Extrait de "L'Orient romain et byzantin au Louvre"

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L’Orient romain et byzantin au Louvre

C

Chaque année, des millions de visiteurs se pressent au Louvre, en quête de sens et d’histoire autant que de beauté. Pour répondre à cette double attente, le musée propose une nouvelle approche des civilisations antiques. Neuf salles dédiées à l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain rendent à présent hommage aux cultures qui se sont développées à l’époque où Rome était toute-puissante et régnait sur le pourtour de la Méditerranée (aujourd’hui Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Syrie, Territoires palestiniens et Turquie). De la conquête progressive de ces contrées par Rome, à partir du Ier siècle av. J.-C. jusqu’à la fin du IVe siècle, moment où l’Empire romain d’Orient devient byzantin, de profondes mutations, annonciatrices de la fin de l’Antiquité, se mettent en place, au premier rang desquelles le développement du christianisme. Multiples et différentes, résultant de mélanges d’influences plus de trois fois millénaires, ces provinces orientales ont pour point commun l’émergence d’expressions artistiques, de croyances et de pratiques culturelles relevant autant des civilisations ancestrales que de l’héritage grec et romain. Sculptures, peintures, mosaïques, éléments d’architecture, orfèvrerie, textiles, auxquels sont associés les témoignages tardifs de l’Égypte copte, illustrent cette floraison artistique. Replacées dans leur contexte par des spécialistes, ces œuvres prennent sens. Elles nous aident à comprendre ces vastes territoires aux innombrables facettes et valorisent l’une des plus belles collections consacrées à l’Orient romain et byzantin.

L’Orient romain et byzantin au Louvre

: 978-2-330-00748-5

9 782330 007485 Prix : 39 € www.actes-sud.fr

ACTES SUD

ACTES SUD


POPULATIONS ET MODE DE VIE


POPULATIONS ET MODE DE VIE


85

Villes, cités et cadre de vie gréco-romain Pierre-Louis Gatier

Double page précédente : Portique du théâtre d’Antinoé, Description de l’Égypte (Antiquités iv), pl. LV Fig. 48 Statue d’éphèbe dit « Narcisse » iie siècle apr. J.-C. Environs de Xois (Égypte) Marbre H. : 112 cm ; l. : 43 cm ; ép. : 33 cm DAGER, achat, 1894, Ma 457

Au début de la période romaine, l’Égypte et la Syrie présentent deux visages bien différents. Les deux régions, où il existe un réseau de villes souvent anciennes, se distinguent par la place qu’y occupent les cités. Le terme de cité, qui ne s’applique pas à toutes les villes, signale en effet un certain degré d’autonomie. Une cité de type grec (polis) dispose d’institutions qui organisent des magistratures exercées par ses notables et une représentation plus ou moins formelle de ses citoyens, sous la forme d’une assemblée et d’un conseil. Les cités sont composées d’un chef-lieu et d’un territoire civique qui en dépend, où se trouvent des villages et parfois des bourgs. Dans le domaine des lois et règlements, dans celui de la justice, de la police et de la fiscalité interne, elles s’administrent elles-mêmes, du moins dans la mesure où le pouvoir royal puis impérial le tolère. À la période hellénistique, les Séleucides ont eu dans leur domaine syrien une politique active de fondation d’établissements militaires destinés à accueillir des colons grecs et à contrôler des territoires. Beaucoup de ces établissements ont reçu le statut de cité, dès l’origine ou par la suite. De même, des cités indigènes plus anciennes, comme celles de Phénicie qui disposaient d’institutions propres, ont adopté progressivement le modèle institutionnel grec. Par ailleurs, d’autres types d’organisation ont subsisté, sous la forme de communautés ethniques ou tribales reconnues ou sous celle d’une administration directe par les agents royaux. Quant aux Lagides qui ont favorisé l’établissement de colons grecs en Égypte comme dans leurs autres possessions, ils n’ont pratiquement pas fondé de cités, à l’opposé des Séleucides. Certes, leur capitale, Alexandrie, est une cité grecque, mais fondée par Alexandre le Grand. Il n’y a dans l’Égypte lagide que deux autres cités grecques : Naucratis, ancien comptoir fréquenté par les Grecs, devenu une cité probablement du fait d’Alexandre, et Ptolémaïs, fondée par Ptolémée Ier en Thébaïde. Alexandrie, Naucratis, Ptolémaïs et les cités de Syrie ont connu un fort contrôle royal qui n’a pas empêché une authentique vie


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Villes, cités et cadre de vie gréco-romain Pierre-Louis Gatier

Double page précédente : Portique du théâtre d’Antinoé, Description de l’Égypte (Antiquités iv), pl. LV Fig. 48 Statue d’éphèbe dit « Narcisse » iie siècle apr. J.-C. Environs de Xois (Égypte) Marbre H. : 112 cm ; l. : 43 cm ; ép. : 33 cm DAGER, achat, 1894, Ma 457

Au début de la période romaine, l’Égypte et la Syrie présentent deux visages bien différents. Les deux régions, où il existe un réseau de villes souvent anciennes, se distinguent par la place qu’y occupent les cités. Le terme de cité, qui ne s’applique pas à toutes les villes, signale en effet un certain degré d’autonomie. Une cité de type grec (polis) dispose d’institutions qui organisent des magistratures exercées par ses notables et une représentation plus ou moins formelle de ses citoyens, sous la forme d’une assemblée et d’un conseil. Les cités sont composées d’un chef-lieu et d’un territoire civique qui en dépend, où se trouvent des villages et parfois des bourgs. Dans le domaine des lois et règlements, dans celui de la justice, de la police et de la fiscalité interne, elles s’administrent elles-mêmes, du moins dans la mesure où le pouvoir royal puis impérial le tolère. À la période hellénistique, les Séleucides ont eu dans leur domaine syrien une politique active de fondation d’établissements militaires destinés à accueillir des colons grecs et à contrôler des territoires. Beaucoup de ces établissements ont reçu le statut de cité, dès l’origine ou par la suite. De même, des cités indigènes plus anciennes, comme celles de Phénicie qui disposaient d’institutions propres, ont adopté progressivement le modèle institutionnel grec. Par ailleurs, d’autres types d’organisation ont subsisté, sous la forme de communautés ethniques ou tribales reconnues ou sous celle d’une administration directe par les agents royaux. Quant aux Lagides qui ont favorisé l’établissement de colons grecs en Égypte comme dans leurs autres possessions, ils n’ont pratiquement pas fondé de cités, à l’opposé des Séleucides. Certes, leur capitale, Alexandrie, est une cité grecque, mais fondée par Alexandre le Grand. Il n’y a dans l’Égypte lagide que deux autres cités grecques : Naucratis, ancien comptoir fréquenté par les Grecs, devenu une cité probablement du fait d’Alexandre, et Ptolémaïs, fondée par Ptolémée Ier en Thébaïde. Alexandrie, Naucratis, Ptolémaïs et les cités de Syrie ont connu un fort contrôle royal qui n’a pas empêché une authentique vie


Populations et mode de vie

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L

A BIJOUTERIE ÉGYPTIENNE

Au regard des témoignages qu’ils nous ont laissés, l’époque augustéenne et le début de la période impériale paraissent, vus d’Égypte, avoir été marqués par un nouvel essor de la production de bijoux, ainsi que par une relative créativité qui prend sa source dans l’héritage hellénistique et ptolémaïque. Inconnue avant la conquête d’Alexandre le Grand, en 332 av. J.-C., la bijouterie serpentiforme en est un parfait exemple. Contrairement aux autres composantes de la bijouterie animalière – à têtes ou protomés d’animaux –, elle a connu un pic de popularité au cours de la période qui s’étend de la fin du ier siècle av. J.-C. à la fin du ier siècle apr. J.-C. Aux côtés des bagues et des bracelets spiralés, on remarque la réapparition des modèles penannulaires (fig. 108b), et un grand intérêt porté à ceux qui sont pourvus de deux têtes (fig. 108a), dont l’origine pourrait être égyptienne. Le naturalisme hellénistique, bien que très amoindri, imprègne encore l’ensemble de la production romaine. Le corps sinueux de l’une des bagues du Louvre (fig. 109), constitué de deux fils d’or massifs qui ondulent et s’entrelacent, est un rappel des productions antérieures et un témoignage de cette époque de transition. La bijouterie serpentiforme égyptienne se distingue néanmoins de celles du reste du Bassin méditerranéen par un petit détail de fabrication : la représentation des écailles. Depuis la fin de la période ptolémaïque, elles sont toujours de forme losangique, déterminées par un quadrillage composé de lignes diagonales entrecroisées. La qualité du travail est très variable mais, qu’il s’agisse de bijoux massifs ou en or creux, le concept est généralement respecté, pour peu que le bijou s’y prête. En comparaison, les pièces contemporaines de la région du Vésuve sont ornées le plus souvent d’écailles en ogive ou en V – des formes déjà en usage au iiie siècle av. J.-C. Le quadrillage losangique n’y est pourtant pas totalement inconnu, mais son utilisation diffère. Signalons également qu’en Égypte, les cinq grandes écailles situées au sommet du crâne ont des contours parfaitement délimités, pour un rendu très géométrique. Ce décor était généralement à peine esquissé sur les bijoux hellénistiques. Ces caractéristiques, la bijouterie serpentiforme égyptienne les conservera jusqu’au terme de la période romaine (fig. 111a), alors qu’elle semble de moins en moins prisée à partir du iie siècle. Néanmoins, l’engouement qu’elle a suscité au ier siècle a généré des types nouveaux, comme les bagues serpentiformes à égide. Avec leur corps spiralé terminé par des bustes de divinité, principalement Isis et Sarapis, elles dérivent d’une forme plus simple : la bague à égide. Celle-ci trouve son origine probable en Égypte, dès la Basse Époque, si ce n’est plus tôt encore. Au-delà de leurs qualités décoratives évidentes, les vertus apotropaïques concédées à ces bijoux sont nombreuses. Symbole d’immortalité, de guérison, de fécondité, ce qui en faisait un ornement féminin par excellence, le serpent était aussi le sacer Isidi, l’animal sacré de la déesse Isis, dont le culte a connu un succès grandissant depuis la période hellénistique. La recherche d’une protection contre les maux de toute nature explique d’ailleurs l’utilisation de très anciennes amulettes, qui continuent d’être employées en Égypte comme dans les autres provinces romaines : la bulla, le cylindre porte-amulette, le naos orné de bustes divins ou encore la lunule (fig. 111b et 114). Le ménisque, autre nom de la lunule, est un symbole sumérien (IIIe millénaire av. J.-C.), et pouvait être porté aussi bien par les êtres humains – essentiellement femmes et enfants – que par les animaux. Les portraits

Fig. 108 Bracelets a. Bracelet serpentiforme ier siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé et ciselé D. : 8,2 cm ; ép. : 2,1 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27197 b. Bracelet penannulaire à têtes de serpent ier siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé et ciselé D. : 8,2 cm ; ép. : 0,9 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27196 Fig. 109 Bague à têtes de serpent ier siècle av. J.-C.ier siècle apr. J.-C. Égypte Or martelé et ciselé, pierres semi-précieuses D. : 2,1 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27191


Populations et mode de vie

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A BIJOUTERIE ÉGYPTIENNE

Au regard des témoignages qu’ils nous ont laissés, l’époque augustéenne et le début de la période impériale paraissent, vus d’Égypte, avoir été marqués par un nouvel essor de la production de bijoux, ainsi que par une relative créativité qui prend sa source dans l’héritage hellénistique et ptolémaïque. Inconnue avant la conquête d’Alexandre le Grand, en 332 av. J.-C., la bijouterie serpentiforme en est un parfait exemple. Contrairement aux autres composantes de la bijouterie animalière – à têtes ou protomés d’animaux –, elle a connu un pic de popularité au cours de la période qui s’étend de la fin du ier siècle av. J.-C. à la fin du ier siècle apr. J.-C. Aux côtés des bagues et des bracelets spiralés, on remarque la réapparition des modèles penannulaires (fig. 108b), et un grand intérêt porté à ceux qui sont pourvus de deux têtes (fig. 108a), dont l’origine pourrait être égyptienne. Le naturalisme hellénistique, bien que très amoindri, imprègne encore l’ensemble de la production romaine. Le corps sinueux de l’une des bagues du Louvre (fig. 109), constitué de deux fils d’or massifs qui ondulent et s’entrelacent, est un rappel des productions antérieures et un témoignage de cette époque de transition. La bijouterie serpentiforme égyptienne se distingue néanmoins de celles du reste du Bassin méditerranéen par un petit détail de fabrication : la représentation des écailles. Depuis la fin de la période ptolémaïque, elles sont toujours de forme losangique, déterminées par un quadrillage composé de lignes diagonales entrecroisées. La qualité du travail est très variable mais, qu’il s’agisse de bijoux massifs ou en or creux, le concept est généralement respecté, pour peu que le bijou s’y prête. En comparaison, les pièces contemporaines de la région du Vésuve sont ornées le plus souvent d’écailles en ogive ou en V – des formes déjà en usage au iiie siècle av. J.-C. Le quadrillage losangique n’y est pourtant pas totalement inconnu, mais son utilisation diffère. Signalons également qu’en Égypte, les cinq grandes écailles situées au sommet du crâne ont des contours parfaitement délimités, pour un rendu très géométrique. Ce décor était généralement à peine esquissé sur les bijoux hellénistiques. Ces caractéristiques, la bijouterie serpentiforme égyptienne les conservera jusqu’au terme de la période romaine (fig. 111a), alors qu’elle semble de moins en moins prisée à partir du iie siècle. Néanmoins, l’engouement qu’elle a suscité au ier siècle a généré des types nouveaux, comme les bagues serpentiformes à égide. Avec leur corps spiralé terminé par des bustes de divinité, principalement Isis et Sarapis, elles dérivent d’une forme plus simple : la bague à égide. Celle-ci trouve son origine probable en Égypte, dès la Basse Époque, si ce n’est plus tôt encore. Au-delà de leurs qualités décoratives évidentes, les vertus apotropaïques concédées à ces bijoux sont nombreuses. Symbole d’immortalité, de guérison, de fécondité, ce qui en faisait un ornement féminin par excellence, le serpent était aussi le sacer Isidi, l’animal sacré de la déesse Isis, dont le culte a connu un succès grandissant depuis la période hellénistique. La recherche d’une protection contre les maux de toute nature explique d’ailleurs l’utilisation de très anciennes amulettes, qui continuent d’être employées en Égypte comme dans les autres provinces romaines : la bulla, le cylindre porte-amulette, le naos orné de bustes divins ou encore la lunule (fig. 111b et 114). Le ménisque, autre nom de la lunule, est un symbole sumérien (IIIe millénaire av. J.-C.), et pouvait être porté aussi bien par les êtres humains – essentiellement femmes et enfants – que par les animaux. Les portraits

Fig. 108 Bracelets a. Bracelet serpentiforme ier siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé et ciselé D. : 8,2 cm ; ép. : 2,1 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27197 b. Bracelet penannulaire à têtes de serpent ier siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé et ciselé D. : 8,2 cm ; ép. : 0,9 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27196 Fig. 109 Bague à têtes de serpent ier siècle av. J.-C.ier siècle apr. J.-C. Égypte Or martelé et ciselé, pierres semi-précieuses D. : 2,1 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27191


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Fig. 112 Masque plastron de femme iiie siècle apr. J.-C. Antinoé (Égypte) Stuc peint et doré H. : 61 cm ; L. : 33 cm ; l. : 23 cm DAE, transfert du musée Guimet (mission A. Gayet), E 21360

Les bijoux

et des assemblages offre une infinie variété de modèles qui semble aller de pair avec une augmentation du nombre de colliers représentés sur les portraits funéraires (fig. 112) – que cette augmentation soit réelle ou bien le résultat d’un embellissement. Si la polychromie est l’aspect le plus visible de l’influence orientale, elle se fait plus prégnante encore avec des colliers singuliers et rares, comme celui qui est représenté sur le masque plastron en stuc (fig. 112). Il est pourvu de trois pendentifs, une ornementation que l’on retrouve sur des bijoux – colliers, broches, etc. – parthes puis palmyréniens. Les pendants et les boucles d’oreilles, porteurs d’une ou plusieurs perles, sont plus ou moins coordonnés avec le reste de la parure. Les modèles les plus emblématiques du Haut-Empire sont suspendus par un crochet en S, notamment celui que Pline nomma crotalia, et dont la barrette horizontale peut recevoir jusqu’à quatre pendeloques terminées le plus souvent par une perle de nacre (fig. 115a). Évolution d’un modèle à pendeloque unique (fig. 115b), ils préfigurent des versions plus ostentatoires, riches d’une grande variété d’éléments – perles ajourées en or, motifs tronconiques, perles de couleur ou de nacre, etc. – et annoncent une nouvelle bijouterie, celle de l’époque byzantine.

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Fig. 113 Bracelets a. Bracelet à corps plat à fermoir réglable iiie siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé à chaud D. : 7,5 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27181 b. Bracelet à fermoir réglable à décor de spirales iiie siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé à chaud D. : 6,9 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27183

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Fig. 114 Pendentif en forme de ménisque orné d’un uraeus ier siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé, ciselé, granulation H. : 3,15 cm ; l. : 2,8 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27173 Fig. 115 Paires de pendants d’oreilles à pendeloque(s) a. ier-iie siècle apr. J.-C. Égypte Or martelé. H. : 3,2 cm DAE, achat, 1868 (collection J. RoussetBey), E 4953 b. ier siècle av. J.-C.ier siècle apr. J.-C. Égypte Or martelé et perles H. : 3,3 cm ; l. : 1,17 cm DAE, legs Curtis, 1938, E 22867


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Fig. 112 Masque plastron de femme iiie siècle apr. J.-C. Antinoé (Égypte) Stuc peint et doré H. : 61 cm ; L. : 33 cm ; l. : 23 cm DAE, transfert du musée Guimet (mission A. Gayet), E 21360

Les bijoux

et des assemblages offre une infinie variété de modèles qui semble aller de pair avec une augmentation du nombre de colliers représentés sur les portraits funéraires (fig. 112) – que cette augmentation soit réelle ou bien le résultat d’un embellissement. Si la polychromie est l’aspect le plus visible de l’influence orientale, elle se fait plus prégnante encore avec des colliers singuliers et rares, comme celui qui est représenté sur le masque plastron en stuc (fig. 112). Il est pourvu de trois pendentifs, une ornementation que l’on retrouve sur des bijoux – colliers, broches, etc. – parthes puis palmyréniens. Les pendants et les boucles d’oreilles, porteurs d’une ou plusieurs perles, sont plus ou moins coordonnés avec le reste de la parure. Les modèles les plus emblématiques du Haut-Empire sont suspendus par un crochet en S, notamment celui que Pline nomma crotalia, et dont la barrette horizontale peut recevoir jusqu’à quatre pendeloques terminées le plus souvent par une perle de nacre (fig. 115a). Évolution d’un modèle à pendeloque unique (fig. 115b), ils préfigurent des versions plus ostentatoires, riches d’une grande variété d’éléments – perles ajourées en or, motifs tronconiques, perles de couleur ou de nacre, etc. – et annoncent une nouvelle bijouterie, celle de l’époque byzantine.

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Fig. 113 Bracelets a. Bracelet à corps plat à fermoir réglable iiie siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé à chaud D. : 7,5 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27181 b. Bracelet à fermoir réglable à décor de spirales iiie siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé à chaud D. : 6,9 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27183

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Fig. 114 Pendentif en forme de ménisque orné d’un uraeus ier siècle apr. J.-C. Égypte Or moulé, ciselé, granulation H. : 3,15 cm ; l. : 2,8 cm DAE, legs M. Parcq, 1978, E 27173 Fig. 115 Paires de pendants d’oreilles à pendeloque(s) a. ier-iie siècle apr. J.-C. Égypte Or martelé. H. : 3,2 cm DAE, achat, 1868 (collection J. RoussetBey), E 4953 b. ier siècle av. J.-C.ier siècle apr. J.-C. Égypte Or martelé et perles H. : 3,3 cm ; l. : 1,17 cm DAE, legs Curtis, 1938, E 22867


Populations et mode de vie

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L

L’entretien des gymnases, des théâtres, des thermes ainsi que l’organisation des spectacles et des concours étaient pris en charge par des évergètes, c’est-à-dire de riches notables qui acceptaient de mettre une partie de leur fortune à la disposition des cités. Les foules se pressaient pour assister aux combats de gladiateurs et d’animaux. Les concours étaient tout aussi prisés ; ils pouvaient être athlétiques ou littéraires et musicaux. Les vainqueurs en retiraient gloire et richesse grâce aux primes et aux cadeaux qu’ils recevaient (fig. 50 et 304). Une danseuse nommée Helladia est connue à l’époque de Justinien pour son art, loué tant en Orient qu’en Occident. C’est probablement à elle que fut offert comme prix le peigne en ivoire retrouvé à Antinoé (fig. 95). Une inscription en grec atteste d’ailleurs qu’elle dut se produire dans l’hippodrome de la cité : « Vive la Fortune d’Helladia et des Bleus. Amen » ; une telle invocation appelle les faveurs de la Fortune sur Helladia et sur la faction des Bleus. Cette acclamation bien connue dans le monde romain puis byzantin fait allusion aux conflits qui opposèrent les factions de l’hippodrome jusqu’au Moyen Âge : les Bleus et les Verts principalement, les Blancs et les Rouges faisant cause commune avec chacune des deux autres. Les factions étaient des associations de « supporters » qui possédaient des écuries et des cochers ; elles recrutaient des gladiateurs ou des acteurs pour assurer des intermèdes sous la forme de concours (fig. 286). Trois personnages finement sculptés semblent porter des masques, ce qui pourrait les identifier à des acteurs de théâtre ou à des mimes, très appréciés, qui étaient des professionnels itinérants concourant régulièrement.

Les loisirs Marie-Hélène Rutschowscaya

Les Jeux Les jeux individuels et collectifs d’adresse ou de hasard ainsi que les jouets d’enfants montrent qu’un certain nombre de distractions ressemblaient fort à celles d’aujourd’hui. Les jeux de dés étaient à la fois un divertissement gratuit et un jeu d’argent. Comme de nos jours, les plus courants sont de forme cubique, mais ils peuvent aussi être en forme de polyèdres ou de bâtons. Bien que la plupart soient en os, d’autres sont dans des matériaux très divers. Ils faisaient également partie de tables à jeux sur lesquelles les joueurs déplaçaient des pions ou des fiches insérées dans des trous (fig. 116). Héritiers du jeu des « 58 trous », deux jeux de ce type, remontant à l’époque byzantine, ont été retrouvés en Égypte. Ils ont conservé une grande partie de leur placage en ivoire ; au revers a été aménagée une cavité fermée par un couvercle coulissant, destinée à garder les fiches et les pions ; ces derniers étaient de matières et de formes très variées, humaines, divines, animales, ou tout simples comme des jetons. les Jouets Lorsqu’elles sont montées sur de petites roulettes, les figurines, tels les chevaux surmontés de leur cavalier ou d’autres animaux, sont très facilement identifiables à des jouets traînés par des enfants, et plus précisément plutôt par des garçons (fig. 121). Pour les filles, l’éternelle poupée est reconnaissable à ses membres articulés, permettant de la manipuler et de la faire vivre. Cependant, parmi toutes les figurines représentant des animaux ou des personnages, la distinction est très difficile à déterminer entre un objet ludique et un objet religieux. Peut-être même l’utilisation n’en était-elle arrêtée qu’au moment de l’achat (fig. 122) ?

Fig. 116 a. Jeu de société Époque byzantine Antinoé, tombe de Thaias Bois de tamaris et os H. : 3,1 cm ; L. : 19,5 cm ; l. : 5,3 cm DAE, acquis en 19001901 (mission A. Gayet), E 21041 b. Dé cubique Époque romaine, byzantine ou islamique Égypte Os H. : 1,3 cm, côté : 1,2 cm DAE, legs Raymond Weill, 1950, E 27928 c. Deux jetons Époque romaine, byzantine ou islamique Égypte Os H. : 0,6 cm ; D. : 1,6 cm DAE, achat, 1925, E 11717 a et g d. Dé oblong Époque romaine ou byzantine Égypte Os H. : 0,7 cm ; L. : 7,8 cm ; l. : 1,1 cm DAE, achat 1852 (collection A. B. ClotBey), N 1793 e. Dé oblong Époque romaine ou byzantine Antinoé Os H. : 1 cm ; L. : 5 cm ; l. : 0,9 cm DAE, acquis en 1907 (mission A. Gayet), E 12613


Populations et mode de vie

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L’entretien des gymnases, des théâtres, des thermes ainsi que l’organisation des spectacles et des concours étaient pris en charge par des évergètes, c’est-à-dire de riches notables qui acceptaient de mettre une partie de leur fortune à la disposition des cités. Les foules se pressaient pour assister aux combats de gladiateurs et d’animaux. Les concours étaient tout aussi prisés ; ils pouvaient être athlétiques ou littéraires et musicaux. Les vainqueurs en retiraient gloire et richesse grâce aux primes et aux cadeaux qu’ils recevaient (fig. 50 et 304). Une danseuse nommée Helladia est connue à l’époque de Justinien pour son art, loué tant en Orient qu’en Occident. C’est probablement à elle que fut offert comme prix le peigne en ivoire retrouvé à Antinoé (fig. 95). Une inscription en grec atteste d’ailleurs qu’elle dut se produire dans l’hippodrome de la cité : « Vive la Fortune d’Helladia et des Bleus. Amen » ; une telle invocation appelle les faveurs de la Fortune sur Helladia et sur la faction des Bleus. Cette acclamation bien connue dans le monde romain puis byzantin fait allusion aux conflits qui opposèrent les factions de l’hippodrome jusqu’au Moyen Âge : les Bleus et les Verts principalement, les Blancs et les Rouges faisant cause commune avec chacune des deux autres. Les factions étaient des associations de « supporters » qui possédaient des écuries et des cochers ; elles recrutaient des gladiateurs ou des acteurs pour assurer des intermèdes sous la forme de concours (fig. 286). Trois personnages finement sculptés semblent porter des masques, ce qui pourrait les identifier à des acteurs de théâtre ou à des mimes, très appréciés, qui étaient des professionnels itinérants concourant régulièrement.

Les loisirs Marie-Hélène Rutschowscaya

Les Jeux Les jeux individuels et collectifs d’adresse ou de hasard ainsi que les jouets d’enfants montrent qu’un certain nombre de distractions ressemblaient fort à celles d’aujourd’hui. Les jeux de dés étaient à la fois un divertissement gratuit et un jeu d’argent. Comme de nos jours, les plus courants sont de forme cubique, mais ils peuvent aussi être en forme de polyèdres ou de bâtons. Bien que la plupart soient en os, d’autres sont dans des matériaux très divers. Ils faisaient également partie de tables à jeux sur lesquelles les joueurs déplaçaient des pions ou des fiches insérées dans des trous (fig. 116). Héritiers du jeu des « 58 trous », deux jeux de ce type, remontant à l’époque byzantine, ont été retrouvés en Égypte. Ils ont conservé une grande partie de leur placage en ivoire ; au revers a été aménagée une cavité fermée par un couvercle coulissant, destinée à garder les fiches et les pions ; ces derniers étaient de matières et de formes très variées, humaines, divines, animales, ou tout simples comme des jetons. les Jouets Lorsqu’elles sont montées sur de petites roulettes, les figurines, tels les chevaux surmontés de leur cavalier ou d’autres animaux, sont très facilement identifiables à des jouets traînés par des enfants, et plus précisément plutôt par des garçons (fig. 121). Pour les filles, l’éternelle poupée est reconnaissable à ses membres articulés, permettant de la manipuler et de la faire vivre. Cependant, parmi toutes les figurines représentant des animaux ou des personnages, la distinction est très difficile à déterminer entre un objet ludique et un objet religieux. Peut-être même l’utilisation n’en était-elle arrêtée qu’au moment de l’achat (fig. 122) ?

Fig. 116 a. Jeu de société Époque byzantine Antinoé, tombe de Thaias Bois de tamaris et os H. : 3,1 cm ; L. : 19,5 cm ; l. : 5,3 cm DAE, acquis en 19001901 (mission A. Gayet), E 21041 b. Dé cubique Époque romaine, byzantine ou islamique Égypte Os H. : 1,3 cm, côté : 1,2 cm DAE, legs Raymond Weill, 1950, E 27928 c. Deux jetons Époque romaine, byzantine ou islamique Égypte Os H. : 0,6 cm ; D. : 1,6 cm DAE, achat, 1925, E 11717 a et g d. Dé oblong Époque romaine ou byzantine Égypte Os H. : 0,7 cm ; L. : 7,8 cm ; l. : 1,1 cm DAE, achat 1852 (collection A. B. ClotBey), N 1793 e. Dé oblong Époque romaine ou byzantine Antinoé Os H. : 1 cm ; L. : 5 cm ; l. : 0,9 cm DAE, acquis en 1907 (mission A. Gayet), E 12613


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Fig. 118 Castagnette Époque byzantine Égypte Bois de tamaris L. : 9,9 cm ; l. : 6,3 cm ; ép. : 2,3 cm DAE, mode d’acquisition inconnu, E 21296

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Fig. 119 Cliquette Époque byzantine Égypte Os L. : 17 cm ; l. : 2,7 cm DAE, achat, 1928, E 13512 ; acquis en 1948 (transfert du musée Guimet), E 21272 et E 21275

Fig. 121 Cavalier Époque byzantine Égypte Bois de tamaris ; bois de liquidambar (essieu avant) H. : 15,8 cm ; L. : 14,8 cm ; l. : 9,05 cm DAE, don Frédérica Tchacos, 1973, E 27134

Fig. 120 Crotales Époque romaine ou byzantine Égypte Métal cuivreux L. : 32,5 cm ; D. des cymbalettes : 7,3 cm DAE, mode d’acquisition inconnu, AF 6875

Fig. 122 Poupée Époque byzantine Antinoé ? (Égypte) Bois de citronnier H. : 21,5 cm ; l. : 4,5 cm ; ép. : 3,37 cm DAE, mode d’acquisition inconnu, AF 1183


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Fig. 118 Castagnette Époque byzantine Égypte Bois de tamaris L. : 9,9 cm ; l. : 6,3 cm ; ép. : 2,3 cm DAE, mode d’acquisition inconnu, E 21296

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Fig. 119 Cliquette Époque byzantine Égypte Os L. : 17 cm ; l. : 2,7 cm DAE, achat, 1928, E 13512 ; acquis en 1948 (transfert du musée Guimet), E 21272 et E 21275

Fig. 121 Cavalier Époque byzantine Égypte Bois de tamaris ; bois de liquidambar (essieu avant) H. : 15,8 cm ; L. : 14,8 cm ; l. : 9,05 cm DAE, don Frédérica Tchacos, 1973, E 27134

Fig. 120 Crotales Époque romaine ou byzantine Égypte Métal cuivreux L. : 32,5 cm ; D. des cymbalettes : 7,3 cm DAE, mode d’acquisition inconnu, AF 6875

Fig. 122 Poupée Époque byzantine Antinoé ? (Égypte) Bois de citronnier H. : 21,5 cm ; l. : 4,5 cm ; ép. : 3,37 cm DAE, mode d’acquisition inconnu, AF 1183


Populations et mode de vie

153

L

a vaisselle de terre cuite

La vaisselle égyptienne Geneviève Pierrat-Bonnefois

La céramique romaine conservée au département des Antiquités égyptiennes provient de fouilles remontant à la fin du xixe siècle ou au début du xxe siècle, insuffisamment ou mal documentées, sur les sites d’Abydos, d’Antinoé, d’Akôris (Tehna) et d’Hermopolis-ouest. Depuis la fin du xxe siècle, de grands progrès ont été faits en céramologie, grâce aux fouilles modernes qui permettent d’éclairer et de mettre en valeur ces anciens fonds. Malgré la diversité d’origine de la population de l’Égypte romaine, on ne saurait trouver de différence dans les objets les plus quotidiens qui soient : la vaisselle alimentaire. Sans doute est-ce dû à la nature des lieux fouillés, des sites prestigieux qui reflètent le cadre de vie romanisant, comme Antinoé, ville de fondation impériale, comme Akôris dont le temple était très fréquenté au iie siècle par les marins de la flotte romaine basée à Alexandrie, ou comme le fort de garnison romaine du Mons Claudianus, au cœur de la montagne arabique riche en carrières de pierres exploitées pour Rome. En outre, depuis la conquête du pays par Alexandre, et déjà sous la domination perse qui avait précédé, les Égyptiens avaient adopté les formes de vaisselles des civilisations auxquelles ils se trouvaient rattachés de force par le biais de ces immenses empires. Dans l’Égypte des quatre premiers siècles de notre ère, on trouve donc des vaisselles qui sont des variantes de celles du reste du monde romain. Cependant, à côté des importations, les produits locaux sont identifiables et dénotent certains caractères originaux. La vaisselle, qui avait subi l’empreinte du style grec pendant les trois derniers siècles avant Jésus-Christ, se transforme progressivement. On observe ainsi que les parois sont souvent annelées, alors qu’elles étaient auparavant lisses (fig. 125). Les fabriques produisent désormais des pièces à l’identique en quantité industrielle, comme les impressionnantes séries répétitives mises au jour dans le cimetière d’Antinoé, la cité fondée par l’empereur Hadrien en l’an 130. Un certain formatage industriel prend le pas sur la qualité plus soignée des céramiques de l’époque ptolémaïque précédente, aux formes plus diversifiées. Parmi les créations les plus originales, peut-être fabriquées à Memphis, citons les gourdes en terre cuite noire au décor moulé, le plus souvent d’un motif en rosette (fig. 126). Certaines portent des représentations très particulières, des couples d’Africains noirs enlacés, des scènes érotiques, thèmes que l’on a mis en relation avec le culte de Dionysos, dieu porteur d’un espoir d’immortalité et associé à l’ivresse du vin et à tous les débordements qui s’ensuivent. Il se pourrait donc que ces gourdes aient servi au vin lors des festivités dionysiaques, comme une alternative aux lagynoi grecs, des flacons à vin à panse aplatie, à long col et à anse, assez proches de nos carafes modernes, parfois également couverts de scènes érotiques. Ces gourdes à décor en relief s’inscrivent dans la longue histoire de cette forme d’origine levantine (comme le motif de la rosette), un temps associée à la fête du Nouvel An égyptien au viie siècle av. J.-C., puis encore en Égypte chrétienne, à partir du viie siècle de notre ère, au culte de saint Ménas. La forme de la gourde se retrouve ainsi, au fil des siècles, réutilisée comme support de croyances destinées à soulager l’homme de ses maux et de ses frayeurs.

Fig. 123 Vase à décor appliqué de feuillages ier siècle apr. J.-C. Égypte Faïence siliceuse H. : 19,5 cm ; D. : 18,4 cm DAE, legs Curtis, 1938, E 22585 Fig. 124 Coupelle à trois anses ornée d’un danseur iie siècle-début du iiie siècle apr. J.-C. Égypte Terre cuite, ateliers d’Assouan H. : 4,7 cm ; D. : 13 cm ; ép. : 13 cm DAE, achat, 1998 (collection H. PaquierBey), E 32574


Populations et mode de vie

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L

a vaisselle de terre cuite

La vaisselle égyptienne Geneviève Pierrat-Bonnefois

La céramique romaine conservée au département des Antiquités égyptiennes provient de fouilles remontant à la fin du xixe siècle ou au début du xxe siècle, insuffisamment ou mal documentées, sur les sites d’Abydos, d’Antinoé, d’Akôris (Tehna) et d’Hermopolis-ouest. Depuis la fin du xxe siècle, de grands progrès ont été faits en céramologie, grâce aux fouilles modernes qui permettent d’éclairer et de mettre en valeur ces anciens fonds. Malgré la diversité d’origine de la population de l’Égypte romaine, on ne saurait trouver de différence dans les objets les plus quotidiens qui soient : la vaisselle alimentaire. Sans doute est-ce dû à la nature des lieux fouillés, des sites prestigieux qui reflètent le cadre de vie romanisant, comme Antinoé, ville de fondation impériale, comme Akôris dont le temple était très fréquenté au iie siècle par les marins de la flotte romaine basée à Alexandrie, ou comme le fort de garnison romaine du Mons Claudianus, au cœur de la montagne arabique riche en carrières de pierres exploitées pour Rome. En outre, depuis la conquête du pays par Alexandre, et déjà sous la domination perse qui avait précédé, les Égyptiens avaient adopté les formes de vaisselles des civilisations auxquelles ils se trouvaient rattachés de force par le biais de ces immenses empires. Dans l’Égypte des quatre premiers siècles de notre ère, on trouve donc des vaisselles qui sont des variantes de celles du reste du monde romain. Cependant, à côté des importations, les produits locaux sont identifiables et dénotent certains caractères originaux. La vaisselle, qui avait subi l’empreinte du style grec pendant les trois derniers siècles avant Jésus-Christ, se transforme progressivement. On observe ainsi que les parois sont souvent annelées, alors qu’elles étaient auparavant lisses (fig. 125). Les fabriques produisent désormais des pièces à l’identique en quantité industrielle, comme les impressionnantes séries répétitives mises au jour dans le cimetière d’Antinoé, la cité fondée par l’empereur Hadrien en l’an 130. Un certain formatage industriel prend le pas sur la qualité plus soignée des céramiques de l’époque ptolémaïque précédente, aux formes plus diversifiées. Parmi les créations les plus originales, peut-être fabriquées à Memphis, citons les gourdes en terre cuite noire au décor moulé, le plus souvent d’un motif en rosette (fig. 126). Certaines portent des représentations très particulières, des couples d’Africains noirs enlacés, des scènes érotiques, thèmes que l’on a mis en relation avec le culte de Dionysos, dieu porteur d’un espoir d’immortalité et associé à l’ivresse du vin et à tous les débordements qui s’ensuivent. Il se pourrait donc que ces gourdes aient servi au vin lors des festivités dionysiaques, comme une alternative aux lagynoi grecs, des flacons à vin à panse aplatie, à long col et à anse, assez proches de nos carafes modernes, parfois également couverts de scènes érotiques. Ces gourdes à décor en relief s’inscrivent dans la longue histoire de cette forme d’origine levantine (comme le motif de la rosette), un temps associée à la fête du Nouvel An égyptien au viie siècle av. J.-C., puis encore en Égypte chrétienne, à partir du viie siècle de notre ère, au culte de saint Ménas. La forme de la gourde se retrouve ainsi, au fil des siècles, réutilisée comme support de croyances destinées à soulager l’homme de ses maux et de ses frayeurs.

Fig. 123 Vase à décor appliqué de feuillages ier siècle apr. J.-C. Égypte Faïence siliceuse H. : 19,5 cm ; D. : 18,4 cm DAE, legs Curtis, 1938, E 22585 Fig. 124 Coupelle à trois anses ornée d’un danseur iie siècle-début du iiie siècle apr. J.-C. Égypte Terre cuite, ateliers d’Assouan H. : 4,7 cm ; D. : 13 cm ; ép. : 13 cm DAE, achat, 1998 (collection H. PaquierBey), E 32574


ANNEXES


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L’Orient romain et byzantin au Louvre

C

Chaque année, des millions de visiteurs se pressent au Louvre, en quête de sens et d’histoire autant que de beauté. Pour répondre à cette double attente, le musée propose une nouvelle approche des civilisations antiques. Neuf salles dédiées à l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain rendent à présent hommage aux cultures qui se sont développées à l’époque où Rome était toute-puissante et régnait sur le pourtour de la Méditerranée (aujourd’hui Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Syrie, Territoires palestiniens et Turquie). De la conquête progressive de ces contrées par Rome, à partir du Ier siècle av. J.-C. jusqu’à la fin du IVe siècle, moment où l’Empire romain d’Orient devient byzantin, de profondes mutations, annonciatrices de la fin de l’Antiquité, se mettent en place, au premier rang desquelles le développement du christianisme. Multiples et différentes, résultant de mélanges d’influences plus de trois fois millénaires, ces provinces orientales ont pour point commun l’émergence d’expressions artistiques, de croyances et de pratiques culturelles relevant autant des civilisations ancestrales que de l’héritage grec et romain. Sculptures, peintures, mosaïques, éléments d’architecture, orfèvrerie, textiles, auxquels sont associés les témoignages tardifs de l’Égypte copte, illustrent cette floraison artistique. Replacées dans leur contexte par des spécialistes, ces œuvres prennent sens. Elles nous aident à comprendre ces vastes territoires aux innombrables facettes et valorisent l’une des plus belles collections consacrées à l’Orient romain et byzantin.

L’Orient romain et byzantin au Louvre

: 978-2-330-00748-5

9 782330 007485 Prix : 39 € www.actes-sud.fr

ACTES SUD

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