Collège des Bernardins Été 2018
Le progrès VERS OÙ ? Concilier progrès technique et progrès humain Tradition : entre obéissance et audace Quel avenir pour notre liberté ? Associer l’art et la recherche
ils sont venus
24/01/18
30/01/18
KLAUS WELLE
FRÉDÉRIC MAZZELLA Fondateur de BlaBlaCar Soirée des parrains, jeunes mécènes des Bernardins
©Mykola © Swarnyk
Compositeur et pianiste improvisateur Piano Bible
Secrétaire général du Parlement européen Il est urgent de prendre le temps
17/03/18
BERNARD CAZENEUVE ©DR ©
©Anthony © Harvey
16/03/18
JEAN-FRANÇOIS ZYGEL
09/02/18
25/01/18
Professeur de philosophie à l’université de Kingston L’éducation, clé du progrès humain ?
©DR ©
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Philosophe, théologien et imam de la mosquée de Bordeaux Projet Montesquieu
©Coralie © Laudet
©Denis © Rouvre
22/12/17
CATHERINE MALABOU
TAREQ OUBROU
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©Matthieu © Riegler
Ces derniers mois, leur présence, leur parole, leur témoignage ont rythmé la vie du Collège des Bernardins
22/02/18
Ancien Premier ministre Forum des Bernardins
10/04/18
BLANCHE SEGRESTIN Professeur en sciences de gestion à Mines ParisTech Gouvernement de l’entreprise, création de commun MGR BORYS GUDZIAK Évêque des grécocatholiques d’Ukraine en France Le Concile de Florence (1437-1439), histoire et mémoires SYLVIANE AGACINSKI Philosophe Qu’a-t-on à attendre de la différence des sexes ?
LE COLLÈGE DES BERNARDINS, INCUBATEUR D’ESPÉRANCE Rassembler les forces inventives de l’âme, de l’esprit et du cœur pour poser sur le monde un regard unifié, chercher le sens et ouvrir des voies d’espérance : telle est l’ambition du Collège des Bernardins, lieu où se rencontrent formation, réflexion et création. Espace de liberté, projet à vocation universelle où chacun est invité à se fortifier pour construire un avenir respectueux de l’homme, le Collège des Bernardins conjugue assise théologique et ouverture sur le monde. Interdisciplinarité, dialogue entre experts et théologiens, rencontre entre chercheurs, praticiens et artistes forgent sa singularité.
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20, rue de Poissy - 75005 Paris Tél. : 01 53 10 74 44 contact@collegedesbernardins.fr www.collegedesbernardins.fr
édito Regarder l’horizon « Il s’agit d’ouvrir le chemin à différentes opportunités qui n’impliquent pas d’arrêter la créativité de l’homme et son rêve de progrès, mais d’orienter cette énergie vers des voies nouvelles. » ©Y. © Boschat
Ces paroles du pape François dans Laudato si’ nous invitent à considérer le progrès comme une aspiration naturelle de l’homme et le fruit de son intelligence, mais en même temps à regarder l’horizon vers lequel il nous entraîne. S’interroger sur le progrès, c’est réfléchir au-delà des considérations techniques à la question de son sens, à notre rapport au temps et à l’histoire, à son effet sur la planète.
Mgr Jérôme Beau Président du Collège des Bernardins
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Le président de la République a déclaré lors de son discours au Collège des Bernardins, le 9 avril : « L’urgence de notre politique contemporaine, c’est de retrouver son enracinement dans la question de l’homme (…). Nous ne pouvons plus, dans notre monde tel qu’il va, nous satisfaire d’un progrès économique et scientifique qui ne s’interroge pas sur son impact sur l’humanité et sur le monde. » Nous ne pouvons qu’être sensibles à ces propos, qui rejoignent le projet du Collège : réorienter notre perception du progrès, au service de notre avenir et du bien commun, remettre sans cesse l’homme et sa dignité au cœur de nos préoccupations, nous rapprocher de tous ceux qui sont à la recherche de voies nouvelles respectueuses de chacun.
Hubert du Mesnil Directeur du Collège des Bernardins
Ces quelques pages invitent à retrouver les témoins, penseurs, experts, théologiens ou jeunes artistes, qui sont venus ces derniers mois nous aider dans cette réflexion.
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sommaire à la une 6.
E XPOSITION ÉVOLUTIVE
Créer ensemble
enjeux de mots
ASSEZ D’ACTES, DES MOTS 9. 10. Éduquer : ouvrir un chemin de liberté
11.
Intelligence artificielle : une contradiction dans les termes ?
13. Tradition : entre obéissance et audace
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14. dossier Le progrès VERS OÙ ?
en partenariat
16. RÉTROSPECTIVE
_ n n’arrête pas le progrès ! O Vraiment ?
18. ENTRETIEN
27.
Concilier progrès technique et progrès humain Avec Étienne Klein
28. ÉCOLE ESTIENNE
22. L’ÉCHAPPÉE
Quand les jeunes artistes revisitent l’histoire du Collège
Quel sens donner à la conquête spatiale ? ©CNES/ESA/Arianespace/Optique © Vidéo CSG/S Martin, 2017
Par Jacques Arnould
23. QUÊTE DE SENS
Une méditation sur le devenir humain
Avec Pascal Chabot
26. EN QUESTION
Quel avenir pour notre liberté ? Par Anne Lécu
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30. MUSÉE DE L’HOMME Partager un regard sur l’humanité
31. IREMMO
Associer l’art et la recherche
32. Publications
à la une EXPOSITION ÉVOLUTIVE
Créer ensemble Comment évoluer dans le monde qui nous entoure ? Telle est la question posée par l’exposition //DEVENIR//, à travers laquelle dix artistes nous invitent à faire l’expérience de l’art en trois temps : passé, présent, futur. Sophie Monjaret, commissaire de l’exposition, Jonas Delhaye, Sarah Feuillas et Charles-Henry de Pimodan, des artistes du « présent », reviennent sur leur démarche artistique. Quelle est l’intention de cette aventure collective ? Sophie Monjaret : Monter une exposition est toujours une aventure. Cette fois-ci peut-être davantage. Mon intention était de créer une exposition évolutive, fondée sur le collectif et le dialogue. //DEVENIR// n’est pas juste un thème d’exposition. Il nous permet de vivre ce que nous exposons et de faire de ce vécu un moment à part entière de l’exposition : notre devenir se joue collectivement.
©Sophie © Monjaret
Les artistes avaient-ils l’habitude de travailler ensemble ?
Verre soufflé, Sarah Feuillas.
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S. M. : Tous ne se connaissaient pas mais je voyais clairement des résonances à travers leurs travaux. J’ai imposé des équipes et leur ai donné une instruction : construire une pièce dans l’ancienne sacristie, en cultivant la relation à l’autre. Est-il possible de créer ensemble ? Comment partager la conception d’une œuvre d’art, entre artistes mais aussi devant et avec
le public ? J’espérais que les artistes s’investiraient pleinement dans cette aventure pour constituer, au sein même de l’acte de création, un mouvement d’échange et de solidarité. J’ai imposé le cadre mais pas sa réalisation. Que faire de sa liberté dans un champ donné ? Cette question, mise en scène dans l’exposition, s’impose à nous quotidiennement.
Vous travaillez collectivement dans l’ancienne sacristie du Collège des Bernardins… Qu’estce que cela signifie pour vous ? Jonas Delhaye : L’espace de la sacristie m’a incité à aller à l’encontre de ma démarche habituelle, souvent discrète. J’ai choisi de travailler à partir du vitrail cistercien, dit en grisaille. J’ai recouvert les vitres de la sacristie de gélatine rouge. La lumière extérieure est ainsi filtrée. Le rouge protège la sensibilité du papier photographique sur lequel j’ai infusé des « bandes de ciel ». La sacristie abrite cette relique photographique du ciel, éphémère. Lorsque le visiteur pousse la porte de l’exposition, l’impression se détériore et disparaît progressivement.
©Sophie © Monjaret
Charles-Henry de Pimodan : Je dessine des miniatures. Pour travailler dans la pénombre créée par Jonas, j’ai dû m’adapter et convertir cette contrainte en élément de dialogue. J’ai construit une table à dessin, composée d’une
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rampe lumineuse cachée sous le papier pour ne pas altérer le travail de Jonas. Par incidence, mon dessin suit Ce dialogue cette source lumineuse. avec le public me Sa composition est en rassure. Chacun bandes verticales, une forme qui rejoint le arrive avec son travail de Jonas. Créer histoire qui recoupe au sein d’un collectif, la mienne. c’est aussi accepter les contraintes des autres et se les approprier. Elles appellent à repenser l’œuvre, à composer avec l’incertain. On découvre des réalités qu’on n’avait pas forcément appréhendées. On se réajuste les uns aux autres. Il faut accepter cette instabilité. Elle est féconde et nous oblige à remettre en cause nos gestes, nos démarches, à les réinterpréter.
Sarah, vous proposez à vos camarades de créer dans un même souffle… Sarah Feuillas : Puisque nous créons au sein de la sacristie, j’ai souhaité intégrer la forme emblématique des colonnes à ma sculpture et transmettre mon savoir-faire de soufflage de verre à mes camarades. C’est habituellement un geste solitaire : on souffle avec une seule canne. Placés autour de la sculpture, nous devons souffler tous les trois dans la masse en même temps, à l’unisson. Il ne doit pas y avoir un souffle plus fort que l’autre au risque de briser le verre. Nous devons nous entraîner à souffler ensemble.
Votre collaboration s’ouvre également à une dimension élargie, celle de la rencontre directe avec le public…
Détail, Charles-Henry de Pimodan.
C. H. P. : Nous sommes acteurs, artistes mais aussi médiateurs. On présente avant même d’avoir produit. On rend tout de suite des comptes. C’est un poids et en même temps c’est ce qui fait une partie de la beauté de l’exposition et de sa singularité. Ce n’est pas commun de montrer l’œuvre en train de se faire. ■ ■ ■
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LE COLLECTIF DANS L’ART La figure de l’artiste comme génie créateur et solitaire, apparue à l’époque romantique, a longtemps prédominé. Pourtant, les pratiques de collaboration et de cocréation artistique ont toujours existé. Aujourd’hui, la création à plusieurs mains permet de questionner la société. Des collectifs d’artistes se structurent pour créer ensemble autour d’engagements communs, esthétiques, sociaux ou politiques. Ces expériences collectives remettent l’humain au centre de la réflexion et conduisent à repenser en partage le processus de création et le statut de l’œuvre, tout comme celui de l’auteur.
à la une
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Installation, Jonas Delhaye.
©Sophie © Monjaret
un souffle à mon travail. Cette J. D. : Ce dialogue avec le recherche, il faut l’assumer, public me rassure. Chacun sortir de sa zone de confort, arrive avec son histoire qui C’est l’enjeu accepter la vulnérabilité tout recoupe la mienne. Ce en faisant confiance à cet sont des respirations qui de cette aventure : espace d’incertitude. m’obligent à prendre du chercher à faire recul sur mon travail et société quand me font avancer. Parfois, Dans cette exposition, le vivre ensemble l’image passe encore plus on retrouve beaucoup est fragile. par les mots. Je me soud’ingrédients qui viens de la visite d’un noncaractérisent la vie voyant. Dès qu’il est entré dans en société. Est-ce une la sacristie, il a senti que l’espace exposition qui renoue était plus sombre. Il m’a expliqué qu’il avait avec la nécessité du rapport perdu la vue, que l’image s’était progressiveentre art et société ? ment effacée de sa rétine. J’y ai vu un parallèle S. M. : Aujourd’hui, je ne peux pas vous dire à avec le processus de disparition de ma photoquoi va ressembler la suite de l’exposition. graphie du ciel. Chaque rencontre est un coup Laisser cette place au doute et l’exposer, c’est de poing dans ma recherche. Chaque visiteur montrer l’aspect vivant du travail. Il était transporte avec lui de nouvelles références important pour moi de proposer une manière qui me font avancer, me remuent et apportent d’être et de montrer l’art, de renouer avec l’idée du travail collectif souvent effacée par la compétition cruelle du monde de l’art. C’est l’enjeu de cette aventure : donner les conditions pour que chacun trouve sa place tout en existant collectivement, chercher à faire société quand le vivre ensemble est fragile. Le Collège des Bernardins nous a donné les moyens et le temps d’expérimenter ce modèle, d’affirmer des gestes concrets dans l’utopie.
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Une fois l’exposition terminée, en tant que collectif, qu’allez-vous //DEVENIR// ?
//DEVENIR// DIX ARTISTES EN QUÊTE DE SENS
S. M. : Nous avons mis en place un procédé d’exposition qui peut très bien être transposé ailleurs, ou que d’autres artistes peuvent s’approprier. Faire voyager l’exposition serait une expérience incroyable. Cela permettrait de comparer et d’échanger des visions différentes du //DEVENIR// en intégrant les préoccupations d’autres cultures. ■
Exposition dans l’ancienne sacristie du Collège des Bernardins, du 9 mars au 8 juillet 2018. En partenariat avec l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Pour en savoir plus : https://bit.ly/2w0YlU0
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enjeux de mots
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ASSEZ D’ACTES, DES MOTS « Assez d’actes, des mots » lisait-on en mai 1968 sur les murs du grand amphithéâtre de la Sorbonne. Cinquante ans plus tard, le slogan résonne encore. Il nous rappelle l’importance des mots. Des mots qu’il faut questionner sans cesse pour éclairer leur sens profond. Car s’ils peuvent servir à séduire ou à tromper, ils permettent aussi, à condition d’en prendre soin, d’instaurer une vérité partagée, de favoriser des relations humaines plus authentiques et de construire une société apaisée. On peut dire avec Hannah Arendt que « les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action ».
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enjeux de mots
Éduquer : ouvrir un chemin de liberté « L’éducation, clé du progrès humain ? » La question posée lors du débat du 30 janvier dernier en soulève bien d’autres, à commencer par le sens que l’on donne au mot éduquer. Pour la philosophe Laurence Devillairs, éduquer, c’est apprendre à l’individu à se défaire de ses préjugés et à se saisir de sa propre liberté.
GRAINE DE PHILO Les mots ont-ils un pouvoir ? À cette question, les jeunes qui ont participé à la séance « Graine de philo » du 17 mars répondent spontanément : « Oui, les mots peuvent blesser, mais aussi réconforter ! » À cet âge où leur chemin dans le monde s’amorce, les enfants ont conscience de grandir au milieu de mots qui peuvent aussi exclure ou tromper, qui n’ont pas toujours le sens qu’on suppose, à la manière des tableaux de Magritte. Retrouvez notre programmation pour le jeune public sur : https://bit.ly/2qHWleq
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©Laurence © de Terline
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duquer, c’est toujours éduquer au respect : respect de l’autre et de ses opinions. Le débat d’opinions serait-il donc la meilleure des éducations ? À cette question, la philosophie apporte une réponse radicalement négative : l’opinion ne pense pas. C’est une monnaie d’échange, quelque chose qui s’émet et se transmet, mais ce n’est pas de la pensée. Penser est tout autre chose. Cela demande de renoncer à savoir – à la manière dont l’opinion sait, c’est-à-dire d’avance, sans s’interroger. Cela exige d’exercer son jugement : Que veut dire X ? Qu’implique Y ? Pourquoi A ? Pourquoi pas plutôt B ? Juger est une opération lente et ardue, c’est toujours un effort. C’est mettre à mal les certitudes, bannir la confusion, éclaircir les non-dits. Sans ce travail de discernement, sans cet art de la précision, sans cette attention portée à ce que l’on soutient, il n’y a pas de pensée. C’est donc éduquer le jugement qui est le plus précieux et le plus difficile. Voire chose impossible. Que dit en effet Descartes ? Que le jugement ne s’apprend pas, que pour apprendre à penser, il faut déjà savoir penser. La meilleure des éducations est donc de penser par soimême. D’en passer, seul et sans secours, par cette épreuve, de se risquer à réfléchir en se défiant de soi et de ses convictions. Le respect est alors avant tout envers soi-même : penser vraiment, bien juger, est un devoir que l’on se doit à soi. C’est à cette éducation à la
méfiance et à la désobéissance, au refus de suivre trop docilement des maîtres qu’invite la philosophie. Comme le souligne Descartes, « nous ne deviendrons jamais philosophes si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d’Aristote et que nous sommes incapables de porter des jugements ». Penser est toujours une épreuve que l’on doit mener seul, sans l’aide des courants dominants ni de l’air du temps. S’éduquer à penser est une entreprise risquée. Mais ne pas penser l’est bien plus encore. ■ Laurence Devillairs Docteur en philosophie, enseignante à l’Institut catholique de Paris et au Centre Sèvres, directrice éditoriale en sciences humaines
Intelligence artificielle : une contradiction dans les termes ? Le 13 mars, au cours du débat intitulé « L’intelligence peut-elle devenir artificielle ? », une personne du public s’interroge : « Pourquoi avoir associé les mots intelligence et artificielle dans une même expression, alors que ces concepts ne semblent rien partager ? » Samuel Laval et Robin Steiger, deux étudiants de Polytechnique, apportent un éclairage sur le sens de ces deux mots dont l’association éveille craintes et fantasmes.
L
a question rejoint des préoccupations énoncées par Alan Turing en 1950, dans un article intitulé « Computing Machinery and Intelligence », considéré aujourd’hui comme fondateur de l’idée d’intelligence artificielle. Que veulent dire les mots intelligence et artificielle ? Est-ce que leurs définitions laissent entrevoir la moindre intersection ? Ou bien ces concepts sont-ils ontologiquement et définitivement séparés ? Dans ce cas le concept d’intelligence artificielle n’aurait aucun sens ? À première vue, l’intelligence semble être propre à l’être humain, c’est ce dont il dispose par nature, tandis que l’artificiel, souvent présenté comme l’opposé du naturel, est ce qui existe grâce à une intervention de l’intelligence humaine. Est-il alors possible d’envisager que l’intelligence humaine puisse construire son semblable, et donc qu’il puisse exister une intelligence artificielle ?
Samuel Laval et Robin Steiger, étudiants de l’École polytechnique, lors du débat du 13 mars.
Savoir apprendre revient-il à savoir penser ?
Revoir le débat « L’intelligence peut-elle devenir artificielle ? », en partenariat avec le musée de l’Homme et The Conversation : https://bit.ly/2oRt2Ek
©Astrid © Meseguer
Les humains ont réussi à construire des machines capables d’imiter certains aspects très particuliers de leur intelligence, et non pas des intelligences omniscientes qui seraient
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les égales des êtres humains. Les récents algorithmes de machine learning sont dits intelligents car ils sont capables d’apprendre, c’est-à-dire de capitaliser sur les événements qu’ils rencontrent pour s’améliorer. Mais ils sont entièrement dépendants des humains qui supervisent et déterminent cette phase d’apprentissage. Ces algorithmes ne pensent pas, ne sont pas conscients de leurs réussites ou de leurs échecs et donc encore moins de la manière de les prendre en compte à l’avenir. Ils ne sont en aucun cas autonomes puisqu’ils sont limités à un problème parfaitement défini à l’avance, dont ils ne peuvent pas sortir. Ce n’est donc qu’une infime partie du concept d’intelligence que les humains ont réussi à traduire en termes algorithmiques, partie qui exclut toute conscience, ou encore toute dimension émotionnelle ou sociale.
Une infime partie du concept d’intelligence « Je crois qu’à la fin du siècle, l’usage, les mots et l’éducation de l’opinion générale auront tant changé que l’on pourra parler de machines pensantes sans s’attendre à être contredit », écrit Alan Turing dans son article. Il ne pouvait pas mieux se tromper, tant les discussions et débats à propos de l’intelligence artificielle sont omniprésents ces dernières années. Il est donc important, au milieu de cet océan d’informations, de comprendre le sens précis de ce qu’est l’intelligence artificielle afin d’éviter une vision alarmiste (la machine dépasse l’homme) ou au contraire prophétique (la machine va sauver l’homme), et ainsi de se rendre compte que la conclusion de Turing écrite il y a presque soixante-dix ans est toujours d’actualité : « Notre vision de l’avenir est limitée, mais du moins nous voyons qu’il nous reste bien des choses à faire. » ■ Samuel Laval et Robin Steiger Étudiants de l’École polytechnique
©Astrid © Meseguer
enjeux de mots
3 QUESTIONS À…
Charles Ollion, enseignant à l’École polytechnique En mars dernier, Charles Ollion, enseignant à l’École polytechnique, était l’invité des Mardis des Bernardins lors du débat « L’intelligence peut-elle devenir artificielle ? ». De quoi parle-t-on quand on évoque l’intelligence artificielle ?
Il faut faire une distinction entre une machine capable de penser, dotée d’une véritable conscience, appelée intelligence artificielle « forte », et les algorithmes regroupés sous le concept d‘intelligence artificielle « faible ». Ces algorithmes copient en partie certains fonctionnements du cerveau humain, comme la capacité d’apprentissage, et c’est en ce sens-là seulement qu’ils méritent d’être qualifiés d’intelligents.
En tant que scientifique, comment expliquez-vous que ce sujet ait surgi au cœur de l’actualité ?
Les progrès en intelligence artificielle ont été extrêmement rapides ces dernières années. L’essor du machine learning et du deep learning, des techniques d’apprentissage très efficaces, a permis d’atteindre des performances dans de nouveaux domaines, tels que l’analyse d’images ou de la parole, qui semblaient inatteignables quelques années auparavant. Cette soudaine accélération crée de nouvelles opportunités et suscite de nombreuses interrogations auprès du grand public.
Justement, la grande rapidité de ces développements ne risque-t-elle pas de nous faire perdre le contrôle sur l’intelligence artificielle ?
Si vous parlez d’une émancipation de la machine par rapport à l’être humain, alors non, puisqu’on ne peut pas dire que les avancées en intelligence artificielle faible entraînent des avancées en intelligence artificielle forte. En revanche, certaines nouvelles capacités des algorithmes peuvent avoir des impacts considérables sur nos modes de vie et il faut y réfléchir dès maintenant. Par exemple, récemment, des chercheurs de l’université de Washington ont créé une vidéo de Barack Obama dans laquelle ils lui faisaient dire ce qu’ils voulaient. C’est très important d’y réfléchir : imaginer des moyens de distinguer le contenu humain du contenu artificiel, repenser le concept de preuve en justice… Là, il y a un sujet important.
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Tradition : entre obéissance et audace « Un mot qui fâche, la Tradition ». Tel est le sujet que s’est donné, le 4 avril dernier, l’Observatoire de la modernité. À cette occasion, l’historien Louis Manaranche s’interroge sur le sens profond du mot, en particulier pour les chrétiens : reçue comme un dépôt sacré, la Tradition n’est pas figée.
©Collège © Stanislas
L
a tradition est un terme souvent galvaudé dans la pensée contemporaine. Assimilée à un ensemble de pratiques coutumières voire de préjugés perpétués sans discernement, elle est aisément dévalorisée par les uns ou au contraire portée au pinacle par ceux qui considèrent que la modernité plonge l’homme et la société dans un désarroi dont la réponse ne pourrait venir que du passé. Ce sont ces deux attitudes que la doxa nomme progressisme et traditionalisme. Si le premier terme a eu des définitions évolutives dans l’histoire récente, le second s’ancre dans une histoire assez cohérente. On y a d’abord rangé la doctrine des contre-révolutionnaires du xixe siècle pour qui l’homme est essentiellement un être enseigné, qui se reçoit d’un ordre qui le précède et n’a pas à être questionné. Quelques décennies plus tard, il s’est agi de décrire dans l’Église, souvent de manière polémique, un attachement exclusif aux formes liturgiques et aux expressions doctrinales reçues dont les relectures et adaptations ressembleraient à des trahisons. Il convient de préciser que le terme même de « traditionalisme » repose sur une vision limitée de ce que les chrétiens nomment la Tradition. Celle-ci a été définie pour la première fois par le concile Vatican II, comme nous l’a rappelé Alexis Leproux lors de son intervention à l’Observatoire de la modernité :
Louis Manaranche Responsable de l’Observatoire de la modernité et professeur agrégé d’histoire au collège Stanislas (Paris).
« L’enseignement des saints Pères atteste la présence vivifiante de cette Tradition, dont les richesses passent dans la pratique et dans la vie de l’Église qui croit et qui prie » (Dei Verbum, II, 8). Reçue comme un dépôt sacré, la Tradition n’est pas figée mais elle se déploie dans la pensée et l’action des fidèles de l’Église. Le père Leproux nous a montré combien cette affirmation conciliaire s’ancre dans la pensée de Maurice Blondel, qui écrivait de la Tradition dans son article « Histoire et dogme » : « Tournée amoureusement vers le passé où est son trésor, elle va vers l’avenir où est sa conquête et sa lumière. » On comprend alors que loin d’être un carcan figé, la Tradition est un appel à tenir ensemble, de manière vigilante, l’obéissance et l’audace pour qu’entre l’ancien et le nouveau l’on puisse contempler une même sève vivante et non la blessure d’une racine sectionnée. ■
L’OBSERVATOIRE DE LA MODERNITÉ Ouvertes à tous, un soir par mois à 20 h, les conférences de l’Observatoire de la modernité questionnent la modernité sous différents angles, avec un regard catholique ouvert, source d’échanges et de débats. Le programme est disponible sur : https://bit.ly/2HLNSNE
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- PHOTO À TROUVER : «L’HUMAIN AU DÉFI DU NUMÉRIQUE»
Le progrès VERS OÙ ? 14
dossier Et soudain le progrès ne fut plus désirable… Au progrès technique inédit que nous connaissons fait écho la mise en péril, elle aussi inédite, de notre planète. À l’idée simple selon laquelle l’innovation était forcément synonyme d’amélioration se substitue une profonde crainte de l’avenir. De nouvelles questions voient le jour : Quel progrès ? Pour quoi faire ? Pour qui ? À quel coût ? Est-il vraiment au service de l’homme ? En 2018, le Collège des Bernardins a invité philosophes, praticiens et théologiens pour éclairer le sens du progrès. 16. RÉTROSPECTIVE
_On n’arrête pas le progrès ! Vraiment ?
18. ENTRETIEN
Concilier progrès technique et progrès humain
©CNES/ESA/Arianespace/Optique © Vidéo CSG/S Martin, 2017
Avec Étienne Klein
22. L’ÉCHAPPÉE
Quel sens donner à la conquête spatiale ?
Par Jacques Arnould
23. QUÊTE DE SENS
Une méditation sur le devenir humain
Avec Pascal Chabot
26. EN QUESTION
Quel avenir pour notre liberté ? Par Anne Lécu
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dossier RÉTROSPECTIVE
On n’arrête pas le progrès ! Vraiment ?
L
e progrès technoscientifique est triomphant et a peut-être fait de l’ombre au progrès de l’homme. C’est par cette considération que le philosophe Pascal Chabot a ouvert le cycle, donnant ainsi le ton aux discussions. Éducation, gouvernance, disparités sociales, innovations technologiques, valeurs… Ces différentes composantes sont apparues comme autant de rouages d’un mécanisme qui doit tendre à mettre le progrès au service de l’homme. Cette orientation – dans la lignée des travaux de recherche du Collège – a été l’occasion de contribuer à un débat structurant dans la société contemporaine.
Un changement dans la perception du progrès
©Mélanie © Pottier
Où nous mène le progrès ? Comment l’appréhender, le maîtriser ? Au Collège des Bernardins, un cycle de débats consacré au progrès a soulevé de nombreuses questions. À travers la variété des interventions, les éléments de réponses apportés partagent une même perspective : mettre le progrès au service de l’homme.
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Est-ce que
Agir au service des hommes
l’humanité considère Philosophes, chercheurs, acteurs du D’un débat à l’autre, la question des secteur privé ou encore théologiens inégalités sociales s’est posée de façon qu’elle est pour ont échangé leurs arguments et se sont récurrente. Le philosophe et essayiste elle-même un bien interrogés sur des concepts préétablis, au Patrick Viveret s’est interrogé : « Est-ce commun ? premier rang desquels l’association entre que l’humanité considère qu’elle est pour bonheur et progrès. Pour André Delpuech, elle-même un bien commun ? » Les princidirecteur du musée de l’Homme, si cette reprépales puissances économiques ont engagé le sentation n’est plus perçue aujourd’hui comme monde dans un système où l’abondance côtoie une règle, elle présidait pourtant à l’essor du l’indigence, sans que la première vienne dimiprogrès technique au xixe siècle. En distinguant nuer la seconde. Pourquoi chercher à tout prix de nouvelles avancées techniques alors qu’il y innovation et progrès, le physicien et philosophe a tant à faire sur le plan économique et social ? Étienne Klein rappelle quant à lui que le progrès Pour Bertrand Badré, ancien directeur général social peut advenir sans innovation technique.
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de la Banque mondiale, la situation est d’autant plus paradoxale que l’on n’a jamais eu autant de moyens à disposition : argent, technologie, organisations internationales… Un changement est donc possible, mais encore faut-il l’acter.
Penser le progrès au présent Le progrès technoscientifique était aussi au centre des débats. Certaines innovations – notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle – nous interrogent sur les risques éthiques ou sociaux qu’elles impliquent. Les incertitudes qui entourent la marche du progrès soulignent l’exigence de penser à la fois collectivement et au présent le progrès que nous voulons pour demain, tout en s’appuyant sur les enseignements du passé. Un modus operandi qui rappelle la réflexion engagée par les artistes, dans le cadre de l’exposition //DEVENIR//.
optimiste ou alarmiste, il nous revient de les faire dialoguer : « Puisque les valeurs nous divisent il faut savoir ce qui fait que nous sommes humains. C’est certes que nous agissons au nom de valeurs mais c’est aussi le fait que nous pouvons échanger avec tout autre être humain, dialoguer avec lui, au nom de nos propres valeurs. » C’est sur ces mots de Francis Wolff, professeur émérite de philosophie à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, que s’est clôturé le cycle de débats des Mardis des Bernardins. ■
Pour aller plus loin La table ronde autour d’Angus Deaton, prix Nobel d’économie 2015, « La mondialisation au service d’un progrès partagé ? » : https://bit.ly/2bDtbGu
Guider le progrès à travers le dialogue Pour les invités des Mardis des Bernardins, il n’a été question à aucun moment d’« arrêter » le progrès. Il s’agissait de se demander : quel progrès voulons-nous pour demain ? La réponse, loin d’être unanime, est parfois clivante. Les visions du progrès sont multiples et se confrontent. Humaniste, transhumaniste,
Revoir les débats du cycle « On n’arrête pas le progrès ! Vraiment ? » : https://bit.ly/2Dkeaoe
©MNHN © - DCDomenech
LE REGARD DE…
ANDRÉ DELPUECH, directeur du musée de l’Homme
L
e progrès peut être entendu comme cette idée, cet espoir qu’a l’humanité d’aller mieux demain et d’emprunter un chemin qui la guidera vers le bonheur. Nous réduisons beaucoup trop le progrès au progrès technique, au progrès matérialiste, aux innovations technologiques,
et ce au détriment du progrès de l’homme, de l’humanité sur des domaines psychiques, méditatifs, de bonheur et d’espérance. Le progrès est avant tout un dogme occidental dans cette volonté d’aller toujours plus haut, plus loin, plus vite. De nombreuses sociétés n’adhéraient pas à
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cette vision et n’étaient pas dans cette course effrénée au progrès technologique, à la performance et à la capitalisation économique. C’est peutêtre finalement ces sociétés-là qui étaient les plus progressistes, les plus modernes grâce à leur capacité à s’adapter à leur environnement.
dossier ENTRETIEN
Concilier progrès technique et progrès humain Le devenir de l'humanité passe-t-il par le progrès ? L’idée est parfois critiquée. Certains appellent à y renoncer, d’autres à le réinterpréter. En janvier dernier, dans le grand auditorium du Collège, Étienne Klein lançait un appel collectif au sauvetage. Entretien.
La critique du progrès n’est pas nouvelle. Mais elle semble acquérir une nouvelle ampleur qui se nourrit d’une méfiance à l’égard des perspectives qu’ouvrent les sciences et les technologies. Le prestige de la science a longtemps tenu au fait qu’on lui conférait le pouvoir symbolique de proposer un point de vue surplombant le monde. Elle semblait se déployer à la fois au cœur du réel, près de la vérité, et hors de l’humain. Cette image est aujourd’hui difficile à défendre. La science a fait irruption dans notre quotidien. Elle a mille et une retombées pratiques, diversement connotées, qui vont de l’informatique à la bombe atomique en passant par les vaccins, les OGM et les lasers. Ici, ce qu’elle fait nous rassure. Là, ce qu’elle annonce nous angoisse. Mais une tendance générale se dessine : tout se passe
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Que signifie sauver le progrès ? A-t-il été trahi ? De quoi a-t-il été victime ?
Étienne Klein, physicien, docteur en philosophie des sciences, professeur à l'École centrale et directeur du laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au Commissariat à l’énergie atomique.
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désormais comme si les avancées accomplies dans l’étendue des savoirs scientifiques ou dans la puissance des techniques devaient se payer, chaque fois, de nouveaux risques ou de risques accrus – d’ordre sanitaire, environnemental ou encore symbolique – qui alimentent l’inquiétude et la défiance. Ce qui m’impressionne, c’est moins la critique du concept que la disparition du mot progrès. Le sociologue Gérald Bronner s’est employé à retracer la diffusion du mot innovation au sein des discours. Celui-ci s’est imposé en un laps de temps rapide, en pénétrant de très nombreux secteurs de la société, au point de devenir un mot totem. Dans les années 1980, même si le mot existait, on ne parlait pas d’innovation mais plutôt d’invention, de découverte, d’application, de brevet, etc. Son usage se répand dans les années 1990 et connaît le succès que l’on sait. Dans le même temps, le mot progrès a connu un destin inverse : il a commencé par perdre sa majuscule dans les années 1970 avant que la fréquence de son usage ne décline. Le croisement des courbes relatives à la diffusion des deux termes intervient au début du xxie siècle. Il est significatif de constater que c’est au cours des années 2007-2012 que le mot progrès a littéralement disparu des discours publics.
climatique, l’épuisement des ressources, le vieillissement de la population…). En une cinquantaine de pages, ce rapport mentionne le mot innovation plusieurs centaines de fois, sans jamais prendre la peine de le définir. Comme s’il était l’évidence même. Si l’on veut éviter que l’Europe perde sa place ou s’efface, nous dit en substance ce rapport, il faut innoLa rhétorique ver ! En d’autres termes, c’est dans laquelle on l’état critique du présent qui sert enrobe l’innovation à justifier l’innovation, non une ne me semble pas certaine configuration de l’averendre justice nir. Une vision qui repose sur l’idée d’un temps corrupteur, au à l’idée de progrès. sens où, laissé à son libre cours, il ne pourrait que dégrader la situation. Or, l’idée de progrès s’appuie sur une tout autre vision du temps. Celle d’un temps constructeur, complice de notre liberté, permettant d’imaginer un futur désirable, attractif, crédible – et pas seulement utopique – et d’œuvrer à son avènement. Selon Kant, le progrès a quelque chose de « consolant » : il nous console des malheurs du présent en donnant un sens aux sacrifices qu’il oblige à consentir. Au nom du progrès, on pouvait en effet concevoir de se sacrifier dès lors que cela permettait à nos descendants de profiter de conditions de vie meilleures.
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Comment un mot qui a été aussi structurant dans notre vision de la modernité a-t-il pu s’effacer aussi rapidement ?
Si l’idée de progrès est aussi séduisante, comment en expliquer la disparition dans nos discours ?
Une réponse possible est de considérer que le changement n’est qu’apparent, que les deux termes – innovation et progrès – sont quasi synonymes ou se valent. En réalité, la rhétorique dans laquelle on enrobe l’innovation ne me semble pas rendre justice à l’idée de progrès. Pour préciser mon propos, je renvoie au rapport de suivi du programme-cadre de recherche et d’innovation à horizon 2020 dont s’est dotée l’Union européenne, pour répondre aux défis auxquels elle doit faire face (le réchauffement
Il faut certainement combiner plusieurs hypothèses pour être en mesure de répondre à cette question : est-ce parce que nous avons renoncé à une philosophie de l’histoire, autrement dit à une lecture qui lui donne un sens ? Ou est-ce parce que les nouvelles qu’on nous annonce sont trop sombres pour qu’on puisse se projeter dans le futur ? Et n’oublions pas que l’idée de progrès avait une dimension temporelle, bien sûr, mais aussi une dimension spatiale (au bénéfice des générations futures mais aussi de tous les ■ ■ ■
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La tâche qui nous incombe désorcontemporains). Sans doute mais est d’effectuer un travail est-ce cette deuxième dimension d’envisagement, consistant qui illustre l’échec de l’idéal à déterminer ce que nous du progrès : à l’échelle monÀ l’échelle mondiale, voulons en tenant le plus diale, les inégalités augles inégalités grand compte de ce que mentent et nous peinons nous savons. Comment à voir où nous aurions augmentent et nous imaginer l’avenir, comprogressé en « humapeinons à voir où nous ment lui donner une nité » et en sagesse… aurions progressé figure en combinant Les pères fondateurs de en « humanité » nos désirs à nos connaisl’idée de progrès seraient et en sagesse… sances ? L’exercice s’ancatastrophés de voir que nonce difficile parce que des gens dorment dans la rue nous sommes piégés dans un au bas d’immeubles cossus. flux qui nous submerge. Nous avons perdu les moyens de discerner Pourquoi les décisions facilement quel paysage général est aujourd’hui en matière de technosciences en train d’émerger. Qu’est-ce qui va survenir sont-elles si difficiles à prendre ? en prolongement de ce qui est ? Nous allons de Ce qui rend la situation délicate, c’est que nous plus en plus dépendre de choses qui dépendent sommes soumis à des informations scientide nous. Mais comment savoir ce qui va se pasfiques contradictoires. L’idée de progrès préser, si ce qui va se passer dépend en partie de ce suppose que le futur soit configuré d’une façon que nous allons faire ? à la fois attractive et crédible. Or, aujourd’hui, cette possibilité n’est pas garantie. Si l’on avait à traiter uniquement la survenue du numérique, Doit-on se préparer on pourrait créer une économie qui nous souà une transformation radicale lagerait des tâches répétitives afin de léguer à de la condition humaine ? nos enfants un monde plus agréable. Mais si C’est ce que le discours transhumaniste envil’on tient compte des connaissances scientisage en proposant à l’idée de progrès l’occafiques dont nous disposons à propos de l’évolusion d’une rédemption. Le message est que tion du climat, de la biodiversité, de la biologie, l’homme serait fatigué d’être lui-même et qu’il de la raréfaction des ressources, du vieillissefaudrait accélérer son évolution par la technoment des populations et de bien d’autres sujets, logie. En lisant le projet du posthumanisme le monde qui s’annonce est plutôt inquiétant. plus en détail, on découvre que ce n’est pas ■■■
©Karine © S Bouvatier
LE REGARD DE…
DIDIER SICARD, médecin français et ancien président du Comité consultatif national d’éthique
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eut-on faire un lien entre éthique et progrès ? Je crois que l’éthique n’est pas dirigée vers le progrès. Elle est plutôt interrogation permanente sur ce qui nous fait humain, elle est approfondissement et creusement. L’éthique n’est d’aucune
façon dirigée vers un futur progrès, elle est par essence porteuse d’un espoir, d’une espérance. Il faut se méfier de cet amalgame entre éthique et progrès. Je pense que l’éthique peut quelques fois apparaître comme « censurante »,
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« empêchante », alors qu’en réalité elle doit sans cesse être interrogative. C’est le contraire de la morale puisque la morale vient d’en haut, donne des préceptes. L’éthique, elle, pose des questions mais ne donne pas forcément des réponses.
une idéologie du progrès mais de la rupture. On parle de « renaissance ». Il y a une phobie de la continuité, on veut du disruptif. Ce qui est visé, c’est une sorte d’Humanexit. Deux voies sont possibles pour l’« augmentation » : le cyborg et l’homme bionique, avec la possibilité de les mixer et d’offrir aux individus ce que certains appellent la « pensée intégrale ». Tout cela ne pourra pas concerner le genre humain tout entier mais seulement une fraction… Les humains ne partageraient donc plus la même condition humaine. Certes, ce n’est pas nouveau mais la différence est dans la symbolique. Au Moyen Âge, un duc avait droit de vie et de mort sur un serf mais lorsque ce duc avait une rage de dents, il souffrait comme le serf. Son espérance de vie n’était sans doute pas beaucoup plus grande que la sienne. Aujourd’hui, l’accès à la technologie donne la possibilité d’échapper en un sens à certains invariants de la condition humaine.
Les ressources spirituelles peuvent-elles nous aider à nous extraire du présentisme et à retrouver le temps long ? Il y a un esprit des Lumières dont nous proclamons volontiers être les dignes héritiers. C’est un esprit qui promeut l’autonomie de l’entendement et la primauté de l’esprit scientifique sur la Providence. Cette tendance s’accompagne bien sûr d’une croissance de l’esprit critique. Cet esprit des Lumières est aussi celui qui pose la finalité humaine de nos actes : on ne vise pas Dieu, mais les hommes. On vise l’humanité telle qu’elle pourrait devenir sur cette terre. On propose en somme la quête du bonheur en remplacement de l’aspiration au salut. Dans son fameux discours de Harvard prononcé le 8 juin 1978 et intitulé « Le déclin du courage », Alexandre Soljenitsyne précisait cela : l’humanisme rationaliste des Lumières est en fait une « autonomie humaniste » qui proclame et réalise l’autonomie humaine par rapport à toute force placée au-dessus de lui. La philosophie des Lumières serait en quelque sorte un anthropocentrisme qui réclame que l’idée de l’homme soit posée au centre, sinon de
ce qui existe, du moins de ce qui doit être pensé comme ayant une valeur suprême. L’homme moderne prétend se suffire à lui-même, s’autocréer, forger par lui seul les normes de son existence. Mais il se peut qu’il ait visé trop bas, c’est-à-dire le ventre plutôt que la tête, fourvoyant l’esprit des Lumières dans la platitude du matérialisme et de la consommation. Sans doute nous faut-il corriger le tir…
De vos propos émane une volonté de susciter la réflexion et une foi dans l’homme. Dans quel terreau germe votre espérance ? Je n’ai jamais pensé qu’un jour adviendrait où tout se mettrait à aller bien. Mais je crois que mon espoir vient de ma conviction qu’il est temps pour nous de faire progresser l’idée de progrès, c’est-à-dire de la soumettre à elle-même ! Nous En lisant le projet sommes désormais tous invités du posthumanisme à sortir des turbulences de l’acplus en détail, tualité pour lancer des idées sur on découvre que ce l’avenir, qu’il s’agisse de persn’est pas une idéologie pectives heureuses ou tragiques. Mais cela suppose que nous nous du progrès mais posions collectivement les bonnes de la rupture. questions : où sont les véritables déterminismes ? Quelles seront les conséquences de nos erreurs, caprices et aveuglements ? La réponse à ces questions relève finalement d’une sorte de pari pascalien : soit nous considérons que l’avenir nous « tombera dessus » comme le ciel sur la tête, soit nous admettons qu’il ressemblera, peu ou prou, à ce que nous aurons voulu en faire. À nous de jouer ! ■
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Pour aller plus loin Étienne Klein, Sauvons le progrès, Paris, Éditions de L’Aube, 2017.
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dossier L’ÉCHAPPÉE
Quel sens donner à la conquête spatiale ? Le 6 février 2018, l’entreprise américaine SpaceX propulsait en direction de Mars la fusée Falcon Heavy. Le théologien Jacques Arnould nous interpelle sur ce que cette prouesse technique implique pour notre vision du monde et de l’humanité. monde d’Internet ne manquent-ils pas de relever les imprécisions ou les erreurs de ses prévisions et de ses promesses ; ils n’en sont pas moins admiratifs. L’une des forces de Musk et de ses homologues, en particulier dans ce domaine qualifié de new space, est de posséder un objectif, une vision. L’espace n’est que la destination. Le but explicite est de faire réaliser un progrès à l’humanité, voire de sauver l’humanité (sous-entendu : des dangers qui la menacent sur cette planète). Quoi de plus noble, sans doute. Mais il reste tout de même à nous interroger, à les interroger sur les moyens mis en œuvre et, surtout, les conséquences pour l’ensemble des humains. Accepterons-nous que le progrès accordé à quelques privilégiés signifie un « compte à rebours », une perte pour le plus grand nombre, voire leur oubli ? Vers quelle humanité ce type de progrès nous mène-t-il ? ■ ©Marie-Sophie © Leturcq
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e laisse au lecteur le soin d’y voir le seul effet du hasard ou un clin d’œil du ciel. Quoi qu’il en soit, le 6 février dernier, alors que nous venions à peine de clore un passionnant débat sur la gouvernance du progrès au sein de nos sociétés – débat prévu de longue date par le Collège des Bernardins –, j’ai tout juste eu le temps de suivre en direct sur mon smartphone le lancement de la Falcon Heavy, la dernière-née des fusées construites par Elon Musk. Cofondateur de Paypal, l’entrepreneur américain s’est ensuite lancé dans la construction automobile, la fourniture d’énergie solaire, le transport à grande vitesse et l’espace ! À lui seul, il incarne aujourd’hui l’essence, les ingrédients mêmes de l’innovation et du progrès mais aussi l’acceptation du risque et de l’échec. Musk n’a pas caché, quitte à en faire un motif médiatique, que son énorme fusée (la plus puissante du moment) aurait pu exploser au décollage et détruire toutes les infrastructures de lancement. Il ne cache pas non plus que son projet de poser un équipage humain sur Mars dans les décennies à venir pour entreprendre la colonisation de la planète rouge ne se réalisera pas sans perte humaine… Sans doute ceux qui, il y a une dizaine d’années, se moquaient des ambitions spatiales du jeune millionnaire venu du
Jacques Arnould, théologien chargé des questions éthiques au Centre national d’études spatiales.
Jacques Arnould
Pour aller plus loin Revoir le débat « Qui gouverne le progrès ? » : https://bit.ly/2ESEXZa
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Jacques Arnould, Oublier la Terre ? La conquête spatiale 2.0, Paris, Le Pommier, 2018.
QUÊTE DE SENS
Une méditation sur le devenir humain Penser le progrès, c’est s’interroger sur la façon dont notre civilisation comprend sa marche en avant. Refusant la capture du progrès par les sciences et techniques, le philosophe Pascal Chabot dévoile sa pensée d’un progrès connecté à toutes les dimensions de l’existence humaine.
Le progrès ne peut être envisagé que de manière globale en le reconnectant à toutes les dimensions de l’existence. Celles matérielles que les technosciences ont en charge, mais aussi celles, sociales, politiques et existentielles, qui déterminent nos vies. C’est pour cette raison que penser le progrès, et par le même mouvement les forces de régression ou d’immobilisme, s’apparente à une méditation sur la manière dont l’homme cherche à devenir humain. Autrement dit, la réflexion sur le progrès mène à une interrogation sur ce qui nous importe vraiment, et en même temps sur ce qui dépend de nous, afin de le protéger d’abord, de l’améliorer ensuite, ou du moins de lui offrir les meilleures conditions pour croître
©Lecuyer-Hansel ©
Vous écrivez que penser le progrès est une méditation sur la manière dont l’homme cherche à devenir humain, une méditation sur nos ambiguïtés…
Pascal Chabot, philosophe, enseignant à l’Institut des hautes études des communications sociales de Bruxelles.
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ou se déployer. Ce méliorisme s’écarte des grandes doctrines du progrès (Descartes, Bacon, Saint-Simon ou encore Marx et Comte), toutes pareillement insoutenables aujourd’hui, en ce qu’il impose un travail de sélection et de qualification sur ce qu’il s’agirait de voir progresser et ce qui, au contraire, ferait mieux de rester dans les limbes. ■ ■ ■
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à d’autres ou qu’elle obéit à un désir assumé. À ce titre, une vision du progrès comme qualité de la relation entre la vie et le sens me paraît intéressante pour la pensée. Elle Il est en effet difficile d’éviter de convoquer enjoint d’abandonner les vues uniquement la catégorie du sens lorsque le progrès est en techniciennes ou quantitatives sur la quesjeu. Conformément à son étymologie latine tion. Que la vie, donnée biologique, soit (pro-gradere, marcher en avant), le proliée à un sens, et que cette relation puisse grès est traditionnellement conçu comme être variable en qualité, voilà qui peut aider une avancée vers quelque chose ou la pourà rapatrier sur le terrain du progrès des suite d’un idéal. C’est dire s’il est orienté dimensions que l’on peut parfois juger et a un sens, même si aujourd’hui la mises en sourdine, comme le conception linéaire du temps progrès social, et simultanésur laquelle il repose est, à ment dévaluer des prétenjuste titre, remise en cause. dus progrès, comme ceux Les alarmes et les catasPeu de questions des algorithmes du tratrophes contemporaines sont à la fois aussi ding à haute fréquence, ne permettent plus d’enexistentielles et aussi qui n’enrichissent nulvisager que l’humanité lement la relation entre se déploie sur un temps politiques que celles la vie et le sens, tout au infini. Progresser, c’est soulevées par le contraire. Peu de quessuivre une direction. concept de progrès. tions sont à la fois aussi Mais c’est également existentielles et aussi polirendre cette direction tiques que celles soulevées signifiante, dire qu’elle par ce concept. importe, qu’elle est préférable
Vous placez le criant manque de sens de la société au cœur de votre définition du progrès…
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LE REGARD DE…
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F GEMMA SERRANO, théologienne, directrice de recherche au Collège des Bernardins
aire des « pas en avant » est une caractéristique de l’humain. Chaque pas est une sorte de « nouveau commencement ». Mais la liberté quant à elle s’engage dans l’itinéraire. Dans Après le progrès, Pascal Chabot évoque Abraham comme une figure du progrès qui, en entamant sa longue marche dans le désert, sortit l’humanité de la pulsion de répétition.
Abraham nous donne de quoi méditer sur nos ambiguïtés mais ignore la destination. C’est Dieu qui lui montre. Et une fois qu’il la connaît, il fait le détour par l’Égypte… La Terre promise sera pour la postérité, après l’expérience de la dépossession et de l’esclavage. La marche d’Abraham se déroule sur le sol de la bénédiction et de l’accueil de la promesse. Son itinéraire est
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celui d’un avenir insoupçonné qui admet des renaissances permanentes sans répétitions. Penser le progrès est aussi une manière de réflexivité, de ressaisissement, de confiance et d’espérance dans la bénédiction créatrice.
mature ou du moins viable, parvenir à l’écouLe rythme de l’humanité est-il ter, à comprendre ce qu’elle exige, à se laisser désormais de l’ordre de la guider par sa logique. Mélanges d’opiniâtreté disruption et non plus du progrès ? et de lâcher-prise, ces entreprises sont Cette substitution ne dit-elle des progrès d’un genre très parpas quelque chose de la ticulier. Il est intéressant de détérioration de notre s’en inspirer pour fissurer capacité à « marcher la gangue dans laquelle ensemble » ? Une vision
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notre civilisation a La disruption est du progrès comme enserré une conception le nom donné à la qualité de la relation appauvrie de la marche manière de reconfientre la vie en avant. Ces entregurer totalement une et le sens me paraît prises témoignent de pratique et un marché l’existence d’une nécesà partir d’une nouintéressante pour sité intérieure, d’une velle invention. Elle la pensée. conviction intime selon est devenue le modèle laquelle progresser, c’est d’avancée le plus valorisé. donner vie à ce qui rend le À l’image de certaines techmonde moins absurde. ■ nologies qui ont rendu totalement obsolètes ce qui les précédait – l’e-mail a presque rendu caduc le courrier et l’écran remplace le rapport contemplatif au dehors –, bon nombre d’acteurs se disent que le progrès devrait désormais fonctionner par bonds, par ruptures et par commencements radicaux. Outre qu’elle coupe toujours davantage l’homme d’une nature qui, elle, ne Pascal Chabot, Après le progrès, fait pas de « saut », cette vision propage un Paris, PUF, 2008. modèle économique selon lequel the winner Pascal Chabot, Exister, résister, takes it all. Cela ne peut que fracturer une ce qui dépend de nous, Paris, société entre ceux qui sont aptes à servir les PUF, 2017. nouvelles « ultraforces » de la robotique, de la numérisation ou de la financiarisation, et ceux qui en sont incapables. Quel avenir, dans ces conditions, pour le lien social ?
Pour aller plus loin
Philosophe, vous avez choisi de travailler aux côtés des artistes. Que vous apportent-ils dans vos réflexions ? Pour rester dans le thème de notre entretien, je dirais qu’il est fascinant de les voir « progresser » dans leurs créations. Pour eux, cela signifie quitter les pistes, abolir les certitudes, prendre au sérieux des intuitions, se laisser surprendre puis, quand l’œuvre devient
Regarder l’entretien donné par Pascal Chabot au Collège des Bernardins sur : https://vimeo.com/257927888
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dossier EN QUESTION
Quel monde voulons-nous pour demain ? C’est le fil conducteur des États généraux de la bioéthique lancés en janvier dernier. Pour Anne Lécu, sœur dominicaine, médecin et philosophe, l’essentiel est de questionner notre rapport au progrès technique.
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Quel avenir pour notre liberté ?
ayant le souci de protéger le faible contre le e 18 janvier 2018, le professeur fort ? De quel monde parle-t-on ? Peut-on Jean-François Delfraissy a vouloir un monde, comme s’il y avait ouvert les États généraux des mondes possibles ? Ne vaudrait-il de la bioéthique avec cette L’homme n’est-il pas mieux vouloir le monde, c’est-àquestion : Quel monde pas un être doué dire vouloir que le monde soit, et que voulons-nous pour demain ? En de raison et donc capable des hommes l’habitent ? Mais ce sont amont des neuf thèmes épars, propoles hommes et les femmes libres qui sés au risque de morceler la réflexion, de progresser en vertu rendent le monde habitable. Alors, surgit la question essentielle : Qu’est-il et pas seulement comment protéger cette liberté, et en train de se passer ? Question brûtechniquement ? quelle est-elle ? La liberté disparaît en lante, question difficile… Il se pourrait réalité si des intérêts financiers exercent bien en effet que notre pouvoir de faire une pression telle qu’ils nous conduisent (ce qu’on appelle le progrès technique) soit en à accepter ce qui contredit notre identité ou passe d’excéder notre pouvoir de penser ce que notre dignité. Comment veiller à ce que la loi nous faisons. Malgré les difficultés, il est urgent du marché ne remplace pas l’altruisme et la solde questionner ce progrès. L’homme n’est-il licitude pour les plus vulnérables ? Comment pas un être doué de raison et donc capable de éviter que la bioéthique – en toute rigueur, il progresser en vertu et pas seulement techniquevaut mieux parler d’éthique biomédicale – ne ment ? Il nous revient de promouvoir une forme soit supplantée par la bioéconomie en laquelle de rationalité non technique, nourrie de philole corps devient le nouveau lieu d’investissesophie, de droit, et pourquoi pas de théologie, ment selon un raisonnement de capital-risque ? capable de dialoguer avec la technique. Ainsi la question se retourne : de quel monde Quel monde voulons-nous pour demain ? La ne voulons-nous pas ? ■ question semble supposer qu’il nous apparLe 19 juin à 20 h : tient de choisir le monde que nous voulons, débat « Quelles limites que demain est assuré, et qu’il y aurait un Anne Lécu éthiques à la fulgurante nous homogène uni dans ses désirs. Mais rien Codirectrice du département d’éthique progression médicale ? ». n’est si sûr. Qui est nous ? Comment faire pour biomédicale, pôle de recherche Inscrivez-vous sur : https://bit.ly/2HfuYlt promouvoir la question du bien commun en du Collège des Bernardins
À venir
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en partenariat
Le sens ne se construit que collectivement. C’est pourquoi le Collège des Bernardins noue des partenariats avec des institutions qui partagent avec lui un esprit d’ouverture, de dialogue et de transmission. Ces partenariats sont un moyen de mutualiser les forces et les expériences, tout comme ils offrent l’opportunité de programmations communes. À travers eux émerge un écosystème où se croisent les disciplines, les savoirs et les croyances pour enrichir le questionnement sur l’homme et son avenir.
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en partenariat ÉCOLE ESTIENNE
Le 19 mars, neuf jeunes illustrateurs de l’École Estienne sont venus mettre en lumière et en dessins l’histoire inspirante du Collège. Une performance saisissante exécutée face au public avec la complicité des chanteurs de la Maîtrise Notre-Dame de Paris.
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ous les voûtes en ogives du Collège des Bernardins, l’émotion partagée est intense. L’expérience, unique. À travers des dessins projetés sur les murs de la nef sud, neuf jeunes illustrateurs font revivre au public l’histoire du Collège, de sa création en 1248 à aujourd’hui. Combinées au récit de Claire-Marie Systchenko, les voix du chœur de musique sacrée de la Maîtrise Notre-Dame de Paris révèlent toute la puissance du trait naissant sur les pierres. Cette collaboration artistique inédite est née il y a deux ans. Elle a permis à des étudiants
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Quand les jeunes artistes revisitent l’histoire du Collège
de l’École Estienne préparant le diplôme supérieur d’arts appliqués (option design d’illustration scientifique) de s’approprier les lieux, de redécouvrir l’histoire contrastée du Collège et de la transmettre en bande dessinée. D’Encre et de Pierre réunit leurs regards, faisant dialoguer passé et présent, sacré et profane. Sous le feutre de Maxime Monnier, 23 ans, naît un arbre gigantesque. Une invitation à la méditation. « À l’époque médiévale, les moines cultivaient leur propre nourriture, sur un marais, explique le jeune homme. Je mets en avant la spiritualité présente dans la nature. »
LA LECTURE, UNE EXPÉRIENCE SPIRITUELLE ? Devant cent vingt personnes, dont soixante de leurs camarades, deux étudiants en hypokhâgne à l’École nationale catholique Blomet ont animé un débat sur les traces de Dieu dans le roman contemporain. Deux romancières chrétiennes ont participé à l’événement : Sylvie Germain, l’auteur de Magnus – le récit d’un homme en quête d’identité –, et Claire Daudin, dont Le Sourire suit une famille qui accueille un enfant condamné par la maladie. Cette rencontre, longuement préparée avec les professeurs, a été organisée dans le cadre d’un partenariat noué il y a quatre ans entre l’école et le Collège des Bernardins. Elle a permis aux étudiants de découvrir que la lecture peut s’apparenter à une expérience spirituelle, et d’interroger deux écrivains sur le sens théologique de leurs œuvres. Le 19 juin, les étudiants de l’ENC Blomet s’empareront d’un sujet au cœur de l’actualité : quelles limites éthiques à la fulgurante progression médicale ? Inscrivez-vous sur : https://bit.ly/2HfuYlt
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Le dessin au feutre rouge d’Ève Barlier évoque quant à lui une drôle de cacophonie. « Nous avons essayé d’incarner ce lieu qui regorge de recoins à découvrir, au-delà de la nef que l’on découvre de prime abord, raconte-t-elle. Nous nous sommes basés sur des témoignages, des photographies et des reconstitutions en 3D pour faire vivre ce lieu chargé de multiples histoires – des moments tantôt tragiques comme les massacres pendant la Terreur, tantôt cocasses avec cette caserne de pompiers où tout fut chamboulé. » Sur le mur, les dessins se suivent, éphémères, et portent loin la pensée. ■
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Un vent de jeunesse Dans les mois à venir, le Collège des Bernardins continuera de donner la parole aux jeunes de tous les horizons. Le 15 mai, des étudiants en classes préparatoires à Notre-Dame du Grandchamp animeront un débat sur l’avenir des médias. Par ailleurs, le Collège accueille jusqu’au 8 juillet l’exposition évolutive //DEVENIR//, proposée en partenariat avec l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Le visiteur est invité à faire l’expérience de l’art dans trois temporalités : passé (du 9 au 31 mars), présent (du 3 avril au 1er juillet) et futur (du 5 au 8 juillet). De multiples performances, débats ou ateliers sont au programme. Réservation : www.collegedesbernardins.fr
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en partenariat MUSÉE DE L’HOMME
Partager un regard sur l’humanité En janvier dernier, le Collège des Bernardins s’associait pour la première fois au musée de l’Homme. André Delpuech, directeur de l’institution, revient sur le sens de cette collaboration.
Si nous avons une histoire différente, nous partageons un certain regard sur l’humanité. Le musée de l’Homme vient interroger l’être humain d’aujourd’hui dans sa dimension biologique, mais aussi sociale et culturelle. En tant qu’institution scientifique, nous étudions les fossiles pour comprendre son origine. Mais nous nous interrogeons aussi sur l’avenir de l’humanité : le changement climatique, les frontières de l’humain, la génétique… Autant de sujets que le Collège des Bernardins explore lui aussi. Avec des angles d’attaque différents, nous nous posons les mêmes quesAvec des angles tions fondamentales et c’est très riche d’attaque différents, d’observer les diverses manières dont nous nous posons les hommes ont cherché à y répondre. les mêmes questions Le fait religieux, le fait philosophique fondamentales. nous relient les uns et les autres, hommes et femmes de bonne volonté.
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Que vous apporte le Collège des Bernardins ? La spiritualité traverse l’aventure humaine. Très tôt, les hommes se sont posé des questions. Comme le montre notre dernière exposition, l’homme de Néandertal enterrait déjà ses morts. Au musée, nous observons des faits, mais les croyances nous intéressent car nous
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© MNHN - DCDomenech
Pourquoi cette collaboration entre le musée de l’Homme et le Collège des Bernardins ?
vivons dans une région du monde où le christianisme a joué un rôle fondamental dans la construction des sociétés. En tant qu’historien, cela m’apporte beaucoup de voir comment la réflexion des intellectuels chrétiens peut être conduite et d’écouter leurs échanges. J’ai à apprendre de leur regard puisqu’une partie de la population y adhère et que certains visiteurs du musée partagent ces racines chrétiennes.
Qu’en est-il de vos éventuelles divergences ? Les divergences ne sont pas un problème dès lors que les gens restent tolérants. Il n’y a pas de pensée unique au musée de l’Homme. C’est un lieu où s’expriment toutes les idées. C’est également ce qui m’a intéressé au Collège des Bernardins : sa dimension interreligieuse, son ouverture, sa volonté de faire se rencontrer des gens d’horizons différents. D’où un nouveau projet commun sur la transmission, que nous souhaitons lancer ensemble dans un même but : transmettre aux gens les savoirs qui leur permettront de se construire et de se forger une opinion. ■
IREMMO
Associer l’art et la recherche
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i le Collège des Bernardins s’est toujours attaché à faire dialoguer les disciplines, il n’avait encore jamais directement proposé de mêler performances artistiques et interventions de chercheurs à l’occasion d’un colloque. Celui du 28 mars dernier fut donc une première à cet égard. Organisé en collaboration avec l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO), il interrogeait la situation et l’avenir du monde arabe. Après une matinée consacrée aux communautés – notamment celles qui demeurent invisibles comme les yézidis, les alaouites ou les druzes – et avant de proposer des focus sur différents pays de la région, l’expertise scientifique a laissé place au regard artistique. Celui de la metteuse en scène Judith Depaule, qui a recueilli les témoignages de cinq artistes en exil, originaires de Syrie, d’Irak, du Kurdistan, du Liban et d’Iran. Une parole brute, portée par un dispositif scénique aussi sobre que puissant : la lecture de leurs récits par des comédiens, tandis que sur un grand écran s’affichaient les visages des exilés, leurs yeux plantés dans ceux de l’auditoire. « Cette intervention artistique a profondément marqué le public et les conférenciers, rapporte
© Gianni Giuliani
À l’occasion du colloque « Quel avenir pour le Moyen-Orient ? », le Collège des Bernardins et l’iReMMO ont choisi de croiser regards d’artistes et points de vue d’experts. Une expérience venue rappeler, au-delà des questions géopolitiques, l’aspect central des enjeux humains.
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Jacques Huntzinger, organisateur du colloque et directeur de recherche au Collège des Bernardins, beaucoup ont compris qu’elle n’était pas seuQui est l’expert : lement une parenthèse dans cette celui qui vit journée, mais qu’elle venait remettre le conflit ou celui l’homme au cœur des conflits. Les qui l’étudie ? géopoliticiens perdent parfois de vue cette dimension humaine, qui est pourtant essentielle pour comprendre tous les enjeux dans cette région. » « Qui est l’expert : celui qui vit le conflit ou celui qui l’étudie ? », interroge en écho Judith Depaule, qui adaptait à cette occasion sa création Je passe, imaginée pour le festival Visions d’exil. Elle aussi expérimentait cette confrontation entre art et recherche, vision intime du témoin et point de vue distancié du chercheur. Une initiative saluée par les deux parties, porteuse chacune de paroles singulières et réunies dans un colloque qui s’attachait à explorer les angles morts de la situation au Moyen-Orient. ■
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publications Lou Andreas-Salomé, du charnel au spirituel Revivez le colloque « Lou Andreas-Salomé : l’épreuve de l’amour » qui s’est tenu le 2 décembre 2017 au Collège des Bernardins, en tournant les pages de la revue NUNC. Sous la direction de la théologienne Gemma Serrano, le dossier « Lou Andreas-Salomé, du charnel au spirituel » donne la parole à des penseurs tels que Jean-Michel Hirt, Janine Filloux ou encore Paule Lurcel pour évoquer la figure de Lou Andrea-Salomé, dont l’œuvre restée trop longtemps confidentielle mérite d’être réactualisée. À la croisée de la philosophie, de la religion et de la psychanalyse, cette femme a été le « compagnon de route » de deux penseurs décisifs de la modernité, Nietzsche et Freud, ainsi que la compagne du plus grand poète de langue allemande du xxe siècle, Rilke. Cette « compreneuse », comme Freud la surnommait, a produit une œuvre théorique et littéraire encore trop méconnue. Véritable figure intellectuelle, mais avant tout « femme », Lou Andreas-Salomé a marqué par sa vie et son œuvre l’Europe moderne de la fin du xixe siècle.
Gemma Serrano (dir.), Lou Andreas-Salomé : du charnel au spirituel, revue NUNC, Éditions de Corlevour, 2018, 127 p.
Critique de la raison transhumaniste Les Éditions du Cerf publient les actes du colloque « Critique de la raison transhumaniste ». Le transhumanisme, ou plutôt la nébuleuse transhumaniste, a pour ambition d’être un humanisme qui se donne un devoir moral d’explorer les voies d’amélioration des capacités physiques et cognitives de l’espèce humaine pour éliminer la souffrance, la maladie, le vieillissement, voire la condition mortelle. L’homme ainsi « augmenté » souffrirait moins, vieillirait mieux et plus longtemps. Dans bien des cas la médecine est sollicitée, principalement par le biais de la neurologie et de la
Quel avenir pour le Moyen-Orient ? États-nations, communautés, minorités La revue Confluences Méditerranée édite les actes du colloque « Quel avenir pour le Moyen-Orient ? États-nations, communautés, minorités », organisé en partenariat entre le département Politique et religions du Collège des Bernardins et l’iReMMo le 29 mars 2018. Aujourd’hui, au moment où la coalition internationale semble avoir détruit militairement Daech, il est essentiel d’en revenir aux paramètres politiques de la crise des États du Moyen-Orient. Les nouveaux États arabes, fondés à partir de 1920, sont marqués par un pluralisme ethnique
et religieux qui a toujours été très mal géré. Aucun d’entre eux n’a réussi à devenir un État-nation, soit par le choix d’un communautarisme intégral, tel le Liban, soit par la gestion du pays par une minorité au détriment des autres communautés et minorités, tels l’Irak et la Syrie. De plus, l’ancien pluralisme ottoman s’appliquait aux seuls « gens du Livre », les juifs et les chrétiens, mais pas aux autres branches de l’islam, dont le chiisme, non reconnues, et encore moins aux sectes issues de l’islam – les druzes, les alaouites, les alévis, les yézidis, les bahaïs – non tolérées et souvent persécutées. Toutes ces minorités
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et communautés musulmanes sont devenues l’angle mort des sociétés du Moyen-Orient. L’objet de ce colloque était donc de se poser la question de la traduction institutionnelle adéquate du pluralisme dans ces pays issus de l’Empire ottoman. Est-il possible d’établir sur les décombres actuels des États faillis, de véritables États-nations ? Jean-Paul Chagnollaud, Jacques Huntzinger, Pierre-Jean Luizard, « Quel avenir pour le Moyen-Orient ? », actes du colloque à paraître dans le numéro de printemps de la revue Confluences Méditerranée, Éditions l’Harmattan, 2018.
Instituer la filiation, être fils ou fille aujourd’hui
Ce livre est le résultat du colloque conclusif organisé les 11 et 12 mars 2016 par le département Sociétés humaines et responsabilité éducative du Collège des Bernardins, sous la responsabilité de Jacques Arènes, psychanalyste, professeur des universités catholiques. Ont également participé à cet ouvrage : Christophe Bellon, Françoise Bonardel, Stanislas Deprez, Xavier Dijon, Père Dominique Foyer, Muriel Katz, Jean-Pierre Lebrun, Brice de Villers.
Prix : 18 € ISBN : 978-2-204-10675-7
9 782204 106757
10_cov arenes.indd Toutes les pages
Dominique Folscheid, Anne Lécu, Brice de Malherbe, Critique de la raison transhumaniste, actes du colloque du département d’Éthique biomédicale, Cerf Patrimoines, 2018, 208 p.
Le Retour du fils prodigue, Rembrandt, 1668, Musée de l’Ermitage © D.R.
Jacques Arènes
Instituer la filiation
génétique. Toute la difficulté tient en ce que la frontière entre les techniques renaturantes et dénaturantes est ténue ! Si l’homme est une machine intelligente que l’on pourrait refaçonner à loisir, le transhumanisme paraît mettre la technique au service des désirs humains. Mais la réalisation de cette utopie est-elle souhaitable ? La négation d’une « nature » humaine ne risque-t-elle pas de nous conduire à la négation de la personne humaine dans sa valeur incommensurable ? Ce qui est en jeu dans cette utopie transhumaniste, c’est la condition incarnée et donc finie de l’homme.
’humanité est ainsi faite qu’il est impossible d’imaginer notre monde sans filiation. Dans l’espèce humaine, un enfant est un fils ou une fille et pas seulement une progéniture. La filiation est alors une condition originaire dans laquelle nous sommes tous plongés. Cette condition est profondément culturelle, nécessitant un encadrement juridique, institutionnel, et plus largement symbolique. La filiation est cependant devenu un lien étrange en un monde où la modalité contractuelle devient le prototype prévalent du lien. On ne dispose cependant pas de son lien de filiation. Ce lien insolite fait l’objet de nombreux remaniements dans l’univers contemporain : il n’a jamais été aussi « solide », considéré comme plus consistant que le lien conjugal, et fait pourtant l’objet de discussions politiques intenses. Il est notamment solide en raison de sa dimension instituée. Il émerge ainsi, de plus en plus, une demande vis-à-vis des institutions, afin qu’elles créent de nouveaux types et des procédures inédites de filiation, notamment dans le cas de ce qu’on a appelé l’« infertilité sociale », c’est-à-dire l’infertilité qui n’est pas liée à une raison médicale. Un séminaire de recherche sur la filiation a eu lieu au Collège des Bernardins pendant trois ans, et a associé des disciplines variées (anthropologie, droit, philosophie, théologie, psychanalyse). Cet ouvrage, issu des réflexions de ce séminaire, et du colloque qui a constitué sa conclusion, cherche à comprendre la manière dont l’institution du lien de filiation se pense aujourd’hui : la fragilisation contemporaine des institutions est-elle à mettre en rapport avec certains « troubles » dans la filiation ? Comment notre société gère-t-elle la condition ambivalente de la dépendance, liée à la filiation ? La condition filiale nous permet alors de donner un éclairage sur le rapport du sujet contemporain au collectif et à ses institutions.
Sous la direction de
L
Instituer la filiation Être fils ou fille aujourd’hui Sous la direction de Jacques Arènes Actes du Colloque du département Famille & Éducation, 11-12 mars 2016
Les Éditions du Cerf publient les actes du colloque « Instituer la filiation, être fils ou fille aujourd’hui », sous la direction de Jacques Arènes. L’humanité est ainsi faite qu’il est impossible d’imaginer notre monde sans filiation. Dans l’espèce humaine, un enfant est un fils ou une fille et pas seulement une progéniture. La filiation est alors une condition originaire dans laquelle nous sommes tous plongés. Elle est cependant devenue un lien étrange en un monde où la modalité contractuelle devient le prototype prévalent du lien. Ce lien insolite fait l’objet de nombreux remaniements dans l’univers contemporain, il n’a jamais été aussi solide et fait pourtant l’objet de discussions politiques intenses. Il émerge ainsi, de plus en plus, une demande vis-àvis des institutions afin qu’elles créent de nouveaux types et des procédures inédites de filiation, notamment dans le cas de l’infertilité sociale. Cet ouvrage cherche à comprendre la manière dont l’institution du lien de filiation se pense aujourd’hui. cerf
Patrimoines
27/03/2018 14:43
Jacques Arènes (dir.), Instituer la filiation, être fils ou fille aujourd’hui, actes du colloque du département Famille et Éducation, Cerf Patrimoines, 2016, 181 p.
Dignité, respect, valeurs d’humanité La dignité et le respect sont devenus des aspirations emblématiques de notre époque. Dans de nombreux champs, auprès de publics divers mais aussi dans de nombreux pays, la notion de dignité nous interpelle sans cesse. Mais d’où vient la dignité de la personne humaine ? Sur quoi se fonde-t-elle ? Aujourd’hui, est-elle menacée dans son principe même ? Son affirmation peut-elle contribuer au respect de chacun dans un monde globalisé qui tend à bafouer l’individualité ? Ne s’agit-il que d’une utopie ? Peutelle devenir une valeur fondamentale de la société française aux côtés de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ? Pendant deux
ans, le Forum des Bernardins a tenté de répondre à toutes ces questions guidées par deux convictions fortes : la reconnaissance de la dignité de chacun va de pair avec le devoir de respect de la dignité d’autrui ; la dignité comporte des éléments fondamentaux invariants, mais elle n’est pas un concept figé. Ses incarnations particulières, déclinaisons d’une dignité fondamentale de la personne, doivent être chacune défendues contre de nouvelles menaces.
Sadek Beloucif, Alain Christnacht, Michel Davy de Virville (dir.), Dignité, respect, valeurs d’humanité, Forum des Bernardins, Hermann Éditions, 2018, 110 p.
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FORUM DES BERNARDINS Le Forum des Bernardins, groupe de réflexion, de débat et de propositions, a pour mission d’analyser, de façon pluridisciplinaire et pragmatique, les perspectives ouvertes par les transformations en cours de notre société. Pour en savoir plus : https://bit.ly/2qF96WY
En l’absence de toute subvention, le Collège des Bernardins doit chaque année trouver les financements nécessaires à ses activités, auprès de donateurs particuliers et entreprises. Sous l’égide de la Fondation Notre-Dame, reconnue d’utilité publique, la Fondation des Bernardins est habilitée à recevoir les dons et en assure la déductibilité fiscale. Elle est également éligible aux legs.
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Le Collège des Bernardins a besoin de vous ! PAROLE DE DONATEUR Géraldine Chaigne, jeune mécène du Collège des Bernardins
Mon mari et moi sommes jeunes mécènes du Collège des Bernardins depuis maintenant une dizaine d’années. Ce sont des amis qui nous ont poussés à sauter le pas ! À ce moment-là, soutenir le Collège était surtout l’occasion de partager des moments de convivialité. Dès le début, nous avons été séduits par l’offre culturelle et les voûtes cisterciennes – comment ne pas l’être ? Aujourd’hui, nous portons un regard différent sur notre engagement, peut-être transformé. Nous avons été particulièrement séduits par l’approche multidisciplinaire du Collège. Récemment, nous avons notamment eu l’occasion de venir écouter Philippe Aubert, dont le témoignage nous a bousculés. Son courage et sa détermination à trouver sa place dans une société où le handicap est encore mal compris et pris en charge nous ont ouvert les yeux sur le combat quotidien que doivent mener ces personnes en grande difficulté. Lors de son intervention, il a replacé la parole des plus fragiles, des oubliés de nos sociétés, au cœur de nos préoccupations. S’ouvrir à l’autre, au réel, prendre le temps de résister à cette surdité ou cet aveuglement du quotidien : c’est dans cette tâche que le Collège nous accompagne.
Donner au Collège est avant tout un acte philanthropique. Cependant, le dispositif fiscal vous permet de concrétiser votre générosité. En 2018, avec l’impôt sur la fortune immobilière, 75 % du montant de votre don à la Fondation des Bernardins seront toujours déductibles de votre impôt (dans la limite de 50 000 euros, comme c’était le cas pour l’ISF). Si vous n’êtes pas assujetti à l’IFI, vous avez toujours la possibilité d’effectuer des dons déductibles de votre impôt sur le revenu (déduction d’impôt de 66 % du montant de votre don). Continuez de nous soutenir ! Pour faire un don : • Sur Internet : www.collegedesbernardins.fr, rubrique « Soutenir le Collège » • Par courrier : adresser un chèque libellé à l’ordre de la Fondation des Bernardins
Les jeunes mécènes Placés sous le parrainage de Jean-François Clervoy, spationaute à l’Agence spatiale européenne, et de Frédéric Mazzella, président fondateur de BlaBlaCar, les jeunes mécènes soutiennent financièrement le Collège des Bernardins. Ils se retrouvent régulièrement pour des événements qui leur sont dédiés.
Anne-Sophie Gracieux, responsable du mécénat des particuliers asgracieux@fondationdesbernardins.fr 01 53 10 02 75 Fondation des Bernardins – 31, rue de Poissy – 75005 Paris
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NOUVEAUTÉ
SUR NOTRE SITE ! Les archives en ligne du Collège des Bernardins font peau neuve. Nouvelle formule, objectif inchangé : mettre à votre disposition des ressources pour éclairer le devenir de l’homme dans la société contemporaine.
La nouvelle rubrique « Archives » de notre site Internet vous permet désormais d’accéder facilement à toutes nos ressources numériques : vidéos, podcasts, articles… Vous pouvez également (re)découvrir tous nos événements grâce à un moteur de recherche thématique.
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L’idée de progrès s’appuie sur une tout autre vision du temps. Celle d’un temps constructeur, complice de notre liberté, permettant d’imaginer un futur désirable, attractif, crédible – et pas seulement utopique – et d’œuvrer à son avènement. Étienne Klein
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Penser le progrès, et par le même mouvement les forces de régression ou d’immobilisme, s’apparente à une méditation sur la manière dont l’homme cherche à devenir humain. Pascal Chabot
Il nous revient de promouvoir une forme de rationalité non technique, nourrie de philosophie, de droit, et pourquoi pas de théologie, capable de dialoguer avec la technique. Anne Lécu
Publication du Collège des Bernardins • 20, rue de Poissy - 75005 Paris • Directeur de la publication : Hubert du Mesnil • Directrice de la rédaction : Marine de Luze • Rédactrice en chef : Fabienne Robert • Secrétariat de rédaction : Animal pensant • Correction : David Mac Dougall/AP • Maquette : Émilie Caro • Nous remercions l’ensemble des personnes qui ont contribué à cette revue et plus particulièrement Jacques Arnould, Pascal Chabot, Géraldine Chaigne, André Delpuech, Laurence Devillairs, Caroline Gourdin/AP, Étienne Klein, Samuel Laval, Anne Lécu, Matthias Lisan, Olimpia Lombardi, Louis Manaranche, Christine Meyrignac, Sophie Monjaret, Charles Ollion, Anne-Claire Préfol/AP, Gemma Serrano, Didier Sicard, Robin Steiger, Cécile Welker • Photo de couverture : CC0 Domaine public • Impression : Corlet – Condé-en-Normandie (14) • Dépôt légal : mai 2018.