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Ro N Mueck : co R ps et ÂM es

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Washing Town

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extR ait de L’ouvR age

Dead Dad, l’une des premières œuvres de Mueck, a immédiatement imposé la singularité de l’artiste, pas seulement dans son attachement maniaque à reproduire les moindres poils, pores, muscles ou rides qui font la spécificité d’un visage et d’un corps, mais aussi dans son parti pris de réduction des dimensions humaines standard à une taille artificielle inquiétante. On retrouve cette même vision dans chacune des sculptures de Mueck. L’artiste devient une sorte de Frankenstein moderne, créateur d’un univers personnel peuplé d’humanoïdes qui tout à la fois reflètent notre image et nous transforment en créatures étranges. Mais, tout comme les inventions des artistes les plus bizarres et les plus singuliers – William Blake, par exemple –, les créatures de Ron Mueck peuvent aussi être rattachées à différentes traditions, passées ou présentes. Pour ce qui est du présent, elles vont rejoindre la cohorte des êtres humains de synthèse engendrés par des artistes contemporains comme autant de réponses à un monde où les répliques de toutes sortes (qu’elles soient électroniques ou biologiques : photocopie ou brebis clonée) saturent notre expérience et brouillent la frontière entre original et copie, entre naturel et artificiel.

Cette tendance au fac-similé humain a été identifiée et nommée en 1992 avec Post Human, une exposition majeure organisée par Jeffrey Deitch. Une tendance dont la figure de proue serait Duane Hanson, mais qui peut englober bien d’autres artistes plus jeunes, de Damien Hirst à Martin Kippenberger et qui, au-delà, trouve des échos dans notre désir constant d’intervenir sur nos visages et nos corps par le biais de la chirurgie esthétique, avec pour résultat des bizarreries comme le physique irréel de Michael Jackson. L’œuvre de Mueck a tout à fait sa place parmi ces artistes, de plus en plus nombreux, qui sont passés du langage artificiel de l’abstraction à celui, non moins artificiel, du réalisme. Des artistes qui, comme les anciens maîtres, proposent des variations si personnelles sur le thème de la reproduction à l’identique et en trois dimensions du corps humain que l’on reconnaît aussitôt leur marque de fabrique. De même, ce groupe hétérogène d’artistes couvre un large éventail de types humains et d’expériences.

Robert Rosenblum (1927-2006) était historien de l’art, professeur et commissaire d’expositions. Spécialiste de l’art français des XVIIIe et XIXe siècles, il a publié et contribué à de nombreux ouvrages. À partir de 1996 et jusqu’à sa mort en 2006, il a été conservateur pour l’art du XXe siècle au Guggenheim Museum de New York, où il a notamment organisé des expositions majeures telles que 1900: Art at the Crossroads en 2000, ou encore la première rétrospective consacrée à Norman Rockwell dans une institution américaine en 2001.

: 978-2-330-17945-8

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