduits par les représentants de l’association partenaire avec qui les participants ont déjà établi un lien de confiance nous permettait de bénéficier de cette confiance et donc d’une certaine légitimité.
Nous basant sur des concepts de construction collective de savoirs, nous avons privilégié l’approche collective et prévu des temps de travail en grand groupe ainsi que des temps de travail en sous-groupes avec restitution des informations recueillies, en grand groupe et ce, afin de dynamiser les échanges et de faire participer chacun à la réflexion entamée à propos des questions traitées. Certains participants étant en apprentissage du français et/ou d’alphabétisation, nous avons également utilisé du matériel didactique tel qu’images, schémas, histoires, … L’expérience acquise avec ces outils a d’ailleurs permis de mieux cerner les besoins d’adaptation des plateformes informatiques utilisées par les SEL, notamment quant à l’intérêt de l’utilisation d’images culture-free, et la nécessité de définir une nouvelle charte graphique pour adapter ces sites et contribuer à faciliter leur accessibilité.
2.2 Composition des groupes Au Collectif Alpha, nous avons travaillé avec quatre groupes d’apprentissage du français de niveaux différents. Nous y avons rencontré 49 personnes, dont 26 femmes et 23 hommes. Près de la moitié des participants sont d’origine marocaine. La plus jeune participante a 19 ans, le plus âgé a 66 ans ; la moyenne d’âge est de 43 ans. A la Mission Locale de Forest (MLOC), nous avons travaillé avec 3 groupes inscrits dans des processus différents de leurs parcours d’insertion socio-professionnelle : Programme de Transition Professionnelle (PTP), Recherche Active d’Emploi (RAE) et Détermination. Nous avons rencontré 29 personnes, dont 22 hommes et 7 femmes. La moitié des participants est d’origine marocaine. Via le CPAS de Forest, nous avons travaillé avec 3 groupes, qui ont tous été mobilisés pour cette occasion : –– Le groupe Babelâges, lié au service de maintien à domicile et au Contrat de Quartier Primeurs Pont de Luttre est composé de 6 femmes et 3 hommes. La majorité d’entre eux sont Belges. Tous ont plus de 60 ans. Il y a une certaine mixité
23
Europe
Pays de l'Est
Tun is i e
4
1
1
1
11
3
B én i n
M ar o c
1 1 2�
Congo
A lg ér i e
1
0 0�
6 17 23 47�
Se r bi e
Tc h éq ui e
H o n g ri e
I t ali e
G r èc e
F r an c e
E s pag n e
B e lg i q u e
P o r t ug al
Genre et pays d’origine
Maghreb
3
1
Collectif Alpha Femmes Hommes sous-total Pourcentages
1 0 0�
0 0�
0 0�
0 0�
0 0�
1 2�
0 0�
0 0�
1 2�
3 6�
1 2�
MLOC Femmes
1
Hommes
1
1
1
sous-total
0
0
1
1
1
0
1
0
1
1
15
0
4
0
Pourcentages
0�
0�
3�
3�
3�
0�
3�
0�
3�
3�
52�
0�
14�
0�
CPAS Femmes
15
Hommes
7
3
1
1
3
1
sous-total
22
3
0
0
1
0
0
1
0
0
3
0
1
0
Pourcentages
69�
9�
0�
0�
3�
0�
0�
3�
0�
0�
9�
0�
3�
0�
Femmes
15
3
0
0
1
1
1
1
0
0
13
1
5
1
Hommes
7
0
1
1
1
0
0
0
1
2
28
0
3
0
Total général
22
3
1
1
2
1
1
1
1
2
41
1
8
1
Pourcentages
20�
3�
1�
1�
2�
1�
1�
1�
1�
2�
37�
1�
7�
1�
Tableau 1 Genre et pays d’origine
sociale dans ce groupe, tant au niveau de l’instruction qu’au niveau économique. –– Un petit groupe de personnes créé pour l’occasion, à partir du groupe de participants aux activités du service participation sociale, culturelle et sportive. Nous avons ainsi rencontré 3 femmes d’origine marocaine, une femme belge et un homme d’origine américaine. –– Un groupe de résidents de la maison de repos le Val des Roses. Ce groupe était constitué de 14 femmes et de 4 hommes, tous âgés de plus de 65 ans. La grande majorité est belge. Certains vivent en maison de repos depuis plusieurs années, d’autres seulement depuis quelques mois.
Au total, nous avons donc rencontré 110 personnes, d’origines différentes et dans des contextes variés.
2.3 Contenu et déroulement des animations 2.3.1 Identification des pratiques d’entraide des participants En regard de notre hypothèse 4 (les publics visés ont leurs propres réseaux d’entraide), nous avons délibérément opté pour une amorce aux discussions à partir des pratiques existantes dans la vie des personnes présentes. Nous avons, pour cela, invité les participants à se remémorer une expérience vécue comme agréable, concernant des services qu’ils ont rendus à d’autres personnes ainsi que des services reçus. Nous les avons aidés à identifier le contexte de ces situations (vie privée, vie sociale), le lien pré-existant entre les personnes de
24
P o ur c e n t ag e s
T o t al USA
E qu at e u r
B r ési l
Tur q ui e
Pak i s t an
I r ak
A f g h an i s t an
9 18�
T c h ad
1 2�
S én ég al
3 6�
I le M a ur i c e
9
Amérique latine
Asie
n i g e ri a
1
Ni g e r
3
Ca m e r ou n
Guin ée
1
B éni n
Tu n i s i e
6
Congo
M ar o c
24
Afrique
Autres
Maghreb
Collectif Alpha 17 23 47�
1 2�
1 1 2 4�
1 1 2�
1 1 1 2�
1 2�
1 1 2�
1
1
1 2�
1 2�
1 1 2�
1 1 2�
0 0�
0 0�
0 0�
1
1
1
0 0�
26 23 49
53� 47�
7
24�
22
76�
MLOC 4
1
11
3
1
15
0
4
0
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
1
1
0
52�
0�
14�
0�
3�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
3�
3�
3�
0�
29
CPAS 3
1
24
75�
1
8
25�
32
3
0
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
9�
0�
3�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
0�
3�
13
1
5
1
10
1
1
0
1
0
1
1
0
0
0
0
0
0
57
52�
28
0
3
0
0
1
0
1
0
1
0
0
1
1
1
1
1
1
53
48�
41
1
8
1
10
2
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
110
37�
1�
7�
1�
9�
2�
1�
1�
1�
1�
1�
1�
1�
1�
1�
1�
1�
1�
Tableau 1 Genre et pays d’origine
l’échange, la nature du cadre (spontané ou organisé, unique ou répété) ainsi que les dimensions de gratuité et de réciprocité éventuelles. Nous avons cherché à comparer entre eux les différents réseaux actifs et utiles des membres, soulignant points communs et différences.
2.3.2 Réflexion collective sur les réseaux : ressources et limites Dans la suite de cette étape, il nous a semblé utile de parcourir avec les participants, la réflexion qui a mené à l’élaboration des SEL. En effet, cela permet de comprendre directement le pourquoi de certains fonctionnements et ce, de façon concrète. Le groupe a identifié des limites aux pratiques d’entraide au sein d’un réseau restreint de personnes proches (la famille,
les amis proches, les voisins éventuellement) et a ainsi pu appréhender directement l’intérêt d’un réseau d’entraide plus large, organisé et régulé. Ces limites qui peuvent être liées à : • un manque de disponibilité des proches, • une similitude de compétences entre personnes appartenant à un même contexte socio-culturel et donc à la difficulté de trouver de l’aide qui requiert l’utilisation de compétences différentes, non présentes dans le groupe restreint, • un sentiment d’(inter)dépendance trop fort, qui rend difficile la possibilité de mettre des limites (difficulté de dire non quand on sait que le “demandeur’’ n’a personne d’autre à qui demander, mais aussi difficulté de demander quand on est conscient de
25
solliciter souvent les mêmes personnes) • ...
L’étape suivante consistait à questionner la façon dont on peut élargir son cercle de connaissances, afin d’y inclure un plus grand nombre de personnes et donc un plus grand nombre de ressources, à partir d’un schéma représentant trois cercles: • le cercle des proches (famille, amis), • le cercle des connaissances (famille plus éloignée, amis d’amis, collègues de travail ou de formation/cours/activités, personnes fréquentant régulièrement les mêmes lieux que nous), • le cercle des inconnus.
2.3.3 Valorisation des compétences de chacun et du potentiel du groupe La phase de valorisation des compétences s’est révélée être très porteuse pour la dynamique de groupe. Cela s’est fait au travers de la question “quels services auriezvous envie de proposer aux personnes qui pourraient en avoir besoin ?”, et avait pour but d’étudier l’hypothèse selon laquelle les publics visés auraient une faible estime de soi et le sentiment de “n’avoir rien à offrir” à d’autres, limitant de facto la possibilité de participer à un réseau d’échange de services. En fonction des groupes également, un travail supplémentaire en sous-groupes a permis d’analyser ces services afin de mettre en évidence toutes les compétences qui sont mobilisées pour rendre ces services. Il nous semblerait intéressant d’exploiter davantage la possibilité qu’offre ce type d’action en vue de soutenir le processus de valorisation et d’estime de soi des personnes appartenant au public visé. Ce travail permettrait, en augmentant l’estime et la confiance en soi des participants, d’évacuer l’un des freins les mieux identifiés par l’expérience des Selistes et par les travailleurs sociaux : celui de ne pas oser participer à un réseau par peur de n’avoir rien à y offrir. Suite à cela, la présentation des initiatives citoyennes a pu entrer directement dans le champ des questions suivantes : quelles sont les choses que “je pourrais faire car j’en ai les capacités” pour poursuivre avec “Est-ce que ça m’intéresse ? Quels sont les freins ?”.
2.3.4 La présentation des initiatives citoyennes a) SEL Nous avons ensuite présenté les Systèmes d’Echange Local. Nous en avons présenté à la fois les raisons d’être (liées à la motivation des personnes qui en sont membres) et leurs modalités de fonctionnement. Nous nous sommes attelés à vérifier plusieurs hypothèses : • la méconnaissance de l’existence des SEL, • la difficulté d’en comprendre le sens sans explication approfondie, • l’écart entre les valeurs des membres des SEL et les valeurs présentes dans nos groupes, • les freins liés à certaines modalités pratiques.
Nous avons présenté les caractéristiques des SEL, leurs modalités de fonctionnement, ainsi que les motivations des Selistes à s’en faire membre. Nous avons laissé la possibilité de poser des questions afin de s’assurer de la compréhension de tous à propos de ces différents aspects concernant ces réseaux. b) Repair Café Dans certains groupes, nous avons également eu le temps de présenter les Repair Cafés. Le fonctionnement en tant que visiteur/utilisateur, ainsi que celui des bénévoles et leurs motivations à rendre ce genre de services. Il s’agissait ici, notamment, d’aborder l’hypothèse d’un éventuel écart de préoccupations prioritaires entre membres des réseaux citoyens et publics visés.
2.3.5 Discussion, identification des freins et des leviers La dernière phase des animations consistait en une discussion ouverte en réaction aux initiatives présentées. Il était notamment question de lister les avantages et inconvénients de tels systèmes, les freins pouvant rendre difficile la participation, et les pistes d’action pouvant lever ces freins.
2.3.6 Quelques variantes en fonction des groupes Les publics que nous avons rencontrés étaient porteurs d’une grande diversité à de multiples niveaux.
26
26
Soulignons : • la diversité des objectifs suivis par les groupes selon qu’il s’agisse de l’apprentissage du français oral et écrit, de loisirs partagés, de recherche d’emploi ou d’acquisition de compétences professionnelles ; • la diversité des publics et de leurs niveaux de connaissances ainsi que de leur aisance en français ; • l’hétérogénéité au sein même des groupes, tant au niveau des cultures d’origine et des parcours de vie qu’au niveau de la maîtrise du français et des concepts abstraits.
Face à ces diversités, nous avons constamment cherché à adapter notre canevas d’animation. Certains facteurs ont joué, tels que le niveau d’autonomie par rapport au langage oral et écrit, la taille du groupe et le nombre d’animateurs présents. Une attention particulière a été portée au vocabulaire utilisé pendant les animations. Nous avons été nous-mêmes confrontés à certains des freins mentionnés dans les hypothèses que nous cherchions à vérifier, notamment concernant : • la pudeur par rapport à leurs difficultés de compréhension. Il s’est avéré important de vérifier constamment si ce qui avait été dit avait été bien compris, ce qui est difficile dans les grands groupes. • L’adaptation demandée aux “passeurs d’information’’. Ceux-ci doivent accepter que les choses prennent du temps et qu’il faille aller à contre-courant des exigences d’efficience ou de “rentabilité’’ auxquelles nous sommes habitués et qui nous animent plus ou moins inconsciemment.
2.3.7 Observations et résultats L’accès à l’information Premier constat : l’existence des réseaux citoyens bruxellois est très peu connue des publics des associations avec lesquelles nous avons travaillé. L’immense majorité des personnes que nous avons rencontrées ne connaissait ni l’existence des SEL, ni celle des Repair Cafés. Certaines initiatives, plus visibles par leur nature même, étaient connues de quelques
(rares) personnes : c’était le cas des potagers collectifs et des “incredible edibles” (fruits et légumes cultivés dans l’espace public par des citoyens), du co-voiturage et de la fête des voisins. En matière d’“aide”, d’autres actions étaient davantage connues, notamment celles portées par des associations telles que la Croix-Rouge, Entraide et Culture (notamment l’aide alimentaire), les Petits Riens, etc. Il semblerait donc que les canaux de communication utilisés par les initiatives citoyennes ne touchent pas facilement le grand public. Nous avons également pu constater qu’une information succincte (telle celle contenue dans un flyer par exemple) ne suffirait probablement pas pour attirer l’attention des publics visés et conviendrait encore moins pour susciter le fait d’engendrer une démarche active (laquelle est nécessaire pour participer à ces réseaux). Outre les difficultés potentielles liées à la lecture, ce type d’information n’offre pas la possibilité de poser des questions, de vérifier la compréhension et le sens de l’initiative et d’établir un lien direct entre ce qui est proposé et sa propre vie. Un relais d’information vivant, par l’intermédiaire de personnes de contact, semble bel et bien essentiel.
L’intérêt pour les initiatives présentées Une partie des personnes ayant participé à nos animations se sont montrées intéressées par les initiatives citoyennes que nous leur avons présentées. Certaines ont clairement manifesté l’envie de participer à ce genre de réseaux. Les participants partagent en effet le constat d’un manque de solidarité ambiant, lié selon eux à l’individualisme croissant. Les causes invoquées sont multiples : le rôle de l’éducation, le rythme de vie contemporain, l’omniprésence de l’informatique et de la technologie limitant les contacts humains27, etc.
27 “Aujourd'hui, avec l'ordinateur, on peut tout avoir par téléphone ou internet, donc on peut rester chez soi.” (un participant du Collectif Alpha).
27
Nombre d’entre eux, d’origine étrangère, comparent l’ “ici” au “chez nous”, ou “les Belges” aux “nous”. Cependant, les Belges que nous avons rencontrés font le même constat... et comparent alors l’“aujourd’hui” à l’ “avant”, ou encore la ville à la campagne. Des réflexions telles que “ici, dans la rue, les gens ne disent pas bonjour” ou “maintenant, c’est chacun pour soi” témoignent de ce ressenti des lacunes de la vie sociale à Bruxelles. Les problèmes d’isolement et de solitude ont été fréquemment soulevés, tant pour des situations les concernant directement que pour ce qu’ils observent autour d’eux. Nous avons perçu une certaine inquiétude concernant la solitude des personnes âgées. Dans le cadre des échanges sur ces aspects, tous les participants ont démontré que la solidarité est présente dans leur vie, elle est considérée comme quelque chose de “naturel”, d’ “humain” et d’important. Il était donc très facile de les faire parler des services qu’ils rendent autour d’eux. Ils ont beaucoup parlé d’entraide spontanée, au sein de leurs cercles de proches, mais également auprès d’inconnus. La notion du plaisir que l’on peut éprouver lorsque l’on rend service à autrui, l’importance de se sentir mis en valeur du fait de posséder des connaissances et des compétences qui peuvent venir en aide aux autres, la nécessité de se sentir utile, sont des éléments qui sont également apparus au cours des animations. Ainsi, les participants partagent les valeurs de solidarité à la base des réseaux citoyens. Certains y voient également une réelle utilité sociale dont ils pourraient bénéficier. Une partie des participants ont témoigné de la difficulté à obtenir de l’aide gratuite en Belgique et trouvent effectivement que ces initiatives, particulièrement le SEL, pourraient leur être utile. Au nombre des besoins qui pourraient trouver certaines réponses grâce à ces réseaux, citons : une source d’informations conviviale sur ce qui existe en Belgique, de l’aide pour des démarches administratives, des occasions de pratiquer le français et de rencontrer la “population locale” (y compris leurs coutumes, leur histoire, leur cuisine),
une solution pour la garde ponctuelle de leurs enfants, un accompagnement dans la découverte de la ville (comment se repérer, utiliser les transports en commun), de la compagnie contre le sentiment de solitude, etc. Une partie de ces besoins découle directement des difficultés liées à l’absence d’un réel parcours d’accueil pour les personnes étrangères. Une autre partie est à mettre en lien avec la difficulté de combiner les contraintes de la vie professionnelle et familiale ainsi que des complications liées au marché de l’emploi28, de moins en moins accessible pour de nombreuses personnes. Certains participants voient également dans la possibilité de mettre leurs compétences au service des autres une opportunité de pratiquer ces compétences et de participer activement à la vie sociale. Effectivement, les réseaux citoyens pourraient être un lieu de pratique pour exercer des compétences qui ne sont pas ou plus mobilisées, que ce soit pour des raisons de chômage ou autres29. Plusieurs personnes exprimaient le fait qu’elles seraient ravies si l’on faisait appel à elles “pour donner un coup de main”, “pour tenir compagnie” ou pour de multiples services plus précis. Un témoignage qu’il nous parait important de souligner est celui de la difficulté éprouvée par les personnes d’origine étrangère à rencontrer “des Belges”. En effet, les apprenants du Collectif Alpha sont nombreux à regretter le manque de mixité socio-culturelle de certains quartiers et le fait que leur entourage social direct ne soit pas francophone. Certaines femmes 28 “Moi, j'ai travaillé en France pendant 8 ans et en Belgique pendant 7 ans, mais c'était seulement avec des Marocains, donc je n'ai pas appris à parler français”. “Avant, pour travailler, on n'avait pas besoin du français. Mais maintenant, il faut parler français pour trouver un travail. Et c'est difficile de trouver du travail, il faut aussi des diplômes.” “Avant, dans un atelier manuel, il y avait 10 personnes qui travaillaient. Maintenant, avec les machines, il y en a un seul.” (des participants du Collectif Alpha). 29 A titre d'exemple, un participant du Collectif Alpha disait qu'il pourrait, grâce au SEL, se remettre au jardinage, délaissé depuis plusieurs années. Un participant de la Mission Locale, ayant fait, par le passé, une formation en ébénisterie mais s'étant par la suite réorienté vers une autre filière, pourrait continuer à pratiquer le travail du bois s'il était membre d'un tel réseau.
28
28
témoignent également des difficultés d’intégration liées à leur contexte de vie familiale et/ou communautaire particulier, ne leur laissant pas toujours la liberté d’entrer en relation avec des personnes inconnues. Ces situations sont de réels obstacles à l’apprentissage de la langue et des codes culturels dominants, ainsi qu’à une réelle intégration sociale. Bien entendu, l’intérêt pour les réseaux citoyens dépend de nombreux facteurs. Il est notamment à mettre en parallèle avec les personnalités et avec les parcours individuels. En effet, une personne née à Bruxelles et participant à un processus d’insertion professionnelle n’a pas les mêmes besoins qu’une personne récemment arrivée en Belgique et y connaissant peu de monde. Une minorité des personnes que nous avons rencontrées estime ne pas avoir besoin d’aide et n’est pas intéressée par ces initiatives.
L’existence d’autres réseaux d’entraide et leurs limites Les discussions concernant les réseaux d’entraide auxquels ont accès les participants ont révélé l’existence d’une solidarité informelle et spontanée, liée à des réseaux d’appartenance pré-existants tels que la famille, les amis, parfois le quartier lorsque l’on y vit de longue date. Quelques uns des participants sont ou ont été bénévoles au sein d’associations (quartier, clubs sportifs, écoles de devoirs, événements de la Croix-Rouge, etc.). Certaines personnes fréquentent régulièrement des lieux de culte mais n’ont pas mentionné de réseau d’entraide structuré associé à ces lieux. L’accès aux réseaux d’entraide informels dépend très fortement des situations personnelles et notamment de la disponibilité des membres de la famille et de leur présence ou non sur le territoire. Il en va de même lorsque l’on élargit le cercle d’appartenance à une communauté ethnique et/ou religieuse. Toutes les communautés ne sont pas présentes en proportions égales à Bruxelles, ni structurées et soudées de la même manière. L’histoire de l’immigration et de l’implantation de ces différentes communau-
tés sur le territoire apporte quelques clefs de compréhension à ce sujet30. Les relations avec les voisins sont aussi très aléatoires, très fréquentes dans certains cas, très distantes dans d’autres cas. Il ne semble pas possible de tirer ici de conclusions générales. Il semble plus facile d’être en relation d’échange de services avec des personnes partageant une même identité culturelle. Ceux qui ont beaucoup d’échanges dans leur voisinage se trouvent dans des quartiers à tendance communautaire31. Les échanges avec des personnes d’autres communautés sont plus rares et semblent davantage le résultat d’un heureux hasard. Les limites de ces réseaux personnels et le manque de disponibilité des proches, des phénomènes de dépendance relationnelle ainsi que d’ingratitude ont également été soulevés. Lorsque le réseau est très restreint, les phénomènes de dépendance sont forts et le manque de liberté personnelle est ressenti. C’est le cas notamment des femmes qui ne parlent pas le français, et dont la situation ne permet pas de rencontrer facilement d’autres personnes. Ces femmes dépendent alors de la disponibilité et du bon vouloir de leur mari (ou d’autres proches)32. D’autres participants relataient diverses situations liées au manque de connaissances et de points de repères à leur arrivée en Belgique, et de la nécessité qu’ils éprouvaient d’être accompagnés partout. Les problèmes liés à l’analphabétisme engendrent eux-aussi un manque d’autonomie qui conduit à devoir faire sans cesse appel à l’aide. Le sentiment d’être redevable et celui d’obligation envers la famille ont été mentionnés. 30 Lire à ce sujet l'ouvrage de Hans Vandecandelaere Bruxelles, un voyage à travers le monde, paru aux éditions ASP en 2013. 31 La communauté étant ici entendue au sens large. Par exemple, il semblerait que les ressortissants de certains pays d'Afrique établissent facilement des liens, même entre différentes nationalités et ethnies. 32 Une femme témoignait de la difficulté qu'elle avait eue à faire accepter à son mari qu'il était important pour elle aussi de sortir de chez elle et d'apprendre à se débrouiller seule, avant de pouvoir intégrer les cours du Collectif Alpha.
29
Pris par les horaires contraignants du rythme de vie urbain contemporain (entre travail, formation, école des enfants et autres), les personnes sur qui les participants peuvent facilement compter ne sont pas toujours disponibles quand cela est nécessaire. Certains participants ont parlé de “l’occidentalisation de leurs compatriotes”. Il s’agit, selon eux, d’un plus grand individualisme et d’une moins grande disponibilité liée au fait d’intégrer un système qui “stresse” et “presse les gens comme des citrons”, ne laissant plus beaucoup de place à la convivialité et à l’entraide. Enfin, dans la plupart des groupes, le thème de l’ingratitude est apparu. Même s’il n’y a pas de besoin de réciprocité immédiate lorsque les participants rendent un service, il semble important pour la plupart qu’il y ait une certaine reconnaissance et de savoir qu’il est possible de “compter sur l’autre”. Déceptions et mauvaises expériences dans le passé peuvent amener à l’attitude “je préfère ne plus demander”, “je préfère me débrouiller seul(e)”, voire à refuser d’apporter son aide aux autres. Les demandes s’orientent alors plutôt vers les personnes moins proches, les “connaissances’’.
Les freins relevés par les participants33 Les participants ont relevé plusieurs éléments rendant difficile leur participation à un réseau tel que le SEL. Tout d’abord, ils ont souligné leur manque d’information au sujet de l’existence des SEL et d’autres initiatives, qui semblent ne pas être suffisamment relayées par les médias et les moyens de communication les atteignant. Le caractère ponctuel et relativement privé des événements, ainsi que le fait qu’il n’y ait pas un lieu physique de référence semblent rajouter à ce manque de visibilité. Il peut y avoir une confusion entre l’endroit où sont organisées les initiatives et l’origine du groupe porteur. Dans le cas de Forest, le Repair Café est organisé au Centre Culturel flamand, ce qui semble indiquer, aux yeux de nos participants, qu’il est nécessaire de parler néerlandais.
33 Il s'agit ici d'un relevé des freins qui ont été abordés lors des animations. Ces freins ne s'appliquent pas à toutes les personnes rencontrées de la même façon.
Les réunions du SEL de Forest étant organisées dans les locaux de l’Abbaye pourrait leur laisser croire que la commune est à l’origine du projet. Le peu de temps libre peut limiter la possibilité de participer à de tels réseaux. Au niveau des compétences nécessaires pour participer à un SEL, les barrières que constituent la langue, l’écrit et l’informatique constituent un frein important. Les participants qui ne parlent pas bien le français buttent face à la démarche de téléphoner directement à une autre personne du réseau afin de se mettre d’accord sur un échange de services. De même, certaines personnes disent qu’elles auraient peur de ne pas bien comprendre ce qu’on leur demande par téléphone et ce qu’on attend d’eux. La présence physique permet de compenser non-verbalement les lacunes verbales. Le fait de devoir passer par un site informatique pour obtenir des informations ou pour communiquer avec les membres du réseau est difficilement praticable pour ceux qui sont en apprentissage de l’écrit et/ou n’ont pas de compétences en informatique et/ou n’y ont pas accès facilement. Pour certains, “c’est la honte” de ne pas savoir lire, c’est gênant “d’avoir la nationalité belge et de ne pas parler français”. Notons que ces barrières ne sont pas un frein pour tous : une partie des participants que nous avons rencontrés sont francophones, les participants de la Mission Locale sont pour la plupart utilisateurs d’internet et seraient autonomes face à l’interface informatique. Pour certains, le caractère organisé de l’entraide et, notamment l’usage de la monnaie pour comptabiliser les services rendus, paraît contre-nature. Pour une grande partie des participants, il est difficile d’intégrer un réseau de prime abord impersonnel. Le fait qu’il n’y ait pas d’intermédiaire entre les membres du SEL et qu’il faille donc établir un contact direct avec un inconnu peut constituer un obstacle. La nécessité de se rencontrer d’abord, de prendre le temps de se connaître afin de se sentir en confiance a été souvent
30
30
mentionnée. Ceci est particulièrement important si l’on considère que les échanges ont généralement lieu chez les membres. Ce dernier aspect en lui-même n’est pas considéré comme un obstacle majeur34, la similitude avec la venue d’un professionnel étant établie, quoique celle-ci est plus facilement acceptée car plus “officielle”. De façon minoritaire, certains ont exprimé une tension entre la volonté de préserver leur vie privée (ne pas donner ses coordonnées, car “les autres pourraient fouiller dans mon passé”) et celle d’avoir suffisamment de garanties sur qui fait partie du réseau pour pouvoir faire confiance à ses membres. L’organisation de rencontres conviviales est considérée comme un élément très positif, mais certains ont pointé que ces fêtes ne seraient peut-être pas suffisantes, ou du moins pas assez fréquentes pour qu’ils se sentent assez en confiance et prêts à entrer en relation d’échange de services. Certains ont également souligné qu’ils ne s’y rendraient pas seuls et auraient besoin d’être accompagnés par quelqu’un de confiance. Globalement, les opinions exprimées évoquent - pour nous - le besoin de “recréer un village” dans lequel – à l’image des villages traditionnels - l’anonymat est rompu et où la solidarité s’organise d’une manière informelle et spontanée. Liée aux difficultés d’expression apparaît la peur d’être jugé. La peur du jugement des autres est un obstacle certain, il peut prendre différentes formes. Elle s’est exprimée en lien avec la thématique du racisme, laquelle a émergé dans tous les groupes (personnes âgées y compris) au travers de récits de rejet, de discrimination, voire d’humiliation. Les participants restent ouverts à la rencontre, capables de discerner un cas particulier d’un autre, mais avec précaution. En ce qui concerne les groupes de personnes âgées que nous avons rencontrés, la mixité y est principalement intra-européenne. Le rapport aux ressortissants d’autres régions 34 Exception faite pour certaines personnes âgées, pour qui un accompagnateur de confiance serait indispensable avant de pouvoir laisser entrer un inconnu chez soi.
du monde semble plus délicat, mais il n’est pas systématiquement rejeté. Suite à de mauvaises expériences passées et conscients des préjugés qui circulent, certains participants publics visés craignent d’être considérés à priori comme demandeurs, comme profiteurs. D’autres doutent que l’on fasse appel à eux en sachant qu’ils sont d’origine étrangère et modeste. Les risques de déséquilibres dans l’échange et les potentiels “profiteurs” ont parfois été pointés du doigt, ainsi que les risques d’abus de confiance ou de pouvoir. Le rapport inégalitaire entre riches et pauvres a été désigné comme un frein, certains dénonçant une attitude de supériorité des riches envers les pauvres. Comment être certain que les mêmes inégalités ne vont pas se reproduire ? Comment être certain que l’ “on va vraiment faire appel à nos compétences” ? Malgré les valeurs portées par le SEL, certaines personnes craignent qu’il ne s’agisse pas d’une réelle alternative, mais d’une déclaration d’intention qui ne sera pas forcément répercutée dans les faits35. Le caractère non professionnel des services rendus gratuitement au sein de ces initiatives citoyennes a posé problème à certaines personnes, car il semble ne pas garantir la qualité du résultat. Pour d’autres, il est évident que tous les services ne doivent pas être rendus par des professionnels, le type de services échangés se situant clairement dans le cadre de “l’aide ponctuelle entre amis”. Les participants ont souligné que ces solutions ne sont pas adéquates en cas d’urgence, car elles prennent du temps et peuvent s’avérer être une perte de temps si elles n’apportent pas de solution au problème. Des craintes par rapport au cadre légal sont un frein important. Dans l’optique de rendre des services au sein d’un SEL, les participants se posaient les questions légitimes des assurances et responsabilités en cas de problème. A l’inverse, ils s’interrogeaient sur leur possibilité de recours en cas 35 Cette réaction est apparue principalement avec les groupes de la Mission Locale.
31
de travail mal fait ou de dégâts occasionnés. Pour d’autres encore, les craintes se situent dans le rapport à l’emploi. D’une part, le fait de participer à ces initiatives peut-il entraîner une perte des allocations sociales ? D’autre part, ces initiatives ne sont-elles pas une concurrence à l’emploi ? Il est intéressant d’observer que la plupart de ces craintes rejoignent les inquiétudes habituellement exprimées par toute personne désireuse d’entrer dans un réseau d’entraide entre personnes. Elles sont tout à fait habituelles et légitimes. Soulignons simplement que les difficultés rencontrées dans leurs parcours de vie rendent peut-être ces craintes plus fortes et qu’il faut davantage de temps à ces personnes du public visé pour se sentir en confiance. Soulignons également que ces personnes sont peut-être moins outillées pour faire face à des situations injustes, déséquilibrées et /ou dangereuses, ou qu’elles sont moins confiantes en leurs capacités à se défendre avec les outils légitimes dans notre société (capacités de langage, connaissance du droit, personnes ressources, etc.).
une articulation entre les pouvoirs publics et la société civile qui les initie. Instaurer une coordination officielle Le souhait de certains serait d’obtenir des garanties en développant une coordination des initiatives citoyennes qui les aide à identifier ce qui est fiable ou non et qui permette la mise sur pied d’une permanence physique (pas uniquement téléphonique). Une telle coordination assurerait la mise en réseau et offrirait des garanties quant à la confiance accordée aux membres. Pr ivilégier le contact direct Compte tenu des freins évoqués, les participants préfèreraient d’autres modalités pratiques dans le cadre de réseaux citoyens avec : • Une adresse, un bureau, un lieu de permanence fixe (concret, physique, facilitant la rencontre). • Une permanence téléphonique qui puisse aussi traduire les demandes, faire le lien. • L’élargissement des fêtes entre membres à des personnes non-membres.
Les recommandations formulées par les participants
• La visite en groupe d’un Repair Café et de séances d’information SEL.
Diversifier les canaux de communication Pour nos participants, les réseaux citoyens auraient intérêt à diffuser leurs informations en diversifiant les vecteurs et les cibles :
Favor iser le collectif Nos participants soulignent également le besoin d’augmenter la fréquence des fêtes et des activités collectives.
• A grande échelle : télévision, radio, toutes-boîtes, affiches dans les transports en commun. • A proximité : affiches dans les lieux fréquentés (CPAS, commune, associations, épiceries, pharmacies, maisons médicales...), journaux locaux (Vlan, journal communal).
Accompagner la démarche Selon eux, l’accessibilité supposerait : • la mise en place de personnes intermédiaires et d’interprètes, • d’aller à plusieurs, avec quelqu’un de confiance,
• En participant aux fêtes de quartier.
• d’organiser une rencontre avec les personnes avec qui on serait amené à échanger,
• En proposant des animations dans les écoles, les associations, les clubs, etc.
• d’être accompagné au moins lors de la première rencontre/échange,
Soutenir et offr ir une reconnaissance pour plus de visibilité Les initiatives citoyennes sont souvent discrètes, elles gagneraient à se faire connaître et l’appui des pouvoirs publics leur permettrait de toucher un plus grand nombre de citoyens mais aussi, d’envisager
• de sensibiliser les membres aux différences culturelles pour garantir le respect
Revoir la logique de gestion du rapport offres/demandes Les participants évoquent la nécessité de sortir du cadre de la relation interpersonnelle pour pouvoir émettre un appel collectif quand le besoin d’aide le nécessite (plutôt
32
32
que de rester ciblé sur une personne). Ils mentionnent également le souhait de pouvoir publier une offre “je suis disposé à vous aider” sans devoir définir une offre précise.
3 L’enquête SEL 3.1 Objectifs Afin d’enrichir notre réflexion grâce à celle menée par les membres des SEL euxmêmes, nous avons décidé de leur adresser un questionnaire. Il s’agissait à la fois : • de prendre la mesure de leur intérêt pour notre thématique et de recevoir leur opinion à ce propos; • de récolter leurs bonnes idées et bonnes pratiques afin de pouvoir ultérieurement les diffuser au sein de tous les SEL qui désirent agir dans le sens de davantage de mixité sociale; • d’identifier les pistes d’action concrètes à mettre en œuvre dans le cadre du projet, en vue de faciliter l’accessibilité des réseaux citoyens.
Concernant ce dernier point, il s’agissait notamment de relever les idées qu’ont les membres des SEL, mais qu’ils n’ont pas les moyens de mettre en place eux-mêmes, s’agissant de réseaux citoyens bénévoles limités en termes de temps et de ressources logistiques, mais également d’évaluer le cadre dans lequel il serait souhaitable de continuer notre action : est-il préférable de mettre sur pied un réseau inspiré des SEL et distinct de ceux-ci, ou s’agirait-il de faciliter l’adaptation des SEL existants afin de les rendre plus accessibles aux publics moins autonomes ?
3.2 Echantillonnage Nous avons décidé de contacter tous les SEL Bruxellois dont nous connaissons l’existence. Il nous importait de toucher les différents SEL car ils ont fait des choix différents et adopté des modalités de fonctionnement différentes.
3.3 Modalités pratiques Nous avons choisi de procéder à cette partie de l’étude par le biais d’un questionnaire. Cela nous permettait de récolter un plus grand nombre de réponses dans le temps prévu pour l’étude de faisabilité. Le questionnaire a été mis en ligne via l’outil JotForm. Les réponses sont anonymes. Les coordonnées des membres des SEL ne sont pas accessibles aux tiers. Nous devions donc passer par leurs comités de coordination afin de leur demander de transmettre notre questionnaire à leurs membres36. La démarche a globalement été bien accueillie par les coordinateurs, dont certains nous ont exprimé leur volonté d’agir dans le sens de davantage de mixité sociale, et ont évoqué les difficultés auxquelles ils font face sur ce sujet. Seule une minorité de coordinateurs a refusé de participer à l’enquête ou n’y a pas donné suite37.
3.4 Constitution du questionnaire Nous avons cherché à construire notre questionnaire de façon complémentaire à ce qui avait déjà été fait dans le cadre d’autres études. Ainsi, nous n’avons pas inclus de questions concernant les données socio-démographiques des répondants, car des études au sujet du profil des membres des SEL38 ont été réalisées récemment. Des études grâce auxquelles nous disposons de données sur les motivations qui poussent les personnes à se faire membre d’un SEL, ainsi qu’au sujet de leur degré de satisfaction et des bénéfices qu’ils disent en retirer. Dans le cadre de cette étude qualitative, nous étions surtout intéressés par la richesse 36 Nous avons cherché à contacter les coordinateurs des SEL par téléphone afin de leur expliquer verbalement notre démarche et la place de celle-ci dans le cadre du projet Selidaire. En effet, nous avions rencontré certains d'entre eux lors de la phase exploratoire du projet, mais tous n'avaient pas pris connaissance du projet Selidaire. Lorsqu'il n'a pas été possible d'avoir un contact téléphonique , nous avons envoyé notre requête par email. 37 Voir la partie descriptive pour plus de détails. 38 Notamment 2 mémoires universitaires au sujet des SEL en Belgique : Simonson Matthieu, Etude d'un système d'échange de service sans argent, Université Catholique de Louvain, 2005 et Leboeuf Marion, Les monnaies sociales ; outil pour un développement durable ? Le cas des systèmes d'échange local, Université Libre de Bruxelles, 2011.
33
des idées des Selistes et par la diversité de leurs opinions. Nous avons donc inclus un nombre important de questions ouvertes, afin de ne pas limiter ou influencer les réponses possibles. Les réponses à ces questions ne sont pas toutes exploitables, certaines étant trop imprécises. Les trois thématiques de notre questionnaire étaient les suivantes : • les valeurs, les objectifs et les modes de fonctionnement des SEL tels qu’ils sont perçus par les répondants; • les opinions, les pratiques et les idées associées à la participation des publics visés à la vie des SEL; • la motivation des répondants quant à l’ouverture des SEL à ces publics et leur disposition éventuelle à y contribuer.
3.5 Participation des Selistes 3.5.1 La participation des SEL bruxellois Les comités de coordination de14 SEL de la région bruxelloise ont été contactés. Parmi ceux-ci : • 9 ont accepté de participer à l’enquête, • 2 ont refusé, • 1 était dans l’impossibilité de participer, et • 2 ne nous ont pas donné de réponse.
Les coordinations des SEL suivants ont accepté de participer à notre enquête et ont relayé notre demande à leurs membres :
La coordination du SEL Auderghem et celle du SELofan (Saint Gilles) ont refusé de transmettre le questionnaire à leurs membres. Il semblerait que, dans les deux cas, la décision n’ait pas été prise collectivement mais individuellement. La coordinatrice du SEL Auderghem a refusé de transmettre notre demande à ses membres, en indiquant que notre “démarche n’entre pas dans le cadre [des] objectifs [du SEL Auderghem]”. Il semblerait cependant que les coordinatrices elles-mêmes (ou quelqu’un d’autre à qui elles auraient transmis le lien) aient répondu au questionnaire puisque nous avons reçu dans chaque cas un questionnaire rempli par un membre de ces SEL. En soi, le refus est déjà un élément de réponse pertinent, nous apportant des informations quant à la crainte que peut engendrer notre démarche, ou du moins à l’interprétation qui peut en être faite. En effet, pour appuyer leur refus, les coordinatrices nous renvoient à la Charte de leur SEL respectif, dans lesquelles la volonté de préserver l’autonomie citoyenne est manifeste. Citons que le “SELAuderghem se veut fondamentalement un groupement apolitique, hors commerce et exclusif de toute relation de “travail - au sens des lois sociales belges”. Les membres du SELofan s’engageant à rester “extrêmement vigilants à ne pas générer ou subir l’influence ou l’emprise de partis politiques, de mouvements religieux ou sectaires”.
• SELunivers (Woluwe-Saint-Pierre),
Remarquons que ces deux SEL font partie de ceux qui se disent “à caractère social”, lesquels mettent particulièrement l’accent sur l’importance de l’autogestion par les citoyens exclusivement, maintenant une distance non seulement avec les pouvoirs politiques mais également avec les asbl.
• SELanderlecht,
3.5.2 Les répondants au questionnaire
• SELevere (Evere),
Le questionnaire a été conçu de façon à permettre à chaque participant de répondre à certaines questions et non à d’autres. Il lui est donc possible de poursuivre sa participation même si une question a été passée (non traitée).
• BruSEL et SELouverture (19 communes bruxelloises), • SELteplait (Berchem-Sainte-Agathe), • ArchiduSEL (Watermael-Boitsfort), • Forest de Sel (Forest),
• SELixelles.
Le SEL d’Uccle, appelé “Les fleurs de Sel”, était dans l’impossibilité de participer à l’enquête car il n’y a plus de comité de coordination pour le moment. Ce SEL ne sait pas s’il va continuer à exister. Nous n’avons pas reçu de réponse de SELavie (Schaerbeek), ni du JetteSEL (Jette).
De ce fait, le nombre de répondants varie d’une question à l’autre. Le lecteur verra dès lors apparaître deux types de pourcentages:
34
34
• Le “pourcentage relatif” est celui qui est calculé sur base du nombre de réponses à la question posée.
3.6 Le dépouillement des questionnaires
• Le “pourcentage absolu” est celui qui est calculé sur la base du nombre total de participants au questionnaire, soit 58 personnes.
3.6.1 A propos de la participation des publics visés
Notre échantillon est composé des réponses de 58 personnes en provenance de 11 SEL différents. Certains répondants étant simultanément membres de deux SEL: 4 sont membres du SELouverture et du BruSEL, une personne est à la fois membre de SELofan et de Forest de SEL. Il était possible pour les répondants ayant une double appartenance de remplir le questionnaire deux fois, si leur analyse était différente en fonction de l’expérience de ces SEL. Ce choix n’a été retenu par aucun.
Tableau 2 Répondants au questionnaire – répartition des SEL
Q2 : De quel�s� SEL êtes vous membre ? Réponse BruSEL
Nombre de réponses Pourcentages 16 27,6�
SELouverture
12
20,7�
BruSEL & SELouverture
4
6,9�
SELteplait �Berchem-Sainte-Agathe�
10
17,3�
ArchiduSEL �Watermael-Boitsfort�
5
8,7�
SELevere
3
5,2�
SELunivers �Woluwe-Saint-Pierre�
2
3,4�
SELanderlecht
1
1,7�
Forest de SEL
1
1,7�
SELofan
1
1,7�
Forest de SEL & SELofan
1
1,7�
SELixelles
1
1,7�
SELauderghem
1
1,7�
TOTAL
58
100
Il est intéressant de constater le fort taux de participation des membres du SELteplait. Il s’agit d’un SEL très récent (septembre 2013) dont le nombre de membres est peu élevé car limité, par principe, à 50 ménages. Le tableau donnant un aperçu chiffré des réponses est présenté à la fin de ce chapitre.
Le questionnaire était introduit par le texte suivant : “Selidaire est un projet initié par l’asbl Interstices qui entame un travail de réflexion à propos de la participation des publics dits “fragilisés” au sein des réseaux citoyens. Actuellement, de nombreuses initiatives citoyennes voient le jour à Bruxelles (et ailleurs) : elles proposent une alternative à l’économie marchande et aux modèles habituels de consommation et placent l’humain et l’environnement au centre de leur démarche. Les SEL font partie de ce mouvement, ainsi que les Repair Cafés, les potagers collectifs, les donneries, etc. Nous constatons que le public qui participe à ces réseaux citoyens est assez homogène (culture occidentale, niveau d’études supérieures), et qu’il y a un déficit de participation de certains publics, visés par notre recherche. Nous pensons aux personnes rencontrant des difficultés liées à leur contexte de vie, que ce soit sur un plan social, économique ou culturel : personnes âgées isolées, familles monoparentales, personnes analphabètes ou peu instruites, personnes d’origine étrangère parlant pas/ peu le français, personnes en grande difficulté financière, en fracture numérique (n’ayant pas/peu de connaissances en ou d’accès à l’informatique)...”
QUESTION 1 : Aviez-vous connaissance de ce constat ? La majorité (72,4%) des personnes ayant répondu à notre questionnaire disent avoir effectivement connaissance de ce constat au niveau des initiatives citoyennes. Seize personnes (27,6%) répondent ne pas en avoir connaissance.
QUESTION 2 : De quel SEL êtes-vous membre ? Voir tableau 2, plus haut.
QUESTION 3 : Partagez-vous ce constat dans le cas du SEL dont vous êtes membre ?
35
Partage du constat Tenant compte du fait que la notion de mixité sociale et culturelle est laissée à l’appréciation de chacun et suivant sa propre définition selon la perception subjective qu’il peut se faire au sein du SEL dont il est membre, trois quarts (43) des participants partagent ce constat, une personne sur quatre seulement ne le partageant pas. L’absence des publics dits “fragilisés” : les causes perçues A la question 3,
QUESTION 3a : Si oui, quelles sont selon vous les causes qui expliquent pourquoi ces publics sont absents du SEL ? Deux tiers des répondants (27 personnes) évoquent en premier, le manque d’accès à l’information, lié aux canaux de communication utilisés pour la diffusion de l’information ainsi que pour la communication interne. Au sujet du manque d’accès à l’information, il est souligné qu’il peut s’agir d’un manque de connaissance de l’existence des SEL, mais également d’un manque de précisions sur ce en quoi ceux-ci consistent, et d’un manque d’information qui permettrait d’en comprendre le sens et l’intérêt. Les causes invoquées du manque d’information sont multiples. En premier lieu, l’usage d’internet et des e-mails est souvent avancé comme un élément excluant de facto ceux qui sont en fracture numérique. Ensuite, la circulation informelle de l’information au sein de réseaux sociaux personnels préexistants (par bouche-à-oreille, invitations personnelles à se joindre au réseau, envoi d’e-mails, fréquentation de lieux spécifiques) restreint sa diffusion à un circuit limité. Les supports d’information utilisés, écrits et souvent informatisés, ne peuvent atteindre tous les publics. Enfin, pour expliquer que les SEL soient peu connus “du grand public”, plusieurs répondants en appellent à la relative nouveauté du phénomène, à sa faible diffusion dans les médias et au manque de visibilité du concept (étant donné que les échanges ont lieu dans l’espace privé).
Près de la moitié des répondants (19 personnes) invoquent des causes de l’ordre de la peur, la crainte et les préjugés dans le chef des publics visés; deux répondants font part de cette même peur de l’autre, du côté des membres du SEL. Une série de réponses (16) indiquent pour cause de leur absence le manque d’intérêt des publics visés pour les SEL. D’une part (8 réponses) en raison d’autres priorités ou préoccupations liées notamment à des difficultés économiques (dont la peur de perdre ses allocations), et d’un manque de temps disponible et/ou d’énergie à consacrer à ce genre de réseaux. D’autre part, l’existence d’autres réseaux de solidarité est mentionnée six fois, ainsi qu’à deux reprises un certain repli identitaire sur les communautés d’appartenance. Un quart des réponses (10 réponses) met l’accent sur le caractère “culturel” des SEL, en le liant explicitement à une certaine classe sociale privilégiée. On observe qu’une partie de ces répondants semble considérer que la solidarité instaurée par le SEL n’a pas de sens dans certaines cultures, car il s’agit d’un “type de réseau “fabriqué’’, dans lequel la solidarité n’est pas “gratuite”. Pour certains, ce type de solidarité ne serait ni adéquat, ni nécessaire lorsque les réseaux d’entraide traditionnels (populaires, communautaires, religieux) fonctionnent39. Certains répondants indiquent un manque d’initiatives de la part des membres des SEL, ou les obstacles à de telles initiatives. Il est ainsi question du déficit de “démarches adaptées”, du manque de disponibilité, d’énergie et/ou de formation des bénévoles pour l’intégration de ces publics, de la difficulté de gérer efficacement un système d’échange avec un “système papier’’, de l’effort de communication nécessaire pour expliquer le fonctionnement des SEL. Les membres du SELteplait notent aussi la jeunesse de leur SEL, et le fait qu’ils n’aient “pas encore trouvé les moyens de sensibiliser 39 “C'est une initiative typiquement occidentale marquée par la croissance économique et l'individualisme. C'est un retour de valeur que ne connaissent pas les personnes vivant dans la précarité ou la survie. Elles utilisent leurs propres réseaux.”
36
36
ce public”. Le fait de devoir payer une cotisation pour devenir membre est mentionné une fois comme frein potentiel à l’adhésion de publics précarisés. Enfin, quelques réponses mettent l’accent sur des raisons d’ordre plus structurel : le “manque de mixité sociale à Bruxelles”, la “sociologie de la commune”, le “contexte de démobilisation” ne favorisant pas l’engagement au sein d’un réseau participatif. La difficulté à entrer en contact avec les publics visés est également mise en avant par quelques réponses.
exige semblent être des obstacles majeurs. Les préjugés, la peur de l’autre, le manque de confiance pourraient être autant de freins aux échanges, tant du côté des publics absents des SEL que de celui des membres. La crainte de tensions liées aux différences de modes de fonctionnement sont citées à plusieurs reprises, particulièrement en ce qui concerne les prises de décisions collectives. Il est en effet souligné que dans la situation actuelle le consensus n’est pas toujours facile à atteindre, que les discussions sont longues et risqueraient de l’être encore davantage en diversifiant le public.
QUESTION 4 : Selon vous, la participation des publics visés par notre recherche au sein des SEL peut-elle susciter des difficultés particulières ?
De manière moins marquée, la crainte d’un déséquilibre au sein du système apparaît dans plusieurs réponses.
Un peu plus de la moitié (55,4%) pense que oui, leur participation peut susciter des difficultés.
Plusieurs personnes indiquent des difficultés liées à une faible confiance en soi de certains publics, leur rendant difficile la démarche d’offrir des services au sein du réseau. D’autres pensent que “les publics visés risquent d’être essentiellement en demande” plus qu’en capacité de rendre des services.
QUESTION 4a : si oui, lesquelles ? Tous les répondants “oui” à la question 4 ont précisé, soit 31 personnes. En premier lieu viennent les difficultés d’ordre pratique. Celles-ci concernent principalement la communication : la maîtrise de la langue (nécessité de pouvoir comprendre et s’exprimer facilement, tant à l’oral qu’à l’écrit) et des outils de communication informatisés (accès et facilité d’utilisation d’internet). Est inclue dans la communication la possibilité de bien comprendre le fonctionnement du système (abstrait et concret). La capacité à se déplacer est également soulignée, notamment concernant les personnes âgées. En lien avec cette problématique, le besoin d’accompagnement et de suivi est fréquemment cité. Le manque d’autonomie par rapport aux modalités d’usage du système implique davantage de gestion et une nécessaire disponibilité de la part des autres membres du réseau. En deuxième lieu apparaissent les difficultés liées à l’interculturalité. Il est question de codes culturels, de normes, de valeurs, de comportements et du “manque de perméabilité des frontières sociales”. La difficulté de s’ouvrir aux autres et l’effort d’adaptation que cette démarche
Plusieurs réponses indiquent également qu’il pourrait y avoir des difficultés liées à l’attitude des Selistes envers les publics visés : notamment une attitude condescendante ou paternaliste, des rapports de pouvoir, un manque de valorisation de leurs compétences. L’existence de pratiques visant à la mixité sociale et/ou culturelle Les deux questions suivantes visaient à mettre en évidence l’existence d’initiatives prises par les membres des SEL afin de développer leur mixité sociale et culturelle.
QUESTION 5 : a. Des pratiques ont-elles été mises en place au sein du SEL dont vous êtes membre dans l’objectif spécifique de développer la mixité sociale ? b. Des pratiques ont-elles été mises en place au sein du SEL dont vous êtes membre dans l’objectif spécifique de développer la mixité culturelle ? Ici, les réponses sont peu tranchées, 20 personnes sur les 50 répondants estiment que leur SEL a effectivement mis en place des pratiques visant à développer la mixité sociale, alors que 30 personnes sur ces 50 estiment que ce n’est pas le cas. Les
37
réponses sont un peu plus marquées en ce qui concerne la mixité culturelle, pour laquelle seulement 15 personnes sur 48 répondent “oui” et 33 répondent “non”. Quelques exemples de bonnes pratiques et de solutions à envisager
QUESTION 5c : Si oui, quelles sont ces pratiques et quelle analyse peut-on faire de ces expériences ? QUESTION 6 : Quelles �autres� solutions pourraient être mises en place pour favoriser la participation d’un plus grand nombre de personnes ? Les pratiques décrites concernent quatre domaines d’action différents sans possibilité d’en évaluer l’impact: Pratiques de diffusion de l’information : au niveau des canaux de communication, des relais d’information et du type de démarche à entreprendre. Multiplication des lieux de séances d’information, affiches et autres supports papier permettant d’en faire la publicité et à diffuser plus largement, présence physique des membres des SEL lors d’événements dans l’espace public, invitations directes au cas par cas dans le but de donner aux SEL une plus grande visibilité dans l’espace public. Collaborer avec “le maillage social existant” : associations de quartier, écoles et écoles de devoirs, centres communautaires, coopération avec le CPAS, acteurs sociaux communaux, etc. en préférant un contact direct et proactif afin de donner corps à une invitation40. Pratiques d’accueil, de disponibilité et d’accompagnement : Trois réponses proposent l’idée d’une borne ou d’une permanence téléphonique, réunions d’information/accueil mensuelles, parrainage/ marrainage des nouveaux membres. Parfois il est proposé que cet accompagnement puisse consister en un service offert au sein du réseau (et donc rétribué en monnaie SEL).
sont autant d’opportunités d’intégrer les membres au réseau. Pratiques liées au fonctionnement du SEL : le fait de continuer à utiliser le format papier pour la communication interne (qui permet de limiter le frein lié à la fracture numérique), l’offre de formations en interne pour apprendre à utiliser le site internet et les outils informatiques. Enfin, deux réponses proposent des actions de sensibilisation, telles une “réunion sur le thème de la mixité pour susciter une prise de conscience du rejet de la différence”. Un dixième des réponses fait directement référence à l’ancrage du SEL et au groupe porteur du réseau. Ainsi, trois réponses parlent de “démarrer” un tel projet “directement avec une mixité”, “dans des quartiers mixtes”, “dans un autre milieu que le milieu bobo”. De manière plus marginale, il est également question de l’implication de professionnels41 et de la mise à disposition de moyens, tels que des locaux pour les rencontres et cours collectifs, constituant “un endroit neutre (...) pour faciliter les échanges”.
3.6.2 A propos des objectifs et du fonctionnement des SEL Les motivations
QUESTION 7 : Qu’est-ce qui a motivé votre entrée dans un SEL ? Le thème du lien social est très présent dans les réponses (60%). La dimension locale (quartier, commune, voisinage) est spécifiquement nommée dans un tiers de ces réponses.
Pratiques collectives : auberges espagnoles, sorties interculturelles, activités collectives
Le thème de l’entraide et de la solidarité est également très présent. La valorisation réciproque de chacun sur un principe d’égalité des compétences est rappelée comme étant une motivation à participer à un SEL. Dans d’autres cas, la volonté de se rendre/sentir utile et d’apporter son aide à autrui est la principale motivation (sept réponses).
40 “Constituer des petits groupes de personnes ''cooptées'' et invitées : je viens avec mon voisin, avec mon boucher, avec ma baby-sitter... pour faire des réunions plus petites et personnalisées”.
41 “Implication en temps des personnes salariées (formées) des associations spécialisées”.
38
38
Plus d’un tiers des réponses (vingt) exprime une motivation directement liée à une contestation du système économique capitaliste et à la volonté d’expérimenter concrètement un système alternatif. Le sentiment de participer à une alternative est important, et les réponses sont généralement formulées avec un sens actif et positif 42. L’accent est mis sur le côté novateur ou différent, non seulement par rapport à l’économie mais également dans les modes de rencontre et ceux d’échange de services ou de savoirs. Les objectifs de mixité sociale et culturelle
QUESTION 8 : Selon vous, la mixité culturelle fait-elle partie des objectifs de votre SEL ? QUESTION 9 : Selon vous, la mixité sociale fait-elle partie des objectifs de votre SEL ? Aux deux questions, la majorité des répondants affirme que la mixité culturelle et la mixité sociale font partie des objectifs de leur SEL. Cette majorité est plus forte en ce qui concerne la mixité sociale. Cette tendance va dans le sens de ce qui s’est dégagé des questions concernant les pratiques mises en place au sein des SEL pour développer leur mixité sociale et/ou culturelle43. L’échange de biens 44
QUESTION 10a : Pensez-vous que l’échange de biens au sein des SEL pourrait favoriser la participation d’un plus grand nombre de personnes ? QUESTION 10b : Si oui, pensez-vous que l’échange de biens au sein du SEL pourrait favoriser la participation du public visé par notre recherche ? 42 Quelques réponses sont cependant plus critiques envers le système : “participer [...] à une déconstruction de la mentalité capitaliste qui hiérarchise les compétences et criminalise les comptes déficitaires”, les mentions d'un monde qui tourne surtout autour de “l'argent et la chasse au profit”, “système social étriqué qu'est celui du travail et de l'argent [qui] laisse peu de place aux différences, aux faiblesses”, “paupérisation généralisée suite à l'incompétence et au mépris des politiques à contrer la politique capitaliste de privatisation des gains versus mutualisation des pertes”.
33 participants sur 54 répondants à cette question (61,1%) pensent que l’échange de biens au sein des SEL pourrait favoriser la participation d’un plus grand nombre de personnes alors que 21 participants (38,9%) estiment que ce ne serait pas le cas. Sur 33 répondants, 28 (84,8%) pensent que cela pourrait également favoriser la participation du public visé.
QUESTION 11a : De manière générale, êtes-vous pour ou contre l’échange de biens au sein du SEL ? Les réponses s’organisent dans les mêmes proportions: 62,2% des personnes sont en sa faveur alors que 37,8% sont contre45.
QUESTION 11b : Pourquoi ? Parmi les réponses exprimées contre l’échange de biens46, trois thèmes liés entre eux émergent en proportions égales : –– L’échange de biens n’a pas sa place dans le cadre des SEL, ceux-ci devant se concentrer sur la création de lien sans rapport à l’argent. –– Il y a d’autres réseaux plus aptes à accueillir ce type d’échanges : donneries, prêteries, ressourceries, giveboxes, brocantes, bourses, l’asbl Les Petits Riens, EBay, etc. –– L’échange de biens menacerait le principe d’égalité (car “autant nous avons tous 24h par jour, autant certains ont plus de biens que d’autres”) et la valeur des biens étant “largement arbitraire”, cela risquerait de déséquilibrer les échanges.
Les personnes s’étant positionnées en faveur de l’échange de biens estiment au contraire que non seulement, cela répond à un besoin mais aussi que cela contribue aux objectifs du SEL et est considéré comme un moyen de plus permettant les rencontres. L’idée de proposer l’échange de biens dans un cadre convivial et sécurisant apparaît également, ainsi que le côté pratique
43 Voir plus haut, questions 5a et 5b.
45 Suite à une erreur de formulation dans le questionnaire, les réponses possibles étaient ''oui'' (= pour) ou non (=contre). Il semblerait qu'une seule personne se soit trompée (ayant répondu ''non'', elle explique ensuite qu'elle ne voit “aucun inconvénient à l'échange de bien, surtout dans une culture où l'on jette beaucoup”).
44 Précisons que l'échange de biens est pratiqué dans le SELouverture mais est proscrit dans les autres SEL bruxellois.
46 Quelques uns précisent qu'ils sont favorables aux prêts et aux dons, mais pas à la vente ou à l'échange de biens.
39
de rassembler les différentes initiatives existantes en une seule. Notons qu’un grand nombre (plus d’un tiers) des personnes favorables à l’échange de biens estiment que cela doit rester marginal par rapport aux échanges de services, et qu’ils sont en sa faveur à condition d’instaurer modalités et limites. Les déséquilibres entre offres et demandes de services
QUESTION 12 : Certains membres sont plus donneurs que demandeurs de services, d’autres sont plus demandeurs que donneurs. Que pensez-vous de ces situations parfois déséquilibrées ? La grande majorité des réponses expriment l’idée que les déséquilibres ne sont pas un problème. Plusieurs répondants apportent des éléments d’explication à ces situations, liées aux situations et inclinations personnelles, mais aussi au fonctionnement d’un tel système47. L’objectif du SEL comme vecteur de rencontres et d’entraide est réaffirmé : “ce sont les échanges qui font la richesse du SEL”, et la comptabilisation de ces échanges est relativisée, voire contestée. L’équilibre individuel peut aussi être envisagé sur le long-terme (quelques années). Ayant observé que les personnes en “négatif” peuvent éprouver de la honte et ne plus oser demander des services. Une partie des répondants estime néanmoins qu’il est bon de prévoir des limites afin d’éviter les abus et d’inciter les membres à tendre vers l’équilibre. Ils soulignent l’importance de la gestion du système et de sa transparence. Les rares personnes (trois seulement) exprimant clairement une opposition aux situations déséquilibrées disent aussi ne pas accepter les demandes de ceux dont le compte est trop en négatif. La monnaie alter native 47 “Certains donneurs sont en recherche de reconnaissance, certains demandeurs ont beau chercher, leurs compétences ne sont pas recherchées”, “je constate que les offres de ''luxe'' (bien agréables parfois!) prédominent sur les offres de travail manuel (ménage, bricolage). On a peu de ''bricoleurs'' et ils sont très demandés.”
QUESTION 13a : L’usage d’une monnaie alternative dans le SEL : - est un élément essentiel du SEL et son fonctionnement actuel vous convient - est un élément essentiel du SEL mais son fonctionnement devrait être adapté - n’est pas nécessaire au fonctionnement du SEL QUESTION 13b : Pourquoi ? Pour la majorité des répondants (55%), la monnaie alternative est un élément essentiel du SEL et son fonctionnement actuel leur convient. Il semble important pour eux de formaliser le système afin de lui donner un caractère sérieux, dans lequel on prend ses responsabilités. Les comptes en monnaie virtuelle sont les témoins des échanges, lesquels permettent de garder un œil sur l’équilibre entre demandes et offres de services et “d’éviter les dérapages”. Cette comptabilisation permet également la reconnaissance des services échangés. Elle garantit la réciprocité en donnant une contrepartie au service rendu, le différenciant donc d’un don, acquittant ainsi le receveur de tout sentiment d’être redevable. Une personne sur cinq (19,6%) trouve également que la monnaie est essentielle au SEL mais que son fonctionnement devrait être adapté. Deux réponses vont dans le sens de dépasser la logique crédit-débit pour aller vers davantage de solidarité. Par ailleurs, deux personnes suggèrent que la monnaie devrait être commune à tous les SEL, et l’une suggère aussi son utilisation dans les commerces de proximité. Enfin, 25% des répondants estiment que la monnaie n’est pas nécessaire au fonctionnement du SEL. Selon eux, la monnaie alternative sert principalement à mettre en évidence la vitalité et la dynamique du SEL. En effet, les échanges étant privés, seule la comptabilité permet à l’ensemble du réseau de réaliser le nombre d’échanges qui ont lieu. Certains observent que cette comptabilité peut provoquer de la gêne lorsqu’elle fait apparaître les déséquilibres et la jugent inappropriée dans un cadre qui veut favoriser la solidarité et les rapports humains non marchands.
40
40
Taille idéale du SEL et fréquence idéale de rencontres
relativement fréquentes, idéalement une ou plusieurs par saison.
QUESTION 14: Selon vous, quelle est la taille idéale d’un SEL ? - au niveau du nombre de membres - au niveau du territoire géographique couvert
L’adéquation entre modalités pratiques et objectifs, et recommandations
Il y a eu 38 réponses considérées comme exploitables. Plus de trois quarts des réponses à cette question situent le nombre idéal de membres sous la barre des 150 personnes48. Au niveau du territoire géographique, nous avons 49 réponses utilisables qui se basent sur différents critères49 : Des critères administratifs : 29 réponses (59,2%) dont la commune (14), le quartier (5), quelques communes (5), la ville (3), la région (2), autres (2). Des critères d’accessibilité : 5 réponses, dont 3 exprimées en temps : de moins de 30 minutes à moins d’une heure et 4 faisant référence aux moyens de transport : transports publics 3x, à pied 2x, en vélo 1x. des critères de taille physique : 5 réponses pour une taille maximale d’un rayon de 5 km. Deux participants ajoutent à la dimension locale de leur réponse l’importance d’une mise en réseau plus large : l’un parle de “relations intersel”, l’autre de “la même inscription sur un territoire régional pour déghettoïser les éventuelles antennes locales”.
QUESTION 15 : Selon vous, quelle est la fréquence idéale – des rencontres collectives conviviales ? – des échanges entre membres ? En ce qui concerne la fréquence des rencontres collectives conviviales, 38,7% des participants répondent “une par mois” ou davantage, 32,7% la souhaitent bi- ou trimestrielle et 16,3 % mentionnent une fréquence semestrielle. La tendance générale est donc une demande pour des rencontres collectives conviviales 48 28,9% sous la barre des 50 membres, 34,2% entre 50 et 100 membres, 13,2% entre 100 et 150 membres, 23,7% au dessus de 200 membres. 49 Certaines réponses se basent explicitement sur plusieurs critères.
QUESTION 16a : Selon vous, les modalités pratiques de fonctionnement du SEL sont-elles en adéquation avec les objectifs du SEL ? L’immense majorité (54 sur 56 répondants), soit 93,1% des membres des SEL ayant participé à notre questionnaire estiment que les modalités pratiques de fonctionnement du SEL dont ils sont membre sont en adéquation avec les objectifs du SEL.
QUESTIOIN 16b : Quelles recommandations de modification feriez-vous ? Nous avons reçu 35 réponses dont seulement 24 proposent effectivement des modifications. La plupart de ces réponses concernent une amélioration de la communication entre membres et le dynamisme du réseau. Il est question d’outils (utiliser les réseaux sociaux tels que Facebook, “garder un site internet dynamique”, une messagerie via le site du SEL) mais aussi de faciliter et d’encourager les rencontres et l’investissement dans le réseau (permanence, réunions à thèmes, variabilité des horaires des rencontres, “assurer la relève”, recruter de nouveaux membres). Il s’agit de soigner la convivialité et la fluidité des informations. Deux personnes suggèrent l’instauration d’un système de relance afin de stimuler les personnes peu actives au sein du réseau en reprenant contact avec elles. Une partie des réponses s’adresse davantage au système de gestion des échanges. Certains abordent le thème de l’informatisation du système, certains trouvant que cela simplifie la gestion (davantage d’autonomie et de fluidité)50, d’autres au contraire trouvant que cette informatisation est un frein pour certains membres. Trois personnes émettent l’idée d’un système d’évaluation des échanges (voire des membres).
50 Pouvoir modifier soi-même ses offres, pouvoir adresser une demande collective lorsque l'on a besoin d'aide, recevoir des rappels, etc.
41
La dimension des principes démocratiques apparaît dans quelques réponses et notamment, dans celles des deux personnes ayant remis en question l’adéquation entre les modalités pratiques et les objectifs de leur SEL.
3.6.3 Les réponses concernant les “passeurs de sel” Le type de processus à enclencher
QUESTION 17 : A votre avis, quelle serait la meilleure façon de permettre au public visé par notre recherche de participer au SEL ?
QUESTION 19 : Si oui, que préféreriez-vous : Agir de sorte que votre SEL s’adapte pour devenir un réseau mixte, incluant les personnes visées par notre recherche Devenir membre d’un autre SEL dont le fonctionnement vise à l’inclusion de ces personnes ? Parmi les 43 personnes ayant répondu par l’affirmative à cette question, 40 personnes se positionnent en exprimant leur préférence de la façon suivante :
a- prévoir un processus d’accompagnement personnalisé de ces membres, de type parrainage, au sein d’un SEL “normal’’,
85% (34 personnes) disent préférer s’investir au sein de leur propre SEL afin que celui-ci s’adapte pour s’ouvrir davantage à d’autres publics.
b- inventer un nouveau type de SEL avec des fonctionnements adaptés au public habituel + celui visé par notre recherche,
15% (6 personnes) préféreraient quant à elles devenir membre d’un autre SEL ayant un fonctionnement spécifiquement adapté.
c- prévoir un SEL spécial plus particulièrement destiné à ces personnes et organiser des échanges interSEL.
Soit, sur les répondants à l’enquête SEL, 59% expriment leur disposition à agir dans le sens d’une plus grande ouverture de leur SEL envers les publics visés.
En majorité (32 personnes sur 53, soit 60,4% des réponses à cette question), les membres des SEL participant à notre enquête donnent la préférence à l’option a), préférant une solution de type parrainage au sein des SEL existants. Onze personnes (20%) trouvent qu’il serait préférable d’inventer un nouveau type de SEL, et dix personnes (19%) qu’il faudrait prévoir un SEL spécial et organiser des échanges interSEL. Contr ibution personnelle
QUESTION 18 : Personnellement, seriez-vous prêt à offrir vos services dans le cadre d’un réseau qui s’intéresse à l’inclusion des personnes visées par notre recherche, habituellement absentes de ces réseaux ? La grande majorité des personnes ayant répondu à cette question (43 personnes, soit 74% de notre échantillon global) affirme être prête à offrir ses services dans le cadre d’un réseau qui s’intéresse à l’inclusion sociale.
QUESTION 20 : Si non, pour quelles raisons ? 12 personnes précisent les motifs de leur non contribution à ce type de réseau : 5 personnes sur 12 (41.7%) remettent en question la démarche sous-tendue par la question, elle leur semble ne pas correspondre aux objectifs des SEL. Une personne écrit ainsi que “ce serait plus du bénévolat et non de l’échange de service”. Il est aussi souligné que d’autres structures existent pour s’occuper de cette question. Plusieurs insistent sur le fait que l’inscription au SEL est une démarche personnelle et volontaire et qu’il n’est donc pas question de faire du “prosélytisme”. Observons que trois de ces répondants estiment que si ces publics sont absents du SEL, c’est “qu’ils ne le veulent ou ne le peuvent pas”. Deux de ces répondants expriment une inquiétude face au “risque de dénaturer le projet” ou au “risque de voir disparaître l’esprit actuel” et, “ce n’est peut-être pas utile qu’ils nous imposent leur mode de fonctionnement”.
42
42
Les autres raisons au refus de participer personnellement à une offre au sein d’un réseau orienté “inclusion des publics visés” sont les suivantes : Le manque de temps, le manque de compétences nécessaires pour cela, la priorité est de consolider l’existence du SEL ordinaire. La mise en œuvre d’actions visant la participation de tous : quelques recommandations Nos deux dernières questions étaient formulées de façon ouverte :
QUESTION 21 : a. A votre avis, de manière générale, qui devrait mettre en œuvre les actions qui permettraient la participation des publics visés par notre recherche au sein des réseaux citoyens ? b. Comment ? 52 participants pour la 21a et 47 pour la 21b, et 55 personnes au total pour ces deux questions : Les citoyens : 27 personnes (soit 49% des réponses) citent les citoyens, ou les membres des SEL ou des réseaux citoyens. La moitié d’entre eux ne cite que les citoyens, et deux personnes insistent sur le fait que cela “doit rester une initiative citoyenne”, “sans aucune intervention des pouvoirs publics”. Les associations : 18 réponses (32,7%) concernent les associations/asbl, avec quelques précisions. Le terme asbl ou association est souvent complété par une formule indiquant une relation professionnelle pré-existante avec les publics que nous cherchons à inclure. Près de 2/3 des réponses suggèrent que les associations travaillent de concert avec les pouvoirs publics/CPAS, en combinaison ou non avec d’autres acteurs.
Les pouvoirs publics/CPAS/commune sont mentionnés 18x, apparaissant donc dans 32,7% des réponses. Ils ne sont jamais cités comme seuls acteurs, mais sont appelés à venir en soutien aux autres acteurs. Rappelons que dans d’autres réponses, il est spécifiquement indiqué que ces acteurs ne devraient pas intervenir. Les publics visés eux-mêmes : seuls 7 répondants (12,7% des réponses) mentionnent spécifiquement ces publics, et 4 de ces 7 répondants ne mentionnent pas d’autres acteurs, insistant donc sur l’importance d’une démarche initiée par eux. Pour les réponses à la question 21b, les recommandations des membres des SEL ayant participé, soit 47 personnes sur 58 (81%) sont les suivantes : L’axe majoritaire est celui de la diffusion de l’information. Soit 21 (sur 55) donnent des pistes en ce sens : davantage de publicité dans les quartiers cibles et les lieux fréquentés par les publics visés, de l’information directe, “de personne à personne”, une adaptation des supports d’information, fonctionner en réseau. Huit réponses (14,5%) concernent les actions à mettre en place par les membres des SEL. Quatre réponses parlent spécifiquement d’un travail de sensibilisation et de réflexion à mener au sein des SEL eux-mêmes.
43
Tableau 3 Les réponses au questionnaire SEL – données chiffrées
les réponses au questionnaire SEL - données chiffrées QUESTION 1
Aviez-vous connaissance de ce constat ?
QUESTION 2
De quel SEL êtes-vous membre ?
QUESTION 3
Partagez-vous ce constat dans le cas du SEL dont vous êtes membre ?
QUESTION 3a
Si oui, quelles sont selon vous les causes qui expliquent pourquoi ces publics sont absents du SEL
Question 4
Selon vous, la participation des publics visés par notre recherche au sein du SEL peut-elle susciter des difficultés particulières
QUESTION 4a
Si oui, lesquelles ?
QUESTION 5a
QUESTION 5b QUESTION 5c QUESTION 6 QUESTION 7 QUESTION 8
QUESTION 9
QUESTION 10a
QUESTION 10b
QUESTION 11a QUESTION 11b
OUI NON TOTAL OUI NON TOTAL
41 OUI NON TOTAL
OUI NON TOTAL OUI Des pratiques ont-elles été mises en place au sein du SEL dont vous êtes NON membre dans l'objectif spécifique de développer la mixité culturelle ? TOTAL Si oui, quelles sont ces pratiques et quelle analyse peut-on faire de ces expériences ? Quelles �autres� solutions pourraient être mises en place pour favoriser la participation d'un plus grand nombre de personnes ? Qu'est-ce qui a motivé votre entrée dans un SEL ? OUI Selon vous, la mixité culturelle fait-elle partie des objectifs de votre SEL ? NON TOTAL OUI Selon vous, la mixité sociale fait-elle partie des objectifs de votre SEL ? NON TOTAL OUI Pensez-vous que l'échange de biens au sein des SEL pourrait favoriser la NON participation d'un plus grand nombre de personnes ? TOTAL OUI Si oui, pensez-vous que l'échange de biens au sein du BruSEL pourrait NON favoriser la participation du public visé par notre recherche ? TOTAL POUR De manière générale, êtes-vous pour ou contre l'échange de biens au sein CONTRE des SEL ? Des pratiques ont-elles été mises en place au sein du SEL dont vous êtes membre dans l'objectif spécifique de développer la mixité sociale ?
Pourquoi ?
Nombre de Pourcentages réponses relatifs 42 72,4� 16 27,6� 58 Voir tableau 1 43 75,4� 14 24,6� 57
31 25 56 31 20 30 50 15 33 48 22
74,1� 24,1� 70,7�
55,4� 44,6�
53,4� 43,1�
40,0� 60,0�
53,4� 34,5� 51,7�
31,3� 68,8�
25,9� 56,9� 37,9�
52 56 32 22 54 40 15 55 33 21 54 28 5 33 33 20 53 53
Pourcentages absolus
89,7� 59,3� 40,7�
96,6� 55,2� 37,9�
72,7� 27,3�
69,0� 25,9�
61,1� 38,9�
56,9� 36,2�
84,8� 15,2�
48,3� 8,6�
62,3� 37,7�
56,9� 34,5� 91,4�
44
es
44
QUESTION 12
QUESTION 13a
QUESTION 13b QUESTION 14
QUESTION 15
QUESTION 16a QUESTION 16b
QUESTION 17
QUESTION 18
QUESTION 19
QUESTION 20 QUESTION 21
Certains membres du SEL sont plus donneurs que demandeurs de services, d'autres sont plus demandeurs que donneurs. Que pensez-vous de ces situations parfois déséquilibrées ? L'usage d'une monnaie alternative dans le SEL : est un élément essentiel du SEL et son fonctionnement actuel vous convient est un éléments essentiel du SEL mais son fonctionnement devrait être adaoté n'est pas nécessaire au fonctionnement du SEL TOTAL Pourquoi ? Selon vous, quelle est la taille idéale du SEL : au niveau du nombre de membres au niveau du territoire géographique couvert TOTAL Selon vous, quelle est la fréquence idéale : des rencontres collectives conviviales des échanges entre membres OUI Selon vous, les modalités pratiques de fonctionnement du SEL sont-elles en NON adéquation avec les objectifs du SEL ? TOTAL Quelles recommandations feriez-vous ? A votre avis, quelle serait la meilleure façon de permettre au public visé par notre recherche de participer au SEL ? a. prévoir un processus d'accompagnement personnalisé de ces membres, de type parrainage, au sein d’un SEL “normal” b. inventer un nouveau type de SEL avec des fonctionnements adaptés au public habituel � celui visé par notre recherche c. prévoir un SEL spécial plus particulièrement destiné à ces personnes et organiser des échanges interSEL Personnellement, seriez-vous prêt à offrir vos services dans le cadre d'un réseau qui s'intéresse à l'inclusion des personnes visées par notre recherche, habituellement absentes de ces réseaux ?
OUI NON TOTAL
Si oui, que préféreriez-vous : agir de sorte que votre SEL s'adapte pour devenir un réseau mixte, incluant les personnes visées par notre recherche devenir membre d'un autre SEL dont le fonctionnement vise à l'inclusion de ces personnes ? Si non, pour quelles raisons ? a. a votre avis, de manière générale, qui devrait mettre en œuvre les actions qui permettraient la participation des publics visés par notre recherche au sein des réseaux citoyens b. comment ? Nombre de répondants aux deux questions
55 31 11 14 56 32
94,8� 55,4� 19,6� 25,0�
53,4� 19,0� 24,1� 55,2�
38 49 87
65,5� 84,5�
53 47 54 2 56 35
96,4� 3,6�
91,4� 81,0� 93,1� 3,4�
32
60,4�
55,2�
11
20,8�
19,0�
10
18,9�
17,2�
53 43 12 55
78,2� 21,8�
74,1� 20,7�
34
85,0�
58,6�
6 40 12
15,0�
10,3�
52
94,5�
89,7�
47 55
85,5�
81,0�
60,3�
22,4�
45
v réflexions
1 L’accessibilité des réseaux citoyens 2 L’intérêt et la disponibilité des publics habituellement absents des SEL
Etant donné qu’il s’agit de réseaux cherchant à recréer du lien social, c’est par la rencontre directe qu’il faudrait commencer...
46
A
près avoir rendu compte des freins relevés et des recommandations suggérées tant par les publics visés que par les Selistes, reprenons en synthèse les grandes lignes qui se dégagent de notre démarche. Les allers-retours permanents entre des hypothèses (théoriques) et la confrontation aux personnes concernées nous permettent de vérifier nos impressions et, en tout état de cause, de confirmer bon nombre de nos hypothèses, avec ça et là, quelques nuances qui se dessinent. Traiter de l’accessibilité des réseaux citoyens, nous a conduit à envisager la réflexion sous l’angle de deux catégories d’obstacles à considérer à propos de la participation des publics visés. –– Les freins du point de vue du public visé. –– Les freins du point de vue du public concerné en tant que membre des réseaux citoyens.
1 L’accessibilité des réseaux citoyens L’immense majorité des personnes que nous avons rencontrées ne connaissait pas l’existence des réseaux dont nous avons parlé (SEL et Repair Cafés). La participation ne peut être envisagée qu’à partir de la connaissance que chacun peut se constituer à propos de l’existant et de l’accessible. Les personnes qui sont membres de ces réseaux citoyens semblent elles-mêmes conscientes des limites de la communication utilisée pour faire connaître ces réseaux. La rencontre des publics visés nous confirme que la promotion de ce genre d’initiative ne peut atteindre ces publics, tant qu’elle se limitera à une information succincte et formelle (digitale). La communication doit être envisagée de manière vivante, interactive, offrant la possibilité de poser directement des questions afin de vérifier la compréhension et le sens du projet (analogique et organique). Etant donné qu’il s’agit de réseaux cherchant à recréer du lien social, c’est par la rencontre directe qu’il faudrait commencer.
L’ensemble des autorités publiques et des travailleurs sociaux gagnerait à mieux connaître les initiatives citoyennes susceptibles d’être utiles aux publics visés par leurs actions sociales. Une campagne d’information en ce sens leur permettrait de passer de la catégorie des publics concernés à celle des publics facilitateurs en appuyant leurs actions sur les leviers que constituent les initiatives existantes. La diffusion de ce rapport tente d’y contribuer modestement. Au niveau des compétences nécessaires pour participer à un SEL, la langue, l’écrit et l’informatique constituent un frein important. Le fait de devoir passer par un site informatique pour obtenir des informations ou pour communiquer avec les membres du réseau est quasi impraticable pour ceux qui sont en apprentissage de l’écrit et/ou n’ont pas de compétences en informatique et/ou n’y ont pas d’accès facile (matériel et connexion en plus des compétences requises). Certes, les SEL - en tant que système humain - n’échappent pas au phénomène de reproduction sociale. Nous avons, cependant, été agréablement surpris par l’accueil favorable réservé à notre démarche, et par la volonté de certains Selistes de s’impliquer afin d’ouvrir les réseaux citoyens à un public plus large et plus diversifié. La barrière de la différence d’appartenance au groupe est un obstacle perceptible. Les participants aux animations insistent sur l’importance de rencontrer les membres d’un SEL afin de pouvoir, par la suite, échanger des services avec eux. Personnaliser le fonctionnement leur permettrait de lever certains freins liés à la démarche actuelle, perçue comme trop impersonnelle. Le premier contact doit être moins impersonnel. Il est donc important de porter explicitement une attention à ces limites dans les approches à développer pour faciliter l’accessibilité des réseaux d’échange aux publics “visés”.
47
2 L’intérêt et la disponibilité des publics habituellement absents des SEL Les hypothèses suivantes ont été formulées en tant qu’affirmations face auxquelles le public visé a réagi différemment selon des critères personnels. Les humains n’ont pas attendu la création des SEL pour se rendre service et les publics visés ont été obligés de trouver diverses ressources dans leur entourage et ce, avec des degrés de satisfaction variables selon les personnes et selon les expériences. Au sein du Collectif Alpha, les situations sont très diversifiées et certaines personnes ont témoigné de leur difficulté à obtenir de l’aide et/ou de la compagnie par manque de ressources relationnelles. Soulignons également le témoignage très fréquent que nous rapportent les personnes rencontrées et selon lequel il y a une véritable difficulté à rencontrer “des Belges” et ce, en raison d’un manque de circonstances favorables à ces rencontres. L’accès à des réseaux d’entraide dépend notamment du parcours personnel. En situation d’immigration, les primo-arrivants ne sont pas dans la même position que les immigrés de deuxième ou troisième génération, nés en Belgique. Le réseau personnel se constitue au fil du temps. L’expérience de l’immigration s’apparente à un changement de cadre de référence qui suppose de reconstituer seul ce qui s’établit sur plusieurs générations dans un contexte qui a totalement changé, avec des codes qui sont le plus souvent inconnus par des personnes issues de sociétés traditionnelles, analphabètes et sans pouvoir d’achat et qui débarquent dans un contexte occidental. Certaines personnes ayant participé à nos animations se sont montrées intéressées par notre démarche. Plusieurs ont clairement manifesté l’envie de participer à ce genre de réseau et trouvent effectivement que ces initiatives, particulièrement le SEL, pourraient leur être utiles.
Les personnes âgées résidentes du Val des Roses ont porté un moindre intérêt à ces initiatives, n’y voyant pas clairement d’utilité personnelle. En effet, elles semblent satisfaites tant pour ce qui concerne la manière dont elles sont prises en charge que pour l’offre de services dont elles peuvent bénéficier, tant via le personnel de l’institution que via les membres de leur famille. Leurs réseaux sont satisfaisants. Notons que certaines personnes estiment ne pas avoir besoin d’aide et/ou préfèrent se débrouiller seules. C’est aussi une question de personnalité et non de classe sociale. Tout le monde n’a pas forcément envie de participer à un SEL. Dans tous les cas, il s’agit d’avoir accès à des compétences complémentaires à celles dont chacun dispose déjà. C’est lorsque le besoin apparaît que la difficulté à trouver une personne pour bénéficier du service ad hoc peut être ressentie. Le fait d’être membre d’un réseau offrant d’autres ressources que celles qui sont “naturellement” disponibles présente bel et bien un intérêt. Il faut toutefois considérer l’ensemble des réticences relevées. Nos animations font apparaître que de mauvaises expériences ont confronté les participants au phénomène de racisme et de rejet entachant ainsi le désir de participer à des réseaux au sein desquels ils se retrouveraient en position de minorité culturelle. Ce qui se comprend aisément, surtout si s’ajoutent à ces différences culturelles des stigmatisations potentielles liées à leur niveau socioéconomique. Si la thématique du racisme a émergé dans tous les groupes au travers de récits de rejet, de discrimination, voire d’humiliation, il apparaît clairement que les participants concernés restent ouverts à la rencontre et qu’ils ne généralisent pas ces expériences à l’ensemble de la population belge. Ils s’avancent cependant avec précaution. Conséquence de mauvaises expériences passées et conscients des préjugés qui circulent, certains craignent d’être considérés à priori comme demandeurs, comme profiteurs. D’autres doutent que l’on fasse appel à eux en sachant qu’ils sont d’origine étrangère.
48
48
Sur le plan des valeurs, il ressort que les participants partagent le constat d’un manque de solidarité ambiant, lié selon eux à l’individualisme croissant. Les problèmes d’isolement et de solitude ont été fréquemment soulevés, tant pour des situations les concernant directement que pour ce qu’ils observent autour d’eux. Tous les participants ont démontré que la solidarité est présente dans leur vie, étant considérée comme quelque chose de “naturel”, d’“humain” et d’important. Ainsi, les participants partagent les valeurs de solidarité qui sont à la base des réseaux citoyens. Certains voient dans ces réseaux une réelle utilité sociale dont ils pourraient bénéficier. Cependant, la solidarité proposée au sein de ces réseaux ne correspond pas à leur vision de l’entraide traditionnelle. S’il est manifeste que les personnes rencontrées participent quasi uniquement à des réseaux d’échange à caractère informel, elles partagent de toute évidence le même besoin d’une certaine forme de réciprocité. Même s’il n’y a pas de besoin de réciprocité immédiate lorsque les participants rendent un service, il semble important pour la plupart qu’il y ait une certaine reconnaissance et qu’il soit possible de “compter sur l’autre”. La contestation du modèle capitaliste et le désir de changement à travers ces expériences de systèmes alternatifs sont à l’origine des réseaux SEL. Ils ne sont pas apparus comme étant des motivations prioritaires pour rejoindre et participer à un SEL de la part des personnes rencontrées lors de nos animations. Ces personnes ne partagent pas forcément la contestation du modèle de société capitaliste mais cela ne les empêcherait pas de participer à la dynamique d’échanges des SEL avec davantage de considérations pragmatiques que politiques. Cette observation renforce le besoin d’une information claire et accessible sur la philosophie et le type de système alternatif soutenu au sein de chaque SEL. En effet, chaque SEL semble se définir des priorités et des objectifs variables qui déterminent en partie les modalités pratiques retenues.
La question de la disponibilité est intimement liée à celle du temps libre et à celle des priorités. Le fait d’avoir d’autres priorités liées à des besoins sociaux de base (cf. pyramide de Maslow) est effectivement un frein important pour la plupart de ceux que nous avons rencontrés : étant à la recherche d’un emploi, et donc d’une source de revenus, leurs efforts sont orientés en ce sens. A ce propos, nos réflexions nous mènent à considérer cette fameuse pyramide de Maslow avec un nouveau regard. S’il est vrai que les besoins peuvent être hiérarchisés comme le suggère le modèle de Maslow, il nous semble cependant que son approche est statique et de ce fait, limitante. Selon son principe, les besoins physiologiques d’un individu doivent être satisfaits avant qu’il ne puisse se préoccuper de ses besoins psychologiques. Ce que le modèle n’envisage pas, c’est que le besoin psychologique (être en relation) pourrait permettre à celui qui a faim de puiser dans le potager collectif... Autrement dit, nous préférons au modèle statique de la pyramide de Maslow, une vision dynamique. On peut sauter un étage de cette pyramide, tenter de satisfaire un besoin secondaire et revenir plus riche pour satisfaire les besoins de base. Cette approche dynamique pourrait être retenue dans le travail social afin d’encourager les publics visés à se faire membre de réseaux sociaux, même si certains ont l’impression de ne pas avoir assez de temps. En effet, cette adhésion leur permettra peut-être de gagner un temps précieux grâce aux aides dont ils pourraient bénéficier lors des prochains démarchages qu’ils auront à effectuer ou de trouver des solutions indirectes auxquelles ils n’avaient pas songé. Ainsi, par exemple, pour les apprenants en alpha/fle (français langue étrangère), la priorité est d’apprendre à lire et écrire, pourtant, certains voient justement dans ces échanges la possibilité de pratiquer la langue ou d’autres compétences qu’ils possèdent, ainsi que celle de rencontrer de nouvelles personnes et de se sentir ainsi mieux intégrés.
49
Quant à la question du temps disponible en dehors de ces priorités cela est très variable d’une personne à l’autre. Certains combinent formation, travail et/ou contraintes familiales et n’ont peu, voire pas de temps libre. D’autres suivent une formation, mais ont du temps en dehors de ces heures, en fin de journée et le week-end. Certains se disent effectivement disponibles pour participer à des réseaux d’entraide gratuits. La grande majorité des personnes que nous avons rencontrées se reconnaissent plus facilement en position d’offreur que de demandeur. Il semble y avoir une tendance généralisée à accepter d’aider autrui et à éviter de devoir demander de l’aide. Les raisons invoquées sont la fierté, ne pas oser demander par peur du refus ou peur de déranger, un sentiment d’infériorité dans la position de demandeur, la crainte de forcer l’autre à répondre positivement, celle d’être redevable mais de ne pas être en condition de rendre la pareille. Ce phénomène est également présent chez la plupart des nouveaux membres du SEL, il n’est pas spécifique au public visé et ce réseau permet précisément de faciliter un changement de position à ce sujet puisqu’il
constitue une invitation à légitimer tant l’offre que la demande de service, c’est le fondement même de ces réseaux. En conclusion, le manque de visibilité des réseaux citoyens existants est un frein important à la participation de tous à ce genre d’initiative. Le potentiel de solution que constitue ce type de réseaux pour faire face à une série de situations et de besoins est largement méconnu tant par le public visé, les travailleurs sociaux que - pour partie - par les membres des SEL eux-mêmes. Les freins les plus actifs sont principalement liés aux modalités de fonctionnement de ces réseaux, et non directement aux personnes. S’il peut être noté que certains membres des SEL ne souhaitent pas ouvrir leur porte aux différences dans ce contexte particulier, nous avons été positivement étonnés par le réel potentiel d’ouverture aux publics visés qu’expriment d’autres membres. Nous avons noté quelques réticences dans le chef des différents groupes de publics (visé et concerné) dont les motifs ont été évoqués dans les pages précédentes. Nous pourrions les ramener à la notion d’expérience ou de spécificité personnelle.
50
50
VI Recommandations
1 L’information et la communication 2 Les passeurs et les publics facilitateurs 3 De nouveaux SEL ? 3.1 Des réseaux ad-hoc 3.2 La formalisation des échanges
4 La mise en réseau 4.1 Les permanences mobiles en réseau 4.2 Favoriser le collectif
5 Créer des passerelles entre services sociaux et initiatives citoyennes
Il nous semble indispensable d’inclure, dans ce processus, tous les publics concernés.
51
1 L’information et la communication
2 Les passeurs et les publics facilitateurs
Le premier frein sur lequel il est possible d’agir pour favoriser la participation de tous aux réseaux citoyens bruxellois est celui de l’accès à l’information. En concertation avec ces réseaux, il serait judicieux de diversifier leurs canaux de communication et les lieux d’information, afin d’augmenter leur visibilité dans l’espace public.
Face à l’ensemble des réactions de nos participants, l’idée d’un parrainage s’impose assez rapidement. Les applications possibles d’un système de parrainage sont multiples.
Les animations au sein de groupes semblent être un bon outil de communication, permettant la rencontre entre différents publics et garantissant une plus grande efficacité dans la transmission de l’information. Ces rencontres constituent une opportunité très riche pour construire la connaissance des publics visés et de leurs besoins afin d’envisager l’accompagnement des publics visés pour plus d’accessibilité aux réseaux citoyens, en connaissance de cause. Il nous semble indispensable d’inclure, dans ce processus, tous les publics concernés et d’inviter les travailleurs sociaux qui côtoient des publics auxquels les réseaux citoyens pourraient s’ouvrir. Ces travailleurs sont en effet des personnes relais de choix car ils connaissent ces publics et qu’ils ont, le plus souvent, établi avec eux des relations de confiance. Idéalement, au-delà d’une simple information sur l’existence de ces réseaux, il serait souhaitable que ce projet entre dans un programme plus large autour des possibilités de s’investir dans la vie locale et d’enclencher un processus d’accompagnement pour ceux qui désirent effectivement se lancer dans ce type d’aventure. Il est à noter que les réseaux citoyens insistent sur la charge “bénévole” que représente déjà le besoin de coordination et que peu d’entre eux seraient enclins à contribuer à des tâches supplémentaires sans compter que l’élargissement augmenterait la part de coordination et sans doute aussi de médiation.
Des solutions ont été proposées au sein de certains SEL, valorisées et rétribuées selon les mêmes principes de comptabilité que tout autre service au sein du SEL. Il semble cependant que les membres chargés de la coordination SEL ne soient pas en mesure d’initier et de garantir que chaque “besoin d’un passeur” puisse être satisfait et le fonctionnement actuel des SEL ne le prévoit pas initialement. Il faudrait donc initier un nouveau concept de services au sein de ce type de réseaux, le promouvoir et ensuite le coordonner pour accompagner la démarche d’inclusion des publics visés.
3 De nouveaux SEL ? 3.1 Des réseaux ad-hoc Les actions entreprises dans le sens d’une intégration des personnes issues de la diversité sociale et culturelle au sein d’initiatives citoyennes doivent être insérées dans une logique adaptée. Nous excluons d’emblée l’idée de mettre sur pied un réseau SEL ghetto qui serait adressé spécifiquement et exclusivement aux personnes qui ne sont jamais présentes dans les réseaux SEL existants. Si l’on tient compte du souhait de certains d’accéder à ce type de réseau, nous devons considérer plusieurs aspects et vérifier en quoi ils seront ou non applicables au sein des SEL existants. Dans le cas des SEL, certaines options ont été choisies par les membres comme par exemple le fait de conditionner l’inscription au fait d’habiter la commune. Cette option ne convient pas forcément à tous. Certaines personnes ont exprimé le souhait de sortir de leur quartier, ou de leur commune pour rencontrer d’autres personnes, d’autres réalités et d’autres compétences.
52
52
Dans la majorité des cas, les demandes des personnes “public visé” vont dans le sens d’augmenter l’approche collective, les rencontres et les activités en groupe. Bien qu’il soit possible de faire évoluer les règles d’un SEL en participant aux AG, ce processus démocratique prend du temps. Par ailleurs, certains participants des SEL bruxellois observent qu’il ne leur est pas toujours facile d’aller à l’encontre des idées défendues par le groupe porteur du SEL (les fondateurs, les coordinateurs, ceux qui ont le plus de facilité à défendre leur point de vue en public, etc.) ou par la majorité des membres. De ce point de vue - conscients de ne pas nous rallier à l’avis de certains Selistes qui ont participé à notre enquête - plutôt que d’amener des personnes à s’inscrire à des SEL existants, nous pensons que l’idée de la création de réseaux ad-hoc peut être considérée comme pertinente. En effet, les personnes qui désirent s’inscrire dans le processus de création d’un nouveau réseau peuvent décider ensemble des principes et modalités de fonctionnement qu’elles veulent mettre en place et, notamment, elles pourraient y intégrer la dimension de la diversité sociale et culturelle comme principe fondateur. La création d’un nouveau SEL régional intégrant d’entrée de jeu les adaptations nécessaires à davantage d’accessibilité et davantage de modalités correspondant aux besoins exprimés par les participants à nos animations ne peut être exclue. Il faudrait vérifier si son fonctionnement devrait ou non prévoir des cellules locales pour garder une taille fonctionnelle adaptée aux publics visés et envisager une complémentarité avec les SEL existants. Se posera également la question de l’articulation la plus adéquate entre le SEL régional, les SEL locaux et la possibilité de les mettre en réseaux. Dans de tels réseaux, il faudrait certainement penser à organiser la rencontre régulière entre les différents groupes. Ainsi, certains SEL prévoient déjà des fêtes réunissant les membres de différents SEL. Dans ce cas, il est important de trouver comment animer ces moments pour favoriser la rencontre, et éviter les replis entre certains
membres. Les rencontres conviviales ont clairement été identifiées comme favorisant les échanges entre membres et entre SEL.
3.2 La formalisation des échanges Si la formalisation des échanges est importante pour les membres des Systèmes d’Echange Local51, il nous parait essentiel, dans une dynamique de solidarité, de dépasser les logiques crédit-débit qui restent calquées sur la logique de marché. La dichotomie donneur/receveur, (gagnant/ perdant, supérieur/inférieur, généreux/ assisté, etc.) pourrait disparaître, laissant la place à la dimension “gagnant-gagnant’’ de l’échange. Il s’agit de mettre en évidence la création de richesses, de solidarité, de générosité et de prévoir pour se faire une autre forme de comptabilité. Dans les SEL, le système de comptabilité pourrait rétribuer les deux parties de l’échange permettant de continuer à garder des traces de l’échange et de mettre ainsi en évidence le dynamisme du réseau et de chacun de ses membres, sans risque de stigmatisation pour ceux qui sont plus souvent en demande de service qu’en position d’ “offreur’’52. En effet, la valeur du système réside dans le fait de l’échange lui même et non dans le fait de valoriser l’une des personnes de cet échange. La personne qui donne est déjà valorisée par le fait même d’offrir sa compétence. En complément, un système d’évaluation de la satisfaction des membres pourrait être mis en place, servant à la fois à alimenter le système et à obtenir un feedback détaillé de la qualité du réseau ainsi que des possibles améliorations à y apporter. La formalisation des échanges dans le système permettrait de mettre en évidence le coût - en termes d’heures et de mobilisation 51 Voir réponses aux questions 12 et 13 du questionnaire SEL 52 Éventuellement, l'option “ratio individuel” pourrait être maintenue, c'est à dire que chaque membre pourrait continuer à voir dans quelle proportion il est “donneur”et “receveur”. Cette option existe déjà dans les systèmes informatiques de gestion des échanges. Dans notre proposition, elle ne serait plus publique.
53
d’énergies - de ce projet citoyen solidaire qui comprend un travail interculturel, de valorisation des personnes et de leurs compétences, de cohésion sociale, etc. Cette formalisation, a selon nous, un intérêt politique puisqu’il concerne les habitants, la vie dans la cité, le bien-être des personnes, les diverses formes d’économie et qu’en temps de crise, nous cherchons à développer des solutions viables et accessibles pour tous. Il reste à étudier la faisabilité et les limites d’un tel système, avec l’aide d’économistes. Compte tenu de l’apparition de nouvelles monnaies complémentaires régionales et/ ou locales (le Ropi à Mons, l’Eco-Iris à Bruxelles, l’Epi à Meix-devant-Virton et plusieurs sont en élaboration sur Liège et Ottignies-Louvain-La-Neuve), il nous semblerait utile d’envisager une articulation et un transfert de compétences à propos de ce que ces monnaies ont permis d’identifier comme leviers porteurs de dynamiques constructives au service de la démarche alternative et des objectifs visés. Conscients de la démarche forestoise d’implémentation de l’Eco-Iris et de son évaluation, il nous a semblé utile d’envisager, par exemple, une rétribution du travail de mise en réseau que constitue le fait de créer un SEL. Ainsi la coordination SEL pourrait être rétribuée en Eco-Iris et accéder ainsi à un accompagnement citoyen : gestion de réseaux, gestion de conflits, accompagnement interculturel, animation et conduite de réunion pour les AG, sensibilisation au processus de décision démocratique dans la société multiculturelle, maintenance informatique, optimalisation des outils pour les plateformes SEL, soutien à la protection des données privées sur des sites collaboratifs (plusieurs intrusions ou capotage des plateformes ont été vécues, ...).
4 La mise en réseau 4.1 Les permanences mobiles en réseau Afin de rendre les réseaux citoyens plus visibles et plus accessibles, l’organisation de permanences en différents lieux et à différents horaires pourrait permettre un contact plus direct avec différents groupes de personnes. Particulièrement, ces permanences pourraient s’organiser à tour de rôle entre différentes associations partenaires. La constitution d’un réseau d’associations agissant avec un même objectif, partageant un signe de reconnaissance, pourrait faciliter la transmission d’informations et de participants. Une permanence téléphonique commune pourrait aussi être envisagée. Dans cette proposition, les associations subventionnées se feraient activement le relais des réseaux citoyens.
4.2 Favoriser le collectif Nous l’avons déjà mentionné, la dimension collective des réseaux citoyens est particulièrement importante. Dans cette optique, il serait intéressant de mettre l’accent sur cet aspect, par exemple en regroupant certaines demandes en ateliers collectifs et en investissant des lieux publics. Les maisons de quartiers et les autres lieux de rencontres peuvent être revalorisés et réinvestis par les participants. La commune peut également mettre des lieux à disposition des habitants qui le souhaitent. Ce besoin de rencontres nous invite à rappeler l’existence d’un ensemble d’initiatives qui, articulées au projet d’un réseau solidaire, soutiendraient très certainement la demande de davantage de convivialité pour sortir de l’anonymat et favoriser des contacts personnalisés. Nous pensons notamment à la fête des voisins, aux projets français des “voisins solidaires”53 et au “cyber voisins”.
53 Voir www.voisinssolidaires.fr
54
54
5 Créer des passerelles entre services sociaux et initiatives citoyennes Il s’agirait, après diffusion de l’information contenue dans ce rapport, de créer des passerelles entre les structures de services initiés dans le cadre des politiques d’aide sociale d’une part (CASG, CAP, CPAS, collectifs alpha, maison de quartier, …) et les initiatives citoyennes d’autre part. Il s’agirait enfin d’articuler l’existant et de rechercher les moyens de faire émerger les fonctions manquantes, en adressant nos constats aux écoles sociales et en poursuivant la réflexion menée avec notre partenaire ISFSC. Il est important que la suite de notre démarche n’aille pas dans le sens de “déléguer” aux SEL une mission qui revient avant tout aux pouvoirs publics. Nous voulons également éviter d’initier de nouveaux projets et préfèrerons opter pour une optimalisation de l’existant à travers de nouveaux ajustements. Enfin, et afin de tisser davantage de liens entre les différentes initiatives présentes sur un même territoire, il serait intéressant d’organiser des événements en commun. A titre d’exemple, certains échanges SEL pourraient avoir lieu en même temps et dans le même lieu que le Repair Café moyennant l’accès à des locaux adaptés. Certains visiteurs des Repair Cafés cherchent à se débarrasser d’une imprimante après l’avoir fait réparer sur place. Les donneries pourraient les récupérer, ... A l’issue de la 1ère phase (forestoise), l’asbl Interstices a opté pour la diffusion gratuite de ce rapport d’activité auprès des travailleurs sociaux et des services publiques compétents. Ainsi, ce document sera publié à 2.000 exemplaires et une version pdf plus détaillée sera mise en ligne sur le site www.interstices.be.
Il nous paraît utile, à ce stade de notre démarche, de confronter nos constats et nos propositions aux différents terrains de l’action sociale et aux initiatives citoyennes afin de les mettre en débat avant de vérifier les potentiels et les ressources mobilisables pour de nouveaux développements. En conclusion, il nous semble que la question de l’accessibilité des réseaux citoyens pour les publics visés est une vraie question. En la posant, nous recueillons ici une série de réactions qui confirment nos constats et qui mettent en évidence l’existence d’un chaînon manquant. L’accessibilité des initiatives citoyennes pourrait être plus adaptée aux personnes issues des publics visés moyennant l’instauration d’une fonction manquante, que nous identifions sous le terme de “passeur”. Cette fonction peut être assurée tant par des personnes que par des outils permettant de jeter des ponts entre : –– ce que nous pourrions appeler le “centre” de nos sociétés; à savoir un corps social composé de normes et de codes
et –– la périphérie dans laquelle se retrouvent les personnes composant le groupe “public visé” par notre projet.
Elle aurait pour mission : –– de “traduire” les codes culturels et sociaux composant la norme relative à la classe dominante pour la rendre intelligible à ceux qui n’en sont pas proches, –– de rendre l’espace numérique (qui s’impose de plus en plus généralement dans nos sociétés) plus adapté aux compétences des personnes qui composent les différents groupes d’âges, de cultures et d’éducation de nos sociétés, –– de définir des modalités de communication qui intègrent le handicap majeur que constitue le fait d’être analphabète ou peu instruit dans nos sociétés.
55
La complexité de nos sociétés et l’individualisation qui y est à l’œuvre laissent de plus en plus de personnes sur la touche, notre système devient de plus en plus difficilement intelligible et rien ne nous permet de penser que nous avançons vers davantage de lisibilité. La grande priorité est d’informer l’ensemble des acteurs régionaux et de toucher le plus large public possible et, à terme, de développer les divers ajustements. Après diffusion du rapport, nous envisageons - pour ce faire - de proposer une action communautaire au travers d’un événement permettant de relier les services sociaux et les réseaux citoyens existants sur notre région. Nous avons notamment pensé à mener une action symbolique en partenariat avec les initiatives citoyennes. Faire connaître Bruxelles et ses ressources citoyennes au grand public en proposant une activité s’inspirant à la fois du jeu de piste “Bruxelles X” de l’AMO Samarcande et reprenant les modalités d’organisation par pôles de la Zinneke Parade, afin de permettre à chacun de découvrir un “parcours du gratuit” et ce, idéalement lors d’une journée sans voiture. Il s’agirait d’initier un processus participatif en partenariat avec les services sociaux (publiques et privés) qui pourraient se faire les partenaires relais de cette initiative. Outre l’élargissement de la communication au plus grand nombre, il se pourrait que, suite à cette diffusion, certaines associations et/ou que certains réseaux procèdent – à leur niveau et de leur propre initiative – aux ajustements de leur choix. A ce stade de notre réflexion, nous pensons qu’à terme, les ajustements suivants pourraient être envisagés:
• Après une phase 1 et une phase2 et, sur base des éléments relevants, développer un réseau Selidaire régional pour permettre d’inclure d’entrée de jeu les spécificités des publics visés en veillant à respecter la diversité qui compose l’ensemble de la population régionale et en définissant des modalités organisationnelles adaptées. Il s’agirait de concevoir ce nouveau SEL en collaboration avec les réseaux citoyens existants (RCR, SEL, Repair Café, ...) et les services sociaux afin d’en assurer à la fois la visibilité et les tramages utiles entre ces différents acteurs. • La poursuite du travail de recherche quant aux adaptations de l’outil informatique mis à disposition des SEL. Les différentes plateformes actuellement utilisées pour la gestion et le fonctionnement des échanges SEL pourraient être adaptées aux personnes peu alphabétisées ou peu familiarisées avec l’informatique avec, notamment, le recours à des icônes culture-free (rechercher des langages non-verbaux qui soient universels) et en offrant davantage de sécurité sur les données privées. • La mise sur pied d’une réflexion concernant les monnaies alternatives et l’intégration éventuelle de l’Eco-Iris ou de toute autre monnaie alternative ad-hoc et qui permettrait d’offrir un accès à des conseils, des formations et des appuis pour faciliter la coordination des SEL et soutenir leur ouverture à tous les publics.
Nous espérons pouvoir poursuivre ce projet et vérifierons, si les feed-back nous confirment un intérêt partagé pour notre démarche avant de mobiliser les ressources financières adaptées aux besoins de sa réalisation.
56
56
Avec le soutien de :
la COCOF
la Commune de Forest
et la Politique des grandes Villes – PGV 2013
Ed. resp. : Interstices asbl – S. Quinet – Rue Stephenson, 43 – 1030 Bruxelles
L’asbl Interstices est principalement active en région bruxelloise mais elle destine son intervention à la partie francophone du pays. Elle a été fondée en 1993, et a centré son action sur la communication interculturelle et la gestion de projets d’artistes professionnels partageant sa philosophie. Les projets développés par l’asbl visent à faciliter l’émergence d’un mieux-vivre ensemble, en apportant une contribution dans des domaines insuffisamment couverts par l’action sociale.
DesIGN : WWW.41109.be