Wallenhorst
Les sociétés humaines sont tributaires des glaciers, de la Grande Barrière de corail, des calottes glaciaires arctique et antarctique, des forêts du bassin amazonien comme des forêts tropicales africaines, mais aussi du Gulf Stream ou encore du permafrost… La vie humaine en société, nos existences mêmes, sont tissées de ces mille fils qui nous relient au “système Terre”. Ces fils sont à comprendre, entretenir, régénérer.
Les savoirs scientifiques sur le système Terre sont encore très largement inconnus. Trop peu d’entre nous sont en mesure d’expliciter les articulations entre le climat, la biosphère et les sociétés, les trois ensembles imbriqués du système Terre dont les processus respectifs (emballement, effondrement, accélération) sont structurants pour l’avenir.
Cette collection cherche à mettre ces savoirs au cœur de la Cité. Les connaissances académiques étant majoritairement disponibles en anglais, elle consiste dans la traduction d’articles scientifiques et leur analyse par un chercheur francophone. Le tout de façon super accessible ! Pour que personne, pas même nos dirigeants, ne puissent dire qu’ils ne savaient pas.
© ACTES SUD, 2025
ISBN 978-2-3302-0431-0
Au-dessus du gouffre
Extinction du vivant et responsabilité
politique
BRUNO VILLALBA
sommaire
Avant-propos
PREMIÈRE PARTIE :
L’article scientifique traduit
Au bord du gouffre : la crise de l’extinction et le futur de l’humanité de Rodolfo Dirzo et ses collègues 11
Une sixième extinction massive : le contexte
Les moteurs de la perte de la biodiversité : un réseau de synergies sous-estimé
Indicateurs de la crise actuelle de la biodiversité
La crise de l’extinction : l’intersection de deux systèmes adaptatifs complexes
Déclin des populations et extinction : au cœur de l’extinction massive imminente
Mesures pouvant être prises pour ralentir le rythme des extinctions de populations
En fin de compte, un remède simple : réduire l’échelle de l’entreprise humaine
SECONDE PARTIE :
Au-dessus du gouffre.
Extinction du vivant et responsabilité politique de Bruno Villalba 29
Hier encore, au bord du gouffre
Quantifier la disparition du vivant
L’extinction dans l’Anthropocène
Agir pour les mondes vivants
Conclusion Maintenir l’imprévisibilité du vivant
Vocabulaire
Pour en savoir plus Remerciements
avant - propos
Dans un article de 2022, “Circling the Drain: the Extinction Crisis and the Future of Humanity”(Phil. Trans. R. Soc., 2022, B377:20210378), Rodolfo Dirzo, Gerardo Ceballos et Paul R. Ehrlich dressent un constat clinique de la situation catastrophique du vivant à l’échelle planétaire. “Circling the drain” peut se comprendre dans un triple sens, à la fois “faire le tour d’une question”, mais aussi “être au bord du gouffre” (se balancer au bord de l’abysse…), ainsi que l’expression d’une inaction, le fait d’aller nulle partI. L’expression sonne comme un avertissement et une proposition à la réflexion.
L’avertissement est porté par trois personnalités importantes. Rodolfo Dirzo en est le premier auteur (ce qui signifie qu’il est le principal contributeur). Il est professeur en sciences de l’environnement à Stanford et chercheur principal au Stanford Woods Institute for the Environment. Par ailleurs, il ne cache pas ses activités de défenseur de l’environnement. Gerardo Ceballos est directeur de recherche à l’institut de l’écologie de l’Université nationale autonome du Mexique (Unam), écologiste et défenseur de l’environnement. Enfin, Paul R. Ehrlich est le cofondateur, avec Peter H. Raven, du domaine de la coévolution, à la suite d’études sur la structure, la dynamique et la génétique des populations* II naturelles de papillons. Pour la première fois aujourd’hui, estiment-ils, un effondrement global semble probable. La surpopulation, la surconsommation des riches et les mauvais choix technologiques en sont les principaux facteursIII . Les auteurs n’hésitent pas à pointer les principaux responsables – ce qui n’est pas fréquent dans la littérature scientifique. Enfin, ils proposent des pistes de solution politiques. Alors que le dérèglement climatique s’impose enfin dans le débat public, il nous faudra donc gérer,
I- Je remercie Ben Engel, le traducteur, pour ses précisions bienvenues. II- Les mots et expressions en italique suivis d’un astérisque sont définis dans la partie “Vocabulaire” à la fin de l’ouvrage. III- Paul R. Ehrlich et Anne H. Ehrlich, The Dominant Animal: Human Evolution and the Environment, Island Press, Washington dc, 2008.
en même temps, les conséquences de cette disparition des “autres compagnons vivants” (living companions) selon leur expression. À partir d’une évaluation scientifique sur l’évolution du vivant sur la planète, les auteurs estiment que nous devrions construire un changement culturel radical et global afin d’éviter la fin de l’humanité. Rien de moins. Nous sommes au-dessus du gouffre : l’extinction des mondes vivants s’intensifie chaque jour. Décideurs, capitalistes et simples citoyens (c’est-à-dire nous tous) ne peuvent plus faire comme si cette priorité n’en était pas une.