Une poétique A poetic du regard gaze Virginie Devillers
Professeur de philosophie, de littérature contemporaine et d’histoire de la photographie Professor of philosophy, contemporary literature and the history of photography
Une poétique A poetic du regard gaze Virginie Devillers
Professeur de philosophie, de littérature contemporaine et d’histoire de la photographie Professor of philosophy, contemporary literature and the history of photography
Dans un livre désormais célèbre, La chambre claire (1980), Roland Barthes se penche sur la question du photographique. Il tente de comprendre ce que la photographie est en soi, ce qui n’appartient qu’à elle. « Ce que la photographie reproduit à l’infini n’a lieu qu’une seule fois : elle répète mécaniquement ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement… » « Une photographie se trouve au bout du geste ; elle dit : ça, c’est ça, c’est tel. » La photographie atteste donc qu’incontestablement, « cela a été », contrairement à la peinture, par exemple, qui n’emporte aucun référent avec elle, qui n’a pas le même rapport au réel. Plus loin, Barthes précise pourtant que « quoiqu’elle donne à voir et quelle que soit sa manière, une photographie est toujours invisible : ce n’est pas elle qu’on voit », ce qui laisserait sous-entendre que le regard serait toujours au-delà de la photographie : son dehors. Ou ce qu’elle engendre de fiction, ce qu’elle contient de potentialités poétiques, de fragments d’imaginaire, au-delà de l’image et grâce à elle. Accepter qu’une photographie soit toujours invisible la libère de la lecture « unaire » ou de la lecture univoque, la rend à sa sauvagerie. Elle permet de refuser la vision nostalgique à laquelle nous invite spontanément cette œuvre. Car il est facile de classer (jeu auquel
In his famous book, La Chambre claire or Camera Lucida (1980), Roland Barthes attempted to understand the nature and essence of photography, what is so unique about it. ‘What the Photograph reproduces to infinity has occurred only once: the Photograph mechanically repeats what could never be repeated existentially’. ‘A photo is a culmination of a gesture. It clearly states: this is this and that is that.’ Essentially, the photo’s undeniable message is ‘that has been’, unlike a painting for example, which contains no referent, which does not have the same relationship to reality. Elsewhere, Barthes stipulates that ‘whatever it grants to vision and whatever its manner, a photograph is always invisible. It is not it that we see’, which implies that the gaze always extends beyond the photo, outside of it. Or what it creates in terms of fiction, what it contains in terms of poetic potentiality, and fragments of the imaginary, beyond the image and because of it. Accepting that a photo is always invisible releases it from any ‘unary’ or univocal reading, returning it to its savage state. It allows us to refuse the nostalgic vision which the photo spontaneously seems to encourage us to have. Because it is easy to categorise (and the photographer also did this) the thousands of negatives that represent over fifty years of work, to
Robert Doisneau
43
Dans un livre désormais célèbre, La chambre claire (1980), Roland Barthes se penche sur la question du photographique. Il tente de comprendre ce que la photographie est en soi, ce qui n’appartient qu’à elle. « Ce que la photographie reproduit à l’infini n’a lieu qu’une seule fois : elle répète mécaniquement ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement… » « Une photographie se trouve au bout du geste ; elle dit : ça, c’est ça, c’est tel. » La photographie atteste donc qu’incontestablement, « cela a été », contrairement à la peinture, par exemple, qui n’emporte aucun référent avec elle, qui n’a pas le même rapport au réel. Plus loin, Barthes précise pourtant que « quoiqu’elle donne à voir et quelle que soit sa manière, une photographie est toujours invisible : ce n’est pas elle qu’on voit », ce qui laisserait sous-entendre que le regard serait toujours au-delà de la photographie : son dehors. Ou ce qu’elle engendre de fiction, ce qu’elle contient de potentialités poétiques, de fragments d’imaginaire, au-delà de l’image et grâce à elle. Accepter qu’une photographie soit toujours invisible la libère de la lecture « unaire » ou de la lecture univoque, la rend à sa sauvagerie. Elle permet de refuser la vision nostalgique à laquelle nous invite spontanément cette œuvre. Car il est facile de classer (jeu auquel
In his famous book, La Chambre claire or Camera Lucida (1980), Roland Barthes attempted to understand the nature and essence of photography, what is so unique about it. ‘What the Photograph reproduces to infinity has occurred only once: the Photograph mechanically repeats what could never be repeated existentially’. ‘A photo is a culmination of a gesture. It clearly states: this is this and that is that.’ Essentially, the photo’s undeniable message is ‘that has been’, unlike a painting for example, which contains no referent, which does not have the same relationship to reality. Elsewhere, Barthes stipulates that ‘whatever it grants to vision and whatever its manner, a photograph is always invisible. It is not it that we see’, which implies that the gaze always extends beyond the photo, outside of it. Or what it creates in terms of fiction, what it contains in terms of poetic potentiality, and fragments of the imaginary, beyond the image and because of it. Accepting that a photo is always invisible releases it from any ‘unary’ or univocal reading, returning it to its savage state. It allows us to refuse the nostalgic vision which the photo spontaneously seems to encourage us to have. Because it is easy to categorise (and the photographer also did this) the thousands of negatives that represent over fifty years of work, to
Robert Doisneau
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Bain Berretrot, Joinville-le-Pont 1934
Saint-Quay-Portrieux 1935
Robert Doisneau
59
Bain Berretrot, Joinville-le-Pont 1934
Saint-Quay-Portrieux 1935
Robert Doisneau
59
Équipe de football de la rue des Panoyaux, Paris 1936
Le saut, Paris 1936
Robert Doisneau
67
Équipe de football de la rue des Panoyaux, Paris 1936
Le saut, Paris 1936
Robert Doisneau
67
Place de la Gare Ă Ivry, 1946
Le clairon du dimanche, Antony 1947
Robert Doisneau
79
Place de la Gare Ă Ivry, 1946
Le clairon du dimanche, Antony 1947
Robert Doisneau
79
La mariée chez Gégène, Joinville-le-Pont 1946
Le garde et les ballons, Paris 1946
Robert Doisneau
87
La mariée chez Gégène, Joinville-le-Pont 1946
Le garde et les ballons, Paris 1946
Robert Doisneau
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Place de la Concorde, Paris 1973
Les piĂŠtons de la Concorde, Paris 1973
Robert Doisneau
131
Place de la Concorde, Paris 1973
Les piĂŠtons de la Concorde, Paris 1973
Robert Doisneau
131
Robert Doisneau
139
Robert Doisneau
139
Robert Doisneau
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Robert Doisneau
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Robert Doisneau
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Robert Doisneau
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Robert Doisneau
157
Robert Doisneau
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Robert Doisneau
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En partenariat avec
CATALOGUE
MASTHEAD CATALOGUE
Direction scientifique
Scientific coordination
Atelier Robert Doisneau et le Musée d’Ixelles
Atelier Robert Doisneau en het Museum van Elsene
Coordination
Coordination
Claire Leblanc, Conservatrice du Musée d’Ixelles
Claire Leblanc, conservatrice van het Museum van Elsene
Auteurs
Authors
Jacques Véry Dominique Dufourny Yves de Jonghe d’Ardoye Claire Leblanc Danielle Leenaerts Virginie Devillers
Jacques Véry Dominique Dufourny Yves de Jonghe d’Ardoye Claire Leblanc Danielle Leenaerts Virginie Devillers
Responsable éditoriale
Editor
Michelle Poskin
Michelle Poskin
Suivi éditorial
Editorial follow-up
Anne Brutsaert, Michelle Poskin
Anne Brutsaert, Michelle Poskin
Traduction en néerlandais
Translation into Dutch
Katrien Meuleman
Katrien Meuleman
Traduction en anglais
Translation into English
Sandy Logan
Sandy Logan
Relectures et corrections
Proofreading and corrections
Catherine Meeùs Conception et réalisation graphique
Catherine Meeùs and David and Jonathan Michaelson
Lisa Boxus, inextenso.be
Design and production
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