Art Deco France Amerique du Nord

Page 1


AUTEURS

Silvia Barisione Conservateur en chef, The Wolfsonian-FIU, Miami Beach Emmanuel Bréon Conservateur en chef du patrimoine, musée des Monuments français / Cité de l’architecture & du patrimoine Anne Camilli Fondatrice du Musée à la Carte® Hubert Cavaniol Spécialiste de l’image des xixe et xxe siècles Sung Moon Cho Historienne de l’art, spécialiste de la céramique et de la verrerie de table Dorian Dallongeville Historien de la marine marchande, ancien directeur du patrimoine de l’établissement public French Lines & Compagnies Franck Delorme Docteur en histoire de l’art, historien de l’architecture, attaché de conservation à la Cité de l’architecture & du patrimoine

Carlo Sarrabezolles, maquette d’un projet de monument à l’amitié franco-américaine (non réalisé), 1947. Page suivante Vogue Paris, détail de la couverture du numéro de novembre 1929. Illustration de Benito. Pages 8-9 Roger-Henri Expert, perspective intérieure du grand salon du paquebot Normandie, 1933-1934. Fonds Expert. Siaf/Cité de l’architecture & du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle

Olivier Dufour Diplomate Victorien Georges Directeur du patrimoine de la Ville de Saint-Quentin

Isabelle Gournay Historienne de l’architecture, professeur émérite, École d’architecture de l’université du Maryland Jean-Marc Irollo† Historien de l’art Léna Lefranc-Cervo Doctorante en histoire de l’architecture Claire Maingon Historienne de l’art, maître de conférences à l’université de Rouen Laure de Margerie Historienne de l’art, directrice du Répertoire de sculpture française dans les collections publiques nord-américaines Bénédicte Mayer Attachée de conservation, musée des Monuments français / Cité de l’architecture & du patrimoine Valérie Montalbetti Responsable des sculptures et des collections de Bourdelle, musée Bourdelle Laurence Mouillefarine Journaliste, historienne du bijou Renaud Richebé Journaliste, auteur


AUTEURS

Silvia Barisione Conservateur en chef, The Wolfsonian-FIU, Miami Beach Emmanuel Bréon Conservateur en chef du patrimoine, musée des Monuments français / Cité de l’architecture & du patrimoine Anne Camilli Fondatrice du Musée à la Carte® Hubert Cavaniol Spécialiste de l’image des xixe et xxe siècles Sung Moon Cho Historienne de l’art, spécialiste de la céramique et de la verrerie de table Dorian Dallongeville Historien de la marine marchande, ancien directeur du patrimoine de l’établissement public French Lines & Compagnies Franck Delorme Docteur en histoire de l’art, historien de l’architecture, attaché de conservation à la Cité de l’architecture & du patrimoine

Carlo Sarrabezolles, maquette d’un projet de monument à l’amitié franco-américaine (non réalisé), 1947. Page suivante Vogue Paris, détail de la couverture du numéro de novembre 1929. Illustration de Benito. Pages 8-9 Roger-Henri Expert, perspective intérieure du grand salon du paquebot Normandie, 1933-1934. Fonds Expert. Siaf/Cité de l’architecture & du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle

Olivier Dufour Diplomate Victorien Georges Directeur du patrimoine de la Ville de Saint-Quentin

Isabelle Gournay Historienne de l’architecture, professeur émérite, École d’architecture de l’université du Maryland Jean-Marc Irollo† Historien de l’art Léna Lefranc-Cervo Doctorante en histoire de l’architecture Claire Maingon Historienne de l’art, maître de conférences à l’université de Rouen Laure de Margerie Historienne de l’art, directrice du Répertoire de sculpture française dans les collections publiques nord-américaines Bénédicte Mayer Attachée de conservation, musée des Monuments français / Cité de l’architecture & du patrimoine Valérie Montalbetti Responsable des sculptures et des collections de Bourdelle, musée Bourdelle Laurence Mouillefarine Journaliste, historienne du bijou Renaud Richebé Journaliste, auteur


SOMMAIRE

11 L’Art déco en Amérique du Nord

91 LE MOMENT 1925

203 LES CHALLENGES TRANSATLANTIQUES

Marie-Christine Labourdette 94 Le paquebot Île-de-France 13 L’Art déco et les collections de la Cité

Dorian Dallongeville

206 Les passeurs de l’Art déco au cinéma

Emmanuel Bréon

Corinne Bélier 102 L’Art déco en mission diplomatique

15 LES FONDEMENTS D’UNE RELATION

Olivier Dufour

214 Garçonnes et Flappers

Bénédicte Mayer

OU L’ÉMULATION RÉCIPROQUE 112 Des Américaines à Paris 18 La statue et le piédestal

Laurence Mouillefarine

218 Les échos de l’Art déco

Renaud Richebé

Hubert Cavaniol 226 Le challenge des airs et des ailes 24 Peut-on s’aimer au sommet d’un gratte-ciel ?

119 ACCOMPAGNER L’ARCHITECTURE

Emmanuel Bréon

Hubert Cavaniol 122 La sculpture française Art déco aux États-Unis 32 Des Beaux-Arts à l’Art déco américain

Laure de Margerie

230 Quand les champions s’affrontent

Victorien Georges

Isabelle Gournay 138 Joseph Bernard. Sa modernité vue des États-Unis 44 The Beaux-Arts Institute of Design

Valérie Montalbetti

235 L’EFFET BOOMERANG

OU LE PASSAGE DE TÉMOIN

Léna Lefranc-Cervo 142 Edgar Brandt. Ambassadeur de l’art français

en Amérique du Nord

53 LE CIMENT FÉDÉRATEUR

Léna Lefranc-Cervo

DE LA GRANDE GUERRE

238 Jacques Carlu et Chaillot.

Naissance d’un palais américain à Paris Bénédicte Mayer

150 L’internationale des muralistes 56 1917. L’Amérique au secours de l’Europe

Emmanuel Bréon

universelles américaines

Claire Maingon 160 Le chef sioux 60 Over There,

248 Pavillons français des expositions

Franck Delorme

Emmanuel Bréon

former et conquérir le cœur des Américains

260 Le Streamline, un Art déco américain ?

Jean-Marc Irollo

Emmanuel Bréon

165 LE GRAND MAGASIN DE L’ART DÉCO 68 L’Art Training Center de Meudon

Emmanuel Bréon

268 L’architecture de Miami Beach 168 Les ensembliers français à la conquête

Silvia Barisione

de l’Amérique 74 The Fontainebleau School of Fine Arts

Emmanuel Bréon

277 ANNEXES

Claire Maingon 178 Jean Luce. Un souffle d’Art déco sur les tables 82 Les monuments aux soldats américains

de la Grande Guerre

américaines dans l’entre-deux-guerres Sung Moon Cho

Claire Maingon

278 Biographies Emmanuel Bréon, Léna Lefranc-Cervo, Bénédicte Mayer 292 Bibliographie

184 Mode et joaillerie

Laurence Mouillefarine

298 Index 302 Sources-crédits 303 Remerciements

194 Une séduction transatlantique

Anne Camilli

6


SOMMAIRE

11 L’Art déco en Amérique du Nord

91 LE MOMENT 1925

203 LES CHALLENGES TRANSATLANTIQUES

Marie-Christine Labourdette 94 Le paquebot Île-de-France 13 L’Art déco et les collections de la Cité

Dorian Dallongeville

206 Les passeurs de l’Art déco au cinéma

Emmanuel Bréon

Corinne Bélier 102 L’Art déco en mission diplomatique

15 LES FONDEMENTS D’UNE RELATION

Olivier Dufour

214 Garçonnes et Flappers

Bénédicte Mayer

OU L’ÉMULATION RÉCIPROQUE 112 Des Américaines à Paris 18 La statue et le piédestal

Laurence Mouillefarine

218 Les échos de l’Art déco

Renaud Richebé

Hubert Cavaniol 226 Le challenge des airs et des ailes 24 Peut-on s’aimer au sommet d’un gratte-ciel ?

119 ACCOMPAGNER L’ARCHITECTURE

Emmanuel Bréon

Hubert Cavaniol 122 La sculpture française Art déco aux États-Unis 32 Des Beaux-Arts à l’Art déco américain

Laure de Margerie

230 Quand les champions s’affrontent

Victorien Georges

Isabelle Gournay 138 Joseph Bernard. Sa modernité vue des États-Unis 44 The Beaux-Arts Institute of Design

Valérie Montalbetti

235 L’EFFET BOOMERANG

OU LE PASSAGE DE TÉMOIN

Léna Lefranc-Cervo 142 Edgar Brandt. Ambassadeur de l’art français

en Amérique du Nord

53 LE CIMENT FÉDÉRATEUR

Léna Lefranc-Cervo

DE LA GRANDE GUERRE

238 Jacques Carlu et Chaillot.

Naissance d’un palais américain à Paris Bénédicte Mayer

150 L’internationale des muralistes 56 1917. L’Amérique au secours de l’Europe

Emmanuel Bréon

universelles américaines

Claire Maingon 160 Le chef sioux 60 Over There,

248 Pavillons français des expositions

Franck Delorme

Emmanuel Bréon

former et conquérir le cœur des Américains

260 Le Streamline, un Art déco américain ?

Jean-Marc Irollo

Emmanuel Bréon

165 LE GRAND MAGASIN DE L’ART DÉCO 68 L’Art Training Center de Meudon

Emmanuel Bréon

268 L’architecture de Miami Beach 168 Les ensembliers français à la conquête

Silvia Barisione

de l’Amérique 74 The Fontainebleau School of Fine Arts

Emmanuel Bréon

277 ANNEXES

Claire Maingon 178 Jean Luce. Un souffle d’Art déco sur les tables 82 Les monuments aux soldats américains

de la Grande Guerre

américaines dans l’entre-deux-guerres Sung Moon Cho

Claire Maingon

278 Biographies Emmanuel Bréon, Léna Lefranc-Cervo, Bénédicte Mayer 292 Bibliographie

184 Mode et joaillerie

Laurence Mouillefarine

298 Index 302 Sources-crédits 303 Remerciements

194 Une séduction transatlantique

Anne Camilli

6


L’ART DÉCO EN AMÉRIQUE DU NORD La Cité de l’architecture & du patrimoine, fidèle à sa mission de faire découvrir toutes les formes de la création architecturale, poursuit l’exploration de la période Art déco, si riche en créations, si rayonnante et si moderne. Cet ouvrage montre comment la France des Ruhlmann, Iribe et Poiret a su, dans les années 1920, influencer l’architecture, les décors, le mode de vie et le goût des Américains du Nord. Il fait le récit d’échanges transatlantiques qui débutent bien avant la Première Guerre mondiale, dont la Liberté de Bartholdi constitue l’un des exemples les plus illustres. Un dialogue qui se poursuit pendant le conflit – au sein des unités de camouflage où se sont retrouvés les artistes des deux continents – puis lors de la reconstruction de la France. L’École nationale des beaux-arts de Paris et l’École des beaux-arts de Fontainebleau forment de nombreux architectes américains et canadiens qui, de retour chez eux, construisent et cherchent à meubler les nouveaux buildings Art déco à New York, à Chicago, à Los Angeles ou à Montréal. Les Français sont invités, à leur tour, à développer leurs idées modernes au sein des prestigieuses universités américaines. Ils vont construire des bâtiments majeurs sur le territoire, comme la Banque fédérale de Whashington ou la Fondation Barnes de Philadelphie. L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris, en 1925, a frappé les esprits. Les États-Unis n’y ont pas de pavillon national mais envoient une délégation importante d’experts. Le « nouveau style » qu’ils observent va leur permettre de se renouveler magistralement. Les quotidiens et magazines, comme le Vogue de Condé Nast, vantent la créativité française. À partir de 1926, les grands magasins, Macy’s ou Wanamaker’s, réalisent des expositions itinérantes louant les ensembliers Art déco, invités à présenter eux-mêmes leurs productions. Un challenge permanent s’instaure et mobilise les plus inventifs dans les domaines du cinéma, du sport ou de l’aviation. La femme moderne, garçonne française ou flapper américaine, bouleverse elle aussi l’époque. La crise de 1929 oblige les Américains à se remettre en question. Avec le New Deal et l’ambitieux programme de construction du président Roosevelt, le Streamline, séduisant design industriel, prolonge et renouvelle l’Art déco, notamment à Miami. Lors des Expositions internationales – Chicago en 1933 et New York en 1939 –, les designers proposent à grande échelle the World of Tomorrow. Effet « boomerang », l’architecte Jacques Carlu, de retour des États-Unis, promoteur d’une union entre les deux cultures, transforme l’ancien Trocadéro. Le palais de Chaillot, qui accueille cette exposition transatlantique, peut être considéré par son inspiration et sa dimension palatiale comme le palais américain de Paris.

Marie-Christine Labourdette Présidente de la Cité de l’architecture & du patrimoine

Alfred Janniot, L’Amitié entre l’Amérique et la France, bronze doré, Rockefeller Center, 610 5th Avenue, New York, 1933-1934.


L’ART DÉCO EN AMÉRIQUE DU NORD La Cité de l’architecture & du patrimoine, fidèle à sa mission de faire découvrir toutes les formes de la création architecturale, poursuit l’exploration de la période Art déco, si riche en créations, si rayonnante et si moderne. Cet ouvrage montre comment la France des Ruhlmann, Iribe et Poiret a su, dans les années 1920, influencer l’architecture, les décors, le mode de vie et le goût des Américains du Nord. Il fait le récit d’échanges transatlantiques qui débutent bien avant la Première Guerre mondiale, dont la Liberté de Bartholdi constitue l’un des exemples les plus illustres. Un dialogue qui se poursuit pendant le conflit – au sein des unités de camouflage où se sont retrouvés les artistes des deux continents – puis lors de la reconstruction de la France. L’École nationale des beaux-arts de Paris et l’École des beaux-arts de Fontainebleau forment de nombreux architectes américains et canadiens qui, de retour chez eux, construisent et cherchent à meubler les nouveaux buildings Art déco à New York, à Chicago, à Los Angeles ou à Montréal. Les Français sont invités, à leur tour, à développer leurs idées modernes au sein des prestigieuses universités américaines. Ils vont construire des bâtiments majeurs sur le territoire, comme la Banque fédérale de Whashington ou la Fondation Barnes de Philadelphie. L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris, en 1925, a frappé les esprits. Les États-Unis n’y ont pas de pavillon national mais envoient une délégation importante d’experts. Le « nouveau style » qu’ils observent va leur permettre de se renouveler magistralement. Les quotidiens et magazines, comme le Vogue de Condé Nast, vantent la créativité française. À partir de 1926, les grands magasins, Macy’s ou Wanamaker’s, réalisent des expositions itinérantes louant les ensembliers Art déco, invités à présenter eux-mêmes leurs productions. Un challenge permanent s’instaure et mobilise les plus inventifs dans les domaines du cinéma, du sport ou de l’aviation. La femme moderne, garçonne française ou flapper américaine, bouleverse elle aussi l’époque. La crise de 1929 oblige les Américains à se remettre en question. Avec le New Deal et l’ambitieux programme de construction du président Roosevelt, le Streamline, séduisant design industriel, prolonge et renouvelle l’Art déco, notamment à Miami. Lors des Expositions internationales – Chicago en 1933 et New York en 1939 –, les designers proposent à grande échelle the World of Tomorrow. Effet « boomerang », l’architecte Jacques Carlu, de retour des États-Unis, promoteur d’une union entre les deux cultures, transforme l’ancien Trocadéro. Le palais de Chaillot, qui accueille cette exposition transatlantique, peut être considéré par son inspiration et sa dimension palatiale comme le palais américain de Paris.

Marie-Christine Labourdette Présidente de la Cité de l’architecture & du patrimoine

Alfred Janniot, L’Amitié entre l’Amérique et la France, bronze doré, Rockefeller Center, 610 5th Avenue, New York, 1933-1934.


L’ART DÉCO ET LES COLLECTIONS DE LA CITÉ Depuis sa création, le département des Collections de la Cité de l’architecture & du patrimoine participe pleinement aux missions de l’établissement : rendre compte de la discipline dans toutes ses dimensions – esthétique, constructive, sociétale ou encore urbaine –, étudier les multiples courants de la scène architecturale, témoigner des réalisations les plus remarquables de l’art et du décor monumental, faire mieux connaître un patrimoine parfois menacé. L’Art déco, mouvement artistique international et populaire, revêt une signification toute particulière pour la Cité de l’architecture au regard de l’histoire et du patrimoine de l’institution. N’est-elle pas implantée au palais de Chaillot, un chef-d’œuvre de l’Art déco ? Conçu par l’architecte Jacques Carlu, dont la carrière se déroula entre la France et l’Amérique, le palais se distingue par les qualités de son architecture, qui vient saluer la tour Eiffel, et par son décor sculpté et peint réalisé par près de quatre-vingts artistes, ambassadeurs du nouveau style. Il est ainsi devenu l’un des bâtiments les plus emblématiques des berges de la Seine. Le musée des Monuments français y fut inauguré en 1937 avec son exceptionnelle collection de moulages monumentaux hérités du musée de Sculpture comparée et une toute nouvelle collection dédiée à l’art de la fresque, présentée selon les pratiques muséographiques les plus modernes de l’entre-deux-guerres. Ces collections sont aujourd’hui au cœur de la Cité de l’architecture. L’établissement conserve également l’un des plus importants ensembles d’archives d’architecture contemporaine en France, dont les fonds témoignent de la vitalité de l’Art déco. Leur collecte, commencée dans les années 1980 à l’initiative de l’historien Maurice Culot, s’inscrivait dans une démarche militante visant à s’éloigner de l’apologie du mouvement moderne et à ouvrir le récit historique à l’ensemble des courants et des acteurs. Des fonds d’archives de grand intérêt ont alors été sauvés et constituent le socle de la collection actuelle, tels que ceux de Roger-Henri Expert, d’André Granet, de Louis Süe, d’Albert Laprade, ou encore de Pierre Patout. Ils ont contribué à révéler le charme et la science des architectures régionalistes ou des villes balnéaires, le raffinement de l’Art nouveau, l’élégance de l’Art déco. La variété des projets représentés illustre la diffusion de l’esprit Art déco à tous les domaines de la création artistique mais aussi de la vie quotidienne : immeubles et villas, édifices publics, paquebots, décor intérieur et mobilier, industrie, mode et arts appliqués. De nouveaux fonds viennent encore régulièrement élargir la collection, tels que celui du ferronnier d’art Raymond Subes. L’Art déco mais aussi ce palais et son patrimoine sont au centre des recherches conduites depuis plusieurs années par Emmanuel Bréon avec la collaboration de Bénédicte Mayer, que je souhaite remercier ici. L’exposition « 1925. Quand l’Art déco séduit le monde », présentée en 2013 à la Cité de l’architecture & du patrimoine, et la monographie inédite Palais de Chaillot. Palais Art Déco, publiée en 2018, en sont les fruits. Le présent ouvrage en constitue aujourd’hui un nouvel opus, consacré à l’un des aspects les plus stimulants de l’Art déco : sa diffusion outre-Atlantique, son appropriation et sa réinterprétation sur fond d’échanges artistiques et culturels entre la France et l’Amérique.

Corinne Bélier Directrice du musée des Monuments français/ Département des Collections Thomas Harvey Dreihs, élève de Jacques Carlu au MIT, The End of a Theater Lobby, 1928. Fonds Carlu. Siaf/Cité de l’architecture & du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle


THE FONTAINEBLEAU SCHOOL OF FINE ARTS Claire Maingon

Un architecte américain à l’origine du projet : Lloyd Warren à la manœuvre Afin de prolonger la réussite née du rapprochement franco-américain pendant la Grande Guerre, Lloyd Warren (directeur du Beaux-Arts Institute de New York) décide de créer en France une école d’art réservée aux étudiants américains. L’idée se concrétise en 1921, et Warren effectue des démarches pour trouver un site adéquat. Ce sera l’aile Louis XV du château de Fontainebleau, qui avait abrité un hôpital militaire pendant la guerre. Ici vient en effet d’être inauguré un conservatoire américain dirigé par le compositeur Charles-Marie Widor et où enseignent des professeurs prestigieux (tels que Maurice Ravel et Camille Saint-Saëns). Cette école (d’abord située à Chaumont et confiée au compositeur Francis Casadesus) avait été fondée sur la demande du général Pershing, soucieux d’améliorer la qualité des musiques militaires de l’armée américaine. Les lieux sont réaménagés grâce au mécénat du gouvernement américain et de la Fondation Rockefeller (créée en 1913 par le magnat du pétrole). L’architecte William Welles Bosworth, dont la carrière se déroula sous les auspices de Rockefeller, a sans aucun doute favorisé les échanges autour de ce projet. Lloyd Warren met au point le plan des salles d’étude grâce à la collaboration d’Albert Bray, architecte du palais. Plusieurs ateliers sont installés dans la salle de théâtre de l’Ancienne-Comédie, brûlée en 1857. Cependant, Warren ne vit pas réellement le fruit de son entreprise puisqu’il décéda accidentellement à New York en 1922 (sa mort est relayée dans la presse nationale, qui le qualifie de « grand ami de la France »), un an avant l’inauguration officielle de l’École des beaux-arts, dont l’architecte français Victor Laloux est nommé directeur honoraire. En 1926,

Maquette de brochure pour la Fontainebleau School of Fine Arts, vers 1923. Fonds Carlu. Siaf/Cité de l’architecture & du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle

74

Le ciment fédérateur de la grande guerre

le conservatoire et l’École des beaux-arts sont réunis sous la dénomination de « Fondation des écoles d’art américaines », reconnue d’utilité publique. Deux ans plus tard, au mois d’août, une spectaculaire soirée costumée, digne de Hollywood selon l’échotier du Journal, est donnée à l’occasion de l’inauguration du buste commémoratif de Lloyd Warren, qui ne fut jamais oublié. Tous les participants, y compris la bonne société de Fontainebleau, font revivre le faste du temps de Louis XV. Des carpes portant un anneau d’or dans le nez, peut-on lire dans Comœdia, auraient été immergées dans l’étang du château… Certains invités prestigieux sont venus spécialement des États-Unis, en particulier Whitney Warren, architecte et directeur d’une importante firme américaine, qui s’engage à soutenir l’œuvre initiée par son frère. Jamais on n’avait tant parlé des écoles d’art de Fontainebleau dans la presse, aussi bien française qu’américaine. Une formation pédagogique de qualité sous l’égide de Jacques Carlu Après avoir seulement été réservée à la formation de musiciens, l’action philanthropique s’est donc ouverte aux jeunes artistes peintres, sculpteurs et architectes. Les offres de formation sont larges, des cours collectifs aux préparations de concours, sans oublier une université d’été particulièrement fréquentée. L’école poursuit donc l’action de Lloyd Warren en faveur de la coopération artistique franco-américaine. En 1904, il avait été à l’instigation du Paris Prize (voir p. 44), récompense permettant à un élève américain de bénéficier d’un séjour de deux ans et demi en France, où le gouvernement lui réservait l’accès immédiat à l’École des beaux-arts. L’École des beaux-arts de Fontainebleau accueille quant à elle chaque année


environ soixante-dix étudiants américains de toutes les origines, en particulier des femmes et des AfroAméricains, une communauté relativement présente à Paris dans les années 1920, notamment dans les salons artistiques, les écoles d’art et les académies libres de Montparnasse. L’enseignement de l’architecture, par le biais du dessin, est pris en charge par Jacques Carlu, jeune architecte français revenu de Rome en 1924 après quatre années passées à la Villa Médicis. Architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, Carlu est parfaitement anglophone et a déjà eu une expérience dans une agence américaine. Il devient directeur de l’École des beaux-arts de Fontainebleau et conserve cette fonction jusqu’en 1937 (année de l’achèvement du grand chantier du palais de Chaillot pour l’Exposition internationale des arts et techniques de la vie moderne). Carlu est un véritable américanophile. Enseignant au Massachusetts Institute of Techonology (Boston), il passe donc la majorité de son temps aux États-Unis, à l’exception de l’été, qu’il réserve à Fontainebleau. L’architecte français est proche des Américains sortis de l’École des beauxarts de Paris avant la Grande Guerre, à l’exemple de Raymond Hood, un acteur prolifique de l’Art déco outre-Atlantique. Ami de Warren et de Paul Cret, Carlu est considéré comme l’introducteur du style « Paquebot » aux États-Unis, où il a mené d’importants chantiers architecturaux à la fois publics et privés. Revenu en France en 1934, dans le sillage de la crise économique d’une ampleur inédite qui touche ce pays, Carlu repartira aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale pour échapper au nazisme.

Enseignants et étudiants de l’American School of Fine Arts de Fontainebleau, vers 1922. Fonds Carlu. Siaf/Cité de l’architecture & du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle

76

Le ciment fédérateur de la grande guerre

T he Fontainebleau School of Fine Arts

77


LA SCULPTURE FRANÇAISE ART DÉCO AUX ÉTATS-UNIS GRATTE-CIEL, PISCINES ET CHAMPS ÉLYSÉES Laure de Margerie

C

omme jadis le Paris du second Empire, les grandes villes américaines connaissent un essor de constructions extraordinaire dans les années 19101930. N’ayant pas encore le souci de préserver les témoignages bâtis d’un passé relativement récent, elles détruisent et reconstruisent à un rythme soutenu. Le gratte-ciel, véritable emblème de la nouvelle architecture Art déco, fait la part belle à l’ornement sculpté et à l’intégration de la sculpture. Peu de sculpteurs décorateurs locaux sont prêts à adopter un style en harmonie avec le nouveau style « moderne ». Moins enclins que leurs alter ego européens à rompre avec des traditions qui ne leur pèsent pas encore, ils perpétuent les styles néogothique et néo-Renaissance de l’architecture de l’époque. D’autre part, l’attribution des commandes publiques est généralement contrôlée par la puissante, et très conservatrice, National Sculpture Society, dissuadant ainsi les sculpteurs américains de toute velléité d’exploration d’un style renouvelé. Or, depuis la fin du xviiie siècle, des sculpteurs français viennent exercer leur art aux États-Unis, espérant que cette nouvelle terre sera favorable à l’épanouissement de leur carrière. Les premières décennies du xxe siècle voient le nombre de sculpteurs arrivant de France augmenter de façon significative. Ils sont parfois encore enfants, mais le plus souvent ils ont déjà reçu une formation artistique française, atout de premier ordre aux yeux de leur future clientèle, architectes et commanditaires publics ou privés. Ils conservent des liens avec la France et sont donc des vecteurs clés pour l’introduction aux États-Unis de la nouvelle esthétique Art déco.

Chicago Board of Trade Building, Chicago, Holabird & Root architectes, 1930. Au sommet, Cérès, de John Storrs, aluminium, 1930.

122

Accompagner l’ architecture

C’est pourquoi des travaux d’importance sont confiés à des sculpteurs français installés depuis le début du siècle, comme Robert Laurent (Concarneau, 1890-Cape Neddick, Maine, 1970), arrivé en 1902, Léon Hermant (France, 1866-Chicago, 1936), arrivé en 1904 pour travailler sur le pavillon français de la Louisiana Purchase Exposition à Saint Louis, Gaston Lachaise (Paris, 1882-New York, 1935), arrivé en 1906, ou ayant émigré plus récemment, comme Raoul Josset (Fours, 1899-Dallas, 1957) et José Martin (Miéry, 1891-Dallas, 1985), arrivés en 1927 et 1928 pour travailler à la Northwestern Terra Cotta Company à Chicago, ou Pierre Bourdelle (Paris, 1901-Genève, 1966), arrivé en 1929 après la mort de son père, Antoine Bourdelle. On les retrouve sur tous types de chantiers, façades de gratte-ciel, portes de bâtiments publics ou d’ascenseurs, ponts. Cependant, lors des fortes périodes de chômage, les sculpteurs français sont parfois écartés, les syndicats refusant que des étrangers soient recrutés. S’éloignant du modèle passé du fronton avec figures assises ou allongées, comme celui qu’a sculpté Jules Coutan (1848-1939) pour Grand Central Station à New York en 1914, la sculpture prend place à plusieurs endroits stratégiques du gratte-ciel : figures en trois dimensions scandant la façade, panneaux projetés en avant de la façade sur lesquels un relief est alors sculpté, ou au contraire reliefs en retrait ne dépassant pas des surfaces qui l’entourent. Ainsi, Léon Hermant sculpte en 1929 trois frises, dont l’une de 53 mètres de long, pour le haut de la façade du Medinah Athletic Club à Chicago (aujourd’hui hôtel InterContinental), construit à la demande des Shriners, une branche des francs-maçons aux rites


inspirés par le Proche-Orient. Sans fonction de support, les frises deviennent purement ornementales, rapprochant la façade d’une feuille sur une planche à dessiner. Elles illustrent les étapes importantes de la construction d’un bâtiment (le Temple ?), Contribution, Sagesse et Consécration. Selon un article de l’époque, « les figures sont costumées dans la période du bâtiment, qui est celle d’une vieille forteresse dans la Mésopotamie du temps de Xerxès, c’est-à-dire au ve siècle av. J.-C.1 ». Ce recours à un style archaïque est une composante fréquente de la sculpture Art déco. Le style néoperse est ici mâtiné de références égyptiennes, visibles dans les costumes des joueuses de harpe ou les hiéroglyphes au-dessus des personnages.

124

Ce même style archaïsant sera repris dans un exemple d’Art déco tardif (1948) par Raoul Josset lorsqu’il sculpte la Construction du temple de Salomon, frise monumentale entourant la porte d’entrée de la loge maçonnique de Waco, au Texas. Renouant avec la tradition Renaissance des portes monumentales historiées, de nombreux bâtiments publics choisissent cet emplacement, plus facilement lisible pour le passant que le haut de la construction, afin d’illustrer un programme iconographique en rapport avec l’occupation du lieu. Installé dans le palais des Beaux-Arts de l’Exposition universelle de 1893, le musée de la Science et de l’Industrie à Chicago en est un bel exemple. En 1933, le sculpteur Léonard Crunelle (Lens, 1872-Chicago,

Accompagner l’ architecture

1944) y représente, en quatorze reliefs de bronze, Les Mathématiques de Pythagore, Les Mathématiques de la probabilité, Les Mesures de l’espace, Les Mesures du temps, La Chimie, La Médecine/L’Hygiène, La Physique (de l’énergie), L’Énergie, L’Agriculture, L’Industrie textile, La Sylviculture, L’Architecture, L’Ingénierie civile, Les Transports – terrestre, maritime, aérien –, La Géologie, Les Mines, La Métallurgie, La Communication, Les Arts graphiques. Glorification des sciences mais aussi de l’industrie, dont le pays, en pleine dépression, espérait qu’il tirerait son salut. Dans les mêmes années, puisque le bâtiment est construit entre 1932 et 1935, Paul Cret, architecte français installé à Philadelphie, naturalisé américain en 1927, et l’un des grands artisans des échanges

Medinah Athletic Club, Chicago, Walter W. Ahlschlager architecte, 1929. Frises maçonniques Contribution, Sagesse et Consécration de Léon Hermant, 1929.

l A sculpture française Art déco aux États -U nis

125


environ soixante-dix étudiants américains de toutes les origines, en particulier des femmes et des AfroAméricains, une communauté relativement présente à Paris dans les années 1920, notamment dans les salons artistiques, les écoles d’art et les académies libres de Montparnasse. L’enseignement de l’architecture, par le biais du dessin, est pris en charge par Jacques Carlu, jeune architecte français revenu de Rome en 1924 après quatre années passées à la Villa Médicis. Architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, Carlu est parfaitement anglophone et a déjà eu une expérience dans une agence américaine. Il devient directeur de l’École des beaux-arts de Fontainebleau et conserve cette fonction jusqu’en 1937 (année de l’achèvement du grand chantier du palais de Chaillot pour l’Exposition internationale des arts et techniques de la vie moderne). Carlu est un véritable américanophile. Enseignant au Massachusetts Institute of Techonology (Boston), il passe donc la majorité de son temps aux États-Unis, à l’exception de l’été, qu’il réserve à Fontainebleau. L’architecte français est proche des Américains sortis de l’École des beauxarts de Paris avant la Grande Guerre, à l’exemple de Raymond Hood, un acteur prolifique de l’Art déco outre-Atlantique. Ami de Warren et de Paul Cret, Carlu est considéré comme l’introducteur du style « Paquebot » aux États-Unis, où il a mené d’importants chantiers architecturaux à la fois publics et privés. Revenu en France en 1934, dans le sillage de la crise économique d’une ampleur inédite qui touche ce pays, Carlu repartira aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale pour échapper au nazisme.

Enseignants et étudiants de l’American School of Fine Arts de Fontainebleau, vers 1922. Fonds Carlu. Siaf/Cité de l’architecture & du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle

76

Le ciment fédérateur de la grande guerre

T he Fontainebleau School of Fine Arts

77


L’ARCHITECTURE DE MIAMI BEACH Silvia Barisione

L

e quartier Art déco de Miami Beach comprend un ensemble architectural singulier d’immeubles érigés entre les années 1930 et les années 1950 et qui, peu à peu, a fini par constituer une villégiature de front de mer d’une grande élégance, destination de choix pour une classe moyenne en pleine expansion. Le Mediterranean Revival qui avait caractérisé dans les années 1920 les hôtels de luxe et les somptueuses villas appartenant aux riches hivernants de Miami laisse place, après la Grande Dépression, à un style que l’on peut qualifier d’« Art déco démocratique ». Les architectes, disposant désormais de matériaux innovants et moins coûteux, simplifient leur vocabulaire et produisent un classicisme nouveau, adapté à l’époque moderne ; d’où le développement d’un langage plus abstrait, stylisé, à la fin des années 1930. Durant la décennie précédente, les architectes et les entrepreneurs avaient, inspirés par le climat de la Floride et son légendaire héritage colonial, adopté un style qui combinait la Renaissance et le baroque italiens, espagnols et mexicains avec une pincée de California Mission (soit la réinterprétation du style des missions californiennes de la fin du xviii e siècle), créant ainsi, dans cette terre de marécages et d’îles tropicales, un décor séduisant et pittoresque. Le Spanish Colonial Revival avait été l’un des clous de l’exposition « Panama-California » de 1915, à San Diego. En Floride, il est souvent baptisé « Mediterranean Revival », ses influences variées prenant toutes leurs sources dans les architectures locales du Bassin méditerranéen. Le Mediterranean Revival fut adopté par le visionnaire entrepreneur George Merrick lorsqu’il lança en 1921 la construction de Coral Gables, cité-jardin nouvelle des environs de Miami. Et c’est dans ce

L’hôtel New Yorker, Henry Hohauser architecte, 1939. Carte postale, 1941. Collection Larry Wiggins, Miami

268

L’ effet boomerang ou le passage de témoin

style que furent érigés les villas et les hôtels de Miami et de la ville nouvelle de Miami Beach dans les années 1920. Le cabinet new-yorkais Schultze & Weaver – déjà connu pour les Biltmore Hotels de Los Angeles, d’Atlanta et de La Havane – fut actif en Floride dès 1923. L’agence adopta une variante monumentale du Mediterranean Revival pour le Biltmore Hotel de Coral Gables et le Roney Plaza Hotel de Miami Beach ; le modèle de ces deux créations était la Giralda, le clocher mauresque de la cathédrale de Séville. Très attaché au style « Beaux-Arts », Leonard Schultze avait étudié à New York dans l’atelier d’E. L. Masqueray. Lorsque Lloyd Morgan, quant à lui élève du Pratt Institute et de l’École des beaux-arts de Paris, rejoignit Schultze & Weaver, en 1928, il réinterpréta en le tirant vers les formes abstraites le lexique « Beaux-Arts » du cabinet. En résulta notamment la splendeur Art déco du Waldorf-Astoria de Park Avenue, à New York. Après l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes (Paris, 1925), le style Art déco, désormais à la mode, commença à faire son apparition par le biais des motifs géométriques qui ornaient les tours à gradins des gratte-ciel américains. Ces retraits étaient requis par les spécifications de zone en vigueur à New York dans les années 1920. Il fallait que les rues et les étages inférieurs pussent jouir de la lumière directe du soleil. Les architectes s’emparèrent de cette forme imposée en allant puiser leur inspiration à des sources anciennes : temples et monuments assyrobabyloniens, mayas ou aztèques. Ces effets spécifiques – tours à gradins, ziggourats – devinrent l’un des leitmotivs de l’architecture Art déco américaine. On pouvait déjà en trouver la marque à Miami avec le toit de béton du Temple maçonnique de rite écossais, qui, avec ses ornements néoégyptiens et sa colonnade dorique simplifiée, annonçait l’avènement de l’Art déco

L’architecture de Miami B each

269


LA SCULPTURE FRANÇAISE ART DÉCO AUX ÉTATS-UNIS GRATTE-CIEL, PISCINES ET CHAMPS ÉLYSÉES Laure de Margerie

C

omme jadis le Paris du second Empire, les grandes villes américaines connaissent un essor de constructions extraordinaire dans les années 19101930. N’ayant pas encore le souci de préserver les témoignages bâtis d’un passé relativement récent, elles détruisent et reconstruisent à un rythme soutenu. Le gratte-ciel, véritable emblème de la nouvelle architecture Art déco, fait la part belle à l’ornement sculpté et à l’intégration de la sculpture. Peu de sculpteurs décorateurs locaux sont prêts à adopter un style en harmonie avec le nouveau style « moderne ». Moins enclins que leurs alter ego européens à rompre avec des traditions qui ne leur pèsent pas encore, ils perpétuent les styles néogothique et néo-Renaissance de l’architecture de l’époque. D’autre part, l’attribution des commandes publiques est généralement contrôlée par la puissante, et très conservatrice, National Sculpture Society, dissuadant ainsi les sculpteurs américains de toute velléité d’exploration d’un style renouvelé. Or, depuis la fin du xviiie siècle, des sculpteurs français viennent exercer leur art aux États-Unis, espérant que cette nouvelle terre sera favorable à l’épanouissement de leur carrière. Les premières décennies du xxe siècle voient le nombre de sculpteurs arrivant de France augmenter de façon significative. Ils sont parfois encore enfants, mais le plus souvent ils ont déjà reçu une formation artistique française, atout de premier ordre aux yeux de leur future clientèle, architectes et commanditaires publics ou privés. Ils conservent des liens avec la France et sont donc des vecteurs clés pour l’introduction aux États-Unis de la nouvelle esthétique Art déco.

Chicago Board of Trade Building, Chicago, Holabird & Root architectes, 1930. Au sommet, Cérès, de John Storrs, aluminium, 1930.

122

Accompagner l’ architecture

C’est pourquoi des travaux d’importance sont confiés à des sculpteurs français installés depuis le début du siècle, comme Robert Laurent (Concarneau, 1890-Cape Neddick, Maine, 1970), arrivé en 1902, Léon Hermant (France, 1866-Chicago, 1936), arrivé en 1904 pour travailler sur le pavillon français de la Louisiana Purchase Exposition à Saint Louis, Gaston Lachaise (Paris, 1882-New York, 1935), arrivé en 1906, ou ayant émigré plus récemment, comme Raoul Josset (Fours, 1899-Dallas, 1957) et José Martin (Miéry, 1891-Dallas, 1985), arrivés en 1927 et 1928 pour travailler à la Northwestern Terra Cotta Company à Chicago, ou Pierre Bourdelle (Paris, 1901-Genève, 1966), arrivé en 1929 après la mort de son père, Antoine Bourdelle. On les retrouve sur tous types de chantiers, façades de gratte-ciel, portes de bâtiments publics ou d’ascenseurs, ponts. Cependant, lors des fortes périodes de chômage, les sculpteurs français sont parfois écartés, les syndicats refusant que des étrangers soient recrutés. S’éloignant du modèle passé du fronton avec figures assises ou allongées, comme celui qu’a sculpté Jules Coutan (1848-1939) pour Grand Central Station à New York en 1914, la sculpture prend place à plusieurs endroits stratégiques du gratte-ciel : figures en trois dimensions scandant la façade, panneaux projetés en avant de la façade sur lesquels un relief est alors sculpté, ou au contraire reliefs en retrait ne dépassant pas des surfaces qui l’entourent. Ainsi, Léon Hermant sculpte en 1929 trois frises, dont l’une de 53 mètres de long, pour le haut de la façade du Medinah Athletic Club à Chicago (aujourd’hui hôtel InterContinental), construit à la demande des Shriners, une branche des francs-maçons aux rites


lui fit réinterpréter et simplifier le Mediterranean Revival : ses réalisations utilisaient loggias, vérandas et terrasses de manière efficace et pragmatique. Le propos n’était plus strictement ornemental. Avec Henry Hohauser, venu de New York en 1932, Dixon devint l’architecte le plus prolifique de Miami Beach dans les années qui suivirent la Grande Dépression.

La Florida Tropical House présentée à l’Exposition universelle de Chicago, 1933, Robert Law Weed et Paist & Steward architectes. Dessin aquarellé de Sheldon Tucker. Miami, The Wolfsonian-Florida International University Page de gauche L’hôtel Shorecrest, Kiehnel & Elliott architectes. Dessin de Charles S. Symonds publié dans Florida Architecture and Applied Arts, 1941. Miami, The Wolfsonian-Florida International University

en Floride du Sud. Construit entre 1922 et 1924, le temple était l’œuvre d’un cabinet de Pittsburgh, Kiehnel & Elliott. Kiehnel, natif d’Allemagne, avait étudié à l’université de Breslau (aujourd’hui Wroclaw) et à l’École des beaux-arts de Paris ; il s’installa à Miami en 1917. Après avoir conçu plusieurs constructions dans le style Mediterranean Revival à Coral Gables et à Miami Beach, il adopta le vocabulaire Art déco pour le Barclay Plaza Hotel (1935), le Shorecrest Hotel (1940) et le Carlyle Hotel (1941). Le parapet supérieur en forme de ziggourat qui orne les deux premières de ces réalisations se retrouvera dans de nombreux hôtels Art déco de Miami1, tels que le Marlin et l’Imperial (1939, architecte Lawrence Murray Dixon), mais aussi le Greystone (1939) et le Neron (1940, depuis démoli) de Henry Hohauser.

270

Après avoir subi deux catastrophes – l’ouragan dévastateur de 1926 et le krach boursier de 1929 –, Miami Beach put enfin jouir dans les années 1930 d’une extraordinaire période de développement architectural, répondant à la demande croissante d’un tourisme destiné à la classe moyenne. Les immeubles d’habitation remplacèrent bientôt les luxueuses demeures chères à Palm Beach, où l’Art déco était déjà apparu en 1928 dans le « Jardin latin » du marchand d’art new-yorkais Ohan Berberyan, conçu par l’architecte parisien Joseph Marrast et inspiré de son projet présenté à l’exposition de 1925. Les architectes rajustèrent la splendeur et le luxe des hôtels métropolitains à la dimension d’un « Art déco populaire » mieux adapté à une station balnéaire tropicale. Les concepteurs exubérants d’avant la

L’ effet boomerang ou le passage de témoin

L’un comme l’autre continuèrent d’intégrer des éléments du Mediterranean Revival dans leurs créations – toits à tuiles, grilles en fer forgé… –, notamment dans leurs premiers immeubles d’habitation, l’Ester (Dixon, 1933) et le Grandora (Hohauser, 1935), tous deux construits à Española Way, petit « village espagnol » destiné lors de sa conception en 1925 à héberger une communauté d’artistes3. La coexistence continue d’un Mediterranean Revival en mode mineur et de l’Art déco fut abondamment célébrée lors de l’Exposition universelle de 1933 à Chicago (la « Century of Progress International Exposition ») – tout du moins dans les contributions de la Floride. C’est au cabinet Paist & Steward, déjà impliqué dans la conception de Coral Gables, que l’on doit le pavillon de Floride, un patio dans le style du Spanish Colonial Revival situé dans la cour des États4. La Florida Tropical House, exposée

dans la section Architecture et Arts industriels, était quant à elle une villa moderniste conçue par Robert Law Weed5, en collaboration avec Paist & Steward. Les vastes auvents de ciment en porteà-faux, les toits-terrasses et les grandes fenêtres panoramiques étaient adaptés au climat tropical, de même que les méthodes de construction (nécessité d’utiliser un ciment résistant aux ouragans) et le recours à des matériaux locaux tels que le travertin et le calcaire6. Ne perdant jamais de vue les implications fonctionnelles et esthétiques du climat et du paysage, la Florida Tropical House égrène les éléments du modernisme spécifique à la Floride – et notamment la salle à manger avec le plafond en double hauteur, les grandes fenêtres, le toit-terrasse, la véranda et les auvents de ciment en porte-à-faux adoptés par Igor Polevitzky et son associé Thomas T. Russell

crise économique joignirent leurs forces à celles des jeunes modernistes2 pour répondre à un boom de la construction que facilitait l’apparition de matériaux nouveaux et plus abordables : le béton, le verre architectural Vitrolite, la brique de verre, le chrome, l’acier, l’aluminium. Les temps de construction sont réduits, les solutions architecturales de pointe favorisées. Le mariage du ciment et du calcaire engendra une architecture tropicale moderne égayée par l’ajout de motifs locaux stylisés – palmiers, flamants roses, fontaines, vagues et poissons. L. Murray Dixon, qui avait déjà collaboré avec Schultze & Weaver pour la construction du Roney Plaza et de l’immeuble Ingrahm, s’installa à Miami Beach en 1933. Encore marqué par l’influence des BeauxArts, il adopta alors un style classique moderne qui

L’architecture de Miami B each

271


L’ARCHITECTURE DE MIAMI BEACH Silvia Barisione

L

e quartier Art déco de Miami Beach comprend un ensemble architectural singulier d’immeubles érigés entre les années 1930 et les années 1950 et qui, peu à peu, a fini par constituer une villégiature de front de mer d’une grande élégance, destination de choix pour une classe moyenne en pleine expansion. Le Mediterranean Revival qui avait caractérisé dans les années 1920 les hôtels de luxe et les somptueuses villas appartenant aux riches hivernants de Miami laisse place, après la Grande Dépression, à un style que l’on peut qualifier d’« Art déco démocratique ». Les architectes, disposant désormais de matériaux innovants et moins coûteux, simplifient leur vocabulaire et produisent un classicisme nouveau, adapté à l’époque moderne ; d’où le développement d’un langage plus abstrait, stylisé, à la fin des années 1930. Durant la décennie précédente, les architectes et les entrepreneurs avaient, inspirés par le climat de la Floride et son légendaire héritage colonial, adopté un style qui combinait la Renaissance et le baroque italiens, espagnols et mexicains avec une pincée de California Mission (soit la réinterprétation du style des missions californiennes de la fin du xviii e siècle), créant ainsi, dans cette terre de marécages et d’îles tropicales, un décor séduisant et pittoresque. Le Spanish Colonial Revival avait été l’un des clous de l’exposition « Panama-California » de 1915, à San Diego. En Floride, il est souvent baptisé « Mediterranean Revival », ses influences variées prenant toutes leurs sources dans les architectures locales du Bassin méditerranéen. Le Mediterranean Revival fut adopté par le visionnaire entrepreneur George Merrick lorsqu’il lança en 1921 la construction de Coral Gables, cité-jardin nouvelle des environs de Miami. Et c’est dans ce

L’hôtel New Yorker, Henry Hohauser architecte, 1939. Carte postale, 1941. Collection Larry Wiggins, Miami

268

L’ effet boomerang ou le passage de témoin

style que furent érigés les villas et les hôtels de Miami et de la ville nouvelle de Miami Beach dans les années 1920. Le cabinet new-yorkais Schultze & Weaver – déjà connu pour les Biltmore Hotels de Los Angeles, d’Atlanta et de La Havane – fut actif en Floride dès 1923. L’agence adopta une variante monumentale du Mediterranean Revival pour le Biltmore Hotel de Coral Gables et le Roney Plaza Hotel de Miami Beach ; le modèle de ces deux créations était la Giralda, le clocher mauresque de la cathédrale de Séville. Très attaché au style « Beaux-Arts », Leonard Schultze avait étudié à New York dans l’atelier d’E. L. Masqueray. Lorsque Lloyd Morgan, quant à lui élève du Pratt Institute et de l’École des beaux-arts de Paris, rejoignit Schultze & Weaver, en 1928, il réinterpréta en le tirant vers les formes abstraites le lexique « Beaux-Arts » du cabinet. En résulta notamment la splendeur Art déco du Waldorf-Astoria de Park Avenue, à New York. Après l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes (Paris, 1925), le style Art déco, désormais à la mode, commença à faire son apparition par le biais des motifs géométriques qui ornaient les tours à gradins des gratte-ciel américains. Ces retraits étaient requis par les spécifications de zone en vigueur à New York dans les années 1920. Il fallait que les rues et les étages inférieurs pussent jouir de la lumière directe du soleil. Les architectes s’emparèrent de cette forme imposée en allant puiser leur inspiration à des sources anciennes : temples et monuments assyrobabyloniens, mayas ou aztèques. Ces effets spécifiques – tours à gradins, ziggourats – devinrent l’un des leitmotivs de l’architecture Art déco américaine. On pouvait déjà en trouver la marque à Miami avec le toit de béton du Temple maçonnique de rite écossais, qui, avec ses ornements néoégyptiens et sa colonnade dorique simplifiée, annonçait l’avènement de l’Art déco

L’architecture de Miami B each

269


inspirés par le Proche-Orient. Sans fonction de support, les frises deviennent purement ornementales, rapprochant la façade d’une feuille sur une planche à dessiner. Elles illustrent les étapes importantes de la construction d’un bâtiment (le Temple ?), Contribution, Sagesse et Consécration. Selon un article de l’époque, « les figures sont costumées dans la période du bâtiment, qui est celle d’une vieille forteresse dans la Mésopotamie du temps de Xerxès, c’est-à-dire au ve siècle av. J.-C.1 ». Ce recours à un style archaïque est une composante fréquente de la sculpture Art déco. Le style néoperse est ici mâtiné de références égyptiennes, visibles dans les costumes des joueuses de harpe ou les hiéroglyphes au-dessus des personnages.

124

Ce même style archaïsant sera repris dans un exemple d’Art déco tardif (1948) par Raoul Josset lorsqu’il sculpte la Construction du temple de Salomon, frise monumentale entourant la porte d’entrée de la loge maçonnique de Waco, au Texas. Renouant avec la tradition Renaissance des portes monumentales historiées, de nombreux bâtiments publics choisissent cet emplacement, plus facilement lisible pour le passant que le haut de la construction, afin d’illustrer un programme iconographique en rapport avec l’occupation du lieu. Installé dans le palais des Beaux-Arts de l’Exposition universelle de 1893, le musée de la Science et de l’Industrie à Chicago en est un bel exemple. En 1933, le sculpteur Léonard Crunelle (Lens, 1872-Chicago,

Accompagner l’ architecture

1944) y représente, en quatorze reliefs de bronze, Les Mathématiques de Pythagore, Les Mathématiques de la probabilité, Les Mesures de l’espace, Les Mesures du temps, La Chimie, La Médecine/L’Hygiène, La Physique (de l’énergie), L’Énergie, L’Agriculture, L’Industrie textile, La Sylviculture, L’Architecture, L’Ingénierie civile, Les Transports – terrestre, maritime, aérien –, La Géologie, Les Mines, La Métallurgie, La Communication, Les Arts graphiques. Glorification des sciences mais aussi de l’industrie, dont le pays, en pleine dépression, espérait qu’il tirerait son salut. Dans les mêmes années, puisque le bâtiment est construit entre 1932 et 1935, Paul Cret, architecte français installé à Philadelphie, naturalisé américain en 1927, et l’un des grands artisans des échanges

Medinah Athletic Club, Chicago, Walter W. Ahlschlager architecte, 1929. Frises maçonniques Contribution, Sagesse et Consécration de Léon Hermant, 1929.

l A sculpture française Art déco aux États -U nis

125


lui fit réinterpréter et simplifier le Mediterranean Revival : ses réalisations utilisaient loggias, vérandas et terrasses de manière efficace et pragmatique. Le propos n’était plus strictement ornemental. Avec Henry Hohauser, venu de New York en 1932, Dixon devint l’architecte le plus prolifique de Miami Beach dans les années qui suivirent la Grande Dépression.

La Florida Tropical House présentée à l’Exposition universelle de Chicago, 1933, Robert Law Weed et Paist & Steward architectes. Dessin aquarellé de Sheldon Tucker. Miami, The Wolfsonian-Florida International University Page de gauche L’hôtel Shorecrest, Kiehnel & Elliott architectes. Dessin de Charles S. Symonds publié dans Florida Architecture and Applied Arts, 1941. Miami, The Wolfsonian-Florida International University

en Floride du Sud. Construit entre 1922 et 1924, le temple était l’œuvre d’un cabinet de Pittsburgh, Kiehnel & Elliott. Kiehnel, natif d’Allemagne, avait étudié à l’université de Breslau (aujourd’hui Wroclaw) et à l’École des beaux-arts de Paris ; il s’installa à Miami en 1917. Après avoir conçu plusieurs constructions dans le style Mediterranean Revival à Coral Gables et à Miami Beach, il adopta le vocabulaire Art déco pour le Barclay Plaza Hotel (1935), le Shorecrest Hotel (1940) et le Carlyle Hotel (1941). Le parapet supérieur en forme de ziggourat qui orne les deux premières de ces réalisations se retrouvera dans de nombreux hôtels Art déco de Miami1, tels que le Marlin et l’Imperial (1939, architecte Lawrence Murray Dixon), mais aussi le Greystone (1939) et le Neron (1940, depuis démoli) de Henry Hohauser.

270

Après avoir subi deux catastrophes – l’ouragan dévastateur de 1926 et le krach boursier de 1929 –, Miami Beach put enfin jouir dans les années 1930 d’une extraordinaire période de développement architectural, répondant à la demande croissante d’un tourisme destiné à la classe moyenne. Les immeubles d’habitation remplacèrent bientôt les luxueuses demeures chères à Palm Beach, où l’Art déco était déjà apparu en 1928 dans le « Jardin latin » du marchand d’art new-yorkais Ohan Berberyan, conçu par l’architecte parisien Joseph Marrast et inspiré de son projet présenté à l’exposition de 1925. Les architectes rajustèrent la splendeur et le luxe des hôtels métropolitains à la dimension d’un « Art déco populaire » mieux adapté à une station balnéaire tropicale. Les concepteurs exubérants d’avant la

L’ effet boomerang ou le passage de témoin

L’un comme l’autre continuèrent d’intégrer des éléments du Mediterranean Revival dans leurs créations – toits à tuiles, grilles en fer forgé… –, notamment dans leurs premiers immeubles d’habitation, l’Ester (Dixon, 1933) et le Grandora (Hohauser, 1935), tous deux construits à Española Way, petit « village espagnol » destiné lors de sa conception en 1925 à héberger une communauté d’artistes3. La coexistence continue d’un Mediterranean Revival en mode mineur et de l’Art déco fut abondamment célébrée lors de l’Exposition universelle de 1933 à Chicago (la « Century of Progress International Exposition ») – tout du moins dans les contributions de la Floride. C’est au cabinet Paist & Steward, déjà impliqué dans la conception de Coral Gables, que l’on doit le pavillon de Floride, un patio dans le style du Spanish Colonial Revival situé dans la cour des États4. La Florida Tropical House, exposée

dans la section Architecture et Arts industriels, était quant à elle une villa moderniste conçue par Robert Law Weed5, en collaboration avec Paist & Steward. Les vastes auvents de ciment en porteà-faux, les toits-terrasses et les grandes fenêtres panoramiques étaient adaptés au climat tropical, de même que les méthodes de construction (nécessité d’utiliser un ciment résistant aux ouragans) et le recours à des matériaux locaux tels que le travertin et le calcaire6. Ne perdant jamais de vue les implications fonctionnelles et esthétiques du climat et du paysage, la Florida Tropical House égrène les éléments du modernisme spécifique à la Floride – et notamment la salle à manger avec le plafond en double hauteur, les grandes fenêtres, le toit-terrasse, la véranda et les auvents de ciment en porte-à-faux adoptés par Igor Polevitzky et son associé Thomas T. Russell

crise économique joignirent leurs forces à celles des jeunes modernistes2 pour répondre à un boom de la construction que facilitait l’apparition de matériaux nouveaux et plus abordables : le béton, le verre architectural Vitrolite, la brique de verre, le chrome, l’acier, l’aluminium. Les temps de construction sont réduits, les solutions architecturales de pointe favorisées. Le mariage du ciment et du calcaire engendra une architecture tropicale moderne égayée par l’ajout de motifs locaux stylisés – palmiers, flamants roses, fontaines, vagues et poissons. L. Murray Dixon, qui avait déjà collaboré avec Schultze & Weaver pour la construction du Roney Plaza et de l’immeuble Ingrahm, s’installa à Miami Beach en 1933. Encore marqué par l’influence des BeauxArts, il adopta alors un style classique moderne qui

L’architecture de Miami B each

271


Achevé d’imprimer en janvier 2021 sur les presses de Graphius, Gand Photogravure : Graphium, Saint-Ouen


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.