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Permis S
Espoir Permis
Le 24 février 2022, l’armée russe entre en Ukraine et commence à bombarder le pays. C’est le début d’une guerre qui met en fuite des centaines de milliers de civils. Certains d’entre eux vivent aujourd’hui dans le val d’Anniviers. Comment sont-ils arrivés ici ? Comment ont-ils été accueillis ? Comment y vivent-ils ?
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À l’instar des autres états européens, la Suisse réagit promptement à l’attaque russe et ouvre ses portes aux réfugiés ukrainiens. Dès le 11 mars, elle leur offre le statut de protection S, qui permet une admission humanitaire temporaire de groupes. Ce statut, introduit en 1998, mais appliqué pour la première fois en 2022, est accordé pour un an et peut être prolongé par le Conseil fédéral. Dès l’octroi du statut, une activité salariée peut être exercée.

Face au nombre très élevé de personnes qui arrivent rapidement en Suisse, la Confédération et les cantons demandent l’aide des communes et de la population pour fournir des lieux d’hébergement à tous ces gens. A la mi-mars déjà, le Valais met sur pied un guichet unique chargé de réceptionner les propositions citoyennes.
Solidarité
Les images de cette guerre semblent frapper davantage nos esprits que celles des autres conflits armés qui secouent notre monde. La proximité géographique y est sans doute pour quelque chose, la culture similaire probablement tout autant. Face à la monstruosité de ce qui se passe, des bénévoles se mobilisent et proposent leur aide aux réfugiés qui débarquent. Ils pallient les lenteurs et faiblesses de l’organisation étatique.
Ainsi, l’association UKRAINE-VALAIS est créée en peu de temps : tout part d’un entrepreneur, JeanMarie Rossier, qui, touché par la cause, décide de faire quelque chose pour apporter sa contribution. Il organise des transports de matériel à destination de l’Ukraine et de la Pologne. Avec quelques personnes, il constitue, le 7 mars déjà, une association d’entraide bénévole ayant pour but de soutenir les Ukrainiens fuyant le conflit, en leur proposant des aides concrètes et un accompagnement dans leur intégration en Valais. Les premières choses mises sur pied sont la récolte de biens de première nécessité et l’ouverture de deux magasins de distribution où les réfugiés peuvent trouver ce qu’il leur faut. Très vite, l’organisation de cours de français se révèle essentielle. Différentes classes sont ouvertes dès le début de juin, de manière échelonnée et dans divers lieux.
Un exemple anniviard
La première personne qui reçoit un permis S en Valais, le 18 mars, s’installe à Vissoie. Natalia, son mari et leur fils y sont logés par un Zurichois, qui met à leur disposition la résidence secondaire qu’il y possède. A son arrivée à Sierre en provenance de Boudry, la famille est accueillie et prise en charge par son logeur, qui, outre un toit, lui fournit des aliments et des articles indispensables. Durant les jours qui suivent son installation, elle est l’objet de beaucoup d’attentions de la part de ses voisins, qui déposent quotidiennement devant sa porte de la nourriture, des vêtements, des produits et autres objets utiles. Elle se sent entourée de bienveillance, de générosité et de chaleur. Le contact est facile, car Natalia parle très bien français. Des liens se tissent. Une voisine, Jeanne-Marie Marandola Jacquaz, entreprend de chercher un emploi pour le mari de Natalia. Un coup de téléphone plus tard, Sacha, électricien de formation, est appelé à se présenter chez Zufferey Electricité. Le réseau, ça sert !
Natalia, quant à elle, est engagée par l’Etat du Valais pour l’accueil des réfugiés, après trois semaines de bénévolat durant lesquelles elle a démontré ses capacités et son implication.
Situation actuelle, langue et activités
Au début 2023 il y a plus de trente Ukrainiens qui résident dans notre commune, dont la moitié sont des enfants, pour la plupart en âge scolaire. Cela représente une dizaine de familles, arrivées durant le printemps. Onze enfants sont scolarisés à Vissoie, de la 1H à la 11 CO. Onze adultes ont maintenant un emploi. Beaucoup d’Anniviards ignorent encore leur présence.
En juin 2022, Christine Torche est contactée par l’office du tourisme de Grimentz, auquel se sont adressés des Ukrainiens à la recherche de cours de français. Elle se tourne alors vers l’administration communale pour savoir si quelque chose est organisé dans ce sens. Un employé l’oriente vers l’Association UKRAINE-VALAIS, qui l’assure aussitôt de son appui. En effet, cette dernière fournit et prend en charge les manuels utilisés dans le cadre des cours donnés par les différents bénévoles qu’elle a dénichés. C’est ainsi qu’aux côtés de Sion et Sierre, Vissoie est un lieu de cours pour les réfugiés dès le début de l’été. L’acquisition du français est capitale pour que ces gens puissent s’intégrer chez nous. Plusieurs personnes se succèdent pour assurer durablement l’enseignement du français dans la vallée. La commune met à disposition une classe du centre scolaire. Une bonne dizaine de participants assistent à ces cours assidûment. Au fil des mois presque tous ont trouvé du travail. Ils occupent des emplois bien différents de ceux qu’ils avaient dans leur pays. Là-bas ils étaient avocat, professeur, économiste, kinésithérapeute, etc. Ici, ils travaillent dans le domaine du tourisme, comme femme de chambre, femme de ménage, commis de cuisine. Ils sont heureux d’avoir un travail. Ils sont jeunes, dynamiques et motivés. Ils apprennent vite et se donnent les moyens pour progresser. Ils expriment fréquemment leur reconnaissance et leur soulagement de pouvoir être ici. Malgré les soucis qui les habitent, ils sourient et sont toujours positifs.
Logements
À leur arrivée, toutes ces personnes sont logées dans des appartements mis à leur disposition par de généreux propriétaires de résidence secondaire. A cette époque, on pense que la guerre ne durera pas et que la situation va se calmer : les logeurs proposent leur bien pour l’été et l’automne. L’hiver est encore loin. Or le conflit dure encore et toujours près d’un an après son début. Certains appartements, déjà loués pour la saison d’hiver, doivent être récupérés en novembre. Afin de trouver un logement pour les familles qui se retrouvent sans toit, il faut beaucoup de persévérance et d’efforts. Christine s’attelle à la tâche avec détermination et atteint son but après une longue recherche. En effet, il est essentiel que les enfants puissent continuer l’école à Vissoie et ne soient pas contraints à un nouveau bouleversement de leur quotidien. Or, en Anniviers le manque de logements à l’année ou à la saison est un problème important et récurrent.
Intégration
Pour faire découvrir le Valais aux réfugiés, l’Association UKRAINE-VALAIS organise des excursions dans le canton. Tous les participants aux cours de français, accompagnés de leur famille, ont ainsi pu découvrir le zoo des Marécottes au début novembre. Ils y ont été conduits par Michel Walter qui a accepté de les transporter à un tarif particulièrement généreux. Petit à petit les Ukrainiens prennent leurs marques dans leur nouvelle vie. Vasilisa a prodigué des massages aux coureurs de Sierre-Zinal. Sacha a accompagné à la chasse un de ses collègues. Alexandra fait partie de la chorale d’Ayer-St-Luc-Zinal. Les enfants apprennent le ski grâce à des moniteurs bénévoles et découvrent ainsi le plaisir de la montagne en hiver.
J’ai eu l’immense chance de faire la connaissance de plusieurs d’entre eux dans le cadre des cours de français. C’est une expérience humaine riche qui a embelli ma vie. Je me réjouis de continuer à les côtoyer dans d’autres occasions. Leur sympathie et leur gentillesse n’ont d’égales que leur motivation et leur ouverture. Leur humilité et leur confiance forcent le respect. Je ne peux que vous souhaiter de les rencontrer.
Janine Barmaz
