LE FANTASME DU SMART CITIZEN : UN CITADIN ENGAGÉ POUR SA VILLE GRÂCE AU DIGITAL • 38
De l’idée que grâce au smartphone, aux civic tech et aux plateformes numériques, le citoyen pourrait davantage participer à la construction de sa ville, est né le fantasme d’un Smart Citizen. Non pas parce que le citadin d’hier n’était pas intelligent, mais plutôt parce que la transformation digitale des villes semble offrir les outils permettant à chacun de vivre une expérience urbaine augmentée. Fini les transports collectifs, téléchargez Uber. Adieu les hôtels et les maisons d’hôtes, bienvenue chez Airbnb. Exit les sondages municipaux, place aux applis de participation citoyenne. Des solutions municipales de crowdsourcing aux installations Smart Homes, les nouveaux services digitaux de la Smart City entraîneraient ainsi une recomposition de la relation du citadin avec sa ville. En partageant consciemment ses données à chaque instant (sur ses déplacements, ses dépenses énergétiques, ses habitudes de consommation, etc.), il contribuerait à en améliorer le fonctionnement et à la transformer. Et ça, même depuis sa trottinette Bolt. Dans la Smart City idéale, nous quittons donc notre rôle passif de consommateurs de l’urbain pour en devenir de véritables acteurs, prêts à formuler des idées, s’engager, donner du temps (et des données !) au service d’une ville plus humaine et inclusive. Voilà la vision fantasmée du Smart Citizen. Tout au long de ce voyage, nous avons donc testé les outils digitaux appelant les citadins à jouer un rôle plus important dans leur ville. Et partout, la réalité du terrain nous a démontré que les nouvelles technologies ne sont pas des solutions miracles pour rendre le citoyen acteur de l’urbain. C’est ainsi qu’à Medellín, nous avons découvert une plateforme de participation citoyenne fantôme, qu’à Toronto, nous avons été témoins de la position ambigüe des citadins vis-à-vis de l’utilisation de leurs données personnelles, et qu’à Rio, nous avons constaté que les nouveaux services digitaux ne sont pas adoptés automatiquement. À chaque fois, ce Smart Citizen qui collabore, donne de son temps, partage consciemment ses données ou tout simplement utilise les outils à sa disposition, s’est révélé être un mythe.