Beatrice Helg

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SOMMAIRE TABLE OF CONTENTS

6

THIS IS FOR BEATRICE A WOMAN WHO ROBERT WILSON

11

BÉATRICE HELG – ESPACE, LUMIÈRE, MATIÈRE BÉATRICE HELG – SPACE, LIGHT, MATTER PHILIPPE PIGUET

21

RÉSONANCE

45

COSMOS

69

ÉVEIL | CRÉPUSCULE

95

ESPRIT FROISSÉ

110

MATIÈRES DE LUMIÈRE MATTERS OF LIGHT SERGE LINARÈS

123

ARCHITECTURES ÉPHÉMÈRES

147

RÊVANT SUR UNE PHOTOGRAPHIE MUSING ON A PHOTOGRAPH SYLVIANE DUPUIS

151

À PROPOS DE ROBERT WILSON ABOUT ROBERT WILSON

152

LISTE DES ŒUVRES LIST OF WORKS

157

BIOGRAPHIE ABOUT THE ARTIST

158

EXPOSITIONS PERSONNELLES SOLO EXHIBITIONS

160

EXPOSITIONS COLLECTIVES GROUP EXHIBITIONS (SELECTION)

162

COLLECTIONS PUBLIQUES PUBLIC COLLECTIONS BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHY (SELECTION)

165

REMERCIEMENTS ACKNOWLEDGMENTS ÉDITION DE TÊTE DELUXE EDITION


SOMMAIRE TABLE OF CONTENTS

6

THIS IS FOR BEATRICE A WOMAN WHO ROBERT WILSON

11

BÉATRICE HELG – ESPACE, LUMIÈRE, MATIÈRE BÉATRICE HELG – SPACE, LIGHT, MATTER PHILIPPE PIGUET

21

RÉSONANCE

45

COSMOS

69

ÉVEIL | CRÉPUSCULE

95

ESPRIT FROISSÉ

110

MATIÈRES DE LUMIÈRE MATTERS OF LIGHT SERGE LINARÈS

123

ARCHITECTURES ÉPHÉMÈRES

147

RÊVANT SUR UNE PHOTOGRAPHIE MUSING ON A PHOTOGRAPH SYLVIANE DUPUIS

151

À PROPOS DE ROBERT WILSON ABOUT ROBERT WILSON

152

LISTE DES ŒUVRES LIST OF WORKS

157

BIOGRAPHIE ABOUT THE ARTIST

158

EXPOSITIONS PERSONNELLES SOLO EXHIBITIONS

160

EXPOSITIONS COLLECTIVES GROUP EXHIBITIONS (SELECTION)

162

COLLECTIONS PUBLIQUES PUBLIC COLLECTIONS BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHY (SELECTION)

165

REMERCIEMENTS ACKNOWLEDGMENTS ÉDITION DE TÊTE DELUXE EDITION


BÉATRICE HELG – ESPACE, LUMIÈRE, MATIÈRE BÉATRICE HELG – SPACE, LIGHT, MATTER PHILIPPE PIGUET

De la pyramide de Khéops à la Grande Muraille de Chine, de l’ab-

From the Pyramid of Cheops to the Great Wall of China, from

baye de Sainte-Foy de Conques à la cathédrale de Chartres, de

the Abbey Church of Sainte-Foy in Conques to the Cathedral of

Brasilia à Chandigarh, le monde nous donne à voir tout un inven-

Chartres, from Brasilia to Chandigarh, the world offers us all kinds

taire de sites incontournables. Aux États-Unis, sur la route de la

of essential sites to see. In the United States, on the western

côte Ouest, près de San Diego, l’architecte brutaliste Louis Kahn a

coastal highway near San Diego, the Brutalist architect Louis Khan

construit au début des années 1960 le Salk Institute for Biological

built in the early 1960s the Salk Institute for Biological Studies, a

Studies, un bâtiment sur le même schéma qu’un monastère,

building based on the same scheme as a monastery and divided

divisé en trois espaces face à l’océan. Le commanditaire Jonas

into three zones facing the ocean. Salk, who discovered the polio

Salk, inventeur du vaccin contre la poliomyélite, fit au bâtisseur

vaccine and sponsored the building, gave a single recommenda-

une seule recommandation : que son architecture affirme la place

tion to the architect: that the architecture assert the role of sci-

de la science dans la survie de l’humanité. Une façon de l’inciter à

ence in the survival of mankind. In this way, Salk encouraged Khan

concevoir une architecture qui fasse signe universel.

to conceive of an architecture that would be a universal signal.

D’une extrême radicalité, le bâtiment de Kahn présente toutes

Extremely radical in conception, Kahn’s building shows all the

les qualités plastiques d’une œuvre tout à la fois sobre et puis-

artistic qualities of an at once sober and imposing architectural

sante qui acte l’intérêt primordial du créateur pour la lumière

work that makes tangible its creator’s primary interest in natural

naturelle. Celui-ci en a empli tous les espaces, limités en hauteur,

light. Kahn uses light to fill all the empty spaces, which are limited

en la captant par une série de puits tout en longueur sur les côtés

in the higher reaches, by capturing light through a series of open

pour la faire entrer jusque dans les profondeurs des niveaux en

shafts along the sides so that it penetrates all the way to the

sous-sol. Le choix qu’il a fait par ailleurs du béton brut de coffre,

underground levels. Moreover, his use of raw concrete, as well

du verre, du teck et de l’acier confère au bâtiment une résistance

as glass, teak, and steel, enables the building to have a durability

qui semble l’assurer de traverser le temps.

that seems ensured over time.

Placer d’emblée le travail de Béatrice Helg à l’aune d’une telle

The reason for considering Béatrice Helg’s work in the context of

référence tient au fait que, de l’aveu même de l’artiste, la décou-

Kahn’s building is because, as the artist has herself avowed, the

verte qu’elle fit de ce lieu à l’époque où elle vivait aux États-Unis a

discovery of this place when she was living in the United States

été déterminante. « Quelque chose d’une plénitude incroyable  »

was decisive. “Something with an unbelievable plenitude”1 literally

l’a proprement bouleversée jusqu’à considérer l’œuvre de Louis

overwhelmed her, to the extent that she considers Kahn’s archi-

Kahn à l’ordre sinon du religieux, du moins du sacré. Il y a chez

tectural work to be, if not religious, then at least sacred in nature.

l’architecte une rigueur construite, un traitement particulier de la

The architect builds rigorously, deals in a personal way with light,

lumière et le recours à une matérialité rudimentaire qui fondent

and has recourse to a rudimentary materiality; these three qualities

également la démarche de la photographe, animés qu’ils sont res-

likewise underlie the photographer’s approach. Both artists are

pectivement par la recherche d’un langage plastique propre.

driven by the search for their own artistic language.

L’art de Béatrice Helg est requis simultanément par l’espace,

Helg’s art simultaneously deals with space, light, and matter. Her

la lumière et la matière. Son rapport à l’espace est duel selon

relationship to space is dual, depending on whether she grasps

qu’il s’agit d’en appréhender l’expérience de façon mentale ou

the experience of it mentally or concretely. Facing a sublime land-

concrète. Face à un paysage sublime – comme celui du pôle Nord

scape — such as the North Pole, which she has skied across — the

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BÉATRICE HELG – ESPACE, LUMIÈRE, MATIÈRE BÉATRICE HELG – SPACE, LIGHT, MATTER PHILIPPE PIGUET

De la pyramide de Khéops à la Grande Muraille de Chine, de l’ab-

From the Pyramid of Cheops to the Great Wall of China, from

baye de Sainte-Foy de Conques à la cathédrale de Chartres, de

the Abbey Church of Sainte-Foy in Conques to the Cathedral of

Brasilia à Chandigarh, le monde nous donne à voir tout un inven-

Chartres, from Brasilia to Chandigarh, the world offers us all kinds

taire de sites incontournables. Aux États-Unis, sur la route de la

of essential sites to see. In the United States, on the western

côte Ouest, près de San Diego, l’architecte brutaliste Louis Kahn a

coastal highway near San Diego, the Brutalist architect Louis Khan

construit au début des années 1960 le Salk Institute for Biological

built in the early 1960s the Salk Institute for Biological Studies, a

Studies, un bâtiment sur le même schéma qu’un monastère,

building based on the same scheme as a monastery and divided

divisé en trois espaces face à l’océan. Le commanditaire Jonas

into three zones facing the ocean. Salk, who discovered the polio

Salk, inventeur du vaccin contre la poliomyélite, fit au bâtisseur

vaccine and sponsored the building, gave a single recommenda-

une seule recommandation : que son architecture affirme la place

tion to the architect: that the architecture assert the role of sci-

de la science dans la survie de l’humanité. Une façon de l’inciter à

ence in the survival of mankind. In this way, Salk encouraged Khan

concevoir une architecture qui fasse signe universel.

to conceive of an architecture that would be a universal signal.

D’une extrême radicalité, le bâtiment de Kahn présente toutes

Extremely radical in conception, Kahn’s building shows all the

les qualités plastiques d’une œuvre tout à la fois sobre et puis-

artistic qualities of an at once sober and imposing architectural

sante qui acte l’intérêt primordial du créateur pour la lumière

work that makes tangible its creator’s primary interest in natural

naturelle. Celui-ci en a empli tous les espaces, limités en hauteur,

light. Kahn uses light to fill all the empty spaces, which are limited

en la captant par une série de puits tout en longueur sur les côtés

in the higher reaches, by capturing light through a series of open

pour la faire entrer jusque dans les profondeurs des niveaux en

shafts along the sides so that it penetrates all the way to the

sous-sol. Le choix qu’il a fait par ailleurs du béton brut de coffre,

underground levels. Moreover, his use of raw concrete, as well

du verre, du teck et de l’acier confère au bâtiment une résistance

as glass, teak, and steel, enables the building to have a durability

qui semble l’assurer de traverser le temps.

that seems ensured over time.

Placer d’emblée le travail de Béatrice Helg à l’aune d’une telle

The reason for considering Béatrice Helg’s work in the context of

référence tient au fait que, de l’aveu même de l’artiste, la décou-

Kahn’s building is because, as the artist has herself avowed, the

verte qu’elle fit de ce lieu à l’époque où elle vivait aux États-Unis a

discovery of this place when she was living in the United States

été déterminante. « Quelque chose d’une plénitude incroyable  »

was decisive. “Something with an unbelievable plenitude”1 literally

l’a proprement bouleversée jusqu’à considérer l’œuvre de Louis

overwhelmed her, to the extent that she considers Kahn’s archi-

Kahn à l’ordre sinon du religieux, du moins du sacré. Il y a chez

tectural work to be, if not religious, then at least sacred in nature.

l’architecte une rigueur construite, un traitement particulier de la

The architect builds rigorously, deals in a personal way with light,

lumière et le recours à une matérialité rudimentaire qui fondent

and has recourse to a rudimentary materiality; these three qualities

également la démarche de la photographe, animés qu’ils sont res-

likewise underlie the photographer’s approach. Both artists are

pectivement par la recherche d’un langage plastique propre.

driven by the search for their own artistic language.

L’art de Béatrice Helg est requis simultanément par l’espace,

Helg’s art simultaneously deals with space, light, and matter. Her

la lumière et la matière. Son rapport à l’espace est duel selon

relationship to space is dual, depending on whether she grasps

qu’il s’agit d’en appréhender l’expérience de façon mentale ou

the experience of it mentally or concretely. Facing a sublime land-

concrète. Face à un paysage sublime – comme celui du pôle Nord

scape — such as the North Pole, which she has skied across — the

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qu’elle a traversé à ski –, l’artiste considère qu’il est vain de vou-

artist considers it vain to make an image of it. “You cannot bring

loir en faire une image : « Vous ne pouvez rien y apporter. Est-il

anything else to it,” she explains. “Is it even necessary to photo-

même besoin de le photographier ? Le capter, c’est le banaliser.

graph it? Capturing it means to trivialize it. What is interesting

Ce qui est intéressant, c’est d’en faire l’expérience », déclare-t-

is to have the experience of it,” she continues, emphasizing the

elle en appuyant sur le dernier mot. « Ce qui importe, ce sont

word experience. “What matters are the sensations that one is

les sensations que l’on éprouve et qui s’inscrivent dans notre

subjected to and that are engraved in our memory, because one

mémoire car elles ressurgiront un jour d’une manière ou d’une

day they will surge forth again, in one way or another.”2 In Helg’s

autre2. » Ainsi, tout relève chez Béatrice Helg de cette néces-

photography, everything is thus determined by the necessity of

sité de faire l’expérience de l’espace.

experiencing a given space.

À l’origine, l’artiste dit avoir été passionnée par le théâtre et

As an origin of her work, the artist evokes her passion for the

l’opéra. Il n’est guère d’autres lieux où cette expérience ne

opera and the theater. Beside the stage, no other place, as far

requiert autant une attention aux questions de placement,

as this experience is concerned, requires as much attention to

d’agencement et d’occupation d’espace. Sitôt que Béatrice Helg

placement, arrangement, and the occupation of space. Once

s’est engagée dans le travail de photographie tel qu’elle le déve-

Helg had begun working on her photography, such as she has

loppe depuis plus de trente-cinq ans, elle a choisi de décliner

now developed it for more than thirty-five years, she chose to

sa démarche sur le mode de la série dans la mise en œuvre de

use the mode of series for implementing what she calls a “space-

ce qu’elle nomme un « espace-scène ». C’est une sorte de petit

stage.” Established in one room of her studio, this space-stage

théâtre éphémère, à échelle humaine, qu’elle établit dans une des

is a kind of small, ephemeral theater on a human scale, made up

pièces de son atelier, constitué d’éléments créés par ses soins à

of elements carefully fashioned from various materials salvaged

partir de certains matériaux récupérés ici et là. Tantôt rigides,

here and there. Sometimes rigid, sometimes flexible, the posi-

tantôt souples, les formes qu’elle y met en place déterminent

tioned shapes form a setting. However, the image, which she

un lieu dont l’image qu’elle déduit ne permet d’en imaginer ni

draws out from it, does not let the spectator imagine its nature,

la nature, ni les réelles dimensions. Ainsi a-t-elle réalisé au fil du

nor its true dimensions. This is how she has created, over time,

temps tout un ensemble de séries, souvent en alternance, nom-

a whole corpus of series, often alternately: Espace-lumière

mées Espace-lumière (1993-2003), Esprit froissé (1999-2001),

(1993–2003), Esprit froissé (1999–2001), Profondeurs (2007–

Profondeurs (2007-2009), Éveil – Crépuscule (2003-2009), Cosmos

2009), Éveil-Crépuscule (2003–2009), Cosmos (2013–2016), and

(2013-2016) et Résonance (2017-2019).

Résonance (2017–2019).

Conçus sur le mode de l’installation, ces espaces-scènes déter-

Conceived as installations, these space-stages establish a set-

minent un lieu, chaque fois unique et différent, qui sert de motif

ting that is unique and different each time. The artist uses these

à l’artiste. Il y va là, dans cette première étape objective, de la

settings as motifs. During this first objective step, she con-

construction d’un monde, à l’écho du ressenti d’une intériorité,

structs a world, apart from any narrative intention, to reflect

hors toute intention narrative. À l’instar de certains de ses aînés,

what she has sensed as an interiority. Following the example of

la démarche de Béatrice Helg s’inscrit dans la quête d’une forme

some of her elders, Helg’s approach can be described as a quest

d’absolu. Quelque chose d’élémentaire est à l’œuvre dans son

for a form of the absolute. Something elementary is at work in

travail qui invite le regardeur à la contemplation et au silence.

her photography, which summons the spectator to contemplate

Ses images, qui ont une rare intensité, proposent à celui-ci de

in silence. With their exceptional intensity, her images offer an

faire une expérience de l’espace l’entraînant à l’exercice d’une

experience of space that leads the spectator to a form of intro-

forme d’introspection. Face à elles, il est aussitôt absorbé – sinon

spection. Facing her photographs, one is immediately absorbed,

intrigué – par la simplicité du dispositif formel et il ne peut man-

if not intrigued, by the simplicity of the formal arrangement, and

quer de s’interroger comment ce peu d’images opère en telle

cannot help but wonder how such spare imagery functions with

densité et en telle gravité.

such density and solemnity.

« Less is more » déclarait jadis le grand architecte allemand Mies

“Less is more,” once declared the great German architect Mies

van der Rohe. Emblématique d’une posture d’exigence, cette

van der Rohe. Emblematic of a demanding artistic posture, this

expression trouve chez Béatrice Helg une formulation singu-

expression finds in Helg’s photography a singular formulation that

lière qui en enrichit le propos. « Simplicité de forme ne signifie

enriches the statement. “Simplicity of shape does not necessarily

pas nécessairement simplicité de l’expérience3 » note quant à lui

equate with simplicity of experience,”3 as Robert Morris observes.

Robert Morris. Et l’artiste de préciser par ailleurs que « se désenga-

Moreover, Morris specifies that “disengagement with precon-

ger par rapport à des formes et à des ordres de choses durables et

ceived enduring forms and order for things is a positive assertion.

préconçues est un acte positif. Cela fait partie du refus de conti-

It is part of the work’s refusal to continue aestheticizing form by

nuer à esthétiser la forme et à la traiter comme une fin prescrite4 ».

dealing with it as a prescribed end.”4 Helg’s art indeed proceeds


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qu’elle a traversé à ski –, l’artiste considère qu’il est vain de vou-

artist considers it vain to make an image of it. “You cannot bring

loir en faire une image : « Vous ne pouvez rien y apporter. Est-il

anything else to it,” she explains. “Is it even necessary to photo-

même besoin de le photographier ? Le capter, c’est le banaliser.

graph it? Capturing it means to trivialize it. What is interesting

Ce qui est intéressant, c’est d’en faire l’expérience », déclare-t-

is to have the experience of it,” she continues, emphasizing the

elle en appuyant sur le dernier mot. « Ce qui importe, ce sont

word experience. “What matters are the sensations that one is

les sensations que l’on éprouve et qui s’inscrivent dans notre

subjected to and that are engraved in our memory, because one

mémoire car elles ressurgiront un jour d’une manière ou d’une

day they will surge forth again, in one way or another.”2 In Helg’s

autre2. » Ainsi, tout relève chez Béatrice Helg de cette néces-

photography, everything is thus determined by the necessity of

sité de faire l’expérience de l’espace.

experiencing a given space.

À l’origine, l’artiste dit avoir été passionnée par le théâtre et

As an origin of her work, the artist evokes her passion for the

l’opéra. Il n’est guère d’autres lieux où cette expérience ne

opera and the theater. Beside the stage, no other place, as far

requiert autant une attention aux questions de placement,

as this experience is concerned, requires as much attention to

d’agencement et d’occupation d’espace. Sitôt que Béatrice Helg

placement, arrangement, and the occupation of space. Once

s’est engagée dans le travail de photographie tel qu’elle le déve-

Helg had begun working on her photography, such as she has

loppe depuis plus de trente-cinq ans, elle a choisi de décliner

now developed it for more than thirty-five years, she chose to

sa démarche sur le mode de la série dans la mise en œuvre de

use the mode of series for implementing what she calls a “space-

ce qu’elle nomme un « espace-scène ». C’est une sorte de petit

stage.” Established in one room of her studio, this space-stage

théâtre éphémère, à échelle humaine, qu’elle établit dans une des

is a kind of small, ephemeral theater on a human scale, made up

pièces de son atelier, constitué d’éléments créés par ses soins à

of elements carefully fashioned from various materials salvaged

partir de certains matériaux récupérés ici et là. Tantôt rigides,

here and there. Sometimes rigid, sometimes flexible, the posi-

tantôt souples, les formes qu’elle y met en place déterminent

tioned shapes form a setting. However, the image, which she

un lieu dont l’image qu’elle déduit ne permet d’en imaginer ni

draws out from it, does not let the spectator imagine its nature,

la nature, ni les réelles dimensions. Ainsi a-t-elle réalisé au fil du

nor its true dimensions. This is how she has created, over time,

temps tout un ensemble de séries, souvent en alternance, nom-

a whole corpus of series, often alternately: Espace-lumière

mées Espace-lumière (1993-2003), Esprit froissé (1999-2001),

(1993–2003), Esprit froissé (1999–2001), Profondeurs (2007–

Profondeurs (2007-2009), Éveil – Crépuscule (2003-2009), Cosmos

2009), Éveil-Crépuscule (2003–2009), Cosmos (2013–2016), and

(2013-2016) et Résonance (2017-2019).

Résonance (2017–2019).

Conçus sur le mode de l’installation, ces espaces-scènes déter-

Conceived as installations, these space-stages establish a set-

minent un lieu, chaque fois unique et différent, qui sert de motif

ting that is unique and different each time. The artist uses these

à l’artiste. Il y va là, dans cette première étape objective, de la

settings as motifs. During this first objective step, she con-

construction d’un monde, à l’écho du ressenti d’une intériorité,

structs a world, apart from any narrative intention, to reflect

hors toute intention narrative. À l’instar de certains de ses aînés,

what she has sensed as an interiority. Following the example of

la démarche de Béatrice Helg s’inscrit dans la quête d’une forme

some of her elders, Helg’s approach can be described as a quest

d’absolu. Quelque chose d’élémentaire est à l’œuvre dans son

for a form of the absolute. Something elementary is at work in

travail qui invite le regardeur à la contemplation et au silence.

her photography, which summons the spectator to contemplate

Ses images, qui ont une rare intensité, proposent à celui-ci de

in silence. With their exceptional intensity, her images offer an

faire une expérience de l’espace l’entraînant à l’exercice d’une

experience of space that leads the spectator to a form of intro-

forme d’introspection. Face à elles, il est aussitôt absorbé – sinon

spection. Facing her photographs, one is immediately absorbed,

intrigué – par la simplicité du dispositif formel et il ne peut man-

if not intrigued, by the simplicity of the formal arrangement, and

quer de s’interroger comment ce peu d’images opère en telle

cannot help but wonder how such spare imagery functions with

densité et en telle gravité.

such density and solemnity.

« Less is more » déclarait jadis le grand architecte allemand Mies

“Less is more,” once declared the great German architect Mies

van der Rohe. Emblématique d’une posture d’exigence, cette

van der Rohe. Emblematic of a demanding artistic posture, this

expression trouve chez Béatrice Helg une formulation singu-

expression finds in Helg’s photography a singular formulation that

lière qui en enrichit le propos. « Simplicité de forme ne signifie

enriches the statement. “Simplicity of shape does not necessarily

pas nécessairement simplicité de l’expérience3 » note quant à lui

equate with simplicity of experience,”3 as Robert Morris observes.

Robert Morris. Et l’artiste de préciser par ailleurs que « se désenga-

Moreover, Morris specifies that “disengagement with precon-

ger par rapport à des formes et à des ordres de choses durables et

ceived enduring forms and order for things is a positive assertion.

préconçues est un acte positif. Cela fait partie du refus de conti-

It is part of the work’s refusal to continue aestheticizing form by

nuer à esthétiser la forme et à la traiter comme une fin prescrite4 ».

dealing with it as a prescribed end.”4 Helg’s art indeed proceeds


L’art de la photographe procède précisément de l’idée d’un désen-

from the idea of a disengagement with respect to reality — if not

dimension, extérieure à l’œuvre, et pourtant qui est une part

that stands apart from her oeuvre per se and yet is an essential

gagement par rapport au réel – sinon de sa transmutation – pour

from its transmutation — to inform a projected elsewhere open

essentielle de sa sensibilité au monde, c’est la pratique qu’elle a

aspect of her sensitivity to the world: her longtime practice of

instruire un ailleurs prospectif ouvert à la méditation et à l’éléva-

to meditation and elevation. In this sense, the experience of space

longtemps exercée du violoncelle. Quelque chose d’une gravité

cello playing. Something existentially solemn distinguishes the

tion. En ce sens, l’expérience de l’espace est chez elle une invita-

is, for Helg, an invitation to the sublime, in the original sense of

existentielle spécifie la sonorité de cet instrument qui procède

sound of this instrument, which comes from the depths of the

tion au sublime, au sens premier de ce mot quand il marque un

this word, whereby it indicates a displacement of one’s gaze, if not

des profondeurs de l’âme humaine. « Jamais je n’aurais utilisé

human soul. “I would never have used light and color as I do,” the

déplacement du regard, sinon du corps, vers le haut.

of the body, upwards.

la lumière, la couleur comme je le fais, reconnaît l’artiste, si je

artist avows, “if I had not played the cello.”9

Comme un point commun, la mise en espace de chacune de ces

As a common denominator, the space-stage of each of these

n’avais eu cette pratique9. »

Helg’s passion for music has a personal echo in her images, and

séries répond à une composition s’apparentant à un intérieur,

series responds to a composition belonging to a carefully framed

La passion de Béatrice Helg pour la musique trouve dans ses

it is no exaggeration to claim that they are charged with a “tim-

une sorte de huis clos, soigneusement cadré. Paradoxalement,

interior, a kind of “in-camera” setting. Paradoxically, the image

images un écho singulier ; aussi il n’est pas exagéré de dire qu’elles

bre” that deeply affects one’s being, not unlike the vibrations

l’image que Béatrice Helg en déduit n’est en aucune façon refer-

that Helg draws out from it is by no means closed in on itself. On

sont chargées d’un timbre qui touche l’être en son for intérieur.

produced by the cello, from it clearest to its most muted sounds.

mée sur elle-même. Bien au contraire, elle se prolonge mentale-

the contrary, it extends mentally beyond the edges. “For me,” she

À l’instar même des vibrations que produit le violoncelle, du son

This quality can especially be perceived in Cosmos I – Wagner,

ment au-delà des bords. « Pour moi, dit-elle, le cadre n’est pas une

5

says, “a frame is not something that encloses; it is an opening.”

le plus clair au son le plus mat, comme en témoignent Cosmos I

étude de scène and the triptych Espace sacré I, II, III – Wagner, étude

chose qui enferme ; c’est une ouverture . » La façon qu’elle a de

Her way of framing the image in fact enlarges the space, giving it

– Wagner, étude de scène et le triptyque Espace sacré I, II, III –

de scène that Helg made in 2013 for the exhibition “Wagner, ou

cadrer son image en amplifie même l’espace, lui donne de l’air, le

air, letting it breathe. As if every limit were a synonym of infinite.

Wagner, étude de scène qu’elle a réalisés en 2013, à l’occasion

l’opéra hors de soi” at the Martin Bodmer Foundation, under the

de l’exposition « Wagner, ou l’opéra hors de soi » à la Fondation

auspices of the Wagner Geneva Festival.

Even as light is the medium that defines and distinguishes pho-

Martin Bodmer, dans le cadre du Wagner Geneva Festival.

Helg’s way of playing with light in space is not without analogies

Pour ce que la lumière est le médium qui définit et spécifie la

tography, Helg makes light the primary vector of her oeuvre.

La façon qu’a Béatrice Helg de jouer avec la lumière dans l’espace

to works involving other techniques and from different periods of

photographie, Béatrice Helg en a fait le vecteur primordial de son

Not daylight, but rather artificial light brought into the studio,

n’est pas sans familiarité avec certaines œuvres d’un autre temps

time. Her approach recalls, for instance, the way that Rembrandt

œuvre. Non la lumière du jour mais une lumière artificielle, rap-

indeed after the fashion of light used to illuminate a stage. An

et d’une autre technique. Elle rappelle par exemple la distribu-

engraves more or less deeply into the copper plate of his etchings

portée au sein de l’atelier, à l’instar justement de celle employée

artifact of light, as it were, because everything in Helg’s work is

tion qu’en fait Rembrandt dans ses eaux-fortes, mordant plus

so as to vary the luminous intensities on the surface of the same

pour éclairer une scène. Une lumière artefact en quelque sorte,

fabricated and comes from her will to create pictures that draw

ou moins profondément sa plaque de cuivre pour multiplier en

plate. Or the Danish painting master, Vilhelm Hammershoi, who

car tout est chez elle de l’ordre d’une fabrication et ressort d’une

from the deepest realms of her imagination. “The first elements,”

surface d’une même planche différentes intensités lumineuses.

varies the gamut of grays and whites in his paintings so as to bet-

volonté de création qui puise au plus profond de son imagi-

specifies the artist, “are space, light, and matter. The action of

Ou le maître de la peinture danoise, Vilhelm Hammershoi, qui

ter make the void of his interiors vibrate. Similarly, it is light that

naire. « Les premiers éléments, précise l’artiste, sont l’espace, la

light on matter can be an element triggering the work.”6 Because

multiplie les gammes de gris et de blanc dans ses peintures pour

makes Helg’s images exist — that reveals them.

lumière et la matière. L’action de la lumière sur la matière peut

of the light, the materials become something else.

mieux faire vibrer le vide de ses intérieurs. De même, c’est la

être un élément déclencheur du travail . » Aussi les matériaux

In fact, transfiguration is at stake because of this phenomenon

lumière qui fait exister les images de Béatrice Helg. Qui les révèle.

deviennent-ils autre chose avec la lumière.

of reflection which, for the artist, indicates that light is a physi-

Il est en fait question de transfiguration, dans cette qualité de

cal body totally linked to life. “Light is life,” she asserts, adding:

L’expérience de la lumière y est indissociable de celle que l’ar-

this — the action of the former on the latter is decisive. In fact,

réflexion qui, pour l’artiste, désigne la lumière comme un corps

“light and darkness.” The former is never without the latter, and

tiste fait de la matière tant – répétons-le – l’action de l’une sur

this action is a direct consequence of the nature of the materials

physique totalement lié à la vie. « La lumière est la vie », affirme-

the depths of the soul, like those of the mind, lie in the most

l’autre est décisive. De fait, celle-ci est la conséquence directe de

employed: the quality of their surfaces, their textures, their

t-elle, tout en ajoutant « la lumière et l’obscur . » L’un n’est jamais

buried recesses of being. At issue here is therefore the notion

la nature des matériaux qu’elle emploie, de la qualité de leur sur-

opacity or transparency, how they suggest weight or relative

sans l’autre et les profondeurs de l’âme, comme celles de l’es-

of the intimate in the strongest sense of the word, that is, when

face, de leur texture, de leur opacité ou de leur transparence, de

weightlessness. This action also depends on the arrangement of

prit, siègent au creux le plus enfoui de l’être. C’est qu’il y va de

it refers to the superlative form of innerness. Light and dark are

la suggestion de leur pesanteur ou de leur légèreté. Elle l’est aussi

the shapes of the materials in the space where they dwell, and

la notion d’intime au plus fort du mot quand celui-ci renvoie à la

not simply two equivalents held in opposition; the former func-

de l’agencement de la forme de ces matériaux dans l’espace qu’ils

on whether they seem to be at rest there, in or out of balance, or

forme superlative d’intérieur. Le couple lumière/obscur n’oppose

tions as that which reveals the world kept secret by the latter.

habitent, selon qu’ils paraissent y reposer, en équilibre ou non, ou

whether they seem suspended, even to be levitating by means

pas deux contraires à parts égales car l’une opère en révélateur

Darkness is associated with waiting, and light with epiphany, as

qu’ils semblent y être en suspens, voire en lévitation par on ne sait

of some subterfuge. In all cases, Helg provides no clue that would

du monde tenu au secret par l’autre. L’obscur est de l’attente et

Charles Péguy remarks:

quel subterfuge. Dans tous les cas, Béatrice Helg ne fournit aucun

go beyond the enigmatic aspect of her images.

indice qui excéderait la part d’énigme de ses images.

In addition, she willingly takes advantage of the subtle play of

And you, Night, are my great dark light.

Par ailleurs, elle joue volontiers des subtils jeux de couleurs que

color that the materials release into the light in accordance with

Douteuses, et toi, la nuit, tu es ma grande lumière sombre . »

Helg’s images likewise play with the whole range of the qualities

ces matériaux délivrent dans la lumière en fonction de son inci-

its incidence. In some cases, the materials absorb the light into

Ainsi les images de Béatrice Helg jouent-elles de toutes les gammes

of lightness and darkness: from transparency to opaqueness, from

dence. Ici, ils l’absorbent dans un éclat lumineux qui en renforce

a brightness that accentuates the way the material has been

de valeur du clair et de l’obscur : de la transparence à l’opacité, de

bright flashes to blinding impressions, from an abundance to an

la découpe – comme il en est d’Équilibre V (2001) ou de Cosmos XIV

cut out — as in Équilibre V (2001) or Cosmos XIV (2016); in other

l’éclat à l’aveuglement, de la plénitude à l’effraction. Selon qu’elle

infiltration of light. Depending on whether light fills the entire

(2016) ; là, au contraire, l’artiste joue d’effets de contre-jour –

cases, on the contrary, the artist plays with backlighting effects,

emplit l’espace, qu’elle le modèle en contre-jour, qu’elle se glisse

space, shapes the space through backlighting, or slips between

ainsi d’Espace-lumière IV (1995) ou d’Émergence IV (2008). Ici, elle

such as in Espace-lumière IV (1995) or Émergence IV (2008). At

entre les éléments qui le structurent, la lumière est chez elle le

the elements structuring it, light is for Helg the dynamic vector

compose avec toutes sortes d’effets de matière dont les coulures

times, her compositions draw on all sorts of effects of matter

vecteur dynamique de chacune de ses images dont l’acte photo-

of each image, whose subtle modulations are recorded by the

rouille dessinent le fond gris de puissantes plaques métalliques ;

whose rusty-colored runoffs outline the gray bottom of massive

graphique enregistre les subtiles modulations. L’œuvre est aussi la

photographic act. The resultant photograph therefore brings up

là, leurs reflets bleutés suggèrent l’idée de cieux imaginaires –

metallic plates; elsewhere, their bluish reflections suggest the

mise à jour de son propre processus de création.

to date, as it were, the very process of its creation.

série Crépuscule (2003-2009). Ailleurs, Béatrice Helg décline tout

idea of imaginary skies: the Crépuscule series (2003–2009) offers

La relation d’osmose entre la lumière et la vie telle que la

The relation of osmosis between light and life, such as is empha-

un ensemble qui multiplie effets de Profondeurs (2007-2009)

prime examples. In still other series, Helg varies the effects of

revendique Béatrice Helg est à considérer à l’aune d’une autre

sized by Helg, can be examined in terms of another dimension

et de Transparence (2003-2010) dans des compositions qui

depth, such as in Profondeurs (2007–2009), or of transparency,

5

fait respirer. Comme si toute lisière était synonyme d’infini.

6

7

la lumière, de l’épiphanie, comme le dit Charles Péguy :

Days are never but dubiously bright,

« Ces jours ne sont jamais que des clartés

8

8

14

7

The experience of light is indissociable from the experience that the artist obtains from matter insomuch as — let me repeat

15


L’art de la photographe procède précisément de l’idée d’un désen-

from the idea of a disengagement with respect to reality — if not

dimension, extérieure à l’œuvre, et pourtant qui est une part

that stands apart from her oeuvre per se and yet is an essential

gagement par rapport au réel – sinon de sa transmutation – pour

from its transmutation — to inform a projected elsewhere open

essentielle de sa sensibilité au monde, c’est la pratique qu’elle a

aspect of her sensitivity to the world: her longtime practice of

instruire un ailleurs prospectif ouvert à la méditation et à l’éléva-

to meditation and elevation. In this sense, the experience of space

longtemps exercée du violoncelle. Quelque chose d’une gravité

cello playing. Something existentially solemn distinguishes the

tion. En ce sens, l’expérience de l’espace est chez elle une invita-

is, for Helg, an invitation to the sublime, in the original sense of

existentielle spécifie la sonorité de cet instrument qui procède

sound of this instrument, which comes from the depths of the

tion au sublime, au sens premier de ce mot quand il marque un

this word, whereby it indicates a displacement of one’s gaze, if not

des profondeurs de l’âme humaine. « Jamais je n’aurais utilisé

human soul. “I would never have used light and color as I do,” the

déplacement du regard, sinon du corps, vers le haut.

of the body, upwards.

la lumière, la couleur comme je le fais, reconnaît l’artiste, si je

artist avows, “if I had not played the cello.”9

Comme un point commun, la mise en espace de chacune de ces

As a common denominator, the space-stage of each of these

n’avais eu cette pratique9. »

Helg’s passion for music has a personal echo in her images, and

séries répond à une composition s’apparentant à un intérieur,

series responds to a composition belonging to a carefully framed

La passion de Béatrice Helg pour la musique trouve dans ses

it is no exaggeration to claim that they are charged with a “tim-

une sorte de huis clos, soigneusement cadré. Paradoxalement,

interior, a kind of “in-camera” setting. Paradoxically, the image

images un écho singulier ; aussi il n’est pas exagéré de dire qu’elles

bre” that deeply affects one’s being, not unlike the vibrations

l’image que Béatrice Helg en déduit n’est en aucune façon refer-

that Helg draws out from it is by no means closed in on itself. On

sont chargées d’un timbre qui touche l’être en son for intérieur.

produced by the cello, from it clearest to its most muted sounds.

mée sur elle-même. Bien au contraire, elle se prolonge mentale-

the contrary, it extends mentally beyond the edges. “For me,” she

À l’instar même des vibrations que produit le violoncelle, du son

This quality can especially be perceived in Cosmos I – Wagner,

ment au-delà des bords. « Pour moi, dit-elle, le cadre n’est pas une

5

says, “a frame is not something that encloses; it is an opening.”

le plus clair au son le plus mat, comme en témoignent Cosmos I

étude de scène and the triptych Espace sacré I, II, III – Wagner, étude

chose qui enferme ; c’est une ouverture . » La façon qu’elle a de

Her way of framing the image in fact enlarges the space, giving it

– Wagner, étude de scène et le triptyque Espace sacré I, II, III –

de scène that Helg made in 2013 for the exhibition “Wagner, ou

cadrer son image en amplifie même l’espace, lui donne de l’air, le

air, letting it breathe. As if every limit were a synonym of infinite.

Wagner, étude de scène qu’elle a réalisés en 2013, à l’occasion

l’opéra hors de soi” at the Martin Bodmer Foundation, under the

de l’exposition « Wagner, ou l’opéra hors de soi » à la Fondation

auspices of the Wagner Geneva Festival.

Even as light is the medium that defines and distinguishes pho-

Martin Bodmer, dans le cadre du Wagner Geneva Festival.

Helg’s way of playing with light in space is not without analogies

Pour ce que la lumière est le médium qui définit et spécifie la

tography, Helg makes light the primary vector of her oeuvre.

La façon qu’a Béatrice Helg de jouer avec la lumière dans l’espace

to works involving other techniques and from different periods of

photographie, Béatrice Helg en a fait le vecteur primordial de son

Not daylight, but rather artificial light brought into the studio,

n’est pas sans familiarité avec certaines œuvres d’un autre temps

time. Her approach recalls, for instance, the way that Rembrandt

œuvre. Non la lumière du jour mais une lumière artificielle, rap-

indeed after the fashion of light used to illuminate a stage. An

et d’une autre technique. Elle rappelle par exemple la distribu-

engraves more or less deeply into the copper plate of his etchings

portée au sein de l’atelier, à l’instar justement de celle employée

artifact of light, as it were, because everything in Helg’s work is

tion qu’en fait Rembrandt dans ses eaux-fortes, mordant plus

so as to vary the luminous intensities on the surface of the same

pour éclairer une scène. Une lumière artefact en quelque sorte,

fabricated and comes from her will to create pictures that draw

ou moins profondément sa plaque de cuivre pour multiplier en

plate. Or the Danish painting master, Vilhelm Hammershoi, who

car tout est chez elle de l’ordre d’une fabrication et ressort d’une

from the deepest realms of her imagination. “The first elements,”

surface d’une même planche différentes intensités lumineuses.

varies the gamut of grays and whites in his paintings so as to bet-

volonté de création qui puise au plus profond de son imagi-

specifies the artist, “are space, light, and matter. The action of

Ou le maître de la peinture danoise, Vilhelm Hammershoi, qui

ter make the void of his interiors vibrate. Similarly, it is light that

naire. « Les premiers éléments, précise l’artiste, sont l’espace, la

light on matter can be an element triggering the work.”6 Because

multiplie les gammes de gris et de blanc dans ses peintures pour

makes Helg’s images exist — that reveals them.

lumière et la matière. L’action de la lumière sur la matière peut

of the light, the materials become something else.

mieux faire vibrer le vide de ses intérieurs. De même, c’est la

être un élément déclencheur du travail . » Aussi les matériaux

In fact, transfiguration is at stake because of this phenomenon

lumière qui fait exister les images de Béatrice Helg. Qui les révèle.

deviennent-ils autre chose avec la lumière.

of reflection which, for the artist, indicates that light is a physi-

Il est en fait question de transfiguration, dans cette qualité de

cal body totally linked to life. “Light is life,” she asserts, adding:

L’expérience de la lumière y est indissociable de celle que l’ar-

this — the action of the former on the latter is decisive. In fact,

réflexion qui, pour l’artiste, désigne la lumière comme un corps

“light and darkness.” The former is never without the latter, and

tiste fait de la matière tant – répétons-le – l’action de l’une sur

this action is a direct consequence of the nature of the materials

physique totalement lié à la vie. « La lumière est la vie », affirme-

the depths of the soul, like those of the mind, lie in the most

l’autre est décisive. De fait, celle-ci est la conséquence directe de

employed: the quality of their surfaces, their textures, their

t-elle, tout en ajoutant « la lumière et l’obscur . » L’un n’est jamais

buried recesses of being. At issue here is therefore the notion

la nature des matériaux qu’elle emploie, de la qualité de leur sur-

opacity or transparency, how they suggest weight or relative

sans l’autre et les profondeurs de l’âme, comme celles de l’es-

of the intimate in the strongest sense of the word, that is, when

face, de leur texture, de leur opacité ou de leur transparence, de

weightlessness. This action also depends on the arrangement of

prit, siègent au creux le plus enfoui de l’être. C’est qu’il y va de

it refers to the superlative form of innerness. Light and dark are

la suggestion de leur pesanteur ou de leur légèreté. Elle l’est aussi

the shapes of the materials in the space where they dwell, and

la notion d’intime au plus fort du mot quand celui-ci renvoie à la

not simply two equivalents held in opposition; the former func-

de l’agencement de la forme de ces matériaux dans l’espace qu’ils

on whether they seem to be at rest there, in or out of balance, or

forme superlative d’intérieur. Le couple lumière/obscur n’oppose

tions as that which reveals the world kept secret by the latter.

habitent, selon qu’ils paraissent y reposer, en équilibre ou non, ou

whether they seem suspended, even to be levitating by means

pas deux contraires à parts égales car l’une opère en révélateur

Darkness is associated with waiting, and light with epiphany, as

qu’ils semblent y être en suspens, voire en lévitation par on ne sait

of some subterfuge. In all cases, Helg provides no clue that would

du monde tenu au secret par l’autre. L’obscur est de l’attente et

Charles Péguy remarks:

quel subterfuge. Dans tous les cas, Béatrice Helg ne fournit aucun

go beyond the enigmatic aspect of her images.

indice qui excéderait la part d’énigme de ses images.

In addition, she willingly takes advantage of the subtle play of

And you, Night, are my great dark light.

Par ailleurs, elle joue volontiers des subtils jeux de couleurs que

color that the materials release into the light in accordance with

Douteuses, et toi, la nuit, tu es ma grande lumière sombre . »

Helg’s images likewise play with the whole range of the qualities

ces matériaux délivrent dans la lumière en fonction de son inci-

its incidence. In some cases, the materials absorb the light into

Ainsi les images de Béatrice Helg jouent-elles de toutes les gammes

of lightness and darkness: from transparency to opaqueness, from

dence. Ici, ils l’absorbent dans un éclat lumineux qui en renforce

a brightness that accentuates the way the material has been

de valeur du clair et de l’obscur : de la transparence à l’opacité, de

bright flashes to blinding impressions, from an abundance to an

la découpe – comme il en est d’Équilibre V (2001) ou de Cosmos XIV

cut out — as in Équilibre V (2001) or Cosmos XIV (2016); in other

l’éclat à l’aveuglement, de la plénitude à l’effraction. Selon qu’elle

infiltration of light. Depending on whether light fills the entire

(2016) ; là, au contraire, l’artiste joue d’effets de contre-jour –

cases, on the contrary, the artist plays with backlighting effects,

emplit l’espace, qu’elle le modèle en contre-jour, qu’elle se glisse

space, shapes the space through backlighting, or slips between

ainsi d’Espace-lumière IV (1995) ou d’Émergence IV (2008). Ici, elle

such as in Espace-lumière IV (1995) or Émergence IV (2008). At

entre les éléments qui le structurent, la lumière est chez elle le

the elements structuring it, light is for Helg the dynamic vector

compose avec toutes sortes d’effets de matière dont les coulures

times, her compositions draw on all sorts of effects of matter

vecteur dynamique de chacune de ses images dont l’acte photo-

of each image, whose subtle modulations are recorded by the

rouille dessinent le fond gris de puissantes plaques métalliques ;

whose rusty-colored runoffs outline the gray bottom of massive

graphique enregistre les subtiles modulations. L’œuvre est aussi la

photographic act. The resultant photograph therefore brings up

là, leurs reflets bleutés suggèrent l’idée de cieux imaginaires –

metallic plates; elsewhere, their bluish reflections suggest the

mise à jour de son propre processus de création.

to date, as it were, the very process of its creation.

série Crépuscule (2003-2009). Ailleurs, Béatrice Helg décline tout

idea of imaginary skies: the Crépuscule series (2003–2009) offers

La relation d’osmose entre la lumière et la vie telle que la

The relation of osmosis between light and life, such as is empha-

un ensemble qui multiplie effets de Profondeurs (2007-2009)

prime examples. In still other series, Helg varies the effects of

revendique Béatrice Helg est à considérer à l’aune d’une autre

sized by Helg, can be examined in terms of another dimension

et de Transparence (2003-2010) dans des compositions qui

depth, such as in Profondeurs (2007–2009), or of transparency,

5

fait respirer. Comme si toute lisière était synonyme d’infini.

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la lumière, de l’épiphanie, comme le dit Charles Péguy :

Days are never but dubiously bright,

« Ces jours ne sont jamais que des clartés

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The experience of light is indissociable from the experience that the artist obtains from matter insomuch as — let me repeat

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orchestrent de savantes mises en abîme d’ocres et de bruns plus

in Transparence (2003–2010) — that is, in compositions that

ou moins denses, sans que l’on devine vraiment quels matériaux

orchestrate learned, infinitely recurring sequences of more or

elle met en jeu.

less dense ochers and browns, without one’s being able to make

D’une série à l’autre, un voile se lève. Ainsi celle intitulée Esprit

out which materials she has put into play.

froissé (1999-2001) trouve son origine dans la réalisation d’une

From one series to another, a veil rises. For example, the series

image Sans titre (1997) dont le prétexte est l’utilisation d’un

titled Esprit froissé (1999–2001) originated when Helg was

grand papier immaculé, tout entier agité par un réseau de plis

making an image, Sans titre (1997), the pretext for which was the

désordonnés. Celui-ci, comme étendu dans l’espace, y occupe

use of a big sheet of spotless white paper entirely crumpled by

les deux tiers dans une frontalité figée, quasi oblitérante. Au fil

a network of disorderly folds. This sheet of paper, as if unfurled

du temps, l’artiste a développé cette série en accentuant l’effet

in space, occupies two thirds of a rigid, almost obstructive fore-

dynamique du papier froissé, en le centrant dans l’espace et en

ground. Over time, the artist has developed this series by accen-

l’inscrivant d’image en image dans une sorte de déploiement

tuating the dynamic effect of the crumpled paper, by centering

chorégraphique improbable. Comme une figure animée dans

it within the space-stage and arranging it, image by image, into a

l’espace, à la façon de la Danse serpentine de Loïe Fuller créée

kind of improbable choreographic deployment. Like an animated

quelque cent ans plus tôt.

figure in space, in the manner of Loïe Fuller’s Serpentine Dance

Autrement, la série Résonance qui ponctue le travail de recherches

created some one hundred years earlier.

menées par Béatrice Helg ces trois dernières années s’offre à voir

Otherwise, the Résonance series, which has punctuated Helg’s

dans une intention davantage abstraite, pleinement affirmée.

research for the past three years, shows a more abstract, fully

Tout y est opéré de sorte que le regard n’y trouve plus aucune

asserted intention. Everything is organized in such a way that

relation avec le réel et que rien ne permet d’identifier la nature

no relationship with reality can be perceived; nothing allows an

matérielle du support utilisé, qu’il soit lisse ou irrégulier, ni de le

identification of the material nature of the support used, be it

nommer. Plus rien n’y est d’une illusion. Aucune narration n’est

smooth or rough; nor can it be given a name. Nothing provokes

possible et la photographie trouve ici les qualités fondamentales

an illusion. No narration is possible, and the photograph takes

propres à l’idée chère à Léonard de Vinci de « cosa mentale ». Les

on the fundamental qualities of Leonardo da Vinci’s beloved

images à dominante dorée ou gris-bleu qui constituent cette

notion of a cosa mentale. Predominantly golden or gray-blue

série ne renvoient plus à l’idée d’une construction ou d’une quel-

in color, the images of this series no longer allude to the idea

conque scénographie mais à celle d’une surface structurée en

of a construction or to a scenography, but rather to a surface

plans bien définis que distingue le seul jeu de lignes qui les des-

structured into distinct planes distinguished only by the play

sinent. Simplement modulés par un jeu de chiaroscuro, ceux-ci

of lines defining them. Simply modulated by a chiaroscuro

contribuent à créer l’illusion d’un relief que renforce plus ou

effect, the planes help to create an illusion of a relief rein-

moins l’intensité chromatique de chaque image. C’est dire com-

forced more or less by the chromatic intensity of each image.

bien l’art de Béatrice Helg relève de la quête d’un ailleurs absolu

This is to say how much Helg’s art is a quest for an absolute,

et indicible.

inexpressible elsewhere. —

Forte d’une triple expérience – l’espace, la lumière et la matière –,

Informed by this triple experience of space, light, and matter,

la démarche de l’artiste s’inscrit dans le droit fil d’une histoire

the artist’s approach falls fully in line with a history of forms in

des formes telle qu’elle vise à conjuguer le local et l’universel,

that it aims to combine the local and the universal, the mate-

le matériel et l’immatériel, l’être et l’esprit. Si, en cela, elle est

rial and the immaterial, being and mind. In this respect, although

à l’écho des exemples mêlés du suprématisme et du construc-

her approach echoes examples related to Suprematism and

tivisme dans cette collusion inédite et sublime du corps et de

Constructivism, its original and sublime collusion of body and

l’incarné, elle occupe une place singulière dans le champ de la

embodiment holds down a singular place in the field of con-

création contemporaine. Encore plus au regard de ce que la cri-

temporary art and photography. Even more so in regard to what

tique postmoderne a désigné hâtivement du nom de « photo-

postmodern criticism has hastily designated “photographie plas-

graphie plasticienne » et qui compte nombre de productions

ticienne” (often called visual arts or fine-art photography), which

confuses, mêlant artifices et faux-semblants. Non seulement elle

includes many muddled productions blending artifice and sham.

s’en distingue par une rigueur de pensée et une économie de

Not only does Helg’s approach distinguish itself from this trend

moyens mais par le soin cher à Kandinsky de mettre à l’œuvre

by means of rigorous thinking and an economy of means, but also

« du spirituel dans l’art ». Parce qu’elle compose avec l’espace,

by its concern, dear to Kandinsky, to bring “the spiritual into art.”


16

orchestrent de savantes mises en abîme d’ocres et de bruns plus

in Transparence (2003–2010) — that is, in compositions that

ou moins denses, sans que l’on devine vraiment quels matériaux

orchestrate learned, infinitely recurring sequences of more or

elle met en jeu.

less dense ochers and browns, without one’s being able to make

D’une série à l’autre, un voile se lève. Ainsi celle intitulée Esprit

out which materials she has put into play.

froissé (1999-2001) trouve son origine dans la réalisation d’une

From one series to another, a veil rises. For example, the series

image Sans titre (1997) dont le prétexte est l’utilisation d’un

titled Esprit froissé (1999–2001) originated when Helg was

grand papier immaculé, tout entier agité par un réseau de plis

making an image, Sans titre (1997), the pretext for which was the

désordonnés. Celui-ci, comme étendu dans l’espace, y occupe

use of a big sheet of spotless white paper entirely crumpled by

les deux tiers dans une frontalité figée, quasi oblitérante. Au fil

a network of disorderly folds. This sheet of paper, as if unfurled

du temps, l’artiste a développé cette série en accentuant l’effet

in space, occupies two thirds of a rigid, almost obstructive fore-

dynamique du papier froissé, en le centrant dans l’espace et en

ground. Over time, the artist has developed this series by accen-

l’inscrivant d’image en image dans une sorte de déploiement

tuating the dynamic effect of the crumpled paper, by centering

chorégraphique improbable. Comme une figure animée dans

it within the space-stage and arranging it, image by image, into a

l’espace, à la façon de la Danse serpentine de Loïe Fuller créée

kind of improbable choreographic deployment. Like an animated

quelque cent ans plus tôt.

figure in space, in the manner of Loïe Fuller’s Serpentine Dance

Autrement, la série Résonance qui ponctue le travail de recherches

created some one hundred years earlier.

menées par Béatrice Helg ces trois dernières années s’offre à voir

Otherwise, the Résonance series, which has punctuated Helg’s

dans une intention davantage abstraite, pleinement affirmée.

research for the past three years, shows a more abstract, fully

Tout y est opéré de sorte que le regard n’y trouve plus aucune

asserted intention. Everything is organized in such a way that

relation avec le réel et que rien ne permet d’identifier la nature

no relationship with reality can be perceived; nothing allows an

matérielle du support utilisé, qu’il soit lisse ou irrégulier, ni de le

identification of the material nature of the support used, be it

nommer. Plus rien n’y est d’une illusion. Aucune narration n’est

smooth or rough; nor can it be given a name. Nothing provokes

possible et la photographie trouve ici les qualités fondamentales

an illusion. No narration is possible, and the photograph takes

propres à l’idée chère à Léonard de Vinci de « cosa mentale ». Les

on the fundamental qualities of Leonardo da Vinci’s beloved

images à dominante dorée ou gris-bleu qui constituent cette

notion of a cosa mentale. Predominantly golden or gray-blue

série ne renvoient plus à l’idée d’une construction ou d’une quel-

in color, the images of this series no longer allude to the idea

conque scénographie mais à celle d’une surface structurée en

of a construction or to a scenography, but rather to a surface

plans bien définis que distingue le seul jeu de lignes qui les des-

structured into distinct planes distinguished only by the play

sinent. Simplement modulés par un jeu de chiaroscuro, ceux-ci

of lines defining them. Simply modulated by a chiaroscuro

contribuent à créer l’illusion d’un relief que renforce plus ou

effect, the planes help to create an illusion of a relief rein-

moins l’intensité chromatique de chaque image. C’est dire com-

forced more or less by the chromatic intensity of each image.

bien l’art de Béatrice Helg relève de la quête d’un ailleurs absolu

This is to say how much Helg’s art is a quest for an absolute,

et indicible.

inexpressible elsewhere. —

Forte d’une triple expérience – l’espace, la lumière et la matière –,

Informed by this triple experience of space, light, and matter,

la démarche de l’artiste s’inscrit dans le droit fil d’une histoire

the artist’s approach falls fully in line with a history of forms in

des formes telle qu’elle vise à conjuguer le local et l’universel,

that it aims to combine the local and the universal, the mate-

le matériel et l’immatériel, l’être et l’esprit. Si, en cela, elle est

rial and the immaterial, being and mind. In this respect, although

à l’écho des exemples mêlés du suprématisme et du construc-

her approach echoes examples related to Suprematism and

tivisme dans cette collusion inédite et sublime du corps et de

Constructivism, its original and sublime collusion of body and

l’incarné, elle occupe une place singulière dans le champ de la

embodiment holds down a singular place in the field of con-

création contemporaine. Encore plus au regard de ce que la cri-

temporary art and photography. Even more so in regard to what

tique postmoderne a désigné hâtivement du nom de « photo-

postmodern criticism has hastily designated “photographie plas-

graphie plasticienne » et qui compte nombre de productions

ticienne” (often called visual arts or fine-art photography), which

confuses, mêlant artifices et faux-semblants. Non seulement elle

includes many muddled productions blending artifice and sham.

s’en distingue par une rigueur de pensée et une économie de

Not only does Helg’s approach distinguish itself from this trend

moyens mais par le soin cher à Kandinsky de mettre à l’œuvre

by means of rigorous thinking and an economy of means, but also

« du spirituel dans l’art ». Parce qu’elle compose avec l’espace,

by its concern, dear to Kandinsky, to bring “the spiritual into art.”


la lumière et la matière, la démarche de Béatrice Helg offre au

Because her approach composes with space, light, and matter, it

regard la possibilité d’un être au monde. À tout le moins d’une

offers our eyes a potentially new way of being in the world; at the

méditation sur le monde. À l’égal de cette « chapelle de cam-

minimum, a meditation on the world. Hers is an art equal to that

pagne » qu’a érigée l’architecte suisse Peter Zumthor et qui n’est

“countryside chapel” that was built by the Swiss architect Peter

autre qu’une invitation à faire une expérience mystique. Dans

Zumthor, and it offers nothing less than an invitation to have

l’attente du rêve avoué de la photographe à réaliser un jour pro-

a mystical experience. This, while awaiting the photographer’s

chain, pour sa part, une sculpture de lumière.

avowed dream of making, one day soon, a sculpture of light.

p. p., avril 2019

p. p., april 2019

PHILIPPE PIGUET

Philippe Piguet est historien, critique d’art et commissaire

Philippe Piguet is a historian, art critic, and independent curator of

d’expositions indépendant. Il est chargé de la programmation

exhibitions. He has been responsible for organizing exhibitions at

de la Chapelle - Espace d’art contemporain de Thonon-les-Bains

the Chapelle - Espace d’art contemporain, in Thonon-les-Bains, since

depuis 2008 et commissaire général du festival Normandie

2008, and is the artistic director of the Normandie Impressionniste

Impressionniste pour 2020. Il collabore régulièrement à la revue

Festival for 2020. He has contributed regularly to the review Art

Art Absolument depuis 2002 et ponctuellement à artpress.

Absolument since 2002 and occasionally to artpress.

1 Propos de l’artiste lors d’une de nos conversations.

1 Conversation with the artist.

2 Ibid.

2 Ibid.

3 Robert Morris, dans L’Art minimal, Daniel Marzona, Éditions Taschen, 2004.

3 Robert Morris, quoted in L’Art minimal by Daniel Marzona, Éditions Taschen, 2004.

4 Ibid.

In English, see Artforum, February 1966 and April 1968.

5 Propos de l’artiste lors d’une de nos conversations.

4 Ibid.

6 Ibid.

5 Conversation with the artist.

7 Ibid.

6 Ibid.

8 Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu,

7 Ibid.

Nouvelle Revue Française, 1916. 9 Propos de l’artiste lors d’une de nos conversations.

8 Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, Nouvelle Revue Française, 1916. (Available in the edition published by Gallimard, “Poche Poésie,” No. 204, 1986.) 9 Conversation with the artist.

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la lumière et la matière, la démarche de Béatrice Helg offre au

Because her approach composes with space, light, and matter, it

regard la possibilité d’un être au monde. À tout le moins d’une

offers our eyes a potentially new way of being in the world; at the

méditation sur le monde. À l’égal de cette « chapelle de cam-

minimum, a meditation on the world. Hers is an art equal to that

pagne » qu’a érigée l’architecte suisse Peter Zumthor et qui n’est

“countryside chapel” that was built by the Swiss architect Peter

autre qu’une invitation à faire une expérience mystique. Dans

Zumthor, and it offers nothing less than an invitation to have

l’attente du rêve avoué de la photographe à réaliser un jour pro-

a mystical experience. This, while awaiting the photographer’s

chain, pour sa part, une sculpture de lumière.

avowed dream of making, one day soon, a sculpture of light.

p. p., avril 2019

p. p., april 2019

PHILIPPE PIGUET

Philippe Piguet est historien, critique d’art et commissaire

Philippe Piguet is a historian, art critic, and independent curator of

d’expositions indépendant. Il est chargé de la programmation

exhibitions. He has been responsible for organizing exhibitions at

de la Chapelle - Espace d’art contemporain de Thonon-les-Bains

the Chapelle - Espace d’art contemporain, in Thonon-les-Bains, since

depuis 2008 et commissaire général du festival Normandie

2008, and is the artistic director of the Normandie Impressionniste

Impressionniste pour 2020. Il collabore régulièrement à la revue

Festival for 2020. He has contributed regularly to the review Art

Art Absolument depuis 2002 et ponctuellement à artpress.

Absolument since 2002 and occasionally to artpress.

1 Propos de l’artiste lors d’une de nos conversations.

1 Conversation with the artist.

2 Ibid.

2 Ibid.

3 Robert Morris, dans L’Art minimal, Daniel Marzona, Éditions Taschen, 2004.

3 Robert Morris, quoted in L’Art minimal by Daniel Marzona, Éditions Taschen, 2004.

4 Ibid.

In English, see Artforum, February 1966 and April 1968.

5 Propos de l’artiste lors d’une de nos conversations.

4 Ibid.

6 Ibid.

5 Conversation with the artist.

7 Ibid.

6 Ibid.

8 Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu,

7 Ibid.

Nouvelle Revue Française, 1916. 9 Propos de l’artiste lors d’une de nos conversations.

8 Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, Nouvelle Revue Française, 1916. (Available in the edition published by Gallimard, “Poche Poésie,” No. 204, 1986.) 9 Conversation with the artist.

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RÉSONANCE

20

21


RÉSONANCE

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RÉSONANCE VII | 2019

22


RÉSONANCE VII | 2019

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RÉSONANCE IX | 2019

24


RÉSONANCE IX | 2019

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CRÉPUSCULE II | 2003

78


CRÉPUSCULE II | 2003

78


CRÉPUSCULE XVI | 2006

84


CRÉPUSCULE XVI | 2006

84


Direction artistique Art Direction

ISBN 978-88-7439-896-6

Annarita De Sanctis Distribution en France et pays francophones Coordination éditoriale Editorial Coordination Laura Maggioni Projet graphique et mise en page Design and Layout Lara Gariboldi Secrétariat de rédaction Editing Alice Norasingh-Ertaud Charles Gute Traduction en anglais English Translation

BELLES LETTRES / Diffusion L’entreLivres Distributed by ACC Art Books throughout the world, excluding Italy. Distributed in Italy and Switzerland by Messaggerie Libri S.p.A.

5 Continents Editions Piazza Caiazzo 1 20124 Milan, Italy www.fivecontinentseditions.com

John Taylor Photogravure Color Separation Bombie, Genève, Suisse

Tous droits réservés – © Béatrice Helg pour ses œuvres © Les auteurs pour leurs textes : Sylviane Dupuis, Serge Linarès, Philippe Piguet et Robert Wilson Pour la présente édition © 2019 – 5 Continents Editions, Milan All rights reserved – © Béatrice Helg for her works © The authors for their texts: Sylviane Dupuis, Serge Linarès, Philippe Piguet and Robert Wilson For the present edition © 2019 – 5 Continents Editions, Milan Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement des auteurs ou de leurs ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. No part of this book may be reproduced or utilized in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopying, recording, or any information storage and retrieval system, without permission in writing from the publisher.

Image de couverture Cover image RÉSONANCE VIII | 2019, détail

Crédits photographiques : p. 116, August Strindberg, Célestographie VIII, 1894, photographie de « Gröna säcken », Bibliothèque nationale de Suède, Stockholm p. 156 © Jean-Claude Falciola p. 158, Musée Tinguely, 2006 © Christian Baur Photo credits: p. 116, August Strindberg, Celestograph VIII, 1894, photograph from «Gröna säcken», National Library of Sweden, Stockholm p. 156 © Jean-Claude Falciola p. 158, Museum Tinguely, 2006 © Christian Baur

Achevé d’imprimer en Italie sur les presses de Conti Tipocolor, Settimello Calenzano – Florence, pour le compte de 5 Continents Editions, Milan, en septembre 2019 Printed and bound in Italy in September 2019 by Conti Tipocolor, Settimello Calenzano – Florence, for 5 Continents Editions, Milan


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